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L'ENSEIGNEMENT DE LA VERITE - DAVID CARSE

(Chapitre traduit et extrait de son excellent livre ‘’ Perfect brilliant stillness beyond
the individual self’’.)
‘’Il y a deux types de vérités : les petites vérités et les grandes vérités. On reconnaît
une petite vérité à son opposé, le mensonge ; l’opposé d’une grande vérité, en
revanche, est une autre grande vérité.’’
-
Niels Bohr
‘’Les choses profondes sont simples. Il n’y a pas de vérité sans simplicité. Mais les
choses simples sont ardues.’’
-
Douglas Harding
I
‘’Ceux qui étaient qualifiés pour enseigner, ces quelques rares personnes, à l’instar du
Maharshi, disaient que le silence était plus efficace, mais dans les premiers stades,
l’enseignement ne peut être donné que par une série de non-vérités diminuant en non-véracité
en proportion avec la compréhension du pupille de la fausseté de ce qu’on lui enseigne. La
vérité ne peut pas se communiquer. Elle ne peut qu’être mise à nu.’’ (Wei Wu Wei)
L’acceptation de la personne ordinaire des illusions du moi individuel, de la ‘’réalité’’
physique, de la naissance, de la mort, de la création, de la destruction, du libre
arbitre, de l’accomplissement personnel (en bref, de maya), comme étant la vérité a
tellement inversé la perception de la vérité et de la fausseté que ce qui est vrai est
généralement perçu comme faux et qu’on accorde généralement à ce qui est faux le
crédit de la vérité. Dans un tel cadre, un maître qui proclame la vérité nue sera perçu
par la personne ordinaire comme disant des mensonges ou peut-être même comme
fou. Sans que cela ne soit sa propre faute, l’auditeur ne se donnera pas la chance de
pouvoir entendre ni de comprendre ce qui est dit à cause de son conditionnement.
C’est donc par compassion pour ses auditeurs et pour initier le processus de la
compréhension que le maître commencera parfois par exprimer des petites doses de
vérité par des images, par des illustrations ou par des catégories de pensées qui sont
connues par le maître comme étant essentiellement inexactes et de leur côté, les
auditeurs percevront cet enseignement comme étant ‘’vrai’’ (c’est-à-dire familier),
pour l’essentiel, avec peut-être un quelconque élément déconcertant pouvant
apparaître comme une non-vérité. Si celui-ci est exploré et si leurs propres
présupposés sont remis en cause, les auditeurs pourront avec une aide comprendre
la vérité de ce qu’ils perçoivent comme étant une petite non-vérité. Il pourra alors
être possible pour le maître d’introduire progressivement dans ses enseignements
plus d’éléments de vérité et de réduire tout aussi progressivement la fausseté utilisée
pour rendre la vérité compréhensible.
A un moment donné, les auditeurs commencent à reconnaître le décalage et
l’incompatibilité de l’imagerie conventionnelle qui est utilisée comme un véhicule
avec la vérité qui est communiquée. Lorsque les auditeurs saisissent ainsi la fausseté
de ce qui leur est enseigné, le maître a la liberté de se dispenser du véhicule et
d’exposer la vérité d’une manière que les auditeurs auraient trouvée inacceptable
auparavant.
Puisque la vérité se situe au-delà des concepts et du langage, cette exposition de la
vérité comprendra nécessairement de moins en moins en matière d’affirmations de
ce-qui-est et plus d’indications au travers de ce qu’elle n’est pas (c’est-à-dire la via
negativa) jusqu’à ce qu’en fin de compte peut-être, les auditeurs puissent vraiment
arriver à un point où ils seront capables d’entendre et de comprendre la vérité en
silence, au sujet duquel Ramana Maharshi a dit que c’était la seule expression précise
de la Vérité, mais malheureusement, très peu sont capables de l’entendre. Ce n’est
que dans le silence que la liberté existe par rapport au dualisme qui est inhérent dans
la structure sujet-objet du langage et de la pensée.
II
La Vérité, la Réalisation, le Soi, est Un(e), advaita, pas deux. Mais la façon dont
l’enseignement, qui consiste en indications qui conduisent à la Compréhension
s’exprime via tel ‘’maître’’ ou tel ‘’sage’’ variera beaucoup et cette expression sera
déterminée, dans une mesure significative, par la programmation et par le
conditionnement de l’organisme corps-esprit via lequel elle s’exprime. Tout
particulièrement, le cœur de l’enseignement, la ‘’base’’ ou le noyau irréductible
trouvera une expression unique dans chaque cas où l’aperception se sera produite et
elle sera dans une grande mesure modelée par la manière, le contexte, les modalités
et les circonstances par l’entremise desquels l’événement de l’Eveil aura eu lieu dans
chaque cas.
Ceci pourra peut-être être mieux illustré qu’expliqué.
Dans le cas de Ramana Maharshi, l’Eveil a eu lieu, quand il était encore un jeune
garçon. Ayant le sentiment irrésistible qu’il allait mourir, il s’allongea et laissa
survenir une expérience saisissante de la mort en expérimentant à quoi cela
ressemblerait lorsque les fonctions corporelles et mentales s’arrêteraient à l’instant de
la mort. Après que cela se soit produit, il y eut la réalisation que le ‘’je’’ que l’on
pense être mourait avec le corps et le mental. Néanmoins, même si ce faux ‘’je’’ et
tout le reste disparaissaient, il reste encore le sentiment de pure existence, la
Conscience, Je suis. Cela, réalisa-t-il est ce que le ‘’Je’’ est vraiment. Pas le corps, ni le
mental, ni la personnalité, ni le sentiment d’être un être distinct(if) qui meurent tous,
mais plutôt le ‘’Je’’ éternel. Dans le cas de Ramana Maharshi, ceci est la
compréhension essentielle et donc, son enseignement reflétait cela. Il disait à ses
auditeurs de ‘’simplement être’’, de ‘’suivre le Je suis’’ et de ‘’demeurer dans le Je’’.
Le récit de Nisargadatta Maharaj sur la façon dont la Réalisation s’est produite est
très différent. Il déclare que son guru lui a dit qu’il n’était pas qui il pensait, qu’il
n’était pas le corps, mais plutôt, qu’il n’était en vérité rien d’autre que l’Absolu. Il dit
qu’il a cru son guru, qu’il a pris à cœur ses paroles et qu’après trois ans de
concentration et de méditation là-dessus, la Compréhension était complète. Et donc,
ceci est le point sur lequel tout l’enseignement de Maharaj se focalise et il s’adressait
à ses auditeurs sans faire aucun compromis en parlant à la première personne,
comme s’il était l’Absolu, ‘’Je suis Cela’’, et pas comme un individu distinct(if) et il
insistait pour qu’aucune question ne soit posée, basée sur l’identification avec le
corps.
De la part de quelqu’un qui a étudié avec un maître ou un guru avant que l’Eveil n’ait
lieu viendra certainement un enseignement qui dit que le maître ou le guru est la
voie. De la part de quelqu’un chez qui l’Eveil s’est produit spontanément sans maître
pourra suivre l’idée qu’un guru n’est pas nécessaire. Quelqu’un chez qui l’Eveil a
suivi une période intense de méditation et est inextricablement lié à une puissante
expérience mystique pourra enseigner la méditation et le mysticisme.
Vous pouvez lire des anciens maîtres, tels que Houang-Po, Houei-Neng et d’autres
ou des maîtres modernes, comme Tony Parsons ou Adyashanti et encore trouver
d’autres exemples. Ces expressions de l’enseignement fondamental, ce à quoi l’on
revient toujours, comme étant l’essentiel, peuvent sembler varier très fort ou à tout le
moins être très différentes dans ce sur quoi on met l’accent. Et cette différence est
prioritairement due aux antécédents, aux milieux, aux cultures, aux penchants, aux
circonstances et aux événements variables pour chacun des instruments corps-esprits
et particulièrement en rapport avec l’événement de l’Eveil lui-même.
Dans le cas de celui que j’en suis venu à appeler avec une certaine affection ‘’David
Machin Chose’’1, le cœur irréductible de la Compréhension s’exprima par la
première pensée qui se forma au moment où il y eut ce changement soudain de
perception et où il fut clairement vu qu’il n’y avait ‘’ici personne’’. Il y a une
Présence, un Etre, une Conscience. Il y a ce corps-esprit apparent, via lequel et sous la
forme duquel la Présence se diffuse, opère et expérimente. Et c‘est tout ! Il n’y a pas
de moi individuel distinct(if), d’entité ou de personne en dehors d’une simple
construction de la pensée.
Et donc, l’expression ici tourne nécessairement autour de cette base et elle revient
toujours à ceci : c’est le sentiment du moi individuel qui est l’illusion, l’esclavage,
1
C’est-à-dire David Carse lui-même, NDT.
l’obscurantisme basique. Quand on voit à travers ce sentiment illusoire d’un moi
individuel et quand il se détache, alors il y a simplement Ce-qui-est et on s’éveille du
rêve d’un moi individuel distinct(if).
Ce à quoi on s’éveille, ce qui est compris, c’est seulement l’Un. Pourtant, chaque
occurrence dans un instrument corps-esprit est différente, suivant les variables
infinies dans la programmation et le conditionnement de chaque instrument et le
scénario, le rôle ou la destinée que chacun joue dans le déploiement infini de la
Conscience. Chacune a un parfum et un accent différent.
Si la Compréhension est un château, certains y pénètrent par la porte d’entrée
principale et d’autres par la porte de derrière. Il y en a qui entrent aussi par la
fenêtre, peut-être en se faufilant subrepticement ou peut-être même en brisant une
vitre en déclenchant toutes les alarmes. Il y en a même qui descendront par la
cheminée ou qui enlèveront les tuiles du toit, une à une. Certains tomberont de haut,
passeront à travers le plafond et se retrouveront par terre dans une pile de débris et
dans la poussière, tandis que d’autres tendront leurs chapeaux au majordome en
franchissant le porche et en entrant dans le salon.
Et ces manières fort différentes via lesquelles celle-ci survient procureront un feeling
particulier, une couleur spéciale, une subtilité distinctive à l’expression et à la
description de cette saveur unique. La manière dont Ramesh2 parle de la
Compréhension et la manière dont Tony Parsons parle de la Présence sont très
différentes, possèdent une tonalité très particulière. Wayne Liquorman dit que vous
n’avez pas le choix et Gangaji, que tout ce que vous avez, c’est le choix ! Néanmoins,
ils indiquent tous essentiellement la même chose. Tous participent au déploiement
infini de la Totalité. Dans sa forme, comme dans son expression, l’enseignement n’est
jamais deux fois le même, mais la Compréhension, elle, est toujours non-duelle. Tous
les panneaux indicateurs signalent Ce-qui-est…
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Balsekar, NDT.