022017 Gériatrie T25 N°2 29/11/00 17:31 Page 32 PRÉPARATION AU CONCOURS Infection urinaire du sujet âgé Urinary tract infection in older patient R. GONTHIER* RESUME ___________________________________ SUMMARY _________________________________ L'infection urinaire est une infection qui recouvre des réalités cliniques diverses : la cystite aiguë non compliquée, la bactériurie asymptomatique, voire des situations à risque comme la pyélonéphrite, la prostatite, l'uréthrite ou l'infection compliquant une uropathie. Chez les sujets âgés, l'infection urinaire est d'une extrême fréquence et les symptômes sont polymorphes à type d'asthénie, d'anorexie, d'incontinence récente ou de mictions impérieuses sans brûlure mictionnelle. Au moindre doute, la pratique d'une bandelette urinaire à la recherche de nitrites et de leucocytes permet de justifier une uroculture. La récidive ou la sévérité de l'infection doit faire rechercher des facteurs favorisant la stase (résidu vésical) et la prolifération bactérienne (sondage, diabète...). La prévention passe par la restriction des indications du sondage urinaire. Urinary tract infection covers various clinical states : acute non complicated cystits, asymptomatic bacteriura, even at-risk situations like pylonephritis, prostatitis, urethritis ans the infections complicating any uropathy. In the aged, urinary infection occurs frequently and the symptoms are often polymorph : asthenia, anorexia, recent incontinence or precipitant urination without urinary burning. At the slightest doubt, the use of a urinary reactive strip to detect nitrites and leucocytes can justify a uroculture. Recurrence or severe infection should initiate research into the factors favouring stasis (vesical residue) and bacteriat proliferation (urethral catheter, diabetes…). Prevention should be by restricting the indications of urethral catheter. Mots-clés : Infection urinaire - Antibiothérapie Sujet âgé - Bactériurie asymptomatique. Key words : Urinary infection - Antibiotherapy Elderly patient - Asymptomatic bacteriuria. * Gérontologie Clinique - Hôpital Charité - CHU de Saint-Etienne - 42055 Saint-Etienne Cedex 2. Article reçu le 16.08.99 - Accepté le 29.10.99. La Revue de Gériatrie, Tome 25, N°2 FÉVRIER 2000 95 022017 Gériatrie T25 N°2 29/11/00 17:32 Page 33 Infection urinaire du sujet âgé L Facteurs favorisants Les facteurs intervenant dans l'augmentation de l'incidence de l'infection urinaire sont multiples avec l'augmentation avec l'âge des troubles de la motricité vésicale (effet des médicaments, alitement...), la déshydratation, le défaut d'hygiène et la baisse des défenses immunitaires (tableau 1). Globalement, l'appareil urinaire est pauvre en cellules immunocompétentes ; le contrôle de l'infection est surtout assuré par des moyens physiochimiques. 'infection urinaire du sujet âgé présente de nombreuses particularités épidémiologiques et cliniques. Son traitement n'est pas standardisé et il n'existe pas de réel consensus quant aux modalités de prise en charge de la bactériurie asymptomatique, de l'infection urinaire basse et de l'infection urinaire avec atteinte parenchymateuse [1]. ÉPIDÉMIOLOGIE _______________________________ Le vieillissement du système vésicosphinctérien Il s'agit d'un des principaux facteurs favorisants. Le vieillissement du système vésicosphinctérien provoque une stase vésicale à l'origine de pullulation microbienne par réduction de l'effet chasse. Il y a une intrication de plusieurs mécanismes : L'hypoactivité vésicale par modifications de la structure du detrusor (diminution des fibres musculaires lisses entraînant une diminution de la visco-élasticité vésicale et augmentation du collagène) favorise la dysurie, c'est-àdire la chute du débit urinaire quantifiable par débimétrie et la vidange incomplète en témoigne l'augmentation du résidu post-mictionnel qui passe de 10 à 20 % de la capacité vésicale totale avec l'avance en âge. Les médicaments à effet anticholinergique majorent l'hypoactivité vésicale. L'obstacle urétral par hypertonie urétrale et rétrécissement organique chez l'homme ou par réduction de la compliance chez la femme (angulation du trajet - sclérose par carence hormonale) ou sténose méatique. La diminution de la perception du besoin d'uriner. Prévalence et incidence La prévalence de l'infection urinaire augmente avec l'âge et dépend du lieu de vie. Elle se situe en milieu communautaire en seconde position après les infections bronchiques et pulmonaires [2]. En maison de retraite, il s'agit des infections les plus fréquentes. La bactériurie avec symptôme en institution a une incidence de 3 % sur un suivi de 6 mois. L'infection urinaire a une plus grande fréquence chez des patients avec une autonomie physique réduite et / ou ayant des capacités cognitives altérées [3]. Il importe cependant de distinguer une infection urinaire vraie d'une bactériurie. La bactériurie asymptomatique a une incidence annuelle de 1 - 3 % entre 15 et 24 ans, de 10 % à la cinquantaine et chez les femmes enceintes et de 20 à 28 % chez des femmes âgées valides en maison de retraite [4,5]. Elle est très élevée chez les porteurs chroniques de sonde à demeure (> 80 %) [10] ; dans ce contexte, la majorité des colonisations bactériennes de vessie est isolée et asymptomatique. La carence hormonale Chez la femme ménopausée, la carence hormonale modifie la flore vaginale et provoque la disparition des lactobacilles et une alcanisation du pH favorisant ainsi la colonisation des urines par les souches uropathogènes. Avec des oestrogènes locaux, il a été démontré que l'on pouvait obtenir une baisse du pH avec acidification, et une augmentation des lactobacilles avec une réduction des entérobactéries [3]. Chez des femmes ayant des antécédents de cystites à répétition, le nombre d'infections annuelles augmente à la ménopause et diminue si la ménopause est traitée. Tableau 1 : Facteurs favorisants de l'infection urinaire du sujet âgé. Table 1 : Factors favouring urinary infection in the aged patient. Résidu Colonisation Vieillissement vésicosphinctérien Vessie hypoactive Sclérose du col Hypertrophie prostate Atrophie uréthrale ➚ PH vaginal Facteurs iatrogènes Anticholinergique Trauma. bassin Sonde, lithiase Chirurgie urologique Terrain Alitement Fécalome Atteinte neuro. Incontinence fécale Diabète, déshydratation hygiène La Revue de Gériatrie, Tome 25, N°2 FÉVRIER 2000 La colonisation iatrogène La majorité des porteurs de sonde à demeure ont une bactériurie. La présence d'un cathéter urinaire transurétral supprime les mécanismes naturels de défense contre la colonisation microbienne rétrograde de la vessie. Il existe alors un risque de dissémination bacté98 022017 Gériatrie T25 N°2 29/11/00 17:32 Page 34 Infection urinaire du sujet âgé DIAGNOSTIC ___________________________________ rienne ascendante au parenchyme rénal ou de diffusion à la prostate. Des lésions de cystite chronique s'installent progressivement avec parfois apparition d'un calcul intravésical (lithiase phosphato-ammoniaco-magnésienne constituée par des germes à activité uréasique). Il est difficile de stériliser ces réservoirs de germes et le recours à des antibiotiques de plus en plus actifs sélectionne des germes résistants. En milieu hospitalier, l'infection urinaire nosocomiale est par sa fréquence la première cause d'infection nosocomiale. Dans ce contexte, les germes les plus courants sont le Proteus, le Pyocyanique et le Providencia [6]. Les signes cliniques Le tableau typique est la "crise de cystite" aiguë de la femme avec douleurs mictionnelles à type de brûlures s'exagérant en fin de miction, pesanteur hypogastrique, pollakiurie diurne ou nocturne avec besoins impérieux d'uriner. A l'examen, les urines sont troubles avec parfois une hématurie terminale. Il n'y a pas de douleur lombaire, de fièvre, de frissons ou de signes d'accompagnement à type de nausées, d'inappétence ou de vomissements. Ce tableau classique de cystite aiguë est souvent incomplet ou mal décrit par les sujets très âgés et on observe seulement des symptômes indirects comme des urines troubles, une incontinence d'apparition récente ou une agitation. La pyélonéphrite aiguë est la conséquence d'urines infectées dans le haut appareil le plus souvent par voie rétrograde. Ce syndrome associe des frissons avec une hyperthermie supérieure à 38°5, des douleurs lombaires le plus souvent unilatérales avec parfois des vomissements et des signes d'atteintes du bas appareil urinaire à type de brûlures mictionnelles, pollakiurie et dysurie. Chez les sujets âgés, on observe souvent une altération de l'état général avec asthénie et parfois hypothermie, un état confusionnel sans douleur caractérisée et l'absence de signes fonctionnels urinaires. Chez l'homme âgé, comme chez le sujet plus jeune, un tableau clinique évocateur d'une pyélonéphrite aiguë est dans la majorité des cas dû à une prostatite aiguë. La dysurie et la pollakiurie sont majeures. Au toucher rectal, la prostate est douloureuse et on constate une rétention d'urine. L'infection sur sonde est le plus souvent asymptomatique. Le maintien d'une sonde à demeure pendant plusieurs semaines favorise des infections urinaires à répétition avec secondairement la constitution de lithiases (calculs phosphato-ammoniaco-magnésiens) ou / et d'une néphrite interstitielle chronique. La pathologie de contiguïté Tout alitement est susceptible de favoriser la contamination des urines par atteinte du plancher pelvien (réduction de la force de contraction des releveurs et du tonus des sphincters). Il faut insister sur le risque particulier représenté par les fractures du col du fémur et les traumatismes du bassin. Chez le vieillard, il existe des infections urinaires lors des incontinences fécales ou lors des fécalomes. Cependant, chez ces patients, l'emploi de protections jetables hyperabsorbantes est une meilleure alternative au plan du risque infectieux que la mise en place d'une sonde à demeure au long cours : il a été démontré que l'emploi des couches plutôt qu'une sonde à demeure diminuait de plus de 80 % la prescription d'antibiotiques pour des infections urinaires. La pathologie de système Le diabète expose à la survenue d'infections urinaires par le biais du résidu vésical provoqué par une neuropathie périphérique (une rétention chronique peut conduire à une vessie "claquée"). La présence de sucre dans les urines favorise la prolifération bactérienne et altère la fonction des polynucléaires. La cachexie et la dénutrition protéino-énergétique réduisent la réponse lymphocytaire, de même que le taux d'IgA sécrétoire. Le sexe La différence de fréquence d'une bactériurie entre les deux sexes est constante, même chez le vieillard, le rapport est généralement de 1 à 3. A titre d'exemple, dans l'étude longitudinale d'une population d'âge moyen 85 ans réalisée par Boscia, 30 % des femmes avaient au moins un examen urinaire positif, 11 % des hommes seulement [3]. La différence entre les deux sexes s'atténue avec l'âge [7]. La place de la bandelette urinaire Il importe de réserver la pratique de l'ECBU aux patients ayant des anomalies aux bandelettes réactives. En effet, cette technique simple permet de dépister la présence de protéine ou d'hématies, mais aussi de leucocytes et de nitrites. Il s'agit d'un test très sensible (> 80 %), avec surtout une valeur prédictive négative quasi parfaite (> 94 %), c'est-à-dire qu'un examen normal à la bandelette sur des urines fraîches élimine quasi formellement l'existence d'une infection urinaire ; les bandelettes réactives ont été validées pour des populations gériatriques [8]. La diminution de la sensation de soif Elle s'observe notamment chez les sujets porteurs d'une détérioration des fonctions intellectuelles. Elle favorise une oligurie avec réduction de l’effet «lavage» de la vessie. La Revue de Gériatrie, Tome 25, N°2 FÉVRIER 2000 99 022017 Gériatrie T25 N°2 29/11/00 17:32 Page 35 Infection urinaire du sujet âgé La valeur des bandelettes pour affirmer l'existence d'une infection urinaire est moindre, car il existe des faux positifs (VPP 72 %). Des auteurs ont montré que si on n'adressait en laboratoire pour ECBU (cotation : B75 sans antibiogramme) que les prélèvements à la bandelette positifs et / ou ayant un aspect trouble, cela permettrait de réduire le nombre d'ECBU réalisés d'un tiers (60 % même d'après Levy sur une population générale hospitalisée [9]). survie est comparable par rapport au groupe témoin des femmes avec bactériurie traitée et celles avec bactériurie non traitée [4]. Actuellement, un nombre important de traitements antibiotiques est donné de manière indue pour une bactériurie asymptomatique, notamment en institution. Cette attitude expose les patients aux risques de sélection de germe résistant [10,11,12]. En l'absence de symptômes suggestifs d'une infection des voies urinaires, il ne devrait pas être pratiqué d'uroculture. De toute façon, la recherche d'une bactériurie sans recherche concomitante d'une pyurie est sans valeur, car la « bactériurie » ne peut être considérée comme synonyme d' « infection ». L'examen cytobactériologique des urines Le diagnostic de l'infection urinaire est confirmé par l'examen cytobactériologique des urines (ECBU). Le recueil se fait en milieu de jet sur les urines du matin, après élimination de la première partie de la miction et toilette du périnée. Chez le vieillard, le recueil s'avère parfois difficile en raison d'une incontinence et des troubles cognitifs ; le sondage devient la seule méthode envisageable. Le diagnostic d'une infection urinaire est affirmé sur une triade précise qui associe une leucocyturie > 104 éléments / ml (soit > 10 éléments / mm3), la présence de germes à l'examen direct après coloration de Gram et un compte de germes > 105 UFC / ml. Les résultats doivent pour être fiables être exprimés en données cytologiques standardisées. Une minorité de praticiens (27 % dans l'étude de Holstein) utilise le taux de leucocyturie pour affirmer ou infirmer l'infection urinaire et de ce fait, beaucoup de bactériuries asymptomatiques font l'objet d'un traitement systématique. Une bactériurie significative peut être le résultat d'une multiplication bactérienne d'une bactérie saprophyte (ou contaminante) lorsque le prélèvement d'urine séjourne à la température ambiante plusieurs heures sur la banque d'une pharmacie, d'un laboratoire ou dans le véhicule d'une infirmière qui effectue une « tournée de ramassage » de prélèvements. E. coli se multiplie en 2 cellules filles toutes les 20 minutes à la température ambiante. Toute dissociation cytobactériologique devrait être contrôlée par un autre ECBU effectué dans des conditions rigoureuses de prélèvement. Les examens complémentaires Leur intérêt dépend de la diffusion (atteinte parenchymateuse du rein et de la prostate), du terrain (diabète, immunodéprime...) et de l'existence de signes de gravité (uropathie obstructive, présence de germe multirésistant, rechute, ou récidives...). L'élévation de la Protéine C Réactive (CRP) et l'existence d'une hyperleucocytose à polynucléaires, voire la présence d'une bactériémie à l'hémoculture, confirment l'atteinte parenchymateuse. Le dosage de la créatinine, de l'urée et la pratique du ionogramme, doivent être systématiques avant d'entreprendre un bilan d'imagerie. L'échographie malgré de nombreux faux négatifs associée à un Abdomen Sans Préparation (ASP) de face debout permet de dépister un obstacle sur les voies urinaires. L'urographie intraveineuse qui était l'examen radiologique de référence pour l'étude morphologique et dynamique des voies excrétrices est souvent remplacée par l'uroscanner qui permet une étude précise du parenchyme rénal. TRAITEMENT ___________________________________ La bactériurie asymptomatique du sujet âgé L'étude longitudinale de Boscia sur 523 sujets d'âge moyen 85 ans (150 hommes et 373 femmes) répétée 3 fois à 6 mois et celle d'Abrutyn portant sur 2162 personnes en institution suivies durant 9 ans, ont montré que la bactériurie asymptomatique, c'est-à-dire sans leucocyturie chez le sujet âgé, pouvait disparaître spontanément sur des prélèvements successifs. Cette bactériurie est un marqueur de mauvaise santé, car elle est observée chez les patients les plus âgés et les plus malades, mais elle n'entraîne pas de surmortalité. La La Revue de Gériatrie, Tome 25, N°2 FÉVRIER 2000 L'antibiothérapie doit s'effectuer de manière conventionnelle à la lumière d'un antibiogramme. L'hydratation pour obtenir une diurèse abondante est un adjuvant indispensable. Le choix d'une antibiothérapie empirique En l'absence d'antibiogramme, le choix du traitement est probabiliste. Cependant, la flore bactérienne responsable des infections urinaires chez les personnes 100 022017 Gériatrie T25 N°2 29/11/00 17:33 Page 36 Infection urinaire du sujet âgé Dans les institutions nord-américaines, la plupart des cystites sont traitées avec 3 à 7 jours d'antibiotiques [10]. En France, la durée paraît être un peu plus longue, car la moyenne était à 8,3 + 1,5 jours dans l'enquête de Holstein. La pyélonéphrite aiguë : le traitement repose sur une antibiothérapie produisant une forte concentration dans le tissu rénal et à élimination urinaire prédominante : c'est-à-dire céphalosporine de 2ème ou 3ème génération, fluoroquinolone, cotrimoxazole, aztréonam [15]. En cas de tableau clinique sévère, une bithérapie doit utiliser un aminoglycoside pour avoir un effet « bouster » sur une période de 4 à 7 jours. La posologie de l'aminoglycoside doit être adaptée à la filtration glomérulaire estimée par la formule de Cockcroft. Pour éviter au maximum l'ototoxicité irréversible par effet cumulatif sur l'appareil cochléo-vestibulaire fragilisé par le vieillissement, il faut pratiquer des miniperfusions et réduire la durée du traitement (si possible < 10 jours) sans attendre l'apparition d'une élévation de la créatinine, d'un vertige ou d'une ascension du taux résiduel plasmatique (véritables faux amis), car des effets toxiques apparaissent à des concentrations sériques considérées comme normales chez l'adulte. Le traitement doit être ajusté avec les résultats de l'antibiogramme et aussi aux possibilités de prise orale. âgées dépend largement du mode de vie (domicile versus institution) et de l'existence ou non d'une sonde urinaire ou d'antécédents récents de chirurgie urologique. La répartition des souches est différente en fonction du caractère récidivant (1er épisode infectieux versus infection récidivante), du caractère nosocomial (variable d'un hôpital à l'autre) [12]. La majorité des germes sont issus de la flore digestive qui est l'habitat naturel des entérobactéries et des streptocoques, mais l'usage préalable des antibiotiques favorise l'apparition de résistances par pression de sélection des souches bactériennes résistantes. Ce phénomène est important en institution. Certains germes sont spécifiques d'une origine hospitalière comme Pseudomonas aeruginosa, Staphylococcus aureus résistant à la méticilline. Chez l'homme et chez les porteurs chroniques de sonde urinaire, il existe une plus forte proportion de germes Gram positif et germes Gram négatif n'appartenant pas à l'espèce E. Coli et susceptibles de se compliquer d'une bactériémie [13]. Prescrire une antibiothérapie hiérarchisée en fonction de la clinique La prescription doit se baser sur les recommandations de la Conférence de Consensus sur l'antibiothérapie des infections urinaires qui s'est déroulée le 16 novembre 1990 (tableau 2). L'infection urinaire basse. Seules les formes symptomatiques doivent être traitées. Les sujets âgés ne relèvent pas d'un traitement à dose unique (traitement minute) qui est réservé à la cystite aiguë de la femme jeune souffrant d'une infection urinaire basse non compliquée [14]. Chez le sujet âgé comme chez le sujet jeune, deux types de molécules à élimination urinaire prolongée et administrables par voie orale sont recommandés : le cotrimoxazole (Bactrim®, Eusaprim®) et les fluoroquinolones (Noroxine®, Ciflox®). Les cas difficiles Ils sont nombreux en Gériatrie ; l'attitude thérapeutique et diagnostique ne fait alors l'objet d'aucun consensus tant sur le plan diagnostique (utilité de l'UIV et du scanner abdominal, moment de la réalisation d'un bilan urodynamique) que sur le plan thérapeutique (choix de l'antibiotique et surtout durée de traitement). • L'atteinte de la prostate : comme chez l'adulte jeune, le traitement doit être prescrit au moins 3 semaines. Peu d'antibiotiques sont capables de pénétrer dans le parenchyme prostatique en dehors des quinolones et du trimethoprim-sulfomethoxazole. • L'infection sur sonde : il existe un consensus pour ne pas traiter les patients ayant une sonde à demeure avec une infection urinaire asymptomatique, car l'antibiothérapie fréquente favorise l'émergence de souche bactérienne résistante. • L'infection sévère avec anomalies urologiques ou terrain fragilisé : L'hospitalisation est toujours nécessaire. Une bithérapie conseillée d'emblée associant une céphalosporine de 3ème génération (céfotaxine, ceftriaxone...) à un aminoglycoside ; la possibilité de faire l'antibiothérapie par voie sous-cutanée est un argument de choix. Les examens complémentaires comme le scanner sont indispensables pour étudier le parenchyme rénal (parfois nécrose papillaire chez le diabétique) et rechercher des images suppuratives requérant des traitements plus pro- Tableau 2 : Consensus pour le choix du traitement antibiotique lors d’une infection urinaire du sujet âgé. Table 2 : Consensus for choice of antibiotic treatment in urinary infection of the aged patient. Tt. minute Durée 1ère intention Aminoglycoside Cystite aiguë 0 3-8j FQ ; CMX 0 Pyélonéphrite aiguë 0 > 10 ; 20 < FQ ; CMX C3G ; AZT < 10 j FQ : Fluoroquinolone CMX : Cotrimaxazole C3G : Céphalosporine 3ème Génération La Revue de Gériatrie, Tome 25, N°2 FÉVRIER 2000 AZT : Aztreonam 101 022017 Gériatrie T25 N°2 29/11/00 17:33 Page 37 Infection urinaire du sujet âgé Les situations où le sondage est indiqué et accepté sont : le monitorage du débit urinaire chez des patients en condition critique, la période postopératoire immédiate ou la fin de vie (notamment lors de l'utilisation de forte posologie de morphine), l'obstruction aiguë ou chronique de la vidange vésicale et l'existence d'une escarre sacrée. L'indication de maintien du sondage urinaire doit être réévaluée plusieurs fois par semaine ; il a été démontré que 40 % des infections urinaires peuvent être prévenues par le retrait des sondes. L'incontinence urinaire doit être traitée par l'emploi de protections jetables plutôt que par sondage. En cas de rétention complète ou incomplète d'urine secondaire à des situations temporaires (immobilisation au lit après fracture, évacuation d'un fécalome...), les sondages intermittents sont préférables. longés. L'UIV est l'examen de choix pour visualiser les voies excrétrices, mais la qualité des images est parfois médiocre (vieillard peu hydraté avec insuffisance rénale) et elle risque de favoriser l'apparition d'une insuffisance rénale aiguë oligo-anurique par atteinte tubulaire. • Les suites de chirurgie urologique : après un geste urologique (résection d'un adénome de prostate, ablation d'une lithiase...), il persiste de l'infection favorisée par l'alitement et la déshydratation postopératoire, la mise en place temporaire d'une sonde à demeure, la distension vésicale persistante par récupération partielle du detrusor. Il est parfois préférable d'attendre pour changer un antibiotique peu efficace sur l'antibiogramme en l'absence de signe de diffusion hématogène de l'infection. Les traitements adjuvants comme la cure de diurèse, la lutte contre la constipation et la mobilisation des patients, sont importants. PRÉVENTION __________________________________ L'antibioprophylaxie L'antibioprophylaxie des infections urinaires reste controversée chez le vieillard. La seule indication validée semble être la prophylaxie au cours de la biopsie transrectale [16]. Par contre, l'antibioprophylaxie lors d'un sondage urinaire sur urines stériles ne se pratique pas ; l'accent est mis sur l'importance de la toilette et l'asepsie au moment de la mise en place, l'utilisation du sondage en système clos, l'utilisation au long cours de sondes siliconées avec sac à chambre stérile et site de prélèvement, fixation correcte du sac et de la sonde. CONCLUSIONS _________________________________ Malgré la tenue en 1990 d'une Conférence de Consensus sur l'antibiothérapie de l'infection urinaire et malgré la fréquence de cette pathologie chez le sujet âgé, les stratégies élaborées par les médecins sont multiples. Il apparaît que la bandelette urinaire est insuffisamment utilisée comme test de dépistage au profit de l'ECBU. Cet examen, relativement coûteux, doit être uniquement réservé au cas où la bandelette montre des anomalies. Les grandes études épidémiologiques réalisées depuis 20 ans ont montré qu'une bactériurie asymptomatique n'entraîne pas de surmortalité et un traitement antibiotique ne devrait pas être prescrit sans un contrôle cytobactériologique des urines. La cystite vraie du vieillard nécessite un traitement plus long que chez le jeune. La pyélonéphrite est grave et nécessite de préférence une bithérapie. Bien que très efficaces, les aminoglycosides doivent être prescrits avec la plus grande prudence. Des traitements adjuvants (hydratation, prévention de la constipation, œstrogènes locaux) réduisent le risque de récidives. ■ L'antibiothérapie à dose filée en cas de cystite récidivante Chez les femmes âgées présentant des cystites récidivantes non compliquées (plus de quatre épisodes dans l'année), on conseille une bonne hygiène locale (toilettes périnéales régulières, prévention de la macération par des changes fréquents), une hydratation correcte et une oestrogénothérapie locale en cas d'atrophie muqueuse importante. En cas d'échec, un traitement antibiotique à dose filée est efficace et réduit les récidives [17]. La limitation des indications de sonde à demeure Les indications de mise en place d'un cathéter urinaire transurétral doivent être limitées. La Revue de Gériatrie, Tome 25, N°2 FÉVRIER 2000 102 022017 Gériatrie T25 N°2 29/11/00 17:49 Page 38 Infection urinaire du sujet âgé RÉFÉRENCES __________________________________ QCM SUR INFECTION URINAIRE DES SUJETS ÂGÉS ___________________________________________ 1- HOLSTEIN J, FAUCHER M, MEAUME S et al.: Y a-t-il un consensus face aux infections urinaires du patient âgé ? L'Année Gérontologique, 1996:35357. 2- MICHEL JP, DECREY H, MAC GEE W.: Actualité en pathologie infectieuse chez la personne âgée. L'Année Gérontologique, 1991;87-95. 3- BOSCIA J, KOBASA W, KNIGHT et al.: Epidemiology of bacteriuria in an elderly ambulatory population. Am J Med, 1986;80:208-14. 4- ABRUTYN E, MOSSEY J, BERLIN J et al.: Does asymptomatic bacteriuria predict mortality and does antimicrobial treatment reduce mortality in elderly ambulatory women ? 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J Am Geriar Soc, 1996;44:1235-41. 1. L'examen cytobactériologique des urines (ECBU) avec éventuellement un antibiogramme doit être pratiqué A. Avant changement de sonde à demeure B. Lors de la présence de nitrites et de leucocytes à la bandelette urinaire C. Devant une hématurie initiale D. Devant une rétention incomplète d'urine après miction E. Devant une oligurie diurne 2. La bactériurie du sujet âgé se caractérise par A. La présence de 105 germes/ml au compte de germe B. Une fièvre minime comprise entre 37°5 et 38° C. Par la nécessité d'un traitement de courte durée de 5 jours par des antiseptiques urinaires D. Une fréquence plus élevée chez la femme E. Une surmortalité à moyen terme d'origine infectieuse 3. Parmi les bactéries suivantes, lesquelles peuvent être responsables d'infection du tractus urinaire A. Escherichia coli B. Lysteria monocytogènes C. Clostridium difficile D. Staphylococcus epidermidis E. Proteus mirabilis 4. Deux des cinq antibiotiques suivants ne doivent pas être utilisés dans le traitement de cystite aiguë non compliquée du sujet âgé A. Amoxicilline (Clamoxyl®) B. Amikacine (Amiklin®) C. Céfotaxine (Claforan®) D. Trimethroprime - Sulfaméthoxazole (Bactrim®) E. Norfloxacine (Noroxine®) RÉPONSES QCM SUR INFECTION URINAIRE DES SUJETS ÂGÉS _____________________________ 5 Question 4 Question 3 Question 2 Question 1 Question A A A A A B D D C D E E D B La Revue de Gériatrie, Tome 25, N°2 FÉVRIER 2000 5. L'infection urinaire nosocomiale se caractérise par A. Une fréquence élevée : 1ère cause d'infection nosocomiale B. Une survenue systématique chez un patient porteur d'une sonde à demeure avec un système non clos C. La présence de germe reflétant l'écologie du service hospitalier qui héberge le patient D. Une prévention possible en utilisant, quand cela est possible, des sondages urinaires intermittents lors d'un résidu post-mictionnel > 150 ml E. Une présence constante d'urines troubles 103