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Le centenaire de la découverte de la radioactivité
La radioactivité :
une découverte exemplaire
La radioactivité a été découverte en France, de 1896 à 1898, par Henri Becquerel, qui a mis en
évidence l’existence d’un rayonnement invisible provenant de l’uranium, et par Pierre et Marie Curie
qui ont montré la généralité de ce phénomène, lui ont donné son nom, et découvert deux
éléments chimiques particulièrement radioactifs, le polonium et le radium. Dans l’histoire de cette
découverte, et du développement de toutes ses conséquences, on retrouve toutes les grandes
questions liées à la recherche, aux mécanismes de la découverte, aux remises en cause des
acquis de la science et à l’exploitation scientifique, technologique et industrielle des connaissances
nouvelles. C’est en cela que la découverte de la radioactivité peut être considérée comme
exemplaire.
L
a découverte des rayons X,
en 1895, par le physicien
allemand W.C. Röntgen, est
l’étincelle qui va déclencher tout le
processus. C’est une histoire édifiante : en étudiant les rayons cathodiques (en fait des faisceaux d’électrons) dans un tube à décharge,
Röntgen met en évidence, de façon
fortuite, l’émission, hors du tube,
d’un rayonnement capable de rendre
fluorescents les sels de baryum, et
d’impressionner la plaque photographique. Ce rayonnement traverse
les tissus musculaires mais est absorbé dans les os, ce qui permet de visualiser le squelette humain. Cette
découverte est immédiatement très
populaire parce qu’elle ouvre d’emblée de grandes perspectives en médecine, et que le simple fait de voir
les os au travers des chairs frappe
l’imagination.
Lorsque H. Becquerel a connaissance de cette découverte, il s’engage immédiatement... sur une
fausse piste de recherche ! Si la
fluorescence des tubes à rayons cathodiques s’accompagne de l’émission de rayons X, la fluorescence de
certains sels exposés au soleil a
peut-être les mêmes propriétés.
Ses premières expériences semblent
confirmer cette hypothèse. Parmi
quelques sels essayés, ceux d’uranium, exposés au soleil, émettent en
effet un rayonnement pénétrant,
capable d’impressionner une plaque
photographique. Mais c’est la
contre-expérience, si nécessaire à
toute investigation, qui va conduire
à la découverte du véritable effet.
Cette contre-expérience est réalisée
ici, semble-t-il, grâce à un heureux
concours de circonstances. L’absence de soleil pendant plusieurs
jours conduit H. Becquerel à ranger
la plaque photographique et les sels
d’uranium dans un tiroir, à l’abri de
la lumière. Pourquoi, au retour du
soleil, va-t-il révéler cette plaque ?
On ne sait pas exactement, mais
c’est ce geste de curiosité scientifique, ou de conscience professionnelle, qui va lui livrer, ainsi qu’à
l’humanité, le premier secret de
l’uranium, sa capacité à émettre
spontanément, sans apport d’énergie
extérieure, un rayonnement tout
aussi invisible que les rayons X,
mais qui s’avérera être de nature
très différente.
− René Bimbot, Institut de physique nucléaire, 91406 Orsay Cedex.
Puis vient Marie Curie, et avec
elle Pierre Curie, et leurs travaux
constituent une autre illustration
exemplaire des méthodes de la recherche. Le phénomène (l’émis-
sion par l’uranium de rayonnements invisibles) a été découvert. Il
s’agit maintenant de l’explorer et
de mieux le comprendre. Et
Marie Curie, la chimiste, va entreprendre une démarche systématique,
consistant à opérer des séparations
chimiques successives sur les sels
puis sur des résidus de minerais
d’uranium pour comprendre d’où
vient ce mystérieux rayonnement.
Elle sera puissamment aidée dans
ses travaux par Pierre Curie, le physicien, qui, avec son frère Jacques,
construira un dispositif capable de
mesurer quantitativement la radioactivité des diverses fractions issues
des séparations chimiques successives de Marie. Travail gigantesque,
acharné, de longue haleine, dans des
conditions matérielles difficiles,
cette seconde étape de la découverte
de la radioactivité contraste avec
l’apparente facilité de la première.
Mais, comme pour celle-ci, il y aura
au bout le succès, avec la mise en
évidence de la généralité du phénomène de radioactivité, non limité à
l’uranium, et surtout la mise en évidence de deux nouveaux éléments
chimiques, le polonium et le radium, principaux responsables de
l’émission de rayonnements par les
minerais et les sels d’uranium.
Ces deux mécanismes de la découverte, le coup de chance (ou le
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trait de génie) d’une part, et la ténacité récompensée d’autre part, se
rencontrent fréquemment en histoire
des sciences, soit isolés, soit conjugués dans de subtiles combinaisons.
Cependant, on peut s’interroger sur
le rôle réel joué par le hasard dans
des découvertes comme celles de
Röntgen et de Becquerel. Il est vrai
que Röntgen ne cherchait pas les
rayons X, ni Becquerel la radioactivité. Il faut remarquer cependant
que ces deux savants, à qui la
chance a bien voulu sourire, avaient
l’un et l’autre réuni les conditions
d’une découverte. Ils s’intéressaient
à un sujet neuf, qu’ils exploraient
afin de mieux le comprendre, d’en
dégager les caractéristiques, ou de
le généraliser. Ils disposaient d’une
instrumentation adaptée, et travaillaient avec méthode. La chance
de Röntgen a sans doute été la présence, non loin de son appareil,
d’un flacon contenant des sels de
baryum qui se mirent à briller dans
l’obscurité. Celle de Becquerel a
peut-être été ces trois jours de pluie
à Paris, fin février 1896... Mais il
paraît à peu près certain que, même
sans ces circonstances favorables
qui ont accéléré ces découvertes, les
rayons X et la radioactivité auraient
été découverts, vers la fin du
XIXe siècle ou au début du XXe,
par un chercheur ou un autre parmi
la vingtaine de grands physiciens et
chimistes de l’époque...
Mais l’histoire continue. Tel un
éventail que l’on ouvre, les conséquences de la découverte de la radioactivité vont s’étendre dans plusieurs directions. Les physiciens, en
première ligne, se trouvent confrontés à plusieurs faits qui vont ébranler les convictions de l’époque, et
obliger la physique à se remettre en
question.
En 1897, peu après que Jean
Perrin eut démontré que les rayons
cathodiques portaient des charges
électriques négatives, le Britannique
J.J. Thomson avait mesuré leur vitesse, ainsi que le rapport (e/m) de
la charge à la masse de la particule
concernée. Il donnait ainsi corps à
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l’hypothèse de l’électron, avancée
dès 1881 par von Helmholtz et
Stoney, et que le Hollandais
Lorentz venait d’introduire dans sa
théorie pour expliquer l’action des
champs magnétiques sur la lumière
(dédoublement des raies spectrales,
découvert, en 1896, par P. Zeeman).
L’électron, première des « particules
élémentaires », avait ainsi été découvert, et, cent ans plus tard, chef
de file des leptons chargés, il a
conservé ce statut de constituant
élémentaire de la matière.
Ces découvertes : les rayons X, la
radioactivité, l’effet Zeeman, l’électron, le polonium et le radium, seront récompensées par des prix
Nobel de physique, les trois premiers de tous les temps étant attribués à W.C. Röntgen (1901), H.A.
Lorentz et P. Zeeman (1902), H.
Becquerel et Pierre et Marie Curie
(1903). L’Anglais J.J Thomson devra attendre 1906 (le sixième
Nobel) pour être lauréat à son tour !
Saluons au passage la clairvoyance
du jury Nobel qui avait pressenti
l’importance fabuleuse de ces découvertes. En effet, le champ de
recherche qui vient d’être ouvert est
immense. Et toute la physique du
XIXe siècle va devoir être reconsidérée. Avant même d’avoir commencé d’éclaircir les nombreux
mystères posés par la radioactivité,
les physiciens de l’époque savent
qu’il leur faut trouver d’où vient
l’énergie des rayonnements spontanément émis par l’uranium, le polonium et le radium, ou renoncer au
principe de conservation de l’énergie ! Et lorsque Ernest Rutherford et
Frederick Soddy mettront en évidence le fait que l’émission des
rayonnements α et β s’accompagnent d’une modification de la nature chimique de l’atome émetteur,
c’est-à-dire d’une transmutation, ce
sont les grands principes de la chimie qui trembleront sur leur base !
L’atome, dont le concept commence
à prendre corps, mais dont les
contours sont encore mal perçus,
doit déjà renoncer à sa propriété
fondamentale, celle d’être inséca-
ble ! Quant à la masse de l’électron,
elle pose aussi quelques problèmes,
car elle semble varier en fonction de
sa vitesse ! Ce fait sera confirmé
expérimentalement en 1902 par le
physicien allemand Kaufman, grâce
aux électrons de radioactivité bêta
émis par les descendants du radium,
dont la vitesse varie entre 20 % et
97 % de celle de la lumière. La voie
est ouverte vers la théorie de la relativité restreinte, formulée par
Albert Einstein en 1905, et où
il établit la célèbre équivalence
E = m.c2. Celle-ci donne, bien entendu, la clé du mystère concernant
l’origine de l’énergie rayonnée dans
la radioactivité... et par le Soleil !
En 1903, c’est le retour de sir
William Crookes, l’inventeur du
tube à rayons cathodiques, à qui
nous devons un peu toute cette histoire... et qui a maintenant imaginé
un système pour observer, au microscope et dans l’obscurité, l’impact
de particules alpha de radioactivité
sur un écran de sulfure de zinc. A
l’évidence, ces lueurs fugitives apparaissent de façon irrégulière dans
le temps. Leur distribution sur la
surface du petit détecteur semble
également aléatoire. Les physiciens
vont devoir apprendre à gérer les
phénomènes de l’infiniment petit en
termes de probabilités. Si on peut
calculer le nombre moyen d’atomes
de radium qui se désintégreront au
cours de chacune des prochaines secondes, on ne peut pas prévoir lequel sera le prochain, ni quand se
produira la désintégration d’un
atome donné. Cette approche probabiliste sera l’une des caractéristiques
de la mécanique quantique, qui
s’épanouira dans les années qui suivront. En 1928, George Gamow
montrera que l’émission d’une particule alpha ne peut s’expliquer que
par un mécanisme relevant typiquement de cette nouvelle mécanique,
la traversée d’une barrière de potentiel par effet tunnel. Il s’agit là d’un
effet que l’on retrouvera plus tard
dans nombre de processus microscopiques.
Le centenaire de la découverte de la radioactivité
Entre-temps, grâce notamment
aux expériences de Rutherford qui
avaient établi, en 1911, l’existence
du noyau, petit, massif, central, et
chargé positivement, la première
théorie de l’atome avait été élaborée
par Niels Bohr, en 1913. La composition exacte du noyau (constitué de
protons et de neutrons) ne sera
connue qu’en 1932 avec la découverte du neutron par le Britannique
Chadwick. Et cette découverte de
grande importance déclenchera une
avancée décisive sur la connaissance des forces mises en jeu dans
la radioactivité. Aux deux forces
fondamentales – la gravitation et la
force électromagnétique –, qui rendaient compte de tous les phénomènes connus à la fin du XIXe siècle,
viennent s’ajouter deux nouvelles
forces. C’est, tout d’abord, l’interaction forte, qui lie les protons entre
eux, les neutrons entre eux et les
protons aux neutrons, et qui est
ainsi responsable de la cohésion des
noyaux. Mais cette interaction est
incapable d’expliquer la transformation d’un neutron en proton qui se
produit dans la radioactivité β– et il
faudra introduire une quatrième
force, baptisée interaction faible,
pour rendre compte de cette transformation. En 1934, le Japonais
Hideki Yukawa formulera la première théorie de l’interaction forte,
et l’Italien Enrico Fermi celle de
l’interaction faible. Cette dernière
intégrait l’existence du neutrino,
particule neutre presque indétectable, émise en même temps que
l’électron dans la radioactivité β, et
dont W. Pauli avait émis l’hypothèse quelques années auparavant.
Ces deux nouvelles forces, et cette
seconde particule élémentaire, le
neutrino, actuellement chef de file
des leptons neutres, constituaient les
bases de la physique des particules
moderne. Il restera cependant, à la
fin des années 60, à découvrir les
quarks...
Deux autres découvertes importantes ont marqué ces années 30, et
parachevé les succès de la physique
nucléaire avant que n’éclate le se-
cond conflit mondial. C’est, tout
d’abord, en 1934, la première synthèse d’un isotope radioactif par
Irène et Frédéric Joliot-Curie, baptisée « découverte de la radioactivité
artificielle », et qui ouvrira la voie à
la production ultérieure de plus de
2 000 isotopes différents, dont certains trouveront des applications
scientifiques, médicales, ou industrielles. C’est, peu de temps après,
la découverte, en 1939, du phénomène de fission, libérateur de grandes quantités d’énergie, et dont on
connaît les applications militaires et
industrielles.
La découverte de la radioactivité
va faire progresser toutes les sciences. A la chimie, elle apportera une
pléiade de nouveaux éléments, dont
le polonium et le radium ne sont
que les précurseurs. En ce qui
concerne ce dernier élément, le radium, Marie Curie en isolera une
quantité pondérable et le purifiera
suffisamment
pour
qu’Eugène
Demarçay puisse en obtenir un
spectre optique, ce qui établira définitivement son identité en tant
qu’élément chimique. Pour cet exploit, Marie Curie recevra le prix
Nobel de chimie, en 1911. Peu
après, l’exploration de la structure
de l’atome conduira Henry Moseley
à donner un sens physique à la classification de Mendeleïev : le numéro
atomique (numéro de la case dans le
tableau) est égal au nombre d’électrons de l’atome de l’élément, c’està-dire au nombre de protons de son
noyau. A la même époque, F. Soddy
met en évidence les isotopes (du
grec iso (même) et topos (place),
atomes dont le noyau possède le
même nombre de protons, mais des
nombres de neutrons différents, et
qui occupent donc la même case du
Tableau de Mendeleïev. Cette nouvelle avancée ouvrira le monde de
la chimie isotopique, des traceurs et
des molécules marquées, ce dernier
domaine se développant surtout
après la découverte de la radioactivité artificielle.
Traceurs radioactifs et molécules
marquées s’avéreront être des outils
extrèmement efficaces pour les recherches en biologie animale et en
biologie végétale. Le développement de la biologie moléculaire, et
la formidable percée dans les travaux sur le génome humain doivent
beaucoup à ces techniques de marquage. La présence d’isotopes stables et radioactifs dans les roches
terrestres et les météorites sera
exploitée de façon très fructueuse
pour dater ces roches et étudier leur
évolution au cours des âges. Le carbone 14, présent dans tous les restes
organiques, et de période voisine de
5 700 ans, est devenu indispensable
pour dater des échantillons fossiles
ou des objets préhistoriques jusqu’à
50 000 ans environ. Les progrès expérimentaux et théoriques de la
physique nucléaire et des particules
permettront des avancées spectaculaires dans la connaissance de l’univers et de ses origines.
L’ensemble de ces succès, qui
mériteraient un développement plus
détaillé, met en lumière l’importance considérable de la pluridisciplinarité, nécessaire à l’implantation, dans une discipline,
de techniques issues d’une autre
science. De tels transferts de technologie ne peuvent se faire sans une
grande ouverture d’esprit et une
certaine abnégation des chercheurs
concernés, qui doivent accepter de
voir les techniques ou les objets de
leur recherche fondamentale passer
au service d’une autre science, avec
le cortège de problèmes humains
que de telles collaborations peuvent
engendrer.
Enfin, les applications médicales
et énergétiques de la radioactivité et
de l’atome posent de façon très
claire le problème de l’exploitation
des grandes découvertes scientifiques par la société.
Les applications médicales de la
radioactivité ont été très précoces.
Dès 1900, deux chercheurs allemands constatent que l’application,
sur leur peau, d’une préparation au
radium, provoque une inflammation
similaire à celle produite par les
rayons X. Peu après, Henri Becquerel,
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d’une façon fortuite, et Pierre Curie,
volontairement, observent que l’exposition prolongée de la peau à une
source de radium provoque une brûlure allant jusqu’à l’ulcération, la
plaie ainsi créée guérissant en six
ou sept semaines. Cette observation
est publiée en 1901 dans une note
signée par les deux savants. Les
premières tentatives d’utilisation
thérapeutique de ces effets (pour détruire des lésions) ont lieu fin 1901,
à l’hôpital Saint-Louis. Il faudra cependant attendre 1905 pour maîtriser ces techniques nouvelles de
radiothérapie et obtenir des résultats
positifs, notamment sur les cancers
de la peau et du col de l’utérus. La
curiethérapie est née. A la veille de
la guerre de 1914, Marie Curie obtient la création de l’Institut du
radium, comprenant une section de
physique, et une section de biologie
et de médecine, et, en 1919, la Fondation Curie est créée sous le double patronage de l’Institut du
radium et de l’Institut Pasteur, avec
le soutien financier d’Henri de
Rothschild. Ce centre pionnier de
radiothérapie prendra plus tard son
nom actuel d’Institut Curie.
dans l’organe à observer est injecté
au patient, et sa répartition au sein
de cet organe, visualisée grâce au
rayonnement gamma qu’il émet. Variante de la scintigraphie, et véritable joyau de ce domaine, la caméra
à positons constitue actuellement la
pointe avancée de l’imagerie médicale nucléaire.
Dans le domaine médical, comme
dans tous les domaines scientifiques, la radioactivité a apporté
sans conteste des progrès considérables. Dans le domaine de la production d’énergie, cette proposition,
toujours vraie du point de vue technique, est parfois contestée d’un
point de vue pratique, éthique, ou
sociologique. Ici encore, le cas est
exemplaire. En 1939, en découvrant
la fission, les Allemands O. Hahn et
F. Strassmann éclaircissent le mystère que posait depuis quelques
temps l’étude de la capture des neutrons par l’uranium. Frédéric Joliot
entrevoit immédiatement la possibilité d’engendrer, par fission, des
réactions en chaîne, conduisant à la
production d’énergie. Il prend les
brevets
correspondants.
Mais,
comme chacun sait, c’est aux EtatsUnis que vont se développer très
vite les recherches technologiques
aboutissant à la réalisation, en 1942,
par E. Fermi, de la première pile
atomique, à Chicago, et à la mise au
point des premières bombes atomiques, promptement utilisées en 1945
pour mettre fin au conflit avec le Japon. Une bombe à uranium 235 est
lancée sur Hiroshima, le 6 août, et
une bombe au plutonium sur Nagasaki, le 9 août.
Les applications pacifiques et militaires de l’énergie nucléaire vont
désormais se développer de front
dans les pays les plus industrialisés.
La première pile atomique française, Zoé, qui ne produit pas
d’énergie, fonctionnera en 1948.
Actuellement, la France, avec 75 %
de son électricité provenant de réacteurs nucléaires, est l’un des pays
dont la politique énergétique est la
plus liée à l’électronucléaire. Cependant, comme toute activité humaine, l’industrie nucléaire présente
des dangers et est source de nuisances. Les dangers sont liés au risque d’accidents dans les centrales,
Figure 1 - Henri Becquerel dans son laboratoire. Photo : Association Curie et Joliot Curie
DR.
Figure 2 - Pierre et Marie Curie dans leur laboratoire. Photo : Association Curie et Joliot
Curie DR.
La découverte de la radioactivité
artificielle, et l’essor des techniques
nucléaires, après la Seconde Guerre
mondiale, ouvriront la possibilité de
produire des isotopes radioactifs en
grandes quantités. La radiothérapie
bénéficiera de ces nouvelles avancées, avec notamment la fameuse
« bombe au cobalt », utilisant le
cobalt 60 comme émetteur de
rayons γ, et qui devient, avec les
rayons X, l’outil majeur d’irradiation externe des tumeurs, avant l’arrivée massive, dans les hôpitaux,
des accélérateurs d’électrons.
Les isotopes radioactifs artificiels
vont aussi jouer un rôle important
dans l’imagerie médicale, apportant
aux rayons X de la radiographie traditionnelle et de la tomographie
(qui, associée à un ordinateur, deviendra le scanner), le complément
précieux de la scintigraphie (ou
gammagraphie). Pour cette dernière,
un isotope se fixant spécifiquement
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Le centenaire de la découverte de la radioactivité
ceux-ci pouvant atteindre, en premier lieu, les personnels qui y travaillent, mais aussi, par rejet de radioactivité vers l’extérieur, toute la
population. L’accident majeur survenu en 1986, à Tchernobyl, est
dans toutes les mémoires. Dans les
pays occidentaux, ces risques sont
pris très au sérieux, et de grands
moyens sont consacrés à la sûreté
nucléaire. Cependant, cela ne suffit
pas toujours à rassurer la population. D’autant plus qu’à ce problème s’ajoute celui de la gestion
des déchets nucléaires, dont certains
peuvent être très radioactifs.
Ces risques technologiques, difficiles à évaluer par le commun des
mortels, et l’existence d’armes nucléaires terrifiantes, abondamment
construites pendant l’escalade de la
guerre froide, rendent l’opinion publique pour le moins ambivalente
par rapport à la production d’énergie nucléaire. Et cette ambivalence
peut se prolonger en direction des
découvertes scientifiques, et de la
science elle-même. Elle aboutit,
directement ou non, à poser la question de la responsabilité des chercheurs. La découverte de la radioactivité a-t-elle eu des conséquences
plus bénéfiques que malheureuses ?
Si la réponse est oui aujourd’hui,
serait-elle la même si de nombreux
accidents du type Tchernobyl survenaient dans l’avenir, ou si la sagesse
des nations devenait insuffisante
pour leur éviter un conflit nucléaire ? Bien entendu les problèmes ainsi soulevés ne sont pas particuliers à la radioactivité, et se
posent pour toutes les découvertes
majeures. La possibilité actuelle de
manipulations génétiques, dues aux
grandes avancées récentes dans ce
domaine, constitue un autre exemple tout aussi frappant. Mais, avec
un recul de cent ans, compte tenu
de l’étendue inégalée de ses conséquences, dont l’accroissement fantastique de la puissance mise à la
disposition de l’Homme, la découverte de la radioactivité constitue un
sujet de réflexion exceptionnel, et la
célébration de son centenaire, de
1996 à 1998, est une excellente opportunité pour développer cette
réflexion.
POUR EN SAVOIR PLUS
Noyaux atomiques et radioactivité,
dossier Pour la Science (octobre
1996).
Histoire naturelle de la radioactivité, Catalogue de l’exposition, Muséum national d’histoire naturelle, Paris (1996).
La radioactivité et ses applications,
Tuliana (M.), Dautray (R.), Que
sais-je ? n° 33 PUF (1996).
Les rayonnements nucléaires, Radvanyi (P.), Que sais-je ? n° 844 PUF
(1995).
Environnement et radioactivité,
Chassard-Bouchaud (C.), Que saisje ? n° 2797 PUF (1993).
Centenaire de la Découverte de la Radioactivité :
Secrétariat général : René Bimbot, Institut de physique nucléaire
91406 Orsay Cedex
RENSEIGNEMENTS :
Minitel : 3615 CENTRAD – Répondeur : 01 69 07 07 28 – Fax : 01 69 15 45 07
Internet : http // www.centenaire.jussieu.Fr / radioactivite
Conférences et actions pédagogiques : Tél . 01 40 56 16 85
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