NOTES DE MISE EN SCENE
Après plusieurs lectures, ce texte s’est de
plus en plus imposé comme la première pièce que
je voulais tenter de mettre en scène. En effet, son
propos présentait beaucoup de similitudes avec ma
situation de jeune comédien et de jeune metteur en
scène tout droit sorti d’une école d’art. Toutes ces
questions sur le métier, sur le théâtre, sur son but et
sur son devenir dans une société qui nie encore, sous
certains aspects, le rôle essentiel de la culture. Dans
quelle mesure est-ce une question de courage, de
se jeter dans l’inconnu, dans l’incertitude perpétuelle
inhérente aux métiers artistiques ? Je parle de «
courage », parce que c’est justement la question
centrale autour de laquelle j’ai choisi de faire graviter
la pièce. Faire le choix. Dans quelle mesure est-
il possible? Il est évident que ma situation était
différente de celle des mineurs des années 30, mais
il me semble, qu’essentiellement, la question reste
la même. Dans la pièce, les mineurs se pensent aux
antipodes du monde des arts et se découvrent peu
a peu un appétit pictural insatiable. Ils sont tiraillés
entre leur nouvelle découverte, leur nouvelle soif,
et leur conviction qu’ils appartiennent à un monde
imperméable à l’art, le monde ouvrier. Le choix de se
plonger malgré tout dans le milieu artistique serait-il
donc uniquement lié à la découverte d’une passion,
ou les facteurs sociaux ont-ils tout de même un poids
qui inhiberait cette décision ? Ce qu’il y a de certain,
c’est que faire ce choix a des implications sociales.
Ces mineurs, en se plongeant dans leur peinture
ont une mission, qu’ils comprennent tout au long
de la pièce, une mission qui a pour but d’expliquer
ce qu’ils font, ce qu’est leur place dans cette
société. Ils découvriront que l’art, et en particulier
la peinture, leur permet de représenter autre chose
que leur propre existence. Ils comprendront que l’art
est un moyen de dire sans mot, sans notion, sans
forcément avoir une éducation artistique solide,
quelque chose d’universel.«L’art est fait pour tout
le monde et tout le monde est fait pour l’art». Mais
faudrait- il continuer à croire en l’utopie que l’art
se veut et se doit d’être accessible au plus grand
nombre ? Je parle d’utopie car dans la situation
actuelle des choses nous sommes tous conscients
du manque de mise à disposition de cet Art pour
une population en demande de découverte et
d’enrichissement, quelque son soit son niveau social.
« La Culture ne s’hérite pas, elle se
conquiert. » - André Malraux -
Marc Delva, Février 2016
La pièce récuse la dimension trop souvent élitiste du
discours qui entoure les artistes et amateurs d’art.
Il ne s’agit pas de détenir un bagage culturel riche,
ni un jargon intellectuel ou technique, pour pouvoir
tenir un discours personnel et profond sur l’art,
ou même pour pouvoir produire une œuvre d’art.
Ce qui est intéressant dans cette pièce, c’est que
l’histoire du groupe casse cette image encore trop
fermée du monde de la culture, et de ses artisans.
Le tour de force de cette œuvre se situe donc
dans son double impact : elle tient un discours sur
l’art, et en même temps, elle agit conformément à
ce discours. Elle met en acte et rend réel, par son
accessibilité, par son humour, par le style de l’écriture,
et par le choix des personnages issus d’un milieu
modeste, cette idée que l’art est, et reste universel.
Les questions politiques contemporaines de la
pièce, liées au contexte historique des années 30
sont importantes: elles sont pour nous l’occasion de
généraliser le propos, pour aller vers la question plus
large, plus politique encore, de notre place et de notre
rôle dans la société actuelle, par le prisme de l’art.
Que ce soit socialement, artistiquement,
ou personnellement, il s’agit de prendre un
engagement qui dépasse sa propre histoire, pour
aller vers des questions qui vont au-delà d’un
goût personnel. C’est cette notion qui me semble
essentielle et que j’ai eu envie de défendre.