perfectionner» . C’est cette préparation minutieuse et ses motivations qu’expose Laron.
Le titre du chapitre qu’il consacre au sujet est sans ambiguïté : il s’intitule «Élargir les
frontières d’Israël».
En treize pages denses, l’historien détaille comment, quasiment dès le lendemain de la
guerre de 1948, l’état-major israélien a préparé de manière minutieuse l’extension des
frontières d’Israël. Quand il arrive au pouvoir, en 1963, le premier ministre Levi Eshkol
rencontre le chef d’état-major, Tsvi Tsour, qui lui explique qu’il faut renforcer la capacité
militaire du pays, de sorte que, lors de l’inéluctable prochaine guerre avec ses voisins,
Israël soit en mesure de «conquérir le Sinaï, la Cisjordanie et le Sud-Liban» .
Son adjoint Yitzhak Rabin confirme. Ezer Weizman, chef de l’armée de l’air, le dit de
manière plus hautaine encore : «Pour sa sécurité, l’armée devra élargir les frontières, que
cela corresponde à l’approche du gouvernement ou pas». Le même Weizman, proche du
parti Herout, promoteur historique du Grand Israël, suggère alors au gouvernement de
«penser sérieusement à lancer une guerre préventive» dans les cinq ans à venir! Un autre
général, Yeshayahou Gavish, prévient que si le roi Hussein de Jordanie venait à être
renversé, Israël devrait immédiatement s’emparer de la Cisjordanie.
Eshkol fut surpris, pourtant en réalité, ces officiers «ne faisaient que réitérer des concepts
formulés dès les années 1950», explique Laron. Et de multiplier les exemples.
Tous les cercles de l’état-major depuis quinze ans avaient été éduqués dans l’idée que
les frontières de l’État, telles qu’issues de l’armistice signé en 1949 avec les armées
arabes, étaient «indéfendables». Dès 1950, le département de la planification de l’armée
s’attelait donc à travailler sur la mise en place d’autres frontières, plus sécurisantes. Trois
«barrières physiques» furent alors visées : le Jourdain face à la Jordanie, le plateau du
Golan face à la Syrie, et le fleuve Litani au Sud-Liban. Ces trois barrières étaient perçues
par les militaires comme constituant, selon leur expression, «l’espace vital stratégique» du
pays. Un document de 1953 leur ajoute le Sinaï, pour assurer à Israël… des ressources
pétrolières et minérales.
En 1955, un an avant l’opération de Suez menée avec les Français et les Britanniques , le
chef d’état-major Moshé Dayan expliquait qu’Israël n’aurait aucune difficulté à trouver
un prétexte pour lancer une attaque sur l’Égypte. «Nous devons être prêts à conquérir Gaza
et la zone démilitarisée [le Sinaï] jusqu’au détroit de Tiran. Mais nous devons penser à un plan
en trois phases. La seconde sera d’atteindre le canal de Suez et la troisième Le Caire.
Développer ou non les trois phases dépendra des objectifs de la guerre.» Quant à la Jordanie,
son plan évoquait «deux phases : la première sera d’atteindre la ligne d’Hébron, la seconde
de conquérir le reste jusqu’au Jourdain».
Enfin, ajoutait-il, «Le Liban n’est que notre dernière priorité, mais on peut aller jusqu’au
Litani. Et en Syrie, le Golan constitue une première ligne à atteindre, la seconde serait Damas».
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