POL1400 Introduction aux relations internationales Professeur : Romain Lecler Questions sur les textes à lire Odile Moreau-Richard, « Difficile sortie de guerre : de l’Empire ottoman à l’émergence de la jeune République de Turquie (1918-1924) » Commenter les cartes: Odile Moreau-Richard, « Difficile sortie de guerre : de l’Empire ottoman à l’émergence de la jeune République de Turquie (1918-1924) » Quelles grandes dates ? Carte de l'Empire Ottoman. 1895. Chambre de commerce française de Constantinople. Traité de Sèvres (1920) Traité de Lausanne (1923) Turquie actuelle Karoline Postel-Vinay, « La frontière ou l'invention des relations Internationales » Quelles grandes dates ? Karoline Postel-Vinay, « La frontière ou l'invention des relations Internationales » https://vimeo.com/242811624 Plan de la séance sur la mise en place d’un système international 1. Le traité de Wesphalie : un système international dominé par les Etats-nations I. mieux financer la guerre (Tilly) II. l’invention de la souveraineté (Ruggie) III. de nouvelles cartes du monde (Branch) 2. La théorie « réaliste » du système international I. l’équilibre des puissances II. guerre hégémonique et dilemme de sécurité I. mieux financer la guerre (Tilly) Charles Tilly (1985), “War Making and State Making as Organized Crime” dans Bringing the State Back In Les dirigeants européens ont eu besoin de ressources pour faire la guerre plus efficacement. Cela les a obligés : - à nouer des relations avec une bourgeoisie d’affaires qui pouvait leur prêter de l’argent - à mettre en place des taxes sur les personnes et les activités qu’ils contrôlaient Charles Tilly (1985), “War Making and State Making as Organized Crime” dans Bringing the State Back In Dirigants d’Etats en formation: 1. Font la guerre contre les rivaux à l’extérieur du territoire 2. Renforcent l’Etat contre les rivaux à l’intérieur du territoire 3. Protégent leur clientèle (bourgeoisie d’affaire) 4. Extraient des ressources pour mener à bien 1., 2. et 3. – notamment à travers l’impôt Charles Tilly (1985), “War Making and State Making as Organized Crime” dans Bringing the State Back In Charles Tilly (1985), “War Making and State Making as Organized Crime” dans Bringing the State Back In Cela a conduit à une monopolisation de la violence sur des territoires de plus en plus étendus et homogènes. Les grands Etats centralisés et bureaucratisés ont été petit à petit les plus efficaces pour lever des ressources. II. l’invention de la souveraineté (Ruggie) John Gerard Ruggie (1993), “Territoriality and Beyond: Problematizing Modernity in International Relations”, International Organization Invention d’un “système moderne” des Etats au 16ème siècle : (1) distinction privé/public = monopolisation de l’usage légitime de la force par des autorités centrales (2) distinction interne/externe = droit souverain de faire la guerre John Gerard Ruggie (1993), “Territoriality and Beyond: Problematizing Modernity in International Relations”, International Organization / système médiéval : - formes de territorialité non exclusive - autorité personnalisée - autorité dispersée entre diverses formations territoriales - nombreuses zones de transition - classe dirigeante mobile John Gerard Ruggie (1993), “Territoriality and Beyond: Problematizing Modernity in International Relations”, International Organization Nouveau concept de « souveraineté » associé à de nouvelles représentations sociales : a) religion : principe de “cujus regio ejus religio” b) philosophie : Hobbes, Machiavel c) linguistique : extension du pronom “je” // distinction forte public/privé d) arts : invention du “point de fuite” (“single-point perspective”) John Gerard Ruggie (1993), “Territoriality and Beyond: Problematizing Modernity in International Relations”, International Organization Souveraineté : (1) les guerres privées sont interdites (2) la guerre devient un attribut de la souveraineté John Gerard Ruggie (1993), “Territoriality and Beyond: Problematizing Modernity in International Relations”, International Organization Base du nouvel ordre international : - « souveraineté réciproque » - territoire souverain - invention du principe d’extraterritorialité pour résoudre le problème des ambassades d’une autre religion III. de nouvelles cartes du monde (Branch) Jordan Branch (2011), “Mapping the Sovereign State: Technology, Authority, and Systemic Change”, International Organization Autorité médiévale : - collection de villes plutôt que des territoires délimités - liens féodaux et serments d’allégeances - autorités religieuses - groupements économiques = larges zones frontalières, territoires avec plusieurs formes d’autorité, enclaves territoriales Branch Branch Jordan Branch (2011), “Mapping the Sovereign State: Technology, Authority, and Systemic Change”, International Organization 1648 traité de Westphalie : - aucune carte de référence - pas de délimitation des frontières « Après avoir nommé un lieu comme une ville, le traité énumérait un ensemble exhaustif de subjuridictions, de ressources économiques et autres droits ou privilèges associés ». Branch Branch Jordan Branch (2011), “Mapping the Sovereign State: Technology, Authority, and Systemic Change”, International Organization Moyen-âge : cartes coûteuses (manuscrits) XVe siècle : invention des « coordonnées » (latitude/longitude) XVIe siècle : diffusion massive et commerciale des cartes imprimées Jordan Branch (2011), “Mapping the Sovereign State: Technology, Authority, and Systemic Change”, International Organization Début du XVIIe siècle : les dirigeants deviennent des consommateurs de cartes Fin du XVIIe siècle : ils financent la production de cartes à jour, précises de leur territoire (pour lever des taxes et faire la guerre) Cf. France : fin des années 1660, commande de Colbert à Cassini ; imité partout en Europe Branch Branch Jordan Branch (2011), “Mapping the Sovereign State: Technology, Authority, and Systemic Change”, International Organization 1815 : traité de Vienne « ces textes contiennent des descriptions détaillées des frontières, tracées sous forme de lignes, discutées en termes de cartes (quand elles existaient) ou création de cartes (quand elles n'existaient pas), et définissant les territoires devant être détenus "en pleine souveraineté et propriété" dans ces frontières. Jordan Branch (2011), “Mapping the Sovereign State: Technology, Authority, and Systemic Change”, International Organization Autorité étatique à l’époque moderne = centralisée, territoriale et exclusive (1) homogénéisation de l'autorité territoriale (2) linéarisation des frontières politiques (3) élimination des formes d'organisation non territoriales = espace uniforme et délimité 2. La théorie « réaliste » du système international I. L’équilibre des puissances Hans Morgenthau (1948), Politics among Nations. The Struggle for Power and Peace Les relations internationales telles qu’elles sont et pas telles que les idéalistes les voudraient Les relations internationales ne peuvent pas être réduites aux institutions et au droit international Hans Morgenthau (1948), Politics among Nations. The Struggle for Power and Peace Définition de la « politique internationale » : la lutte de pouvoir (« struggle for power ») Il n’y a aucune raison que cette lutte disparaisse: - Elle a existé quel que soit le contexte social, économique et politique - Elle est propre à la nature humaine, caractérisée par des instincts de survie et de domination Hans Morgenthau (1948), Politics among Nations. The Struggle for Power and Peace Formes de cette lutte de pouvoir: (1)Maintien du statu quo (alliances, traités) (2)Impérialisme (militaire, économique, culturel) - l’impérialisme se dissimule derrière de nombreuses idéologies (« mission civilisatrice », « révolution mondiale », fascisme, religions, « anti-impérialisme », etc.) Hans Morgenthau (1948), Politics among Nations. The Struggle for Power and Peace Puissance nationale : - Géographie - Ressources naturelles - Capacités industrielles - Capacités militaires - Population - Caractère national - Morale nationale (« âme » de la puissance nationale) - Diplomatie (« cerveau » de la puissance nationale) Hans Morgenthau (1948), Politics among Nations. The Struggle for Power and Peace Hans Morgenthau (1948), Politics among Nations. The Struggle for Power and Peace Limite de la puissance internationale : l’« équilibre des puissances » - Stabilité du système - Préservation de tous les éléments du système Hans Morgenthau (1948), Politics among Nations. The Struggle for Power and Peace Équilibre des puissances (« balance of power ») Hans Morgenthau (1948), Politics among Nations. The Struggle for Power and Peace Un exemple pour mieux comprendre le schéma Hans Morgenthau (1948), Politics among Nations. The Struggle for Power and Peace « pattern of competition » Hans Morgenthau (1948), Politics among Nations. The Struggle for Power and Peace Hans Morgenthau (1948), Politics among Nations. The Struggle for Power and Peace Hans Morgenthau (1948), Politics among Nations. The Struggle for Power and Peace Les petites nations doivent leur indépendance à l’équilibre des puissances (protection d’un Etat puissant, constitution d’un « Etattampon » ou désintérêt pour des aspirations impériales) Hans Morgenthau (1948), Politics among Nations. The Struggle for Power and Peace Problèmes de l’équilibre des puissances - Incertitude - Instabilité Hans Morgenthau (1948), Politics among Nations. The Struggle for Power and Peace Y a-t-il d’autres source de limitation de la puissance nationale que l’équilibre des puissances ? Hans Morgenthau (1948), Politics among Nations. The Struggle for Power and Peace (1) la moralité internationale et le droit international ? / s’effacent derrière le jeu des puissances Cf. échec de la SDN et de la charte de l’ONU Hans Morgenthau (1948), Politics among Nations. The Struggle for Power and Peace (2) l’opinion publique mondiale contre la guerre ? / barrière du nationalisme : « l'apparente unanimité de l’opinion publique mondiale se brise en composantes nationales lorsqu'il ne s'agit plus de la guerre en tant que telle, dans l'abstrait, mais d'une guerre particulière, cette guerre particulière, pas n'importe quelle guerre, mais la guerre ici et maintenant » Hans Morgenthau (1948), Politics among Nations. The Struggle for Power and Peace Les échanges intellectuels et commerciaux ne vont pas contribuer à supprimer la guerre Les guerres ne sont pas irrationnelles mais révèlent la lutte pour le pouvoir Hans Morgenthau (1948), Politics among Nations. The Struggle for Power and Peace Les organisations internationales passeront toujours après les nations Car la nation offre une meilleure protection immédiate aux individus Hans Morgenthau (1948), Politics among Nations. The Struggle for Power and Peace Hans Morgenthau (1948), Politics among Nations. The Struggle for Power and Peace Hans Morgenthau (1948), Politics among Nations. The Struggle for Power and Peace Hans Morgenthau (1948), Politics among Nations. The Struggle for Power and Peace Hans Morgenthau (1948), Politics among Nations. The Struggle for Power and Peace Le modèle de la communauté internationale Hans Morgenthau (1948), Politics among Nations. The Struggle for Power and Peace Le modèle de l’équilibre des puissances II. « Guerre hégémonique » et « dilemme de sécurité » Robert Gilpin (1988), “The Theory of Hegemonic War”, The Journal of Interdisciplinary History Guerre hégémonique : 1) elle est causée par de profonds changements politiques, stratégiques et économiques 2) les relations entre les Etats forment un système où les comportements des Etats sont determinés par leurs interactions stratégiques 3) elle transforme la structure du système international : ce qui est en jeu (même si les Etats n’en sont pas conscients) est la hiérarchie entre Etats dans le système Robert Gilpin (1988), “The Theory of Hegemonic War”, The Journal of Interdisciplinary History C’est une théorie structurelle de la guerre : - la guerre ne s’explique pas par l’escalade entre deux ou plusieurs Etats - mais par des changements structurels dans un système Robert Gilpin (1988), “The Theory of Hegemonic War”, The Journal of Interdisciplinary History Phases de la guerre hégémonique 1) point de depart: un système international relativement stable, avec une hiérarchie entre États 2) la puissance d’un Etat dominé croît de manière disproportionnée et menace l’Etat dominant/hégémonique du système 3) cela conduit à une bipolarisation du système 4) la crise est inévitable et mène à une guerre pour l’hégémonie 5) le nouveau système international reflète la nouvelle distribution de pouvoir dans le système Thucydide (5e siècle avant JC), La guerre du Péloponnèse « Thucydide l'Athénien a raconté les différentes péripéties de la guerre des Péloponnésiens et des Athéniens ; il s'est mis à l'œuvre dès le début de la guerre, car il prévoyait qu'elle serait importante et plus mémorable que les précédentes. Sa conjecture s'appuyait sur le fait que les deux peuples étaient arrivés au sommet de leur puissance. De plus il voyait le reste du monde grec, soit se ranger immédiatement aux côtés des uns et des autres, soit méditer de le faire. Ce fut l'ébranlement le plus considérable qui ait remué le peuple grec, une partie des Barbares, et pour ainsi dire presque tout le genre humain ». Thucydide (5e siècle avant JC), La guerre du Péloponnèse Né vers 460 avant JC Aristocrate athénien Âge d’or d’Athènes après la victoire de 480 contre les Perses 431 avant JC : début de la guerre du Péloponnèse Stratège en 424 : défaite et condamné à l'exil en Thrace Retour à Athènes en 404 Ecrit La Guerre du Péloponnèse pendant son exil. Robert Gilpin (1988), “The Theory of Hegemonic War”, The Journal of Interdisciplinary History Expansion d’Athènes 1) Expansion commerciale : mer Egée 2) Expansion impériale : ligue de Délos Robert Gilpin (1988), “The Theory of Hegemonic War”, The Journal of Interdisciplinary History 3) Puissance navale : port du Pirée 4) Innovations militaires : fortifications contre attaque terrestre Thucydide (5e siècle avant JC), La guerre du Péloponnèse Thucydide (5e siècle avant JC), La guerre du Péloponnèse Livre 1, XXIII « J'ai commencé par écrire les causes de cette rupture et les différends qui l'amenèrent, pour qu'un jour on ne se demande pas d'où provint une pareille guerre. La cause véritable, mais non avouée, en fut, à mon avis, la puissance à laquelle les Athéniens étaient parvenus et la crainte qu'ils inspiraient aux Lacédémoniens qui contraignirent ceux-ci à la guerre ». Robert Gilpin (1988), “The Theory of Hegemonic War”, The Journal of Interdisciplinary History 3 guerres hégémoniques dans le monde moderne Robert Gilpin (1988), “The Theory of Hegemonic War”, The Journal of Interdisciplinary History 1) Guerre de 30 ans (1619 à 1648) A- Empire et féodalisme B- Etats-nations Contexte d’innovations techniques (artillerie) et organisationnelles (bureaucratie moderne) Robert Gilpin (1988), “The Theory of Hegemonic War”, The Journal of Interdisciplinary History Traité de Wesphalie (1648) : - souveraineté nationale et non intervention - système étatique européen - développement économique - stabilité jusqu’au début du 19ème siècle Robert Gilpin (1988), “The Theory of Hegemonic War”, The Journal of Interdisciplinary History 2) guerres napoléoniennes (1792 to 1815) A- Grande-Bretagne : mercantilisme et libéralisme économique B- France : républicanisme révolutionnaire Contexte d’innovations techniques (canon) et organisationnelles (“levée en masse”, conscription, nationalisme) Robert Gilpin (1988), “The Theory of Hegemonic War”, The Journal of Interdisciplinary History Traité de Vienne (1815) : - “Pax Britannica” - marché et laissez-faire - impérialisme colonial Robert Gilpin (1988), “The Theory of Hegemonic War”, The Journal of Interdisciplinary History 3) guerres mondiales (1918-1945) A- Démocraties libérales B- Régimes autoritaires Passage des puissances européennes à un nouvel ordre hégémonique = bipolarité américaine/soviétique John Herz (1950) “Idealist internationalism and the security dilemma”, World Politics La « bipolarisation » est « la manifestation extrême d'un dilemme auquel les sociétés humaines ont dû faire face depuis l'aube de l'histoire ». John Herz (1950) “Idealist internationalism and the security dilemma”, World Politics "Partout où une société anarchique a existé (...) est apparu ce que l'on pourrait appeler le "dilemme de la sécurité". John Herz (1950) “Idealist internationalism and the security dilemma”, World Politics Anarchie - les groupes constituent l’unité indépassable de la vie politique - ces groupes coexistent sans unité supérieure. John Herz (1950) “Idealist internationalism and the security dilemma”, World Politics Anarchie en relations internationales : - ces unités sont les Etats souverains - il n’existe pas d’Etat supranational mais un système où les Etats coexistent John Herz (1950) “Idealist internationalism and the security dilemma”, World Politics Le dilemme de sécurité : « Les groupes ou les individus se soucient de leur sécurité face au risque d’être attaqués, soumis, dominés ou annihilés par d'autres groupes ou individus. Pour garantir leur sécurité, ils cherchent à accumuler de plus en plus de pouvoir afin de ne pas être soumis au pouvoir des autres ». John Herz (1950) “Idealist internationalism and the security dilemma”, World Politics Le dilemme de sécurité : « Comme personne ne peut jamais se sentir entièrement en sécurité dans un tel monde d'unités concurrentes, il s'ensuit une compétition pour accumuler plus de puissance, qui enclenche un cercle vicieux ». John Herz (1950) “Idealist internationalism and the security dilemma”, World Politics 2 perspectives possibles : (1) Réalisme (2) Idéalisme John Herz (1950) “Idealist internationalism and the security dilemma”, World Politics (1) Le réalisme reconnaît le besoin de sécurité et la nécessité de la compétition pour le pouvoir/la puissance. John Herz (1950) “Idealist internationalism and the security dilemma”, World Politics (2) L’idéalisme suppose que - l’harmonie est possible - les rapports de puissance peuvent être être canalisés et même supprimés - la puissance peut être utilisée pour le bien commun John Herz (1950) “Idealist internationalism and the security dilemma”, World Politics Cet idéalisme s’est exprimé sous la forme de l’humanisme, du libéralisme, du pacifisme, de l’anarchisme, de l’internationalisme. John Herz (1950) “Idealist internationalism and the security dilemma”, World Politics “Libéralisme” comme combinaison possible entre réalisme et idéalisme : (1) Reconnaître les faits et phénomènes observés par le réalisme. (2) Chercher à les contrecarrer en s’inspirant des principes de l’idéalisme. CONCEPTS A RETENIR Système westphalien : équilibre des puissances et reconnaissance réciproque de la souveraineté Anarchie : absence d’autorité souveraine dans les RI Intérêt national : est maximisé par des Etats rationnels dans une perspective réaliste Réalisme : volonté de puissance et impérialisme Dilemme de sécurité : cercle vicieux de l’accumulation de puissance