le style mathématique des principia de Newton

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Revue d'histoire des sciences
Le style mathématique des Principia de Newton
M Francois De Gandt
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De Gandt Francois. Le style mathématique des Principia de Newton. In: Revue d'histoire des sciences, tome 39, n°3, 1986.
Etude sur l'histoire du calcul infinitésimal. pp. 195-222;
doi : https://doi.org/10.3406/rhs.1986.4476
https://www.persee.fr/doc/rhs_0151-4105_1986_num_39_3_4476
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Résumé
RÉSUMÉ. — Comment caractériser les méthodes de démonstration mathématique utilisées dans les
Principia de Newton ? Ni géométrie à l'antique ni véritable a calcul différentiel », le raisonnement
s'appuie sur les figures, mais en supposant qu'elles bougent et se déforment. Les situations
infinitésimales sont traitées comme stade ultime de configurations finies, grâce à certains procédés de
représentation (témoins finis de l'infinitésimal). Le temps intervient sous deux modes différents dans
ces procédés. Les exemples sont pris dans les lemmes de la section I (proportions ultimes) et dans la
démonstration de la proposition 48-49 du livre I (rectification de Pépicycloïde).
Abstract
Summary. How are the mathematical demonstrations in Newton's Principia to be characterised ?
They are neither geometry in the style of antiquity, nor are they « differential calculus » in a literal
sense. The demonstrations, like those of antiquity, depend on diagrams for support. Unlike the
diagrams of antiquity, however, Newton's are assumed to move and to change their shapes. With the
aid of certain representational processes, infinitesimally small configurations appear as final states of
finite configurations (evidence for infinitesimals from the finite domain). Time enters into these
processes in two different ways. Illustrative examples are taken from the lemmas in section I (ultimate
ratios) and from the demonstration of proposition 48-49 of book I (the rectification of the epicycloid).
Le
style
mathématique
des
Principia
de
Newton
RÉSUMÉ.
Comment
caractériser
les
méthodes
de
démonstration
mathématique
utilisées
dans
les
Principia
de
Newton
?
Ni
géométrie
à
l'antique
ni
véritable
a
calcul
différentiel
»,
le
raisonnement
s'appuie
sur
les
figures,
mais
en
supposant
qu'elles
bougent
et
se
déforment.
Les
situations
infinitésimales
sont
traitées
comme
stade
ultime
de
configurations
finies,
grâce
à
certains
procédés
de
représentation
(témoins
finis
de
l'infinitésimal).
Le
temps
intervient
sous
deux
modes
différents
dans
ces
procédés.
Les
exemples
sont
pris
dans
les
lemmes
de
la
section
I
(proportions
ultimes)
et
dans
la
démonstration
de
la
proposition
48-49
du
livre
I
(rectification
de
Pépicycloïde).
SUMMARY.
How
are
the
mathematical
demonstrations
in
Newton's
Principia
to
be
characterised
?
They
are
neither
geometry
in
the
style
of
antiquity,
nor
are
they
«
differential
calculus
»
in
a
literal
sense.
The
demonstrations,
like
those
of
antiquity,
depend
on
diagrams
for
support.
Unlike
the
diagrams
of
antiquity,
however,
Newton's
are
assumed
to
move
and
to
change
their
shapes.
With
the
aid
of
certain
representational
processes,
infinitesimally
small
configurations
appear
as
final
states
of
finite
configurations
(evidence
for
infinitesimals
from
the
finite
domain).
Time
enters
into
these
processes
in
two
different
ways.
Illustrative
examples
are
taken
from
the
lemmas
in
section
I
(ultimate
ratios)
and
from
the
demonstration
of
proposition
48-49
of
book
I
(the
rectification
of
the
epicycloid).
A)
Quelle
sorle
de
mathématique
est
utilisée
dans
les
«
Principia
».
Ni
une
géométrie
classique...
Ni
un
calcul
infinitésimal.
Une
géométrie de
l'ultime.
B)
Les
proportions
ultimes.
Le
lemme
1.
Classement
des
lemmes
2-11
:
a)
Lemmes
2-5
;
b)
Lemmes
6-11.
Rev.
Hist.
ScL,
1986,
XXXIX/3
196
François
De
Gandt
C)
Un
procédé
typique
:
la
méthode
des
témoins
finis.
Le
lemme
7.
Le
lemme
9.
Un
autre
exemple
de
la
méthode
des
témoins
finis
:
le
triangle
caractéristique.
D)
La
rectification
de
Vépicycloïde
(prop.
48-49).
Le
contexte
physique
et
les
présupposés.
Le
raisonnement
cinématique.
La
configuration infinitésimale
et
son
témoin
fini.
Conclusions.
PRÉSENTATION
Je
voudrais
faire
apparaître
l'originalité
des
procédés
mathématiques
utilisés
dans
les
Principia,
dégager les
traits
spécifiques
des
modes
de
raisonnement
qui
s'y
trouvent
(1). Chacun
s'accorde
à trouver
que
les
Principia
sont
difficiles
à
lire,
que
les
démonstrations
sont
souvent
surprenantes,
et
paraissent quelquefois
trop
elliptiques
ou même
lacunaires.
Le
travail
d'attention,
de
raisonnement
et
d'imagination visuelle
qui
est
nécessaire pour
déchiffrer
le
texte,
et
pour
suivre
sur
les
figures
ce
qui
est
dit
à
leur
propos,
ce
travail
ne
correspond
pas
à
ce
qui
est
requis
à
la
lecture
d'autres
textes
classiques.
(Pour
mieux
fixer
les
idées
et
donner des
repères
traditionnels
clairement
définis,
les
textes
d'Euclide
et
d'Apollonius
peuvent
servir
de
référence
ou
de
repoussoir.)
Il
semble
acquis
de
nos
jours
que
Newton
n'a
pas
d'abord
rédigé
les
Principia
en
style
«
fluxionnel
»
pour
les
transcrire
ensuite
dans
une
présentation
purement
géométrique
(2).
Les
(1)
Ce
travail
doit
beaucoup
à deux
remarques
décisives,
l'une
de
P.
de
Rouilhan,
l'autre
de
B.
Goldstein.
Je
remercie
également
J.-P.
Verdet
et
J.
Dhombres
pour
leur
critique
attentive. Il
va
sans
dire
qu'une
étude
de
Newton
est
rendue
possible
aujourd'hui
par
l'érudition
et
la
finesse
des
grands
interprètes
modernes
:
D.
T.
White-
side,
A.
R.
Hall,
R.
S.
Westfall,
I.
B.
Cohen,
J.
Herivel.
(2)
Voir
D.
T.
Whiteside,
The
mathematical
principles
underlying
Newton's
«
Principia
Mathematica
(University
of
Glasgow,
1970).
Le
style
mathématique
des
«
Principia
»
197
nombreux
manuscrits
préparatoires
aux
Principia
(3)
ne portent
la
trace
d'aucune
retraduction
de
ce
genre.
La
seule
pièce
intéressante
à
cet
égard
est un très court
passage
manuscrit
(4),
nettement
postérieur
à
la
première
édition,
dans
lequel
Newton
a
ébauché
un
calcul
fluxionnel
pour
l'évaluation
des
forces
centrales.
Mais
ces
quelques
lignes
se
terminent
abruptement
sur
des
exemples
particuliers
le
grand
Newton
s'embrouille,
rature
et
n'arrive
à
rien
de
fécond.
De
ces
tentatives
rien
n'est
passé
dans
les
éditions
ultérieures des
Principia.
D'autre
part
on
verra
que
la
voie
suivie
dans
les
démonstrations
des
Principia
est
très
éloignée
d'un calcul
différentiel
ou
fluxionnel
:
la
structure
du
raisonnement,
dans
tous
les
cas que
nous
présenterons
ci-dessous,
est
si
différente
d'un
tel
calcul
qu'une
re
traduction
aurait
exigé
une
refonte
du raisonnement
lui-même.
Puisque
nous nous
interdisons
de
supposer
«
derrière
»
le
texte
des
Principia
une autre
version,
un
autre
tissu
démonstratif
qui
satisferait
davantage
les
habitudes
modernes
analytico-algébriques,
il
nous
faut
tout
simplement
prendre
le
texte
de
Newton
au
sérieux,
le lire tel
quel,
en
respectant
son
mode
d'accès
aux
objets
mathématiques.
Les
historiens
des
mathématiques,
même
les
plus
grands,
ne
sont
pas assez
conscients
que
le
texte
mathématique
est
dénaturé
lorsqu'il
est transcrit
ou
paraphrasé dans
une
présentation
plus
«
moderne
».
Un
lecteur
d'aujourd'hui
a
certes
besoin
de
vérifier,
avec
toute
la
rigueur
nécessaire
et
en
se
servant
des outils
mathématiques
d'aujourd'hui,
que
les
résultats
énoncés
dans
le
texte
ancien
sont
vrais,
ce
lecteur a
probablement
besoin
aussi
qu'on
lui
expose
de
manière
synthétique
et
commode
l'objet
de
la
démonstration
ancienne
et
les
principales
étapes
du
raisonnement.
Mais
il
ne
faudrait
pas
laisser
croire
qu'on
a
simplement
«
abrégé
»
le
raisonnement,
ou
qu'on
l'a
simplement
présenté
«
plus
commodément
».
La
transcription
des
démonstrations
des
Principia
sous
forme
de
calcul
différentiel
ou
dans
des
notations
analytico-algébriques
(5)
(3)
Ces
manuscrits,
déjà
partiellement
connus
grâce
à
Rouse
Ball,
Herivel
et
Hall,
sont
maintenant
accessibles
dans
le
volume
VI
des
Mathematical
Papers
of
Isaac
Newton
édité
par
D.
T.
Whiteside.
(4)
Mathematical
Papers,
vol.
VI,
588-593.
(5)
C'est
précisément
un
thème
d'étude,
passionnant
en
soi,
que
de
suivre
les
modifications
apportées
dans
la
mécanique
théorique,
après
les
Principia,
en
raison
de
l'introduction
des
notations
et
algorithmes
du
calcul
différentiel.
Cf.
Michel
Blay,
L'introduction
du
calcul
différentiel
dans
la
mécanique,
1700-1710
paraître
in
Mécanique
et
mathématiques,
Journées
d'histoire
des
sciences
des
Hautes
Etudes
à
Marseille).
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