Synthèse Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2013 ; 11 (4) : 379-87 Système neuromusculaire et vieillissement : involutions et implications Neuromuscular system and aging: involutions and implications Thierry Paillard Laboratoire Activité physique performance et santé, UPRES EA 4445, Université de Pau & Pays de l’Adour, Département Staps de Tarbes, France <[email protected]> Tirés à part : T. Paillard Résumé. Chez l’homme vieillissant, le nombre de cellules musculaires et d’unités motrices décline. Les unités motrices restantes perdent de leur fonctionnalité (diminution de la fréquence de décharge, plus grande fluctuation de cette décharge), particulièrement celles qui sont composées de fibres de type II. Le renouvellement des protéines intracellulaires régresse, ce qui crée une balance négative entre les pertes protéiques journalières et les capacités à les renouveler. L’activité de la protéine kinase (Akt) qui stimule la synthèse de protéines de régulation (mTOR, p70S6, IGFBP-5) diminue tandis que les facteurs de signalisation de dégradation protéique (NF-kappa B) sont activés. En outre, le processus d’activation et de prolifération des cellules satellites est altéré et la production en hormones anabolisantes et facteurs locaux est diminuée. Le renforcement musculaire peut contrecarrer ces effets délétères du vieillissement en générant une hypertrophie musculaire grâce à une augmentation réactive de la production en hormones anabolisantes. Il peut également engendrer une stabilisation du phénotype musculaire i.e. des différentes isoformes des chaînes lourdes de myosine (MHC) qui évoluent sous l’effet de l’avancée en âge. Mots clés : sarcopénie, cellule musculaire, cellule satellite, renforcement musculaire, exercice aérobie Abstract. In aged human, the number of muscle fibers and motor units decreases. The remaining motor units lose their functionality (decrease of the discharge frequency, greater fluctuation of the discharge) particularly those which contain type II fibers. The renewal of intracellular proteins declines which creates a negative balance between the daily protein losses and the capacities to renew them. The activity of the protein kinase (Akt) that stimulates the synthesis of regulation proteins (mTOR, p70S6, IGFBP-5) declines whereas the factors of degradation of proteins (NF-kappa B) are activated. Besides, the process of activation and proliferation of satellite cells is affected and the production of anabolic hormones and local factors is decreased. After a strength training program, muscle hypertrophy is linked to the protein synthesis at the level of myosin heavy chain (MHC) isoforms in older subjects. However, the transcription of the genes that code the MHC-I (slow form) increases and the transcription of the genes that code the MHC-II (fast form) decreases. Thus, the transition of the phenotype towards a slower form cannot be inverted by strength training during the advanced in age. Moreover, strength training enables to decrease the proportion of fibers containing MHC of hybrid form in the process of evolution. Hence, strength training can engender a stabilization of the muscular phenotype i.e. different isoforms of MHC. In addition, strength training counteracts the noxious effects mentioned above by generating muscular hypertrophy thanks to a reactive increase in the production of anabolic hormones. A program of aerobic training can induce an increase in the synthesis of ARN messengers coding isoforms related to the oxidative metabolism (MHC-I and to a lesser extent MHC-IIa) while the transcribed for the type MHC-IIx decrease. doi:10.1684/pnv.2013.0435 Key words: sarcopenia, muscle cells, satellite cells, strength training, aerobic exercise I ndépendamment des facteurs pathologiques, environnementaux et/ou comportementaux (e.g. dénutrition, sédentarité), la composition corporelle se modifie sous l’effet de l’avancée en âge [1, 2]. L’atrophie musculaire ou sarcopénie s’avère inéluctable tandis que les tissus graisseux (adipose) et conjonctifs (fibrose) augmentent [3]. La sarcopénie altère la fonction motrice [4] et affecte en conséquence la qualité de vie (e.g. locomotion) et l’indépendance physique (activités domestiques) à partir d’un certain stade d’évolution [5]. Les effets de l’exercice physique permettant de limiter l’ampleur du processus sarcopénique et ses conséquences fonctionnelles sont maintenant bien connus des scientifiques et des praticiens, Pour citer cet article : Paillard T. Système neuromusculaire et vieillissement : involutions et implications. Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2013; 11(4) :379-87 doi:10.1684/pnv.2013.0435 379 T. Paillard à la fois sur les plans théorique et pratique, mais la connaissance de ce processus et de ses procédures préventives évolue régulièrement. C’est la raison pour laquelle, l’objectif de cette courte revue est de proposer un état des lieux sur les connaissances liées à l’évolution du tissu musculaire sous l’effet du processus sarcopénique, ainsi qu’à l’involution des capacités fonctionnelles des sujets vieillissants et aux effets mécanistiques préventifs de l’exercice physique. Le tissu musculaire Les fibres musculaires Le terme sarcopénie provient du grec sarx pour « chair » et penia pour « manque » et caractérise globalement une perte de masse et de force musculaires. Au fil des années, la sarcopénie traduit une dégradation des protéines musculaires sous l’effet d’une altération de la protéosynthèse [6]. Elle atteint d’abord les muscles du haut du corps i.e. ceux qui sont les moins sollicités dans la vie de tous les jours et affecte particulièrement (et de façon plus importante) le membre inférieur à partir de 50 ans [7]. Les fibres musculaires représentent 70 % du volume du quadriceps chez les sujets de 20 ans, alors qu’elles ne représentent que 50 % chez les sujets de 80 ans [8]. La valeur de la masse musculaire resterait stable jusqu’à 50 ans, puis régresserait à partir de cet âge pour atteindre un déficit de 30 % entre 50 et 80 ans, soit approximativement une baisse de masse musculaire de 1 % par an [9]. Le nombre et la taille des fibres musculaires (extrafusales) diminuent [8]. Le nombre et la taille des myofibrilles par fibre décroissent et le nombre de protéines contractiles (sarcomères) total par myofibrille régresse [6]. L’un des facteurs déterminants dans la décroissance de la section musculaire est la diminution du nombre de motoneurones␣ (fibres myélinisées) dans les racines antérieures de la moelle épinière (processus neuropathique) à partir d’une soixantaine d’années. Il se produit alors une dénervation de certaines fibres [10], ce qui engendre la présence de fibres musculaires orphelines. Une adaptation physiologique survient pour permettre à une majorité de ces dernières d’être ré-innervées (les autres disparaissent) par les motoneurones qui subsistent. Ainsi, le vieillissement induit une augmentation du nombre de fibres par unité motrice. En revanche, le nombre d’unités motrices décline. Cette déclinaison apparaît liée à une diminution du facteur neurotrophique ciliaire (ciliary neurotrophic factor ou CNTF) [11]. En outre, des conclusions d’études électromyographiques soulignent une réduction du nombre d’unités 380 motrices fonctionnelles [8], une diminution de leur fréquence de décharge [12, 13] ainsi qu’une plus grande fluctuation de cette décharge [12] chez le sujet âgé. Ceci explique la difficulté croissante qu’éprouve le sujet âgé à réaliser des mouvements contrôlés, fins ou précis. Ce phénomène est d’autant plus marqué que la perte du nombre d’unités motrices apparaît prononcée dans les muscles distaux [14]. Avec l’avancée en âge, les individus pratiquent de moins en moins d’activités intenses et stimulent donc probablement moins leurs unités motrices composées de fibres II. Ceci expliquerait en partie pourquoi, d’une part, les motoneurones de gros calibres disparaissent dans de plus grandes proportions que les motoneurones de petits calibres et, d’autre part, les fibres de type II sont davantage affectées que les fibres de type I par la dégénérescence de leurs motoneurones. Dès lors, les fibres de type II orphelines qui sont ré-innervées, le sont majoritairement par des motoneurones de petits calibres. La nature de la commande nerveuse influence de façon déterminante les propriétés biochimiques et mécaniques des fibres musculaires. Les fibres de type II connectées à un motoneurone de petit calibre se transforment progressivement sur les plans histologiques et fonctionnels en fibres de type I. L’évolution histologique musculaire évolue au fil des années et tend vers une typologie uniforme proche de celle des fibres de type I [15]. Globalement, le vieillissement s’accompagne d’une diminution de la surface de section et du nombre de fibres II [16]. Les fibres I peuvent en revanche conserver la même surface de section et augmenter en nombre [16, 17]. Même si l’évolution typologique des fibres musculaires n’est pas encore définitivement élucidée, on sait, cependant, que dans tous les cas, le rapport nombre de fibres II/nombre de fibres I diminue au cours de l’avancée en âge. Le rapport est de 1,1 à l’âge de 30 ans, puis il diminue pour se situer aux alentours de 0,7 à 80 ans [15]. En conclusion, la perte et l’atrophie des fibres musculaires concerneraient principalement les fibres de type II [1, 6, 16, 18]. Sur le plan de l’architecture musculaire, le vieillissement s’accompagne d’une diminution de l’angle de pennation formé par les fibres musculaires (trajet délimité par leurs insertions sur les aponévroses), ce qui accroît la composante longitudinale du vecteur force et compense partiellement la perte de force liée à l’atrophie musculaire [19]. Cependant, la diminution du nombre de sarcomères en parallèle (atrophie des fibres) et en série (longueur des fibres) réduit inéluctablement la force exprimée par fibre musculaire [6]. Le tissu tendineux subit des changements quantitatifs et qualitatifs, lesquels affectent les propriétés mécaniques du tendon dans la relation tension-longueur et contribuent à détériorer la force musculaire intrinsèque du complexe myotendineux [6]. Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 11, n ◦ 4, décembre 2013 Système neuromusculaire et vieillissement mule la synthèse de protéines de régulation (mTOR, p70S6, IGFBP-5) régresse tandis que les facteurs de signalisation de la dégradation protéique (NF-kappa B) sont activés au cours du vieillissement [27]. L’activité de la myostatine qui est une protéine impliquée dans l’inhibition de l’activation des cellules satellites est augmentée [6]. Globalement, les facteurs susceptibles de favoriser la synthèse protéique sont atténués, tandis que les facteurs responsables de la protéolyse sont activés. L’étiologie de la sarcopénie demeure multifactorielle et systémique. Un abaissement de la sécrétion en hormones anabolisantes et autres facteurs de croissance telles que la testostérone, les androgènes, les œstrogènes, la GH (growth hormone) et l’IGF-1 (insulin-like growth factortype 1) ainsi qu’une élévation de l’activité de la myostatine limitent la protéosynthèse musculaire [6]. Un état de malnutrition (anorexie liée à l’âge et déficience en vitamine D) et un manque d’activité physique limitent également les facteurs activateurs de la synthèse protéique. En revanche, la présence de plus en plus fréquente au cours de l’avancée en âge de cytokines [interleukine-1 (IL-1), interleukine-6 (IL-6) et du facteur de nécrose tumorale (TNF)], qui sont des médiateurs sécrétés par les macrophages lors d’états inflammatoires, témoigne de leur rôle actif dans le processus du vieillissement [28]. L’élévation de ces facteurs immunologiques reflète l’augmentation de la protéolyse avec l’avancée en âge [6] (figure 1). Au niveau des structures sensorielles du muscle, les fuseaux neuromusculaires subissent également des changements morphologiques et fonctionnels. Le diamètre des fuseaux neuromusculaires diminue [29], certaines fibres intrafusales, essentiellement les fibres à chaînes nucléaires, disparaissent tandis que l’épaisseur de la capsule du fuseau augmente [30, 31]. En conséquence, la sensibilité des fuseaux neuromusculaires régresse, ce qui affecte l’efficacité du réflexe myotatique [32]. Sur le plan génétique, il existerait des gènes spécifiques qui marquent des différences entre plusieurs individus au niveau du phénotype musculaire. La nature de celui-ci aggrave ou atténue le processus sarcopénique. Les protéines contractiles du sarcomère subissent des involutions particulièrement au niveau du filament de myosine [20]. En effet, la vitesse de synthèse protéique de la méromyosine lourde (HMM ou heavy meromyosin), partie constitutive des chaînes lourdes de myosine (MHC ou myosin heavy chain), est ralentie avec l’avancée en âge [21]. Le contenu relatif des formes rapides de MHC diminuant, la proportion des formes lentes de myosine augmente. Les isoformes des MHC d’une fibre musculaire sont uniques chez les sujets jeunes, alors qu’elles sont de type hybride (MHC I et MHC IIa ou MHC IIa et MHC IIx) chez les sujets âgés [21]. La coexistence de différentes isoformes de MHC au sein d’une même cellule musculaire chez le sujet âgé pourrait traduire un changement du tissu musculaire sous l’effet de l’âge. Ceci expliquerait en partie le processus de dénervation sélectif des fibres de type II et/ou les modifications de la jonction neuromusculaire. La réduction de la proportion des isoformes de la myosine à activité ATPasique élevée et l’altération du couplage excitation contraction expliqueraient une baisse sélective des fibres à contraction rapide. De ce fait, la cinétique de la contraction musculaire diminue [22]. La fonction mitochondriale est affectée et la mitochondriogenèse s’altère avec l’avancée en âge [1]. Au niveau de la mitochondrie, on enregistre une augmentation du nombre de lésions par délétion de fragments de l’acide désoxyribonucléique (ADN) mitochondrial, ce qui provoquerait de nombreuses anomalies des complexes de la chaîne respiratoire [9, 18]. Les effets délétères des radicaux libres seraient à l’origine des lésions de l’ADN mitochondrial [1]. Ces mutations affecteraient le fonctionnement de la chaîne de transport des électrons et engendreraient, par conséquent, la baisse de la phosphorylation oxydative [9, 18]. Par ailleurs, l’altération mitochondriale est susceptible de constituer un signal inducteur de l’apoptose [1, 23]. Le nombre de capillaires par fibre (ratio capillaires/fibre) régresse [24]. L’altération de la densité capillaire conjuguée à la réduction du nombre de mitochondries induit une diminution de la capacité d’extraction de l’oxygène [25]. Le volume du réticulum sarcoplasmique diminue et sa capacité de séquestration du calcium (Ca2+) décroît particulièrement au niveau des fibres de type II [26]. En outre, sa capacité de pompage et de relargage du Ca2+ se dégrade. Ceci explique en grande partie pourquoi les temps de contraction et de demi-relaxation musculaires s’élèvent au fil du temps [26]. Au niveau cellulaire, le renouvellement des protéines intracellulaires s’altère (le pool protéique musculaire diminue), ce qui crée une balance négative entre les pertes protéiques journalières (100 g/jour) et les capacités à les renouveler. L’activité de la protéine kinase (Akt) qui sti- Ce sont des myoblastes quiescents situés en périphérie des myocytes dont la fonction est de fusionner avec eux pour réparer leur lésion (un nombre de noyaux supérieur à la normale dans une cellule musculaire montre qu’une cellule satellite a fusionné avec elle) ou de les remplacer (formation des nouvelles fibres) lorsqu’ils se nécrosent. Le vieillissement s’accompagnerait intrinsèquement (en dehors des facteurs environnementaux) d’une Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 11, n ◦ 4, décembre 2013 381 Les cellules satellites T. Paillard Processus neuropathique et apoptose Pertes motoneurales Dénervation des myocytes (+++) Ré-innervation des myocytes (+) Protéosynthèse musculaire Facteurs Facteurs hormonaux environnementaux Testostérone ↓ Activité physique ↓ Androgènes ↓ Apports protéiques ↓ Oestrogènes ↓ GH et IGF1 ↓ Myostatine ↑ Protéolyse musculaire Statut oxydant/ anti-oxydant Radicaux libres ↑ Anti-oxydants ↓ Facteurs immunologiques IL-1β ↑ IL-6 ↑ TNF-α ↑ Taille des fibres ↓ Régénération des fibres ↓ Nombre d’unités motrices ↓ Nombre de fibres ↓ Masse musculaire ↓ (sarcopénie) (+++) : importante ; (+) : insuffisante (ne compense pas les dénervations) Figure 1. Représentation schématique du processus sarcopénique. Figure 1. Schematic representation of the process of sarcopenia. régression du pouvoir d’action des myosatellites [33]. Bien que les cellules satellites des sujets âgés puissent maintenir leur capacité à répondre aux facteurs mitogéniques (e.g. facteurs de croissance des fibroblastes basiques ou bFGF et protéine S100B), elles demeurent néanmoins dans l’incapacité de les sécréter [33]. Ceci contribue à diminuer le nombre et la taille des fibres musculaires par déficit de régénération. Cette altération du pouvoir de division et de différenciation semble également liée au nombre de cycles dégénérescence/régénération auxquels les cellules satellites ont participé. Au cours de la vie d’un homme, le nombre de division des myosatellites semble déterminé génétiquement. Le pool de myosatellites diminuerait donc avec l’avancée en âge. Le nombre de cellules satellites par fibre musculaire serait effectivement plus faible chez les sujets âgés comparativement aux sujets jeunes, mais le nombre de noyaux cellulaires par fibre serait plus élevé [34]. Ces auteurs précisent que le nombre de myosatellites comparé au nombre total de noyaux (myosatallites/noyaux + myosatellites) serait plus faible chez les sujets âgés comparativement aux sujets jeunes. En outre, le vieillissement se caractériserait par une altération du processus d’activation et de prolifération des cellules satellites [1, 6, 35]. Ceci pourrait expliquer la perte de masse musculaire liée au vieillissement et l’altération de la capacité de régénération. nement, laquelle serait engendrée par des diminutions de la production hormonale, des facteurs locaux et de l’activité musculaire [9], mais également par un changement du statut oxydant et anti-oxydant de l’organisme. Les capacités fonctionnelles La force musculaire Toutefois, une autre hypothèse est avancée pour expliquer l’altération croissante du pouvoir d’action des myosatellites. En fait, le défaut d’activation des cellules satellites pourrait être lié à une modification de leur environ- La force développée par un muscle est proportionnelle à sa surface de section. Cette dernière diminue et contribue à la réduction inéluctable de la force maximale d’un sujet au fil des années. La masse et la force musculaires déclinent parallèlement de 30 à 50 % entre 30 et 80 ans [36]. Dès lors, il convient de s’intéresser au rapport force musculaire/masse musculaire. Bien que certains auteurs aient montré qu’il ne décline pas [37], Frontera, et al. [38] ont plus récemment observé qu’il pouvait régresser lorsque les structures protéiques contractiles subissent des involutions (surtout chez les hommes). Ce phénomène semble associé à une atrophie sélective des fibres de type II [39]. Ces fibres sont en effet celles qui développent le plus de force. Par ailleurs, pour une surface de section donnée d’une fibre musculaire atrophiée, la diminution de la force serait davantage liée à une perte du nombre de ponts acto-myosine qu’à une réduction de force de chaque pont d’union [6]. La capacité de production de force est davantage affectée pour les mouvements rapides que pour les mouvements lents [40]. Le pourcentage de perte de puissance 382 Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 11, n ◦ 4, décembre 2013 Système neuromusculaire et vieillissement La fatigabilité musculaire musculaire (- 3 à 4 %/an) serait même deux fois plus important que celui de perte de force maximale (- 1 à 2 %/an) [41]. Ce phénomène semble lié à un ralentissement de la cinétique contractile [42]. Les sujets âgés entraînés développent une puissance musculaire supérieure aux sédentaires du même âge. Toutefois, l’involution de la puissance rapportée au volume musculaire, est régulière et parallèle pour des populations actives et sédentaires [43]. Par ailleurs, chaque contraction musculaire s’accompagne d’une coactivation des muscles agonistes et antagonistes. Le rôle des muscles antagonistes est d’assurer une meilleure stabilité articulaire et une meilleure action des muscles agonistes. Le vieillissement du système nerveux central peut également être tenu responsable de la dégradation de la coordination entre les muscles agonistes et antagonistes [44]. Ce phénomène peut réduire la force musculaire et la précision du mouvement chez le sujet âgé. Chez un sportif, l’entraînement diminue l’activation des antagonistes, ce qui élève le niveau de force musculaire résultant des agonistes et facilite l’apprentissage de coordinations spécifiques (mouvements complexes). Cependant, le vieillissement se caractérise par un phénomène (inverse) de désadaptation. Ainsi, le degré de la coactivation des muscles antagonistes augmente avec l’âge (perturbation de l’inhibition réciproque) et réduit les capacités de production de force musculaire et de contrôle du mouvement. La réponse évoquée par le réflexe H régresse également sous le poids des années. Dans la mesure où le réflexe H emprunte la même voie nerveuse que le réflexe d’étirement, bien qu’il ne transite pas par les fuseaux neuromusculaires, cette observation indique que l’excitabilité de la boucle spinale diminue sous l’effet de l’âge [45]. La régression de ces réflexes altère les capacités des sujets âgés à réagir efficacement et rapidement à des perturbations physiologiques ou mécaniques pouvant mettre en péril leur équilibre postural. En effet, l’altération de la fonction sensorielle myotatique altère la proprioception et dégrade en conséquence la fonction d’équilibration ce qui contribue à augmenter le risque de chute chez la personne âgée. Globalement, les involutions fonctionnelles du système neuromusculaire sont susceptibles d’affecter la qualité de vie des personnes âgées dans le cadre de leurs activités physiques domestiques quotidiennes telles que les montées d’escaliers ou les levées de chaise. Par ailleurs, on a rattaché l’augmentation de la fréquence des chutes avec l’âge, à une diminution de la force et de la masse musculaires du membre inférieur. Néanmoins, une régression modérée de la force musculaire aggrave peu le risque de chute tant qu’un seuil critique n’est pas atteint. En revanche, une fois ce seuil franchi, le risque augmente notablement [4]. L’entraînabilité des sujets âgés demeure puisqu’un programme de renforcement musculaire de douze semaines comprenant 3 séances hebdomadaires composées de mouvements d’extension du genou et de flexion du coude (3 séries de 8 répétitions à 80 % de 1 RM -répétition maximale), a induit des résultats édifiants chez des sujets âgés de 60 à 72 ans [52]. En effet, à l’issue du programme, la force d’extension a augmenté en moyenne de 107 % et la force de flexion de 227 %. Selon le groupe musculaire considéré (ou entraîné), l’amplitude des adaptations peut varier sensiblement. L’adaptabilité musculaire de la femme semble être sensiblement identique à celle de l’homme à l’égard des exercices de renforcement musculaire pour une population de personnes âgées. Lexell, et al. [53] ont en effet observé des augmentations de force sans différence significative entre des hommes et des femmes âgés de 70 à 77 ans à l’issue d’un programme de 11 semaines. Les forces de Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 11, n ◦ 4, décembre 2013 383 Certains auteurs prétendent que les sujets âgés sont moins résistants à la fatigue que les sujets jeunes [46, 47], d’autres présentent des résultats inverses [48, 49]. D’autres encore suggèrent que le régime de contraction de la tâche fatigante influencerait les résultats [50]. Théoriquement, la persévération des fibres de type I devrait entretenir la qualité d’endurance musculaire chez le sujet vieillissant. Effectivement, le ralentissement des propriétés contractiles et l’évolution progressive d’un métabolisme préférentiellement oxydatif engendrerait une économie énergétique et une réduction d’accumulation de métabolites inhibitoires [51]. Le métabolisme devenant davantage oxydatif et moins glycolytique au fil des années favoriserait une plus grande résistance à la fatigue chez les sujets vieillissants. Cependant, les effets du vieillissement pourraient également induire de profondes modifications structurelles et fonctionnelles au niveau des mitochondries (cf. paragraphe les fibres musculaires). Ces modifications ne sont pas favorables à une plus grande résistance à la fatigue (i.e. une amélioration des capacités d’endurance) chez les sujets âgés. En fait, la santé, le style de vie des sujets (sujets actifs vs sujets non actifs) ainsi que la nature des protocoles expérimentaux (e.g. actions musculaires isométriques ou dynamiques, différentes vitesses de contraction) impactent probablement fortement les résultats dans l’étude de la fatigabilité au cours de l’avancée en âge. Les effets de l’exercice Le renforcement musculaire T. Paillard flexion du coude et d’extension du genou ont progressé respectivement de 49 % et de 163 %. Les sujets très âgés manifestent encore une forte entraînabilité. En effet, la force musculaire, à l’issue d’un entraînement de 8 semaines à haute intensité (> 80 % 1 RM) chez 9 sujets de 90 ans ± 1 de moyenne d’âge, s’est accrue de 174 % [54]. En fait, les sujets âgés de plus de 70 ans peuvent aussi améliorer leur puissance musculaire à l’issue d’un programme d’entraînement associant des exercices musculaires de types isométriques et dynamiques [55]. L’entraînabilité de sujets très âgés pourrait être cependant inférieure à celle de sujets plus jeunes. Un entraînement musculaire contre résistance chez des sujets âgés modifie à la hausse le rapport force/volume musculaire. Tracy, et al. [56] après un entraînement d’extensions du genou de 9 semaines à raison de 3 séances hebdomadaires ont constaté des élévations de ce rapport de 14 % chez des hommes âgés de 65 à 75 ans et de 16 % chez des femmes âgées de 65 à 73 ans. Par ailleurs, le renforcement musculaire peut induire une hypertrophie des muscles entraînés [16, 36, 57] laquelle concernerait essentiellement les fibres de type II [16]. Par ailleurs, l’hypertophie musculaire à l’issue d’un programme d’entraînement traduit une possible augmentation de la synthèse protéique au niveau des isoformes MHC (myosin heavy chain) chez des sujets âgés voire très âgés [58]. Néanmoins, on observe une augmentation de la transcription du gène MHC-I (forme lente) et une réduction de la transcription des gènes qui codent les formes rapides de MHC [9]. En conséquence, selon Bulter-Browne et Bigard [9], la transition du phénotype vers une forme plus lente ne pourrait être inversée par l’entraînement en force au cours de l’avancée en âge. En revanche, un programme de musculation permet de diminuer la proportion de fibres contenant des MHC de type hybride en voie d’évolution [59]. Le renforcement musculaire pourrait donc au mieux stabiliser le phénotype. Par ailleurs, la vitesse de synthèse des protéines musculaires demeure plus faible chez le sujet âgé entraîné que chez le sujet jeune [60, 61]. Le ralentissement de la vitesse de récupération s’avère inéluctable avec l’avancée en âge, que le sujet soit entraîné (actif) ou non. L’augmentation de la synthèse protéique induit une augmentation du volume des myofibrilles. Ce processus est le résultat de l’hypertrophie de myofilaments constituant les sarcomères. Dans les fibres musculaires, le nombre de sarcomères peut augmenter en parallèle (diamètre) mais également en série (longueur) [4]. Des biopsies musculaires ont prouvé que les deux types de fibres musculaires peuvent s’hypertrophier chez le sujet âgé [62]. Les concentrations d’hormones anabolisantes contribuent activement au développement de la masse musculaire. La concentration plasmatique d’IGF-1 est positivement corrélée avec la puissance aérobie et le volume d’entraînement (ou activité physique), tandis qu’elle est négativement corrélée avec l’adiposité. L’exercice musculaire peut également influencer favorablement l’expression de gènes de l’IGF-1 [63]. En outre, dans le cadre d’un programme d’entraînement, le niveau de développement de la force musculaire pourrait être positivement corrélé avec la concentration basale de testostérone plasmatique [64]. Inversement, un faible taux de testostérone pourrait constituer un facteur limitant du développement de la force musculaire en réponse à un entraînement. Il a été montré très récemment qu’un entraînement de musculation du membre inférieur de 16 semaines (3 séances hebdomadaires comprenant principalement 3 séries de 6 à 10 répétitions effectuées à une intensité comprise entre 70 et 90 % de 1 RM) chez des 32 hommes modérément actifs (ne pratiquant pas d’activité physique régulière en dehors des activités de marche et de jardinage) âgés entre 70 et 80 ans augmente la concentration de testostérone liée (à son transporteur) et libre [65]. En outre, Hayes et al. [66] rapportent qu’après seulement 6 semaines d’entraînement combinant des activités aérobies et anaérobies (marche, cyclisme et marche sur terrain vallonné) et de renforcement musculaire (globalement 130 à 150 min d’activité hebdomadaire), la concentration basale de testostérone augmente et la masse corporelle ainsi que le pourcentage de masse grasse diminuent chez 20 hommes âgés de 62,5 ans de moyenne d’âge. Par ailleurs, l’exercice physique peut également restaurer (inverser) le processus d’altération de l’axe GH/IGF-1 [67]. Par ailleurs, les concentrations plasmatiques d’hormones anabolisantes ou de facteurs de croissance sont susceptibles de ne pas évoluer favorablement à l’issue d’un programme d’entraînement. Toutefois, Duclos [68] suggère que l’absence d’augmentation de la sécrétion hormonale en réponse à l’entraînement contraste avec le fait que les sujets âgés peuvent augmenter leur force et leur masse musculaires. Selon cet auteur, il existerait des adaptations endocriniennes non reflétées par des concentrations hormonales plasmatiques comme en témoigne l’augmentation isolée de l’IGF-1 intramusculaire à l’issue d’une période de renforcement musculaire. Des traitements substitutifs sont parfois utilisés pour endiguer les effets néfastes de la diminution de la sécrétion des hormones anabolisantes. Un traitement à la GH engendrant un taux hormonal plasmatique équivalent à celui que les sujets jeunes présentent naturellement, induit une augmentation de la masse musculaire et une baisse du ratio masse grasse/masse musculaire chez des sujets septuagénaires 384 Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 11, n ◦ 4, décembre 2013 Système neuromusculaire et vieillissement actifs [68]. En revanche, la seule administration de GH ne peut générer d’accroissement de la masse et de la force musculaires si elle n’est pas combinée à un programme d’exercice musculaire [68]. Par ailleurs, la capacité de prolifération de cellules satellites augmenterait significativement sous l’effet de l’exercice de renforcement musculaire chez les sujets âgés [69]. L’entraînement aérobie Ce type d’entraînement induirait une augmentation de la synthèse des ARN messagers codant les isoformes de MHC associées au métabolisme oxydatif (MHC-I et dans une moindre mesure MHC-IIa) alors que les transcrits pour la forme MHC-IIx diminue [9]. Ces adaptations semblent relativement similaires à celles que l’on retrouve chez les sujets jeunes, seul un retard dans la traduction des transcrits protéiques et une diminution de la capacité de traduction peuvent être observés au cours du vieillissement sous l’effet de l’entraînement aérobie [70]. Conclusion La sarcopénie ne serait pas seulement due à une réduction de l’anabolisme et à une augmentation du catabolisme, mais elle serait également liée à une détérioration de la capacité de régénération musculaire (activation et prolifération des cellules satellites) [6]. Les involutions musculaires ne sont pas sans conséquences sur les capacités fonctionnelles d’un sujet Références 1. Kwan P. Sarcopenia, a neurogenic syndrome ? J Aging Res 2013 : 791679. 2. Cederholm T, Cruz-Jentoft AJ, Maggi S. Sarcopenia and fragility fractures. Eur J Phys Rehabil Med 2013 ; 49 : 111-7. 3. Hügle T, Geurts J, Nüesch C, Müller-Gerbl M, Valderrabano V. Aging and osteoarthritis : an inevitable encounter ? J Aging Res 2012 ; 950192. 4. Paillard T. Vieillissement et condition physique. Paris : Ellipses, 2009. 5. American geriatrics society. Syllabus gériatrique (traduit de l’anglais par la Société francaise de gérontologie). Paris : Allard/Ipsen, 1999. 6. Narici MV, Maffulli N. 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Points clés • L’activité de la protéine kinase (Akt) qui stimule la synthèse de protéines de régulation (mTOR, p70S6, IGFBP-5) régresse tandis que les facteurs de signalisation de dégradation protéique (NF-kappa B) sont activés au cours du vieillissement. • L’altération du processus d’activation et de prolifération des cellules satellites est liée à des diminutions de la production hormonale, des facteurs locaux et de l’activité musculaire, mais également à une modification du statut oxydant et anti-oxydant de l’organisme. • Un programme de renforcement musculaire peut induire une augmentation de la synthèse protéique au niveau des isoformes MHC (myosin heavy chain). • Un programme d’entraînement aérobie peut engendrer une augmentation de la synthèse des ARN messagers codant les isoformes de MHC associées au métabolisme oxydatif (MHC-I), alors que les transcrits pour la forme MHC-IIx diminuent. vieillissant, mais l’exercice musculaire régulier peut retarder leur apparition et limiter leurs effets. Les exercices de renforcement musculaire activent les signaux de la synthèse protéique myofibrillaire tandis que les exercices aérobies agissent sur la synthèse des enzymes oxydatives des mitochondries [27]. La synthèse protéique reste néanmoins assujettie à une alimentation riche en acides aminés [58]. Liens d’intérêts : aucun. in whole vastus lateris muscle from 15-to-83-year-old men. J Neurol Sci 1988 ; 84 : 275-94. 9. Bulter-Browne G, Bigard AX. Caractéristiques du vieillissement musculaire et effets préventifs de l’exercice régulier. Sci Sports 2006 ; 21 : 184-93. 10. Kirkendall DT, Garrett WE. The effects of aging and training on skeletal muscle. Am J Sports Med 1998 ; 26 : 598-602. 11. Morley JE. Sarcopenia in the elderly. Fam Pract 2012 ; 29 (Suppl. 1) : 44-8. 12. Kallio J, Søgaard K, Avela J, Komi P, Selänne H, Linnamo V. Agerelated decreases in motor unit discharge rate and force control during isometric plantar flexion. J Electromyogr Kinesiol 2012 ; 22 : 983-9. 7. 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