Le thème que je voudrais développer est celui de la légitimité des constitutions et donc des pouvoirs constituants au cours de l'Histoire récente (de la fin du 18ème siècle à Aujourd'hui). L'interrogation qui est à la base de ma réflexion est celle-ci: De nos jours, lorsqu'une région cherche à faire sécession de son Etat (l'Ecosse, la Catalogne, Le Soudan du Sud) elle fait systématiquement un référendum d'autodétermination reconnu ou non par l'Etat central. Je vois donc dans ces référendums, lorsqu'ils sont positifs, une bonne légitimité pour commencer à rédiger une constitution qui encadrera juridiquement le nouvel Etat. Je me suis donc demandé, qu'elle était la légitimité des pouvoirs constituants à l'époque des nationalismes européens au 19ème siècle. Je tenterai, avant tout, de donner une forme d’explication à la légitimité des constitutions et donc des pouvoirs constituants aux sources de celles-ci. Je tacherai de définir quelques notions que j’utiliserai dans le déroulement de ma réflexion. J’enchainerai ensuite avec une analyse des constitutions rédigées à l’époque de l’Europe des mouvements révolutionnaires et nationalises donc la fin du 18ème et le 19ème siècle. Je continuerai ensuite par l’analyse de la légitimité de constitutions récentes dans des Etats qui généralement se sont émancipés à l’aide du référendums d’autodétermination. Définissons brièvement plusieurs notions. Une constitution. Et pour ce faire je vais reprendre les propos d’Olivier Beaud. Selon lui la Constitution est cet acte juridique constituant qui exprime la souveraineté du peuple et limite la puissance des pouvoirs publics entre eux et envers les citoyens. Elle est caractérisée dans nos démocraties par son caractère inabrogeable et incontestable. De plus La Constitution représente la norme suprême en ce sens que sa validité juridique ne dérive d’aucune autre norme de droit positif. C’est d’ailleurs le rapport inverse, la légitimité des pouvoir(s) et des normes édictées par ces derniers ainsi que tout ce qui s’en suit, trouve leur légitimé juridique dans la Constitution en amont. Elle peut être coutumière (les pays du Common law) ou écrite. D’où viennent les constitutions. Qui sont à la source de celles-ci ? Ce sont des interrogations que l’on peut retrouver dans différents domaines, l’histoire, le droit constitutionnel et la science politique. Pour ma part j’essaierai de me cantonner aux recherches de pensée effectuées par une série d’auteurs. Dans cet optique, j’utiliserai les théories de Raymond carré de Malberg, de l’abbé Sieyès ainsi que leurs lecteurs. Sieyès est le premier à distinguer un pouvoir supérieur au trois pouvoirs habituellement définis dans la théorie politique concernant l’Etat, à savoir les pouvoirs, législatif, exécutif et judiciaire, qu’on appellera dorénavant les pouvoirs constitués. Ce quatrième pouvoir mentionné par Sieyès, c’est le pouvoir constituant, c’est en vertu de ce dernier que l’on pourra rédiger l’acte qui constituera l’Etat et les trois pouvoirs inhérents à celuici. Plus tard dans le temps, Raymond Carré de Malberg avance plus loin dans la définition de ce pouvoir supérieur. Cet auteur distingue deux pouvoirs dits constituants. Le premier, le pouvoir constituant originaire (appellation que l’on doit à Roger Bonnard, publication dans la revue de droit public en 1942), Ce dernier à l’origine de la création de la Constitution. Il survient généralement dans le cas d’un vide constitutionnel, créé à la suite d’évènements majeurs tels que des révolutions, des soulèvements populaires, etc. Raymond Carré de Malberg distingue de ce premier pouvoir, un deuxième qui lui par contre s’exerce dans un cadre juridique et cela parce qu’il est prévu par la Constitution. Georges Burdeau l’appellera pouvoir révisionnel, il permet effectivement de réviser/modifier la constitution. Ce pouvoir est de nos jours assez limité dans les sociétés démocratiques. On ne peut pas faire tout et n’importe quoi avec les constitutions. On a vu dans l’histoire qu’une constitution trop facilement modifiable pouvait mener à des dérives catastrophiques. (Hitler est arrivé démocratiquement au pouvoir et il a pu changer la constitution avec une facilité inouïe). On a vu qu’une Constitution fournissait aux pouvoirs constitués la légitimité nécessaire pour produire du droit positif et l’appliquer. La question que l’on se pose pourrait donc être, qu’elle est la légitimité de ces Constitutions. Quel est, en quelque sorte, la Légitimité originaire ? Il n’est pas possible de répondre précisément à cette question tant les réponses peuvent varier que l’on soit dans tel ou tel domaine. Le juriste, le philosophe le politologue et l’historien amèneront tous des éléments différents pour tenter de répondre à cette question. Tout fois, un premier élément de réponse peut être trouvé dans la fiction. Et plus particulièrement dans les histoires racontées par deux auteurs. J-J Rousseau, et Thomas Hobbes. Ces derniers développent le concept du contrat social. Le contrat social serait un pacte fait entre les hommes pour se constituer en société. Ce contrat social présuppose l’idée d’un état de nature dans lequel l’homme vit une vie sauvage dans laquelle la norme n’existe pas. L’homme poussé par son désir de sécurité et sa raison va vouloir se doter d’une communauté politique. Chez Hobbes, les hommes vont se défaire de leurs droits et placer leur souveraineté dans le Léviathan, une entité fictive qui une fois choisie garantira le respect du contrat d’une main de fer et donc par la Force. Ce Léviathan représente l’Etat dans la pensée de Hobbes. Rousseau, lui, nous dit que les hommes vont vouloir conclure un pacte afin de garantir leur liberté civile par des lois, les hommes ne vont, par contre, pas abandonner leur souveraineté comme chez Hobbes, dans cette théorie du contrat social, la souveraineté du peuple est déterminante, il n’y a qu’en vertu de cette dernière que l’Etat pourra se constituer. Rousseau se fait fervent défenseur de la souveraineté populaire. Cette théorie va par la suite influencer les idées qui ont mené à la révolution française et donc à la Déclaration de 1789. Les révolutionnaires utiliseront la fiction du contrat social chez Rousseau comme base légitime à la rédaction de la déclaration. Je ne vais cependant pas m’étendre sur la Révolution française pour prendre un cas plus proche, historiquement mais aussi sentimentalement. Je parle ici de la rédaction de l’unique Constitution Belge, celle de 1831. L’article de David Van Reybrouck ainsi que le site officiel du service public fédéral, nous donnent un aperçu de ce qu’était le contexte social à l’époque. On y apprend que la révolution qui débute en Aout 1830, était à la base, une initiative populaire d’un peuple mécontent à la suite certains coups du sort, une mauvaise récolte et une révolution en France, la bourgeoisie bruxelloise quant à elle ne se plaignait pas du régime hollandais. Mais les évènements prennent une ampleur inattendue et très vite un comité composé de membres de la classe bourgeoise et de membres des classes inférieures se crée afin de coordonner les actions armées à l’encontre de l’armée hollandaise. Ce même comité, largement dirigé par la bourgeoisie, l’aristocratie et le clergé devint un gouvernement provisoire et chargea à une commission de rédiger la Constitution qui fut débattue et votée le 7 février 1831 au congrès national. Qu’est-ce qui a justifié l’écriture d’une constitution pour ce futur Etat qui n’en n’avait jamais été un ? A cette question Francis Delpérée nous donne quelques éléments intéressants. D’une part il y a le succès des opérations armées, mais celles-ci n’auraient pu conduire qu’à une renégociation du statut des provinces ou encore à un rattachement à la France. Ce qui semble vraiment sceller le destin de cette futur « Belgique », c’est la reconnaissance internationale de la part des grandes nations, et plus particulièrement le Royaume-Uni. Suite à cette reconnaissance internationale, le royaume de Belgique avait le champ libre pour naître et exister. Autant chez Rousseau et chez les révolutionnaires français, la souveraineté du peuple semble être à la source de la légitimé nécessaire à la rédaction d’une constitution, autant chez les belges, c’est la reconnaissance internationale qui semble primer. L’élection du premier parlement fut l’affaire des grands propriétaires terrien, des aristocrates et des membres des professions libérales, le peuple ne fut pas vraiment pris en compte. Nous en venons maintenant à nous demander qu’est-ce qui fonde la légitimité des rédacteurs de Constitutions récentes. Dans le paysage européen et mondial, on entend de plus en plus parler de « référendum d’autodétermination », je pense au cas de l’Ecosse et de la Catalogne, je pense aussi au cas du plus jeune Etat du monde, le Soudan du Sud. Ces référendums d’autodétermination portent généralement sur la sécession d’une région de son Etat. Ils sont parfois légaux, Soudan et Royaume-Uni. Ou à l’inverse, ces référendums sont parfois dénoncés et combattus en justice par les Etats, Madrid et la catalogne. Dans les deux cas, ils constituent l’expression d’un peuple à vouloir prendre possession de son destin. Ces référendums trouvent leur légitimité dans ce qui se rapproche selon moi du concept de Contrat Social de Rousseau, mais pris dans un angle de vue différent. Chez Rousseau, le peuple conclu un pacte social pour se constituer en Etat et éviter une situation d’anarchie, alors que dans ces processus que sont les référendums d’autodétermination, le peuple conclu un pacte en son sein mais aussi avec les acteurs extérieurs afin de se constituer en Etat et prendre en main leur destin. Et les acteurs extérieurs ont ici toute leur importance. On l’avait déjà vu en Belgique, la reconnaissance internationale a joué pour beaucoup dans le processus de constitution de l’Etat. De nos jours, la reconnaissance d’un référendum est indispensable pour débuter la rédaction d’une constitution. Pour conclure, je dirais que la souveraineté populaire semble avoir été pendant longtemps l’élément indispensable pour constituer l’Etat. Et c’est encore le cas aujourd’hui, mais il semblerait que l’élément qui soit encore plus déterminant c’est la reconnaissance de cette souveraineté par la communauté internationale. Personne ne doute de la volonté du peuple palestinien de se constituer en Etat, existe-il pourtant, non, et cela, à cause d’un manque de reconnaissance. Il y avait-il une volonté populaire derrière la rédaction de la constitution belge, on pourrait le croire à la suite des opérations armées du peuple, ces actions ne constitueraient finalement qu’un coup de gueule. C’est la communauté européenne de l’époque qui influença le processus initié par les couches supérieures de la population. La souveraineté populaire est effectivement importante, mais ce qui fait qu’un Etat est Etat et que donc sa constitution est légitime c’est réellement le support et l’assentiment en amont des autres Etats.