50-020-B-10 Barrière épidermique R. Abdayem, M. Haftek La peau joue le rôle d’interface entre l’organisme et son milieu environnant. L’épiderme, la couche la plus superficielle de la peau, assure essentiellement cette fonction de protection interactive. La barrière épidermique peut être sous-divisée en trois systèmes de défense : la barrière photoprotectrice ; la barrière immunitaire ; la barrière physique et chimique de la couche cornée. Afin de se protéger des rayonnements ultraviolets nocifs, l’épiderme dispose de facteurs d’absorption tels la mélanine, produite par les mélanocytes, et l’acide urocanique – un produit de dégradation de la filaggrine. Le système épidermique de défense immunitaire comprend un versant inné, rapide mais non spécifique, et la réponse adaptative, systémique et spécifique d’antigène, initiée par les cellules de Langerhans. Le produit de la différenciation terminale des kératinocytes épidermiques, le stratum corneum assure la fonction essentielle de barrière physique et chimique de perméabilité. Cette couche cornée est constituée de cornéocytes, dotés d’enveloppes cornifiées et liés entre eux par des cornéodesmosomes, et de la matrice extracellulaire lipidique organisée en feuillets. La barrière épidermique, en constant renouvellement, se caractérise par une très grande capacité d’adaptation aux conditions changeantes de l’environnement. © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots-clés : Barrière ; Épiderme ; Protection ; Stratum corneum Plan ■ Introduction 1 ■ Barrière photoprotectrice 1 ■ Barrière immunitaire 2 ■ Barrière physique et chimique de la couche cornée Cytosquelette des cornéocytes Filaggrine Enveloppes cornifiées Lipides intercellulaires Cornéodesmosomes Peptides antimicrobiens 2 3 3 3 3 4 4 ■ Barrière des jonctions serrées 4 ■ Fonctionnement de la barrière épidermique 4 est engagée progressivement dans les couches suivantes : le stratum spinosum puis le stratum granulosum. Le produit final de la différenciation des kératinocytes, le stratum corneum, assure la fonction de barrière de perméabilité. Constituant l’interface entre l’organisme et l’environnement externe, le stratum corneum contrôle les échanges hydriques entre ces deux milieux [3] . Cette fonction est primordiale pour la survie de l’organisme dans l’environnement terrestre. Aussi, l’épiderme limite la diffusion de beaucoup d’agents chimiques, de rayonnements ultraviolets, et la pénétration des agents pathogènes. Les bactéries, virus et champignons ne sont pas seulement bloqués physiquement à la surface de la peau, mais aussi confrontés à un panel de protéines antimicrobiennes sécrétées par les cellules cutanées [4] . Deux populations des cellules dendritiques non épithéliales, les mélanocytes dans le stratum basal et les cellules de Langerhans dans le stratum spinosum, constituent respectivement deux barrières supplémentaires : une pigmentaire, photoprotectrice, et l’autre de sentinelles immunocompétentes (immunité acquise) (Fig. 1). Introduction L’épiderme est un épithélium pavimenteux stratifié et kératinisé composé majoritairement par les kératinocytes. Il peut être divisé en quatre couches successives, classées suivant l’état de différenciation des cellules qui les constituent. Le stratum basal est la couche la plus profonde de l’épiderme, formée d’une assise de kératinocytes au pouvoir germinatif, dont les cellules souches. Les cellules filles, engagées dans la voie de différenciation terminale, quittent le compartiment basal et modifient leur expression génique [1, 2] . Ainsi, la synthèse de nouvelles protéines, telles les kératines 1, 10 et 2, l’involucrine, la loricrine ou la profilaggrine, Barrière photoprotectrice Les rayonnements ultraviolets (UV) émis par le soleil sont divisés en trois catégories selon leur énergie. Les UVC (270–290 nm), les plus nocifs, sont arrêtés par la couche d’ozone dans la stratosphère. Les UVB (290–315 nm) sont responsables d’érythème cutané (coup de soleil) et induisent des mutations mais ne pénètrent pas au-delà de l’épiderme. Le rayon d’action des UVA (315–400 nm) atteint le derme superficiel. L’exposition répétée et prolongée aux UVA est responsable de l’élastose dermique et EMC - Cosmétologie et Dermatologie esthétique Volume 10 > n◦ 1 > octobre 2015 http://dx.doi.org/10.1016/S2211-0380(15)65708-8 © 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 09/06/2017 par UNIVERSITE PARIS VI - BIBLIOTHEQUE - (15258). Il est interdit et illégal de diffuser ce document. 1 50-020-B-10 Barrière épidermique Barrière immunitaire 1 2 3 4 5 CL Kc 6 Mc 7 8 Figure 1. La barrière épidermique. Représentation schématique de la différenciation des kératinocytes (Kc) de l’épiderme et la formation du stratum corneum (1). Cette couche cornée est composée par l’empilement de cellules mortes, liées entre elles par des jonctions (cornéodesmosomes) (3) et une matrice lipidique intercellulaire organisée en lamelles (aux propriétés hydrophobes) (2). Les lipides sécrétés à l’interface entre les couches vivantes et le stratum corneum s’ajoutent aux autres éléments matriciels présents entre les cellules nucléées. Grâce à sa structure et composition, la couche cornée assure une barrière physique et chimique, limitant le passage d’eau et protégeant contre la pénétration de molécules exogènes et de pathogènes. Deux populations des cellules dendritiques non épithéliales, les mélanocytes (Mc) et les cellules de Langerhans (CL) participent, respectivement, aux deux barrières supplémentaires au sein de l’épiderme : photoprotectrice et immunitaire. 4. Stratum granulosum ; 5. matrice intercellulaire ; 6. stratum spinosum ; 7. stratum basale ; 8. membrane basale de la jonction dermoépidermique. “ Point fort La barrière épidermique comporte la barrière physique et chimique du stratum corneum (limitant la perméabilité), une barrière photoprotectrice et une barrière immunitaire. du vieillissement cutané photo-induit. Même si l’exposition aux rayons UV est indispensable pour la synthèse de la vitamine D dans la peau, les effets nocifs sont nombreux et nécessitent des systèmes endogènes de photoprotection efficaces. La mélanine est un pigment synthétisé par les mélanocytes et transféré vers les kératinocytes, qui le retiennent dans leur cytoplasme en dessus des noyaux. Le nombre très élevé de liaisons présentes dans ce polymère d’indole et dans des produits intermédiaires dérivés de l’oxydation de la tyrosine confère à la mélanine son pouvoir absorbant des rayonnements [5] . Dans les peaux noires, les grains de mélanine (mélanosomes) persistent jusqu’à la couche cornée. En plus de la fonction photoprotectrice, on prête aux mélanocytes beaucoup d’autres fonctions régulatrices, y compris l’influence sur la qualité de barrière du stratum corneum [6] . Par ailleurs, il existe d’autres molécules épidermiques endogènes, à part la mélanine, qui assurent la photoprotection, tel l’acide urocanique qui est un produit de dégradation de la filaggrine [7] . 2 La peau assure une barrière immunitaire à l’interface avec l’environnement. Le système immunitaire cutané est composé des éléments de réponse innée et acquise/adaptative [8] . Le système immunitaire inné repose essentiellement sur les récepteurs Toll-like qui sont exprimés à la fois par les cellules immunocompétentes (cellules de Langerhans) et les kératinocytes [9] . En cas de contact avec les éléments de surface des pathogènes, les récepteurs Toll-like enclenchent la production des molécules immunomodulatrices capables d’induire une réaction inflammatoire. Cette réponse rapide est ensuite complétée, voire amplifiée par une réaction immunitaire ciblée, suite à la reconnaissance des motifs antigéniques spécifiques de pathogène par les cellules immunocompétentes. La réponse immunitaire adaptative est plus robuste et spécifique. Les cellules de Langerhans, après avoir capté le stimulus antigénique, migrent vers les ganglions lymphatiques régionaux pour transmettre l’information aux lymphocytes T et stimuler la production des cellules effectrices spécifiques d’antigène. Elles assurent donc une fonction de barrière immunitaire adaptative contre les antigènes exogènes à la peau. “ Point fort Les fonctions photoprotectrice et immunitaire de l’épiderme sont respectivement assurées par la mélanine et l’acide transurocanique, d’une part, et les cellules de Langerhans et les récepteurs « Toll-like », d’autre part. Barrière physique et chimique de la couche cornée Durant la phase terminale de leur différenciation, les kératinocytes se transforment en cornéocytes. Ce passage se fait en plusieurs étapes : • les cellules dans les dernières assises du stratum granulosum larguent plusieurs constituants dans les espaces intercellulaires ; • les cellules dégradent leurs organites et s’aplatissent tout en formant des enveloppes cornifiées rigides ; • les jonctions intercellulaires sont réticulées à la périphérie des cornéocytes, consolidant ainsi une structure pluricellulaire stratifiée [10, 11] . Le stratum corneum (10 à 20 m d’épaisseur) est formé par empilement de 10 à 20 assises de kératinocytes morts, les cornéocytes. Le stratum corneum est en renouvellement constant, la perte des cellules les plus externes par le phénomène de desquamation étant compensée par les mitoses dans la couche basale et la kératinisation des cellules du stratum granulosum. En moyenne, le stratum corneum normal se renouvelle tous les 14 jours. Une barrière efficace du stratum corneum repose sur une adéquate composition biochimique et structurale de ces divers éléments constitutifs et se caractérise par une grande interactivité par rapport aux influences de l’environnement. L’architecture générale du stratum corneum ressemble à celle d’un mur composé de briques et de ciment, représentés respectivement par les cornéocytes et les lipides intercornéocytaires [12] , bien que la situation soit, en réalité, beaucoup plus complexe. Ainsi, la partie profonde du stratum corneum est composée des cornéocytes reliés par de nombreuses jonctions et ses espaces intercellulaires sont remplis majoritairement par des lipides structurés en multicouches. C’est précisément cette zone, appelée le stratum corneum compactum, qui remplit la principale fonction de barrière hydrique et de perméabilité. Ensuite, dans le stratum corneum disjunctum, les jonctions intercellulaires et les éléments de la matrice intercellulaire sont progressivement dégradés, ce qui amorce le processus de desquamation. EMC - Cosmétologie et Dermatologie esthétique © 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 09/06/2017 par UNIVERSITE PARIS VI - BIBLIOTHEQUE - (15258). Il est interdit et illégal de diffuser ce document. Barrière épidermique 50-020-B-10 Plusieurs composantes cellulaires et matricielles sont indispensables pour que la fonction barrière du stratum corneum soit efficace. Cytosquelette des cornéocytes Les kératines sont les protéines les plus abondantes dans les kératinocytes et constituent leur cytosquelette. On distingue deux familles de kératines : les kératines acides codées par le chromosome 17q (K9 à K20) et les kératines neutres et basiques codées par le chromosome 12 (K1 à K8). Des paires de kératines, une de chaque famille, sont nécessaires pour former des filaments intermédiaires (10 nm), qui participent à leur tour, sous forme des faisceaux, à la protection de l’épiderme contre les stress mécaniques [13] . En effet, les cytosquelettes des cellules individuelles se trouvent interconnectés à travers des jonctions desmosomales en une suprastructure, ce qui confère à l’épiderme une cohésion et une résistance élastique. Dans le stratum corneum, les kératines représentent plus de 85 % des protéines. Ce pourcentage élevé n’est pas seulement dû à une augmentation de la synthèse des kératines dans les couches vivantes supérieures mais aussi à leur relative résistance à la dégradation subie par d’autres protéines du cytoplasme et des organites. L’attachement des filaments de kératine à la périphérie des cornéocytes est renforcé par les phénomènes de réticulation des enveloppes cornifiées. Ainsi, les cytosquelettes des cornéocytes participent à la fonction barrière épidermique de par leur contribution aux propriétés mécaniques de la couche cornée [14, 15] . Filaggrine La profilaggrine est l’une des protéines codées par le complexe de différenciation épidermique qui s’active à des stades avancés de la kératinisation. Ce précurseur de la filaggrine est stocké au niveau du stratum granulosum dans les grains de kératohyaline (d’où le nom de cette couche épidermique). La profilaggrine est un complexe protéique très phosphorylé d’environ 500 KDa conservant le domaine N-terminal (S100 calcium-binding domain), commun à d’autres molécules de cette famille comme la hornérine et la filaggrine 2, suivi du « domaine B » et d’une série de monomères de filaggrine. Lors de la transition entre le stratum granulosum et stratum corneum, la profilaggrine est déphosphorylée et clivée par différentes enzymes, telles la matriptase, la furine, la PACE4, en monomères de filaggrine [16] . La filaggrine (37 KDa) est capable d’agréger les filaments intermédiaires de kératine, ce qui donne aux faisceaux de ces filaments un aspect condensé et amorphe en microscopie électronique à transmission. De cette façon, la filaggrine participe au renforcement de la barrière mécanique des cornéocytes. Les autres fonctions de la filaggrine, ou plutôt des produits de sa dégradation, sont aussi importantes. La dégradation commence par la conversion des résidus d’arginine en citruline, sur la filaggrine et les filaments de kératines associés, par trois peptidylarginine désaminases (PAD 1 à 3) [17] . La désamination contribue à la dissociation des complexes et facilite l’attaque d’autres enzymes de clivage, telle la caspase 14 [18] . La filaggrine est dégradée en acides aminés hydrophiles (glutamine, histidine et arginine) ainsi que leurs dérivés désaminés (acide pyroglutamique, acide transurocanique, etc.). Les premiers participent à la rétention de l’eau à l’intérieur des cornéocytes et jouent ainsi le rôle de facteurs naturels d’hydratation (natural moisturizing factors [NMF]). Les NMF intracellulaires présentent 20 à 30 % du poids sec du stratum corneum. Étant majoritairement acides, ils contribuent au potentiel hydrogène (pH) bas du stratum corneum avec son effet antimicrobien. Par ailleurs, les peptides issus de la dégradation enzymatique de la filaggrine 2 et de la hornérine possèdent, quant à eux, des propriétés bactéricides. L’acide transurocanique est connu pour son pouvoir photoprotecteur par absorption des UVB [7] . Sa photoconversion isomérique en forme « cis » fait partie d’effets immunosuppresseurs induits par l’exposition de la peau aux rayons UV [19] . “ Point fort Les kératines forment le cytosquelette des kératinocytes et constituent la famille majoritaire des protéines de l’épiderme. La filaggrine est synthétisée plus tard durant la différenciation épidermique et consolide les faisceaux des filaments de kératine. Sa dégradation en acides aminés dans la couche cornée est à l’origine d’une capacité hygroscopique importante des cornéocytes et contribue au pH bas de la surface cutanée. Enveloppes cornifiées Durant la kératinisation, la membrane plasmique des kératinocytes est remplacée par une monocouche de céramides associés à une structure sous-jacente, connue sous le nom d’enveloppe cornifiée [20] . Les enveloppes cornifiées, de 5 à 10 nm d’épaisseur, sont relativement rigides, chimiquement stables et insolubles dans l’eau. Cette structure macromoléculaire est le fruit de la déposition et la réticulation de plusieurs protéines à la face interne de la membrane cellulaire et d’une monocouche d’hydroxycéramides--acétylés (qui remplacent les phospholipides) à la face externe [20–23] . Les protéines impliquées sont des marqueurs de différenciation terminale de l’épiderme, comme la loricrine, l’involucrine et des petites protéines riches en domaine proline. La réticulation des protéines et des lipides est catalysée par les transglutaminases 1, 3 et 5. Les jonctions intercellulaires présentes à la surface des cellules et les filaments de cytosquelette qui leur sont associés se trouvent piégés dans la matrice réticulée des enveloppes cornifiées renforçant ainsi la structure générale de la couche cornée [15] . Par ailleurs, la monocouche des céramides à la surface des enveloppes sert de matrice pour l’accrochage et l’organisation moléculaire des lipides intercellulaires du stratum corneum, contribuant ainsi à la formation du « ciment » hydrophobe de la barrière cornée. Lipides intercellulaires Puisque les enveloppes cornifiées sont imperméables à la plupart des substances, la voie de pénétration principale permettant de franchir le stratum corneum demeure la voie intercellulaire [12] . Les espaces intercellulaires du stratum corneum sont remplis de lipides sécrétés par les kératinocytes de la couche granuleuse à l’interface entre l’épiderme vivant et la couche cornée. Les différentes espèces lipidiques s’auto-organisent en bicouches superposées parallèlement aux surfaces des cornéocytes. La composition lipidique détermine la qualité d’organisation lamellaire et constitue le facteur clé de la fonction barrière de la peau [24] . Dans le stratum corneum humain normal, les lipides sont disposés sous forme de deux phases lamellaires coexistantes, une phase à périodicité longue et une phase à périodicité courte, avec des distances de répétition respectives, de l’ordre de 13 nm et de 6 nm [25, 26] . La matrice lipidique est principalement composée d’un mélange équimolaire de céramides (CER) (environ 50 % en poids), d’acides gras libres (environ 10 % en poids), de cholestérol (environ 20 % en poids) et de son dérivé, le sulfate de cholestérol (environ 5 %) [27–30] . Les CER jouent un rôle clé dans le fonctionnement de la barrière cutanée [31] . Douze sous-classes de CER, avec des chaînes de longueurs différentes, ont été identifiées à ce jour dans le stratum corneum humain [32, 33] . En général, une réduction de la longueur de chaîne des CER a un fort impact négatif sur l’organisation lamellaire lipidique, et donc sur la perméabilité du stratum corneum [34–36] . Chez les patients atteints de dermatite atopique, une réduction de la longueur de chaîne des céramides est observée et est en corrélation avec l’altération de la fonction barrière [37] . Au sein même des feuillets lipidiques, à la température de surface cutanée autour de 30 à 32 ◦ C, les têtes polaires des CER présentent majoritairement une organisation latérale EMC - Cosmétologie et Dermatologie esthétique © 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 09/06/2017 par UNIVERSITE PARIS VI - BIBLIOTHEQUE - (15258). Il est interdit et illégal de diffuser ce document. 3 50-020-B-10 Barrière épidermique orthorhombique (phase cristalline solide). Cependant, les lipides peuvent aussi se trouver sous forme moins dense, dans un assemblage à motif hexagonal (gel de phase cristalline) ou encore dans une phase plus fluide (la phase liquide), qui sont les formes d’organisation moins pertinentes du point de vue de la fonction barrière [38–40] . Les lipides en phase liquide sont observés en plus grand nombre dans les couches les plus superficielles du stratum corneum, probablement à cause de l’incorporation du sébum sécrété par les glandes sébacées. “ Point fort La matrice lipidique de la couche cornée est constituée d’un mélange équimolaire des CER, acides gras libres et cholestérol. Les CER à longues chaînes sont indispensables à la bonne structuration de la phase lamellaire des lipides intercornéocytaires, et donc au fonctionnement efficace de la barrière de perméabilité. Cornéodesmosomes Les jonctions intercellulaires sont indispensables pour le bon fonctionnement des tissus épithéliaux. Les desmosomes, associés au cytosquelette de kératines, sont les jonctions mécaniques les plus nombreuses et les plus solides dans l’épiderme. Lors de la kératinisation, leur nombre, taille et composition évoluent [41, 42] . La transition entre stratum granulosum et stratum corneum est accompagnée par l’incorporation dans la partie extracellulaire des desmosomes d’une protéine nouvelle, la cornéodesmosine [43, 44] . Cette modification biochimique explique le changement d’aspect morphologique et des propriétés mécaniques de la jonction qui, dans le stratum corneum, est appelée cornéodesmosome [45, 46] . Les cornéodesmosomes sont des principaux facteurs de cohésion du stratum corneum et leur dégradation constitue l’étape cruciale lors du processus physiologique de desquamation des cornéocytes à la surface de la peau. Peptides antimicrobiens Les peptides antimicrobiens font partie de la défense cutanée non spécifique [47] . Les plus importants peptides antimicrobiens du stratum corneum humain sont la psoriasine (S100A7, RNase7 et human beta-defensins [hBD] 1-3) [48] . La plupart de ces peptides sont facilement inductibles lors de la rupture du stratum corneum et à la suite de contact avec les pathogènes ; certains, comme RNase 7, sont constitutifs [49] . Dans la peau humaine normale, la majeure partie des peptides antimicrobiens est synthétisée par les kératinocytes, surtout dans le stratum granulosum, où ils sont stockés dans les corps lamellaires et sécrétés à l’interface stratum corneum/stratum granulosum [50] . Les glandes sébacées et sudoripares ainsi que les mastocytes et les neutrophiles dermiques produisent aussi des peptides antimicrobiens. Grâce à leur charge positive, certains peptides antimicrobiens s’attachent et s’insèrent dans les membranes chargées négativement des bactéries et des champignons, créant des pores et provoquant la lyse de ces agents infectieux [51–53] . D’autres peptides antimicrobiens, comme psoriasin ou calprotectin, agissent par séquestration des éléments clés (Zn2+, Mn2+) des enzymes utilisées par les pathogènes. Outre leur action directe, certains peptides antimicrobiens possèdent aussi les propriétés immunomodulatrices [54] . Barrière des jonctions serrées Des études récentes ont suggéré l’implication des jonctions serrées de la couche granuleuse dans la fonction barrière cutanée, d’une part, comme barrière secondaire et, d’autre part, à cause de leur participation à la formation du stratum corneum [55, 56] . 4 Les jonctions serrées sont des points de rapprochement très étroits entre les feuillets membranaires externes des deux cellules voisines. Au niveau moléculaire, les jonctions serrées sont composées de protéines transmembranaires spécifiques, comme l’occludine, les claudines, Crumb ou JAM, et cytoplasmiques (ZO1, -2, ZONAB, Sec6/8) liées au cytosquelette d’actine [57, 58] . Comme les cornéodesmosomes, les jonctions serrées se trouvent réticulées lors de la kératinisation et persistent sous forme de points de fusion entre les enveloppes cornifiées des cornéocytes du stratum corneum [59] . Ces attaches intercellulaires participent non seulement à la consolidation du stratum corneum mais aussi subdivisent les espaces intercellulaires dans la couche cornée. Cette compartimentation semble être importante dans la régulation de la desquamation et, par conséquent, pour l’homéostasie de la barrière cutanée. Chez l’homme, plusieurs travaux ont décrit la présence des protéines et des structures de jonctions serrées au niveau du stratum granulosum [57, 60, 61] . Certaines de ces études montrent que les jonctions serrées épidermiques constituent une barrière contre la perméabilité des solutés ioniques. Ainsi, les jonctions serrées maintiennent le gradient calcique, indispensable à la formation des jonctions cellulaires dans l’épiderme vivant. Ce même gradient est aussi impliqué dans la formation de la barrière primaire lipidique du stratum corneum. En effet, l’exocytose des corps lamellaires à travers les pôles apicaux des kératinocytes du stratum granulosum dépend de l’abrogation du gradient calcique, par exemple lors de la rupture de la couche cornée [62] . Les jonctions serrées, distribuées autour des kératinocytes du stratum granulosum contribuent à la polarisation de ces derniers et à la sécrétion orientée des lipides [56] . Fonctionnement de la barrière épidermique Le bon fonctionnement de la barrière épidermique repose sur sa structuration morphologique correcte et sa composition biochimique adéquate. Les conditions changeantes de l’environnement nécessitent une haute adaptabilité de cette structure d’interface. Cette aptitude à évoluer est rendue possible grâce au renouvellement constant du stratum corneum et à la capacité de l’épiderme à réagir à des situations de rupture accidentelle de la barrière. En effet, tout changement de perméabilité du stratum corneum est perçu par les couches vivantes et résulte en réaction proliférative compensatoire des kératinocytes basaux [63] . Aussi, toute perte d’étanchéité du stratum corneum, qui modifie le gradient calcique naturel, entraîne la mise en œuvre instantanée du système des jonctions serrées dans le stratum granulosum. La barrière secondaire des jonctions serrées, complétée et renforcée, participe à l’orientation polaire de l’excrétion massive du contenu des corps lamellaires et à la reconstitution rapide de la barrière lipidique à l’interface avec le stratum corneum. On estime que 1,2 cornéocytes est formé toutes les 24 heures dans l’épiderme normal. Ce chiffre peut facilement tripler lors des situations d’hyperprolifération kératinocytaire réactive (inflammation) ou pathologique (psoriasis). Cela démontre la capacité importante de l’épiderme à restituer la couche cornée et sa fonction de barrière (Fig. 2). L’homéostasie épidermique en général et le renouvellement constant du stratum corneum en particulier nécessitent aussi la mise en place du processus de desquamation hautement régulé. Les cornéocytes doivent s’accumuler à la surface épidermique dans certaines situations, ou desquamer plus rapidement dans d’autres, tout en conservant intacte la fonction essentielle de barrière. La cohésion entre les cornéocytes dépend principalement de la présence des cornéodesmosomes [64] . La dégradation ordonnée de ces jonctions intervient sous l’action des enzymes protéolytiques extracellulaires, telles les kallikréines (KLK 5, 7, 8, 14, etc.), et intracellulaires, comme cathepsines (C, D, E, L, L2, etc.). L’activité protéolytique est, à son tour, contrôlée par les inhibiteurs protéiques spécifiques (LEKTI -1, 2, SLPI, elafin, A2ML1, cystatines M/E, A, etc.) mais aussi par le précurseur de cholestérol (sulfate de cholestérol converti par EMC - Cosmétologie et Dermatologie esthétique © 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 09/06/2017 par UNIVERSITE PARIS VI - BIBLIOTHEQUE - (15258). Il est interdit et illégal de diffuser ce document. Barrière épidermique 50-020-B-10 Barrière épidermique Barrière photoprotectrice Mélanine (mélanocytes) Barrière immunitaire Réponse innée (récepteurs Toll-like) Acide urocanique Barrière de perméabilité Réponse immunitaire acquise/adaptative (cellules de Langerhans) Barrière physique Cytosquelette et filaggrine Enveloppes cornifiées Jonctions cellulaires Figure 2. Lipides extracellulaires Barrière des jonctions serrées du stratum granulosum Barrière du stratum corneum Barrière chimique Cornification/ desquamation (renouvellement) Film hydrolipidique de surface (sébum et sueur) pH Peptides antimicrobiens Hiérarchie des constituants de la barrière épidermique. pH : potentiel hydrogène. stéroïde sulfatase) et le pH [46, 65] . Par ailleurs, la distribution spatiale des molécules interagissant dans l’espace intercornéocytaire est modulée par la présence plus ou moins importante des résidus des jonctions serrées qui cloisonnent cet espace en sous-compartiments [59] . D’autres enzymes cataboliques sont aussi présentes dans le stratum corneum et contribuent à son évolution naturelle. Les glycosidases convertissent les glycosylcéramides (bêta-glucocérébrosidase) et la sphingomyéline (sphingomyélinase acide), sécrétés par les kératinocytes du stratum granulosum, en céramides, indispensables pour la structuration des lipides intercornéocytaires ; elles dégradent aussi les glycannes des glycoprotéines jonctionnelles, facilitant l’action des protéases [66] . La lipase acide, phospholipase A2 et triacylglycérolipase permettent la conversion des phospholipides membranaires et triglycérides en acides gras libres et glycérol [67] , contribuant ainsi à l’acidification du stratum corneum. Les différents acteurs actifs chimiquement dans la couche cornée (lipides, peptides et protéines structurelles, enzymes et leurs inhibiteurs, etc.) sont sécrétés dans les espaces intercellulaires à l’interface entre stratum granulosum et stratum corneum par le système tubulovésiculaire d’origine golgienne (corps ou granules lamellaires, kératinosomes). Empaquetage séparé et gradient de pH jouent un rôle important dans la prévention des interactions prématurées entre ces éléments [62, 68] . L’espace intercornéocytaire du stratum corneum est presque entièrement rempli par les lipides lamellaires qui s’auto-organisent aussitôt après l’excrétion. Les modèles d’organisation moléculaire du « ciment » lipidique ne comportent pas d’espace pour les molécules d’eau [69] . Toutefois, les molécules non lipidiques, de nature hydrophile, doivent aussi y trouver leur place. En effet, des lacunes hydrophiles insérées dans les couches lipidiques et réagissant par renflement à l’augmentation de l’humidité ambiante peuvent être visualisées en microscopie électronique [70] . L’eau étant indispensable pour l’activité enzymatique et sa régulation par le pH, on “ Point fort comprend alors aisément les relations entre les influences de l’environnement et le fonctionnement structure-dépendant de la barrière du stratum corneum [71] . Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9] [10] [11] Le bon fonctionnement de la barrière épidermique repose sur sa structuration morphologique correcte et sa composition biochimique adéquate. Cette barrière n’est pas une structure figée. Au contraire, elle s’adapte de manière très interactive aux changements environnementaux. [12] [13] [14] Koster MI, Roop DR. Mechanisms regulating epithelial stratification. Annu Rev Cell Dev Biol 2007;23:93–113. Henry J, Toulza E, Hsu CY, Pellerin L, Balica S, Mazereeuw-Hautier J, et al. Update on the epidermal differentiation complex. Front Biosci 2012;17:1517–32. Elias P, Feingold K, Fluhr J. Skin as an organ of protection. In: Freedberg IM, Goldsmith LA, Katz S, Austen KF, Wolff K, editors. Fitzpatrick’s dermatology in general medicine. New York: McGrawHill; 2003. p. 107–18. Afshar M, Gallo RL. 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EA4169 « Aspects fondamentaux, cliniques et thérapeutiques de la fonction barrière cutanée », SFR Lyon-Est Santé, Inserm US 7, CNRS UMS 3453, Faculté de médecine et de pharmacie, Université Lyon 1, 8, avenue Rockefeller, 69373 Lyon, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Abdayem R, Haftek M. Barrière épidermique. EMC - Cosmétologie et Dermatologie esthétique 2015;10(1):1-7 [Article 50-020-B-10]. Disponibles sur www.em-consulte.com Arbres décisionnels Iconographies supplémentaires Vidéos/ Animations Documents légaux Information au patient Informations supplémentaires EMC - Cosmétologie et Dermatologie esthétique © 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 09/06/2017 par UNIVERSITE PARIS VI - BIBLIOTHEQUE - (15258). Il est interdit et illégal de diffuser ce document. 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