BRIÈVETÉ DU PREMIER RAYON ET PERTURBATION DES CHAÎNES MUSCULAIRES Dominique ARNOUD LES CAUSES DE LA BRIÈVETÉ Particularité embryologique : le premier métatarsien est le seul à avoir une croissance osseuse par sa base, alors que les quatre autres ont une croissance distale. En fait il se présente comme si le premier métatarsien était une première phalange et nous voyons sur ce pied gauche un trouble de l'ostéogénèse générant une brièveté du premier métatarsien. Dysharmonie fonctionnelle Soit en déviation de métatarsus varus dans le pied ancestral, ou occasionnée par un valgus majeur du pied. ou encore par une forme de pied égyptien et encore plus par une hallomégalie. Causes chirurgicale L'importance de la première tête métatarsienne se justifie dans la locomotion. Son rôle propulseur est indispensable dans la démarche physiologique, et tout mauvais positionnement entraînera une compensation des articulations voisines et sus jacentes. Cette compensation n'étant pas physiologique, elle provoquera des tensions ligamentaires et des contractures modifieront le jeu musculaire. Le positionnement des sésamoïdes et l'orientation du métatarsien dans l'espace, font que le mouvement sera amplifié dans sa force par l'effet de torsion. En décharge le premier méta présente un axe orienté en bas et en dedans alors qu'en charge, il se verticalise. Cet effet de torsion est amplifié par l'abducteur de l'hallux. Il présente une insertion postérieure verticale et antérieure horizontale. PHYSIOLOGIE DES SÉSAMOÏDES Les os sésamoïdes apparaissent entre la 8ème la 12ème semaine chez l’embryon avant même l’ébauche de l’articulation métatarsophalangienne à laquelle ils sont attachés . A partir du troisième mois, ils sont liés à une partie de la capsule articulaire et sont progressivement inclus dans les fibres tendineuses. L’ossification arrive vers l’âge de cinq ans mais ils ne sont radiologiquement visibles qu'entre neuf et onze ans. Anatomiquement : ils occupent la face inférieure de la tête du 1er métatarsien, chacun est en regard d'une dépression. Le sésamoïde interne est plus volumineux que l'externe, il mesure entre 12 et 15 mm alors que l'externe ne dépasse pas les 10 mm. Physiologiquement : il y a une asymétrie de positionnement pour une bonne propulsion du pas : l'externe est plus postérieur que l'interne. Les deux sésamoïdes sont reliés par un puissant ligament qui joue un rôle de transfert de contraintes mécaniques vers la base de la phalange proximale. Lorsque le pied est en décharge, la tête du 1er méta est en rotation interne. Le sésamoïde interne est en position plantaire, alors que l'externe est en position haute. Lorsque le pied est en charge, il se produit une rotation axiale du premier méta qui horizontalise les sésamoïdes. Cette rotation a un double rôle : 1- de ressort en torsion, donc d'amortisseur 2 - de catapulte à la propulsion du pas. LES CHAÎNES MUSCULAIRES Pour comprendre le fonctionnement des chaînes musculaires, il faut étudier les fonctions cérébelleuses et les interactions avec le système central. En résumé, sachez que la fonction de contrôle et de programmation motrice est la fonction essentielle du cervelet. Il assure la coordination motrice consciente et inconsciente dans l'espace et le temps Sur la corticalité cérébelleuse sont inscrits tous les schémas musculaires d'action ou de réaction à n'importe quel stimuli. La "collaboration" permanente entre le cerveau et le cervelet par les voies cortico-néo-cérébelleuses assure cette harmonie. Mais c'est le cervelet qui détient le "logiciel" de cette harmonie. Il est un détecteur d'erreurs et un système prévisionnel. Les trois couches du cervelet déterminent les trois chaînes musculaires majeures Archéocérébellum: contrôle notre équilibre dans le plan frontal, il est en relation avec le système vestibulaire Paléocérébellum: plan sagital, équilibre antéro-postérieur parce que connecté aux barorécepteurs, il est en relation avec la moelle épinière Néocérébellum: en relation avec le cortex moteur et le thalamus, postérieur, il harmonise les deux chaines archéo et paléocérébelleuse L'ARCHEOCEREBELLUM Il assure l'équilibration dans le mouvement. Il est connecté avec le système vestibulaire par la 8ème paire crânienne. Il contrôle la position de la tête dans l'espace. Il implique le noyau vestibulaire qui diffuse le message vers la moelle par le faisceau vestibulospinal, les noyaux oculomoteurs et la réticulée (rhéostat de l'organisme, il régule l'intensité) L'archicérébellum est donc en rapport avec des réflexes compensateurs d'origine labyrinthique (cervicale et visuelle) Le point de départ de cette chaîne musculaire se situe au niveau du bloc sésamoïdien, qui coordonne l'équilibre du premier rayon de par sa rotation dans le plan frontal La couche la plus profonde des muscles plantaires lui est fonctionnellement rattachée, elle comprend : le court fléchisseur de l'hallux, l'adducteur de l'hallux, le court fléchisseur du 5ème Tout dysfonctionnement au niveau de la première tête aura une répercussion au niveau du genou via le tripode. La pathologie la plus couramment observée sera une tendinite de la patte d'oie, voire une atteinte de la plicae La particularité du tripode est que les trois muscles qui le composent sont innervés par 3 nerfs différents : Le GRACILE ou droit interne, est innervé par le nerf Obturateur. Il fait partie des muscles adducteurs. Sa tendinite sera une des causes de la pubalgie et donnera une douleur suscondylienne interne. Le DEMI-TENDINEUX Innervé par le nerf Sciatique fait partie des muscles postérieurs de la cuisse. Les ischio-jambiers, dont il fait partie travaillent en synergie avec les muscles fessiers. Sa tendinite entrainera une déstabilisation au niveau du bassin avec des risques de claquage. LE SARTORIUS ou le Couturier est innervé par le nerf Crural, il sera le premier muscle atteint dans la Cruralgie. Sa tendinite donnera une douleur sur la face interne de la cuisse. Si l'un des trois muscles est en souffrance, il y aura toujours une tendinite de la patte d'oie. Et une attitude perturbée du bassin. Toute désorganisation de la chaîne archéocérébelleuse aura une incidence sur la position du bassin, qui en fonction des muscles atteints donnera une translation, une antéversion, une antépulsion, une nutation ou une contre nutation. Vous imaginez les répercutions posturales sachant qu'on met en jeu en bas le Piriforme et le Carré des lombes, et en haut: le Trapèze, le Rhomboïde et l'Angulaire de l'omoplate ainsi que les muscles propres de la nuque. Cette chaîne musculaire se termine par le droit externe de l'œil, et s'il y a une hypertonie de ce muscle on se retrouve avec une mauvaise accommodation visuelle. Elle sera d'autant plus marquée que la vision sera proche. Toute accommodation visuelle déstabilisera cette chaîne. Vous comprendrez aisément que les différentes atteintes qu'elles soient podales, gonalgiques, pelviennes ou oculaires déstabiliseront cette chaîne. L'analyse des pressions au niveau du bloc sésamoïdien sera un élément clef pour le Podologue. LE PALEOCEREBELLUM Il commande le contrôle du tonus de posture des muscles chargés de contrebalancer l'effet de la pesanteur. Ses voies afférentes proviennent des barorécepteurs cutanés, musculaires et ligamentaires qui empruntent les faisceaux spinocérébelleux de Fléchig et Gowers. Les voies Paléo-cérébelleuses annexées à la partie moyenne du cervelet ont comme rôle essentiel d'assurer notre équilibre orthostatique dans la posture et la locomotion dans le sens antéro-postérieur. Au niveau du pied cette chaîne commence elle aussi par le bloc sésamoïdien. La couche superficielle des muscles intrinsèques podaux lui est fonctionnellement rattachée. Elle comprend : Le court fléchisseur plantaire, l'abducteur du gros orteil, l'abducteur du 5ème orteil. Les muscles: Tibial antérieur et postérieur complètent cet équilibre antéro-postérieur et réalisent un véritable couple équilibrant la flexion plantaire et la flexion dorsale. Comprenez qu'une brièveté du premier rayon ne va plus permettre à l'Abducteur de l'hallux de jouer son rôle stabilisateur. Inévitablement l'avant pied partira dans un premier temps en éversion puis dans un second temps, sera l'élément aggravant du valgus calcanéen. Le court fléchisseur plantaire fléchit la deuxième phalange sur la première et assure par la pulpe des orteils une meilleure stabilité du pied LE NEOCEREBELLUM Il est constitué par le lobe postérieur et le noyau dentelé. Ses afférences proviennent de tout le cortex, et ses voies efférentes gagnent le cortex cérébral, le noyau rouge, les noyau gris centraux. Il contrôle la régulation de l'équilibre dans la motricité volontaire, l'harmonisation entre muscles agonistes et antagonistes. Le néocérébellum est la seule partie du cervelet en relation avec les zones corticales de la motricité automatique et semi automatique. Ces voies cortico-cérébello-spinales harmonisent notre équilibre archi et paléocérébelleux, par le jeu des alternances entre les muscles agonistes et antagonistes des chaînes des extenseurs et des fléchisseurs podaux. Nous prenons alors "conscience" de notre stabilité. La couche plantaire moyenne lui est fonctionnellement rattachée. Elle comporte le système alterné des lombricaux et de la Chair carrée de Sylvius qui intègre les mouvements agonistes et antagonistes. Ils peuvent être divisés en deux groupes distincts. 1°) La Chair carré de sylvius et les Lombricaux qui s'insèrent sur les tendons du muscle Fléchisseur commun des orteils et qui harmonisent la tension du tendon principal par la Chair carré et des tendons terminaux par les lombricaux. Ils prennent d'une part l'ajustement de la "prise en main" du pied, des différents reliefs lors de la marche, d'autre part ils établissent l'équilibre par rapport à l'axe de gravité du corps. 2°) les interosseux dorsaux et plantaires peu fonctionnels chez les humains, harmonisent les mouvements des orteils les uns par rapport aux autres pour en augmenter la précision et rétablir l'équilibre par rapport à l'axe de gravité du pied. Les interosseux et les lombricaux sont fléchisseurs de la première phalange et extenseurs des deux dernières Ils jouent donc un rôle essentiel dans la stabilisation des orteils : en fléchissant la première phalange, ils donnent un point d'appui solide aux extenseurs des orteils dans leur action de flexion de la cheville. Lorsque les lombricaux et les interosseux sont insuffisants il en résulte une déformation en marteau et en griffe. Autre muscle de cette chaîne qui nous intéresse directement, c'est le long fléchisseur propre de l'hallux muscle. N° 1 de la propulsion. Sa bonne fonction ne dépend que de la position du bloc sésamoïdien. PIEDS PLATS / PIEDS CREUX Autre paramètre entrant en ligne de compte : l'état constitutionnel et morphologique du patient. Soit il est "pied plat" avec une dominante asthénique et parasympathicotonique c'est-à-dire que son état dépend d'une atteinte centrale ou périphérique. Soit il est "pied creux" avec une dominante sthénique et orthosympathicotonique. Dans la pathologie de pieds plats, on constate globalement un "lâchage" musculaire qui signera une attitude le plus souvent en scapulum postérieur et présentera un affaissement des voûtes plantaires. Cette particularité aura comme conséquence d'avancer le bloc sésamoïdien par rapport aux autre têtes métatarsiennes. De ce fait, la brièveté du premier rayon est minorée. Mais cette brièveté sera malgré tout un élément aggravant du valgus. Ce pied plat a des origines multiples et présente plusieurs degrés. L' attitude du patient est plutôt "avachie", asthénique et sa sensibilité est diminuée. Il viendra consulter davantage pour une marche pénible et inesthétique. Le pied creux présente aussi plusieurs degrés. Le patient a une attitude orthosympathicotonique, sthénique et une sensibilité exacerbée de ce fait il n'acceptera pas le moindre grain de sable dans sa chaussure ! Dans la pathologie de pieds creux on constate une tension musculaire plus importante et surtout un verrouillage ligamentaire majeur. Il présente une attitude avec sacrum et scapulum dans un même plan voir même un scapulum antérieur. Cet état va creuser la voûte plantaire et faire reculer la première tête métatarsienne. La pathologie du pied creux sera un élément aggravant dans la brièveté du premier rayon. Le transfert de charges se fera sur les têtes métatarsiennes voisines. Débordés par une activité supplémentaire, les orteils vont contribuer à une meilleure stabilité du pied et ils vont se mettre en griffe. Ce qui aura pour effet de mettre en tension l'aponévrose plantaire et déclenchera une perturbation de la chaîne néocérébelleuse via le triceps sural et le quadriceps qui entraîneront le bassin en antéversion, signe d'une décompensation d'origine centrale. BRIÈVETÉ DU PREMIER RAYON Cette brièveté perturbe la statique sur des variations de longueur très faible, et plus que la taille du premier méta, on s'intéressera davantage à la pression sous le bloc sésamoïdien. Cette pression est responsable de la puissance des muscles plantaires et c'est cette puissance qui est responsable de la perturbation des chaînes musculaires. Une étude du CFPO montre que lorsque la force du LFPGO diminue, le centre de pression (Y moyen) recule de 10mm en moyenne Si cette force est sous la dépendance de la pression de M1, le second facteur rentrant en considération est la coulisse entre les deux tubercules postérieurs de l'astragale. Vous admettrez que le valgus calcanéen sera un élément supplémentaire qui affaiblira la puissance de ce muscle. Les plateformes électroniques nous permettent de visualiser et de quantifier ces pressions. Des relevés de statiques précis vont mettre en évidence les chaînes musculaires perturbées TRAITEMENTS ORTHÉSIQUES Le traitement de la brièveté du premier rayon ne peut se concevoir que dans une prise en charge posturale globale. Il est impossible d'essayer d'équilibrer le pied sans tenir compte du schéma corporel. Dans la pathologie du pied plat, on cherchera à faire un équilibrage en se servant essentiellement des capteurs neuro musculaires pour augmenter le tonus musculaire Alors que dans la pathologie du pied creux on va effleurer les capteurs de Golgi pour détendre le système ligamentaire. Selon la formation suivie et les techniques utilisées, les moyens seront différents. Donc pour une même pathologie le plan de correction et les éléments de la semelle changeront. Mais la règle d'or sera d'harmoniser les pressions sous l'avant pied ainsi que la force musculaire. Dans le pied creux, cet élément aura l'avantage de contrer une griffe d'orteil, de faire reculer le centre de gravité du corps. De plus son effet pronateur sera complémentaire pour augmenter la pression sous la 1ère tête métatarsienne. Dans le pied plat on utilisera davantage un élément sous la diaphyse du V afin de stimuler l'abducteur et le court fléchisseur du V Le deuxième temps important pour la correction de la brièveté du 1er rayon sera de compenser le défaut d'appui en mettant une sur-épaisseur sous la première tête. Ce second élément fera varier la force du long fléchisseur propre du gros orteil. En conclusion, la brièveté du premier rayon donne habituellement une insuffisance de pression au niveau du bloc sésamoïdien. Si vous respectez le jeu des chaînes musculaires cérébelleuses et si vous redonnez au corps une attitude harmonieuse et donc compensée, il faudra des éléments de faible épaisseur pour obtenir un déroulement du pas sans douleur. En fonction des chaînes musculaires perturbées, il y a bien sûr d'autres éléments spécifiques importants qui rentrent dans la composition de la semelle, mais qui sont aujourd'hui hors sujet. Plus l'examen posturologique est précis, plus votre semelle sera fine et bien supportée. Dominique ARNOUD : membre du CENTRE D'ÉTUDES RÉFLEXOTHÉRAPIQUES ATLANTIQUE Sous la direction du Docteur Philippe BAZIRE Place du Marronnier 85200 FONTENAY LE COMTE WWW. Cera-formations.com