Service de Coopération et d’Action Culturelle
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placer les institutions religieuses sous contrôle de l’Etat pour permettre une modernisation et une
occidentalisation de la société.
L’émancipation des femmes passe par la scolarisation et des campagnes contre le voile et la
claustration. De nombreux cercles de pensée associent la philosophie européenne, l’islam et le
soufisme. On ne parle par encore de laïcité mais de lâdini qui peut se traduire par « irreligieux ».
Le terme de laïcité est créé en turc moderne à partir du français : « lâiklik », La république fonde dès
1923, l’institutionnalisation de la laïcité en Turquie. Le kémalisme de Mustafa Kemal s’installe.
Pour autant, la première partie de la question précédemment développée montre qu’il n’y a pas de
rupture brutale, le sultan-calife n’étant ni l’incarnation de la toute puissance de l’Etat, ni de la
communauté musulmane. Dans ce second aspect de la question, il est impératif de mettre en avant
trois préalables.
D’une part, si la France comme la Turquie ont inscrit la laïcité dans leurs textes fondamentaux,
celle-ci n’est pas conçue dans les mêmes termes, d’abord parce qu’elle touche à des domaines plus
vastes (social, juridique, politique, culturel), ensuite car il ne s’agit pas comme en France, d’imposer
une séparation du temporel et du spirituel mais davantage d’imposer un contrôle de l’Etat (via le
ministère des Affaires religieuses) sur un islam national.
D’autre part, il est nécessaire de montrer qu’entre 1924 et 1935, les réformes ont été radicales,
brutales et marquées du sceau de l’autoritarisme. Des chercheurs tels que Jean-Paul Burdy ou Jean
Marcou n’hésitent pas à considérer que « dans une large mesure l’islam turc (…) a été
instrumentalisé au profit du projet kémaliste de création de l’Etat-nation territorialisé et unifié, au
même titre que l’histoire ou la langue. L’islam est devenu un « appareil idéologique d’Etat » ». Bien
sûr les photos, les statues du Ghazi (le « Victorieux », titre accordé aux plus courageux combattants
de l’islam) sont à utiliser en classe car le personnage se veut l’incarnation de la laïcité turque.
Enfin, depuis 1924, la société a changé. Par le traité de Lausanne, les populations non musulmanes
quittent le territoire (900 000 Grecs d’Anatolie émigrent. La Turquie devient musulmane à 99 %).
Il serait impensable de présenter l’ensemble des réformes qui modifient les liens entre religion, Etat
et société en Turquie. Quelques faits significatifs peuvent montrer d’une part le rejet de la religion
de la sphère du politique, d’autre part les mesures ayant des implications immédiates sur la société
et enfin les faiblesses du système augurant d’une des contestations à venir.
Alors que l’institution avait survécu à la proclamation de la République (29 octobre 1923), c’est
certainement l’abolition du sultanat le 3 mars 1924 qui aura le plus grand retentissement dans le
monde musulman. On pourra faire remarquer que dans l’article 2 de la Constitution (avril 1924) « la
religion de l’Etat turc est l’islam », cet article sera supprimé en avril 1928 laissant à chacun la
liberté de croyance et de culte. Il est recommandé de présenter les champs d’action des Directions
des Affaires religieuses et Direction générale des Fondations pieuses (vâkïfs) : contrôle des
mosquées, des couvents et des mausolées ; nomination des imams et des muezzins ; surveillance de
la Faculté de théologie d’Istanbul et des écoles de prédicateurs. Aucune mosquée importante n’a été
construite dans les grandes villes, la basilique-mosquée de Sainte-Sophie devenant un musée.
La société turque n’est pas antireligieuse mais les pratiques sont orientées par une série de mesures
qui vise la population : les écoles religieuses sont intégrées au système scolaire public, l’appel à la
prière est en turc et non en arabe, le dimanche devient jour de repos hebdomadaire, le calendrier
chrétien est adopté, un nouvel alphabet est introduit, les noms de famille doivent être de type