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1288 Revue Médicale Suisse
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www.revmed.ch
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11 juin 2014
Age/sexe 11 ans 13 ans 15 ans
M/F M/F M/F
Plaintes multiplesa (%) 20/25 23/39 19/38
Moyenne HBSC (%) 25/33 26/39 26/44
Accidentsb (%) 50/36 53/44 55/48
Moyenne HBSC (%) 48/38 53/44 55/48
HBSC : Health Behaviour in School-aged Children.
Données de l’enquête HBSC 2009/2010
2 pour la Suisse comparées à la
moyenne HBSC.
M : masculin ; F : féminin.
Tableau 1. Plaintes multiples au moins 1x/semainea
et accidents ayant nécessité un contact avec un
soignant au moins 1x/annéeb
Douleurs fréquentes Douleurs musculosquelettiques
les plus fréquentes
Dysménorrhée, sensations • En lien avec la croissance, la
corporelles nouvelles, difficultés posture, syndromes douloureux
à mettre en mots ou à verbaliser chroniques diffus ou localisés,
une émotion, modifications de syndrome douloureux régional
l’image corporelle, souffrance complexe (le plus souvent apparaît
psychique, scarifications, violence à la puberté, plus fréquent chez
sur soi, troubles alimentaires, les filles), hypermobilité
somatisations «troubles • Peuvent perdurer après un
fonctionnels», attention à la traumatisme banal ou survenir
consommations de certains sans explication
médicaments antalgiques)
Des syndromes douloureux chroniques peuvent compliquer beaucoup
de maladies chroniques : arthrite juvénile, maladies inflammatoires
digestives, mucoviscidose, drépanocytose, handicap…
Tableau 2. Douleurs à rechercher systématiquement
à l’anamnèse et au status chez l’adolescent(e)
prendre le temps de comprendre
Spécificité de la consultation avec
un adolescent
Vignette clinique
Quentin, quinze ans, est un grand sportif qui faisait du
tennis à un niveau de compétition. Suite à une chute
avec contusion simple de l’épaule D il y a un an, il a dû
arrêter la compétition. Il souffre de douleurs persistan tes,
sans cause décelable, n’ayant répondu à aucun traite-
ment antalgique. A votre demande, il revient vous voir
avec ses deux parents après avoir vu deux orthopédis-
tes. L’imagerie (radiographies standards, IRM et scin-
tigra phie) est normale, des séances de physiothérapie
et un traitement anti-inflammatoire n’ont amené aucune
amélioration.
La consultation avec un adolescent ou un jeune adulte
doit aborder à la fois les aspects médicaux, les étapes de
développement et une estimation des aspects environne-
mentaux, familiaux et scolaires.5,6 Il est essentiel de recher-
cher des troubles de l’humeur ou anxieux, souvent associés
aux douleurs chroniques.7 Un examen physique complet
(adolescent déshabillé) permettra d’observer des anoma-
lies de la posture, des positions antalgiques, estimer la crois-
Tableau 3. Symptômes et signes à rechercher dans
les syndromes douloureux chroniques
(Adapté des critères de l’IASP (International Association for the Study
of Pain) pour le syndrome douloureux régional complexe)
8,11
• Douleur continue, disproportionnée par rapport à la situation ou
l’événement déclencheur
• Association fréquente avec des troubles du sommeil, fatigue, troubles
de l’humeur
• Pas d’autre diagnostic aussi probable
Au moins un symptôme et un signe clinique parmi les suivants
• Allodynie, hypersensibilité : douleur insupportable au moindre
toucher ou alors l’adolescent grimace ou bouge avant qu’il n’ait été
touché
• Dysrégulation thermique : plus fréquent chez les filles : hypersensi-
bilité à la température, aspect marbré des membres ou alors rougeur
et chaleur locales
• Œdème, sudation, assymétrie corporelle
• Dysfonction musculaire : faiblesse, tremor
• Modification des cheveux, ongles…
• Dysfonction du système nerveux autonome : la douleur stresse
et entraîne une hyperactivité du système sympathique : tachycardie,
hyperventilation, sudations, pâleur et douleurs abdominales (filles :
souvent nausées, vertiges). L’adolescent a l’air très mal et cela conduit
souvent à des investigations supplémentaires (digestives, neurologiques…)
• Déséquilibre musculosquelettique avec risque de rétractions
musculaires ou influences sur la croissance du membre : peur de
bouger, posture inadéquate…
sance et le développement pubertaire en plus des aspects
médicaux. L’examen clinique est également un moment
particulier permettant d’observer et discuter la relation de
l’adolescent à son corps (hygiène, image de soi, piercing et
tatouages, scarifications, représentations de la physiologie,
anatomie, tensions et manière de bouger…). En cas de dou-
leurs musculosquelettiques chroniques, le soignant pourra
aussi activement rechercher les symptômes et signes d’un
syndrome régional douloureux complexe (tableau 3).8
Si les aspects somatiques sont en général rapidement
clarifiés : «il y a quelque chose ou il n’y a rien», c’est sou-
vent quand il n’y a rien, ou que les symptômes dépassent
ce qui serait attendu dans la maladie chronique ou dans un
problème sous-jacent, que les choses se compliquent. Dans
la situation présentée ci-dessus, les bilans orthopédique et
radiologique déjà effectués permettent d’exclure une lésion
organique à l’origine des douleurs de l’épaule.
continuité et cohérence avant tout
Prenez quelques minutes pour réfléchir à ces trois points
avant de lire la suite :
• combien de fois avez-vous été surpris de «découvrir»
encore d’autres intervenants impliqués d’une façon ou
d’une autre dans le suivi d’une situation telle que celle de
Quentin ?
• Lorsque vous reprenez le suivi d’un patient adolescent
ou jeune adulte ou débutez le suivi d’un enfant (ou lors-
que vous transmettez le dossier à un collègue), quel temps
avez-vous pour vous pencher sur l’histoire (événements
marquants…) de la famille ?
• Si vous suivez des patients avec des douleurs chroni-
ques : que savez-vous des douleurs dans leur famille ? En-
fants, parents, famille élargie… migraines, douleurs abdo-
minales récurrentes ou musculosquelettiques ?
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