acquis ces produits, elles ont aussi provoqué des pertes considérables chez les compagnies
d'assurances qui les ont assurés. Et dissuadé les banques qui les ont achetés de constituer les
provisions qui auraient amorti leurs pertes lorsque les cours se sont effondrés.
Nul besoin d'être expert financier pour comprendre la nature du problème. Jusqu'aux années
1960, la notation financière était payée par les investisseurs qui souhaitaient disposer d'une
évaluation professionnelle des risques encourus. La transparence croissante de l'information,
qui élimine son caractère privatif, et le coût des notations ont rendu ce modèle obsolète. A
partir des année 1970, les agences de notation ont commencé à faire payer les émetteurs de
titres, lesquels sont naturellement intéressés à ce que les produits qu'ils proposent aux
investisseurs soient assortis de la notation la plus élevée. Ce qui revient à faire payer
l'examinateur par celui qu'il doit noter !
La logique concurrentielle aidant, la porte était ouverte à toutes les dérives. D'un côté, les
banques sont prêtes à tout pour obtenir la notation maximale sur les produits qu'elles créent, à
commencer par mettre les agences en concurrence entre elles. Ou par débaucher au prix fort
les analystes des agences pour bénéficier de leur connaissance des modèles de notation et de
leurs relations avec leurs anciens collègues. De l'autre, les agences peuvent être tentées de
mettre au second plan la rigueur de leur jugement pour ne pas perdre un client. Toutes ces
pratiques, décrites abondamment dans les milliers de pages de courrier électronique saisies
par la justice américaine (suite aux accusations lancées par le procureur général de l'Etat de
New York et la SEC) et lors des auditions du Sénat américain, témoignent d'un système
devenu structurellement corrompu par la logique de marché elle-même.
Des pistes pour réguler
Stimulées par les enquêtes judiciaires ouvertes aux Etats-Unis et les déclassements en chaîne
des notes souveraines en Europe, les propositions de réforme ne manquent pas. En Europe, les
débats portent sur l'influence excessive des agences américaines (Standard &Poor's et
Moody's) et la création possible d'une agence de notation européenne. Positive dans son
principe, cette proposition risque toutefois de buter sur la difficulté de soustraire les
évaluations financières en matière de risque souverain à l'influence des Etats.
Dans ce pays, le débat public et les dispositions débattues au Sénat portent sur deux points
essentiels : d'une part, la remise en cause de la position d'autorité des agences, qui pourraient
perdre tout statut officiel, et la suppression de toute référence aux notations privées dans la
définition des politiques publiques ; d'autre part, la remise en cause de l'accointance entre les
banques et les agences par le recours à une tierce partie sous la forme d'un expert nommé par
la SEC, qui s'interposerait entre l'émetteur des titres et les agences. Celui-ci aurait pour tâche
de choisir l'agence responsable de la notation de chaque produit financier et de négocier avec
elle sa rémunération. Les agences seraient sélectionnées en fonction de leurs performances
passées dans l'évaluation des produits considérés. Les conditions de passage d'un secteur à
l'autre seraient par ailleurs durcies.
Une troisième piste, plus radicale, consiste à reconnaître à la notation financière le statut de
bien collectif global, ce qui appelle en théorie un financement public international. Celui-ci
pourrait prendre la forme d'une taxe sur les transactions financières - projet débattu par
ailleurs - dont le produit serait affecté au financement des agences de notation. Des
procédures de sélection des agences pour la notation de chaque produit devraient être définies
de façon à récompenser l'expertise avérée tout en ouvrant la concurrence à de nouveaux