La Logique du pire. Par Clément Rosset

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La Logique du pire. Par Clément Rosset.
Paris, Presses Universitaires de France,
1971. 180 Pages.
Fernand Archambault
Dialogue / Volume 12 / Issue 03 / September 1973, pp 567 - 569
DOI: 10.1017/S0012217300037045, Published online: 09 June 2010
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BOOK REVIEWS
L'id6al du bonheur s'exerce dans «une mediocrite collective», dans le
«style nouille» (p. 50).
M. Moles nous dit que sociologiquement le Kitsch prend naissance
avec la revolution industrielle et la
venue
de la bourgeoisie ou l'artisanat
fait place a la pacotille. II nous dit que sans consommation pas de
Kitsch mais plutot que d'examiner
le
Kitsch en rapport avec la consom-
mation pourquoi ne pas l'avoir examine sous le rapport de la «pollu-
tion» ?
Enfin pourquoi M. Moles s'en remet-il a des explications qui tiennent
de la supercherie scientifique et qui ont les memes re'sultats que ceux
qu'il nous revele avec ses equations sur les differents styles c'est-a-dire
qu'elles sont toujours egales a zero? Pourquoi s'en remet-il a des
tableaux qui, quand ils ne sont pas encombrants et obscurs, nous
apportent une information nulle (i.e. la matrice surrealiste p. 33,
le spectre d'attitude Kitsch p. 35)
?
Comme disait le personnage du
Socrate dans le film de Lapoujade intitule Le
Socrate:
«il faudrait faire
une philosophic de l'ordure et du dechet»!
ANDRE GIGUERE
College de Maisonneuve, Montreal
LA LOGIQUE DU PIRE. Par CLEMENT ROSSET. Paris, Presses Uni-
versitaires de France, 1971. 180 pages.
La
Logique du pire
ne constitue pas un livre. II n'en a pas la cohesion
et la fermet£. II est ouvert a toutes les references academiques et
eclectiques; plein d'allusions a des livres et a des anecdotes erudites.
Un ramassis qui deconcerte. G'est le livre d'un agrege qui a des
lettres et quelques idees brillantes, qu'il avait deja exposees dans un
ouvrage anteYieur
{La Philosophie
tragique.
Paris, Presses Universitaires
de France, i960. 166 pages). II est assez etrange que cet ouvrage
ne soit pas mentionn6 dans les pages de garde comme c'est la coutume,
et que l'auteur lui-meme ne le mentionne pas comme une contribution
importante a l'dtude du tragique.
Le livre est traversd de part en part par une ambivalence. Nous ne
parvenons pas a savoir si le livre est une reprise approfondie de la
conception du tragique de 1'A. ou bien une nouvelle idee qui prendrait
sa source dans une analyse de la notion de hasard. Cet assemblage
nous apparait comme heterogene et peu convaincant malgre la
rhetorique brillante de l'A. La
logique du pire
est mince et tres inco-
herente. A moins que Ton soit d'accord avec Deleuze qui affirme
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COMPTES RENDUS
dans l'avant-propos de
Difference
et
repetition
(Paris, Presses Universi-
taires de France, 1968. page 3) que les concepts « doivent avoir une
coherence, mais cette coherence ne doit pas venir d'eux. Us doivent
recevoir leur coherence d'ailleurs ».
II y a une pensee et des idees qui n'ont aucune existence logique,
qui ne valent que dans la mesure ou elles sont Ii6es a l'existence de leur
auteur. Des idees qui disparaissent avec lui. Nous croyons qu'ils ont
pensd et nous nous faisons une image de leur pensee. Les concepts
tirent leur cohesion de la rapiditd et de la virtuosit6 avec lesquelles
ils sont enonces et de l'existence anecdotique de l'auteur. Le livre
fuit de toute part et il est n£cessaire de connaitre l'auteur pour en
saisir l'unit£ et la force. Et pour nous le nom de Clement Rosset ne
represente pas un pouvoir ou une histoire.
Nous touchons un point important qui couvre l'entreprise meme
de Rosset. En effet, l'A. tente de faire un traitd, une doctrine philo-
sophique avec des notions hdt^rogenes, faisant des rdferences con-
stantes a des textes de Lucrece, Pascal, Montaigne qui a juste titre
sont toujours connus comme marginaux dans la litterature philo-
sophique. II est impossible d'entreprendre une philosophic du tragique
et du hasard dans la mesure oil ces notions ne peuvent qu'etre mises
en scene et non pas ddmontrdes. Rosset souligne avec raison que les
notions de tragique et de hasard se sont toujours developpees dans
la literature. II tente de formaliser des notions qui sont du domaine
de la circonstance et de l'occasion. Le hasard interdit toute concep-
tualisation et de ce fait il n'apparait essentiel que sur le plan de la
litterature. Rosset n'echappe pas a la volonte de Pinterprdtation qu'il
condamne lui-me'me avec virulence.
L'A. tente de mettre en scene et non de mettre en cause un type
de pensde qui affirme le pire des malheurs et s'interroge sur la
n&-
cessitd de cette affirmation du pire. Cette logique non-paranoiiaque
tend a dissoudre le delire qu'institue la tache hermeneut'ique. Pour
Rosset, la philosophic prend son origine dans un coup de force :
l'exclusion du hasard. La philosophic chasse le hasard de ses pens6es,
mais elle demeure hantee par lui. La tache du philosophe est de
reduire la force et le pouvoir de l'arbitraire. II donne a Phomme
l'image d'un monde ordonne' et intelligible ou le bonheur est toujours
possible. Mfime le philosophe pessimiste qui considere le monde
comme mal fait et la vie comme absurde donne un sens a cette vie
et considere le monde comme deja constitu6 avant Pavenement de
la pensee, et ne fait que constater un ddsordre qui ne peut se penser
que par un ordre possible.
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BOOK REVIEWS
Le point de depart de la pensee pour toute philosophic est en dehors
de la pense'e. Elle vient toujours apres le drame pour dire qu'il 6tait
inevitable.
La philosophic evite la force dissolvante du hasard en lui trouvant
des substituts, qui sont les notions de sort, de rencontre et de contin-
gence. La notion de sort est soutenue par Pidee d'enchainement d'eve-
nements et par Pidee de finality; la notion de rencontre suppose Pidee
de deux series causales constituees et la notion de contingence est Ii6e
a Pidde de necessite. Ces trois formes de hasard que nous presente
la philosophic sont reference a Pidee d'une nature. La nature peut
se de'finir comme tout ce qui ne fait pas appel au hasard, a ce dont
l'existence est hasardeuse.
Le hasard ne peut £tre demontre. C'est un anti-concept qui a le
pouvoir de dissoudre les questions philosophiques. La demonstration
maintiendrait le hasard sous la coupe de la ndcessite, ce qui est contra-
dictoire. Le hasard ne peut etre qu'une affirmation injustifiable. La
tache de cette nouvelle philosophic serait sans doute de ddtruire toutes
les justifications qui sont a la source de tant de discours et de tant de
savoir. Tout savoir et toute loi sont arbitraires dans leur fondement
commun qui est la nature. II faut maintenant affronter ce hasard
et en faire une force positive. Prendre corps avec nos circonstances
qui sont hasardeuses, et leur donner la coh6rence de Paffirmation
simple et pure.
II faut refuser tous les mondes, tous les savoirs qui se pr&entent
sous le masque du naturel, comme etant deja constitue's. Ces mondes
sont la raison du pouvoir sous toutes ses formes. Ce refus est arbitraire
et hasardeux. Mais c'est la seule preuve de son efficacite.
Le penseur du hasard ne croit pas que la pensee puisse d^boucher
sur l'action, que de la connaissance puisse decouler une praxis. L'action
n'est que du hasard ajoute a du hasard. Tout ce qui existe est ex-
clusivement constitue de circonstances. Les lois de la nature sont des
institutions au meme titre que la langue. La distinction entre naturel
et artificiel est dissoute. Le penseur du hasard refuse l'existence a ce
qui se laisse saisir conceptuellement. Et c'est ce qui fait que des
penseurs comme Lucrece et Pascal, a qui PA. consacre deux appendices
fort intdressants, sont les veritables materialistes de PHistoire.
FERNAND ARCHAMBAULT
Montreal
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