SOCIO-ÉCONOMIE ET INNOVATIONS SOCIALES Marie Fare Introduction La socio-économie consiste en l’analyse d’objets économiques à partir d’un cas théorique disciplinaire ouvert (éco, socio, histoire, anthropologie), d’une méthodologie principalement inductive (=/ déductive qui part d’un certain nombre d’hypothèses pour l’appliquer à des observations; inductive = part des observations et construit et formule un ensemble de théories par généralisation), relevant d’un individualisme institutionnel (la façon dont les chercheurs observent , micro : individu / holisme méthodologique : primer le groupe, la structure, sur l’individu / individualisme institutionnel : dépasse ces deux approches, actions des individus évoluant dans un cadre institutionnel, influence entre actions individuelles et collectives et les institutions*) et sans postulat quant à la nature du comportement individuel (on ne suppose pas que l’individu agit de manière rationnelle, on sort de l’homo economicus, il existe d’autre formes de rationalité, il existe une pluralité de raisons et poussent les individus à agir, l’action économique peut résulter de plusieurs raisons : ostentatoire, logique intéressée ou désintéressée, on ne postule pas qu’ils sont rationnels : on observe et déduit). *Exemple de la monnaie : à la fois une institution sociale qui émerge de collectif mais en retour la façon dont les individus vont gérer la monnaie est influencée par leurs pratiques. Mêle des facteurs liés à l’individu et d’autre liés aux institutions. 1. Point de départ Dynamique récente, fin 1970, résurgence de la socio-économie. Premier facteur : une réaction au regard de l’impérialisme de l’économie néo-classique (volonté d’appliquer cette approche à l’ensemble des phénomènes sociaux, empiècement des économistes sur un certain nombre de domaines qui cherchent à expliquer à l’ensemble des événements avec la rationalité). Deuxième facteur : mutations socio-économiques à cette période qui s’inscrivent dans un contexte de dérégulation du marché. Cela s’inscrit parfois dans une dynamique de critique et l’idée de reconnaissance de la pluralité des pratiques économiques et remettre en question une définition de l’économie qui repose quasiment tout le temps que sur le marché : élargissement de ce qu’est considéré comme étant économie. - On intègre des dimensions politiques, culturelles, institutionnelles… Observer les relations sociales, le rôle des pouvoirs publics, comment l’économie qui est une représentation culturelle va influencer les pratiques. 1 - Ne faut-il pas refonder l’économie pour en faire une science sociale ? - Sortir de la vision marchande de l’économie et l’enrichir d’autres sciences. - Reconnaitre la complexité et la pluralité des pratiques économiques concrètes. Dire que le marché s’autorégule c’est nier le rôle de ses acteurs. - On va considérer qu’il y a d’autres façons pour les individus de transmettre les ressources qui ne soient pas marchandes (toutes formes de dons). 2. Contre les fondements de la science économique standard Postulat 1- Autonomie de l’économie Remise en cause d’un postulat qui est celui de l’autonomie de la sphère économique où il y a eu progressivement une assimilation entre l’économie et le marché. Il y a eu fin 18e début 19e un tournant économiciste : séparation de l’économie et des phénomènes de la société. L’économie marginaliste va s’éloigner d’un certain nombre de questions traitées par les classiques, elle va exclure les institutions, l’économie va s’autonomiser. Cette autonomisation est contestée par les théories de l’encastrement. Postulat 2 - Naturalité de l’économie Volonté d’un certain nombre d’auteurs d’établir des lois naturelles. Des orthodoxes défendent à la naturalité des lois qui ne correspondent pas forcément à la réalité que l’on peut observer. Cela renvoie au fait que le marché se soit créé tout seul, qu’il s’autorégule, la rationalité supposée des individus. Or le marché est un construit historique que l’on peut dater. Conséquence de ce caractère naturel : la neutralité. A partir du moment où on considère les lois comme naturelles alors il n’y a pas de débat et de conflit. Elles effacent le poids des représentations sociales et culturelles. Les choix économiques sont forcément idéologiques et politiques. Cette neutralité est dénoncée par les hétérodoxes. A partir du moment où on souhaite que l’économie soir une science dure et non une science sociale alors on ne prend pas en compte le contexte institutionnel, social, etc. On ne plus discuter des choix de politiques économiques. Postulat 3 - L’homo economicus C’est l’idée que l’individu agit systématiquement pour chercher son utilité individuelle, cherche à satisfaire ses besoins et maximiser son utilité. Les socio-économistes pensent qu’il n’existe pas une seule forme de rationalité, la recherche de satisfaire ses besoins ne peut pas être l’unique raison. Critiques : • Vers une rationalité limitée (Simon 1955) : pour lui les individus disposent d’un certain nombre d’informations et de capacités cognitives limitées ce qui empêche d’optimiser leurs choix. Il met en avant trois dimensions qui caractérisent cette rationalité limitée : les individus ne disposent pas d’un accès illimité à l’information car cela demande des ressources (temps et argent) ; les individus disposent de capacités cognitives qui ne leur permettent pas de 2 disposer d’une vue synthétique de toutes les options et choix ; l’individu n’a pas toujours une vision claire de ses préférences qui vont évoluer à travers le temps. — Il faut observer l’environnement dans lequel l’individu prend sa décision. • L’économie comportementale (Kahneman 2012 ; Thaler, etc.) : prend en compte les facteurs psychologiques et l’influence des émotions dans le processus de prise de décision. L’individu n’agit pas systématiquement de façon rationnelle. Invalidation de la rationalité avec le mimétisme des individus etc. Le jeu de l’ultimatum : un individu peut refuser de maximiser ses besoins pour cause d’inégalité, il y a ici d’autres motifs qui doivent être appréhendés. • Un « Grand Partage » disciplinaire entre sociologie et économie qui sont des « mondes hostiles » (Zelizer), c’est penser qu’introduire de la sociologie dans l’économie c’est venir dénaturer la science et vice versa. C’est le « consensus Robbins/Parsons ». La critique socioéconomique cherche à dépasser cette limite et montrer qu’il existe des imbrications. Limiter ce réductionnisme économique et montrer que l’économie est intensément sociale. • Le problème de l’impérialisme économique (cf la directions prise par Becker, 1976) : il est possible de mobiliser la boite à outils des économistes pour l’appliquer à l’ensemble des comportements sociaux. 3. Approches socioéconomiques 3.1 Caractéristiques communes des travaux socio-économiques Refus des postulats économiques standard, intégrer d’autres logiques pour comprendre l’économie pour enrichir et complexifier l’approche traditionnelle. Le pouvoir, les conflits, les rôles des groupes sociaux, les émotions doivent être pris en compte. Pour forger des théories les socio-économistes s’appuient sur l’observation et un travail de terrain : induction. Chercher le sens de l’action pour ensuite interpréter, c’est une approche compréhensive, donc l’action économique est constamment située dans un contexte, le sens de l’action est interprétée. Le chercheur doit prendre conscience de sa propre subjectivité et ses propres valeurs. La subjectivité doit être reconnue par le chercheur car elle met en cause la rationalité. Max Weber dit qu’il existe plusieurs rationalités : - en finalité (instrumentale) c’est l’action intéressée de l’homo economicus ; en valeur qui s’appuie sur des convictions, des causes, des devoirs, des valeurs, c'est un ensemble de valeurs auxquels l’acteur va adhérer, ces actions ne sont pas jugées comme non-rationnelles. Max Weber considère aussi les actions reposant sur la passion, les sentiments, celles tournées vers l’ethos, le groupe social et la tradition. Toutes ses actions ne sont pas non plus considérées comme non-rationnelles. Le cadre d’analyse n’est ni individuel, ni méthodologique, ni holiste. Prise en compte des interactions entre les individus et les institutions. Les individus impactent les institutions et les institutions assurent le fonctionnement global. Les socio économistes, n’ont pas d’approches unifiées, elles se rapprochent. On retrouve les courants : • Les institutionnalises, mettent en avant le rôle des institutions et de son contexte, liens entre déroulement. Polanyi, Lordon… 3 • • • • Les conventionnalistes, mettent avant le rôle des conventions, des institutions qui coordonnent les échangent au niveau individuel. Une partie de leurs travaux portent sur les marchés financiers et le mimétisme. Orléan, Favro Les nouvelles socio économies : renouveau dans les années 80. Les historiens. Anthropologie économique. Ces courants s’inscrivent ou se reconnaissent dans la socio-économie, mais elle n’est pas reconnue formellement comme en sociologie. Le pluralisme qui existe en économie est une vraie richesse. Conclusion : On peut se demander si la socio économie vise : • Une pluridisciplinarité (plusieurs regards sur un même objet), • Une interdisciplinarité (un travail de dialogue entre disciplines conduisant à la construction de concepts communs), • Ou une unidisciplinarité (revendication d’Orléans 2005 : les faits économiques sont des faits sociaux … comme les autres ; la seule discipline valable est la science sociale). Ils refusent le partage en sciences économiques et science sociales et qu’il y ait une refondions entre économie et sociologie afin de faire émerger un dialogue entre ces deux disciplines et donc d’affirmer que l’économie appartient au champ des sciences sociales. 4 Chapitre 1. Le problème de l’encastrement des activités et des pratiques économiques L’encastrement originel (Polanyi), institutionnel, politique et culturel (formes plus récentes). 1. La question originale désencastrement de l’encastrement / C’est la question à partir de laquelle il y a eu un renouveau de la socio-économie. 1.1 L’encastrement maussien (Essai sur le don, 1923-24) Marcel Mauss publie un ouvrage sur le don et il montre que l’échange est un phénomène que l’on retrouve dans tout un tas d’activité et qu’il en existe différentes formes. Le point de départ c’est que le marché n’est pas le seul mode d’échange au sein des pratiques économiques et qu’il faut reconnaître ses pluralités. Il s’appuie dans ses travaux sur des réalités observables dans différentes sociétés autour du potlatch (F.Boas) : Une forme de don sur le mécanisme de lutte et de rivalité, opposition entre clan lors de fêtes hivernales, donner aux autres une abondance de biens pour que l’autre clan ne soit pas en mesure de rendre en conséquence : asseoir une position hiérarchique, question d’honneur et de pouvoir, lutte de générosité. Et la kula (B.Malinowski) en Océanie : Ce sont des cycles d’échanges entre des partenaires situées sur les îles différentes, les acteurs se rendent dans des îles où ils ont des partenaires et obtiennent des biens précieux (bracelets, colliers) et quand leurs partenaires se rendent sur leurs îles devront la rendre la pareille, les cycles n’ont pas de fin, ils marquent les liens qui sont noués. Ces liens vont dépendre du nombre de partenaires que les individus ont et de la valeur des biens qu’ils ont reçus. Il y a des enjeux de proportionnalité, c’est une obligation morale. Liens de coopération. Selon Mauss, ce sont des formes de dons qui reposent sur une liberté sans obligation. Donc il existe bien des pratiques d’échanges non-marchand. Ces formes de dons ne sont pas limitées aux sociétés anciennes car on les retrouve dans nos sociétés modernes aussi. Pratiques de dons au sein de la Silicon Valley : dans un contexte d’incertitude ils vont collecter tout un tas d’informations. Triple obligation du don : accepter de donner quelque chose, contre-don, et rendre. Chez Mauss, il n’existe pas de don désintéressé. L’individu qui veut recevoir est obligé de donner au préalable, celui reçoit devra rendre. 5 Le don est à la fois obligatoire et libre. L’individu peut refuser de s’inscrire dans ce cycle de don et contre-don. Le don relève des liens sociaux (les créé, les entretient ou manifeste le lien). Il faut considérer que le don peut être intéressé. Il y a une incertitude sur le retour. Il n’y a pas de définition des termes de l’échange de dons. 1.2 L’encastrement polanyien Polanyi, The Great Transformation, 1944. Polanyi et Arensberg, Trade and Market in the Early Empire, 1957. Chez Polanyi, l’encastrement est pluridisciplinaire. 1886-1964. Il a beaucoup étudié les transformations liées à la Révolution industrielle. Il met en avant les limites des appréhensions économiques de l’époque : assimilation de l’économie et du marché. Il est le premier à avoir parlé de l’encastrement. Deux hypothèses fondatrices, la définition de l’économie, il distingue deux sens : • • L’économie formelle qui découle du caractère logique de l’action rationnelle et met en adéquation les moyens et les fins. L’économie substantive qui s’appuie sur son observation des sociétés anciennes, il définit l’économie dans cette perspective comme l’ensemble des interactions entre les êtres humains en vue de satisfaire leurs besoins matériels. Si les économistes résonnent à partir de l’économie formelle, cela occulte un pan entier de la réalité : le sophisme Le marché est une réalité relativement récente et donc il faut partir de l’économie substantive pour appréhender comment l’individu satisfait ses besoins. Il ne faut pas confondre marché et économie car cela conduit à analyser l’économie seulement sous l’angle de la maximisation de leur utilité individuelle. Il existe dans toute société trois principes d’intégration qui sont des logiques qui vont organiser des transferts de ressources, de productions et de financement. On observe les formes de l’échange et surtout les institutions sur lesquelles reposent ces échanges. Chaque principe s’inscrit dans une logique d’interdépendance. Réciprocité Structure institutionnelle Logique d’action Type d’interdépendanc e Exemples Redistribution Échange marchand Horizontale Centralisée Système de marchés à prix fluctuants Action entre pairs (obligation communautaire, engagement citoyen, etc) Obligation dans un système centralisé Marchandage Complémentarité instituée Solidarité entre pairs (économie solidaire) Centralité instituée Prélèvements fiscaux, prestations sociale Interdépendances automatiques (fonction des prix et quantités de marchandises) Échanges marchands 6 Ces trois principes d’intégration sont retrouvés dans toutes les sociétés qui sont définies par une certaine combinaison des principes qui sont plus ou moins hiérarchisés. Le marché est forcément un principe d’intégration secondaire, les normes sociales prévalent sur les échanges marchands. Il montre que seules les sociétés contemporaines connaissent une domination du marché qui a une prétention autorégulatrice. Ceci est lié à l’adoption formelle de l’économie. Il y a une tendance au désencastrement des relations économiques vis-à-vis des relations sociales. Polanyi relativise la place du marché dans l’histoire des sociétés contemporaines il met en avant deux autres principes d’intégration. La construction de ce marché n’est pas naturelle au XIXe, il y a un ensemble de changements qui vont aboutir à créer et construire cette société de marché désencastrés. Pour lui, l’état ultime de cette société c’est la transformation de la terre, de la monnaie et du travail en marchandises qui est une fiction car elles n’ont pas été produites pour être commercialisé. C’est un travail politique qui vient d’acteurs collectifs. L’utopie du « One Big market » dans laquelle il va y avoir un contre-mouvement de protection de la société civile qui prend différentes formes : Etat providence, système soviétique et nazi : tentatives de ré-encastrement anti-démocratiques. Ces réactions sont inévitables puisque chez Polanyi il n’est pas possible que l’utopie s’installe. Crises et réactions d’autoprotection de la société : système soviétique, système nazi, Etat providence dans les démocraties libérales. Le processus de ré-encastrement peut prendre une forme antidémocratique selon lui. Le désencastrement de l’économie n’est donc qu’une tendance, il ne peut aboutir sans détruire la société. Si tel est le cas, il n’y aura plus de liens entre les individus. Il y aurait des famines et autres guerres, les individus ne pourraient plus satisfaire leurs besoins à travers la logique marchande. Il étudie la construction progressive de ce marché autorégulateur. Il s’intéresse particulièrement à trois marchandises fictives : la terre, le travail et la monnaie. Elles ne sont pas produites pour être consommer. L’économie est donc historiquement encastrée. « L’économie humaine est donc encastrée et englobée dans des institutions économiques et non-économiques ». 1.3 Application moderne : l’économie plurielle comme observation et comme norme. Le manifeste d’Aznar et Alii, mettre en lumière la pluralité de l’économie au regard des principes mis en lumière par Polanyi, nécessité de développer des associations pour favoriser l’encastrement de l’économie. L’association sous toutes ces formes pour donner un cadre collectif aux actions. C’est une approche qui met en avant la pluralité des sources de la protection des individus, elle n’est pas exclusivement liée à une forme étatique de redistribution, il faut aussi prendre en compte les formes de solidarité informelles comme la réciprocité. 7 Il y a des approches qui favorisent une interprétation du triangle de Evers. Économie marchande, économie non monétaire, économie non marchande. Les sommets du triangle inspirés des Fi de Polanyi. Donner des bases conceptuelles à l’économie plurielle qui vont montrer que l’analyse de Polanyi a une actualité contemporaine et que ces trois principes de base permettent d’avoir une représentation contemporaine et plus complexe que l’économie marchande. Il faut mettre en avant la mixité et la pluralité des économies. Les rapports entre l’économie et la société sont repensés. L’une de ces formes ne peut pas exister sans les autres formes. Ils cherchent à montrer que l’économie ne résulte pas que de l’échange marchand et qu’il faut combiner les différentes économies et arriver à un nouvel équilibrage. Selon eux, les échanges marchands ne sont pas le problème du moment que le marché est encastré dans les rapports sociaux, le problème c’est la prédominance de ce modèle. Il existe dans les associations une égalité des membres. Cette approche donne naissance à l’économie solidaire, au croisement d’économie marchande et nonmonétaire. Les associations délivrent des services, recevoir des subventions et mobilisent des principes de réciprocité. Il est nécessaire de rendre visibles la pluralité des richesses, monétarisées ou non. Résumé : • • L’encastrement maussien : une pérennité du don dans les sociétés modernes. L’encastrement polanyien : l’économique est immergé dans des institutions économiques et des institutions non économiques. - Mouvement contemporain de désencastrement avec la dérégulation initiée dans les années 80. Comment l’économie vise à s’émanciper d’un certain nombre de régulation politique et sociale à travers un système de marché autorégulateur. Déplacement des frontières de marché : marchandisation de ressources naturelles mais on peut aussi analyser le rôle de l’économie solidaire, collaborative qui visent à satisfaire les besoins des individus en évitant la logique marchande - Deux directions : - Encastrement de l’économique : la société dans son ensemble contraint/ oriente l’économie Encastrement par l’économique : comment l’économique influence, performe la société (influence de toutes les théories économiques qui influencent les pratiques des acteurs. La théorie va orienter véritablement les pratiques des acteurs) 8 2. Quatre grands modes d’encastrement de l’économique. Ici on est dans une approche qui met en avant l’importance de facteurs liés aux réseaux, institut, poli, culture dans les échanges marchands. Les différences reposent sur les institutions à l’œuvre ou sur la forme de coordination des différents auteurs. 2.1 L’encastrement structural : le travail fondateur de Mark Granovetter sur les réseaux sociaux S’oppose au grand partage entre l’économie et la sociologie, et va chercher à observer des objets qualifiés de purement économique avec le regard d’un sociologue. C’est le chef de file de la nouvelle sociologie économique avec une réflexion autour de l’encastrement des acteurs économiques autour des réseaux sociaux. 1. Getting a Job : l’étude fondatrice. Le point de départ de sa réflexion est de savoir comment les individus ont-ils donc trouvé leur travail. Réalisé auprès de 256 cadres : • 30% des individus occupent un emploi qu’ils n’ont pas cherché. • 35% occupent à emploi qui n’était pas à pourvoir. ⇢ ce n’est pas sur le marché du travail que ces individus ont trouvé un travail. Il suggère d’étudier la façon dont les individus trouvent leurs emplois : • 19% des individus trouvent à partir de démarche directe et médiations formelles • 56% contacts personnels • 6% autre ⇢ 56% grâce à leurs contacts personnels, ils ont un indice de satisfaction au travail plus élevé que les autres. 9 Cette mise en avant de la logique des réseaux dans la recherche d’emploi et tout l’apport de Granovetter. On peut élargir cette approche : tous les individus ne disposent pas d’un réseau social, de bons contacts. Encastrement structural : tenir compte de l’identité de la personne que l’individu connait et aussi l’ensemble des personnes qu’il connaît : on étudie la structure plus globale du réseau. Il identifie différents types de liens entre les individus : les liens forts et les liens faibles. Sur cette base, Granovetter donne une définition l’encastrement : il repose sur le soubassement social des relations marchande, comment les relations vont permettre une coordination entre les individus sur un marché. Il va également refuser un certain nombre d’approches car pour lui ces approches substantivistes considèrent que l’économie moderne est désencastrée. Il pense que le désencastrement est impossible compte tenu des réseaux sociaux. Pour lui toutes les actions économiques sont intégrées dans les réseaux sociaux. Chez Polanyi on est sur une tendance au désencastrement. On peut dire que Granovetter a une lecture déformée de Polanyi. C’est car il a utilisé le terme désencastré sans connaître les travaux de Polanyi. Il refuse également les approches reposant sur une vision sous et sur socialisée de l’individu. Il essaie de trouver un intermédiaire entre ces 2 approches. Dans la version sous socialisée, l’individu est égoïste et individualiste, à l’inverse dans les approches sur-socialisé, les individus auraient un comportement trop peu subjectif. Les actions sont socialement situées, encastrées dans des réseaux de relations : - - - Il y a des finalités diverses aux activités économiques (déjà vu dans les séances précédentes) et elles sont inscrites dans un contexte social car les individus vont être inséré dans des réseaux permanents de relation personnelle qui font que les individus sont constamment en contact. Les marchés fonctionnent sur la base de structure sociale basées sur des réseaux d’acteurs. Il ne faut pas tenir compte seulement de la relation entre 2 acteurs, il faut sortir des relations bilatérales pour analyser la place des individus dans la structure. Les réseaux traversent les organisations et les marchés, travaux qui portent sur les relations sociales en entreprise intégrant la notion d’efficacité Les réseaux façonnent l’efficacité des marchés et des organisations, l’efficacité des acteurs à mobiliser des ressources techniques, scientifiques etc. Pour lui il y a différents chemins possibles, c’est bien l’imbrication des réseaux sociaux qui vont orienter les organisations ou marchés dans un sens. Cela va influencer les ressources politiques, matérielles etc. employées dans l’organisation ou marché. 2.2 L’encastrement institutionnel Il met en avant le fait que l’encastrement n’est pas seulement un encastrement des réseaux sociaux mais que de façon plus large, un ensemble d’institutions jouent un rôle dans le fonctionnement des marchés. Institutions : construction collective capable d’influencer de manière durable le 10 comportement individuel, elles peuvent être formelles ou informelles. Elles peuvent prendre différentes formes : - Institutions règles dans le cadre de norme, conventions, coutumes - Institutions acteurs ou l’on observe le rôle des collectifs d’individus qui sont en capacité d’influencer leur environnement : organisations officielles, groupes informels stabilisés. Encastrement pensé autour d’un ensemble de règles et notamment des institutions règles. Encastrement institutionnel prend une forme juridique en appliquant des règles, des lois pour encadrer les marchés. Il s’agit d’encastrement juridique des relations marchandes. Influence fortement le déroulement des activités économiques ainsi que la stabilité des activités économiques. Le droit favorise l’émergence de marché, il le règlement limite certaines pratiques. Toutes les activités économiques reposent sur des règles de droits permettant leur développement et contraignant les acteurs économiques. 2.3 L’encastrement politique On met l’accent sur le rôle de l’Etat et du personnel politique et administratif dans l’organisation et l’orientation des activités économiques. Comment l’Etat oriente le déroulement des activités économiques à travers le panel de ses moyens d’actions ? Fligstein (2001) : - L’Etat détermine les relations entre les firmes car l’Etat construit le droit, il favorise les phénomènes de concentration mais peut aussi les limiter. - Favorise ou non l’innovation technologique. - L’auteur met en évidence les facteurs politiques et économique qui sont liés à l’Etat qui va impulser, dès la WWII, le développement de ce secteur d’activité (Silicon Valley). Impulsion par le Secrétariat d’Etat, à différentes formes de soutien de la part des pouvoirs publics (soutien financier, notamment auprès des universités afin d’encourager la recherche autour de la technologie, et aussi des incitations fiscales fléchées vers le développement de ce secteur d’activité qui ont permis, in fine, la réussite de ce secteur). Volonté politique oriente tels ou tels secteurs d’activité. Les USA revendiquent le fait que l’Etat n’intervient pas dans le cadre des relations économiques alors que l’Etat peut intervenir puissamment pour soutenir ou favoriser l’émergence de certains secteurs. On est dans le cadre de l’économie plurielle avec l’imbrication du secteur privé et du secteur public à travers l’interventionnisme de l’Etat. 11 Pourquoi les Etats construisent aussi les conditions de leurs inactions ? Par exemple avec les BC indépendantes et la BCE ⇢ on en revient au caractère performatif de la théorie économique et du rôle de l’expert et de son influence auprès du pouvoir politique. Outre l’influence de la théorie économique, On peut étendre la formation des choix de politiques publiques en ajoutant le rôle joué par les lobbies, les réseaux ou encore la corruption. 2.4 L’encastrement culturel Met en avant comment les dimensions culturelles fondent les pratiques économiques. Dimensions culturelles est tout ce qui est relatif au processus de socialisation (primaire ou secondaire), éléments cognitifs liés à la subjectivité et à la catégorisation opérée par les individus ou encore toutes les normes qui influencent les pratiques des individus. Influence des facteurs religieux intégrés dans les dimensions culturelles, comment les mentalités et les croyances influencent le comportement des individus (Weber et l’éthique protestante) : - Les croyances influencent le développement de tels ou tels pratiques économiques, notamment des pratiques capitalistes dans le protestantisme où l’accumulation est valorisée. Le salut est obtenu par un arbitrage de Dieu et le seul moyen pour les individus de parvenir à capter ses signes d’élections divines est de développer des formes de réussite économique qui s’inscrive dans le cadre de la valorisation du travail et de la non utilisation du profit, les individus sont incités à réussir mais ne sont pas incités à utiliser les profits générés - Codification culturelle des échanges marchands façonne l’espace légitime des comportements marchands. Des espaces seraient légitimes pour le déroulement des échanges marchands et d’autres non. Conditions dans lesquelles les échanges marchands peuvent se dérouler importent : - les personnes importent, on ne commerce pas entre proche (famille et amis) mais cela dépend nécessairement du contexte ou des codes culturels / les lieux importent, on ne commerce pas dans des lieux de culte / les produits importent, pas de marchandage possible dans le cadre des prestations funéraires. Marché de l’assurance vie s’est développé autour d’un processus de changement de mentalités autour des perceptions de la mort, une bonne mort est lorsque l’on laisse quelque chose à ses héritiers / les circonstances importent. Le marché est donc contraint par ces normes culturelles, aujourd’hui la marchandisation de l’environnement avec l’évaluation du prix de la nature. Culture permet aussi de développer un certain nombre d’activités économiques. - Zelizer, l’encastrement culturel comme entremêlement (mingling). Elle refuse la notion de Grand Partage disciplinaire. Elle considère qu’il y a des interrations entre différents facteurs, difficile de déterminer la nature des facteurs qui sont des préconceptions et catégories attribuées à certains objets. Difficile de distinguer les phénomènes économiques, sociologiques, politiques etc. car tout est très imbriqué. Il faut étudier l’ensemble des causalités, c’est en mélangeant tout que l’on peut étudier au plus proche de la réalité. Elle s’est penchée sur les questions monétaires et sur les pratiques monétaires. Elle pense que la monnaie n’est pas un pur instrument quantitatif, interchangeable et impersonnel. La diversité des usages de l’argent montre le rôle des marqueurs socioéconomiques. Les individus vont systématiquement s’approprier la monnaie et l’orienter en fonction des marqueurs socioéconomiques. 12 Par exemple dans les sphères intimes : à une époque où les femmes ne travaillaient pas, la monnaie intégrait une sphère de l’intime et ce n’est pas pour autant qu’on observait une perversion cependant il y avait une relation de pouvoir. Ce mettait en place un système de versements hebdomadaires pour qu’il n’y ait plus cette situation de domination. Autre exemple : l’origine des revenus, dans un certain nombre de cas, les ménages opèrent des affectations des revenus. Ils mettaient dans une boite les dépenses quotidiennes et dans une autre les dépenses de loisirs : un fléchage et orientation de l’argent. On retrouve également que quand des personnes héritent d’une somme d’argent, ils n’utilisent pas cet argent à des dépenses courantes mais vont la placer pour une dépense extraordinaire. Elle veut montrer que l’argent prend des formes multiples en fonction de l’origine du revenu, l’individu s’approprie la monnaie et l’oriente en fonction de l’usage, la monnaie n’est pas seulement quantitative. Les prostituées distinguent les revenus de leur métier et les revenus des aides sociales. Opérations de cloisonnement. Conclusion : Il y a une diversité des formes d’encastrement, chacune va mettre l’accent sur un mode de coordination et des facteurs qui vont façonner et orienter les pratiques économiques. L’encas culturel, l’imbrication est telle que l’économie tend à se dissoudre dans les autres facteurs explicatifs. Chaque auteur insiste sur des modalités d’encas spécifiques. L’ensemble de ces facteurs constituent un point important pour enrichir plus globalement l’approche économique standard. Il faut observer les pratiques économiques des acteurs, l’éco n’est pas une sphère autonome. L’imbrication peut parfois produire plus d’efficacité, surtout le processus par lequel des institutions vont être impulsées par les différents acteurs pour mieux comprendre et construire la nature des faits économiques. Le désencastrement est utopique, l’éco ne peut pas s’échapper des relations sociales, politiques, etc. selon Polanyi. L’appréhension de ses facteurs permet de souligner que tout ce qui est analysé d’un point de vue économique repose sur un processus de construction par les acteurs. Chapitre 2 L’innovation sociale Parvenir à distinguer l’innovation sociale d’autres formes d’innovations (technologique par exemple). Introduction On assiste à une prise en compte de l’innovation sociale progressive dans un contexte de crise qui va permettre de mettre en avant une conception prédominante de l’innovation qui reposant sur la technologie. Un regard de plus en plus fort sur l’innovation sociale avec l’émergence de nouvelles questions sur le développement durable, la soutenabilité de la croissance. L’usage du terme d’innovation sociale séduit de plus en plus acteurs et est considéré comme une nouvelle façon de répondre aux besoins sociaux face au désengagement de l’Etat. Dans une société post-industrielle où il y a une transformation et une mise en avant de l’économie de services et de la connaissance et qui prône une innovation permanente et continuelle. Le rôle des pouvoirs publics depuis la stratégie de 13 Lisbonne s’oriente vers des financements fléchés vers l’innovation sociale dans le cadre de fonds européen ou de fonds régionaux. Il y a la fois un processus vertical et aussi plus horizontal avec les acteurs de la société civile qui montre leur capacité à innover. « Un déplacement du regard de la technologie ou de l’entreprise vers la société » Richez-Battesti. Cela signifie que l’entreprise n’est pas la seule à pouvoir innover mais aussi les membres de la société. Ce nouveau système de croissance s’inscrit dans l’économie inclusive, de partage. L’innovation sociale c’est très flou, cela regroupe les concepts de besoins sociaux. Elle permet d’élargir une conception de l’innovation, et répond à des besoins sociaux, et sera caractérisée par son processus d’innovation. Il existe différentes formes d’innovations sociales qui relèvent d’une approche disciplinaire, historique, chronologique. I. De l’innovation technologique à l’IS Shumpeter : théoricien de l’innovation. L’entrepreneur est la personne qui dispose de plusieurs qualités et qui sera en mesure de prendre des risques. Il a une bonne capacité d’anticipation. Cette figure correspond souvent à des groupes / grappes d’entrepreneurs. Phases dans l’émergence du concept d’IS : - Jusqu’en dans les années 90 : la notion d’innovation est limitée à celle technologique - Années 1990-2000 : le terme émerge et commence à structurer des politiques publiques et recommandations internationales. Le rôle de la recherche est souligné. En 1995 : Le Livre Vert qui étend les innovations au secteur des services mais toujours fortement relié à l’innovation. - Depuis 2005-2010 : reconnaissance et diffusion large du concept, qui devient un « mot-valise » facilement adaptable, et qui entre en résonnance avec les dynamiques d’entrepreneuriat social. L’innovation s’inscrit dans les enjeux sociétaux du 21e siècle. La mise en place d’une stratégie au niveau européen : l’inclusion dans la stratégie de Lisbonne de l’IS. Des réponses nouvelles aux défis sociétaux. L’ensemble de ces phénomènes se cantonne aux politiques publiques mais fait l’objet de beaucoup de développement au sein de la société civile par l’ESS. Les acteurs veulent montrer leur capacité à innover. 1. Continuités et ruptures Phases Émergence Processus Continuités Résolution de problème Ressources liées à la recherche scientifique Interventions d’une pluralité d’acteurs Ruptures IT Pression du marché Recherche Processus descendant Ruptures IS Pressions sociales et politiques Recherche davantage issue des SHS Processus ascendant où l’appropriation constitue une 14 Résultats Diffusion Articulations possibles entre des éléments matériels et immatériels Diffusion comme élément majeur de la définition Davantage matériel Diffusion par la commercialisation, le marché est une procédure d’évaluation de la diffusion condition de réussite : idée de mêler une pluralité d’acteurs pour résoudre un problème commun Davantage immatériel Traduction par les acteurs, recours à une économie plurielle composée des différentes formes d’intégrations (échanges marchands, réciprocité, redistribution). Pas de reproduction exacte de l’IS mais une adaptation après appropriation. Une forme d’innovation qui emprunte à d’autres, tout en allant au-delà : - Organisationnel : (du travail, de l’activité) Blablacar, Uber … - Technologique : développement d’internet dans le cadre du développement des personnes sourdes, application pour les malentendants. - Institutionnel : SIC qui visent à créer une nouvelle institution avec des parties prenantes multiples normes, règles : AMAP, orienter au regard de valeurs, mobiliser de nouvelles règles. Si l’innovation sociale peut emprunter à d’autres formes d’innovations, elle va aussi au-delà dans un cadre novateur et normatif. II. Les différentes conceptions de l’IS 3 conceptions de l’IS (Richez-Battesti et al., 2012 ; Besançon et al., 2013) - L’IS comme outil de modernisation des politiques publiques - L’IS dans l’entrepreneuriat social o École de l’IS o École des recettes marchandes - L’IS comme système d’innovations territorialisé, inclusif et participatif. 15 2.1L’IS comme outil de modernisation des politiques publiques - Transformer les organisations publiques afin de les rendre plus performantes ou efficaces L’IS comme fondement de la rénovation des politiques publiques notamment sociales Enjeux : faire face à la réduction de budget, s’inspirer des méthode et processus issus du secteur privé, être réactif à la demande et aux besoins des usagers Inscription dans les règles du nouveau management public et les impératifs d’efficience et de compétitivité de services publics Exemple : projet de Pic Society par Cameron G-B, mettre en avant la capacité de la collectivité civile à s’organiser pour s’auto-délivrer des services, aussi pour réduire le budget de fournir un service public. Processus de co-construction entre usagers et pouvoir public. Au niveau européen c’est l’idée de l’IS s’inscrit dans la stratégie de Lisbonne qui souhaite une croissance plus durable et inclusive. Il y a des liens étroits à faire entre les théorie et l’impulsion de certaines politiques : cela montre que le secteur privé peut être plus performant que le public pour fournir certains services, processus de sous-traitance ou de partenariat avec les acteurs privés. La deuxième direction qui est prise c’est de viser des transformations autour de la gestion des organismes publics et autour de l’intégration des usagers. Enjeux budgétaires et de satisfaction des usagers. Exemples : - - Valorisation des ressources humaines des personnes âgées au japon : politiques publiques et sociales, fournir un emploi aux personnes retraitées, répond à un besoin social, rémunération inférieure que le salariat classique. Maintenir les liens sociaux et professionnels, amener des ressources financières aux personnes âgées. Bulgarie : salarier les grands-parents de s’occuper des petits-enfants, favoriser la natalité très faible. Des écoles « fenêtres » ou « ouvertes » : temps périscolaire n’est pas géré par l’école mais par les habitants et les parents de façon bénévole. La télémédecine : plateforme de services ne ligne, pallier les déserts médicaux. Les budgets participatifs : citoyens qui déterminent l’affectation des budgets. 2.2. La dimension entrepreneuriale « Chevalier des temps modernes qui identifie des besoins sociaux et développe une réponse, dynamique d’innovation et de changement » (Schumpeter). Cette dimension est née dans les années 80-90, dans des milieux gestionnaires et universitaires et va se décliner en deux écoles de pensée : écoles des recettes marchandes et école de l’is. 16 École des recettes marchandes : is s’appuie sur des organisations non-lucratives qui vont développer des catégories économiques qui vont générer des revenus ou des entreprises dont la finalité 1ere n’est pas nécessairement sociale et ils vont réinvestir des bénéfices. Une entreprise sociale et toute organisation lucrative ou non qui développent une activité économique et des recettes au profit d’une thématique sociale. École de l’is : entrepreneurs sociaux aux caractéristiques déterminantes dans la réalisation de son activité. Personnalisation de l’individu qui est en capacité de développement des besoins sociaux et poursuivre une finalité sociale. L’is reste relativement floue car tout besoin identifié c’est de l’is dès qu’on y répond. Ces deux écoles vont à la fois porter sur les caractéristiques de l’entrepreneur ainsi que ses motivations philanthropiques. On va mettre l’accent non seulement sur la finalité sociale et le besoin mais aussi l’impact social : comment peut-on mesurer l’impact social d’une finalité ? Mouves : 2010, page dédiée aux portraits d’entrepreneurs sociaux. On est sur une évolution des finalités économiques mais il n’y a pas de précision sur la nature du changement. 2.3. L’IS comme système d’innovation territorialisé, participatif et inclusif. Les normes qui sont capables de changer la société. On met l’accent sur le contexte. C’est le processus collectif qui émerge qui est important et non la finalité. Vision plus politique, l’is génère de changements institutionnels et transforme des pratiques et des connaissances vers un nouveau paradigme sociétal. III. Focus sur la perspective institutionnaliste Il y cinq dimensions clé de l’IS : - Des réponses par le bas à des besoins et aspirations sociales : L’aspiration sociale c’est un idéal social, c’est une coordination sur un futur souhaitable. Dépasser les volontés individuelles. Comment construire une vision différente. Ce sont des solutions inédites qui répondent à des attentes sociales émergentes. Menées par les acteurs eux-mêmes, qui peuvent saisir des signaux faibles. L’IS dans ce cas née hors Etat et organisations lucratives. Dans le processus de la réponse il se peut que de nombreux acteurs se mobilisent. Corrélation forte entre besoin et aspirations sociales. 17 CAE ont deux objectifs : accompagner les individus et développer une forme de salariat : aspiration sociale et construire une nouvelle vision du travail. Les accorderies, ces sont des banques de temps avec une unité de calcul qui est le temps donné pour rendre service. L’objectif est de lutter contre l’exclusion sociale et la pauvreté. Mais il y a également l’idée de valoriser les compétences sur un même pied d’égalité. - L’ancrage local et l’importance des finalités : Il y a l’enjeu d’identification des besoins et aspirations. L’IS est généralement liée et ancrée à un territoire, cela émerge du faut que la réponse se construit localement et dans le cadre de la construction de la réponse il y a implication de différentes formes de localité. Proximité socioéconomique qui permet aux individus de se rapprocher : les conventions, les valeurs, la nécessité de coordination des acteurs. Le territoire fournit l’ensemble des ressources mais en échange la dynamique d’IS permet la construction du territoire : double relation. Cela renforce le capital social du territoire qui relie les individus. - Des logiques partenariales autour d’un projet fédérateur : Dans ce cadre, ce qui est mis en avant c’est que l’is est un processus qui s’appuie sur une dynamique territoriale, collective et une gouvernance partenariale. Mobiliser des ressources et des acteurs autour du projet et que la réponse même est la coordination et la coopération d’acteurs diversifiés. Ce processus émerge parfois d’un groupe de militants qui mobilise son capital social pour faire passer l’information etc. Cela renvoie à la capacité de mobiliser des réseaux de différente nature avec l’idée que ce processus qui se veut multi partenarial va permettre un modèle économique sur l’hybridation des ressources. L’hétérogénéité des acteurs autour de la place permet de faire émerge un modèle économique hybride. C’est la notion d’économie plurielle. Créer des espaces de co-construction, espaces des dialogues pour identifier les besoins et la forme de l’IS. Cela sous-entend la mise en place de gouvernances spécifiques plus inclusives et participatives pour prendre en compte l’ensemble des parties prenantes et fédérer les acteurs. - Une critique du modèle dominant : L’IS consiste en une critique du modèle dominant sous différentes formes : opposition frontale, opposition vis-à-vis du modèle de production, lutte contre les inégalités ou institutions … L’IS s’inscrit dans la ligne des nouveaux mouvements sociaux qui vont chercher à répondre à un nouveau modèle sociétal. C’est théorisé par Gendron : appropriation d’outils économiques à des fins de transformations (sociale voire politique). - Émergence de règles et de normes novatrices : Ici ça souligne que l’is contient des règles qui vont mettre en place un nouveau cadre de valeurs différentes et qui veulent remettre en question le modèle dominant. On peut identifier des règles de modèles de gouvernance, des règles qui cherchent à réorienter les échanges (ex : commerce équitable). On est sur l’idée d’un processus de construction. Différentes étapes : 1. Identification par le bas des besoins et aspirations non satisfaits. 2. Une réponse par des associations ou des groupes enracinés localement. 3. La mise en œuvre : mobilisation des acteurs et des ressources. 18 4. Problème de la pérennisation. 5. Essaimages par multiplication / différenciation. Approche institutionnelle Critères de définition « De nouvelles de l’IS réponses à des besoins sociaux pressants, qui affectent le processus des interactions sociales et qui ont pour objectif d’améliorer le bienêtre des personnes » (Bepa 2010) -faire face aux défis sociétaux -réduire la dépense publique -renouveler l’action publique (organisationnel et/ou associer usagers aux services publics) Rapport / nature du Logique de marché changement Nouveauté Besoins sociaux Approche entrepreneuriale -L’entrepreneur social : accent sur un individu qui a la volonté de répondre à des besoins sociaux - la relativité de la non lucrativité : utiliser les bénéfices issus des activités marchandes pour fiancer d’autres projets non rentables à finalité sociale un aspect philanthropique, avec l’altruisme comme mobile d’action -impacts sociaux Approche institutionnaliste - des réponses par le bas à des besoins ou à des aspirations sociales - l’importance des finalités et de l’ancrage territorial des logiques partenariales autour d’un projet fédérateur - une critique du « modèle dominant » - l’émergence de règles et de formes novatrices Logique de marché Nouveauté Besoins sociaux Changement social Accent sur la finalité sociale Économie plurielle Nouveauté/rupture (changement institutionnel) Transformation sociale Accent sur la dimension sociale de l’innovation (aspirations sociales et processus de construction de l’is) IV. Facteurs et processus d’institutionnalisation de l’IS de diffusion et On peut s’interroger sur la capacité de l’is de se diffuser plus largement. Les is une fois crée et mis en œuvre sur le territoire peut essaimer et être appropriée. On ne peut répliquer complètement l’is. Les processus de diffusion sont donc différenciés. On peut s’appuyer sur les théories de l’acteur-réseaux ou sociologie de la traduction : la mise en place de processus innovants. 19 - La première phase du processus de traduction, problématisation : formuler des problèmes et convaincre et solliciter les acteurs qui peuvent apporter des éléments de réponse, les convaincre qu’ils font partie du processus et qu’on peut trouver une réponse commune. - Phase d’intéressement : chercher à faire rentrer les acteurs dans le jeu et devenir des parties prenantes. - Phase d’enrôlement : la nécessité de mettre en place des processus de médiation. Phase de négociation, chercher à ce que chaque acteur trouve une place et un rôle. - Phase de mobilisation : construire un collectif, suppose un engagement clair de l’ensemble des acteurs avec des rôles précis pour chacun. Certains peuvent sortir du jeu mais au final il faut stabiliser. On peut mobiliser ce cadre d’analyse dès qu’on veut analyser le processus de mise en place de l’is. La notion d’acteur est très large (humain ou non). Ce ne sont pas des processus linéaires. - Processus informel : forme de bricolage, logique des réseaux sociaux, bouche à oreille sans mise ne place de norme ou guide. L’adaptation au territoire et d’autant plus forte car pas de guide (FabLab). - Processus de diffusion territorial : les collectivités territoriales sont importantes, processus plus vertical et institutionnel, progressive normalisation de l’is (les pouvoirs publics repèrent les bonnes pratiques et cherchent à les diffuser). Parfois c’est la volonté de certains acteurs de gagner plus de légitimité. - Processus de diffusion réticulaire : verticalité au sein des réseaux, échelle méso-économique. Les fédérations ou les réseaux connus qui vont diffuser l’is. Enjeu de normalisation, mise en place de charte, label. Le processus de diffusion est conditionné par le rôle des réseaux sociaux, des médiations (guides, capacité des individus à solliciter leur réseau) et aussi l’accès aux ressources. Cet accès a des enjeux de marché et d’hybridation des ressources, il y a une certaine frilosité des institutions bancaires à prêter à ces organisations qui testent. L’impact social de l’is conduit à interroger les effets attendus de l’is et à les évaluer. Ce développe les contrats à impact sociaux : nécessite de prédéterminer les objectifs à atteindre et évaluer la réussite ou non du dispositif. Cette modalité innovante ce financement n’est pas sans poser de question au regard du fait que les indicateurs étudiés sont quantitatifs. De plus l’évaluation qui est proposée et souvent par groupe aléatoire, comparer les effets avec un groupe contrôle (impact éthique et biais de résultat). Les structures d’accompagnement sont des incubateurs, des agences régionales et des instituts plus ou moins spécialisés. Cela questionne la création d’un écosystème de l’is. Un des enjeux est de repérer des écosystèmes territoriaux, des territoires innovants. Ils évoluent de plus en plus vite et se structurent pour se professionnaliser. Cela croise la dynamique qu’il y a autour de l’entrepreneuriat social. 20 La question de l’institutionnalisation. La capacité des is, si elles ne sont pas essaimées et porteuses de changement social à s’institutionnaliser. Il y a une jonction entre la micro échelle et la macro, la diffusion est l’enjeu qui passe à un moment par le processus d’institutionnalisation qui mène à interpeler des institutions. Cela ne signifie pas forcément un processus de récupération par l’Etat mais influencer les cadres dans lesquels elle se développe. Cela signifie que c’est une innovation qui a du succès car reproduite. Il existe dans le cadre de ces processus d’institutionnalisation : une institutionnalisation positive forme de négociation avec les pouvoirs publics tout en laissant des marges de manœuvre et prend en compte la spécificité de ces is sur le territoire. Les reconnaitre et leur laisser de l’autonomie. Cela sous-tend une dimension plus politique. Cela sous entend de la part des pouvoirs publics une capacité d’incitation, le principe de subsidiarité : partout où il est possible d’agir il faut laisser les acteurs s’organiser en favorisant l’émergence d’is, soutien par le bas mais pas d’intervention. V. L’évaluation de l’IS Le processus de l’is conduit à un certain nombre d’impacts qui conduit à un changement des institutions. Il faut prendre en compte l’ensemble du processus et pas seulement la finalité. On observe les impacts directs, les changements de pratiques et de représentations, changements institutionnels et transformations sociales. Le résultat c’est de savoir à quelles problématiques sociales répond cette is, avec quels impacts. On observe 4 types d’indice qui oriente le processus d’évaluation : - Besoins sociaux Développement des « capabilités », développer les capacités d’agir des individus, gagner de l’autonomie. Empowerment, forme collective, capacité d’une société à contester des règles et normes. Service – économique de la fonctionnalité, remet en cause la production à la consommation de masse, ce n’est pas la possession d’un bien qui importe mais son usage. Pourquoi évaluer ? Objectifs politiques, analytiques, stratégique. Comment ? Interne, externe, combinée. Quelle légitimité ? Territoriale, institutionnelle, de l’entrepreneur. VI. EDC : les nouveaux territorialisés (NIR) indicateurs de richesses Ils se veulent complémentaires face aux limites que le PIB peut contenir. Il ne se s’agit pas d’un indicateur de bien-être, ne prend en compte que les richesses monétaires, ne prend pas en compte la destruction de l’environnement. Plusieurs ont cherché d’autres indicateurs dans la volonté de mettre ne avant de nouvelles façons de comptabiliser, montrer les limites de PIB et compter de nouvelles formes de richesses. 3 enjeux : 21 - La pluralité des richesses, il est possible son appréhension, les richesses non marchandes. Faut-il tout mesurer ? Développer les évaluations à l’échelle territoriale. Quelle expertise ? L’idée que la création d’indicateurs doit être réservée à des experts, nécessité d’inclure les parties prenantes civiles pour une nouvelle définition des richesses. L’exemple des NIR en Pays de la Loire : Déterminer des indicateurs qui permettent de mesurer des formes de richesses sur les territoires du PaysdlL. Démarche participative, 164 débats, 1848 participants. Des parties prenantes très diversifiées. Lancé en 2011. - Trois phases : débats, traitement comptes rendus, co-construction des indicateurs. Résultats : Qu’est-ce qui est important ? - 1. La nature, la famille, le lien social et l’emploi apparaissent comme les piliers fondamentaux - 2. Au-delà de ces piliers, certains plébiscitent le bonheur et la qualité de vie au quotidien - 3. Pour d’autres, les droits, les libertés, les valeurs, l’éducation. Puis acquis soc /ou/ dvl économique Toutes ces richesses sont-elles toutes mesurables ? Cela peut-il faire évoluer les prises de conscience et les institutions ? Pour la question de l’environnement : ils ont décidé que les 4 indicateurs les plus importants sont la part des énergies renouvelables, la consommation d’énergie par habitant et intensité énergétique de la production, production de déchets par personnes/type d’émetteur, part du temps libre des ligériens consacrés à la nature. Et après ? - Usage symbolique, sous-entend que les individus se questionnent sur la définition des richesses. - Usage politique. - Usage instrumental, mise en œuvre ou suivi des politiques publiques. Ce type de réflexion, de par le processus et le résultat mène à des changements des représentations et aussi des pratiques. Donc mènera à un changement institutionnel. Montre l’importance du débat démocratique. 22 Chapitre 3 Damien Sauze I - Quelles définitions ? Innovation L’innovation répond à un nouveau besoin ou propose un nouveau produit, méthode de production pour répondre à ce besoin. Cela peut aussi être apporter une nouvelle réponse à une question sociale, une discontinuité dans les solutions apportées à la question sociale. Innovation et changement : la rupture, discontinuité peut être le produit intentionnel ou le résultat de quelque chose qui n’était pas stratégique. Tout changement n’est pas innovation. Le changement n’est pas forcément réfléchi, c’est une constatation neutre. L’innovation est un processus conscient avec une finalité de progrès, d’amélioration. Le changement peut être subi. Innovation et dynamique économique : l’innovation est souvent considérée comme une source de la croissance économique. L’innovation est la source du progrès technique. A partir de la fin des 30G il y a moins d’innovations techniques et on n’a jamais retrouvé ce taux de croissance exceptionnel. Les spécialistes disent qu’on ne peut pas retrouver ce taux de croissance grâce à l’innovation technique mais il y a beaucoup d’espoir sur le fait que l’innovation sociale prenne ce rôle. Innovation et inégalités : les innovations augmentent ou diminuent-elles les inégalités ? Les innovations techniques suppriment souvent des emplois, effet important sur la répartition des 23 richesses. Elles peuvent aussi avoir des effets positifs sur les emplois en réduisant les coûts et permettre de gagner en pouvoir d’achat déployé vers d’autres produits (destruction créatrice de Shumpeter, début 20e). Aujourd’hui on a des doutes face à la destruction créatrice car ça peine à créer des emplois, les chômeurs n’ont pas forcément les qualifications, cela peut être des emplois peu valorisés qui ne sont pas rentables pour les entreprises qui pourraient les créer (secteur du service à la personne, moins de gains de productivité potentielle possibles). Les réallocations d’emplois ne sont pas si évidentes. Les innovations peuvent aussi être positives dans le cas où la réallocation a bien lieu et de ce fait il y aurait un accroissement des richesses nationales. C’est les forts gains de productivité pendant les 30G qui ont permis d’augmenter les salaires et créer une protection sociale. Donc ici l’innovation est un moyen de réduire les inégalités. Nous sommes donc bien face à une question socio-économique. Sociale Ce terme peut être interprété de multiples façons, là est peut-être la raison de sa popularité car on peut mettre beaucoup de choses derrière. C’est social par la nature de l’innovation. En opposition à l’aspect technique. Ce terme de social peut aussi renvoyer au champ de l’innovation, ferait appel à une réorganisation sociale. Quand on parle du champ de l’organisation on pourrait aussi inclure les innovations techniques dans le domaine social. C’est tout ce qui répond à des besoins sociaux. Par exemple les assurances comme innovation technique peut être sociale car elles couvrent des risques (relatif aux besoins sociaux). Est-ce un changement technique ou un changement des relations sociales ? La finalité de l’innovation sociale intègre des objectifs sociaux, une volonté de transformer des objectifs d’une organisation économique pour intégrer l’aspect social. Par exemple, l’entrepreneuriat social n’a forcément pour objectif de prendre en charge un besoin social, mais volonté d’intégrer des valeurs sociales au projet (conditions de travail, impact environnemental …). De plus, il y a une transformation des rapports sociaux (innovation par rapport à un mode d’organisation ou de coordination dominant), par exemple la coopération ou les réseaux locaux. Acteurs Il existe une multiplicité d’acteurs par rapport à l’innovation technique pour laquelle les acteurs se limitent d’avantage aux professionnels de la R&D. Doit-on se limiter aux institutions ayant émergé depuis la naissance du concept d’innovation au début du XXe siècle ? Les grandes ruptures dans la socio économie sont dans les ruptures des modes de production (féodale et industrielle). Perspective historique : innovations sociales et « question sociale ». 24 Si l’innovation sociale est un concept qui a été mis en avant seulement récemment, est -ce à dire qu’il n’y avait pas d’innovation sociale auparavant ? Ce qui change depuis l’apparition du concept c’est que des acteurs s’en revendiquant, mais il a pu exister des innovations sociales dans le passé sans que les acteurs s’en soient revendiqué. Dans le domaine social, Robert Castel (1995) a étudié et écrit Les métamorphoses de la question sociale. Toutes ces métamorphoses ne se réduisent pas à des innovations sociales, mais elles s’appuient en partie sur des innovations sociales. La question sociale pour Robert Castel est une inquiétude sur la capacité de maintenir la cohésion d’une société. La question est déjà présente sous l’ancien régime : secours aux pauvres selon qu’il y a ou non incapacité à travailler (bons et mauvais pauvres). Quels sont les objectifs des innovations dans le domaine social ? Savoir comment protéger les individus, comment assurer la cohésion de la société. Avec quels moyens ? La régulation marchande ou la régulation par des institutions. Apparaissent déjà différentes options pour répondre à cette question sociale. Est-ce que toutes les ressources économiques des individus doivent dépendre de régulation marchande ? Chaque revenu doit-il dépendre de la régulation sur la vente ou le travail ? La régulation dira ce que vaut le travail de chaque individu. Les innovations sociales dans le domaine du travail lors de la Révolution française. Avant la Révolution, le travail artisanal était très régulé par les corporations. Elles régulaient les entrées. On entre compagnon et c’est au cours d’une compagnonnage avec un maître que l’on devient artisan. L’accès aux professions était régulé. La conception des révolutionnaires est très libérale, face au problème de la pauvreté il faut enlever les barrières. On décide donc de supprimer tous les obstacles à la libre concurrence et au développement de la croissance économique. Ce sont les lois d’Allarde et loi du Chapelier qui mettent fin aux corporations et syndicats. Il faut laisser chacun librement s’installer, empêcher les syndicats de négocier collectivement, empêcher les coalitions de salariés, car cela entraverait la libre concurrence. C’est une innovation sociale on enlève le rôle de certaines innovations, c’est une nouvelle façon de répondre à la pauvreté. C’est donc un bouleversement, une rupture socio-économique. On change de paradigme : libéral. Le marché est considéré comme le mécanisme qui permet l’auto régulation de la société. D’après Polanyi c’est à cette période que l’on constate un désencastrement de l’économie. On veut la rendre indépendante du reste de la société. Il s’agit de protéger la propriété privée, favoriser l’épargne, on compte sur les choix rationnels des individus. Finalement le meilleur moyen pour lutter contre la pauvreté est de responsabiliser chacun pour s’organiser pour que les problèmes de pauvreté le jour où les travailleurs ne pourront plus travailler, tomberont malades … 25 Dans le domaine du travail, les relations doivent être régies par le contrat, librement conclues entre le salarié et le patron. Aucune garantie n’est apportée en cas de réduction des revenus, maintien des prix … L’Etat ne doit pas intervenir pour réguler le marché. Échec du paradigme libéral à répondre à la question sociale au cours du XIXe siècle. Au cours des périodes de crises, on observe des très fortes variations des salaires à la baisse et donc des travailleurs en situation de pauvreté. L’absence de régulation des relations salariales aboutit à une dégradation des conditions de travail, y compris pour les femmes (qui doivent assumer le travail domestique à cette époque) et les enfants. On doit nuancer la responsabilité de la pauvreté salariale mais la réalité est qu’il n’y avait pas de régulation des salaires et il était impossible de répondre collectivement. Dès le milieu du XIXe siècle, on a une idée de la pauvreté des salariés. Le Rapport Villermé 1838 « Tableau sur l’état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de laine, de soie et de coton » L’asymétrie est renforcée par un contrôle patronal sur la mobilité des employés par le livret ouvrier détenu par l’employeur nécessaire pour trouver du travail ailleurs. La pratique était de faire des avances sur salaires que les travailleurs devaient travailler pour rembourser. Sans livret les travailleurs ne pouvaient pas trouver de travail. Dégradation des conditions de travail, de vie des ouvriers. Dans la deuxième partie du XIXe siècle on assiste à de nouvelles innovations sociales : interdiction du travail des enfants, travail la nuit, autorisation du droit de grève (1864). On assiste à un réencastrement, des règles viennent réguler le marché. On voit apparaître dans certaines entreprises une prise de conscience. Basculement vers un paradigme solidariste. L’enchainement de ces différentes innovations nous fait basculer dans le basculement solidariste, Léon Bourgeois « interdépendance des parties par rapport au tout ». Toute la première partie du 19ème siècle on avait un désencastrement, ensuite en deuxième partie du 19ème on assiste à un ré-encastrement. Paradigme solidariste : plus grande interdépendance entre les individus au sein de la société. Durkheim qualifie la solidarité de fin 19ème d’organique, car basée sur l’interdépendance entre des individus qui appartiennent à une même société et qui sont reliés par la division du travail, chacun dépend des autres pour la production. L’appartenance n’est plus basée sur les liens familiaux et sociétaux. C’est l’appartenance à un processus de production. On voit aussi apparaître une analogie entre la santé d’une société et la santé d’une population. La santé de chacun de chaque individu dépend des autres. On peut transposer ce raisonnement au niveau économique, s’il existe des grandes inégalités dans la population alors la cohésion de la société sera 26 remise en cause. Il est donc nécessaire d’appliquer des régulations qui obligent les gens à se vacciner. Il est donc nécessaire d’assurer un minimum de sécurité sociale pour éviter l’extension de ces inégalités. Le développement des statistiques : on observe des problèmes importants dans la possibilité d’établir des tables de mortalités et prévalence des maladies donc prévoir des risques. Donc l’incertitude radicale se transforme en risque (capable de donner une proba). Tant qu’on ne sait pas comment calculer les risques alors on ne peut pas mettre en place des assurances ou couverture sociale. Avec le développement des statistiques il y a enfin une possibilité de prise en charge des risques par des assurances qui peuvent calculer les risques. Innovation technique immatérielle. Les assurances et assurances sociales sont alors des innovations sociales. En France, le premier basculement vers les assurances sociales avec la loi 1898 sur les accidents du travail (de la faute à la responsabilité d’un risque). Il n’est plus nécessaire de prouver la culpabilité de l’employeur pour obtenir une indemnisation en cas d’accident du travail. À partir du moment où l’accident a lieu sur le lieu de travail alors c’est un accident du travail, c’est de la responsabilité de l’employeur. Mais si l’employeur n’est pas coupable, il doit prendre ses responsabilités et indemniser le salarié (indemnisation forfaitaire, prise en charge des frais de santé). Pour faire face à cette indemnisation, l’employeur a recours à l’assurance. Dans le paradigme solidariste ces aides ne viennent pas de la charité mais découlent d’un droit, cela change les rapports dans la société. Une innovation sociale majeure : création de systèmes publics de protection sociale. On a pu mettre en place des mécanismes d’assurances sociales basées sur les cotisations ponctionnées sur les salaires. En France, il y a eu plusieurs tentatives de création d’assurances sociales. En 1910 puis 1928-1930 : assurance maladie (mais remboursements limités et ne concerne pas tous les salariés), assurance vieillesse mais retraite à 65 ans (=espérance de vie, donc retraite pour les morts) et système par capitalisation qui s’effondre avec la crise de 1929 (le montant de pension que l’on pouvait obtenir dépendait des cotisations réalisées qui étaient utilisées pour alimenter un capital). Puis krach boursier et crise économique de 1929, le système par capitalisation s’effondre. En Allemagne, les assurances sociales sont créées par Bismarck dès la fin du 19ème sociale (1883). Le pays est en proie aux luttes sociales qui réclament plus de salaires et plus de partage des droits, risque de révolution communiste. Les assurances sociales sont conçues comme réponse aux soulèvements. Ces réformes sociales sont fondées sur le travail car les cotisations qui vont permettre de générer des revenus sociaux sont fondées sur le travail (% salaires), pour permettre à tous les travailleurs d’obtenir des revenus de remplacement en cas de maladie et vieillesse. Les prestations versées aux travailleurs sont calculées en % de leur salaire. C’est le statut de travailleur qui confère le droit à une indemnisation. Plus on est un travailleur en haut de l’échelle, plus on reçoit des indemnités élevées. Les personnes qui ne travaillent pas ne sont pas couvertes, et celles avec de petits salaires auront de petites indemnités. Une caisse par profession. C’est un système assurantiel. Au Royaume-Uni, à la fin de la seconde guerre mondiale, le système de prestations sociales est inspiré par le rapport Beveridge (1943) qui repose sur trois piliers : universalité, (bénéficie à tous et financé par l’impôt), unité (gestion par l’Etat), uniformité (prestations identiques pour tout le monde, 27 quelque soit le revenu). Le système basé sur l’impôt. A côté de ce système, il existe des assurances complémentaires car du coup les prestations sont assez faibles. On parle de « filet de sécurité ». En France, la sécurité sociale est créée en 1944-45 sur la base du programme du Conseil National de la Résistance. Le système s’inspire d’abord du modèle Bismarckien avec les assurances sociales pour la maladie, la famille qui vont permettre de maintenir le niveau de vie de la famille constant avec l’arrivée d’un enfant. On résonne en termes de niveau de vie. Dès 1998 les employeurs sont responsables des accidents du travail qui doivent donc souscrire à des assurances qui font partie de la sécurité sociale. Seuls les employeurs cotisent pour le travail. Les employés et employeurs cotisent pour la maladie, la vieillesse et la famille. Les prestations versées sont proportionnelles au salaire (moyenne des 25 meilleures années dans le privé / 6 derniers mois dans le public). Dès les origines du système français c’est des influences britanniques avec une unification de la sécurité sociale. Unification de la gestion des caisses, une seule pour le privé. Depuis 1945, on voit qu’on part d’une situation callée sur le système Allemand pour devenir de plus en plus influencé par les britanniques avec en 1991 la création de la CSG (gouvernement Rocard) qui est prélevée sur l’ensemble des revenus et pas seulement sur les revenus du travail, donc système plus universaliste. On assiste à une extension des personnes couvertes avec la notion d’ayant-droit (toute la famille bénéficie de la sécurité sociale). En 1997, la CMU couvre les foyers où personne ne cotise. Il s’agit d’une nouvelle réponse à la question sociale, les salariés obtiennent des revenus de remplacement plus conséquents que des prestations d’assistance. A partir de 1945, il s’agit d’assurance sociales et publiques : les prestations qu’on reçoit dépendent des revenus et pas de ce qu’on a cotisé. Dans une assurance privée, on ne peut pas recevoir plus que ce qu’on a cotisé. On permet aux personnes soumises à des risques sociaux d’avoir droit à des revenus connectés à sa place dans la société. Déconnection partielle entre les revenus et l’activité du travail. Une forme de revenu est possible, déconnectés de l’utilisation de son capital ici est l’innovation. Car jusqu’à présent les revenus que l’on obtient sont régulés par le marché, l’innovation est d’obtenir des revenus relativement déconnectés du marché. Obtenir un revenu sans passer par le marché, une troisième forme de revenu indépendante du marché. Mais passage indirect car il faut avoir cotisé, mais à l’instant T pas besoin d’avoir passé de contrat avec le marché. Preuve de ré-encastrement de la société, instaurer des règles qui limites le rôle du marché dans les règles sociétales et sociales. En 1958, création de l’assurance chômage, plus nécessaire de travailler pour toucher un revenu. Droit limité dans le temps (2 ans), après en est dans le régime d’assistance basé sur la solidarité nationale. Des innovations dans le contrat de travail ? Au 19ème siècle jusqu’en 1890, le Code Civil n’autorise que les contrats à durée limitée pour éviter un retour au servage ou à l’esclavage. On ne peut pas s’engager de manière illimitée. Néanmoins, les mêmes salariés peuvent être embauchés plusieurs fois. Il se créé entre l’employeur et le salarié une relation durable qui commence à poser problème quand les employeurs développent des politiques paternalistes qui consistent par exemple à développer des caisses d’assurances retraites. Donc quand le contrat n’est pas reconduit, les salariés qui avaient cotisé à ces caisses perdent tous les droits qu’ils avaient accumulés. Ce sont des politiques d’attachement des salariés, 28 pour les fidéliser. Mais parfois, c’est l’employeur qui ne reconduit pas le contrat alors les travailleurs victimes (le licenciement n’existait pas) vont réagir en demandant des dommages et intérêts pour la rupture de relation dont ils étaient victimes. On a assisté à des procès aux Prud’hommes qui ont amené à des changements législatifs. En 1890, une loi autorise des contrats à durée indéterminée à la seule condition que la relation puisse cesser de manière unilatérale à tout moment. À sa naissance le CDI est le contrat le plus flexible qui puisse exister car on peut rompre le contrat à tout moment. Au cours du 20ème siècle on a observé un renversement de cette hiérarchie entre CDD et CDI. Car on a instauré des limitations au droit du licenciement. Ce sont des innovations sociales qui ont consisté à accorder plus de droits aux employés. C’est un problème de sécurité de revenu encore une fois. Le CDD est plus rigide car ne peut être rompu mais durée moyenne des CDD plus faibles que pour les CDI car les CDD sont limités à 18 mois : tendance à diminuer au cours des années (depuis les années 2000). Comment on est passé du CDI contrat précaire au CDI d’aujourd’hui qui est le contrat stable ? Au cours du 20ème siècle, limitations des possibilités de rompre le contrat par l’employeur droit du licenciement : - Délais congés : on ne peut pas rompre un contrat du jour au lendemain, un délai doit exister, avec une durée minimale au départ de 15 jours. - Indemnités de licenciement : indemnités liées à la rupture lors de licenciement économique par exemple. Se généralise dans les années 50-60. Les indemnités sont croissantes avec l’ancienneté et aussi indexées sur les salaires. - Cause réelle et sérieuse : un employeur ne peut pas licencier sans donner de causes réelles et sérieuses, instauré au cours des années 70 (73 pour le licenciement personnel et 75 pour le licenciement collectif). L’employeur doit convoquer le salarié à un entretien de licenciement formalisme qui s’est développé afin que les salariés puissent savoir pourquoi ils étaient licenciés. - Les relations qui se nouent sur le marché du travail sont compliquées à résilier humainement (pour le salarié), c’est pourquoi il faut entraver le fonctionnement du marché. Conception libérale ou le marché se régule de lui-même donc aucune régulation ne doit entraver son fonctionnement. L’autre conception se positionne humainement en contraignant le licenciement, qui est quelque chose de grave pour le salarié. Du côté de l’employeur, inscrire les relations salariales dans la durée est pour lui intéressant. Il a tout intérêt à fidéliser des salariés. Il est cohérent pour eux d’accepter ces limitations pour crédibiliser leur stratégie de fidélisation. Si le CDI s’est développé, c’est peut-être parce qu’il était aussi intéressant pour les employeurs et pas seulement les salariés. Marché interne : pourquoi vouloir fidéliser les salariés ? 29 Dans la production, on a la nécessité de retrouver les mêmes qualifications, des qualifications spécifiques à l’entreprise sont recherchées, on ne souhaite pas constamment former des individus. On ne veut pas casser les routines car on perdrait du temps. Il y a des conventions qui émergent dans les relations salariales, on adopte des solutions connues par tout le monde. On a donc intérêt à garder nos salariés qui connaissent les routines. Les coutumes, les règles informelles et les cultures propres à chaque entreprise, permettent de renforcer l’efficacité de l’équipe de travail. Pour les entreprises, il est plus intéressant d’avoir recours à des marchés internes, les entreprises constituent des marchés internes qui ne fonctionnent pas sur un modèle marchand mais qui sont régulées par des règles internes d’où découlent des processus d’affectation et de rémunérations au sein de l’entreprise même. Les salaires ne sont pas déterminés uniquement par des organismes marchands mais aussi par des règles internes à l’entreprise ancienneté dans l’entreprise. Chaque fois que l’on a inventé des outils pour fidéliser les salariés ce sont des innovations sociales qui organisent la solidarité entre les salariés en évitant le marché. L’instauration du CDI avec un droit du licenciement poussé qui va dans le sens d’un ré-encastrement, on s’éloigne d’un modèle de régulation purement marchande. Un retour des régulations marchandes depuis les années 1970 ? Jusque dans les années 70 : renforcement des protections salariales et fin des années 70 un durcissement des recours au CDD, permis uniquement lorsque : - Salarié absent - Accroissement temporaire d’activité - Activités saisonnières - CDD d’usage secteurs dans lesquels il est d’usage de recourir au CDD. Depuis les années 80 : - Mouvement inverse car certaines lois ont permis d’accroitre le recours au CDD - Faciliter l’accès à l’intérim (représente 15% du total des salariés). - Depuis le début des années 2000, raccourcissement de la durée moyenne des CDD, donc pour une partie des travailleurs de moins en moins de garantie leurs sont offertes au travail. - Travailleur indépendant mais économiquement dépendant avec zéro sécurité de revenu à l’inverse du contrat salarié qui propose des contrats avec des revenus mensuels. 30 - Réformes des dernières années sont plutôt allées dans le sens d’une re-marchandisation des contrats de travail. La loi El Khomri et les ordonnances Pénicaud (plafond que l’on ne peut dépasser, création de barèmes pour des dommages et intérêts en cas de licenciement abusif) montrent une réduction des garanties pour les salariés. - Recul des pratiques de constitutions de marché interne. La taille des entreprises dans beaucoup de secteurs à tendance à diminuer, tendance à sous-traiter, à filialiser. Malgré tout le CDI reste la norme sur le marché du travail, plus de 85% des salariés sont embauchés en CDI. On entend souvent que la norme du recrutement deviendrait le CDD, cela peut arriver lorsque l’on regarde l’ensemble des recrutements au cours d’une période (les flux entrées-sorties), mais pour autant, si l’on regarde le stock de salariés employés sur le marché du travail, 85% sont en CDI. Propositions actuelles de réforme du travail : Quelles solutions pour les salariés qui ne sont pas inclus dans ces marchés internes ? Pour innover, certains économistes proposent de créer un nouveau contrat, le contrat unique, qui ferait disparaitre ces clivages entre CDD et CDI. Avec les insiders qui sont dans l’entreprise et qui surprotègent leurs emplois et en face les outsiders qui ne seront pas intégrés dans l’entreprise ruinerait la marge de manœuvre du chef d’entreprises, les salariés en CDD permettraient d’être cette variable d’ajustement. Les innovations sociales dans le domaine de la flexi-sécurité : contrat unique - Pas de détermination de durée ; - Protection contre les licenciements seraient progressives dans la durée : pendant les 2 premières années l’employeur n’a plus à donner de cause réelle et sérieuse en cas de licenciement, au bout de 2 ans, les protections contre le licenciement apparaissent. (Contrat première embauche en France contrat à durée indéterminée mais dans les 2 premières années, pas de besoin de justifier le licenciement pour l’employeur (-26 ans) en 2006, loi qui a été promulgué puis abroger très rapidement devant la contestation populaire / Contrat nouvelle embauche du même type et qui a été utilisé en France). On garde cette dualité entre les salariés sous contrat unique inférieur à 2 ans et ceux qui ont un contrat unique supérieur à 2 ans dans ce genre de contrat donc l’argument de dualité entre CDI et CDD n’est pas recevable. Pour autant le contrat unique ne résout rien, les employeurs peuvent rompre les contrats avant les 2 ans et ne vont pas être incités à embaucher les salariés en CDI, les employeurs ne changeront probablement pas leurs pratiques, même avec ce nouveau contrat. Cette dualité entre salariés en CDI et ceux en CDD permet de faire fonctionner la concurrence entre les salariés, les salariés en CDD sont souvent sous pression. Les innovations sociales dans le domaine de la flexi-sécurité : Proposition de flexi-sécurité : Accepter la flexibilité du marché du travail mais la compenser par des avances en matières sociales, des droits aux indemnités chômages généreux, des sécurités en termes de formation (plus 31 difficile sans accès au marché interne de notre entreprise). Centré sur l’individu, on ne compte plus sur l’entreprise et son marché interne mais chaque salarié doit s’équiper, doit développer des parcours de formation etc. pour retrouver un emploi. On attache des droits sociaux à la personne : - Compte personnel d’activité (CPA) : regroupe le compte personnel de prévention modifié par la loi El Khomri (anciennement compte personnel de prévention de la pénibilité) : sert à identifier des salariés touchés par la pénibilité et donner des droits en contrepartie de cette pénibilité, droit à la formation pour pouvoir changer d’emplois lorsque usure au travail se fait sentir, droit de partir plus tôt à la retraite, cessation progressive d’activité (temps partiel pour les dernières années) - Compte personnel de formation : on accumule des droits que l’on peut convertir en heures de formation, aujourd’hui convertibles en euros de formation. Groupement d’employeurs (GE) : quels objectifs ? Mobilisation du travail par les entreprises ne garantissent plus la construction des carrières report des risques sur les salariés. Pour autant, les entreprises veulent toujours inscrire les relations salariales dans la durée (CDI toujours prépondérant malgré le besoin de flexibilité des entreprises). Les GE apportent une réponse locale à cette question d’érosion des marchés internes qui peut être considéré comme une IS. On part du principe qu’il existe des emplois qui sont à durée déterminée ou temps partiel donc qui s’écarte de la norme du CDI à temps plein parce que les entreprises n’ont pas besoin de quelqu’un à temps plein mais il serait possible de garantir des emplois à temps plein si l’on résonne dans un environnement plus global que celui de l’entreprise construction de marché interne en dehors de l’entreprise. Faire travailler des salariés dans plusieurs entreprises, CDI avec un groupement d’employeurs et on sera affecté en fonction des besoins à telles ou telles entreprises. Juridiquement les GE sont des associations dont les membres sont les entreprises adhérentes du groupement. On a donc le salarié qui signera son contrat auprès de l’association ou du groupement qui jouera le rôle de tiers employeurs et les entreprises derrière. Cette forme juridique a été autorisée par la loi en 1985. Ils sont d’abord apparus dans le secteur agricole, on profite de la complémentarité des besoins entre différents agriculteurs pour embaucher un salarié agricole (répond aux besoins fractionnés des différents agriculteurs). GE répond à différents besoins : besoins saisonniers complémentaires, besoins à temps partiel d’un salarié qualifié, besoins ponctuels… Finalité sociale : C’est une innovation sociale car projet associé à ces GE. On a justifié la création de ces GE par une finalité sociale, on garantit des emplois de qualité. GE sont des associations donc à but non lucratif, afin que le recours au GE soit moins couteux pour l’entreprise que le recours à l’intérim. Pour les GEIQ (groupement d’employeurs pour l’insertion et la qualification) qui s’adressent aux publics les plus éloignés de l’emploi ont une mission d’insertion vis-à-vis de ces publics en plus de l’objectif d’emploi. Dimension territoriale : 32 Les GE sont ancrés localement, département voire une partie de département. Un bassin d’emploi le plus souvent. Organisé la mobilité des salariés sur le territoire et fournit des outils de GRH, pour les petites entreprises notamment. On observe également de la coopération entre acteurs locaux, notamment au démarrage : branches professionnelles, chambres de métiers, collectivités locales… cela peut générer des innovations avec la mutualisation des connaissances, apparition de relations de coopération plutôt que de relation de compétitivité : dimension d’innovation sociale car cela vient contourner la régulation marchande. Réponse au niveau local de la gestion des carrières. Des objectifs aux épreuves de la mise en œuvre : - Difficulté à trouver des besoins complémentaires, coût de coordination entre les employeurs, mutualisation des embauches au sein du groupe même, cela reste une contrainte pour les employeurs et ça ne se fait pas de manière spontanée. Il faut que les employeurs soient complémentaires. - Crainte de perdre des salariés les plus qualifiés quand ils sont mis à disposition d’autres adhérents du groupement. - Difficulté du dialogue social quand les employeurs font partie de différents secteurs d’activité. Même si les récentes lois du Code du Travail donnent de plus en plus de décisions au niveau de l’entreprise, encore beaucoup de choix reviennent à la branche. Les conventions collectives qui résultent du dialogue social vont être différentes pour chaque branche, les salariés ont différents avantages. Il faut donc trouver un compromis et choisir quelle convention adopter. - Fragilité financière : survie du GE dépend souvent de subvention ou du recours à des emplois aidés. La solidité financière demande de s’assurer de la pérennité des emplois, et de leur utilité. On va attendre que le poste soit suffisamment équilibré pour l’embauche en CDI. - Taille limitée : quand la taille augmente il y a davantage de coûts de coordination. Trouver des besoins complémentaires devient aussi plus compliqué. Cela limite le développement des GE. - La coordination des acteurs au niveau local, ils se connaissent déjà. Il faut passer d’une logique de concurrence à une logique de coopération. Les terreaux les plus favorables à l’émergence des GE sont les lieux où existe déjà des liens de coopérations. Nécessité d’un socle de capital social et de confiance entre les adhérents. Un nouvel espace de mobilité pour les travailleurs et de coopération pour les entreprises. Finalement, le GE permet une mutualisation du risque de devoir se séparer d’un salarié pour une entreprise utilisatrice. Si un autre utilisateur a besoin d’un salarié dont n’a plus besoin cette entreprise, le salarié peut rester en emploi sans passer par les cases licenciement et chômage. Comme d’autres intermédiaires du marché du travail, le GE organise pour les travailleurs un espace de mobilité entre entreprises, mais avec la particularité d’offrir un statut en CDI, même si certaines embauches se font en CDD. Le GE permet d’améliorer le sort des salariés, sur le point de vue de la sécurité d’emploi, qui auraient été embauchés en CDD ou à temps partiel, ou encore qui auraient été licenciés en cas de baisse de 33 l’activité d’une des entreprises et qui grâce au GE peuvent être embauchés en CDI, à temps pleins ou encore en CDI pour une plus longues période. Cette coopération en matière d’emploi peut renforcer la coopération entre les entreprises d’un territoire et favoriser le développement local. Quelle diffusion de cette innovation sociale ? L’emploi dans les GE reste marginal d’après les statistiques. On compte aujourd’hui 300 GE qui comptent 12 000 emplois et 10 000 entreprises : c’est relativement très faible au niveau national. Ce développement limité est expliqué par la tension entre la volonté de diffusion et le respect des principes. Dans la charte des GE on trouve : - Volonté des construire des emplois maillés (complémentaires entre employeurs) et durables. - Mettre en œuvre une démarche de développement des compétences. - Obtenir une confidentialité et devoir de réserve de la part des salariés. - Pratiquer une politique sociale et équitable cohérente. - Développer une politique de qualité. - Avoir une maîtrise rigoureuse des coûts. - Favoriser l’implication des adhérents dans la vie du GE. Régime des intermittents du spectacle : lorsque la relation salariale est limitée dans le temps du fait de la nature de l’activité. Ici c’est le cas des secteurs d’activités dans lesquels on travaille par projet. On peut dire que la relation salariale est limitée par nature du fait de l’activité. Dans ce cas il est sans doute plus difficile pour les employeurs de proposer le CDI. Pour chaque projet il y a une nouvelle équipe. Souvent les employeurs ont recours aux CDD d’usage : ils n’ont pas besoin de justifier le recours au CDD par un remplacement ou une croissance temporaire. Cette organisation du travail spécifique est appelée « adhocratie ». Le sociologue Menger (1991) pense que cette organisation répond à ce double problème d’incertitude : - Comment organiser une production de produits uniques ? Comment assurer la viabilité d’organisations produisant ces biens et services à chaque fois différents dans un contexte de demande versatile ? Ce type d’organisation doit avoir le moins possible de personnel permanent car ils ne sont pas sûrs d’avoir besoin de ce personnel sur les projets suivants. Cela créé pour les employés une forte incertitude de l’emploi. De plus ils ne dépendent pas d’un seul employeur donc il y a une grande incertitude sur la carrière. 34 Face à cette situation spécifique, ce sont développés des mécanismes d’assurance et de solidarités spécifiques. L’idée est de socialiser le risque de ne pas être embauché et d’utiliser l’assurance chômage à cet escient afin de permettre un versement d’allocations entre deux emplois. Ce ne sont pas seulement des mécanismes assurantiels mais aussi de solidarité, d’assurance sociale. Il y a une logique contributive. L’innovation dans ce régime est de renforcer cette solidarité. C’est un public qui est particulièrement exposé au risque de chômage, l’idée est de permettre de bénéficier davantage de la solidarité des autres cotisants. Dès 1936 on avait assisté à la création d’une protection sociale pour les cadres et techniciens du cinéma du fait d’avoir plusieurs employeurs. Il est défini dans un premier temps un seuil de 1000 heures/ an pour bénéficier du régime des intermittents du spectacle. C’est très restrictif. Avec les conventions de 1979 et 1984, on a réduit le nombre d’heures à 520h puis 507h. On a eu une explosion du nombre de bénéficiaires mais pas forcément des indemnités versées. Cela a posé la question de soutenabilité du régime. Les règles d’indemnisation : - 507h de travail en 10 mois, condition plus stricte que pour les autres salariés (610h en 28mois). - Une fois éligible l’intermittent peut cumuler dans le même mois des journées de travail et des journées non travaillées indemnisées dans la limite d’un plafond de revenus mensuels. - L’indemnité est indexée sur les salaires et sur le temps de travail (que le salaire ailleurs). - La durée d’ouverture des droits : être dans le régime ça s’évalue une fois par an. Mais en 2002 a été instauré un nouveau système qui installe un stock de journée d’indemnisation (243 jours), si le stock est dépassé alors plus d’indemnisation. Depuis 2016, ce système est abandonné suite aux réclamations des intermittents : toute journée non travaillée est indemnisée. Un régime qui repose sur la solidarité interprofessionnelle et sur des cotisations plus élevées. Les employeurs de ce secteur cotisent comme tous les employeurs au régime général à 5% pour les employeurs et 2,5% pour les salariés mais on applique un taux spécifique depuis 2002. Les employeurs de ce secteur doivent s’acquitter d’un taux de cotisation supplémentaire qui s’élève au total à 13,85% (9,05% pour la part patronale et 4,8% pour la part salariale contre 4,05% et 2,4 pour le régime général). En plus de la sur-cotisation de contrat court (suspendue depuis 2017) il y a une sur-cotisation du secteur. Le nombre de bénéficiaires a connu une augmentation très rapide : 19 100 en 1974 et 123 000 en 2002. Les prestations à versées augmentent essentiellement du fait du nombre de bénéficiaires mais pas du fait de l’augmentation du montant moyen perçu. Trois groupes d’intermittents qui ne bénéficient pas tous du régime de la même manière : - Les plus précaires : moins de 12 000 euros de revenu par an dont une faible part sous forme d’allocations (environ 10%). 35 - De 12 000 à 30 000 euros par an (50-70% d’allocations), c’est ceux qui tirent le plus profit du régime. 30 000 euros et plus par an (40-60% d’allocations). Dans certaines professions on peut avoir moins de cotisations que d’indemnités, c’est le cas des intermittents du spectacle. Comment ce système garde l’équilibre ? Le financement des prestations provient alors des professions à forte stabilité de l’emploi qui sont solidaires des professions les moins stables. Mais depuis 2002, le financement relève des surcotisations des salariés qui relèvent des intermittents du spectacle : recul de la solidarité interprofessionnelle. Ce recul montre un désencastrement de l’économie (ici l’assurance chômage) /t à la société. Que peut représenter ce régime comme perspectives à la question plus générale de l’emploi ? Un modèle généralisable ? La précarité est aussi générée dans d’autres secteurs. Pourquoi ne pas généraliser ce système à tous les travailleurs précaires ? - Les marchés du travail les plus flexibles qui fonctionnent le mieux sont ceux qui ont accompagné la flexibilité d’une indemnisation du chômage particulièrement élevée. - Pour l’instant on est plutôt dans un système en France où la flexibilité est élevée mais l’indemnisation est mauvaise (les critères d’éligibilité sont durs /t aux autres pays). Cela génère un développement de la pauvreté, de contrat zéro heure et des petits boulots. Les pays qui sont allés plus loin dans la flexibilité (Royaume-Uni) payent le prix fort. Les pays qui s’en sortent le mieux c’est ceux qui ont accompagnés la flexibilité de garanties importantes pour l’indemnisation chômage. - Deux modèles peuvent se mettre en place de manière relativement harmonieuse : o Soit flexibilité et dépenses élevés d’indemnisation du chômage o Soit stabilité de l’emploi et plus faible indemnisation du chômage. - Un système qui repose sur une forte solidarité interprofessionnelle entre salariés (ceux en CDI cotisent au régime et reçoivent peu d’allocations) et entre employeurs (les employeurs qui embauchent en CDI cotisent plus pour ceux qui embauchent en CDD). Ce système est financé par la cotisation et non par l’impôt. Les financeurs sont les employeurs et les salariés, les bénéficiaires sont les salariés. La cotisation est la même, on ne fait pas varier la cotisation par rapport au risque. - Les mécanismes de mutualisation de risques sont complètement opposés pour l’assurance privée et la solidarité interprofessionnelle. - Logique Bismarkienne au contraire du revenu de base qui a une logique Beveridgienne (financé par l’impôt où les financeurs sont l’ensemble des contribuables et les bénéficiaires sont des chômeurs ayant épuisé leurs droits à l’assurance chômage). Le clivage est encore plus fort entre les bénéficiaires et les contributeurs dans la logique du revenu de base. 36 - Ce système de généralisation suppose des choix politiques de qui assument ce degré de solidarité entre salariés et entre employeurs. Dans la régulation marchande, il y a une volonté d’individualiser les cotisations en fonction du risque de l’individu, volonté d’émancipation du marché par rapport à la société. Ou alors on peut choisir d’encastrer le marché dans la société et on recherche la coopération et la solidarité. - Face à ce refus d’augmentation des cotisations patronales, certains syndicats ont émis l’idée de moduler les cotisations en fonction de si c’est un emploi à dd ou di. A priori, l’Etat n’a pas à intervenir dans ce système, cela changerai la philosophie du système qui a vocation d’être autofinancé par les cotisations. Le Territoire Zéro Chômeur de Longue Durée (TZCLD). - Projet initié par ATD Quart Monde qui défend le droit à l’emploi. - Le contexte dans lequel il se met en œuvre s’inscrit dans le cadre de la constitutionnelle de 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République et loi du 1er aout 2003 qui permettent des lois d’expérimentation. - Le préambule de la constitution de 1946 inscrit le droit à l’emploi. - Le point de départ c’est le coût de l’exclusion : les dépenses directes d’indemnisations du chômage (allocations, ASS, RSA) ; et les dépenses indirectes (coût des services sociaux, coût du mal-être et des problèmes de santé, manque à gagner pour la sécurité sociale). Le total de ces dépenses pour la collectivité représente 15 000€ par an et par personne. - Dans le langage des politiques de l’emploi on distingue politiques actives qui visent à résorber le déséquilibre sur le marché du travail (service public de l’emploi, dépenses de formation, aides en faveur des jeunes, aides à l’embauche, mesure en faveur des personnes handicapées) et politiques passives qui visent à gérer les conséquences de ce déséquilibre : essentiellement dépenses d’indemnisation au chômage. - Le but étant de transformer les dépenses passives en dépenses actives. Agir sur le chômage plutôt qu’en gérer les conséquences. - Différentes logiques d’activation des dépenses : o o - Logique libérale : logique du workfare : lier l’indemnisation des personnes à une activité au service de la société, collectivité. Mais l’activité n’est pas un emploi : pas librement choisie, ne donne pas droit à un statut de salarié et un salaire… Logique universaliste : utiliser les dépenses passives pour créer un accès à l’emploi pour tous. TZCLD relève de la logique universaliste en ayant pour objectif de garantir le droit à l’emploi. 37 Simple activation des dépenses pour l’emploi ? Comment est réalisée cette activation ? - - Possibilité de transférer dans un fonds les financements qui permettent de créer les nouveaux emplois. Il existait déjà des initiatives pour créer des emplois en CDI pour les chômeurs de longue durée (>1 an), mais elles ont fini par échouer faute de trésorerie. Les économies réalisées par l’Etat et les départements ne pouvaient pas retourner vers ces entreprises pour contribuer à financer ces emplois. Un fonds national du financement alimenté par l’Etat et les départements concernés qui sont les principaux financeurs de la prise en charge du chômage de longue durée (ASS, RSA). Comment créer ces emplois ? - S’ils ne sont pas créés c’est qu’ils ne sont pas rentables dans le secteur privé. - Le principe de TZCLD est que les emplois crées sont en CDI. C’est un objectif mais aussi la règle, on ne peut y déroger. - Les emplois sont créés à partir des compétences des chômeurs de longue durée présents sur le territoire - Ces emplois doivent être créés à partir des compétences des chômeurs de longue durée présents sur le territoire. Ils doivent correspondre à de nouveaux besoins et ne pas entrer en concurrence avec des entreprises déjà présentes, afin de ne pas introduire une concurrence déloyale du fait de la subvention reçue par l’entreprise agrée. Ces emplois sont liés à une faible productivité et ils correspondent à des activités nouvelles ou encore peu solvables. - L’entreprise conventionnée qui emploie ces travailleurs doit être polyvalente pour rester ouverte à toute activité, à tout métier. - Vont être utilisé une partie des 15 000€ par chômeur pour exploiter des secteurs pas encore rentables. Qui va employer ces chômeurs ? - L’employeur n’a pas une activité déterminée : EBE (Entreprise à But d’Emploi). L’activité va émerger à partir des besoins du territoire et des compétences des chômeurs. - Parfaite étanchéité entre ces emplois et les emplois qui relèvent de l’économie de marché. Il ne faut pas détruire des emplois de l’économie marchande pour créer ces emplois. - Mais difficulté de délimiter ce qu’est le semi-solvable : proposer des prix plus faibles pour rendre la demande plus solvable dans détourner la demande qui s’adresse au secteur marchand. Il y a la nécessité de dialoguer avec les acteurs de l’économie marchande pour vérifier la non-concurrence. - Des emplois construits à partir des compétences : proposer des travaux à la mesure 38 TZCLD et insertion par l’activité économique (IAE) - TZCLD se distingue de l’IAE : o o o o Du fait de l’embauche en CDI, qui inscrit les travailleurs dans la longue durée contrairement à l’IAE qui se veut un sas vers l’emploi. Pas d’adaptation des personnes aux emplois comme dans l’IAE, mais adaptation des emplois au personnes : partir des compétences pour construire des emplois Activités non concurrentielles Comités locaux d’expérimentation réunissant les acteurs locaux : collectivités locales, entreprises classiques, chômeur de longue durée, service public de l’emploi. Beaucoup plus de parties prenantes que pour l’IAE. Un pilotage qui privilégie l’échelon territorial pour lutter contre le chômage de longue durée - Le comité local d’expérimentation réunit tous les acteurs locaux (70 parties prenantes à Villeurbanne) - La direction opérationnelle prend les décisions pour mener à bien les actions. - Les EBE jouent le rôle d’employeur - Les fonds locaux d’expérimentation : allocation des subventions aux entreprises conventionnées Face au chômage faut-il créer des emplois ou seulement assurer une garantie de revenu plus élevée que les allocations aujourd’hui versées, un revenu qui génère un statut social intégrateur. Le revenu de base permettrait de sortir de la société à deux vitesses entre les salariés et les chômeurs. Quelles innovations sociales dans la redistribution des revenus ? Quand les personnes sont au chômage elles peuvent prétendre à différents types d’allocation (versées par l’assurance chômage, financée par l’Etat). Chaque allocation a un principe de fonctionnement différent. Le revenu universel pourrait être une solution pour assurer un niveau de vie satisfaisant pour les chômeurs et le faire d’une manière qui permette la cohésion de la société. L’allocation spécifique de solidarité a été créé en 1984 pour les chômeurs en fin de droits (5 ans d’activité salarié dans les 10 ans précédant la fin du contrat et qui recherchent activement un emploi). Il s’agit d’une allocation fixe sous plafond. Allocation fixe sous plafond (ASS) versus allocation différentielle (RMI). Différentes manières d’allouer un revenu supplémentaire aux personnes sous un certain seuil de revenu. Le montant de cette allocation est le même pour l’ASS. Dans ce cas-là, tant que la personne est 39 au-dessous du seuil, elle obtiendra l’allocation, dès que le seuil est passé : effet de seuil et le revenu après transfert chute du montant de l’allocation. Il y a un problème à cette allocation fixe sous plafond. On peut imaginer d’autres systèmes : l’allocation différentielle. L’objectif de l’allocation est de maintenir un revenu après transfert minimum puis croissant. Cela sert à éviter l’effet de seuil. Il faut que le revenu après transfert soit au moins égal à l’allocation maximale, pour que ceux qui dépassent le seuil soient garantis de ne pas toucher moins. La critique est qu’il n’y a pas d’incitation à travailler d’avantage car pour une heure de plus travaillée on gagne le même revenu (pour les personnes sous le seuil), c’est ce qui s’appelle la trappe à chômage, c’est-à-dire une désincitation financière à reprendre un emploi. Les études empiriques montrent que les cas dans lesquels la reprise d’emploi se traduit par une diminution du revenu après transfert se limite à des emplois à temps partiel mal payés. Même dans ces cas-là, on observe que la plupart des chômeurs préfèrent reprendre un emploi. L’emploi n’est pas seulement monétaire, il est aussi vecteur de lien social. Malgré tout, la structure des allocations évolue pour chercher à rendre les revenus après transfert toujours plus croissants avec l’augmentation d’une activité rémunérée. Le minimum vieillesse est une allocation différentielle. Le Revenu de Solidarité Active (RSA) Crée en 2008 dans le cadre d’une expérimentation puis a été généralisé. C’est une allocation dégressive. L’objectif est que le montant de l’allocation conduise à un revenu après transfert strictement croissant en fonction du revenu d’activité. À chaque fois que le revenu d’activité augmente, le revenu après transfert doit augmenter aussi. On distinguait le RSA de base ou le RSA activité. Le RSA de base correspond au RMI. Mais en plus de ce RSA de base, il y a un RSA d’activité. (Montant forfaitaire + 62% de revenus professionnels du foyer) – (ressources du foyer + forfait d’aide au logement). Le montant de RSA positif jusqu’à environ 1660 euros pour une personne seule. À partir de 2016, le RSA activité a été transformé en prime d’activité afin de fusionner deux dispositifs qui visaient la même tranche de population. L’autre était la prime pour l’emploi qui était un crédit d’impôt (en fonction du revenu d’activité une certaine somme était déduite des impôts). Ceux au niveau du SMIC sont ceux qui touchent le plus de prime d’activité. En termes d’incitation monétaire, ce système est beaucoup plus satisfaisant mais le risque est que jouer pour répondre aux revendications sur le pouvoir d’achat en voulant augmenter les allocations et non les salaires, cela encourage les contrats précaires. La réaction des employeurs sera de ne surtout pas augmenter les salaires alors que c’est pourtant ce qui est demandé par les travailleurs. Et à terme, cette hausse des allocations devra être financée par la hausse des impôts ou de la dette (mais la volonté politique est de réduire la dette). 40 L’objectif de ces dispositifs à la base est de cumuler les salaires précaires ou à mi-temps et en même temps c’est acter le fait que les employeurs préfèreront faire stagner les salaires et ne pas améliorer les conditions de travail, cela perpétue les contrats précaires. Le revenu de base : revenu d’émancipation ou subvention aux employeurs ? Chaque individu recevrait de la collectivité de sa naissance à sa mort, sans contrepartie ni condition, une somme régulière, cumulable avec ses autres revenus, dont ceux tirés d’un travail. C’est l’idée d’une plus grande solidarité au sein de la société. Universel Individuel (ne prend pas en compte la situation de la famille) Inconditionnel (possible de cumuler avec d’autres revenus, rien n’est exigé en échange de ce revenu, quasi absence de critères à remplir pour percevoir un revenu) Une multiplicité des dénominations (revenu de base, allocation universelle, inconditionnel, d’existence, garanti). Cela est car il y a différents projets : Filet de sécurité : projet libéral. Fixer le revenu de base à un niveau faible (autour de 500€). Pour résoudre la question sociale on donne un strict minimum de redistribution est après chacun est responsable de sa situation. Vision d’émancipation du travail salarié et de l’économie capitaliste, avec un revenu autour de 1100€. L’idée est que chacun pourra développer ses propres projets sans être dépendant trouver un travail. C’est donner la possibilité de vraiment pouvoir choisir une alternative au salariat. Soutenu à la fois par des ultra-libéraux (Friedman a été l’un des premiers à défendre un impôt négatif, pour un minimum d’intervention de l’Etat), et aussi défendu par les partis de gauche. Adaptation de la protection sociale à la précarité de l’emploi et simplification d’accès aux minimas sociaux. En quoi le revenu de base se différencie des autres allocations ? Le revenu de base consiste à procurer un revenu de transfert qui soit plus élevé que le revenu d’activité et d’un montant égal pour tous. Il n’y a donc plus de problème d’incitation. La pente de la courbe de revenu d’activité est la même que celle de la courbe du revenu après transfert. Dans une vision plus encastrée, il faut prendre en compte que l’on travaille aujourd’hui pour des raisons monétaires et aussi pour être intégrés socialement. Il est difficile de penser qu’à partir du moment ou un revenu de base est instauré à 800€ tout le monde arrêterai de travailler. La principale critique est celle de l’incitation au travail. Les questions qui se posent aujourd’hui sont aussi les questions du niveau et du financement. Quel niveau ? 41 Selon les versions, on peut voir différents montants : 500€ pour les libéraux et 1000€ pour les émancipateurs. Serait-il le même pour tous les âges ? Faut-il appliquer une décote pour les plus jeunes ? Quel financement ? Faut-il utiliser les cotisations sociales ? Cela voudrait dire qu’il remplacerai toutes les protections sociales et cela poserait de grands problèmes. Cette variante signifie suppression de toutes les autres prestations sociales, et seule une petite tranche de la population nécessite de faire des dépenses de santé, cela serait dangereux et complètement libéral. Faut-il utiliser les impôts ? Le besoin serait de 336 Mds€ à 675 Mds€ (pour un revenu de base à 1000€). 675Mds€ c’est le budget intégral de la protection sociale (hors ... Donc si on veut le préserver, il faut financer par l’impôt. Pour ce faire on pourrait lutter contre l’exode fiscale ou les GAFA, rétablir l’ISF… Quels effets sur les salaires ? Faut-il préserver le revenu minimum ? Si on le supprime, cela créerait des emplois en les rendant enfin rentables. Les économistes libéraux pensent que le salaire minimum est trop élevé en France et c’est cela qui provoque le chômage en France. Donc le risque dans le scénario libéral c’est une baisse des salaires. C’est aussi dans ce scénario qu’on évite les risques d’inflation. L’économiste keynésien part d’une situation de chômage de masse donc le revenu de base serait suffisamment haut avec un smic, alors cela créerait un choc de demande positif que les entreprises pourraient absorber grâce au profits encaissés. Quels effets sur l’ordre du travail et sur la qualité des emplois ? Plus on va fixer ce revenu de base à un niveau élevé plus on va permettre aux salariés de refuser les emplois précaires. Et plus on va inciter les employeurs à améliorer les conditions de travail. Au contraire de ce qu’on a avec le RSA d’activité qui va dans le sens du développement des emplois précaires. Les conséquences dépendent en grande partie du niveau du revenu de base. Plus on augmente le salaire plus on augmente le prix du loisir. Donc le premier effet quand le salaire augmente on a tendance à vouloir travailler plus pour créer un effet de substitution. Cet effet revenu à un certain seuil est supérieur à l’effet de substitution donc c’est l’effet revenu positif. Avec un revenu plus élevé on peut se payer plus de loisirs et de biens de consommations à la fois : et au final réduire le temps de travail. Quels effets sur les inégalités ? Premier effet de réduction des inégalités, cela va réduire l’écart relatif entre les riches et les pauvres. Dans le cas d’une suppression du smic, à l’inverse les écarts de revenus d’activité risquent de s’accentuer. 42 Quelle dynamique de partage des gains de productivité : risque qu’ils soient conservés par ceux qui détiennent un emploi au détriment de ceux qui n’ont que le revenu d’activité pour vivre. Une des principales critiques c’est que à long terme, que se passe-t-il sur le partage de productivité ? Si une partie de la population vit de ce revenu de base et l’autre cumule avec un travail. Si le revenu de base est élevé, en dynamique ceux qui travaillent vont capter les gains de productivité par des hausses de salaires. Mais pour ceux qui ne travaillent pas, le revenu de base sera-t-il indexé sur la hausse des salaires et l’inflation ? Ici est le principal enjeu du revenu universel. Le risque c’est que à terme il y ait un décrochage des revenus de base car les travailleurs ne voudront pas que ceux qui ne travaillent pas profite des gains de productivité. La place du travail dans la société et du chômage ? Qu’est ce qui fait le lien social si ce n’est plus le travail salarié ? Il faut réinventer des vecteurs sociaux. 2 sujets au choix : 1 question de cours et une question transversale Lire les textes sur intermittents, GE, TZCLD Lire les toutes dernières diapos sur la mise en perspective d’une analyse socio-économique des innovation sociales (les 6 dernières diapos). question transversale 43