1 Histoire de la vie politique Plan détaillé Cours de Brigitte Gaïti UFR 26 L1 Introduction : Histoire de la vie politique et processus de démocratisation entre Révolution française et 5e république Première idée : processus long, peu linéaire, toujours en jeu, susceptible de régression (on peut rappeler la période du régime de Vichy où les éléments attachés au régime démocratique ont été abandonnés) Difficile de définir ce qu’est substantiellement la démocratie et on verra que cette question reste tout au long de la période jusqu’à aujourd’hui un enjeu des débats politiques) On peut souligner (pour mieux les éviter) quelques défauts fréquents dans l’analyse de la vie politique - se focaliser sur les événements : on étudiera le poids de certains événements (la crise du 16 mai 1977, l’affaire Dreyfus, la manifestation du 6 février 1934, le 13 mai 1958 ou encore mai 68 ou mai 1981) mais à condition de comprendre comment ces événements s’insèrent dans des processus longs : par exemple, l’affaire Dreyfus s’inscrit dans un mouvement qu’elle accélère et renforce, à savoir la collectivisation et la pluralisation de acteurs de la vie politique (naissance des partis politiques, rôle nouveau de l’armée, de l’opinion ou des intellectuels). D’autres événements moins connus seront mis en lumière ; par exemple, la loi de 1913 sur l’isoloir qui rend matériellement possible le vote secret, renvoie à une lutte longue entre partisans d’un contrôle maintenu des électeurs (plutôt des notables) et partisans d’une émancipation de l’électeur (susceptible de voter pour des nouveaux venus en politique) : pour ces derniers, l’isoloir permet aux électeurs de s’affranchir des tutelles sociales 2 - focalisation sur les règles institutionnelles : la Constitution ne résume pas ce qui peut se passer dans la vie politique ; il y a des règles formelles mais aussi informelles. La puissance du président de la République ne relève pas seulement de la Constitution de la Ve République mais s’inscrit aussi dans des transformations des règles du jeu partisanes, des formes de discipline électorale et parlementaire, et la configuration liée au conflit algérien entre 1958 et 1962 ; plus largement, elle s’inscrit dans un temps long qui déborde les changements de régime et qui est celui de la montée en puissance de l’exécutif (qu’on observe dès la première moitié du XXe siècle) - Attention aussi à ne pas trop se focaliser sur les idées : par exemple on peut faire remonter le clivage droite gauche à la Révolution si l’on y tient mais c’est un clivage qui change de contenu, et qui la plupart du temps n’est pas opérationnel pour comprendre la vie politique. Le nationalisme, au départ idée de gauche contre la monarchie, passe ensuite à droite sous la 3e République. Le pacifisme, revendiqué à gauche avant la première guerre mondiale, touche dans les années trente les rangs d’une droite peu disposée à en découdre avec l’Allemagne nazie et qui fait des communistes l’adversaire principal. Plus largement, les idées ne sont pas toujours au départ de l’action politique : un homme politique compose avec ce qu’il pense, ce qu’il peut y gagner et ce qu’il peut faire et dire dans certaines conjonctures. Il faut bien sûr prendre en compte la manière dont certains enjeux organisent les clivages : la question de la laïcité ou encore l’affaire Dreyfus divisent droite et gauche au tournant du XXe siècle, mais quelques années plus tard, la question sociale liée à la montée du mouvement ouvrier dans un contexte d’industrialisation devient un enjeu structurant la compétition politique. Résultat, des hommes situés très à gauche dans la première configuration se retrouvent déplacés à droite lorsque la question sociale devient un enjeu porté par le tout nouveau parti socialiste (SFIO créée en 1905) - Attention aux termes : le mot « parti politique » ne désigne pas tout à fait le même type d’organisation selon les époques, le libéralisme sous la IIIe n’a pas le sens économique qu’il a pris aujourd’hui, etc. Principes d’analyse : Temps long de la démocratisation : il renvoie à des processus longs également (processus de scolarisation, de salarisation, etc.) Par ailleurs, la démocratisation peut renvoyer à des processus apparemment contraires à ses finalités : ainsi, la professionnalisation des hommes politiques qui prétendent parler au nom des citoyens (et donc qui d’une certain façon, 3 « confisquent » sa parole) a pourtant à voir avec une démocratisation du recrutement du personnel politique et une émancipation des électeurs vis-à-vis de certaines tutelles sociales Attention à essayer de reconstituer les contextes d’action précis dans lesquels les hommes politiques, les militants, les syndicalistes, les patrons, les intellectuels, etc., pensent, calculent agissent. Enfin rappelons des points de l’on oublie souvent dans l’histoire de la démocratisation de la vie politique : le rôle des femmes exclues du suffrage universel jusque 1944 alors même qu’elle sont de plus en plus indépendantes socialement, le poids du colonialisme,, l’interprétation de Vichy dans la vie politique (s’agit-il d’un moment de rupture complète avec l’héritage démocratique français ou y a-t-il des formes de continuité ente les politiques des années 30 et la période de Vichy) Annonce du plan d’ensemble Un court chapitre introductif qui s’intéresse à la période qui va de la Révolution française aux débuts de la IIIe République Puis deux chapitres : un chapitre 1 sur la domination des parlementaires et ses contestations : la démocratie représentative entre 1870 et 1958 et un chapitre 2 sur les transformations et les crises de la démocratie représentative sous la Ve (depuis 1958) 4 Chapitre Introductif L’émergence chaotique d’un processus de démocratisation entre 1789 et 1870 Rappel d’une chronologie chaotique qui évoque une forte instabilité institutionnelle, des conflits importants entre élites politiques 1789 - 1815 : période révolutionnaire - 1789 – 1792 : monarchie constitutionnelle (1792 : fuite du roi) - 1793 : 1ere République (Constitution de l’an 1 non appliquée car guerre civile et situation d’urgence. Régime dit de terreur) - 1795 : directoire - 1799 : Consulat - 1802 : Consulat à vie - 1804 : Premier Empire 1814-1848 : période de retour à la monarchie - la Restauration (1814-1830) - La monarchie de Juillet (1830-1848) 1848- 1852 : la seconde République 1852-1870 : la seconde République Durant ces périodes, des débats, des dispositifs, des principes de légitimation, des pratiques, des normes sont discutés, expérimentés mais peu stabilisés. Il est intéressant malgré tout de s’y confronter pour voir comment se structurent des enjeux nouveaux et les multiples façons dont s’inventent et se renégocient des régimes politiques. A Les incertitudes de la période révolutionnaire Beaucoup de choses sont débattues avec vigueur (nature du suffrage, de la représentation, du peuple, de la volonté générale ou de la souveraineté) et beaucoup sont expérimentées ; mais la vie politique est alors très faiblement stabilisée. 1. Les débats ouverts durant la période révolutionnaire Quel peuple ? quel citoyen ? Le peuple est politiquement insaisissable : le pouvoir lui est donné mais sous quelle forme ? L’article 1 de la DDH dit que : « Les hommes naissent libres et 5 égaux en droit » mais l’article 3 propose que « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation » et l’article 6 affirme que « la loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement ou par leurs représentants, à sa formation ». Le peuple conçu comme l’ensemble des citoyens se distingue de la nation, cet ensemble juridique qui regroupe l’ensemble des représentants. Ces articles ne précisent pas vraiment si l’ensemble des citoyens a un droit de vote et comment comprendre l’articulation entre peuple / nation. Quel régime ? L’enjeu est celui de la définition du titulaire de la souveraineté : il s’agit de préciser quel est le fondement de la légitimité du pouvoir puisque désormais il ne s’agit plus d’une légitimation religieuse (la souveraineté de droit divin) ou dynastique. Deux options, au moins théoriques : Si le souverain est le peuple, alors il a la prime sur les représentants ; le suffrage est un droit du citoyen : on ne peut lui retirer le droit de vote. Le suffrage doit être universel. La souveraineté est populaire. (on peut évoquer ici Jean Jacques Rousseau et son contrat social) Si le souverain est la nation, la prime est donnée aux représentants qui fixent l’étendue du corps électoral et on ne parle plus d’un électorat droit mais de l’Electorat fonction : le fait de voter est associé à une fonction détenue par quelques-uns qui désignent les représentants qui vont parler au nom du peuple. La souveraineté est nationale (On peut évoquer ici l’abbé révolutionnaire Sieyès « Tous les habitants d’un pays doivent y jouir des droits de citoyen passif : protection de leur personne, de leur propriété, de leur liberté, mais tous n’ont pas droit à prendre une part active dans la formation des pouvoirs publics ») Cette opposition entre deux définitions (peuple souverain ou nation souveraine) a des conséquences importantes : la souveraineté nationale implique une participation politique éventuellement réduite à quelques-uns (les plus riches ? les plus instruits ? les propriétaires fonciers ? les commerçants ?) et un rôle prééminent des représentants. On verra que si cette formule du régime représentatif va durablement l’emporter, la seconde formule, plus proche d’u régime de démocratie directe, centrée non seulement sur le suffrage universel mais aussi sur une participation politique intense, permanente des citoyens et sur une mise sous contrôle populaire des élus reste un idéal et une arme critique disponibles. Durant la période révolutionnaire, la radicalisation qui s’engage après la mort du roi et se lit dans la Constitution de 1793 renvoie à cela 6 Dans un régime de démocratie directe, la démocratie est entendue à l’époque révolutionnaire dans un sens radical que le terme perd par la suite : à savoir que le peuple est législateur et magistrat, qu’il exerce les pouvoirs législatif et exécutif Dans un régime représentatif (à l’époque on parle de gouvernement représentatif et pas de démocratie représentative), les principes sont différents. Sieyes justifie ainsi son choix en faveur du gouvernement représentatif : « Un des effets du système représentatif dans l’ordre politique est de mettre chaque fonction dans les mains d’experts » « La très grande pluralité de nos concitoyens n’a ni assez d’instruction, ni assez de loisir pour vouloir s’occuper directement des lois qui doivent gouverner la France : la France n’est point, ne peut pas être une démocratie » L’ombre de Rousseau et de cette souveraineté populaire hante malgré tout les révolutionnaires, y compris les défenseurs d’un régime représentatif : « La législature, concède Sieyes, a continuellement besoin d’être rafraîchie par l’esprit démocratique : il ne faut qu’elle soit placée à un trop grand éloignement des premiers commettants ». Bref, il faut des élections régulières pour redonner de la légitimité aux représentants ; en ce sens, ils dépendent du peuple. On sait que la solution trouvée dans l’histoire politique au moins jusqu’à aujourd’hui est celle du gouvernement représentatif qu’on appellera très vite « démocratie représentative ». Rappelons que le gouvernement représentatif s’accommode d’un suffrage universel comme d’un suffrage réduit : il indique simplement cette structuration du régime autour des représentants 2 Quelles applications concrètes de ces innovations conceptuelles durant la révolution française ? On peut dire qu’entre 1789 et 1795 ; les deux types de formule politique (démocratie populaire et gouvernement représentatif) sont tentés Mise en place d’un régime de gouvernement représentatif fondé sur le suffrage restreint dans la constitution du 3 septembre 1791 La souveraineté est celle de la nation et le mandat confié aux représentants n’est pas impératif (les représentants ne sont pas tenus par leurs électeurs) il est représentatif (on fait confiance aux représentants sur leur capacité à trouver dans la délibération le bien commun). Le peuple n’est puissant politiquement que durant le moment électoral ; ensuite c’est aux représentants d’agir, à distance des représentés 7 - - Le suffrage est restreint : sont électeurs ceux qui peuvent faire état d’une année de domicile dans la ville ou le canton du vote (éviter les vagabonds ou les instables) ceux qui disposent d’une citoyenneté pleine et entière (pas de faillis, d’accusés) ceux qui disposent de l’indépendance du jugement (pas de mineurs, de femmes et de domestiques) ceux qui ont un intérêt à l’établissement public, c’est-à-dire à un bon gouvernement des choses et des hommes (il faut posséder au moins un peu pour être raisonnable) il y a des conditions de cens. Attention, il ne s’agit pas de payer un impôt pour voter mais seuls ceux qui paient un certain montant d’impôt sont concernés par le vote. Le débat peut porter sur le type d’impôt : faut il faire voter ceux qui paient un impôt foncier (et les citoyens sont des propriétaires terriens) ou par exemple ceux qui paient un impôt lié au commerce (et on favorisera d’autres groupes citoyens davantage lié au négoce). La Constitution de 1791 prévoit une imposition minimale de trois journées de travail pour faire partie des citoyens actifs. En fait, la somme est faible Statistiquement en 1791 : plus d’1/3 de citoyens exclu (en gros 4 300 000 actifs et 2 700 000 passifs). On trouvera dans l’histoire des systèmes beaucoup plus censitaires (ici ce ne sont pas seulement les très riches qui peuvent voter) Système qui a très mal fonctionné de toute façon : désordre fiscal, dispense. Liste d’électeurs mal faite Les révolutionnaires mettent en avant des principes de justification de l’élimination de certains citoyens (dit citoyens passifs) - Justification au nom de la collusion probable entre les plus riches et les plus pauvres (achat de voix est craint) - Justification au nom de l’élargissement à venir du nombre des citoyens actifs : il faut dit Condorcet miser sur l’instruction publique et le progrès économique et bientôt les citoyens actifs représenteront l’ensemble des citoyens) le suffrage est indirect : les citoyens actifs désignent au sein d’assemblées primaires les électeurs du second degré chargés d’élire les députés. Pour être électeur du second degré, il faut être propriétaire, usufruitier ou fermier d’un bien évalué entre 100 et 400 journées de travail selon l’importance des communes. C’est une manière de filtrer les élans d’un peuple, qui même déjà réduit, est pensé comme versatile et émotif 8 Cette première solution est d’emblée fragilisée par ceux qui vont mobiliser l’idéal de la démocratie directe et du suffrage universel pour conquérir le nouveau pouvoir Radicalisation révolutionnaire entre 1792 et 1794 : le mot d’ordre de la souveraineté populaire Entre 1792 et 1794, c’est une autre solution qui est explorée : celle de la souveraineté populaire et de la démocratie. La critique de la monarchie constitutionnelle et surtout de la séparation entre citoyens actifs et citoyens passifs est menée par certains révolutionnaires (les Jacobins autour de Robespierre) au nom de la démocratie et du suffrage universel. En 1792, le roi est suspendu de ses fonctions du fait de sa noncoopération avec les représentants. Un conseil exécutif provisoire dont les membres sont nommés par l’Assemblée est mis en place. Les citoyens sont appelés à élire une nouvelle assemblée, la Convention, qui sera chargée d’assurer « la souveraineté du peuple ». En aout 1792, un décret du mois d’aout supprime la distinction entre citoyens actifs et citoyens passif et un suffrage très large est instauré (même s’il écarte les femmes bien sûr mais aussi les domestiques et les indigents et même s’il est un suffrage indirect). Reste que 7 millions de citoyens sont théoriquement électeurs : théoriquement, car seulement un dixième d’entre eux se déplaceront. En septembre, la nouvelle assemblée élue, dite Convention, proclame l’abolition de la royauté et inaugure l’an 1 de la République française ; elle a pour tâche de choisir un projet de Constitution qui sera soumis au peuple. Cette Constitution dite de l’an 1 votée en 1793 proclame le suffrage universel masculin direct et le principe de la souveraineté populaire : « Le peuple souverain est l’universalité des citoyens français » (art 7) ; « il nomme immédiatement ses députés » (art. 8) ; (scrutin direct) Les mandats sont courts (un an pour les députés), révocables, impératifs. Les marges de manœuvre des représentants sont pensées comme extrêmement étroites. Les députés sont compris comme des commissaires du peuple ; ils siègent un an et en permanence : l’exécutif est le commis de l’assemblée,elle-même agissant sous contrôle du peuple. Cette Constitution est votée par référendum (1 801 918 oui contre 11 610 non et 4 300 000 abstentions) mais elle ne sera jamais appliquée (car guerre civile et période dite de la Terreur qui s’achève avec la condamnation à mort de Robespierre) ; Ces deux premières constitutions symbolisent bien les deux configurations possibles : gouvernement représentatif contre démocratie directe ; suffrage 9 censitaire et indirect contre suffrage universel direct, souveraineté nationale contre souveraineté populaire, mandat représentatif contre mandat impératif. Ces différents « ingrédients » politiques décrivent un continuum dans lequel prennent place les différents régimes qui suivent 1789 Ainsi de 1795 à 1814, le suffrage universel n’est jamais formellement aboli mais de fait ne s’exerce plus. Retour au suffrage restreint sous le Directoire sur la base de critères fluctuants (par exemple sous le premier Empire, les personnes qui veulent s’inscrire, doivent savoir lire et écrire et exercer une profession « mécanique ») 3 Quelles pratiques politiques nouvelles ? les citoyens restent assez indifférents dans leur majorité au droit de vote. problème qui va rester tenace tout au long du XIXe siècle Le modèle démocratique du vote suppose une société où des individus pourraient exprimer librement un choix politique personnel. Ce choix pèserait le même poids quel que soit celui qui le fait. Le droit de suffrage démocratique suppose donc une société individualisée et égalitaire. Or, ce dispositif de suffrage est introduit dans une société qui présente des caractéristiques différentes : la société d’Ancien régime est faite de collectifs, de corps de statut très inégaux et non pas d’individus et encore moins d’individus égaux. On peut repérer une organisation communautaire de la société et une structuration hiérarchique de ces communautés. On peut comprendre ainsi le fait, étrange vu d’aujourd’hui, que, lors des élections, il n’y a pas de candidats déclarés jusque 1795 et pas de compétition électorale : cela montre les réticences très fortes visà-vis du pluralisme électoral et de la concurrence entre candidats vus par beaucoup comme un facteur néfaste de division du groupe communautaire Dans ces sociétés organisées sur la base de communautés très hiérarchisées, le vote est réinterprété par beaucoup de ceux qui le pratiquent non pas comme une expression politique individuelle et égalitaire mais comme l’expression d’une appartenance à une communauté et donc comme un des vecteurs de reconduction et de légitimation des hiérarchies et des inégalités qui structurent les communautés. Les révolutionnaires ont compris assez vite le problème et certains ont tenté de construire un nouveau peuple et une nouvelle société (éradication des patois, suppression des corporations, création des départements et suppression des paroisses) Mais les révolutionnaires échouent dans leurs tentatives pour créer les conditions d’un vote citoyen (par ex. par le scrutin secret, ou le vote hors de la 10 paroisse) en contournant le contrôle social ; le vote à haute voix, en assemblée, est plus conforme aux pratiques sociales ordinaires. Le droit de suffrage est confronté aux réalités d’une société organique où l’individu n’existe guère (incorporation à une hiérarchie de corps). Le citoyen, individu requis par les institutions nouvelles, célébré par tout le discours révolutionnaire, n’existe pas dans la société réelle, si ce n’est dans les élites pour l’essentiel urbaines qui ont fait avant 1789 l’apprentissage des principes et des pratiques de la sociabilité démocratique. les représentants restent extrêmement méfiants vis-à-vis des électeurs et s’emploient à les tenir à distance Le mandat représentatif est préféré au mandat impératif (sauf Constitution de l’an1) « Les représentants nommés dans les départements ne seront pas les représentants d’un département particulier, mais de la nation entière, et il ne pourra leur être donné aucun mandat. » ; en fait, la nation est l’assemblée des représentants et c’est entre eux, dans la délibération qu’ils mènent, dans les arguments éclairés qu’ils échangent, que se dégagerait l’intérêt général ou le « bien commun ». On verra que ce principe continue de structurer la vie politique jusqu’au milieu du XXe siècle . les électeurs votent souvent de façon indirecte : il s’agit en quelque sorte de filtrer socialement la composition du corps électoral . lorsque des élections sanctionnent les équipes en place, elles sont invalidées (élections de l’an V et l’an VI sous le Directoire) ou encore on en passe par le coup d’Etat (18 Brumaire) . les citoyens votent de moins en moins ; la durée de mandats tend à s’allonger (très net sous l’Empire) ; l’appel aux citoyens se fait rare les organes de l’exécutif non élus reviennent sur le devant de la scène : l’exemple du premier Empire Le pouvoir exécutif avait été très largement marginalisé depuis la révolution ; souvenir du monarque de droit divin et du rôle peu coopératif de Louis XVI lors de la monarchie constitutionnelle installée en 1791 Napoléon, rompt avec ce tabou de la puissance de l’exécutif : tout au long de son ascension au pouvoir, puis lorsqu’il se trouve au sommet, il tend à s’appuyer sur des hommes et des groupes nommés par lui et plus largement, il consolide une administration d’Etat (naissance des préfets) 11 Dans ce cadre, les électeurs et les élus sont marginalisés au profit des hommes de l’Etat ; les électeurs ne choisissent pas : ils ratifient des hommes cooptés par le pouvoir et sont censés reconduire les équipes en place : exemple napoléonien du plébiscite (consulat à vie : plébiscite de 1802 se solde par 3 millions de oui et 1600 non. Le passage à l’empire est plébiscité en 1804 par 3.500 000 oui contre 2569 non).Théorie de la confiance qui vient d’en bas et le pouvoir d’en haut (Sieyès) . les organes élus sont eux aussi marginalisés. Les représentants sont placés sous le contrôle de l’exécutif, lorsqu’il s’agit de légiférer Conclusion : premier bilan sur la participation. Les électeurs ne font pas grandchose du suffrage et les représentants l’ignorent ou le contournent tout en apprenant à s’en prévaloir à des fins de légitimation. Cependant, le droit de suffrage reste une contrainte et ne pourra plus vraiment être totalement supprimé. Période suivante le montre ; période conservatrice mais reconduction de l’élection comme principe de désignation de certains organes du pouvoir politique. Même si lesuffrage est contrôlé de différentes façons : par la restriction du corps électoral entre 1815 et 1848 d’abord puis par la surveillance des élections sous le Second Empire B Régression politique et apprentissages des pratiques électorales sous les monarchies de 1815 à 1848 et le Second Empire 1. les monarchies censitaires 1815 1848 : la mise l’écart des citoyens et la surveillance des représentants Période de la restauration : retour à l’Ancien régime, à la monarchie de droit divin Louis XVIII roi en 1814 et Charles X en 1824. 1830 Louis Philippe et la monarchie de juillet : intégration de certains principes révolutionnaires dans le régime monarchique : ainsi Louis Philippe n’est plus roi de France mais roi des français 1.1. la restriction du corps électoral : 40 000 électeurs en 1815 ; 250 000 en 1847 (pour les élections législatives) : en 1848, il y aura 9 400 000 électeurs. Sur la période, on peut noter un timide élargissement du corps électoral ; on passe de 40 000 à 250 000 mais surtout, la loi de 1831 sous la Monarchie de juillet a élargi le principe de l’élection et l’étendue du corps électoral pour les élections locales. 12 1.2. Apprentissage limité du droit de suffrage et d’une compétition politique très ancrée dans les relations sociales Ce que montrent aujourd’hui les historiens, c’est la familiarisation de citoyens et des élites sociales avec le suffrage dans ces périodes très « douteuses » dans l’histoire démocratique Elections ne ressemblent pas aux élections contemporaines : les électeurs et les candidats se connaissent ; ils appartiennent à un monde socialement aisé. La campagne se fait bien souvent en face à face et on donne sa voix en échange d’avantages assez individualisés (une décoration, un avancement, une mise en relation etc). On y parle peu de politique nationale. 1.3. Le contrôle des parlementaires par l’exécutif Les parlementaires eux-mêmes sont de plus en plus surveillés par l’exécutif ; en 1816, le roi Louis XVIII se retrouve avec une chambre peuplée d’ultra royalistes, souvent issus de l’émigration qui préconisent une politique intransigeante (ils sont, dira-t-on « plus royalistes que le roi »). Le roi dissout la Chambre en 1816 et tente de contrôler les candidatures. Les élections, pourtant réservées à une toute petite minorité de nobles fortunés, seront de plus en plus surveillées par l’administration royale qui va développer là une nouvelle technologie de contrôle des élections, aussi bien des électeurs que des candidats. 2. 1848 la deuxième République et les surprises du suffrage universel : les mystères de l’élection de 1848 ( participation forte et résultat inattendu) La Constitution du 4 novembre 1848 (IIe République) consacre le suffrage universel dans ses articles 24 («Le suffrage est direct et universel. Le scrutin est secret.») et 25 (« Sont électeurs sans condition de cens, tous les Français âgés de vingt et un ans et jouissant de leurs droits civils et politiques.»). Le nombre d’électeurs passe à 9,5 millions de personnes. Le vote se déroule au chef-lieu de canton. Deux surprises de l’élection d’avril 1848 - le taux élevé de participation 83,69 % des inscrits (7 835 000 votants pour 9 400 000 électeurs inscrits) - le résultat : Près des deux tiers des élus sont des anciens élus (comme si 9 400 000 personnes votaient de la même façon que les 250 000 électeurs très fortunés de la monarchie de juillet) Pourquoi ? Cela tient à la dimension communautaire de l’acte de vote en 1848 Dans les campagnes, le vote devient une fête de village. Electeurs endimanchés 13 se déplacent en cortège jusqu’au chef lieu de canton et votent sur un mode unanimiste pour le candidat le plus connu, c’est-à-dire généralement le député en place. Le suffrage universel perd son caractère étrange, c’est-à-dire ici son caractère « politique », pour devenir une pratique communautaire, structurée par l’appartenance au village et la reconnaissance des autorités traditionnelles. Les nouveaux venus (les républicains de 1848) n’ont pas eu le temps de véritablement s’organiser et de se faire connaître. Une partie des autorités sociales et politiques déjà en place se font donc consacrer par le suffrage universel (c’est le cas bien connu de Tocqueville, élu de la monarchie de Juillet reconduit sous la IIe République) : A partir de 1849, les républicains s’organisent et brouillent le jeu communautaire dans la mesure où ils divisent et politisent l’élection : montée des abstentions et des votes plus hostiles aux notables. La riposte des députés assez conservateurs élus en 1848 à la possible montée en puissance de députés plus réformateurs consiste dans un aménagement de la loi électorale : il ne s’agit pas de revenir sur le principe du suffrage universel mais de ruser avec lui, par le biais des conditions d'inscription sur la liste électorale. La loi du 30 mai 1850 porte à 3 ans le délai de résidence requis : il s’agissait d’écarter la « vile multitude » (Thiers), c'est-à-dire les fractions populaires urbaines de l’électorat les plus mobiles (ouvriers itinérants, célibataires chassés par la crise et qui cherchent l’embauche). La loi aurait retiré le droit de suffrage à 2.800.000 électeurs (sur 9,6 millions) mais elle n’a jamais été appliquée. Louis Napoléon Bonaparte s’appuie sur la défense du suffrage universel pour légitimer son coup d'État (2 décembre 1851) Problème nouveau qui va connaître un grand retentissement dans les temps à venir : le président de la République (comme incarnation de l’Etat) notamment lorsqu’il peut revendiquer un lien direct avec le peuple (le président est élu au suffrage universel sous la 2e République) devient un personnage suspect pour les parlementaires Républicains 3. Le second Empire (1852 6 1870) : la mise sous tutelle étatique des élus et des citoyens. Suffrage universel sous contrôle ou suffrage universel « dirigé » (Thiers) Défi pour le nouveau régime : mettre en place le suffrage universel et les incertitudes qu’il comporte alors même que s’accélère le processus d’industrialisation et d’urbanisation du pays (montée de la classe ouvrière, fragilisation des communautés traditionnelles due à l’exode rural) ? Pour affronter ces défis, il faut, dit Thiers, un « suffrage universel dirigé » 14 Le gouvernement met en place différents dispositifs. - un dispositif institutionnel de mise à distance (ou de marginalisation) du suffrage universel (héritage de Napoléon Ier) . allongement des mandats (députés et conseillers généraux sont renouvelés tous les six ans, conseillers municipaux tous les sept ans) . faible nombre de représentants : le nombre d’élus au corps législatif est de 261 députés (ils étaient 750 auparavant). . manipulation des résultats ; grâce à un découpage approprié des circonscriptions, les votes ruraux (plus favorables au régime) noient les votes urbains (les circonscriptions urbaines voient le nombre de leurs représentants chuter : la Seine passe de 28 à 9 ; le Nord de 24 à 8 et le Rhône de 11 à 4) - un dispositif politique de contrôle des campagnes électorales des candidatures et des organes élus . obligation pour les élus et les candidats (1858) de prêter un serment de fidélité au régime : certains républicains refusent de prêter serment et donc sont exclus du jeu électoral . système de la candidature officielle renforce ce contrôle de l’exécutif sur les élections. Effets du suffrage universel sont contrôlés ; compétitions marquées par le poids du candidat officiel qui l’emporte souvent dès le premier tour. Les autorités sociales (patrons, curés) font pression sur le vote. L’encadrement des opinions fonctionne moins bien dans un cadre urbain et dans les univers poly-industriels : succès électoraux républicains à Paris Lyon ou Marseille . marginalisation des organes élus par le suffrage universel qui sont placés sous contrôle étroit de l’exécutif (l’Empereur est réputé être le personnage qui a été le mieux consacré par le suffrage universel et que rien ne peut contester) : par exemple le maire n’est pas élu par son conseil municipal mais choisi par l’empereur, y compris en dehors du conseil, y compris sans tenir compte des résultats électoraux locaux. Le maire est considéré ici comme un fonctionnaire de l’Empire, soumis à la tutelle de l’exécutif Remarque : la mise en place d’une élite notabiliaire (recomposée autour des bonapartistes) ne vient pas uniquement de ces dispositifs impériaux. Elle provient aussi d’un faible intérêt des électeurs pour la politique. Les Républicains, à la fin du second Empire, saisissent l’intérêt qu’il y a pour eux à 15 faire émerger des citoyens nouveaux, éduqués politiquement, capables de voir dans le vote une condition de l’amélioration de leurs conditions de vie (s’ils votent pour ceux qui les défendent) : ces républicains quadrillent le territoire, organisent partout des réunions, des fêtes, informent, tentent de rendre la politique plus familière, d’inculquer l’idée que le vote est un devoir et qu’il peut avoir des effets en terme d’amélioration des conditions de vie. Conclusion : alors même que le suffrage universel masculin est établi depuis 1848, le rôle des électeurs est encore très largement encadré et limité. Les élus eux-mêmes et plus largement une nouvelle classe politique se voit elle aussi mise sous tutelle du pouvoir exécutif. A partir de la IIIe République, les représentants semblent cette fois assurer leur domination : ils réussissent à domestiquer l’électorat et le suffrage universel et semblent désormais contrôler le pouvoir exécutif. On verra que cette représentation d’un monopole des élus dans l’exercice de la vie politique est largement trompeuse : de nouveaux groupes (militants et dirigeants des partis, des ligues ou des syndicats, banquiers, intellectuels, journalistes) et d‘autres plus anciens (magistrats, militaires, hommes de l’exécutif) viennent les concurrencer dans leur prétention à orienter la vie politique Chapitre 1 La mise en place d’une démocratie représentative : domination et contestation des parlementaires dans la vie politique A L‘installation des représentants aux commandes : 1 la mise en place difficile d’une démocratie représentative : 1875 1900 1. 1. l’organisation des pouvoirs publics : les incertitudes des origines Succession monarchiste impossible (comte de Chambord jugé trop réactionnaire ne fait pas l’accord entre fractions monarchistes)) et suspension de la question du régime en attendant qu’une solution viable se dessine pour la majorité conservatrice monarchiste de l’Assemblée Initiatives et événements complexifient le problème : Thiers chef du pouvoir exécutif provisoire veut conforter la République ; il est destitué et la majorité royaliste du Parlement élit le Maréchal Mac Mahon, monarchiste comme chef du pouvoir exécutif pour sept ans. Durée pendant laquelle se produit un changement des rapports de force politique (monarchistes perdent du terrain aux élections partielles) 16 . Les monarchistes, pour éviter de discuter du nouveau régime dans de trop mauvaises conditions politiques, sont ainsi conduits à accepter de discuter des premières lois constitutionnelles relatives à l’organisation des pouvoirs publics à l’assemblée à partir de 1875 : Amendement Wallon adopté à une voix de majorité le 30 janvier 1875 (353 contre 352 : « Le président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et la chambre des députés réunis en assemblée nationale. Il est nommé pour 7 ans. Il est rééligible ». Ce sera l’article 2 de la loi relative à l’organisation des pouvoirs publics. Les lois constitutionnelles dessinent un poste puissant, celui de président de la république, capable avec l’assentiment du Sénat, de dissoudre la Chambre des députés. Il partage avec la Chambre l’initiative des lois ; malgré tout, il n’est pas responsable (il ne peut être renversé) et donc tous ses actes doivent être soumis à un contreseing. Les lois constitutionnelles aménagent aussi une garnison monarchiste au Sénat en prévoyant la nomination par l’Assemblée (alors encore monarchiste) de 75 sénateurs inamovibles sur 300. Les 225 autres sont élus par un collège d’élus locaux. La gestion institutionnelle du tournant politique républicain de l’Assemblée : la crise du 16 mai 1877 (le problème de la responsabilité du gouvernement et de celle du chef de l’Etat se pose dans la crise ; que se passe-t-il si la majorité de l’assemblée nationale n’est pas en harmonie avec le président de la République ? Comment s’organise le choix du chef du gouvernement ?). Dissolution et nouvelles élections législatives en 1877. Gambetta avertit le président de la République : « Quand le pays aura parlé, il faudra se soumettre ou se démettre » ; Une fois l’assemblée républicaine réélue, Mc Mahon se soumet dans un premier temps Les rapports de force électoraux tournent à l’avantage des républicains : stratégie payante de quadrillage du terrain. Le Sénat, est la dernière institution à se républicaniser. Mac Mahon se démet en janvier 1879. Un nouveau président de la République est élu par les chambres : Jules Grévy qui déclare le 6 février 1879 « Soumis avec sincérité à la grande loi du régime parlementaire, je n’entrerai jamais en lutte contre la volonté nationale exprimée par ses organes constitutionnels » (C’est ce qu’on appelle la constitution Grévy » : la dissolution devient durablement suspecte ; le chef de l’Etat est toujours susceptible d’être une menace et doit être cantonné ; le gouvernement n’a des comptes à rendre qu’aux chambres et le président de la république doit le choisir parmi la majorité de l’Assemblée) 17 Ccl : Il faut dire ici l’importance des commencements et des premiers arrangements institutionnels. Ce qui naît dans la contingence de la crise du 16 mai signe la naissance d’un régime parlementaire redéfini et légitimé En 1879, la « Constitution Grévy » signe quant à elle l’émergence d’un régime parlementariste, dans lequel l’exécutif se refuse tout pouvoir d’agir sur la Chambre des députés, qui, elle, peut renverser, le gouvernement. Signalons aussi que le Sénat peut renverser le gouvernement (dont il est dit qu’il est responsable devant LES chambres) alors même qu’il ne peut être dissout. Ces premières années de la IIIe République installent une méfiance durable des députés à l’égard du chef de l’Etat et de l’administration. 1.2.le consensus parlementaire et républicain de 1875 à 1900 la républicanisation des institutions : Parlementarisation du régime mais aussi démocratisation et républicanisation : Le suffrage devient le principe général de désignation (suppression des sénateurs inamovibles en 1884 : fin de la nomination des maires en 1882) marginalisation du personnel politique monarchiste ou bonapartiste ; à partir de 1889, les républicains emplissent à eux seuls quasiment tout l’espace politique la symbolique républicaine est affichée (14 juillet devient fête nationale en 1879, Marseillaise comme hymne national, suppression des prières publiques au début de la session parlementaire en 1884) Le programme républicain de Belleville – proclamé en 1869 à la fin de l’Empire – est mis progressivement en place : vote des grandes lois républicaines sur la liberté de la presse, la liberté syndicale, et la liberté d’association, l’obligation scolaire, la laïcité. les libertés publiques sont au cœur des grandes lois de la république La question des institutions tend à se régler (même si le régime semble toujours fragile et à protéger y compris avec des mesures d’exception contre tous les complots) et de nouveaux conflits vont surgir au tournant du siècle (question sociale) produisant de nouveaux clivages politiques. 1.3 A partir de 1890 : droitisation des gouvernements et essouflement des républicains Programme scolaire d’instruction publique (programme républicain élaboré à la fin du Second Empire) est largement entamé 18 Programme de laïcisation de la société (retirer le magistère du peuple aux ecclésiastiques) est lui aussi engagé : tribunaux, écoles, cimetières et hôpitaux, charité, administration sont laïcisés. Par ailleurs, les relations avec l’Eglise s’apaisent. L’encyclique Rerum Novarum de Léon XIII publiée en 1891 y contribue : constatant l’anarchie et l’injustice de la société industrielle, Léon XIII propose une charte économique et sociale qui reconnaît la nécessité de l’intervention de l’Etat et jette les bases d’un droit du travail. Souci de se réconcilier avec la France et montée de la question sociale et de la démocratie dans la plupart des pays de tradition catholique : le pape appelle à l’union autour des intérêts communs de la patrie et reconnaît la république et le suffrage universel Les majorités parlementaires apprennent à protéger la République : ils affrontent les premières crises et trouvent dans la coopération des moyens de les surmonter. Solutions institutionnelles (ainsi de la cour de justice) sont trouvées face à la menace qu’a représenté la mobilisation autour du général Boulanger. Les républicains sont devenus des élus bien enracinés localement ; ils remplacement progressivement les notables même s’ils ne sont pas des propriétaires fonciers (plutôt des avocats, des médecins, des enseignants, des journalistes) même s’ils ne sont pas des nobles A la chambre des députés, se dessinent des majorités nouvelles dite de « conjonction des centres » qui regroupent en fait la droite et le centre de l’hémicycle. Apaisement généralisé et disparition des enjeux sur lesquels s’était fondé ce premier républicanisme. La stabilisation d’une première organisation de la vie politique sous la IIIe République est marquée par - la domination des représentants élus : Les républicains ont défendu une conception de la représentation politique assez traditionnelle : l’ancrage local, la personnalisation des relations entre élus et électeurs, la faiblesse des repères politiques et liberté des parlementaires lorsqu’ils siègent à la chambre. - la faiblesse des partis : jusque la fin du XIXe siècle, on compte quelques rassemblements d’élus faiblement structurés - des citoyens qui n’interviennent qu’au moment des élections Certaines transformations pourtant du jeu politique : 19 - Les campagnes électorales se transforment, se publicisent, entre fête sociale d’un genre nouveau et moment de familiarisation avec la politique (disqualification des échanges électoraux non politiques, des pressions et des faveurs, tendance à la délocalisation des élections et à leur dépersonnalisation, invention des programmes, professions de foi – Barodet 1881- , rôle accru de la presse qui fait de la politique une activité durable, débordant le temps de la campagne électorale, qui soutient des candidatures, tend à centraliser et homogénéiser l’offre politique, modifie les répertoires de mobilisation, etc) - Divisions nouvelles surgissent dans le camp républicain : les radicaux engagent des critiques et réclament face aux modérés qu’ils appellent des « opportunistes » un nouveau programme républicain : appelant à une réforme nouvelle des institutions (suppression du sénat jugé trop conservateur), à de nouvelles audaces (critique de la colonisation, forme de laïcité plus exigeantes, impôt sur le revenu) 2 L’invention du citoyen ou la démocratisation du régime (cf. Alain Garrigou, « Le secret de l’isoloir », Actes de la recherche en sciences sociales, n°71-72, 1988) D’une certaine façon, le citoyen va être lui aussi fidélisé et rattaché à des représentants et à des familles politiques républicaines Rappel : la question de l’émergence d’une figure du citoyen reste une question que l’on peut régler de différentes façons - rappeler d’abord que le mot « citoyen » emplit les débats de la période révolutionnaire : les droits du citoyen sont proclamés mais parmi ces droits inaliénables, le droit de vote est dissocié. Ce sont les représentants rassemblés en assemblée nationale qui fixent la composition du corps électoral. - on peut rappeler ensuite que pourtant, même sous la Révolution, le suffrage universel (masculin) a pu être proclamé mais il n’a jamais été pratiqué que sous des formes indirectes et confuses ; l’organisation déficiente de listes, des bureaux de vote, mais aussi l’organisation sociale très communautaire et hiérarchisée du monde social de l’époque produisent une très faible mobilisation d’électeurs en grande partie indifférents à cette innovation politique (un homme = une voix comme principe assez étranger à la société du 18e siècle) - on peut rappeler également que la proclamation du suffrage universel masculin est cette fois officielle et durable à partir de 1848. Le suffrage universel direct est inscrit dans la Constitution de la Seconde République. 20 - Mais là encore, la proclamation du suffrage universel direct ne suffit pas car le citoyen qui se dessine en pratique ne correspond pas à l’image démocratique idéale d’un citoyen informé, intéressé par les affaires publiques, qui se ferait une opinion individuelle et motivée et pourrait l’exprimer librement et secrètement. Dans les faits et pour de nombreuses décennies, le citoyen reste pour une large part sous influence (des notables, des patrons, des curés), peu intéressé par les affaires publiques ; il se mobilise en fonction de considérations sociales même si certains hommes politiques, souvent des républicains, sont disposés à jouer du suffrage pour se faire reconnaître sur la scène politique. Ces hommes politique prennent conscience qu’il faut intéresser les électeurs à la vie politique, produire un discours audible, insérer les programmes et promesses politiques dans la vie et les expériences sociales quotidiennes, De fait, progressivement sous la IIIe République, plus en plus d’individus se reconnaissent dans un courant d’idées politique et sont prêts à aller voter en fonction de ces nouvelles dispositions. Cet intérêt n’est pas toujours constitué de lectures de programmes mais il y a des nouvelles formes de solidarités sociales plus politisées Les républicains, nouveaux venus en politique ont ainsi tenté de faire surgir un électeur qui se rapproche du citoyen, davantage familier avec les sigles et les objectifs politiques. Ils ont d’une certain façon réussi puisque sous la IIIe République, le monde rural jusque-là dominé par des notables monarchistes passent dans le camp républicain (le Sénat devient républicain en 1879) Comment constituer le vote en outil d’émancipation sociale et non pas en système de légitimation et de consécration des autorités sociales ou gouvernementale (Second Empire) en place ? Les premiers républicains se confrontent à ce problème : dans une société largement hiérarchisée comment faire surgir les conditions d’un vote personnel, sincère et libre, sans pression ? Favoriser une conscience individuelle du vote semble l’objectif d’une série de réformes touchant à l’organisation matérielle du vote : - réforme du mode de constitution des listes électorales : le maire avait le monopole de constitution des listes (fraudes) ; après 1874, c’est une commission formée du maire, d’un délégué du conseil municipal et d’un délégué de l’administration (choisi par le préfet) - réforme de l’organisation du bureau de vote : depuis 1852, le maire ou les représentants du maire contrôlent le bureau. En 1884, la présence d’électeurs au bureau devient indispensable. Des troubles demeurent. Certains réclament que les représentants de tous les candidats en présence 21 soient au bureau. EN 1913, les candidats se voient donner l’autorisation de désigner des scrutateurs au moment du dépouillement. - réforme de l’acte de vote lui-même visant à garantir le secret et liberté du vote (rappelons que le vote secret avait été proclamé – sans succès – dès la Révolution française). Le vote secret fait peur à beaucoup de représentants politiques jusqu’au début du XXe siècle : admettre une part d’imprévisibilité du vote est tout bonnement difficilement tolérable pour les élites politiques en place, y compris les élites républicaines Loi du 29 juillet 1913 institue le secret et la liberté du vote en réformant l’acte de vote, la fabrication et la préparation des bulletins. Sous le Second empire, l’électeur préparait son bulletin hors du bureau sur un papier blanc et sans signes extérieurs. Il remettait ce bulletin fermé au président du collège électoral qui le déposait dans l’urne. Ce bulletin pouvait être imprimé et distribué par les candidats. il était parfois reconnaissable et la pression était d’autant plus forte que ce bulletin était distribué tout près de l’urne. Sous la Troisième République, le débat sur le secret du vote se focalise sur des questions très matérielles : l’uniformisation des bulletins, son enveloppe, l’isoloir. Les débats parlementaires de 1913 montrent encore des députés opposants à l’isoloir qui évoquent sous un mode fantasmatique (l’ouvrier avec ses gros doigts incapables de glisser le bulletin dans l’enveloppe) l’électeur populaire comme un incompétent, incapable : on voit ainsi que les élites politiques ont du mal à s’accommoder du suffrage universel. Conclusion de ce point l’isoloir constitue une technologie d’intimisation et légitime une représentation idéalisée du vote en conscience. L’isoloir place l’électeur devant un devoir d’opinion : il lui intime de se conformer à son rôle. Le vote secret, protégé par une enveloppe que seul l’électeur est en droit de toucher est ainsi sanctuarisé, sanctifié. Les hiérarchies sociales sont réputées ne plus s’inscrire dans les urnes. L’isoloir n’est pas qu’une cabine d’isolement ; il constribue à la construction d’un être fictif politique, le citoyen, différencié de l’être social. L’isoloir parachève l’entreprise engagée avec la Révolution française de création d’un être nouveau, abstrait, en partie irréel, le « citoyen », différent de l’homme réel concret, engagé dans tous les liens de la vie réelle (y compris des liens de dépendance, de clientèle). De fait, des solidarités sociales nouvelles sont politisées : l’appartenance de classe par exemple (et le lien qui se crée entre les instituteurs et les socialistes, entre les classes moyennes et les radicaux) mais encore la pratique d’un sport ou d’une religion. L’électeur démocratique est censé choisir selon des principes politiques celui qui va le représenter. 22 Ce nouveau citoyen semble domestiqué par les parlementaires qui réussissent à se faire réélire et à fournir de nouvelles allégeances politiques relativement stabilisées à une « clientèle électorale ». B Du tournant du siècle aux années 1930 : le monopole des représentants au parlement est de plus en plus contesté Les parlementaires ont pris les commandes de la vie politique aux débuts de la troisième République, une fois la « constitution Grévy » consacrée. Ils incarnent un modèle de la délibération parlementaire où tous les députés sont des individus qui débattent, argumentent, tentent de convaincre, se font une idée et votent en conscience. A chaque fois dans le cours de la délibération, ils peuvent changer d’alliés et donc perturber la majorité précédente qui avait investi un président du Conseil. Les députés ne sont pas durant toute la législature les représentants des électeurs ; ils se dégagent de leur contrôle et du contrôle du parti qui les avaient investi et sous l’étiquette duquel ils se sont présentés. En effet, ils ne semblent guère engagés par une promesse électorale ou le programme d’un parti et ne respectent pas une discipline de groupe. Tout cela nourrit en pratique la souveraineté de la délibération parlementaire. Or, cette vision de la « bonne » représentation politique et les pratiques qui lui sont associées sont de plus en plus contestées au début du XXe siècle 1. LA montée d’acteurs politiques « collectifs » : partis, syndicats, opinion publique, intellectuels 1. 1 un épisode fondateur d’un nouveau jeu politique : l’affaire Dreyfus C’est une affaire politico-judiciaire qui dure de 1894 à 1906. L’affaire a clivé, elle a eu un effet de politisation générale : - sur les parlementaires d’abord : l’affaire a favorisé le regroupement des radicaux, radicaux-socialistes, des socialistes, défenseurs de Dreyfus. Elle ad divisé à droite et constitué de nouveaux camps politiques entre dreyfusards et antidreyfusards. Beaucoup des républicains opportunistes ont glissé dans le camp antidreyfusard. L’étiquette républicaine ne suffit plus à définir des camps politiques - sur la structuration de la compétition politique : Le clivage droite gauche prend de la force à ce moment avec la redéfinition de ses contenus : l’anticléricalisme est une des marques de la gauche dans un premier temps. 23 Le nationalisme, l’antisémitisme deviennent des marqueurs de la droite la plus conservatrice. C’est un moment où la discipline républicaine entre courants de gauche se met à fonctionner ; on trouve une délégation des gauches à l’assemblée qui fait exister dans l’enceinte du Palais Bourdon ce qu’on voyait durant la campagne. Une certaine stabilité liée à des pratiques parlementaires plus disciplinées, notamment chez les radicaux, caractérise cette période que l’on appelle parfois la belle époque : ministère Waldeck Rousseau 1899 1902 , ministère Combes (1902 1905) ou ministère Clemenceau (1906 1909) - sur les clivages religieux : l’enjeu clérical est de nouveau au cœur de la compétition politique. Les dirigeants catholiques, en partie par antisémitisme, ont rejoint le camp antidreyfusard. Les relations entre la IIIe République et le Vatican sont stoppés en 1904. L’anticléricalisme va faire la force du parti radical. Loi de 1901 sur la liberté d’association mais contrôle des congrégations religieuses ; à partir de 1902, les politiques gouvernementales sont très sévères vis-à-vis des congrégations religieuses (Emile COMBES se fera un nom là-dessus) : on peut voir là l’expression du poids des francs-maçons mais aussi de la ligue des droits de l’homme qui sont des groupements très présents au sein du parti radical - - sur la multiplication des acteurs susceptibles de participer à l’orientation de la vie politique ; l’armée, tout au long de l’Affaire Dreyfus montre ses tentations antirépublicaines et sa capacité à ignorer les ordres gouvernementaux, les intellectuels et la presse entendent lancer des combats politiques hors du Parlement, l’opinion publique même est sollicitée. 1.2 La montée en puissance de l’acteur collectif partisan entre 1900 et 1930 Au tournant du siècle et un peu partout sur l’échiquier politique, de nombreuses naissances d’un genre politique inédit modifient profondément la vie politique. Les partis politiques apparaissent entre la fin des années 1890 et les années 1905 ; il y aura une nouvelle vague de créations partisanes dans les années 1920 (parti communiste, et ligues nationalistes). Pour des raisons au départ en partie matérielles (le coût des campagnes de plus en plus concurrentielles s’élève), les élus doivent de plus en plus se regrouper, se ranger derrière des étiquettes collectives, se faire investir par des fédérations partisanes, défendre des programmes et s’appuyer sur des militants pour faire campagne. On voit monter le poids des 24 dirigeants du parti et des militants qui de fait en viennent à concurrencer les élus pour la direction de la vie politique. Trois caractères de ces embryons d’organisation partisane : permanentes, elles se différencient progressivement des comités électoraux. Nationales, elles désignent des candidats sur l’ensemble du territoire. Développant un programme idéologique, elles supposent une discipline collective minimale des élus qui sont investis sous l’étiquette partisane. Malgré cette convergence, les partis offrent aussi de grosses divergences organisationnelles : Maurice Duverger dans son livre sur les partis politiques publié en 1951 établit une célèbre distinction entre les partis de cadre (faiblement structurés, sans militant, regroupés autour de quelques notables élus) et les partis de masse (structurés, hiérarchisés, centralisés, abritant un pôle militant qui peut contrôler ou même dominer le pôle des élus) On peut rappeler comment cette dynamique de la constitutions de partis joue sur tout l’échiquier, de l’extrême droite à l’extrême gauche et comment se repèrent ces distinctions organisationnelles : A l’extrême droite : d’abord marquée par la question des institutions (l’extrême droite est encore monarchiste dans les premières décennies de la IIIe République) elle se fédère dans les années 1900 autour de nouvelles thématiques : l’antiparlementarisme, le nationalisme ou l’antisémitisme. Ainsi l’action française, fondée en 1899 se nourrit des ligues anti-dreyfusardes. C’est une organisation militante très structurée et bien implantée dans le monde étudiant. C’est un mouvement radical et violent en même temps qu’un mouvement d’opinion rassemblé autour de la pensée de Charles Maurras philosophe nationaliste, antisémite, catholique et royaliste. Quatre ennemis sont désignés : les métèques, les francs-maçons, les protestants et les juifs. Lors de la victoire électorale du Cartel des gauches en 1924, la dynamique de l’action française est relancée et si en 1926 la condamnation du pape bouleverse le mouvement, le processus de radicalisation est encore renforcé. Cette droite extrême fournit peu d’hommes au Parlement ou au gouvernement mais elle pèse sur la vie politique par le militantisme, la diffusion des idées, la violence politique et la manifestation A droite, plusieurs groupes se forment au tout début du 20e - chez les conservateurs, on trouve l’action libérale populaire (ALP) fondée en 1902 par Jacques Piou qui a contribué au ralliement de certains catholiques à la République. Le mouvement vise la défense des libertés religieuses et bénéficie du soutien du clergé et de l’infrastructure catholique, ce qui lui 25 permet un développement rapide : jusqu’à 250 000 adhérents et 2000 comités locaux en 1910 ; l’ALP recrute chez les catholiques conservateurs mais aussi dans le catholicisme social et ses organisations de jeunesse. Le parti tente de faire tenir ensemble ces deux courants du catholicisme. Par ailleurs, l’ALP tient un groupe parlementaire d’une soixantaine d’élus jusque 14. En gros, l’ALP, est une sorte de parti démocrate chrétien : s’il a développé son pôle électif (75 élus en en 1906) ; il est aussi un parti militant du fait de son infrastructure catholique. Il soigne son programme : réforme du mode de scrutin, représentation des professions au sénat pour assurer une réforme sociale pacifique contre les socialistes. L’ALP périt du fait des divisions catho entre les plus réformistes et les catholiques nationalistes antiparlementaires : entre 1919 et 1925 la majorité des membres catholiques les plus modérés rejoint les rangs de la fédé républicaine. Absence de démocratie chrétienne en France - à droite toujours, on peut citer la Fédération républicaine fondée en 1903 et qui regroupe l’aile droite des républicains modérés, dits opportunistes. C’est un parti structuré de façon assez souple autour de comités électoraux locaus et de notables émus, lié à une bourgeoisie industrielle et hostile à toute réforme. les militants restent peu nombreux. - au sein de la droite modérés, l’alliance républicaine démocratique ARD est fondée en 1901 ; elle compte beaucoup de députés et parmi eux, beaucoup participent à des gouvernements de la IIIe République (notamment, dans l’entre-deux guerres entre 1919 et 1939, lorsque la majorité parlementaire est conservatrice). L’ARD est marquée par la prééminence de grands députés ministres et souvent présidents du conseil : Waldeck Rousseau, Raymond Poincaré, André Tardieu, ou encore Paul Reynaud. On le comprend, l’ARD est un parti qui n’est pas vraiment un parti de militants mais un partis d’élus et de ministres, un rassemblement de personnalités des gouvernements, familiers des jeux parlementaires. Ils n’ont pas de programme fixe, ni de doctrine fédératrice mais des lignes politiques se dégagent dans l’action et en situation attachées à l’ordre et au libéralisme éco, modérément cléricales - Au centre de l’échiquier politique, on trouve le parti radical, une organisation qui se structure au début du 20 e siècle et qui va marquer les troisième et la quatrième Républiques parce que elle a beaucoup d’élus et qu’elle se trouve très souvent en position soit de prendre la tête de gouvernements, soit de jouer le rôle de parti d’appoint nécessaire à la formation des majorités. Les 26 députés radicaux développent ainsi une capacité à gouverner avec la droite ou avec la gauche selon les conjonctures. En 1901, le Parti radical est fondé c’est-à-dire que 78 sénateurs, 201 députés, 476 comités, 155 loges maçonniques, 215 journaux y adhèrent. On peut ainsi voir dès l’origine que le parti radical connaît des tensions entre le pôle militant et le pôle des élus. Grossièrement, le parti radical est un parti avec des militants et des dirigeants, un congrès et un programme mais il a des élus qui ont du mal à se discipliner et à tenir compte, tout au long des législatures, des programmes partisans. Durant les campagnes électorales, les militants et les dirigeants du parti radical réussissent à orienter les promesses et les alliances électorales mais les députés, une fois élus, retrouvent en quelque sorte leur liberté de pensée, de vote et d’alliance A gauche, ce sont désormais les socialistes (et non plus les radicaux) qui viennent occuper l’espace politique et parlementaires. Avant 1905 ; il y a plein de petits groupements qui entendent représenter un peuple nouveau : celui des prolétaires d’usine. Les petits artisans, fonctionnaires ou les intellectuels sont eux, en partie déjà représentés par les radicaux. Au début du siècle les mouvements socialistes sont divisés : certains socialistes se prononcent pour la participation à l’espace parlementaire et acceptent même d’aller dans des gouvernements dirigés par des radicaux. Alexandre Millerand, qui deviendra par la suite un président de la république plutôt à droite est le premier socialiste à devenir ministre en 1899. Ces socialistes dits « indépendants » fondent le parti socialiste français en 1902 et obtiennent 37 élus aux législatives de 1902. Ils soutiennent le gouvernement d’Emile Combes qui est un radical connu pour son anticléricalisme. Mais il y a un second pôle plus marxiste qui reste opposé à la participation au gouvernement ; c’est le parti socialiste de France qui compte peu d’élus (12 en 1902) mais qui montre une bonne vitalité militante. En avril 1905, tous ces groupements se regroupent dans un même parti et fondent la SFIO ; même les indépendants acceptent la fusion, d’autant plus que leur compromis avec les radicaux se délite ; seule une fraction des indépendants (Millerand ou Aristide Briand notamment) refuse l’adhésion et continue les alliances avec les radicaux. Jusque 1920, date de la création du parti communiste, la SFIO reste partagée entre action ouvrière et représentation parlementaire. Le poids des parlementaires augmente car la SFIO connaît des succès électoraux (52 députés SFIO en 1906, 75 en 1910 et 103 en 1914 ; 1 400 000 voix aux élections de 1914 et pas plus de 80 000 adhérents. Les fédérations du parti sont puissantes au moment du choix des candidats mais elles perdent du poids ensuite. Les syndicats restent à distance car ils prônent l’autonomie ouvrière, ce qui « droitise » le parti et lui interdit une forte structuration ; les syndicats ouvriers à forte composante anarchiste, et 27 longtemps défenseurs d’un programme ouvriériste sont très méfiants vis-à-vis des parlementaires socialistes, qui appartiennent à des couches sociales plus cultivées et aisées (journalistes enseignants ou avocats) et sont pour les syndicalistes toujours disposés à les trahir. En 1920, les choses se compliquent à gauche et pour longtemps avec la scission de la SFIO en deux au Congrès de Tours ; le Parti communiste voit venir vers lui la majorité des adhérents et la SFIO, reste minoritaire, mais garde une bonne partie des parlementaires. Le parti communiste adopte, sous injonction de l’Internationale communiste, un mode d’organisation totalement différent : le parti est structuré sur la défiance vis-à-vis des parlementaires, sur la valorisation à l’inverse du pôle militant, sur la revendication d’un monopole de représentation de la classe ouvrière et sur une discipline politique très hiérarchisée au nom du centralisme démocratique. Même si les communistes du monde rural se distinguent de ceux qui militent dans les régions ouvrières, la règle officielle est celle de la soumission uniforme aux ordres, à l’idéologie, à la stratégie du Comité central et de l’Internationale communiste. La naissance du parti communiste tend à rejeter la SFIO un peu plus à droite. Conclusion : La compétition politique n’oppose plus seulement des personnes mais des collectifs. Le travail politique est de moins en moins individuel : envois de poste, confections de journaux, copie de listes électorales, distribuer des bulletins, les imprimer, les relier, collecter et centraliser des fonds La forme la plus spectaculaire de cette collectivisation de l’activité politique est bien sûr la généralisation des partis politiques sur l’ensemble de l’échiquier politique. Cela dit, ces partis sont structurés différemment (partis de cadre/partis de masse) et certains au fond ne perturbent guère la prééminence des parlementaires et le modèle de la souveraineté parlementair 1.3 La montée en puissance de l’’exécutif Rappel : apparemment l’exécutif est impuissant sous la IIIe République et la rupture intervient en 1958 avec la Ve République. C’est vrai si l’on se focalise sur les rapports entre les pouvoirs institutionnels : de fait, depuis la crise du 16 mai 1877 et la renonciation de Jules Grévy à l’arme de la dissolution, le Parlement investit le président du Conseil et peut renverser les gouvernements sans craindre de représailles politiques. Mais ce n’est pas vrai si on se réfère à l’action publique, et même à la capacité de légiférer qui est bien plus partagée entre députés, ministres et fonctionnaires qu’on ne le dit. 28 - le nouvel interventionnisme social et économique de l’Etat : A partir de 1905 – 1906, l’émergence d’un mouvement ouvrier, dans le contexte de l’industrialisation perturbe à nouveau la structure des clivages politiques : la question sociale envahit l’espace social (grèves ouvrières, grèves de fonctionnaires) et politique, obligeant les gouvernements radicaux à des concessions (création d’un ministère du travail en 1906 et lois sur la retraite ouvrière et paysanne en 1910). Cela dit, les radicaux, s’ils font des concessions, montrent également une grande fermeté répressive qui les éloigne des socialistes : Clemendeau ou Briand, qui sont à l’époque des radicaux répriment rudement des grandes grèves (postiers en 1907, bâtiment en 1908, cheminots en 1910) ; La trajectoire de Clemenceau est exemplaire de ces basculements de conjoncture : Clemenceau commence sa carrière à l’extrême gauche ; très virulent à l’assemblée contre les opportunistes, anticolonialiste farouche, adversaire du Sénat qu’il voit comme une institution réactionnaire à supprimer. Ardent dreyfusard, il défend Zola et l’Aurore. Mais il devient à partir de 1906 un ministre de l’intérieur extrêmement dur, organisant la répression des grèves ouvrières (il s’appelle le premier flic de France) et finira sa carrière en étant largement combattu par la gauche. « Père la victoire » durant la première guerre mondiale, il combat aussi les désertions et les mutineries sans faiblir et s’oppose à partir de 1917 aux parlementaires en restreignant très fortement leur capacité d’expression. Les radicaux au pouvoir contribuent à mettre à l’ordre du jour des lois en matière sociale qui élargissent le périmètre d’intervention de l’Etat en matière économique et sociale ; citons la loi sur les accidents du travail en 1898 qui rend obligatoire une assurance financée par les patrons, la loi sur les retraites ouvrières et paysannes en 1910, loi sur l’aide aux familles nombreuses en 1913, la loi sur la journée de 8 heures en 1919 L’administration se renforce et de nouveaux ministères voient le jour, développant une expertise sur le domaine social : un ministère du Travail et de la prévoyance sociale est fondé en 1906 par Georges Clemenceau, alors président du Conseil et le premier des ministres du travail est un socialiste, dit indépendant, qui accepte l’alliance avec les radicaux : René Viviani. En 1906, l’agitation sociale est à son combe (1300 grèves d’une durée moyenne de 19 jours). LA CGT organise des manifestations spectaculaires le Premier mai. Ce ministre du Travail lance des projets de lois qui instaure le dialogue social : loi 29 de 1907 sur la parité syndicat salariés et patrons aux conseils de prudhommes, loi de 1909 obligeant l’employeur à verser régulièrement le salaire en monnaie légale ; loi de 1910 qui créé le code du travail - accélération brutale de cette montée de l’exécutif, durant la première guerre mondiale En temps de guerre, il faut de la rapidité d’exécution et la souveraineté de la délibération a dû être amendée : les députés acceptent l’idée que c’est l’exécutif et l’administration (le gouvernement, mais aussi l’armée) qui prennent les choses en main Or, très vite, on s’installe dans une guerre longue, de position. Les deux chambres décident alors de siéger en permanence pour ne pas laisser l’exécutif seul à la manœuvre et tenter de trouver les moyens de le contrôler mais, de fait, c’est un peu l’expérience de la relégation du parlement qui s’opère, notamment lorsque Clemendeau devient président du conseil en 1917 (jusque 1920) : d’importants pouvoirs de police sont confiées aux autorités militaires, la liberté de l’information est limitée. La vie politique est mise en sommeil dans un premier temps même si une tension demeure entre les exigences de secret du commandement militaires et les demandes parlementaires qui au fur et à mesure que la guerre se prolonge, deviennent plus pressante. A la fin de la guerre, les décrets issus du gouvernement ont très largement remplacé les lois dans la gestion politique des affaires du pays . le périmètre d’action de l’Etat s’étend tout au long de la guerre : dans le domaine de l’économie (gestion des usines d’armement, organisation de la main d’œuvre) et dans le domaine sanitaire et social Conclusion: Cette extension du rôle de l’Etat n’est pas seulement conjoncturelle : elle était déjà engagée par les gouvernements radicaux du début du siècle (loi sur les retraites de 1910 oblige par exemple à accroître les capacités d’intervention de l’Etat). La bureaucratie se développe et quadrille le territoire, inventant des savoir-faire inédits (recenser, contrôler, distribuer des prestations, etc). Des politiques publiques prennent en charge des questions nouvelles : la natalité, les assurances, le logement, la reconstruction (maisons et édifices publics détruits). Les parlementaires eux même doivent composer avec l’Etat ; ils trouvent dans l’administration une expertise dont ils ont besoin. Les lois, les réformes sont davantage coproduites par le parlement et le gouvernement. Mais le jeu politique (c’est-à-dire désigner des gouvernements, les faire tomber, gérer les alliances électorales) revient après-guerre aux parlementaires 30 2 LA REAFFIRMATION CONTESTEE DE LA « SOUVERAINETE PARLEMENTAIRE » 1919 1930 Dans un contexte marqué par la montée en puissance des partis et de l’exécutif, les parlementaires réussissent pourtant à garder une maîtrise du jeu politique, c’est-à-dire à faire nommer les gouvernements, à choisir les ministres, et à les faire tomber à tout moment. Les parlementaires continuent à forger leurs majorités au parlement et à ne pas tenir vraiment compte des alliances qui se sont nouées durant les campagnes électorales 2.1. Le contexte de l’après guerre ; polarisation sociale et union sacrée L’union sacrée contre l’Allemagne s’est forgée aux tout débuts de la guerre sur la tombe de Jaurès. Patriotisme populaire semble alors fort mais surtout cette union sacrée devient une quasi-norme pour des dirigeants politiques de tous bords et se comprend de fait comme une sorte de large alliance qui peut aller de la droite au centre gauche et qui laisse de larges marges de manœuvre aux parlementaires Ambiance euphorique de l’après -guerre : En janvier 1919, Georges Clemenceau surnommé le Père de la victoire est désigné par acclamation à la chambre président de la conférence de la paix qui aboutit à la signature du traité de Versailles le 28 juin 1919 ; la France retrouve l’Alsace et la Lorraine annexées par l’Allemagne en 1871. L’après-guerre consacre cette mystique de l’union sacrée dont la figure est l’ancien combattant, célébré et dans le même temps, porteur d’une revendication de retour à l’ordre. Cette union sacrée n’est pourtant pas si solide : elle s’est déjà affaiblie à la fin de la guerre comme le montraient les désertions, les mutineries mais aussi les grèves de l’arrière ; après-guerre, il y a de grosses mobilisations dans une ambiance révolutionnaire. Le gouvernement Clemenceau lâche du lest sur les primes de démobilisation et sur la journée de huit heures, mais réprime les mouvements qui naissent : grèves énormes à ce moment, quasi insurrectionnelle (métallurgie chemins de fer) Le mouvement est international (cf Allemagne). Cette radicalisation politique est la toile de fond des législatives de 1919. 2.2. Les majorités glissantes de l’après-guerre : alternances électorales et continuité gouvernementale 31 Enigme à résoudre : deux élections législatives en 1919 et 1924 très intéressantes à étudier car elles dessinent apparemment une véritable alternance : un bloc très conservateur est majoritaire en 1919 (il rassemble la droite et le centre droit) et en 1924 c’est une victoire du cartel des gauches (qui rassemble les radicaux, les radicaux socialistes et les socialistes) Pourtant ; au cours de ces deux législatures, ce sont finalement des gouvernements de centre qui vont gouverner et plus étonnant encore, c’est Raymond Poincaré qui est président du conseil de 1922 à 1924 et de 1926 à 1928, investi donc par des majorités parlementaires trouvées dans des assemblées opposes Assemblée de 1919 (total 613 sièges) : la chambre Bleu horizon (victoire du Bloc national) Tendance BLOC NATIONAL Nombre de sièges et % du total 433 (70,64%) - Union républicaine démocratique - gauche républicaine démocratique (attention au terme de « gauche » qui peut être trompeur) - républicains de gauche (idem) - indépendants et non inscrits - action républicaine et sociale GAUCHE 183 (29,85%) - parti républicain, radical et radical socialiste - Parti Républicain socialiste Ext- GAUCHE SFIO 86 (14,03%) 93 (15,17%) 61 (9,95%) 50 (8,16%) 46 (7,5%) 112 (18,27%) 26 (4,24%) 68 (11,09%) 32 Assemblée élue en 1924 (total 581 sièges) Victoire du Cartel des gauches TENDANCE CARTEL DES GAUCHES radicaux – SFIO) (alliance Nombre de sièges et % du total 327 (56,2%) - Parti républicain, radical et radical socialiste - SFIO - Républicains socialistes - gauche radicale EXT GAUCHE Parti Communiste (pas dans l’alliance DROITE ET CENTRE - 139 (23,92%) - Union républicaine démocratique - gauche républicaine démocratique - républicains de gauche - parti démocrate populaire 104 (17,9%) INDEPENDANTS 29 (4,99%) 104 (17,90%) 44 (7,5%) 40 (6,88%) 26 (4,48%) 199 (34,25%) 43 (7,4%) 38 (6,54%) 14 (2,41%) - de la victoire du bloc national en 1919 aux gouvernements de centre La campagne électorale de 1919 est très virulente, et centrée sur les désordre et l’antiblochévisme (affiche du bolchévique avec le couteau entre les dents) 33 Le Bloc national est composé de l’alliance démocratique et de l’Entente républicaine et démocratique : bloc favorable à un rapprochement avec l’Eglise, à la fermeté vis-à-vis de l’Allemagne et à la lutte contre les révolutionnaires. Le retour à l’ordre est le programme fédérateur : lutte contre le mouvement ouvrier. L’action répressive est continue : arrestation, action judiciaire, les directions syndicales se voient décapités, les grévistes sont remplacés par des « Jaunes » au nom de l’union sacrée et du relèvement de la nation). Programme clair et réussi sur ce point : la division syndicale et l’affaiblissement du mouvement ouvrier sont réalisées (effectifs CGT fondent : moins de 600 000)La division syndicale s’accélère : naissance de la CFTC en 1919 qui s’inspire de la doctrine sociale de l’Eglise et en 1921 scission de la CGT entre sa fraction réformiste majoritaire et sa fraction révolutionnaire minoritaire (la CGTU) Au début de la législature, la grosse majorité de la droite se retrouve bien dans les gouvernements et dans le programme accompli. Mais très vite, les gouvernements se reforment ailleurs, beaucoup plus au centre : il faut dire que les gouvernements investis durant la législature 1919 – 1924 rencontrent des difficultés sur des enjeux de politique étrangère, de politique monétaire et 34 financière. Sur ces questions, la droite regroupée dans le bloc ne présente pas toujours un point de vue identique ; les députés du bloc se sont éparpillés et les gouvernements se forment en « piochant » au centre. Les radicaux deviennent indispensables à la survie gouvernementale, et ce, dès 1920. Le gouvernement Poincaré en 1922 par exemple comprend des radicaux socialistes et des républicains socialistes. Dans ces conditions, le programme énoncé durant la campagne perd de sa consistance ou en tout cas vise l’unanimisme : retour à la thématique de l’Union sacrée ce qui implique un certain conservatisme et de nouvelles orientations politiques plus « réalistes » : fin du mot d’ordre « L’Allemagne paiera », révision du montant des réparations allemandes pour dommages de guerre, mesures impopulaires prises contre la spéculation (augmentation des impôts de 20 % et diminution des emplois de fonctionnaire) sous injonction des banques étrangères (anglaises et américaines) qui exigent pour prêter de l’argent une remise en ordre des finances publiques. En augmentant les impôts au début de l’année 1924, Poincaré a pris le risque d’une défaite électorale assez logique. Conclusion : la droite a montré ses divisions dans le contexte de l’après-guerre et ce sont finalement des gouvernements centristes au sens large qui ont mené des politiques de gestion financière et monétaire. Les radicaux ont aussi démontré leur capacité, dans des conjonctures, critiques, à « oublier » ou « contourner » leur position durant la campagne électorale - du cartel des gauches aux gouvernements centristes La victoire du Cartel des gauches, a été précipitée par la politique impopulaire de redressement financier lancée par Poincaré en fin de législature précédente. La campagne électorale de 1924 se fait très à gauche au parti radical : les militants radicaux ont dénoncé leurs leaders parlementaires qui ont participé aux premiers gouvernements de Poincaré durant la législature précédente. Edouard Herriot, chef des radicaux, réussit à re-discipliner le parti radical un peu plus à gauche. Il réussit même à obliger la SFIO en reconstruction à des accords électoraux : la base c’est l’anticléricalisme ; mais aussi l’amnistie des mutins ou des pacifistes de même que des grévistes réprimés après-guerre ; accord également contre les décrets lois Poincaré. On peut observer un premier décalage entre la campagne très radicale dans la presse de gauche et les professions de foi des députés cartellistes plutôt prudentes. On peut citer aussi ce journal Le Quotidien, créé en 1923 et qui passe pendant la campagne de 200000 à plus de 350 000 exemplaires ; le journal entend jouer l’opinion contre ses représentants. Au lendemain des 35 élections du 11 mai 1924 il présente le programme attribué au Cartel pour « le faire entrer dans toutes les têtes à commencer par les têtes parlementaires » Or, la victoire électorale du cartel est très fragile ; minoritaire en suffrage et sans large bases parlementaires. En effet, la SFIO soutient sans participer. Le président du Parti radical Herriot est nommé premier ministre ; il forme un gouvernement de centre gauche avec 13 radicaux ; le gouvernement rencontre des difficultés sur les lois d’amnistie qui mobilisent les anciens combattants (dans le cas de l’amnistie des mutins) la droite antibolchévique (dans le cas d’amnisties de meneurs des grèves réprimés en 1920. Le gouvernement Herriot est confronté à de graves problèmes économiques comme les gouvernements de la législature précédente : un impôt forcé est levé ; mais le pays se trouve en état de faillite larvée. Certains ont parlé de la « levée d’un mur d’argent » face à la gauche, évoquant par là la spéculation financière des industriels et des financiers, l’attitude peu coopérative des banques et surtout de la Banque de France qui publicise la mauvaise santé monétaire du pays, et la méfiance des épargnants, qui sous pression des banques et de l’église catholique ne répondent guère au lancement de deux emprunts, pourtant assez favorables, par le gouvernement.. Une des solutions qui reste pour le gouvernement du Cartel aurait été de s’aligner sur le programme socialiste de taxation du capital ce que fait finalement Herriot en sachant qu’il va tomber au Parlement sur ce terrain (les députés libéraux d’un point de vue économique sont nombreux y compris chez les radicaux) ; en avril 1925 même pas un an après le vote, les sénateurs renversent le gouvernement Herriot. A partir de 1925, délitement du cartel et glissement à droite des majorités de gouvernement fabriquées à la Chambre des députés La chute du Cartel est intéressante car ici les parlementaires ne sont pas seuls à l’origine du renversement du gouvernement. Ce dernier a été confronté à des acteurs nouveaux (les banquiers, les épargnants mais aussi des mouvements d’extrême droite très virulents) qui ont réduit ses marges de manœuvre en matière financière et monétaire. Le retour de la droite et du centre, non cartellistes, au pouvoir vient de cette pression Ainsi, on observe de nouveau au cours de la législature 24-28 ce phénomène de majorités glissantes. Un gouvernement Painlevé (républicain socialiste) remplace le gouvernement Herriot en 1925 avec des soutiens mêlant des députés de centre gauche et de centre droit. L’augmentation continue des difficultés financières conduit le gouvernement à faire un nouvel emprunt auprès des banques américaines qui exigent de la France la fin des 36 revendications en matière de dette de guerre par rapport à l’Allemagne. EN 1926, le gouvernement, qui reste un gouvernement composé pour partie de membres du cartel des gauches fait face à une élévation de l’évasion fiscale et à une véritable panique financière en même temps qu’à des manifestations très violentes de mécontentement de l’opinion. La chute du gouvernement Briand en 1926 met fin au cartel des gauches : les radicaux rejoignent la droite et les socialistes passent dans l’opposition. On revient à ce qu’on appelle à l’époque des gouvernements d’union nationale qui sont de fait des gouvernements de majorités transformistes, opérant dans un large centre de l’échiquier politique. Le retour de Poincaré au pouvoir dans un gouvernement dit d’union nationale se comprend dans ce contexte de crise : la composition de ce gouvernement n’a plus grand chose à voir avec les résultats électoraux et les alliances partisanes de 1924. Il s’agit bien d’un gouvernement de crise restreint à 13 ministres dont 6 anciens présidents du conseil : la confiance est de nouveau à l’ordre du jour et les capitaux reviennent de l’étranger. Le président du Conseil Poincaré demande au parlement des pouvoirs spéciaux pour élargir ses marges d’action. De 1926 à 1929, on observe une accalmie sur le front des affaires financières et des affaires internationales Conclusion n°1 : Dans ces conditions, on comprend que les élections d’avril 1928 sont un succès pour Poincaré : 325 députés se réclament de lui sur 607 : les radicaux passent dans l’opposition et y resteront jusque 1932. Poincaré propose une politique de stabilisation, une réforme du service militaire qui repasse à un an : il entérine la fin d’une politique de puissance coloniale, et le développement d’une doctrine militaire défensive afin de protéger l’inviolabilité du territoire national (chantiers de la ligne Maginot commencent en 1928 et à partir de 1930, de gros crédits sont débloqués pour fabriquer le « bouclier »). On peut dire qu’on sort alors de l’après-guerre et des problèmes financiers et internationaux qui l’avaient caractérisée. Cette politique de stabilisation et d’apaisement passe par la mise en place de lois sociales : loi sur le logement social en 1928 (Loi Loucheur) ; loi sur les assurances sociales (chômage, maladie, retraite) en 1930 D’autres formes de crise politique vont se déployer après la démission d’un Poincaré épuisé. En 1929 Tardieu, un des chefs parlementaires de la droite, est investi comme président du conseil : il fait partie de cette nouvelle génération politique qui se définit comme celle des républicains constructeurs (« anticonformistes » des années 30 fascinés par les USA, la réforme de l’Etat, la rationalisation du parlementarisme et un pouvoir exécutif plus fort : favorable à la construction d’un grand parti conservateur à l’anglaise et à une discipline nouvelle des partis et des groupes) 37 Entrée dans une nouvelle ère dans laquelle l’union sacrée ne sera plus possible et les parlementaires se verront très sérieusement concurrencées par de nouvelles forces sociales et politiques Conclusion n°2 ; on a décrit ici le monde de la souveraineté de la délibération qui s’est construit et légitimé sous la IIIe République Ce monde de la souveraineté parlementaire est caractérisé par un monopole, au moins tendanciel, que détiennent les représentants élus dans l’orientation de la vie politique : la liberté de vote des députés “garantit” une véritable délibération où le résultat n’est jamais acquis à l’avance. Le gouvernement, ou le ministre qui défendent un projet, le président du Conseil qui défend une politique générale ne sont jamais certains du vote des députés, y compris de ceux qui étaient des soutiens dans des délibérations précédentes. A chaque nouvel enjeu, il leur faut gagner des majorités, et pour cela, convaincre par l’argumentation, du bien-fondé de leur position. Il fallait trouver « les diagonales du compromis » dit l’historien Nicolas Roussellier dans son livre Le Parlement de l’éloquence qui retrace cette période En ce sens, les parlementaires doivent tenir à distance les « verdicts » du scrutin et ne pas se lier les mains par des alliances électorales. Certes, sur les grands sujets constitués en « marqueurs idéologiques » comme la laïcité ou les institutions, il est parfois fait appel à une discipline de type idéologique mais, dans « le quotidien du parlementarisme », le gouvernement devait chercher la logique de son argumentaire entre plusieurs tendances ou plusieurs idées dominantes. Le meilleur chef de gouvernement est un spécialiste de la conciliation et non pas un leader. Gouverner pour l'essentiel, consistait à organiser la meilleure délibération possible en vue de la confection des meilleures lois possibles. Cette forme de gouvernement est légitimée en tant qu’elle permet de gouverner au-dessus des partis et en surmontant les divisions. Comme il faut sans cesse composer et négocier, c’est aussi une version de l’action politique très « réformiste » qui triomphe dans les faits ; il ne saurait être question de transformer la société de manière autoritaire et brutale mais trouver des points de consensus entre centre droit et centre gauche Cette conception de la souveraineté de la délibération parlementaire commence à être discutée et contestée : à gauche, le chef de la SFIO Léon Blum critique « ces chefs sans troupes classées et sans opinions définies, professionnels du gouvernement …, véritables déracinés de la politique ». Blum vise aussi le conservatisme associé à ce mode de direction politique qui trahit tout autant les militants que les électeurs. A droite, de plus en plus de groupes ou de dirigeants de parti sont hostiles à ce qu’ils appellent le bavardage parlementaire et préconisent 38 une légitimation des gouvernants au nom de la compétence qui permettrait de décider et d’être efficace. Ils envisagent une émancipation de l’exécutif du contrôle permanent de l’Assemblée, ce qui permettrait de fabriquer des gouvernements de législature (pendant 4 ans, les ministres auraient en quelque sorte les coudées franches). En fait, c’est aussi une critique de l’élection comme principe de légitimité qui est produite à droite et dans certains groupes d’ingénieurs, de hauts fonctionnaires qu’on commence à appeler des technocrates C Crise et effondrement de la démocratie parlementariste : de la crise des années 1930 au régime de Vichy Les manières de gouverner et de de légiférer deviennent instables et sont très largement dénoncées. Les accords entre groupes parlementaires et les ajustements de majorité deviennent impossibles à trouver. Des solutions sont recherchées et expérimentées avec un succès inégal durant les années 1930 (tentative de réforme de l’Etat autour de Tardieu, polarisation politique et partisane durant le Front populaire, émancipation de l’exécutif durant la présidence du conseil de Daladier), sous Vichy (mise à l’écart du Parlement et des partis) et sous la IVe (tripartisme, expérience Mendès France et construction d’une position arbitrale au-dessus et en dehors du jeu parlementaire) Attention, ici, on met le gouvernement de Vichy dans une histoire de la crise du parlementarisme et c’est bien sûr une simplification) 1 Les crises des années 1930 1.1. la réforme impossible du parlementarisme ; premières contestations internes et externes (1928 1934) Tentative de réforme interne du jeu politique autour de Tardieu 1929 Tardieu, président du conseil, et poulain de Poincaré, est aussi un rénovateur qui se veut un critique du régime parlementaire tel qu’il s’est développé Tardieu est porteur avec d’autres, d’une vision de la modernisation économique sur le modèle américain. Il propose une concentration de l’industrie et une 39 capitalisation plus forte. (problème : crise de Wall Street éclate lorsqu’il est investi président du conseil en 1929) Il est aussi porteur avec d’autres de la Réforme de l’Etat ; il s’agit dans la vie politique de valoriser les compétences pour accéder aux positions de direction. Il s’agit de rationaliser le parlementarisme, c’est-à-dire ici de contenir les parlementaires, de les discipliner autour du gouvernement et du même coup de renforcer les possibilités de décision de l’exécutif gouvernemental en restreignant le pouvoir de la délibération. Tardieu vise une organisation bipartisane de la vie politique. Il a été président du Conseil trois fois (en 1929, 1930 et 1932), mais les gouvernements qu’il a dirigés ont été assez brefs (moins de 1 an) : Tardieu a essayé de montrer l’exemple en ne négociant pas la composition de son ministère avec les président des groupes parlementaires et a voulu obliger – en vain – le parti radical – à choisir son camp (il voulait l’attirer durablement à droite en le séparant de la SFIO) Durant la campagne de 1932, Tardieu met la réforme de l’Etat et du système parlementaire au cœur des enjeux disputés. Il fait une campagne assez provocatrice en intervenant à la radio ; c’est-à-dire en parlant directement à l’opinion, sans médiation parlementaire. Ses idées sur la réforme de l’Etat sont associées par beaucoup de députés au risque de césarisme et le poids donné à l’opinion est renvoyé aux dérives plébiscitaires. Tardieu échoue comme le montrent les résultats des législatives de 1932 : les radicaux obtiennent leur meilleur score depuis 1919 et les droites essuient un recul. Surtout, la chambre des députés n’a jamais été aussi fragmentée ; le parti radical est le parti pivot de la fabrication des majorités mais la composition des gouvernements se révèle à partir de 1932 très « sportive ». Et ce à un moment difficile notamment sur le plan international (prise du pouvoir par Hitler) qui exigerait une capacité de l’exécutif à décider rapidement. La Chambre des députés est divisée et les partis le sont également. Nombreuses scissions (au PC, à la SFIO et au parti radical) qui trouvent leur origine dans l’émergence de nouveaux enjeux internationaux (le pacifisme et la position par rapport aux régimes fascistes allemands et italiens compliquent le jeu politique à droite comme à gauche, et ce, d’autant que la position de l’internationale communiste interdit jusque fin 1934 toute alliance entre socialistes et communistes) l’autonomisation extraparlementaire et la montée en puissance d’un espace 40 Ces professionnels de la politique qui se divisent doivent compter avec l’autonomisation et l’émergence d’un espace extraparlementaire particulièrement virulent : . montée et regroupement d’élites modernisatrices autour de la question de la réforme de l’Etat, enjeu désormais porté par des agents en marge ou extérieurs au champ politique (ingénieurs, intellectuels, hauts fonctionnaires, etc.) . montée de ligues extra (et anti)parlementaires puissantes: l’Action française toujours mais aussi création de la Solidarité française, radicalisation des Croix de feu, rassemblement des paysans dans les Chemises vertes, organisation des « classes moyennes », des contribuables (fédération des contribuables est créée en 1928). Ces ligues recrutent massivement, copient le répertoire des organisations de masse communistes ou fascistes : tenues et méthodes paramilitaires) 1.2 Le tournant de 1934 : scandales, mobilisations et constructions d’une alternative politique (34-37) L’affaire Stavisky devient l’événement catalyseur de la crise. (rappel de cet épisode qui concentre beaucoup de facteurs de déstabilisation ; escroc juif qui bénéfice de protections de magistrats, d’hommes politiques radicaux et francs maçons). La dénonciation de la corruption du régime prend un tour subversif dans les formations d’extrême droite. Le gouvernement dirigé par Camille Chautemps, radical et franc maçon, mêlé à l’affaire Stavisky doit démissionner. Le jour de l’investiture de Daladier, son successeur ,lui aussi radical, on voit converger des manifestations d’origine différent, vers la Chambre des députés et de l’Elysée ; émeutes, 15 morts, plus de 1400 blessés. Daladier démissionne malgré son investiture unanime. Symbole fort, le gouvernement a abdiqué devant l’émeute. Plus inquiétant encore, la défection des élites étatiques (magistrature, armée police), c’est-à-dire leur obéissance de plus en plus conditionnelles aux autorités de l’Etat, devient perceptible . dans un premier temps, on voit se développer une réaction des élites gouvernementales en place : une ultime tentative de faire passer la réforme de l’Etat (Doumergues en 1935) mais les soutiens parlementaires manquent . puis, une autre solution à la crise va être trouvée, non pas tant par les parlementaires mais par des militants puis des dirigeants de parti qui lancent mobilisation antifasciste au principe de la construction d’une alternative 41 politique. Cette mobilise s’organise de 1934 à 1936 et se termine par la victoire du Front populaire : Des initiatives politiques de toutes sortes, provenant d’intellectuels, de petits groupes organisés, de syndicalistes poussent les dirigeants des partis à l’union des forces de gauche (rappeler que ce n’est pas évident tant la SFIO et le Pc se sont affrontés depuis plus de 10 ans). Un pacte d’unité d’action contre le fascisme est signé le 27 juillet 1934 et se traduit par l’émergence d’une alliance inédite entre communistes socialistes et radicaux. Un programme de gouvernement est même élaboré : la SFIO et le PC demandent une dissolution de la Chambre, le vote à la représentation proportionnelle, une dissolution des ligues. Une alliance avec le parti radical (et avec Daladier contre Herriot à droite du parti) est trouvée. Le 14 juillet 1935 des manifestations inédites se déroulent en France qui sont des manifestations de la gauche unie ; La question d’un programme commun est réglée dans la perspective des législatives de 1936. Concessions sont réciproques mais objectifs et stratégies restent autonomes ; la campagne électorale de 1936 est très tendue. Forte participation électorale, victoire du Front populaire et le PC apparaît comme le grand vainqueur, au sens où il a réussi son intégration dans le jeu politique . L’expérience BLUM juin 1936 juin 1937 : c’est un moment rare de la IIIe non seulement parce qu’ il voit entrée des socialistes sur la scène gouvernementale, non seulement parce que, pour la première fois, les communistes soutiennent un gouvernement et avec lui les masses ouvrières font leur entrée sur la scène publique mais aussi parce qu’il y a une vraie opposition politique entre droite et gauche qui se dessine sur un mode très polarisé. Le ministère Blum commence par d’énormes grèves dans tout le pays, dont on ne sait pas si ce sont des grèves revendicatives, festives ou les deux. S’ouvrent le 7 juin à Matignon des négociations tripartites, syndicats, patrons, gouvernement. Les résultats sont connus : augmentation des salaires, congés payés, durée hebdomadaire de travail est réduite. Vote de grandes lois (fenêtre d’opportunité et retour d’une capacité politique de décision). On avait vu que le modèle de la souveraineté de la délibération favorisait plutôt les compromis, les réformes menées à petits pas ; ces premiers moments du Font Populaire échappent à ce modèle et marquent au contraire de grandes réformes structurelles, sociales et économiques . La fin du front populaire et le retour à un parlementarisme chaotique : radicalisation politique et sociale antifront populaire. Lâchage des radicaux 42 1.3. les dérives du transformisme parlementaire : la dictature Daladier, nouveaux clivages politiques et effondrement du régime (Vichy avant Vichy ?) . Retour à un parlementarisme déstructuré : immobilisme, difficulté à ouvrir des brèches pour agir, fragmentation partisane. Gouvernements à direction radicale : 1937-1938, période vue comme une période d’enlisement. En janvier 1938, la SFIO et le PC lâchent les radicaux : longue crise ministérielle. Aucun chef de gouvernement ne peut être investi . Avril 1938-mars 40, « dictature Daladier » (moment d’une émancipation provisoire de l’exécutif) : construction collective d’une position arbitrale pour sortir de l’enlisement, appel au grand homme. Daladier incarne à lui seul le jeu de la fabrication des majorités. Il joue sur son image d’aile gauche du radicalisme, continuant d’affirmer sa fidélité à l’esprit de 1936, mais en fait, il fait glisser l’axe de sa majorité et organise un renversement d’alliance en pleine législature. Politique de répression sociale féroce (retour sur les lois du front populaire), de xénophobie, de conservatisme et en même temps politique de reprise économique (soutien patronal). Naissance d’un nouveau clivage entre pacifistes (munichois) et bellicistes qui traverse l’ensemble de la droite et de la gauche. Munich comme point de rencontre entre un pacifisme de gauche doctrinal et un néo pacifisme de droite conjoncturel plus tactique. Mars 1939 au lendemain de l’invasion tchèque, Daladier obtient les pouvoirs spéciaux pour prendre des mesures « nécessaires » ; un véritable chèque en blanc lui est donné. La vie publique démocratique semble suspendue au nom de l’anticommunisme. Le Pacte germanosoviétique signé en 1929 achève de bouleverser l’espace politique Daladier président du conseil incontesté, qui disposait jusqu’au 30 novembre 1939 de pouvoirs spéciaux, voit son autorité s’éroder dans une compétition politique bouleversée par le clivage entre pacifistes et bellicistes qui déchire les milieux dirigeants ; il démissionne en mars 1940. Le Président Lebrun appelle Reynaud, une figure importante de la droite modérée mais républicaine, fermement antifasciste. Le 10 mai 1940, début de la bataille de France qui commence : débâcle. Le 15 juin Reynaud démissionne ; Pétain est son successeur et le général Weygand qui remplace Gamelin à la tête des armées est ministre de la Défense. Discours de Pétain du 17 juin « c’est le cœur serré que je vous dis aujourd’hui qu’il faut cesser le combat » ; 10 juillet : vote des pleins pouvoirs (pouvoirs constituants) à Petain 2. Vichy ou l’effondrement du parlementarisme 43 Problème historiographie : dans un premier temps, vision d’un gouvernement de Vichy comme bouclier face à l’Allemagne ; puis, travaux historiens ont montré que les dirigeants de Vichy menaient leur propre politique, que parfois ils dépassaient les nazis sur le terrain de l’antisémitisme et de l’anticommunisme (Paxton, Vichy et les juifs, 1973). Vichy perçue comme la revanche des ennemis de la République et du régime parlementaire : - effondrement de la République : la mort de la gueuse dit Maurras, refus du principe égalitaire, proclamé par la Révolution « Le régime nouveau sera une hiérarchie sociale » - effondrement du Parlement : montée d’un gouvernement de techniciens et d’un chef charismatique (expérience Daladier montre des prémisses) contrepied d’une « tradition parlementaire » : personnalisation du régime et le culte du chef condamnation de la démocratie libérale, jugée impuissante, contrôlée par des professionnels mus par des intérêts personnels qui auraient entraîné les Français dans la décadence et l’esprit de jouissance Lois d’exclusions août et octobre 1940 qui frappent juifs et francs maçons d’interdictions professionnelles ; Chasse aux communistes se déchaîne Organisation du régime de Vichy actes constitutionnels qui font de Pétain et son entourage le lieu unique de la décision (Acte n°1 Pétain assume les fonctions de chef de l’état français ; acte n°2 il s’accorde la plénitude du pouvoir gouvernemental en concentrant dans sa seule personne les pouvoirs naguère dévolus au président de la République et au conseil des ministres. Il exerce les fonctions législatives en Conseil de ministres ; exerce les fonctions diplomatiques, les fonctions administratives par le biais du pouvoir réglementaire renforcé par le serment prêté à la personne du chef de l’Etat par les ministres, les hauts fonctionnaires, les magistrats ; acte n°4 : il peut désigner son successeur) Pas de contrepouvoir : ce qui subsiste du Parlement disparaît le 10 juillet 40 (vote de délégation qui organise la reddition parlementaire). Il n’y a plus d’assemblées ; les pouvoirs des conseils généraux sont donnés aux sous préfets et préfets assistés de commissions administratives nommées par 44 décret ; les conseillers municipaux et les maires dans les communes de plus de 2000 habitants sont nommés par l’exécutif Le suffrage universel est menacé « il ne suffit plus de compter les voix, dit Pétain ; il faut peser leur valeur pour déterminer leur part de responsabilité dans la communauté » syndicalisme est présenté comme source de division et les confédérations ouvrières et patronales sont supprimées ; la charte du travail, instituée en octobre 41, impose un modèle corporatif (profession organisée de façon pyramidale dans un syndicat unique qui excluait les conflits de classe où les représentants de l’Etat rendraient des arbitrages nécessaires) rôle des médias est réduit à néant rôle des partis contesté rôle du droit aboli : Etat policier. Usage d’un droit rétroactif ; hommes politiques de l’ancien régime sont emprisonnés (Procès de Riom) Les fondements idéologiques de cette « Révolution nationale » sont précisés dans le discours du 11 octobre 1940 : retour à des valeurs qui auraient fait jadis la force de la nation : l’ordre soumis à l’autorité, société enracinée dans des communautés naturelles comme « la famille », la commune et la profession (et d’abord la paysannerie « un des plus solides soutiens de la paix sociale » Rôle de l’Eglise est également réévalué Vichy comme repaire de toutes les droites, des ultras et des ligueurs. Militaires sont nommés à des postes clés. Seule novation : la percée des technocrates : hauts fonctionnaires ou cadres du secteur privé qui avaient pantouflé et qui étaient issus des mêmes corps En septembre 40, on ne trouve plus de ministres ayant été parlementaires excepté Laval. Problème des ruptures et des continuités : Vichy est un moment (exacerbé) de l’émancipation de l’exécutif qui constitue un des processus en marche depuis le début du siècle 3 La IVe république : l’exception du tripartisme et le retour au parlementarisme 3.1. la Libération comme moment de révolution des pratiques et de la compétition politiques 45 . Travail complexe de légalisation du régime : durant l’hiver 44, rétablissement d’une autorité de l’Etat, du gouvernement et de l’administration et relance de l’effort de guerre. . La refondation de la République autour d’une politique de démocratisation : vote des femmes – ordonnance du 21 avril 44 ; démocratisation du recrutement de l’élite administrative ; démocratisation des relations sociales : reconnaissance des droits éco et sociaux et mise en place d’une sécurité sociale ; démocratisation des relations professionnelles avec la participation des travailleurs à la vie des entreprises . République nouvelle se fonde dans un contexte politique tout à fait inédit : grands partis disciplinés sont maîtres du jeu et sont dotés d’une forte légitimité. Elaboration d’une Constitution marquée par deux contre-modèles : le pouvoir personnel de Pétain et le souvenir de l’instabilité de la troisième République. Préparation de la Constitution avec perturbation gaulliste. Le général de Gaulle cherche à revenir dans le jeu politique après sa démission de janvier 1946 et à nouer l’alliance avec le MRP ; discours de Bayeux prend sens là. Les propositions gaullistes sont rejetées, car renvoyées du côté du pouvoir personnel (militaire) et d’une trop forte émancipation de l’exécutif. Le personnage de Gaulle fait peur car il ne semble guère intégrable dans les jeux partisans ; il est renvoyé au rôle de sage et non pas d’acteur du jeu politique. Le projet élaboré par les groupes parlementaires est un projet beaucoup plus favorable aux chambres. Le président du conseil est vu comme une institution centrale à égalité avec l’Assemblée nationale : coordonnateur et conducteur de la politique gouvernementale, il est pensé également comme le chef de la majorité parlementaire (procédure de l’investiture à la majorité absolue. Idée d’un contrat de gouvernement à l’anglaise, voire d’un contrat de législature) Rationalisation du parlementarisme est un des soucis des parlementaires de la IVe République, contrairement à ce qui est souvent dit. Il faut rappeler que le système est pensé dans le cadre du tripartisme. Valorisation tout à fait nouvelle du parti comme centre de pouvoir, de décision et d’orientation Valorisation d’une élite politique résistante, qui peut donner des leçons aux élites patronales, intellectuelles ou administratives antérieures Prééminence de certaines ressources politiques collectives, organisationnelles (le passé de Résistant, la discipline militante, l’affichage de principes idéologiques, l’éloquence combattante) 46 Problème : Configuration d’application de ce texte ne sera pas du tout celle de sa production 3.2. La (re) production d’une configuration parlementariste fin du tripartisme en 47 : Le général de Gaulle (s’) est mis hors du jeu mais il n’accepte pas sa retraite ; il va reconstruire un mouvement (le RPF) dans l’opposition au régime, interdisant à ses soutiens de participer au gouvernement ou d’investir un président du Conseil. Le PC va également être exclu du jeu pour des raisons internationales et sociales (grèves de 1947) Ce départ du PCF (qui regroupe à peu près un quart de l’électorat et plus d’une centaine de députés) marque durablement l’histoire politique de la IVe République, contraint les alliances possibles et autorise le déplacement à droite de la SFIO On entre dans la phase dite de troisième Force qui dure jusque 1952 : les majorités doivent être trouvées alors ni les gaullistes ni les communistes, deux groupes importants, ne peuvent participer aux gouvernements. La difficulté de la fabrication des majorités de gouvernement favorise le retour et de le développement des petits partis du centre et de droite comme forces d’appoint, le retour des hommes de la IIIe avec leurs expériences du pouvoir (ainsi la double investiture inaugurée par Ramadier en janvier 1947 va par la suite prendre le sens d’un retour au contrôle parlementaire sur la fabrication des majorités parlementaires) Pour pouvoir continuer à constituer des gouvernements, les parlementaires tentent collectivement de négocier largement, en ouvrant la composition des gouvernements à l’ensemble du spectre du palais bourbon, communistes et gaullistes exclus. Autrement dit, on trouve des ministres de droite à côté de ministres sociales dans les gouvernements, et ce dès 1948. On peut parler d’une mise sous tutelle du suffrage sous la Quatrième République. Contrôle de ses éventuelles fluctuations par la manipulation des calendriers électoraux (par ex. le refus opposé aux revendications gaullistes d’élections anticipées après la victoire des candidats RPF aux élections municipales de 1947), par l’invention de modes de scrutin (le système des apparentements en 1951) qui permettent de dissocier très largement les résultats en voix et l’orientation effective de la politique. (cf. tableau et notamment résultats de 1951) Les majorités gouvernementales ne sont pas 47 produites par les voix des électeurs mais par le jeu des modes de scrutin et les ajustements parlementaires La mise à distance de l’électorat est justifiée et revendiquée par les hommes politiques au nom de la démocratie. Seuls des marginaux des jeux parlementaires comme Pierre Mendès France tenteront des usages de l’opinion (causeries radiophoniques, sondages) pour servir leur cause Découverte d’une obligation à la coopération maîtrisée entre les dirigeants des formations pour pouvoir fabriquer et faire durer des majorités gouvernementales : Chacun dépend de tous. Travail politique devient exigeant, épuisant (Edgar Faure résume ainsi sa présidence du Conseil entre janvier et février 1952 : « Mon gouvernement dura quarante jours, compta quarante ministres et me fit perdre quatre kilos ») ; il faut aller chercher les soutiens un à un pour pouvoir gouverner et compter sur la coopération des acteurs parlementaires susceptibles d’être inclus dans les majorités Jeux parlementaires de plus en plus difficiles à reproduire par la coopération des députés sous la deuxième législature (1951 1956) On repère de nombreux ratés de la mécanique parlementaire notamment durant la seconde législature (5156) : des votes inattendus (rejet de la CED), des investitures non contrôlées (Pinay en 52, Mendès France en 54), des crises qui rallongent (et donc un vacance du pouvoir plus longue), une dissolution non empêchée (décembre 1955). La troisième législature (1956-1958) voit la fragmentation du jeu parlementaire, la montée de mobilisations externes (militaires, Français d’Algérie, petits commerçants, etc.) et la paralysie des jeux parlementaires autour du conflit algérien : impossible de sortir du « consensus » sur l’Algérie Française, gardé par une minorité de blocage parlementaire trans-partis, par l’armée réticente à obéir, et les colons algérois prompts à protester. Impossibilité de sortir l’enjeu algérien de l’agenda politique. Les hommes politiques perdent la croyance en leur capacité d’agir. L’appel à de Gaulle apparaît progressivement au cours de la deuxième moitié du mois de mai comme la solution trouvée pour sortir de cette paralysie 3.3 bilan de la 4e république : 4 configurations de pouvoir 48 première configuration : le tripartisme (44-47) : puissance des ressources et des valeurs collectives (celles de la Résistance), force des centres partisans, et discipline partisane et parlementaire deuxième configuration : le retour au parlementarisme type troisième république 1947-1952 (la Troisième force). Parlement au cœur de la vie politique car fabrication des majorités de gouvernement devient délicate sous l’effet de la mise hors système du pc et du RPF. Faiblesse des centres partisans et indiscipline, mise à distance du suffrage troisième configuration 1952-1958 : paralysie du système qui prend deux formes : d’un côté, les dirigeants du jeu politique ne contrôlent plus leurs minorités internes, ne tiennent plus le processus de fabrication des majorités : montée des prétendants politiques (jeu de Auriol à la tête de l’Etat qui appellent les parlementaires les plus critiques à la présidence du conseil, montée des minorités pro Algérie française). Affichages des désaccords, manœuvres non contrôlées de l’autre, émergence de menaces extérieures non contrôlées : suffrage non contenu par le mode de scrutin par apparentement (résultats de 1956 et montée des poujadistes), mouvement de mouvements anti-parlementaristes, désobéissances de l’armée ou de la police, émeutes algéroises qui s’imposent (accueil virulent de Guy Mollet le 6 février 56 à Alger et changement d’orientation politique qui suit) quatrième configuration : la production récurrente et contrôlée d’hommes « providentiels » susceptibles de dénouer les blocages et d’endosser le règlement d’un problème insoluble par la voie parlementaire (Pinay en 52 mais surtout Mendès France en 54 et Charles de Gaulle en mai 58) ; dans les deux premiers cas, le contrôle collectif de la promotion de ces outsiders est possible (ni Pinay ni Mendès n’ont de forts soutiens parlementaires et partisans) mais dans le cas de De Gaulle la nouveauté vient des ressources externes sur lesquelles peut s’appuyer le général de Gaulle (poids de l’armée, de la police et des foules manifestantes à Alger dans un contexte où l’arène extraparlementaire a pris de la puissance). L’investiture du général de Gaulle introduit ces nouvelles ressources dans le jeu et le contrôle collectif devient impossible après juin 1958 : usage nouveau de l’opinion publique, mise en vacance du Parlement crée un différentiel de ressources en sa faveur et lui permet de bouleverser la hiérarchie des enjeux (il met en sourdine le conflit algérien qu’il se réserve, à lui et aux électeurs par l’intermédiaire des référendums de 61 et 62 ; il met en avant l’enjeu institutionnel autour de 49 la Constitution) : retour d’une capacité d’agir alors même que la force du général de Gaulle consiste à ne pas s’engager sur le conflit algérien pour garder deux fers au feu La question du changement de régime. La question de savoir si de Gaulle a fait un coup d’Etat ou non n’a pas de sens si elle est posée ainsi : il faut noter le travail de légalisation collective du retour du général de Gaulle au pouvoir qu’ont effectué les dirigeants politiques de la IVe République (le président de la République qui accepte de l’appeler à la présidence du Conseil et une majorité de parlementaires dont une fraction du groupe socialiste qui se décide – en partie par anticommunisme – à voter son investiture dans les règles) 1958 va favoriser un renouvellement des élites sociales qui se lira dans la construction de nouveaux soutiens au régime (les ordonnances de 1958 bouleversent certains univers professionnels – médical, université, magistrature, haute fonction publique et consacrent des fraction sociales montantes, dotés d’une compétence scolaire et professionnelle dans leur secteur d’activité ) élections élections élections élections élections 1945 1946 juin 1946 nov 1951 1956 %-sièges PC 26.2%-159 26%-151 28.3%-182 26.9-103 25.9-150 SFIO 24.9-146 21%-127 16.3%-102 14.6%-107 15.2%-94 MRP 23.9%-150 28.2%-166 27.6%-173 12.6%-95 11.1%-83 droite 9.1%-53 12.8%-61 11.5%-72 14.1%-86 15.2%-95 radic 12.1%-71 11.6%-31 11.1%-42 10.1%-90 11.3%-91 19.3%-121 3.3%-21 RPF UFF poujadistes 11.6%-52 50 Conclusion de la deuxième partie : histoire qui a mis en avant la puissance déclinante d’un modèle du parlementarisme tout en montrant les crises régulières que ce type de pratique subit (années 30, Vichy d’une certaine manière et la fin de la 4e) : en fait, une histoire assez fréquemment rapportée fait de la 3e et de la 4e république un long moment de gouvernement d’assemblée animé par des parlementaires et des partis tout puissants : la rupture se situerait ainsi en 1958 avec l’entrée dans le monde « moderne » de la 5e République Une autre histoire est possible en 5 temps : un « âge d’or » du régime parlement finalement très court qui va de la crise du 16 mai 1877 à l’affaire Dreyfus : application d’un programme républicain, affirmation de valeurs (démocratie = république = assemblée nationale), et discipline relative ; un renversement des valeurs au tournant du siècle : entre l’affaire Dreyfus et le début de la première guerre mondiale. Dénonciation des parlementaires sous deux formes : une forme de gauche qui dénonce un pouvoir parlementaire comme masque d’une oligarchie sociale conservatrice, trahissant le peuple car séparée des syndicats et partis vecteurs de l’opinion des citoyens et une forme de droite qui en fait un lieu de bavardage et d’incompétence une accentuation du désajustement entre campagne électorale et composition et action des gouvernements à partir de la première guerre mondiale : les campagnes électorales opposent de plus en plus des « blocs » ou des « camps » politiques mais ces blocs ne trouvent que rarement des traductions majoritaires et gouvernementales. Le transformisme parlementaire est vue par beaucoup comme une rupture de contrat entre le peuple et ses représentants (souveraineté du peuple usurpée par la souverainement parlementaire). Ce qui veut dire que le conflit droite gauche est finalement moins présent dans la vie politique française qu’il n’y paraît : il est mis en scène le temps des campagnes mais ensuite alliance fluctuante des centres. Quelques rares moments de l’histoire politique française où ce clivage trouve des traductions parlementaires et gouvernementales : gouvernements radicaux durant l’Affaire Dreyfus, premiers mois du Cartel des gauches en 24, et du Front populaire en 1936, Libération 51 processus long de rationalisation parlementaire (commission, groupe, contrôle de l’expression des parlementaire) au-delà de ce jeu politique de fabrication et de destitution des gouvernements. De ce point de vue, le commencement ne se situe pas en 58 loi et parlement sont concurrencés par l’exécutif à partir de la première guerre mondiale: (lois d’habilitation, décrets lois, loi cadre). Beaucoup de grandes réformes sont prises par ces voies transformation de l’action publique : accroissement des capacités de l’exécutif en terme de mise en œuvre mais aussi de conception de l’action publique (expertise d’Etat, montée des centres de coordination transministérielles) ; sous la Ive République, inscription du Commissariat au plan dans un circuit de décision parallèle et concurrent à celui du Parlement CHAP 2 Transformations et crises de la démocratie représentative de 1958 aux années 1980 A Transformations de la démocratie représentative -1. redéfinition du rôle de l’intervention du peuple : élections, référendum, montée parallèle du poids des sondages. A partir de 1958, opinion des citoyens devient une énigme (qui sont ceux qui votent pour le général de Gaulle ?) qu’il importe de résoudre car cette opinion est appelée à intervenir de plus en plus dans la vie publique (référendum, élection du président au suffrage universel) ; opinion utilisée intensément par le général de Gaulle qui ne dispose pas de soutiens institués solides en début de régime au sein du Parlement. On entre dans ce que Bernard Manin appelle « la démocratie d’opinion », succédant à la démocratie parlementaire (notabiliaire) et à la démocratie des partis - 2. bipolarisation politique : processus beaucoup plus lent, chaotique qu’il n’est dit en général ; jeu brouillé des origines (le conflit algérien perturbe la formation de clivages très lisibles) ; à partir de 1963, jeu politique commence à être décrit et pensé en termes d’alliances plus durables droite –gauche ou encore majoritéopposition. Mais les groupes centristes de la troisième force sont encore très puissants : référendum de 1969, élections de 1969 (avec ce deuxième tour Poher Pompidou) en font la démonstration éclatante Cette « troisième force » trouve ses appuis au Sénat, dans les positions locales. Les premières élections 52 municipales largement bipolarisées se passent seulement en 77. La bipolarisation est moins le fait de l’application de la Ve ou du mode de scrutin pris isolément : elle est aussi le produit de rapports de force localisés et de stratégies politiques : Pompidou lors des élections législatives de 67 qui entend imposer l’étiquette de « Candidat 5e République », Mitterrand qui construit sa prise de pouvoir au sein du parti socialiste sur le pari qu’il fait de l’alliance gagnante avec le PC, etc. Création du nouveau parti socialiste en 1971 au Congrès d’Epinay marque un moment important de cette dynamique de bipolarisation 3 émancipation de l’exécutif ; cette émancipation se manifeste dès les origines par le choix de ministres non parlementaires (les techniciens ou les technocrates) par le sacrifice de Michel Debré sur l’autel de l’Algérie Française, par l’usage intensif d’outils constitutionnels permettant de dompter les parlementaires B Crises de la démocratie représentative (depuis les années 1980) - 1 nouvelles dénonciation de la confiscation du pouvoir par les dirigeants (cette fois les parlementaires ne sont pas les seuls visés) : montée d’une arène de contestation (mouvements populistes, mouvements altermondialistes). Abstention monte lors des consultations électorales et investissement militant ou politique se fait hors du jeu politique représentatif traditionnel ; on voit s’exprimer des revendications d’une démocratie participative renouvelée - 2 fragmentation du jeu politique depuis les années 1980 (amenuisement du PC, émergence du Front national, organisation des verts). Alternances successives ont fait surgir un clivage entre partis de gouvernements et partis dits « protestataires ». Emiettement sans précédent au premier tour de l’élection présidentielle de 2002. - 3 dénonciation et fragilisation du poids de l’exécutif et des administrations (critiques de la technocratie). Revendications de proximité politique ; concurrence faite aux lieux de décision exécutifs par des pôles de décision locaux (décentralisation) ou européens