Plaidoyer pour une psycho-socio-pragmatique de la communication

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Plaidoyer pour une psycho-socio-pragmatique de la communication1
Marcel Bromberg, Professeur, Université Paris 8 Saint Denis, France
Introduction
Nous passons une grande partie de notre vie sociale à communiquer aussi bien par la parole,
par le geste ou encore par l‟écrit, et bien que nous le fassions le plus souvent sans y penser,
toute cette activité a pour but unique de faire connaître, dans une certain mesure, à autrui ce
que nous pensons, croyons, ressentons vis à vis des objets du monde ainsi que la façon dont
nous avons l‟intention d‟agir sur - ou vis à vis de - ces objets. Ainsi grâce au langage nous
pouvons agir sur le monde mais aussi surtout partager nos pensées avec autrui. Mais que
partageons nous en réalité ? Si nos pensées s‟élaborent dans notre cerveau, jamais elles n‟en
franchiront les limites. C‟est pourquoi lorsque nous disons que nous communiquons ce que
nous pensons à autrui nous utilisons une métaphore. En réalité, tout ce que nous partageons
c‟est ce que laisse ou donne à voir notre activité à visée communicative, c'est-à-dire un
ensemble de comportements qui jamais ne contiennent nos pensées mais qui en constituent
cependant la trace. Un des aspects les plus fondamentaux de la communication sociale,
puisque nous ne pouvons lire2 dans les esprits, consiste à comprendre justement la
signification du comportement, seule porte d‟accès à nos états mentaux. Dans la mesure le
langage ordonne nos perceptions du monde toute réflexion sur la communication doit montrer
comment le langage peut être utilisée pour construire et créer l‟interaction sociale et différents
mondes sociaux. L‟étude de l‟usage du langage est particulièrement importante pour la
psychologie sociale en ce sens qu‟il représente non seulement la forme d‟interaction la plus
répandue mais aussi parce qu‟il existe peu d‟activités sociales qui ne soient pas concernée par
le langage. C‟est d‟ailleurs pourquoi la communication a de tout temps constitué un thème
majeur, presque fondateur de la psychologie sociale et à ce titre a participé bien souvent à la
définition de cette discipline.
Faire une psychologie sociale de la communication et donc, une psychologie sociale de
l‟usage du langage, dans une perspective psycho-socio-pragmatique initiée par R. Ghiglione,
nécessite d‟adopter une stratégie de recherche articulant tout à la fois l‟interaction sociale, le
langage, la cognition. La notion d‟interaction sociale est fondamentale dans la mesure elle
est la base de la communication, de la pensée et donc de l‟apprentissage de la parole. Elle introduit,
des acteurs sociaux empiriques qui deviennent des interactants par les activités langagières
qu‟ils produisent. Ainsi, au sujet « parlant » de l‟approche philosophique du langage ou de la
pragmatique linguistique nous opposons un sujet « communiquant », un « homme
communiquant », pour reprendre le titre d‟un ouvrage collectif, paru en 1986, dirigé par
Rodolphe Ghiglione. En effet, même si dans l‟approche de la philosophie du langage, la
notion d‟acte de langage présuppose nécessairement l‟existence d‟un sujet « parlant » puisque
1 Bromberg, M. (2007). Plaidoyer pour une psycho-socio-pragmatique de la communication. Ouvrage collectif sur les interactions sociales
in Chabrol, C., Olry-Louis, I. & Najab, F. (Eds.) Interactions communicatives et psychologies. Paris : Presses de la Sorbonne Nouvelle.
2 Au sens fort du terme. En effet dans le cadre des théories de l‟esprit, il est souvent question de lecture mentale (mind reading) pour faire
référence au fait que tout être humain normal disposerait d‟un dispositif mental lui permettant d‟attribuer à autrui des états mentaux et de
les déchiffrer.
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qu‟il s‟agit d‟une production de la parole, pour autant cette notion renvoie plus à une entité
abstraite, un locuteur idéal, qu‟à un véritable acteur social.
Autrement dit, le sujet « parlant » est, dans ce cadre théorique, conceptualisé plus comme un
support nécessaire d‟un processus de production langagière qu‟un acteur empirique inscrit
dans un réseau de contraintes et devoirs socialement terminés. Par opposition, un sujet
« communiquant », est conceptualisé comme un être social empirique qui est tout à la fois un
intra-locuteur, porteurs de savoirs, de croyances, d‟attitudes propositionnelles, de
représentations sur le monde, de compétences multiples et un inter-locuteur, c'est-à-dire un
acteur impliqué dans une situation d‟interaction communicative (Cf. Ghiglione, Bromberg,
Dorna, 1986).
Un des objectifs de la psychologie sociale de la communication dans cette optique (Bromberg,
Trognon, 2000) consiste à essayer de comprendre comment le langage est utilisé dans ces
interactions sociales. Nous essayons sans cesse, d‟appréhender le monde, de comprendre ce
qui se passe dans toutes les situations sociales, afin de pouvoir utiliser ces connaissances
acquises pour nous comporter ultérieurement de façons appropriées dans ces situations. Selon
Spinoza, l‟organisme pour exister «ne cesse de se conduire », nous pourrions ajouter pour
illustrer notre propos que l‟acteur social pour exister ne cesse d‟interpréter le monde,
notamment les comportements d‟autres acteurs sociaux en leur attribuant des états mentaux
particuliers. Communiquer consiste non seulement à faire partager à autrui nos pensées, nos
perceptions, nos représentations du monde mais aussi à partager les pensées et les
représentations du monde qu‟autrui construit à notre intention. La connaissance des contenus
d'un autre esprit, est possible seulement dans le contexte d'une vision du monde partagée.
Nous insistons sur le fait que le sujet social, doit nécessairement avoir la possibilité de rendre
compte au moyen des mots non seulement de son rapport au monde, sans lesquels il ne
pourrait construire son identité, puisque le « je » est indispensable à toute parole, mais aussi
des catégories cognitives qui structurent son univers cognitif, bref de sa capacité à former des
concepts et à ranger les objets du monde sous les catégories correspondantes. Dans le cadre
d‟une psycho-socio-pragmatique de la communication, ce qui est en jeu, ce n‟est pas tant de
penser le monde ou de parler le monde, mais c‟est penser le monde de sorte qu‟il soit
partageable, co-construit ; qu‟il co-appartienne à une communauté humaine. Il est conçu
comme un ordre commun à propos duquel nous pouvons communiquer. Ainsi toute
interaction sociale actualise, dans un certain contexte, une rencontre d‟acteurs sociaux ayant
une identité, des savoirs sociaux conventionnels incluant notamment des postulats culturels
concernant les rôles et statuts, des compétences, des attitudes propositionnelles (cf. Kerbrat-
Orecchioni, 1995). Elle se caractérise, de plus, par un certain type de relation sociale
préalable : degré de connaissance, type de lien familial, amical, professionnel. A ces facteurs
Kerbrat-Orecchioni ajoute la notion de « contrat » pour rendre compte de l‟interaction
communicative. C‟est cette notion de contrat que nous proposons de développer
Contrat de communication : définition
En 1981, paraissait un numéro spécial de Champ Éducatif, publication de l‟université de Paris
8, intitulé «le contrat de communication3», dans lequel, pour la première fois, étaient exposés
les travaux collectifs du Groupe de Recherche sur la Parole créé par R Ghiglione. On y
trouvait en filigrane les prolégomènes du modèle de contrat de communication développé
ultérieurement au sein de l‟équipe. Ce modèle repose sur deux principes. Selon le premier,
(Ghiglione, Bromberg, Dorna, 1986), toute interaction communicative serait sous-tendue par
3 Cette notion étaient aussi utilisée par d‟autres auteurs (Rommetveit 1974 ; Charaudeau 1984 ; Kerbrat-Orecchioni 1984, Bange 1983)
3
l‟établissement implicite de la part des co-interlocuteurs d‟un contrat fondé sur un certain
nombre de règles ; selon le second, toute situation communicative serait le résultat d'une
situation contractuelle porteuse d'enjeux. Le modèle proposé, écrivait plus tard Ghiglione R.,
Trognon A., (1993), « est donc celui d'une communication porteuse d'enjeux, finalisée par le
gain de ceux-ci, donnant lieu à des jeux interlocutoires, aux stratégies et aux tactiques mises
en langue à travers un ensemble de règles et d'intentions, informatives et communicatives ».
On pourrait dire, en suivant Trognon, Musiol, Kostulski (1999), que ces enjeux sont bien
évidemment inséparables de l'arrière-plan propre à l‟accomplissement de l‟interaction
communicative. Cet arrière plan, précisentils, « […] constitue un ensemble indéfiniment
ouvert contenant un réseau d'états mentaux des locuteurs qu'il est impossible de décrire
exhaustivement, mais en plus, il renvoie à des contraintes le plus souvent sociales qui ne sont
pas conversationnelles ».
Le contrat de communication prend en compte, justement, l‟ensemble des paramètres
interactionnels, susceptibles de peser sur la situation interlocutive, pour définir la nature des
contraintes sociales, c'est à dire des obligations de toute nature auxquelles sont soumis les
interlocuteurs engagés conversationnellement. Nous partageons la conception de Charaudeau
(1995) selon laquelle « la notion de contrat ajoute, à la nécessité pour les partenaires de
posséder en commun un certain savoir et d'avoir une aptitude à relier texte et contexte, celle
de devoir reconnaître le projet d'influence dans lequel ils sont engagés qui les oblige à rendre
compte de leur légitimité, de leur crédibilité et de leur visée de captation. Le processus de
reconnaissance ne met pas seulement en œuvre du "savoir" et du "savoir dire" mais aussi du
"vouloir dire" et du "pouvoir dire » […] ». Cependant, si le contrat de communication (ses
caractéristiques) constitue un cadre, un contexte qui s‟impose en quelque sorte de l‟extérieur
aux interlocuteurs, qui préexiste à l‟interaction, cela n‟est certes pas suffisant pour rendre
compte de façon globale de la dimension dynamique de l‟interaction. En effet, les
interlocuteurs ne se contentent pas seulement d‟interagir dans le seul cadre défini
antérieurement à l‟interaction, ces acteurs construisent aussi dans l‟interaction effective le
contexte de cette interaction. C‟est la construction de cette contextualisation qui rend, entre
autre, plus ou moins interprétables les différents actes de communication proférés. Dans cette
optique, il nous faut préciser que nous considérons toute situation sociale comme instituant
par défaut un ensemble de contrats de communication possibles. C‟est pourquoi elle est par
définition potentiellement interactive. Les caractéristiques de ces contrats sont définies à
minima par celles de la situation sociale à laquelle ils sont attachés. La différence qu‟il y a
entre une interaction sociale formelle et non formelle, réside dans le fait que dans la première,
il existe déjà en filigrane un enjeu pour les interlocuteurs alors que dans la seconde, l‟enjeu
reste à construire, à négocier. S‟il arrive que des acteurs sociaux co-présents dans une
situation n‟engagent pas d‟interaction langagière c‟est parce qu‟il n‟existe pas encore
d‟informations disponibles susceptibles de permettre d‟élaborer une conversation
contextuellement pertinente. Dans ce cas, on dira que la situation est potentiellement
communicative mais pas sans contrat. En effet, s‟il n‟y a pas encore d‟enjeu véritable, le
contrat de communication, prédéterminé par le contexte social, ouvre néanmoins le champ des
enjeux possibles/impossibles, pertinents/non-pertinents. La situation potentiellement
communicative deviendra effective en fonction de signes directs ou indirects fournis par les
participants et autorisés par le type de contrat déclenchant ce que Goffman (1961) appelle
l‟engagement conversationnel ”. Autrement dit, la situation potentiellement communicative
est déjà régie par un contrat de communication qui, même réduit à sa plus simple expression
détermine toujours pour les sujets, un minimum de droits et devoirs culturellement et
socialement normés. Le fait qu‟une personne dans une salle d‟attente, par exemple, prenne
l‟initiative de s‟adresser à une autre personne, a pour propriété de rendre effective la situation
potentiellement communicative et elle la rend effective selon la nature contrat de
4
communication « attaché » potentiellement à la situation. Si bien que l‟on peut penser que
cette première énonciation se fera déjà en conformité avec certaines contraintes situationnelles
(Bromberg 1999). Elle respectera un ensemble de règles et conventions compatibles avec la
situation et inscrites déjà en partie dans le contrat. Que l‟interlocuteur, suite à cette première
énonciation, décide d‟ignorer la personne qui s‟adresse à lui ou qu‟il lui réponde, ne change
rien au fait que quoiqu‟il fasse, il communiquera toujours quelque chose au locuteur en vertu
de l‟existence d‟un contrat de communication par défaut. En effet, s‟il ne répond pas à une
question posée par exemple, il communiquera quand même de façon ostensive qu‟il refuse de
rendre effective la situation potentiellement communicative et donc qu‟il refuse d‟actualiser
tout autre contrat de communication que celui existant par défaut. Ainsi lorsque les acteurs
sociaux entrent en communication ils sont soumis dans un premier temps à un ensemble de
contraintes4, plus ou moins inhérentes aux caractéristiques du contrat mobilisé.
a) Ces contraintes plus ou moins fortes définissent a priori le jeu des possibles des acteurs de
l‟interlocution. Il faut souligner que le contrat de communication, fini en partie par les
règles et les normes sociales en vigueur dans une société donnée, constitue en quelque sorte
un contrôle social qui assure le lien entre les sujets et la société et régule les comportements
sociaux. Ces contraintes pourraient être assimilées à des forces maintenant les acteurs à
l‟intérieur d‟un champ (social). Bien sûr les contraintes gies par les contrats de
communication sont plus ou moins importantes selon la nature des enjeux (Bromberg 1981)
des paramètres de la situation sociale et des jeux de rôles qui y sont attachés (Ghiglione,
Bromberg 1988 ; Bromberg 1999). Mais si on définit l‟interaction comme « un ensemble
d'actions sociales orientées vers la réalisation par les partenaires de buts interdépendants, qui
constitue un épisode social » (Bange, 1992), alors on peut penser que plus les contraintes
inhérentes au contrat mobilisé sont fortes plus l‟espace de liberté est faible et parallèlement
plus les interactions sociales qui y sont possibles sont déterminées par la nature du contrat de
communication qui régit la situation d‟interlocution. Le sens des forces exercées, dans ce cas
serait de type « top-down ».
b) Ces contraintes a priori sont modulables et subissent toutes sortes de modifications tout au
long de l‟interaction du fait même que les interlocuteurs en fonction de(s) (l‟)interprétation(s)
de la situation qu‟ils mobilisent, co-construisent un contexte d‟interaction rendu manifeste par
leurs comportements langagiers. Le sens des forces exercées seraient ici de type « bottom-up »
et viendrait interagir avec les forces précédentes (top down).
c) Ainsi toute situation sociale serait caractérisée par deux ensembles de contraintes. L‟un
dépendrait des caractéristiques d‟un contrat de communication, des acteurs sociaux, chacun
ayant une identité (sexe, âge, statut social, système de valeurs), des savoirs sociaux
conventionnels incluant notamment des postulats culturels concernant les rôles et statuts, des
compétences, des attitudes propositionnelles ; l‟autre du ou des contextes co-construits par les
interlocuteurs à travers les interprétations et les actions qu‟ils accomplissent. En ce sens les
acteurs sociaux sont à la fois déterminés par un cadre (un contrat) psycho-socio-pragmatique
qui leur préexiste, qui est en amont de la situation d‟interaction et par la situation d‟interaction
elle-même, dans laquelle ces mêmes acteurs co-construisent activement et conjointement des
contextes d‟interprétations susceptibles de rendre effectifs des comportements. Dans cette
optique il n‟y a pas opposition entre un extérieur qui serait le contrat de communication et un
intérieur qui serait la situation d‟interaction mais interaction des deux.
4 Définie comme une restriction du champs des comportements possibles.
5
Contrat de communication et principe de coopération.
Selon Aristote on doit distinguer pour tout discours trois éléments constitutifs : celui qui parle,
ce dont il parle, celui à qui il parle. La parole institue donc une relation triangulaire entre un
locuteur, un interlocuteur et l‟objet dont on parle. On parle toujours de quelque chose à
quelqu‟un, à un autre. Mais de quoi parle-t-on ? De tout. Mais cependant, pas n‟importe
comment. En effet, on ne peut penser ni parler le monde de façon contradictoire car aucune
entité ne peut à la fois être et ne pas être. Selon cette conception, il est impossible qu‟un
même attribut appartienne et n‟appartienne pas à la fois au même sujet sous le même
rapport ni même qu‟on puisse croire que des énoncés contradictoires puissent être vrais en
même temps. Mais comment cette règle s‟applique-t-elle au plan du dialogue ? Quel genre de
dialogue serait un dialogue sans contradiction aucune? la parole de l‟autre serait comme
un miroir de ses propres dires ? Ce serait comme si l‟autre était un autre soi-même. L‟absence
de contradiction toujours, tue l‟altérité. Or sans altérité pas de dialogue possible. Un tel
monde interlocutoire est-il possible ? Nous ne le pensons pas. Ce serait un monde sans contrat
de communication possible, puisque sans enjeu, et donc sans jeu de langage ; sans
interlocuteurs puisque sans altérité. Pour qu‟il y ait dialogue, il faut que les interlocuteurs
puissent dire des choses contradictoires sinon ils ne pourraient plus rien en dire, plus rien se
dire. Dialoguer, c‟est donc accepter le principe de la contradiction. Car si on ne peut se
contredire soi-même, on peut toujours contredire l‟autre. Ainsi parler, c‟est accepter en
quelque sorte le jeu de la contestation, c‟est remporter l‟enjeu de la non-contradiction. Dans
ces conditions pour que cet espace interlocutoire reste ouvert, les interlocuteurs veillent
jalousement à prévenir tout refus de co-énonciation, toute rupture de contrat. En effet, pour
polémiquer le locuteur a besoin d‟un minimum de coopération de la part de son adversaire. Sa
participation est un prérequis incontournable, elle constitue une condition d‟accomplissement
du contrat de communication car le contrat ne crée pas en lui-même les rapports individuels, il
ne fait qu‟en ouvrir la possibilité et en régler le déroulement. Même si l‟on considère le
principe de coopération comme le principe régulateur ultime sur lequel repose la possibilité
même de l'interaction (Bange 1992) on peut très bien coopérer à un certain niveau de
l‟interaction sans coopérer à un autre (Colleta 1995). En effet toute interaction communicative
est source de négociations, concessions, accords, réconciliations mais aussi de turbulences,
polémiques, conflits, ruptures, en ces sens elle repose sur une connivence
obligée (Berrendonner 1990). Si bien que les interlocuteurs sont sans cesse placés devant un
choix les conduisant à s‟engager plus ou moins dans des stratégies langagières à visée
collaborative ou agonale. Cette mise en jeu constante des deux principes
antagonistes inséparables : « Philia et Eris » chez Parret (1990), « de coopération et de
compétition » chez Ghiglione et Trognon (1996) s‟accommode fort bien d‟un autre jeu
nécessaire de l‟interlocution, celui consistant à mettre en péril les "faces" des interlocuteurs.
Rappelons, en effet, que pour Goffman (1973, 1974) toute interaction sociale est
potentiellement menaçante et que, de ce fait, les comportements communicationnels des
interlocuteurs sont le plus souvent guidés par la préoccupation de ne pas perdre la face. "Celui
qui risque une information ou un message, si banal soit-il, engage, et en un sens met en
danger, toutes les personnes présentes, y compris elle-même. Dès qu'il parle, le locuteur
s'expose à un affront de la part de ceux à qui il s'adresse, qui peuvent ne pas l'écouter, ou bien
le trouver indiscret, stupide ou offensant. Confronté à un tel accueil, il se voit alors contraint
d'agir pour sauver la face" (Goffman, 1973, op.cit.). Brown et Levinson (1978) ont montré
également que tout acte de parole constituait une menace pour les faces positives et négatives
de l'interlocuteur. Dans cette optique, l'ordre, la requête, l'offre, la suggestion, le conseil, le
désaccord, constituent autant d'actes menaçants pour la face négative de l'interlocuteur ; les
critiques, injures, moqueries, rebuffades, futations, réprimandes, rappels à l'ordre,
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