Les traumatismes vertébro-médullaires M. Kihal I. Définition - Généralités : A. Qu’est ce qu’un traumatisme vertébro-médullaire ? Un traumatisme vertébro-médullaire est une fracture du rachis cervical et/ou du rachis thoraco-lombaire qui s’accompagne d’une atteinte concomitante ou secondaire de la moelle épinière avec apparition de troubles neurologiques de gravité variable. Le traumatisme peut seulement être à impact rachidien ou être à impact multiple et c’est le cas du polytraumatisé ou du polyfracturé ; qui est encore plus grave avec un taux de mortalité élevé [6]. La notion de l’atteinte médullaire concomitante ou secondaire est en rapport avec l’instabilité de la fracture rachidienne, où les troubles neurologiques peuvent apparaitre ou s’aggraver à tout moment. Le ramassage et le transport du traumatisé du rachis joue un rôle capital pour éviter l’apparition ou l’aggravation de ses troubles neurologiques. La prise en charge du traumatisé vertébro-médullaire commence sur les lieux de l’accident ; elle doit être médicalisée avec procédés d’immobilisation et premiers soins de réanimation. Un traumatisé vertébro-médullaire développe souvent des troubles respiratoires et cardio-vasculaires. Ces troubles sont expliqués au chapitre suivant de physiopathologie. Les lésions du rachis à différents étages seront étudiées. La compression médullaire à l’origine de troubles neurologiques doit être levée le plus tôt possible. B. Physiopathologie : 1. Lésions médullaires : Après un traumatisme médullaire quelque soit son degré, on retrouve des manifestations cliniques fonctionnelles à type de paralysie plus ou moins complète. Il n’y a pas de parallélisme entre ces manifestations cliniques et les lésions anatomiques médullaires. Les lésions médullaires peuvent être de 3 ordres : a- La commotion médullaire ou le « choc spinal » : - Il s’agit d’un bloc de conduction où tous les reflexes sont abolis, mais sans lésion véritable de la moelle. Il dure de quelques minutes à quelques heures voire quelques jours (48h). Il est important de faire la part des choses entre ce choc spinal et la vraie atteinte neurologique à caractère complet ou incomplet [6, 11] ; il faut attendre en principe sa résolution à 48 heure après le traumatisme. L’indication chirurgicale urgente de décompression et stabilisation dépendra alors de l’instabilité des lésions osseuses en place. - b- La contusion médullaire : C’est la lésion la plus fréquente, on retrouve notamment : l’hémorragie qui est constante avec l’œdème et la nécrose ainsi que le ramollissement. L’hémorragie est sous forme de pétéchies multiples disséminées au niveau de la substance grise et de la substance blanche (fig.1). Les lésions peuvent s’étendre vers le haut et vers le bas ; ce sont des lésions secondaires des zones saines, liées notamment à l’hypoxie locale et à la souffrance médullaire [6]. La nécrose médullaire qui est constante peut aboutir à une myélomalacie centrale (ramollissement blanc ischémique) [11]. Enfin, la contusion médullaire peut être secondaire à une compression extrinsèque par un fragment osseux vertébral (fracture instable) et détermine un sillon transversal plus ou moins profond et situé en avant de la moelle. - - c- La rupture médullaire : - Les ruptures ou sections de moelle sont plus rares, on peut les observer notamment au niveau du rachis thoracique à cause de sa grande rigidité. On retrouve parfois à distance du traumatisme la syringomyélie post traumatique qui est une cicatrisation cavitaire formée par l’entremise des lymphocytes avec les macrophages [11]. - Fig.1 : La contusion médullaire et son évolution dans le temps de une heure à huit semaines selon Senegas. 2. Les lésions radiculaires : Les lésions radiculaires peuvent être isolées ou associées aux lésions médullaires. Elles sont comme les lésions nerveuses périphériques avec les 3 grands types ; la neurapraxie, l’axonotmesis et le neurotmesis. Ce dernier est le plus fréquent chez le traumatisé médullaire (lésion d’avulsion radiculaire). Les mêmes principes de conduite à tenir s’appliquent pour leur éventuelle récupération fonctionnelle. 3. Conséquences des lésions médullaires : Les lésions médullaires sont à l’origine de troubles hémodynamiques importants : a- Troubles respiratoires : - Par atteinte du diaphragme qui va empêcher le mécanisme de la toux. Par atteinte des muscles intercostaux qui va entraver la respiration par hypoventilation. On aura alors une hypercapnie avec modification de l’équilibre acido-basique. b- Troubles cardio-vasculaires : - - Les troubles cardio-vasculaires sont en rapport avec la perte du mécanisme de compensation sympathique. On retrouve notamment une bradycardie, voire une asystolie qui peuvent survenir suite à des stimulations vagales comme lors de l’aspiration bronchique ou lors de l’introduction du laryngoscope. Les hypotensions sont également fréquentes. La thrombose veineuse profonde est possible avec éventuelle embolie pulmonaire. c- Troubles médullaires locales : - Perte de l’autorégulation du débit sanguin médullaire qui va entrainer une diminution de la perfusion locale ainsi qu’une hypoxie. Il s’en suit alors une souffrance médullaire étendue avec propagation aux zones saines sus-jacentes, ce qu’on appelle les lésions médullaires secondaires. Il s’agit de destruction neuronale de la substance grise et de la substance blanche de la moelle. d- Autres troubles : - Le mécanisme de régulation thermique est habituellement perturbé. L’infection urinaire est fréquente. La dénutrition est également fréquente. 4. Implications thérapeutiques : De ces explications physiopathologiques liées à l’atteinte médullaire, on peut aisément déterminer la conduite à tenir pour prévenir la persistance et l’aggravation des troubles hémodynamiques et les troubles neurologiques : - - II. Lever l’obstacle osseux ou la compression de la moelle le plutôt possible (matelas gonflable, billot lordosant ensuite chirurgie précoce de décompression-stabilisation des lésions rachidiennes). Médication anti-œdème par l’administration précoce et massive de corticoïdes en intraveineux. Lutter contre l’hypoxémie par une bonne oxygénation. Garder une bonne hématose avec un état circulatoire correct par les perfusions et éventuelle médication telle la dopamine (amines pressives). Examen clinique du traumatisé médullaire : - Il faudra tout d’abord essayer de cerner les éléments de gravité du traumatisme médullaire : Les circonstances de l’accident : heure de l’accident, accident de circulation, chute de lieu élevé… Les conditions de ramassage et de transport. Le terrain du patient. Pour la prise en charge initiale, il faut : Etablir un bilan lésionnel complet, locomoteur, crânio-céphalique et thoracoabdominal. Prendre de bonnes voies d’abord veineuse pour le remplissage et l’administration de methylprédnisolone. Traiter la détresse respiratoire et neurologique. Pour l’atteinte médullaire, il faut établir une évaluation clinique par le score ASIA et par la classification de Fränkel : 1. Score ASIA : - - Le score ASIA est un score d’évaluation de la motricité et de la sensibilité pour les membres supérieurs et les membres inférieurs ; il teste les racines de C5 à T1 et de L2 à S1. La cotation internationale de 0 à 5 du testing musculaire est appliquée pour 5 musclesclés du membre supérieur et du membre inférieur (fig.2). Le score total maximal à l’état normal est de 25 pour chaque membre (score total de 100 pour les 4 membres à l’état normal). 2. Classification de Fränkel : - Elle classe les atteintes médullaires et/ou radiculaires par ordre de gravité croissante en 5 stades pour les membres inférieurs en paraplégie (4 stades en fait, car le dernier stade E est l’état normal) : Fränkel A : Paralysie complète motrice et sensitive. Fränkel B : Paralysie complète motrice et incomplète sensitive. Fränkel C : Paralysie incomplète motrice et incomplète sensitive, sans possibilité de marche si le patient pouvait se mettre debout Fränkel D : Paralysie incomplète motrice et incomplète sensitive, avec possibilité de marche si le patient pouvait se mettre debout Fränkel E : C’est l’état Normal sans paralysie. Le toucher rectal est indispensable pour apprécier le caractère complet ou incomplet de l’atteinte : sensibilité de la marge anale, sensation anale profonde, contraction volontaire ou béance du sphincter anal. Si tout est normal, cela signifié de façon certaine que l’atteinte est incomplète [6]. Fig.2 : Le testing musculaire du membre supérieur et du membre inférieur pour établir le score ASIA. 3. Les syndromes incomplets de l’atteinte médullaire : - On cite les 5 syndromes médullaires à caractère incomplet : Le syndrome central : apanage des lésions médullaires de l’étage cervical avec prédominance de l’atteinte motrice au membre supérieur. Le syndrome de Brown-Séquard : c’est l’atteinte classique motrice homolatérale et sensitive thermoalgique controlatérale. Le syndrome antérieur de la moelle : c’est une atteinte variable motrice et thermoalgique. Le syndrome du cône médullaire : c’est l’atteinte du cône et des racines lombaires ; elle touche les membres inférieurs avec une aréflexie vésicale. Le syndrome de queue de cheval : c’est l’atteinte des racines lombosacrées ; elle touche également les membres inférieurs avec une aréflexie vésicale. III. Anatomie pathologie des lésions osseuses vertébrales : L’étude de l’anatomie pathologique, c’est le diagnostic des lésions radiologiques par la prescription de l’imagerie. A. Le mécanisme des lésions vertébrales : a. Le rachis cervical : On distingue principalement 3 mécanismes ; traumatisme en hyper flexion, traumatisme en hyperextension et traumatisme mixte appelé le « coup de lapin » qui est une hyperflexion suivie d’une hyperextension ou le « coup de fouet » qui est une hyperextension suivie d’une hyperflexion lorsque le véhicule reçoit le choc par en arrière (fig.3 d). Il peut s’agir surtout d’accidents de circulation mais aussi d’autres accidents domestiques et sportifs (fig.4). Les chutes de lieux élevés sont également une cause fréquente (fig.5 a). (a) (b) (c) (d) Fig.3 : Les accidents de circulation sont à l’origine de lésions vertébrales cervicales graves. Le mécanisme en hyperflexion (a et b), le mécanisme en hyperextension (c), et le mécanisme mixte en « coup de lapin » ou en « coup de fouet » (d). a) (b) (c) (d) (e) Fig.3 : Les autres accidents domestiques et sportifs qui sont à l’origine de lésions vertébrales cervicales. La chute dans les escaliers avec mécanisme d’hyperflexion (a), chute sur le bord de la baignoire avec mécanisme d’hyperextension (b), accidents sportifs en hyperextension (c et d), et plongeon en eau peu profonde avec mécanisme d’hyperflexion (e). b. Le rachis thoracique et lombaire : On retrouve plusieurs mécanismes mais souvent avec une grande vélocité violence notamment pour le rachis thoracique. Les accidents de circulation sont au premier plan avec surtout des mécanismes combinés (fig.4 a et b ). Les chutes de lieux élevés sont au second plan, avec parfois un mécanisme pure de compression axiale ou de compression-flexion (fig.4 d et e). On peut citer également lors des chutes de lieux élevés, le mécanisme de compression latérale, d’extension, de flexion-distraction, et de flexionrotation (fig.5). Pour les fractures du rachis thoracique qui sont plus dangereuses en raison de la présence de la cage thoracique qui rigidifié ce segment vertébral, Argenson = a décrit le mécanisme de cisaillement lié au volant du véhicule ou à la ceinture de sécurité (fig.6). C’est la fameuse fracture-cisaillement de type III de Denis appelée « seat belt fracture » ou fracture de la ceinture de sécurité. a) (b) (c) (d) (e) Fig.4 : Les mécanismes de fractures du rachis thoraco-lombaire. L’accident de circulation avec l’éjection du passager et mécanisme de compression-rotation (a), le passager arrière et le mécanisme de flexion-rotation (b), la chute en flexion sur la charnière cervico-thoracique (c), la chute sur les pieds de lieu élevé avec mécanisme de compression (d) et mécanisme de compression-flexion (e). a) (b) (c) (d) (e) (f) Fig.5 : Les mécanismes de fractures du rachis thoraco-lombaire. Le mécanisme de compression latérale (a), le mécanisme d’extension (b), le mécanisme de flexion-distraction (c), le mécanisme de flexion-rotation et ses lésions (d, e et f). a) (b) (c) (d) Fig.6 : Les mécanismes de fractures du rachis thoracique. Le choc antérieur dû au volant et le mécanisme de translation antéro-postérieure (a), le mécanisme de cisaillement oblique dû à la ceinture de sécurité (b), la présence de la cage thoracique qui aggrave et complique les lésions en donnant la compression médullaire ainsi que l’hémothorax (c et d). B. Lésions osseuses et disco-ligamentaires élémentaires : 1. Les lésions osseuses vertébrales : Aussi bien pour le rachis cervical que pour le rachis thoraco-lombaire, les traits de fracture sont divers et nombreux ; on note la fracture sagittale, frontale, horizontale et comminutive fig.7 et 8). a) (b) (c) (d) (e) Fig.7 : Les différents traits de fracture du rachis cervical. La fracture sagittale multiple de l’atlas (a), la fracture frontale postérieure de l’axis (b), la fracture frontale oblique antérieure de l’axis (c), la fracture horizontale de l’axis (d), et la fracture-tassement du rachis cervical inférieur (e). a) (b) (c) (d) Fig.8 : Les différents traits de fracture du rachis thoraco-lombaire. La fracture sagittale de l’arc antérieur et de l’arc postérieur (a), la fracture frontale du corps vertébral (b), la fracturetassement (horizontale) du corps vertébral avec fragment postéro-supérieur neurotoxique(c), et la fracture horizontale de Chance avec propagation des lésions vers l’arc postérieur (d). Toutes ces fractures décrites peuvent être la source de lésions médullaires, l’instabilité fracturaire sera étudiée au chapitre suivant. 2. Les lésions osseuses et disco-ligamentaires : Les lésions disco-ligamentaires peuvent être isolées sans lésions osseuses associées ; ce sont les entorses graves et les luxations vertébrales qui sont l’apanage exclusif du rachis cervical (fig.11 et 12). Elles sont souvent à l’origine de lésions médullaires, on note particulièrement la luxation occipito-cervicale et la luxation C1-C2 (fig.11). Les lésions disco-ligamentaires sont réputées par leur grande instabilité. Les lésions disco-ligamentaires peuvent être associées à des lésions osseuses et l’instabilité est alors plus grande ; la fameuse fracture « tear drop » en est la parfaite illustration (fig.9). La fracture en « tear drop » se voit surtout à l’étage cervical mais aussi à l’étage thoracique et lombaire. Cette fracture mérite une lecture minutieuse des radiographies car les lésions disco-ligamentaires peuvent passer inaperçues (l’intérêt de l’IRM). a) (b) (c) (d) Fig.9 : Les lésions disco-ligamentaires sont à l’origine de troubles médullaires. Lésion discoligamentaire avec tassement du corps vertébral (a), la fracture en « tear drop » et le mécanisme lésionnel (b et c), autre variété de la fracture « tear drop » (d). C. Notion de stabilité de la fracture du rachis : Avant d’aborder cette notion de stabilité des lésions vertébrales, il est utile de rappeler les structures entourant le canal rachidien ; car c’est celui-ci qui doit être ménagé pour éviter toute apparition de troubles médullaires. Denis a individualisé dans le plan sagittal 3 colonnes rachidiennes, antérieure, moyenne et postérieure. Le canal rachidien est situé entre la 2ème et la 3ème colonne et toute atteinte de cette partie risque de donner des troubles neurologiques (fig.10 a). Roy Camille en avait défini plus simplement le risque neurologique ; si le segment vertébral moyen (SVM) et/ou le segment mobile rachidien (SMR) sont touchés il y a alors instabilité avec possibilité de présence de fragment osseux neurotoxique intracanalaire (fig.10 b et c). a) (b) (c) Fig.10 : Les éléments osseux et disco-ligamentaires conditionnant l’atteinte médullaire. Les 3 colonnes de Denis, l’antérieure, la moyenne et la postérieure (a), le segment vertébral moyenSVM (b), et le segment mobile rachidien-SMR (c). Le SVM comprend le mur postérieur du corps vertébral, les 2 pédicules, les 2 lames et les 2 apophyses articulaires. Le SMR comprend le ligament vertébral commun antérieur, le disque intervertébral, le ligament vertébral commun postérieur, la capsule articulaire, le ligament jaune interlamaire, le ligament interépineux et le ligament surépineux (fig.10 c). a) (b) (c) Fig.11 : Les lésions disco-ligamentaires et osseuses donnant une compression médullaire. La luxation C1 – C2 (a), la compression médullaire selon le mécanisme lésionnel en flexion et en extension (b), la fracture comminutive du corps vertébral (burst fracture) pouvant donner une compression médullaire (c). a) b) c) d) Fig.12 : Les lésions osseuses et disco-ligamentaires donnant une compression médullaire. L’atteinte du SVM lors de la fracture de la vertèbre thoracique se trouvant très à l’étroit et de la vertèbre lombaire donnant un éclatement (a), la compression médullaire lors de l’atteinte du SMR (b), la fracture comminutive du corps vertébral bourrant le canal sur le scanner(c), et le canal médullaire à l’état normal (d). Vaccaro en 2006 a insisté par une nouvelle classification sur l’importance de l’intégrité du complexe ligamentaire postérieur sur la stabilité de la fracture thoracolombaire. Si celui-ci est atteint en le vérifiant même avec une IRM, l’indication opératoire est retenue (fig.13). Le complexe ligamentaire postérieur comprend le ligament vertébral commun postérieur, la capsule articulaire, le ligament jaune interlamaire, le ligament interépineux et le ligament surépineux (fig.10 c). a) b) c) d) Fig.13 : Les lésions du complexe ligamentaire postérieur conditionnent l’instabilité fracturaire. La burst fracture instable de type de II de Denis (a), la fracture par flexiondistraction de type III de Denis (b), la fracture de Chance (c), et la luxation ou l’entorse grave sans fracture au niveau du rachis cervical (d). Denis en 1983 a classé les fractures du rachis thoraco-lombaire en 4 types de gravité croissante. Il y a seulement le type I qui est une fracture stable (fracture par compression-tassement) et le type II (fracture par compression éclatement) quand il n’y a pas d’atteinte de l’arc postérieur ; tous les autres types et sous-types sont des fractures instables. Le type III est la fracture par flexion-distraction ou par cisaillement (fig.6) et le type IV est la fracture-dislocation par flexion-rotation, c’est la plus dangereuse (fig.14). Magerl en 1992 a classé les fractures du rachis thoraco-lombaire en 3 types, également de gravité croissante. Le type A est la fracture par compression, le type B est la fracture par flexion-distraction et le type C est la fracture par rotation (fig.15). Chaque type a 3 sous-types de gravité croissante. A B C Fig.13 : La fracture-dislocation de type IV de Denis avec ses 3 sous-types. La fracture par flexion-rotation (A), la fracture par cisaillement (B), et la fracture par flexion-distraction (C). Fig.13 : La classification de Magerl. Le type A ou fracture par compression, le type B ou fracture par flexion-distraction et le type C ou fracture par rotation. D. Particularités des fractures du rachis cervical : - - Les traumatismes du rachis cervical sont réputés pour leur gravité sur le plan fonctionnel en raison de l’atteinte médullaire fréquente. Ils sont pourvoyeurs de tétraplégies. On cite notamment : 1. La luxation occipito-atloïdienne : Elle survient lors du « coup de fouet » dans les accidents de circulation avec collision par en arrière (fig.14 a). C’est un traumatisme grave et pouvant poser un problème de diagnostic. Le traitement peut être une réduction orthopédique suivi de traction ou chirurgical avec craniotomie et arthrodèse. 2. La fracture-éclatement de l’atlas ou fracture de Jefferson : Cette fracture est également grave en raison des lésions médullaires qu’elle peut occasionner (fig.14 b). Son diagnostic est généralement facile avec les radiographies standards (bouche ouverte et incidences dynamiques) et le scanner. En cas de lésion médullaire associée, le traitement est chirurgical (réduction avec arthrodèse C1-C2). a) b) c) d) Fig.14 : Les traumatismes graves de C1 – C2. La luxation occipito-atloïdienne (a), la fractureéclatement de l’atlas (b), la fracture de l’apophyse odontoïde (c et d). - 3. La fracture de l’apophyse odontoïde : C’est une fracture très instable et qui peut être très agressive sur la moelle, avec un déplacement C1-Apophyse odontoïde soit en avant soit en arrière (mécanisme en flexion ou en extension). - Son traitement est surtout chirurgical par vissage, laçage et arthrodèse (fig.14 et 16). - 4. La fracture des pédicules de l’axis ou fracture de Hangman : Cette fracture est très instable et elle peut être neurotoxique. Elle connait une classification (Levine) en 3 grades de gravité croissante. Le grade III est appelée la « fracture du pendu » (fig.15). La traction trans-crânienne peut être utilisée mais le traitement est surtout chirurgical. - 5. La luxation atloïdo-axoïdienne (C1-C2) : C’est une entorse grave particulièrement dangereuse en raison de l’éventuelle atteinte bulbo-médullaire (fig.15 et 16). Son traitement est surtout chirurgical par arthrodèse C1-C2. a) b) c) Fig.15 : Les traumatismes graves de C1 – C2. La fracture-luxation de type III de Hangman appelée la « fracture du pendu » (a et b), et la luxation atloïdo-axoïdienne C1-C2 (c). a) b) c) d) Fig.16 : La stabilisation chirurgicale des lésions de C1 – C2. L’arthrodèse occipito-atloïdienne (a), le laçage sans arthrodèse de C1-C2 (b), le laçage avec arthrodèse et vissage de C1-C2 (c et d). - 6. Les lésions du rachis cervical bas de C3 à C7 : Les fractures et les luxations sont fréquentes et peuvent être également très neurotoxiques. Toutes les composantes du mécanisme sont retrouvées : la compression, la flexionextension-distraction et la rotation. Les lésions rotatoires sont la fameuse luxation apophysaire uniarticulaire et la fractureséparation des massifs articulaires qui peuvent passer inaperçues. La réduction orthopédique de ces lésions peut être effectuée en urgence (fig.19), ensuite le traitement sera surtout chirurgical ; plaque vissée avec arthrodèse (fig.21 d). E. Particularités des fractures du rachis thoraco-lombaire : Les fractures de la charnière thoraco-lombaire de T10 - L2 sont les plus fréquentes ; la localisation sur L1 est au premier plan. Les fracture de l’étage thoracique sont les plus graves, on retrouve notamment les fractures-dislocations de type III et IV de Denis ou de B et C de Magerl, avec des lésions médullaires très fréquentes (fig.17). Elles surviennent chez les sujets jeunes et surtout lors des accidents de circulation et parfois aussi lors de chute de palmiers en saison de la récolte de dattes. a) b) c) d) Fig.17 : Les particularités des lésions du rachis thoracique. Luxation antérieure de T11 associée à une fracture-luxation de C2 avec troubles neurologiques complets (a et b), et luxation totale de T3 avec troubles neurologiques complets (c et d). I Prise en charge préhospitalière : Les premiers soins sur les lieux de l’accident jouent un rôle essentiel dans la prévention de l’aggravation des lésions médullaires. Il s’agit le plus souvent d’accidents graves donnant le contexte de polytraumatisme avec possibilité de méconnaissance des lésions rachidiennes d’autant si le traumatisé est dans le coma. Ainsi, il y a une « façon de faire » pour le ramassage pour éviter toute manipulation malencontreuse qui aggraverait les lésions en place (fig.18). Le transport d’évacuation du blessé doit être « médicalisé » avec une première réanimation à bord. Un premier examen clinique est alors effectué pour une appréciation globale de l’état du blessé. a) (b) (c) Fig.18 : La mise en condition et le ramassage du traumatisé du rachis. Mise en place systématique d’une minerve autour du cou (a), le ramassage du blessé en rectitude et traction par 4 personnes (b), et ramassage en pont de traction par 4 personnes (c). II - Prise en charge hospitalière Au niveau des « Urgences », la prise en charge doit être précoce et complète. Il faut rapidement s’enquérir des éléments habituels : interrogatoire, prise de bonnes voies d’abord veineuse, examen clinique complet, mise en place des 4 « tuyaux » et commencer la réanimation. L’examen neurologique précis avec la cotation et le testing doit être répété. Les examens complémentaires seront alors demandés : De première intention : radiographies standards de tout le rachis, du crâne, du bassin et du thorax et en fonction des signes d’appel, ainsi que le bilan biologique. De deuxième intention : le scanner et l’IRM ou autres… L’immobilisation provisoire du rachis est maintenue et la réanimation est poursuivie : Le schéma de Bracken est installé : administration de corticoïdes en intraveineux (methylprédnisolone) à dose de 30 mg/kg pendant les 30 premières minutes de l’accident ensuite à dose de 5,4 mg/kg/heure pendant 24 à 48 heures. L’ion calcium et les inhibiteurs calciques ainsi que d’autres produits ont été utilisés par certains auteurs [6]. Le délai opératoire idéal demeure avant la 6ème heure post-traumatique, aussi bien pour la réduction par manœuvres externes pour le rachis cervical (fig.19 et 20) que pour la décompression avec la stabilisation chirurgicale (fig.21 et 22). a) b) c) d) Fig.19 : La réduction orthopédique par manœuvres externes dans les luxations du rachis cervical. Luxation uni-articulaire du rachis cervical bas (a), la réduction grâce à la traction trans-crânienne par la manipulation de l’étrier du coté de la luxation (b), la réduction en flexion ou en extension selon le sens de la luxation (c et d). a) b) Fig.20 : La réduction orthopédique par la traction trans-crânienne dans les luxations et fractures-luxations du rachis cervical. Le dispositif de traction avant la réduction (a), la réduction est obtenue grâce à la traction trans-crânienne selon 3 niveaux en fonction de l’effet recherché ; position neutre, flexion ou extension (b). Pour le rachis cervical, la voie d’abord pour la réduction (la décompression) et la stabilisation peut être antérieure ou postérieure (fig.21). La laminectomie n’est pas obligatoire [6]. a) b) c) d) Fig.21 : La réduction chirurgicale instrumentale dans les luxations et fractures-luxations du rachis cervical. La réduction instrumentale par voie antérieure (a), la réduction postérieure par manœuvre de levier grâce à une spatule (b), la réduction postérieure grâce une « pince à champs » (c), et la stabilisation par plaque postérieure (d). Pour le rachis thoraco-lombaire, la voie d’abord habituelle en urgence est la voie postérieure ; la laminectomie en cas de lésion médullaire est par contre ici obligatoire (fig.22). Le temps de réduction comprendra également des manœuvres instrumentales et la stabilisation solide se fera avec un montage court ou long selon les cas. a) b) c) d) Fig.22 : Le traitement chirurgical des fractures thoraco-lombaires. La laminectomie avec la préparation de l’ancrage des vis pédiculaires (a), la laminectomie avec l’extraction ou le refoulement de fragments osseux (b), la stabilisation de la fracture par les vis pédiculaires reliées à 2 tiges parallèles (c et d). IX. Conclusion : Les traumatismes vertébro-médullaires demeurent des accidents graves avec un contexte de polytraumatisme. Leur prise en charge doit être très précoce et multidisciplinaire en raison des lésions associées fréquentes crânio-céphaliques et thoraco-abdominales. Le traitement médical avec l’administration massive de corticoïdes dans les 3 premières heures pour éviter l’aggravation des troubles neurologiques reste de mise. Le délai opératoire des 6 heures post traumatiques pour la réduction et la stabilisation osseuse demeure l’idéal. La surveillance avec une réanimation post opératoire intempestive du blessé médullaire est essentielle. Bibliographie : 1. 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