LA SIGNIFICATION DE LA VIE ET L’HISTOIRE DU MENDIANT FRAN GRACE Fran Grace est professeure d’études religieuses et coordinatrice du programme de méditation de l’Université de Redlands, en Californie. Elle a reçu de nombreuses marques de reconnaissance pour la qualité de son enseignement et de sa recherche en matière de vie spirituelle, y compris des apparitions sur CSPAN et NPR. En 2004, à la suite d’un événement majeur et après avoir rencontré son maître spirituel, elle a entrepris de consacrer sa vie à la voie intérieure qui est commune à toutes les religions et qui inclut la compassion, la joie, l’amour, l’humour et la beauté. Il y a cette histoire en Inde d’un mendiant qui vivait sous un arbre. Lorsqu’il est mort, des villageois ont creusé un trou pour sa tombe, là où il était assis et à leur grande stupéfaction, ils ont découvert un trésor constitué d’or et de diamants. Pendant tout ce temps-là, le mendiant était assis sur un trésor et il n’en savait rien !!! Eh bien, c’est notre malheur à tous, nous disent les sages. En effet, nous sommes assis sur un trésor enfoui et caché et nous l’ignorons. Le mendiant, c’est notre petit moi qui se sent incomplet. Il mendie de l’attention, de l’amour, de l’argent, des éloges, des louanges, des récompenses, des distinctions, des honneurs, des palmes, des choses, des frissons, de l’excitation et la sécurité en plus. Et si au lieu de tendre la main pour recevoir quelques miettes ou quelques piécettes, le mendiant avait creusé là où il se trouvait ? Et si au lieu de s’être tourné vers l’extérieur, il s’était tourné vers l’intérieur ? Si seulement, il avait creusé un peu, il aurait découvert la plénitude intérieure et une joie toujours présente. Il aurait découvert la dignité naturelle et innée, la beauté et l’amour de son propre Soi supérieur. Si on vit à partir de son Soi supérieur, on jouit de l’estime de soi. On sait que sa vie a du sens et un objectif. On sent que c’est un mystère qui est à l’œuvre, un mystère incompréhensible. Notre valeur émane de qui nous sommes, et non de ce que nous possédons, de ce que nous faisons ou de ce que nous savons. LE TOURNANT Le tournant majeur survient dans notre voyage, quand nous cessons de mendier à l’extérieur de nous-mêmes (qu’il s’agisse d’argent, d’amour ou d’estime de soi) et qu’en lieu et place, nous nous réapproprions la dignité et la singularité de notre propre existence. Pour finir, nous nous regardons dans le miroir et nous nous demandons : qui suis-je et pourquoi suis-je ici ? Nous cessons de nous éluder nous-mêmes. Nous ne vivons plus pour plaire aux autres. Nous avons le courage d’admettre et de reconnaître qui nous sommes réellement – la Belle et la Bête ; le Bon, la Brute et le Truand…Nous assumons la responsabilité de notre existence : quel est le sens de MA vie ? Qu’est-ce que la vie ME demande ? Et pourtant, les sages disent que la majorité des gens ne franchissent jamais le pas. Ils agissent comme des automates, en jouant le script du conditionnement culturel. Ils se déplacent sur l’échiquier de leurs petits égos qui interagissent et qui tentent de rester avec un coup d’avance. A l’image du mendiant, ils ne sont pas conscients du trésor qui est caché et enfoui à l’intérieur d’eux-mêmes – de leur propre dignité innée et naturelle, de leur lumière unique dans ce monde. Comme le disent les soufis, ils ont ‘’oublié’’ qui ils sont. Ils vivent cette incarnation précieuse sans jamais réaliser leur plus grand potentiel. Ste Thérèse d’Avila, la mystique catholique espagnole, écrivit objectivement et réalistement dans son Château Intérieur que peu d’âmes s’approchent jamais du seuil du ‘’château intérieur’’ et osent y pénétrer. Les distractions et les plaisirs du monde extérieur sont bien trop attirants et séduisants. D’après les religions orientales, beaucoup de vies sont nécessaires avant qu’une âme ne fasse connaissance avec la Vérité spirituelle et décide résolument de la suivre. Et c’est souvent une crise qui nous réveille. La vie se déroule bien, quand soudain arrive quelque chose que nous n’attendions pas et qui nous jette à terre – une quelconque addiction, un accident de voiture, une catastrophe naturelle, un cancer, une histoire d’amour tumultueuse, la perte d’un enfant ou de quelque chose qui avait de l’importance pour nous, une trahison, le chômage, un divorce ou même une expérience spirituelle qui nous laisse tremblant comme une feuille. La douleur sert de grand catalyseur pour aller dans la profondeur. Quand nous souffrons, nous voulons que cela change. Nous nous mettons à nous poser des questions et nous faisons évoluer notre point de vue. Nous avons l’esprit plus ouvert et nous sommes prêts à considérer de nouvelles manières d’approcher la vie, puisque désormais notre ancien cadre ou notre ancien système de références ne fonctionne plus. Nous nous réapproprions la responsabilité de notre vie et nous nous demandons : ‘’Quel est le sens de MA vie ? Quelle est ma vocation dans cette vie ?’’ La réponse est unique pour chacun(e). Personne ne peut déterminer le sens de la vie d’un autre – pas même un parent pour son enfant. L’enfant doit grandir et découvrir son propre trésor. Nous devons creuser le terreau de l’Etre, de l’Existence. LE BUT DE L’ÂME Si nous n’étions pas nécessaires à la toile de la vie, nous ne serions pas ici. Notre existence prouve que la Source de la Vie nous veut ici – tels que nous sommes. Il doit y avoir un endroit dans ce monde où nous pouvons être notre Soi le plus authentique. Comment serait-il possible que chacun d’entre nous n’ait point de but distinct(if) pour être ici ? Si nous examinons n’importe quel écosystème – et même notre propre jardin – nous verrons comment toute vie est reliée à l’ensemble et sert l’ensemble, simplement comme elle est. La simple existence d’une chose est sa finalité, car sans elle, la toile de la vie serait incomplète. Par où commencer, c’est là où nous sommes – nos circonstances de vie, notre constitution, nos caractéristiques, nos passions, nos aspirations, nos combats, etc. Sinon, comment parviendrions-nous à connaître notre finalité autrement que via les circonstances humaines que nous incarnons ? Il est possible que nous n’aimions pas les circonstances de notre vie et il est possible que nous faisions tout, comme le mendiant, pour nous fuir, nous éluder et nous distraire de nousmêmes. Un enseignement essentiel qui provient des traditions spirituelles du monde, c’est que notre âme a choisi les circonstances de sa naissance dans l’optique de son évolution spirituelle et de celle d’autrui. Ce que nous sommes et le lieu où nous nous trouvons n’est pas accidentel. Notre âme effectue un périple. Les enseignements hindous et bouddhistes font référence au ‘’karma’’. L’enseignement soufi appelle ‘’livre de l’âme’’ l’idée selon laquelle chaque âme doit accomplir sa propre destinée et qu’elle choisit ses parents, sa génétique et ses conditions physiques, en conséquence. L’auteur chrétien, Roy Mills, mentionne dans ‘’Soul’s Remembrance’’ (Souvenir de l’Ame) sa mémoire inhabituelle du processus qui précéda sa naissance. Il se rappelle comment son âme a sélectionné ses parents et ses expériences de vie, y compris l’expérience douloureuse d’être abandonné par sa mère. Il vit qu'avant de naître, notre âme donne son assentiment par rapport à la famille, à la religion, à la culture et aux caractéristiques biologiques dans une perspective de service et de croissance. LA SIGNIFICATION DE LA SOUFFRANCE Viktor Frankl, l’auteur de ‘’Découvrir un sens à sa vie’’ (qui rapporte notamment ses souvenirs de l’Holocauste) démontre que nous pouvons trouver un sens même à la souffrance la plus horrible. J’ai appris cette leçon de première main au cours des six dernières années de la vie de ma mère. Celle-ci a perdu tout fonctionnement physique et cognitif et n’avait plus aucune mémoire. Elle ne savait plus parler. Elle ne pouvait plus rien faire sans assistance. Les gens de l’extérieur disaient : ‘’Comme c’est tragique et insensé ! C’est juste un légume !’’ Et cependant, en creusant sous la surface à la recherche d’indices par rapport au sens de la condition ‘’tragique’’ de ma mère, j’ai découvert un trésor caché. D’une part, son état nécessitait l’emploi de trois aides-soignantes et l’argent qu’elles gagnaient en s’occupant de ma mère alimentait beaucoup d’enfants et de petits-enfants. L’une de ces aides-soignantes avait justement perdu son travail, parce que l’usine locale avait fermé. C’était une mère de trois jeunes enfants à qui on avait récemment diagnostiqué un cancer du sein. Elle n’a jamais cessé de nous dire à quel point elle était reconnaissante pour le travail avec ma mère. Le monde est un jeu interactif, une scène interactive de circonstances reliées entre elles et qui ont un sens et chaque chose sert tout le reste. Sur un plan intérieur, la maladie de ma mère l’a transformée. C’était une personne anxieuse de présenter une belle image d’elle-même aux autres dans le style ‘’Qu’est-ce que les voisins vont penser ?’’ Même si elle est devenue invalide de corps et d’esprit, son essence intérieure est devenue beaucoup plus vivante et elle a témoigné d’une nouvelle capacité à endurer et à aimer. Elle s’est totalement abandonnée aux mains de ceux et de celles qui l’aimaient. En cela, c’est elle qui a été mon professeur. Elle était vulnérable, décrépite et impuissante et pourtant, elle a fait confiance au pouvoir de l’amour. L’ultime épreuve de l’amour n’est-elle pas de nous donner pour recevoir de l’amour, quand nous n’avons plus rien à offrir ? Durant toutes ses dernières années, ma mère a ‘’habité’’ son trésor intérieur. Celles qui s’occupaient d’elle disaient que s’occuper d’elle était une bénédiction. J’ai vu la lumière dans ses yeux devenir de plus en plus brillante. Lorsque les nuages se dispersent, le soleil brille de tous ses feux. FINALEMENT, L’EXISTENCE EST SON PROPRE SENS… ‘’Quoi que soit une chose, tel est son sens !’’ Quand j’ai entendu mon maître spirituel, David R. Hawkins, prononcer ces paroles, cela m’a confondue et sidéré l’esprit. ‘‘L’Existence elle-même est son propre sens.’’ Tout ce qui existe et quelle que soit la manière, tel est son sens. Notre mental inventera d’infinies théories complexes à propos du sens, des croyances religieuses, des interprétations symboliques et des traités philosophiques, mais toutes celles-ci ne sont que de simples projections mentales sur la Réalité. La vie est déjà intrinsèquement significative sans toutes nos théories mentales qui le prétendent. Aucune chose n’existerait, si elle n’était point destinée à exister. Tout ce qui est, est destiné à être là et est en soi significatif en vertu de son existence. Un jour, je me trouvais tout près d’un arbre en compagnie de mon Maître. ‘’L’arbre sait quand l’amour passe’’, m’a-t-il dit. L’arbre est vivant. L’arbre est conscient. Ses racines cherchent l’eau et ses branches, la lumière du soleil. L’arbre a-t-il un sens ? Le mental a plein de théories et perd l’instant d’émerveillement. ‘’Le mental est le pourfendeur du Réel’’, disent les Upanishads. Contempler un arbre sans aucune théorie sur l’arbre, tel est le trésor caché. On peut connaître quelqu’un – qu’il s’agisse d’un(e) partenaire, d’un enfant ou d’un(e) collègue – depuis des décennies, sans jamais réellement le connaître. Nous ne connaissons que nos pensées, que nos théories, que nos attentes, que nos imaginations et que les idées que nous entretenons à son sujet. C’est un exercice utile de contempler la personne bien-aimée, comme si nous ne la connaissions pas, et de lâcher prise par rapport à tous nos concepts mentaux et à toutes nos émotions à son sujet. ‘’En dehors de tous mes sentiments, de tous mes besoins, de tous mes désirs et de toutes mes pensées qui te concernent, qui es-tu, dans ton essence ?’’ Si nous passons de la tête au cœur, alors nous toucherons le trésor. Beaucoup de ce que j’ai appris de mon maitre spirituel a court-circuité mon mental logique pour se loger dans un lieu plus profond. Il disait, par exemple : ‘’Rien ne cause rien ! Tout jaillit spontanément en vertu de ce que cela est.’’ Ceci semblait concorder avec la parole zen, ‘’L’oie sauvage n’entend pas projeter son reflet et l’eau n’a aucune intention de recevoir son image…’’ Comment faire l’expérience d’un arbre, en tant qu’arbre, et non de nos pensées concernant l’arbre ? L’Existence est Sa signification. Rien d’autre n’est requis. Dans l’unité de l’Existence, le connaissant et le connu sont un. Les choses sont telles qu’elles sont, intrinsèquement significatives – juste comme elles sont. Tout ce qui existe sert tout ce qui existe. Tout dans l’existence irradie sa Source. Connaître une seule partie de la vie, simplement telle qu’elle est, c’est connaître le Réel. ‘’J’étais un Trésor caché qui aspirait à être connu et donc, J’ai créé le monde (hadith)’’ – ainsi parle la Divinité. Pourquoi être un mendiant, quand vous êtes – quand nous sommes tous – un Trésor caché qui se révèle d’instant merveilleux en instant merveilleux ? (Source : excellencereporter.com) partage-pdf.webnode.fr