peut pas faire tout et n’importe quoi avec les constitutions. On a vu dans l’histoire qu’une
constitution trop facilement modifiable pouvait mener à des dérives catastrophiques. (Hitler est
arrivé démocratiquement au pouvoir et il a pu changer la constitution avec une facilité inouïe).
On a vu qu’une Constitution fournissait aux pouvoirs constitués la légitimité nécessaire pour
produire du droit positif et l’appliquer. La question que l’on se pose pourrait donc être, qu’elle
est la légitimité de ces Constitutions. Quel est, en quelque sorte, la Légitimité originaire ? Il
n’est pas possible de répondre précisément à cette question tant les réponses peuvent varier que
l’on soit dans tel ou tel domaine. Le juriste, le philosophe le politologue et l’historien amèneront
tous des éléments différents pour tenter de répondre à cette question.
Tout fois, un premier élément de réponse peut être trouvé dans la fiction. Et plus
particulièrement dans les histoires racontées par deux auteurs. J-J Rousseau, et Thomas Hobbes.
Ces derniers développent le concept du contrat social. Le contrat social serait un pacte fait entre
les hommes pour se constituer en société. Ce contrat social présuppose l’idée d’un état de nature
dans lequel l’homme vit une vie sauvage dans laquelle la norme n’existe pas. L’homme poussé
par son désir de sécurité et sa raison va vouloir se doter d’une communauté politique. Chez
Hobbes, les hommes vont se défaire de leurs droits et placer leur souveraineté dans le Léviathan,
une entité fictive qui une fois choisie garantira le respect du contrat d’une main de fer et donc
par la Force. Ce Léviathan représente l’Etat dans la pensée de Hobbes. Rousseau, lui, nous dit
que les hommes vont vouloir conclure un pacte afin de garantir leur liberté civile par des lois,
les hommes ne vont, par contre, pas abandonner leur souveraineté comme chez Hobbes, dans
cette théorie du contrat social, la souveraineté du peuple est déterminante, il n’y a qu’en vertu
de cette dernière que l’Etat pourra se constituer. Rousseau se fait fervent défenseur de la
souveraineté populaire. Cette théorie va par la suite influencer les idées qui ont mené à la
révolution française et donc à la Déclaration de 1789. Les révolutionnaires utiliseront la fiction
du contrat social chez Rousseau comme base légitime à la rédaction de la déclaration.
Je ne vais cependant pas m’étendre sur la Révolution française pour prendre un cas plus proche,
historiquement mais aussi sentimentalement. Je parle ici de la rédaction de l’unique
Constitution Belge, celle de 1831. L’article de David Van Reybrouck ainsi que le site officiel
du service public fédéral, nous donnent un aperçu de ce qu’était le contexte social à l’époque.
On y apprend que la révolution qui débute en Aout 1830, était à la base, une initiative populaire
d’un peuple mécontent à la suite certains coups du sort, une mauvaise récolte et une révolution
en France, la bourgeoisie bruxelloise quant à elle ne se plaignait pas du régime hollandais. Mais
les évènements prennent une ampleur inattendue et très vite un comité composé de membres de
la classe bourgeoise et de membres des classes inférieures se crée afin de coordonner les actions
armées à l’encontre de l’armée hollandaise. Ce même comité, largement dirigé par la
bourgeoisie, l’aristocratie et le clergé devint un gouvernement provisoire et chargea à une
commission de rédiger la Constitution qui fut débattue et votée le 7 février 1831 au congrès
national.
Qu’est-ce qui a justifié l’écriture d’une constitution pour ce futur Etat qui n’en n’avait jamais
été un ? A cette question Francis Delpérée nous donne quelques éléments intéressants. D’une
part il y a le succès des opérations armées, mais celles-ci n’auraient pu conduire qu’à une
renégociation du statut des provinces ou encore à un rattachement à la France. Ce qui semble
vraiment sceller le destin de cette futur « Belgique », c’est la reconnaissance internationale de
la part des grandes nations, et plus particulièrement le Royaume-Uni. Suite à cette
reconnaissance internationale, le royaume de Belgique avait le champ libre pour naître et
exister.