innovation et croissance endogéne

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Revue française d'économie
L'analyse de l'innovation dans les modèles de croissance endogène
Patricia Crifo-Tillet
Abstract
As major determinants of economic activity, innovation and research and development activities are major issues in the analysis
of growth. Focusing on microeconomic aspects of innovation within the endogenous growth literature helps reconsidering the
sources and mechanisms of growth. This article studies the analysis of innovation within endogenous growth models by
reconsidering the standard decomposition based on the nature of technological progress, namely an increase in the variety or
quality of goods. In the light of recent contributions on public policy analysis, these theoretical models are analysed within the
debate on market structures and the nature of the discovery process. The technological adoption process turns out to be
enriched, and competition, traditionnally viewed as detrimental, recovers relevancy in the analysis of growth.
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Crifo-Tillet Patricia. L'analyse de l'innovation dans les modèles de croissance endogène . In: Revue française d'économie,
volume 14, n°2, 1999. pp. 189-221;
doi : https://doi.org/10.3406/rfeco.1999.1083
https://www.persee.fr/doc/rfeco_0769-0479_1999_num_14_2_1083
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Patricia
CRIFO-TILLET
L'analyse
de
l'innovation
dans
les
modèles
de
croissance
endogène
e
renouvellement
de
l'analyse
des
sources
de la
croissance
est
venu
jeter
une
lumière
nouvelle
sur
le
rôle
du
progrès
technique
dans
le
développement
et
l'activité
économique.
En
considérant,
avec
le
modèle
de
croissance
endo-
190
Patricia
Crifo-Tillet
gène
inspiré
de
Romer
[1990],
que
la
recherche-développement
et
l'innovation
sont
au
cœur
de
l'expansion
économique,
un
problème
majeur consiste
à
déterminer
si
les
incitations
à
la
recherche
sont
suffisantes
pour
permettre
à
la
croissance
de
se
maintenir.
Le
débat
sur
les
liens entre
innovation
et
concurrence
trouve
ses
fondements,
bien
avant
la
littérature sur la
croissance
endogène,
dans
les
travaux
de
Schumpeter
[
1
942]
.
Pour
ce
dernier,
la
structure
de
marché
favorable
à
l'innovation
est
le
monopole,
car
il
est
le
seul moyen
de
fournir les
incitations
nécessaires
à
la
R&D
:
«
Le
principal
avantage
tiré
par
une
entreprise
d'une
position
de vendeur
unique,
obtenue
au
moyen
d'un
brevet
ou
d'une
stratégie
monopolistique,
ne
consiste
pas
tant
dans la
possibilité
pour
cette
firme
de
se
livrer
temporairement
aux
agissements
d'un
monopoleur
que
dans
la
protection
acquise
de
la
sorte
contre
la
désorganisation momentanée du
marché,
ainsi
que
dans
les
coudées
franches
obtenues
pour
la
réalisation
d'un
programme
à
long
terme.
»
(p.
142).
Ainsi,
l'analyse
des
structures
de
marché
les
plus
favorables
à
l'apparition
de
l'innovation
est
cruciale.
Ces
formes
de
marché
dépendent,
pour
Guesnerie
et
Tirole
[1985]
de
deux
éléments
essentiels.
D'une
part,
elle
sont
liées
à
la
valeur
privée
de
l'innovation,
c'est-à-dire
à
la
comparaison
entre
les
dépenses
engagées
et
les
résultats
attendus.
D'autre
part,
les
structures
de
marché
dépendent
de
la
nature
du
processus
de
découverte
et
des
caractéristiques
de
jeu
dynamique
qu'il
induit
entre
les
innovateurs.
Ces
deux
dimensions
placent
l'incitation
à
innover
au
cœur
de la
question
de
l'expansion
économique.
En
effet,
celle-ci
résulte
au
moins
autant
de
l'invention
de
nouveaux
produits
et
procédés,
et
leur
exploitation
commerciale
initiale,
que
de
leur
diffusion
et
leur
utilisation
généralisée.
Comme
le
marché
n'est
pas
à
même
de
produire
naturellement
ce
type
d'incitation, des
auteurs
comme
Schumpeter
[1942]
et
Arrow
[1962]
suggèrent
de
s'en
remettre
à
un
système
de
droits
de
propriété intellectuelle.
Le
brevet
est
censé
assurer
à
l'innovateur
une
rente
de
monopole
Patricia
Crifo-Tillet
191
temporaire
pour
qu'il
puisse
bénéficier
des
résultats
de
sa
recherche,
tout
en
rendant
publique
l'information
relative
à
l'invention.
Toutefois,
le
système
de
brevet
ne
satisfait
pas aux
conditions
de
l'efficacité
de
premier
rang,
pour
lesquelles
une
fois
produit,
un
bien
collectif
pur
doit
être
mis
à
la
disposition
de
tous
les
agents.
Comme
il
fournit
un
monopole
d'exploitation
à
son
détenteur,
il
introduit
une distorsion
sur
le
marché,
et
la
diffusion
des
connaissances
dans
l'économie
n'est
pas
parfaite.
Le
brevet
n'est
alors
qu'un
compromis
de
«
second
rang
»
entre
les
exigences
d'efficacité
{ex
post),
et
celles
d'incitation
{ex
ante)
(Guesnerie
et
Tirole,
[1985]).
Favoriser
une
structure
de
marché plutôt
qu'une
autre
ne
devra
pas
alors
constituer
une
entrave
à
la
diffusion
des
connaissances
dans
l'économie.
Si
les
études
empiriques
sur
les
liens
entre
innovation
et
structure
de
marché
sont
abondantes,
les
conclusions
ne
sont
toutefois
pas
fermes
:
«
peu
d'observations
empiriques
corroborent
l'idée
que
les
grandes
entreprises
ou
une
forte
concentration
vont
généralement
.
de
pair
avec
un plus
haut
niveau
d'activité
novatrice
»
(Symeonidis,
[1996],
p.
68).
Des
études
empiriques
récentes
(Blundell
et
ai,
[1995])
montrent
même
l'existence
d'une
corrélation
positive
entre
concurrence
sur
le
marché
de
produits
et
croissance
de
la
productivité
à
l'intérieur
d'une
firme
ou
d'une
industrie.
La
concurrence
n'est
donc
pas
-
contrairement
à
l'argument
schumpéterien
traditionnel
-
toujours
préjudiciable
à
l'innovation.
De
plus,
la
prise
en
compte
des
deux
grands
types
de
concurrence
possibles
permet
de
relativiser
encore
cet
argument
schumpéterien.
Il
est
possible
en
effet
de
distinguer
la
concurrence
potentielle,
à
savoir
la
pression
ou
la
menace
d'entrants
potentiels
sur
les
firmes
déjà
présentes
sur
le
marché
;
de
la
concurrence
effective,
qui
se
mesure
par
le
nombre
de
concurrents
présents
dans
un
même
industrie.
Si
la concurrence
effective
peut
se
révéler
défavorable
aux
innovateurs
car elle
réduirait
les
rentes
de
monopole
tirées
d'un
brevet,
la concurrence
potentielle
quant
à
elle peut
être
stimulante
et
incitative.
Par ailleurs,
les formes
que
revêt
la concurrence
sur
les
marchés caractérisés
par
une
forte
innovation
technologique
ne
peuvent
manifestement
pas
se
réduire
à
la
simple
alternative
192
Patricia
Crifo-Tillet
monopole
temporaire
(brevet)
ou
concurrence.
A
titre
d'exemple,
le
8
Août
1997,
la
presse
économique
annonçait
l'intention
de
l'entreprise
Microsoft
d'investir
950
millions
de
francs
en
rachetant
une
partie
(6,5
%)
des
actions
de
sa concurrente
Apple.
Cet
accord
financier,
qui
s'accompagne
d'un
partenariat
technologique,
c'est-à-dire
d'un
accord
de
coopération
sur
le
développement
de nouvelles
technologies,
surprît
dans la
mesure
les
deux
firmes
étaient
jusque-là
des
rivales
engagées
dans une
concurrence
assez
vive.
En
février
1995,
Apple
accusait
ainsi
Microsoft
d'avoir
copié
et
commercialisé
sa
technologie
«
Quicktime
»
pour
Windows,
et
avait
porté
plainte
pour
infraction
sur
son
innovation.
Que
les
deux
firmes
soient
désormais
liées
pour
cinq
ans
par
des
accords
croisés
de
licences
semble
être
un
revirement
conséquent.
Cet
exemple
ne présenterait
pas
un
intérêt
particulier
s'il
n'illustrait
la
nature
des
relations
qui
existent
entre
des
firmes
concurrentes
ainsi
que
les
structures hybrides
des
marchés
caractérisées
par
l'innovation
technologique.
Traditionnellement
habituées
à
se
livrer
une
concurrence,
les
deux
firmes
ont
préféré
s'allier
à
travers
un
partenariat
financier
et
technologique
important.
Peut-on
voir
dans
cette
tactique
une
remise
en
cause du
bien-fondé
de la
concurrence,
ou
ne
s'agit-il
que
de
la
victoire
d'un
concurrent
plus
fort
et
plus
efficace
sur
son
rival,
en
proie
à
des
problèmes
financiers
et
stratégiques importants
?
L'incorporation
des
différents
aspects de
l'innovation
dans
les
modèles
de
croissance
endogène
conduit
alors
à
fournir
une
analyse
riche
du
progrès
technique
et
de
ses
conséquences
sur
l'activité
économique,
contrairement
aux
modèles
inspirés
des
travaux
de
Solow
[1956],
concluant
à
une tendance inéluctable
à
la
stagnation
économique
en
dehors
de tout
progrès
technique
exogène.
Si
la
littérature
sur
les
interactions
entre
structure
de
marché
et
innovation
n'est
pas
récente (voir
Scherer,
[1992]
pour
une
revue
détaillée),
la
réconciliation
nécessaire
de la
concurrence
avec
le
paradigme
schumpéterien,
telle
que
le
préconisent
Aghion
et
Howitt
[1998],
se
révèle
originale
et
enrichissante
de
plusieurs
points
de
vue.
Premièrement,
le
rôle
de
la
concurrence
dans
le
processus
d'innovation
est
appréhendé
en
prenant
en
compte
des
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