CAS PRATIQUES : PLANIFICATION D’UNE MISSION D’AUDIT Le 1er novembre 2006, vous rencontrez le Directeur Financier de la société X dans le cadre d’une réunion préparatoire à l’audit des comptes 2006. Il s’agit de votre troisième année de mandat de commissaire aux comptes de la société. La connaissance que vous avez acquise de la société et de son secteur d’activité au cours des années précédentes peut se résumer ainsi : 1. La société est détenue exclusivement par les membres d’une même famille dont le Président est actionnaire principal. La répartition du capital s’établit ainsi : Mr MARTIN Pierre Mme MARTIN Catherine (femme de Pierre) Mr MARTIN Luc (fils de Pierre) Mlle MARTIN Delphine (fille de Pierre) Mr DURAND Claude (père de Catherine) Mr DURAND Yves (frère de Catherine) TOTAL 2 600 actions 1 000 actions 200 actions 200 actions 1 000 actions 1 000 actions 6 000 actions Certaines tensions entre les membres de la famille sont survenues au cours des dernières années quant à la gestion pratiquée par le Président, la famille DURAND envisageant sérieusement de céder ses parts si le Président refuse de démissionner afin de céder sa place à un nouveau Président qui serait choisi en dehors de la famille. L’apparition de tensions au sein de l’actionnariat peut engendrer un risque pour l’auditeur. En effet, certains actionnaires mécontents pourraient contester les comptes annuels arrêtés par le Conseil d’Administration. Par ailleurs, le Président, actionnaire principal de la société, pourrait avoir intérêt à présenter des comptes « moins bons » qu’ils ne sont (c’est-à-dire un résultat plus faible que le résultat réel) afin de racheter les parts des autres actionnaires à moindre coût. 2. Le financement de la société a été assuré au cours des dernières années par des emprunts bancaires à long, moyen et court terme dont les échéances s’établissent ainsi : Emprunt A long terme (10 ans) de nominal 20 000 Emprunt B moyen terme (3 ans) de nominal 15 000 Emprunt C court terme reconductible de nominal 10 000 juin-07 nov-07 déc-06 La majorité des emprunts sont à échéance < 1 an à la clôture de l’exercice 2006. La société aura-t-elle les moyens financiers de rembourser ses emprunts ou bien, dans la négative, pourra-t-elle proroger les emprunts à échéance 2007 ? 3. La société intervient dans un secteur industriel fortement concurrencé par des pays à faible coût de production et de main d’œuvre tels que la Chine, l’Inde et, dans une moindre mesure, les pays d’Europe de l’Est. En effet, la société qui était innovatrice à sa création n’a pas fait évoluer sa production et sa technologie. Si les débouchés pour ses produits existent toujours, les marges réalisées s’affaiblissent d’année en année. La Direction de la société a réfléchi à investir fortement en matière de recherche et développement et à faire évoluer son outil industriel, ceci afin de proposer des produits à forte valeur ajoutée et à marge plus élevée. La Direction n’a pas, pour l’instant, retenu cette solution compte tenu des investissements très significatifs que demanderait une telle évolution (environ 100 000). Il semble que si la société ne réoriente pas sa production vers des produits à plus forte valeur ajoutée, alors elle ne sera pas en mesure de retrouver sa profitabilité et la continuité d’exploitation de la société sera remise en cause. Par ailleurs, la société a-t-elle les moyens financiers d’investir dans un nouvel outil industriel et dans les dépenses de R&D indispensables à son évolution ? 4. Le contrôle interne de la société est satisfaisant et vos interlocuteurs de la Direction Financière sont compétents. Les rapports généraux que vous avez émis au cours des exercices précédents n’ont contenu ni réserve ni observation. Il ne semble donc pas y avoir de risques de contrôle. 5. A titre informatif, les bilans et compte de résultat 31.12.2005 et 31.12.2004 sont joints en pages suivantes. Bilan de la Société X au 31.12.2005 et au 31.12.2004 Brut Immobilisations incorporelles * Terrains Constructions Installations techniques, matériel et outillage Actif immobilisé Stocks et en-cours Créances clients et comptes rattachés Trésorerie Actif circulant TOTAL ACTIF 5 000 4 000 48 000 89 000 146 000 31.12.2005 Amort & Prov. - 31.12.2004 Net Net 24 000 42 000 66 000 5 000 4 000 24 000 47 000 80 000 5 000 4 000 26 400 48 000 83 400 14 000 40 000 1 500 55 500 14 200 39 500 2 000 55 700 135 500 139 100 60 000 6 000 5 600 5 350 55 050 60 000 6 000 2 500 3 100 60 400 16 000 43 000 1 500 60 500 - 2 000 3 000 5 000 206 500 - 71 000 Capital social Réserve légale Report à nouveau Résultat de l'exercice Capitaux propres Provisions pour risques Provisions pour charges Provisions pour risques et charges Emprunts et dettes financières * Dettes fournisseurs et comptes rattachés Dettes fiscales et sociales Autres dettes Dettes TOTAL PASSIF - - 1 240 2 680 3 920 1 220 1 450 2 670 45 000 26 400 3 600 1 530 76 530 45 000 26 000 3 400 1 630 76 030 135 500 139 100 * : Les immobilisations incorporelles correspondent à un fonds commercial. ** : L'échéance des emprunts et dettes financières s'établit comme suit : Emprunt A long terme (10 ans) de nominal 20 000 juin-07 Emprunt B moyen terme (3 ans) de nominal 15 000 nov-07 Emprunt C court terme reconductible de nominal 10 000 déc-06 Au 31.12.2005, la société avait une trésorerie de 1 500 pour des dettes financières de 45 000. Compte tenu des difficultés actuelles de la société, il est probable que sa trésorerie soit épuisée et qu’elle présente donc un risque de solvabilité. La continuité d’exploitation de la société estelle remise en cause ? Par ailleurs, les actifs immobilisés sont très significatifs puisqu’ils représentent 60% du total bilan. Cela démontre que la structure de la société nécessite un outil industriel « lourd » et donc un financement approprié. Enfin, la société pourra-t-elle trouver un financement de 100 000 indispensable si elle souhaite réorienter sa production vers des produits à plus forte valeur ajoutée ? Compte tenu de sa structure bilancielle, il est improbable qu’elle obtienne des prêts financiers pour ce montant (puisque l’endettement représenterait alors trois fois les capitaux propres de la société). La seule solution semble être une augmentation de capital. Se posera alors la question de la possibilité des actionnaires actuels de souscrire à une augmentation de capital ; à défaut, la société pourrait-elle trouver des investisseurs externes décidant d’entrer dans son capital ? Ainsi, le bilan met en évidence qu’il existe un risque important de continuité d’exploitation. Rappel : L’hypothèse de base dans les normes comptables lors de l’établissement des comptes est la continuité d’exploitation. Compte de résultat de la Société X au 31.12.2005 et au 31.12.2004 31.12.2005 Chiffre d'affaires Achats de matières premières et autres approvisionnements Variation de stock Autres achats et charges externes Impôts et taxes Salaires et traitements Charges sociales Dotations d'exploitation 31.12.2006 138 000 - 139 500 - 69 000 50 14 550 3 000 28 600 14 350 10 800 - 70 000 100 14 300 3 000 28 000 14 000 11 400 Résultat d'exploitation - 2 250 - 1 300 Produits financiers Charges financières - 2 800 - 2 800 Résultat financier - 2 800 - 2 800 Produits exceptionnels Charges exceptionnelles - 300 - 1 500 500 Résultat exceptionnel - 300 RESULTAT NET - 5 350 1 000 - 3 100 Le compte de résultat appuie le constat fait précédemment. En effet, tant en 2004 qu’en 2005, la société a dégagé une marge d’exploitation négative (-2% du CA en 2005). Par ailleurs, le coût de l’endettement financier de la société est très significatif (2% du CA). Réunion avec le Directeur Financier de la Société X Lors de votre réunion avec le Directeur Financier de la Société X, celui-ci vous informe que l’année 2006 est très difficile pour sa Société. En effet, le prix des matières premières a augmenté de 25% en moyenne sur l’année alors qu’il a été impossible à la Direction Commerciale d’augmenter ses prix de vente au-delà de 9%. Le taux de marge a ainsi chuté significativement. De plus, la concurrence asiatique devenant de plus en plus vive, l’activité a fortement décliné, engendrant ainsi une baisse des volumes vendus de 20%. Pour faire face à cette baisse d’activité, la Société a réduit ses coûts de structure d’environ 7% en ayant recours notamment à des arrêts de production, en diminuant son personnel intérimaire et en appliquant une politique ferme de réduction de coûts. En 2005, la marge d’exploitation de la société était de -2% du chiffre d’affaires. Sur la base des informations ci-dessus, il est probable que cette marge soit aujourd’hui de -10% voir pire. Se pose alors la question de la valeur des actifs. Les stocks nécessitent-ils une dépréciation (dès lors que le coût du stock est supérieur au prix de vente). L’actif immobilisé doit-il faire l’objet d’un amortissement exceptionnel si celui-ci ne peut générer de marge (les produits fabriqués à partir de cet outil industriel génèrent des marges négatives). Néanmoins, cette baisse d’activité ainsi que la hausse du cours des matières premières et donc la baisse de la marge lui semblent devenir structurelles et il vous fait part de son inquiétude pour l’avenir de la Société. Il sait que la Direction réfléchit de nouveau très sérieusement à investir en R&D et outil de production afin d’acquérir la technologie indispensable à long terme. Il existe un risque très important de continuité d’exploitation. Il vous informe aussi que les relations familiales sont devenues tendues en raison des résultats difficiles de la Société et que Mr MARTIN Pierre envisage de racheter les parts de la famille DURAND. Un désaccord subsiste quant au prix de cession de ces parts. Enfin, il vous indique que la Direction négocie actuellement avec les banques l’octroi de nouveaux prêts et le renouvellement des anciens. Les négociations sont difficiles compte tenu des difficultés rencontrées par la Société. L’entrée dans le capital de la Société d’un investisseur financier est aussi envisagée. Enfin, un prêt court terme complémentaire de 10 000 a été octroyé en avril 2006 en contrepartie du nantissement des locaux de la Société. Il vous communique aussi un compte de résultat intérimaire à fin septembre 2006 ainsi qu’un budget actualisé sur cette base pour l’année 2006. Le nantissement des locaux de la société est un engagement hors-bilan devant être mentionné en annexe. Estimé 31.12.2006 30.09.2006 Chiffre d'affaires 90 000 120 000 Achats de matières premières et autres approvisionnements Variation de stock Autres achats et charges externes Impôts et taxes Salaires et traitements Charges sociales Dotations d'exploitation - 51 750 50 10 100 2 100 20 000 9 800 7 500 - 69 000 50 13 500 2 800 26 700 13 100 10 000 Résultat d'exploitation - 11 300 - 15 050 Résultat financier - 2 700 - 3 600 Résultat exceptionnel RESULTAT NET - - 14 000 - 18 650 La société s’attend à une perte nette de 18 650 et une marge d’exploitation en chute à -13% pour l’exercice 2006. Le prêt complémentaire de 10 000 est-il suffisant à la société pour faire face à ses obligations ? CONCLUSION : La société fait face à des difficultés structurelles entraînant une baisse d’activité et des marges d’exploitation fortement négatives. Il semble que la société, sauf à réorienter sa production, ne pourra plus générer de profits. La société ne semble pas en mesure de faire face à ses engagements financiers (remboursement d’emprunts) prochains. Un important risque d’exploitation existe. La seule solution pour la société est d’investir dans un nouvel outil industriel et dans les dépenses de R&D indispensables à son évolution. Cependant, cet investissement très significatif (100 000) nécessitera très probablement l’arrivée d’un nouvel investisseur. La société saura-t-elle en trouver un ?