déterminant interne des imf en cote d'ivoire

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Les Déterminants internes de la performance des institutions de la microfinance en
Côte D’Ivoire : Une analyse sur données de Panel
Jean Michel Banto1 , Marc-Arthur Diaye2, Eric Paget-Blanc3 , Boubakar Habib Sarr4
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Résumé.
Cet article a pour objet l’identification et l’analyse des déterminants internes de la performance financière et sociale
des institutions de microfinance, en Côte d’Ivoire. Nous disposons à cet effet d’une base de données de panel
constituée de vingt-deux institutions de microfinance Ivoiriennes et portant sur la période 2011-2014. Nous
mettons en évidence l’effet de quelques variables originales sur la performance financière et sociale. Nous
montrons ainsi une influence positive de la forme juridique sur la performance financière. Plus précisément, nous
montrons que les IMF ayant le statut de « société anonyme » ont des marges bénéficiaires plus importantes que les
IMCEC. En revanche, les ratios prudentiels, la maturité de l’IMF, la taille des dépôts des clients et le nombre de
points de service de l’IMF semblent n’avoir aucune influence sur sa performance financière. Concernant la
performance sociale, la maturité de l’IMF, la couverture géographique de l’IMF et le ratio de capitalisation
semblent jouer positivement ; tandis que la forme juridique société anonyme » versus IMCEC) joue
négativement.
Mots cs. Microfinance, performance, gouvernance
Codes JEL. C51, G21, G32, P27
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1!LITEM,!Univ!Evry,!Université!Paris-Saclay,!jean-michel.banto@univ-evry.fr!
2!CES,!Université!Paris!1!Panthéon-Sorbonne,!marc-arthur.diaye@univ-paris1.fr!
3!LITEM,!Univ!Evry,!Université!Paris-Saclay,!eric.pagetblanc@univ-evry.fr!
4!Ministère!de!l’économie!et!des!finances!(Côte!d’Ivoire),!sarr.boubakar@tresor.gouv.ci!
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1. Introduction
La Microfinance est un domaine d’activité́ qui regroupe une diversité́ d'acteurs financiers désignés par le terme de
systèmes financiers décentralises (SFD) ou institutions de microfinance (IMF). Leur mission est de mettre à la
disposition des populations généralement exclues du système bancaire classique, des services d’épargne et de
crédit. Elle englobe un large éventail de services financiers tels que les dépôts, les emprunts, les crédits, les services
de paiements et, depuis peu, les transferts d’argent, l’offre d’assurance ou de micro-assurance aux ménages à bas
revenu ainsi qu’aux micro-entreprises.
Toutefois, de par leurs capacités à servir une clientèle pauvre, les institutions de microfinance n’ont pas seulement
pour objectif la recherche d’une performance financière mais ont également des objectifs sociaux. Cette dualité
d’objectifs fait l’objet de débat dans la littérature académique. Certains travaux préconisent aux IMF de mettre
l’accent principalement sur les objectifs financiers (Jacquand, 2005), tandis que d’autres soutiennent la nécessité
de poursuivre un double objectif, à la fois financier et social (Christen, Rosenberg et Jayadev, 2006 ; Bédécarrats,
2010). La performance financière des IMF est appréhendée par des ratios financiers classiques qui ont fait l’objet
d’une harmonisation au niveau de l’UMOA. Ces ratios sont des indicateurs de rentabilité, d’efficacité-productivité,
de qualité de portefeuille, et de gestion. La mesure de la performance sociale, quant à elle, ne fait l’unanimité. Elle
constitue, en effet, l’objet d’un débat entre deux grandes approches, à savoir l’approche welfariste et l’approche
institutionnaliste. Pour les welfaristes, la microfinance doit avoir pour objectifs la lutte contre la pauvreté et
l’amélioration du bien-être des populations exclues des banques classiques. Outre la fourniture des services
financiers, la microfinance doit permettre l'octroi de services non financiers comme la formation et l'assistance
technique aux micro-entrepreneurs, l'alphabétisation, l’autonomisation des femmes. Les travaux les plus aboutis
dans ce domaine sont les recherches de Khandker et al. (1998) ; Morduch (1998) ; Morduch et Roodman (2014)
ainsi que Banerjee et al. (2015). Ce courant de pensée se traduit, dans la pratique, par des taux d’intérêt inférieurs
à ceux du marché et une large dépendance des subventions publiques ou privées. Pour les partisans de cette
approche, la performance sociale d’une IMF se mesure à travers l'évolution du niveau de revenus, de nutrition et
d’éducation des pauvres, ainsi que l'accès aux services de santé et d'assurance. Toutefois, cette approche welfariste
a fait l’objet de critiques de deux sortes. Tout d’abord, les IMF ayant adopté cette approche ont fait face à une forte
augmentation des taux d’impayés ainsi que des frais d’exploitation très importants conduisant à la disparition
progressive de nombreux programmes de microcrédit (Guiraud, 2009). Ensuite, apparait la difficulté
méthodologique de mesurer l’impact social. Ces critiques ont favorisé l’émergence de l’approche institutionnaliste.
Celle-ci est fondée sur deux exigences : la massification du crédit et la pérennisation de l’institution. Le corolaire
de ces deux exigences est l’amélioration des indicateurs de performances et le respect des ratios prudentiels. Ceci
implique en général des taux d’intérêt plus élevés que dans les IMF ayant opté pour l’approche welfariste, mais
aussi que dans les banques classiques. L'objectif, de cette approche, n'est pas de se focaliser sur l'amélioration du
bien-être général des pauvres, mais plutôt sur l'amélioration de l'accès aux services financiers de la population à
bas revenus que constituent les exclus du secteur bancaire traditionnel (Guiraud, 2009). Pour mesurer l’impact
social, les partisans de l’approche institutionnaliste utilisent des variables telles que le nombre de personnes pauvres
ayant accès aux services bancaires, la taille des crédits octroyé, ou la qualité des services offerts. Cette approche
institutionnaliste semble s'imposer de nos jours, même si elle ne fait pas encore l'unanimité. Elle est, par exemple,
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soutenue par des organisations internationales telles que la Banque Mondiale à travers le CGAP, les banques de
développement, ou les organismes de régulations étatiques.
Les expériences empiriques notamment dans les pays en voie de développement, ont montré que la microfinance
peut aider les personnes pauvres à augmenter leur revenu, leur consommation et à créer des entreprises viables
(Shahidur et al.,1998, Choudhoury, 2003 ; Giraud et Renouard, 2013 ; Banerjee et al, 2015). D’autres travaux
montrent une amélioration du niveau de santé, du niveau d’éducation (Mees, 2003) ainsi qu’un changement positif
dans les microentreprises des populations à bas revenu (Gubert, Roubaud, 2005). Cependant, bien que la
microfinance soit une chance pour les plus démunis d’avoir accès à des sources de financement (Robinson et
Fidler, 2001), certains auteurs sont plus critiques envers son mode de gestion, notamment sa gouvernance (Guérin
et Servet, 2004 ; Guérin et Palier, 2006; Ordioni, 2005; Fernando, 2004). Selon les travaux de Banerjee et al.
(2015), réalisés en Inde, la microfinance a un impact positif sur la création d’activité génératrice de revenu.
Toutefois, Banerjee et al. (2015) arguent que la microfinance n’a pas d’impact sur des variables non économiques
telles que l’éducation, la santé ou l’autonomisation des femmes. Par ailleurs, selon Guérin et Palier (2006) et
Guérin et Servet (2005), si la microfinance permet à 50% des clients d’une IMF de desserrer la contrainte de leur
budget familial et à 25% d’accroitre leur activité entrepreneuriale génératrice de revenus, elle aboutit à un échec
financier et social pour les 25% restants. Enfin, pour Coleman (2008), l’inefficacité des IMF est en grande partie
due à l’utilisation de produits inadaptés aux besoins de leurs cibles.
Les déterminants de la performance financière et sociale ont fait l’objet de plusieurs travaux de recherche. Les
principaux déterminants identifiés sont la gouvernance, la forme juridique, la maturité et la couverture
géographique. Dans notre analyse à suivre, nous retenons ces différents facteurs explicatifs de la performance
financière et sociale des IMF, et intégrons deux autres facteurs, à savoir les ratios prudentiels et la taille des dépôts.
En effet, les ratios prudentiels et la taille des dépôts sont importants pour la viabilifinancière et sociale des IMF.
La littérature sur la gouvernance des IMF demeure limitée contrairement à celle concernant la gouvernance des
entreprises (Van den Berghe et Levrau, 2004 ; Meisel, 2004 ; Guedri, 2008 ; Gillette et al., 2008) et la gouvernance
bancaire (Eichengreen et Gibson, 2001 ; Aizenman et Marion, 2003 ; Goddard et al. 2004; Bates et al., 2009). Les
travaux sur la gouvernance des IMF ont décrit les pratiques et les conséquences sur leurs performances (Chrysten
et al., 2003 ; Peck et Rosenberg, 2004 ; Satta, 2004 ; Lapenu et Pierret, 2005 ; Sabana, 2006; Labie, 2007, 2009).
De plus, Hartarska (2005) et Mersland et Strøm (2009) s’interrogent sur le rôle joué par les mécanismes de
gouvernance sur la performance sociale et financière des IMF dans les pays de l’Europe Centrale et de l’Est. Quant
à Tchuigoua (2011), il analyse l’influence des mécanismes de gouvernance sur la performance des IMF d’Afrique
Sub-saharienne sur un échantillon compo de 64 IMF africaines entre 2001 et 2005 issus de la plateforme
électronique Mix Market. Mersland et Strøm (2009) ainsi que Tchuigoua (2011) ne trouve pas d’influence de la
taille du conseil d’administration et de la forme juridique sur la performance financière et sociale des IMF.
Toutefois, Mersland et Strøm (2009) concluent à une influence négative de la maturité des IMF sur la performance
financière mesurée par l’autosuffisance opérationnelle et à une influence positive de la maturité sur la taille des
prêts. Selon eux, la taille des prêts diminue au fur et à mesure que les IMF gagnent en maturité. Cela signifie
qu’elles auront tendance à toucher une clientèle de plus en plus pauvre par l’octroi de crédits de faibles montants.
Par ailleurs, Mersland et Strøm (2009) ont analysé le rôle joué par la couverture géographique sur les variables de
performances financières et sociales. Ils n’observent pas d’influence de la couverture géographique sur la
performance sociale, mais ils montrent que le rendement du portefeuille de prêts augmente au fur et à mesure que
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les IMF exercent leurs activités en zone urbaine. En Afrique subsaharienne notamment en Côte d’Ivoire, le secteur
de la microfinance présente une grande attractivité auprès de la population et présente des résultats encourageants.
Toutefois, les IMF doivent faire face à de nombreuses difficultés, notamment l’absence de personnel qualifié,
l’insuffisance de financements extérieurs et, surtout des défaillances en matière de gouvernance des IMF.
Le reste de l’article est organisé de la manière suivante. La section 2 est relative à la revue de la littérature, la
section 3 présente les données, les choix des variables et la méthode économétrique tandis que la section 4 présente
les résultats des estimations et la section 5 conclut.
2. La démarche empirique
L’objet de l’article est d’identifier et d’analyser l’influence des déterminants internes de la performance financière
et sociale des IMF en Côte d’Ivoire.
La performance financière est appréhendée par les deux indicateurs suivants: la marge bénéficiaire et l’indice de
dépendance aux subventions. Concernant la performance sociale, nous avons retenu aussi deux indicateurs de
performance: le nombre de clients actifs de l’IMF et la taille des crédits octroyés de l’IMF. Ce choix s’inscrit dans
la lignée de la recommandation de Manos et al. (2008) et de Schreiner (2002). En effet selon Manos et al. (2008),
l’indicateur de dépendance aux subventions prend en compte l’impact direct des subventions, contrairement aux
autres mesures de la performance financière, comme le Return On Equity (ROE) et le Return on Asset (ROA),
qui en tiennent compte partiellement. Par ailleurs Schreiner (2002) montre que l’indicateur de largeur
correspondant au nombre de clients servis ne doit pas être examiné seul mais en combinaison avec celui de la
profondeur qui correspond à la taille des prêts octroyés (car une faible profondeur peut être compensée par plus de
largeur et vice versa). S’il n’existe pas de consensus dans la littérature quant au montant à partir duquel l’on peut
qualifier de social un prêt d’une IMF, nous adoptons la même démarche que le Groupe Consultatif d’Aide aux
Populations les plus pauvres (CGAP) qui pose la définition opérationnelle suivante : une IMF cible une clientèle
pauvre ou non, si les montants de crédits octroyés à ses clients sont inférieurs à 20% du Produit National Brut
(Acclassato, 2006 ; Ndour et Paget-Blanc, 2014). Appliquée à la Côte d’Ivoire, cette définition donne la somme
de 306 euro (200000 FCFA) par client.
En ce qui concerne les variables explicatives, en nous appuyant sur la littérature (voir les sous-sections suivantes),
nous identifions sept types de variables pouvant influencer la performance financière et sociale des IMF: la forme
juridique (société anonyme; institutions mutualiste et coopérative d’épargne et de crédit-IMCEC), les ratios
prudentiels, la taille du conseil d’administration, la maturité de l’IMF, le nombre de points de service sur le
territoire, la couverture géographique et la taille des dépôts des clients.
La base de données que nous utilisons est constituée de vingt-deux IMF sur une période allant de 2011 à 2014,
provenant de la Direction de la Microfinance en Côte d’Ivoire (Ministère de l’Economie et des Finances). Elle
inclut des indicateurs des indicateurs relatifs à la gouvernance interne des IMF (Taille du conseil d’administration,
Règlementation prudentielle, Composition du Conseil d’Administration, Systèmes de gouvernance), à la
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performance financière (Marge bénéficiaire, Indice de dépendance aux subventions), à la performance sociale
(Encours de crédit octroyé aux clients, Taille du crédit octroyé aux clients).
2.1 La forme juridique des IMF
Définir sa forme juridique est une cision importante de toute entreprise voulant exercer une activité de
microfinance. Il existe ainsi des institutions de microfinance ayant la forme juridique d’organisation non
gouvernementale (Servet, 2015). Certains auteurs (Hardy et al., 2003 ; Jansson et al., 2004 ; Fernando, 2004 ;
Ledgerwood et white, 2006) préconisent des IMF la transformation en sociétés anonymes car ces dernières sont
moins pendantes des dons. Pour Ledgerwood et White (2006), la transformation des institutions de
microfinance à but non lucratif en institutions en but lucratif permet de capter des capitaux nécessaires à leurs
activités. Pour Varottil (2014), la forme à but lucratif permet aux IMF de faire des crédits à bas coûts, ce qui au
final va dans le sens de leur fonction sociale. Aujourd’hui, certaines IMF sont cotées en bourse (Littlefield et
Rosenberg, 2005 ; Ponsot, 2007) et d’autres ont une forme coopérative ou mutualiste (Lelart, 2006 ; Servet, 2015).
Cependant Hartarska (2005), Mersland and Strøm (2009), Sinclair (2012), Tchakounte (2010) ne semblent pas
trouver d’influence de la forme de statut juridique sur la performance des IMF. Enfin, Hansmann (1996) analysant
les avantages et les inconvénients des systèmes de gouvernance dans le cadre de la théorie de l’agence, montre que
le statut d’ONG permet de minimiser les coûts d’agence liés aux contrats conclus par les IMF avec les différentes
parties telles que les employés, les clients, les donneurs. Et ce, du fait d’un meilleur ancrage local qui permet le
tissage de relations.
2.2 La taille du conseil d’administration
Les Conseils d’Administration sont au centre des débats sur les réformes de gouvernance économique (Jensen,
1993 ; Dalton et al.,1998 ; Hermalin et Weisbach, 2003; Adams et Mehran, 2003; Zhao et Peters, 2009). Pour
Jensen (1993), la taille du conseil d’administration joue un rôle important dans l’efficacité du système de
gouvernance d’une organisation (notamment à cause de problèmes éventuels de passager clandestin). Selon lui, la
taille optimale pour un fonctionnement efficace du conseil d’administration est de huit. Pour Hermalin et
Weisbach (2003), l’accroissement de la taille du conseil d’administration a un effet négatif sur la performance des
firmes. Dalton et al. (1998) et Adams et Mehran (2003) aboutissent cependant à des résultats différents. Adams et
Mehran (2003) ne trouvent pas de relation négative entre la taille du conseil d’administration et la performance
des firmes mesurée par le ratio Q de Tobin. Dalton et al. (1998) estiment qu’un conseil d’administration large
permet d’accroitre le pool d’expertise et les ressources nécessaires à l’entreprise. Par ailleurs Zhao et Peters (2009) !
ont analysé taille et l’évolution du conseil d’administration de 81 firmes entre 1935 et 2000 et montrent que la
distribution est en cloche avec une moyenne d’environ onze membres dans le conseil d’administration des
entreprises ayant survécu sur la période étudiée. Ils observent un pic dans les années 70 avec une moyenne de
quinze membres mais ce pic retombe, dans les années 2000, à onze membres. Yermack (1996) estime, également,
une moyenne de onze membres dans le conseil d’administration des entreprises américaines entre 1984 et 1991;
mais Adams et Mehran (2003) trouvent une moyenne de dix-huit membres entre 1986 et 1999.
Selon Cavaco et al. (2016), la taille des membres dans le conseil d’administration des entreprises du CAC 40 est
de quinze membres en moyenne et de neuf membres hors CAC 40. Enfin, Heidrick et Struggles (2009) font une
1 / 23 100%

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