Rapport final Le pouvoir d`achat dans les DOM

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Le pouvoir d’achat dans les DOM
Incidence de la structure des prix et des coûts
Deux monographies
Janvier et mai 2011
Cette étude a reçu le soutien financier de l’IRES
(Institut de recherches économiques et sociales)
Cette étude a reçu le soutien financier de l’IRES (Institut de recherches économiques et sociales)
Auteurs
Christian Duchesne
Adrien Laroze
Philippe Morvannou
Documentation
Annick Boïco
Maquette
Jacquemine de Loizellerie
Correction
Alice Boussicaut, Marie Devigne, Lisa Sobral
Crédit photos : Brentozar, J.-J. Manach, S. Lasnier, Gaël Chardon, www.photo.martinique.free.fr
Introduction
Le thème de la vie chère est central dans les départements d’Outremer. En effet, la croissance économique des départements ces dix
dernières années n’a pas eu les retombées attendues sur le plan social. Les inégalités se sont accrues, avec une augmentation des prix
des biens de consommation, une flambée des prix de l’immobilier et
une perte du pouvoir d’achat pour la majorité des ménages.
Plus de deux ans après les Etats généraux de l’Outre-mer de 2009,
aucune réponse structurelle n’a été apportée pour lutter durablement
contre la vie chère et réduire les inégalités.
Dans le cadre de cette étude en deux tomes, les travaux ont porté plus
particulièrement sur les départements de la Réunion (tome 1) et de
la Martinique (tome 2). Plusieurs problématiques ont été abordées :
-
ultrapériphérie et surcoûts : des handicaps à relativiser, des réponses à apporter. Si l’éloignement de l’île renchérit les coûts
de transport, ce handicap est décuplé par les rentes intérieures,
le long de la chaîne de distribution (compagnies maritimes, importateurs, distributeurs). La part véritablement liée à la cherté des coûts d’approche dans les prix aux consommateurs est
ainsi à relativiser. La réduction des coûts d’approche suppose
une réflexion des acteurs économiques sur les flux logistiques
internes et sur la mutualisation des moyens, à travers la création de plates-formes partagées ou encore la mutualisation des
transports ;
-
organisation de marché et structure des prix : c’est la question
du pouvoir de marché des acteurs économiques ;
-
dispositif fiscal : ce dernier reste profondément marquée par
l’économie de comptoir et ses mécanismes ont des effets inflationnistes et sont source d’inégalité ;
-
accroissement des inégalités, malgré la croissance de la dernière
décennie ;
3
Pouvoir d’achat dans les Dom-Tom - Deux monographies
-
inégalités de revenu et dépenses contraintes : construire une
approche catégorielle de l’évolution du pouvoir d’achat.
L’étude a été réalisée en deux vagues d’enquêtes menées en parallèle.
Celle de la Réunion a débuté en avril 2010 et a abouti en janvier 2011,
tandis que celle réalisée en Martinique a été lancée en mai 2010 et
s’est achevée en mai 2011.
La méthode d’enquête retenue s’inscrit dans une logique d’étudeaction qui associe les experts de Syndex et les militants syndicaux
dans l’ensemble des travaux, et en particulier dans la conduite et
l’analyse des entretiens avec de nombreux acteurs économiques et
institutionnels.
Ce rapport réunit les résultats des deux enquêtes, présentées en deux
tomes distincts, intégrant pour chacune des conclusions spécifiques.
Il s’achève sur une conclusion plus transversale qui interroge les
politiques publiques actuelles et les conceptions du développement de
l’Outre-mer qu’elles sous-tendent.
Sommaire général
Tome 1 .................................................................................. 5
Synthèse ............................................................................... 11
Partie 1 – La dynamique de la croissance réunionnaise ................ 21
Partie 2 - L’organisation des marchés pèse sur les prix ................ 30
Partie 3 - Échanges extérieurs : le maintien d’une structure d’économie de comptoir ..................................................................... 60
Partie 4 - Une évolution nécessaire du dispositif d’octroi de mer ... 67
Partie 5 - Ressources publiques et fiscalité réunionnaise .............. 83
Partie 6 - Une répartition inégale des richesses ......................... 103
Partie 7 - L’évolution des prix pèse sur les ménages aux revenus les
plus faibles .......................................................................... 120
Tome 2 .............................................................................. 153
Synthèse ............................................................................. 159
Partie 1 - Dynamique de la croissance martiniquaise ................. 169
Partie 2 - L’organisation des marchés pèse sur les prix .............. 179
Partie
3
Évolution
nécessaire
du
dispositif
d’octroi de mer..................................................................... 196
Partie 4 - Ressources publiques et spécificités de la fiscalité à la
Martinique ........................................................................... 213
Partie 5 - Une répartition inégale des richesses ......................... 232
Partie 6 - Évolution des prix et pouvoir d’achat ......................... 247
4
Le pouvoir d’achat dans les DOM
Incidence de la structure des prix et des coûts
Tome 1 - La Réunion
Janvier 2011
Agence d’objectifs de l’IRES
Cette étude a reçu le soutien financier de l’IRES (Institut de recherches économiques et sociales)
Auteurs
Christian Duchesne
Adrien Laroze
Philippe Morvannou
Documentation
Annick Boïco
Maquette
Jacquemine de Loizellerie
Correction
Alice Boussicaut et Jacquemine de Loizellerie
Photos : Easytrerider, Alamb974, Megatatan, Gamebouille, Mwanasimba, Damouns, ladoc2009, Yozine. Licences
creative commons
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Chers lecteurs,
Nous avons le plaisir de vous présenter l’étude réalisée pour et avec l’UIR CFDT sur les causes de la vie
chère à la Réunion.
La thématique de la vie chère est loin d’être nouvelle à la Réunion, comme dans l’ensemble des DOM.
L’année 2009 a été marquée par une explosion sociale d’une ampleur exceptionnelle, notamment dans
les deux départements antillais, qui a mis sous les feux de l’actualité la question des prix et du pouvoir
d’achat dans l’ensemble de l’outre-mer. Cette question a également été au cœur du débat politique en
métropole avant, pendant et surtout après 2007.
L’ambition de cette étude est d’apporter un éclairage utile au dialogue social sur la question du pouvoir
d’achat à la Réunion. Cela suppose une analyse non seulement de l’évolution des revenus, mais
également de celle des prix au travers de leur formation.
Le constat n’est plus à faire des écarts de prix significatifs pour des produits et services entre la
métropole et la Réunion, comme l’ensemble des DOM. Aussi, d’un point de vue méthodologique, avonsnous écarté une énième approche comparative des prix, d’autant plus que les entreprises de la grande
distribution ont mis au point toute une batterie d’outils de gestion marketing rendant dans tous les cas
la comparaison des prix extrêmement difficile pour le consommateur.
Contrairement à de nombreuses autres publications sur la vie chère, vous ne trouverez ainsi pas de liste
comparative des prix pour un panier de biens. Une telle méthode, si elle a le mérite de frapper les
esprits, nous semble entachée de biais méthodologiques trop importants pour permettre de fournir des
résultats probants à même de changer la donne. Plutôt que d’essayer une fois de plus de légitimer le
constat, partagé par tous et toutes, de la vie chère, nous avons tenté de comprendre sa genèse, ou plus
précisément les facteurs de tensions expliquant les prix élevés. La mise au jour des mécanismes
concourant à ces niveaux élevés des prix vise à entamer une réflexion sur les moyens de les faire baisser.
C’est pourquoi nous avons favorisé principalement une approche méso-économique fondée sur la
recherche de dissonances pouvant exister entre les performances des sociétés de la Réunion et celles de
métropole. Dissonances qui participent à la vie chère à travers la rente de situation que procure
l’organisation des marchés.
Outre la mobilisation des statistiques disponibles auprès de l’Insee, de la direction des Ddouanes, des
services fiscaux ou encore de la direction de l’Agriculture, nous avons, avec J.-P. Rivière, Christine Nicol
de l’UIR CFDT et Jean-Jacques Manach de la CFDT, rencontré l’ensemble des acteurs économiques et
institutionnels au cours de deux missions effectuées à la Réunion entre le mois d’avril et septembre
2010. Le rapport que nous vous présentons s’est nourri de ces dizaines d’entretiens, qui furent autant
de sources d’inspiration et d’indication des pistes à analyser. Que les personnes ayant accepté de nous
rencontrer soient ici remerciées.
Si l’ensemble des acteurs apparaissent en accord sur la question de la vie chère, il nous est rapidement
apparu que toute tentative de passer d’un constat partagé à la formulation de propositions pour
remédier à cet état de fait se heurtait à l’opacité de l’économie réunionnaise. Comment nourrir
aujourd’hui le dialogue social sur la question de pouvoir d’achat sans pouvoir disposer au préalable d’une
information accessible à toutes et à tous, transparente et indispensable à l’exercice de la démocratie
économique ? Cette question n’est pas superfétatoire quand on sait :
-
qu’aucune de nos demandes auprès des acteurs économiques n’a été satisfaite, bien que ces
derniers nous aient assuré de leur entière collaboration ;
-
que les entreprises ne déposent pas leur compte au tribunal du commerce, contrevenant ainsi à
une disposition du code du Commerce ;
-
que l’observatoire des entreprises de l’IEDEOM s’est refusé à traiter notre demande de convention
se rapportant à la constitution d’un échantillon représentatif des entreprises de la Réunion ;
7
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
-
que ni la douane ni la région n’étaient en mesure de nous fournir l’évolution des taux d’octroi de
mer sur plus de 3 ans ni les recettes par produit ;
-
qu’il n’existe aucune évaluation de l’impact économique et social de l’ensemble des dispositifs
fiscaux.
De fait, nous avons dû nous résoudre à la seule exploitation des informations publiques dans un cadre
normalisé. Malgré son insuffisance pour une réflexion détaillée, ce cadre permet d’apporter des éléments
de compréhension sur les facteurs déterminant la structure des prix et leurs évolutions, en privilégiant
trois approches à la fois intégrées et complémentaires :
-
la réalité sur les marges appliquées par les opérateurs économiques à la Réunion et leur évolution
récente retracée à partir des outils de la comptabilité nationale transmis ;
-
l’impact du commerce extérieur qui, dans le cas d’une petite économie insulaire, s’avère central
afin de comprendre la constitution des prix des marchandises à l’entrée sur le territoire comme à
l’intérieur du territoire ;
-
la question de la fiscalité réunionnaise (en particulier de l’octroi de mer et des mesures de
défiscalisation), qui peut constituer par bien des aspects un outil conjuguant à la fois des effets
inégalitaires, une absence d’évaluation des effets économiques et sociaux attendus et surtout
pouvant contribuer pleinement à la vie chère.
Aujourd’hui, notre étude est entre vos mains. Nous espérons qu’elle permettra un enrichissement décisif
du débat sur l’évolution de l’économie réunionnaise, sujet qui inclut aussi bien la répartition des
richesses créées que la manière de les créer. C’est le sens de cette étude-action, qui ne prétend pas de
modifier à elle seule la réalité réunionnaise, mais permettre aux acteurs réunionnais de disposer des
informations fiables et analytiques nécessaires à un débat équilibré afin qu’ils puissent prendre par la
suite les décisions qu’ils jugeront utiles pour l’intérêt général des populations actuelles et des
générations futures.
Le cabinet Syndex
8
Sommaire
Synthèse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .11
Partie 1 – La dynamique de la croissance réunionnaise . . .21
1. La Réunion n’échappe pas à la crise . . . . . . . . . . . . . . . . . . .21
2. Les moteurs de la croissance : de la question des transferts . .25
Partie 2 - L’organisation des marchés pèse sur les prix . . .30
1. Écarts de prix entre la Réunion et la métropole : un constat
partagé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .30
2. Formation des prix et surcoûts liés à l’ultrapériphérie . . . . . . .34
3. Formation des prix et pouvoir de marché à la Réunion . . . . . .37
Partie 3 - Échanges extérieurs : le maintien d’une structure
d’économie de comptoir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .60
1. Introduction sur les échanges extérieurs de la Réunion . . . . . .60
2. Vision globale des échanges de la Réunion . . . . . . . . . . . . . . .61
Partie 4 - Une évolution nécessaire du dispositif d’octroi de
mer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .67
1. Le fonctionnement de l’octroi de mer . . . . . . . . . . . . . . . . . . .67
2. Une ressource croissante et sûre pour les collectivités locales et
en premier lieu les communes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .73
3. Les impacts de l’octroi de mer sur l’organisation économique . .75
4. Impacts de l’octroi de mer sur les ressources des collectivités
locales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .79
5. Les scénarios possibles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .80
Partie 5 - Ressources publiques et fiscalité réunionnaise . .83
1. Ressources en provenance de métropole et d’Europe . . .83
9
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
2. Budget agrégé des 26 collectivités locales réunionnaises . . . . .86
3. Les dispositifs fiscaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .87
4. La poursuite d’une stratégie de développement axée sur
l’incitation fiscale avec la LODEOM . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .91
5. Faible efficacité des mesures de défiscalisation au regard des
coûts et effets pervers en découlant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .98
Partie 6 - Une répartition inégale des richesses . . . . . . . .103
1. Accentuation des inégalités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .103
2. Inégalités de revenus plus fortes et moindre pression fiscale à la
Réunion qu’en métropole . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .111
3. Progression des revenus salariaux nets à un rythme proche de
celui de l’inflation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .114
4. Bas salaire et travailleurs pauvres : interrogation sur la qualité et
la croissance des emplois . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .116
Partie 7 - L’évolution des prix pèse sur les ménages aux
revenus les plus faibles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .120
1. Le pouvoir d’achat et son évolution : définitions . . . . . . . . . .120
2. L’indice des prix à la Réunion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .122
3. L’évolution des prix à la Réunion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .126
4. Les dépenses de consommation des ménages réunionnais . . .129
5. Pouvoir d’achat et coût de la vie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .138
Entretiens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .145
Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .148
Sommaire
10
Synthèse
Le thème de la vie chère est essentiel dans le contexte actuel de la
Réunion, car les performances économiques du département, tirées
par la hausse de la demande et les travaux d’infrastructures réalisés
récemment, n’ont pas eu les retombées attendues sur le plan social.
Les inégalités se sont accrues pendant un boom économique qui n’a
profité qu’à une minorité de la population alors que, dans le même
temps, la croissance économique entraînait une augmentation des
prix des biens de consommation, une flambée des prix de l’immobilier
et une perte de pouvoir d’achat pour la majorité des ménages.
Ce constat a débouché sur les protestations de l’année 2009 qui ont
été suivies de la tenue des États généraux de l’outre-mer, dont les
conclusions ont été rendues publiques lors du conseil interministériel
du 6 novembre 2009. Qu’en est-il aujourd’hui ? La mesure n° 4 du
CIOM prévoyait d'« améliorer dès 2010 les données statistiques sur
la formation des prix et des revenus et l'évolution du pouvoir d'achat
afin d'assurer davantage de transparence en la matière ». La
nomination d'une personnalité politique ultramarine au sein du
Conseil national de l'information statistique (CNIS) est bien
décevante et très loin de répondre aux attentes en matière de lutte
contre la vie chère.
Une fiscalité qui reste profondément marquée par
l’économie de comptoir, malgré l’entrée de la Réunion dans
la République
Durant la période coloniale, l’essentiel de l’économie réunionnaise
dépendait des flux de marchandises en provenance et à destination
de la métropole. Les revenus du territoire étaient totalement assis sur
ces échanges qui sont à l’origine de la fortune de grandes familles
dont les noms marquent l’histoire de la Réunion. Les exportations de
café au XVIe siècle puis de sucre au XIXe siècle ont perdu de leur poids
dans l’économie réunionnaise. Avec le changement de statut de 1946,
la Réunion quittait définitivement l’économie de plantation pour
intégrer progressivement l’économie française en devenant un
département dans la République. Cependant, ce n’est qu’à partir des
années 1960, bien avant les lois sur la décentralisation, que des
pouvoirs consultatifs sont attribués aux conseils généraux, à la
11
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Réunion comme dans les autres DOM, en vue de l’adaptation des lois
et décrets. Lors de la promulgation du décret sur les attributions des
conseils généraux dans les DOM (26 avril 1960) issu de la loiprogramme pour l’outre-mer, le gouvernement français s’est engagé
à « adapter la fiscalité, l’agriculture et l’industrie » à chacun des
départements d’outre-mer. Pour autant, la Réunion, comme les autres
DOM, conserve l’un des attributs de l’économie de comptoir, c’est-àdire une fiscalité indirecte majoritairement assise sur les
importations, à travers l’octroi de mer. Dès sa création cependant, il
remplit également un rôle de protection des productions locales.
C’est ce denier aspect qui fera progressivement l’objet de toute
l’attention de l’Union européenne dans laquelle la France inscrit son
économie depuis le milieu du XXe siècle.
Ainsi, l’UE introduit, par la décision du conseil du 22 décembre 1989,
un changement de statut de l’octroi de mer, afin de concilier les
exigences du marché intérieur et la prise en compte des handicaps
économiques liés à l’insularité. Il confirme sa vocation d’outil de
« protection » du marché au service du développement, par
l’introduction des différentiels de taux entre la production locale et les
produits importés. Les attentes de l’Union européenne sont claires :
il s’agit de compenser les handicaps reconnus par le Traité dans une
juste proportion, tout en permettant que les ressources de la taxation
contribuent au développement économique et social du territoire.
Toutefois, si nul ne peut contester le bien-fondé de la « protection »
au service du développement permise par l’octroi de mer, il n’en reste
pas moins qu’il doit également répondre à une exigence de
transparence et doit donc faire l’objet d’une évaluation a priori et a
posteriori de ses impacts économiques (valeur ajoutée locale) et
sociaux (nombre d’emplois).
Cela est d’autant plus nécessaire que, s’il constitue à la fois la
principale ressource fiscale des collectivités locales, en particulier les
communes, et un outil de protection des productions locales, l’octroi
de mer est aussi, par son caractère non déductible, l’un des facteurs
structurels de la vie chère. Suivant son taux, on évalue l’incidence sur
les prix finaux à la consommation de sa non-déductibilité dans une
fourchette comprise entre 3 % et plus de 10 %. Aussi la question de
l’évolution de l’octroi de mer mérite-t-elle d’être posée, avec toutefois
deux prérequis : d’une part, le conseil régional doit conserver le
pilotage de l’outil (prérogative en matière de fixation des taux),
d’autre part, la recette doit rester préaffectée au développement
économique et social du territoire réunionnais.
Cette évolution de l’octroi de mer paraît toutefois inévitable et invite
à réfléchir sur les scénarios possibles qui doivent satisfaire les deux
fonctions remplies par l’octroi de mer, soit :
-
le maintien des ressources des communes, une exigence qu’il
semble possible d’atteindre ;
-
le maintien d’une protection des productions locales en toute
transparence et qui serait régulièrement évaluée, aussi bien
Synthèse
12
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
dans ses effets sur les prix que dans ses effets en matière de
développement et d’emploi.
Une fiscalité qui favorise peu la transparence des marchés
et contribue de manière indirecte à la vie chère et aux
inégalités
Les entreprises réunionnaises bénéficient d’un grand nombre de
mesures de subvention fiscale (dépense fiscale) :
-
défiscalisation de l’investissement dans le secteur productif et le
logement ;
-
allègements fiscaux ;
-
allègements des charges sociales ;
-
exonération d’octroi de mer.
Du point de vue des marchés, ces mesures favorisent l’organisation
de firmes en réseau regroupant une multitude de PMI/PME
(notamment par l’effet de seuil attaché aux mesures de subvention
fiscale). Outre l’opacité des marchés que ce type d’organisation
engendre, elle est de nature à renforcer les handicaps de
compétitivité liés à l’absence d’économies d’échelle. Par ailleurs, elle
favorise l’existence de circuits longs qui, in fine, à travers le cumul
des marges des nombreux intermédiaires, participe à la vie chère. En
outre, elle favorise l’absence de dialogue social faute de lieu de
représentation des travailleurs.
Réguler les effets de seuil est un impératif afin de combattre la vie
chère. Cela suppose la reconnaissance, d’un point de vue fiscal et
social, de la réalité des groupes d’entreprises, à la fois de manière
directe à travers la prise en compte des liens financiers et de manière
indirecte à travers la généralisation des UES (unités économiques et
sociales)1.
Une organisation des marchés qui génère des rentes de
situation au cœur de la vie chère sur l’île de la Réunion
Les écarts de prix entre les DOM et la métropole ne peuvent
s’expliquer uniquement par l’éloignement et la fiscalité domienne. À
cet égard, l’Autorité de la concurrence a dressé un constat clair et
aujourd’hui largement partagé par l’ensemble des parties. Si
l’insularité et l’étroitesse du marché local pèsent sur les prix, en
définitive l’organisation des marchés leur confère localement un
caractère peu concurrentiel propice à la constitution de rentes.
1
En droit français, l'unité économique et sociale (UES) est une notion contraignant au
regroupement de plusieurs entreprises juridiquement distinctes pour la mise en place
d'un comité d'entreprise (CE) commun. Elle résulte d'une décision de justice ou d'un
accord conventionnel. Elle est un ensemble économique et social dégagé de plusieurs
entités juridiques distinctes (sociétés, associations, etc.) qui ont une complémentarité
d’activité, une communauté de pouvoirs et de direction et une communauté de
travailleurs. L'unité constituée doit regrouper un minimum de cinquante salariés.
Synthèse
13
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
L’analyse transversale des performances des entreprises
réunionnaises confirme la conclusion de l’Autorité de la concurrence
sur le secteur de la grande distribution alimentaire, qualifiée de peu
concurrentielle. Cependant, cette situation n’est pas propre à la
grande distribution alimentaire. Elle concerne aussi bien la
distribution automobile que l’équipement de la maison ou encore de
la personne, à travers une concentration horizontale des enseignes.
L’effet rente n’est pas non plus propre aux seuls secteurs de
l’industrie ou du commerce. Les secteurs protégés des services sont
certainement ceux où la rente est la plus marquée.
Dans cet environnement économique peu concurrentiel, les
entreprises réunionnaises sont en mesure de répercuter tous les
surcoûts liés à l’insularité et à l’économie de comptoir, dégageant des
profitabilité supérieures aux entreprises métropolitaines Ainsi, à la
Réunion, les entreprises du secteur marchand dégagent des
performances nettement plus élevées que celles de la France
métropolitaine et, de plus, sur la période 1998-2006, leur profitabilité
s’est globalement accrue, alors qu’à l’inverse celle des entreprises
métropolitaines a eu plutôt tendance à s’éroder.
À la Réunion, pour l’ensemble du secteur marchand2, l’effet sur les
prix de l’écart de profitabilité économique brute moyenne du secteur
sur la période 1998-2006 peut être évalué à plus de 17 %.
Du point de vue du consommateur, l’effet rente est cumulatif, de sorte
qu’à chaque étape du circuit de distribution d’un produit, le prix final
prend en compte la rente de chacun des acteurs. En règle générale,
de façon schématique, deux circuits de distribution peuvent être
distingués :
-
un circuit court : l’importateur est aussi le distributeur pour les
produits locaux, il n’y a pas de grossiste entre le producteur et
le distributeur ;
-
un circuit long : le distributeur s’approvisionne auprès d’un
importateur ou d’un grossiste.
Dans le cas d’un produit importé par l’intermédiaire d’un grossiste, le
prix de détail est majoré de 4 à 5 % par rapport au prix métropole,
par le simple effet des écarts de profit économique brut. Les surcoûts
liés à l’éloignement, mais aussi ceux liés au prix des services locaux,
dont les services financiers, les télécommunications et les transports,
s’y ajoutent, tout comme l’effet marge sur l’octroi de mer.
Dans le cas d’un circuit court pour un produit local, par exemple un
produit issu du secteur viande et lait, le prix de détail est majoré de
7,2 % par rapport au même produit en métropole, par le seul effet
des écarts de profitabilité, hors surcoûts évoqués précédemment.
Combattre l’effet de la rente sur les prix suppose la mise en place
d’outils adaptés :
-
2
à une réelle surveillance du niveau et de la formation des prix ;
Hors énergie et agriculture, pêche et forêt.
Synthèse
14
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
-
dans certains secteurs économiques, au contrôle de l’effectivité
de la concurrence afin de la dynamiser ;
-
à l’encadrement des prix pour les produits et les services où la
concurrence reste difficile à organiser.
Évolution des prix et pouvoir d’achat
Sur longue période (1998-2008), l’indice général des prix a augmenté
en moyenne de 2 % à la Réunion, comparé à une augmentation de
1,8 % en France métropolitaine. Si le rythme d’inflation est assez
proche entre la Réunion et la France métropolitaine, il existe
néanmoins des écarts significatifs suivant la nature des produits.
Ces évolutions sont, bien entendu, à évaluer en fonction du poids
relatif de chacun des produits dans les dépenses totales des
ménages. Ainsi, une augmentation de 2 % des produits alimentaires
à la Réunion et en France métropolitaine n’a pas la même incidence
sur le pouvoir d’achat des ménages suivant la composition locale du
panier de biens.
Ainsi, selon l’étude spatiale des prix menée par l’Insee, en 2010, les
prix sont plus élevés dans les départements d’outre-mer qu’en France
métropolitaine. À la Réunion, ils sont ainsi supérieurs de 6,2 %. Les
écarts de prix sont plus marqués lorsque la référence est le panier de
consommation des ménages métropolitains : + 12,4 % à la Réunion.
Les écarts de prix entre les départements d’outre-mer et la France
métropolitaine sont en partie imputables aux produits alimentaires. Il
s’agit en effet d’un des premiers postes de consommation des
ménages, et de celui pour lequel les écarts de prix sont les plus
marqués entre les territoires. En prenant comme référence la
structure de consommation de la Réunion, les prix de ces produits en
France métropolitaine sont inférieurs de près de 11 % à ceux
pratiqués localement.
Inégalités de revenus et dépenses contraintes : construire
une approche catégorielle de l’évolution du pouvoir d’achat
La notion de pouvoir d’achat renvoie à un grand nombre
d’interprétations différentes. En comptabilité nationale, l’évolution du
pouvoir d’achat des ménages est appréciée en soustrayant l’évolution
de l’indice des prix à l’évolution globale du revenu disponible des
ménages. C’est donc une mesure globale qui renvoie à la variation de
la masse de revenus distribués sur un territoire donné. Le revenu est
dit « disponible », car il s’agit du revenu dont les ménages disposent
pour l’ensemble de leurs dépenses de consommation ainsi que pour
leur épargne. Sa progression englobe des situations diverses suivant
la situation des ménages (composition, insertion sociale, âge). Cette
notion globale de pouvoir d’achat ne dit rien sur la répartition et ne
renseigne donc nullement sur le pouvoir d’achat de chacun des
ménages du territoire pris en considération. Ainsi, à la Réunion, sur
Synthèse
15
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
la période 2001-2006, le pouvoir d’achat des ménages, soit la masse
des revenus disponibles des ménages, aurait progressé de 2,6 %,
selon la définition retenue en comptabilité nationale.
Il est préférable de raisonner par catégorie socioprofessionnelle, voire
par tranche de revenu, pour approcher l’évolution du pouvoir d’achat
de chaque ménage. Or, les ménages sont de plus en plus contraints
par des dépenses à engagement contractuel : il s’agit des sommes
dépensées en début de mois, avant tout arbitrage en matière de
dépenses courantes. Ces dépenses correspondent à des
« engagements difficilement négociables, au moins à court terme ».
Les scinder selon leur caractère plus ou moins obligatoire revêt
nécessairement une part d’arbitraire. En se limitant aux seules
consommations, au sens de la comptabilité nationale, les dépenses
les plus fortement contraintes sont celles consacrées au logement, au
chauffage, aux services de téléphonie et à l’assurance. À ces
dépenses, il convient d’ajouter les dépenses de transport qui, si elles
n’ont pas de caractère d’abonnement, n’en ont pas moins un
caractère contraignant, dans la mesure où elles sont indispensables à
l’insertion économique et sociale des ménages.
À la Réunion, les dépenses contraintes représentent 44 % des
dépenses de consommation des ménages et 42 % de leur revenu
disponible, y compris les dépenses de transport, mais hors
remboursements d’emprunts, lesquels, d’une part, contribuent à un
accroissement du patrimoine des ménages et, d’autre part, procèdent
d’un arbitrage au moment de la décision de l’acquisition. Par ailleurs,
l’élasticité par rapport au prix est plus forte que pour les dépenses
alimentaires, qui constituent 17 % des dépenses de consommation
des ménages. Les remboursements d’emprunts, pour leur part,
représentent 10 % des dépenses des ménages (dépenses de
consommation + remboursements d’emprunts).
Le pouvoir d’achat peut ainsi se définir comme l’évolution du revenu
arbitrable, c'est-à-dire du revenu disponible après prise en compte
des dépenses contraintes et des dépenses nécessaires.
Ainsi, pour une augmentation générale de l’indice des prix de 1,8 %,
la perte de pouvoir d’achat mesurée par l’évolution du revenu
arbitrable s’étage entre – 2,4 % pour les cadres et – 5,7 % pour les
autres inactifs. Compte tenu de la part relative des dépenses
contraintes et nécessaires pour chacune des catégories de ménages,
l’effet structure lié à l’évolution des prix de ces dépenses s’échelonne
entre 0,6 % pour les cadres et, à l’opposé, 3,9 % pour les autres
inactifs.
On appréhende ainsi mieux la question de la perception du pouvoir
d’achat des ménages réunionnais par rapport à l’évolution des prix de
base comme l’alimentation, mais aussi aux loyers ou encore au prix
des transports. Cette perception est d’autant plus forte que la
Réunion demeure, malgré la croissance de ces dernières années, une
société fortement inégalitaire.
Synthèse
16
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Malgré la croissance, la Réunion se caractérise par un
renforcement des inégalités et un accroissement de la
pauvreté
Les inégalités monétaires ont toujours été plus prononcées à la
Réunion qu’en métropole. Cette plus forte disparité est confirmée par
les indicateurs tels que l’indice de Gini ou le rapport interdécile.
En 2006, les 10 % des individus les plus aisés ont un niveau de vie
cinq fois supérieur aux 10 % les plus modestes à la Réunion. Pour la
métropole, ce rapport est de 3,6. Par rapport à 2001, les indicateurs
mettent en évidence une accentuation des inégalités monétaires dans
l’île. Celle-ci s’explique par une évolution différenciée des niveaux de
vie, les hausses ayant essentiellement profité aux plus aisés.
En 2006, 17 % (contre 14 % en 2001) de la population réunionnaise
a un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté, qui s'établit à la
Réunion à 473 € par mois et par unité de consommation. La
population pauvre, au sens de la pauvreté monétaire relative, qui
correspond au nombre de personnes vivant sous ce seuil, s’élève à
130 100 individus composant 42 300 ménages.
Fiscalité des ménages : des inégalités de revenus plus
fortes et une moindre pression fiscale à la Réunion qu’en
métropole
De fortes disparités de revenus existent à la Réunion. Les foyers
fiscaux disposant des revenus les plus faibles (inférieur à 9 400 €)
représentent 52,5 % de l’ensemble des foyers fiscaux en 2009, mais
disposent seulement de 9,0 % des revenus fiscaux. Dans le même
temps, les foyers fiscaux déclarant des revenus supérieurs à 48 751 €
concentrent 6,3 % des foyers fiscaux et 35,0 % des revenus totaux
déclarés. Cette disparité est plus forte à la Réunion qu’en métropole,
où les foyers fiscaux déclarant les plus hauts revenus sont plus
nombreux (7,8 %) mais concentrent moins de richesses (31,4 %).
Cela dit, l’abattement de 30 % conjugué aux réductions d’impôts à la
Réunion conduit, de fait, à augmenter de manière significative le
nombre de foyers fiscaux dans la tranche d’impôts inférieure à 800 €
(près de 48 %, contre 43 % en métropole).
Ainsi, globalement, la Réunion se singularise par rapport à la
métropole, avec :
-
des inégalités de revenu plus prononcées ;
-
des foyers fiscaux non imposables plus nombreux ;
-
un plus grand nombre de foyers fiscaux bénéficiant de la prime
pour l’emploi ;
-
un revenu fiscal net imposable plus élevé ;
-
une pression fiscale plus faible (moins de foyers fiscaux
assujettis à l’impôt sur la fortune, plus de déductions fiscales et
d’abattements d’impôts).
Synthèse
17
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Toutefois, si la pression fiscale directe apparaît plus faible à la
Réunion, il ne faut pas oublier que la fiscalité indirecte, et plus
particulièrement l’octroi de mer, par sa non-déductibilité, accentue les
inégalités, son assiette étant assise principalement sur les biens de
consommation.
Le besoin de changer de modèle économique
Il s’agit ici de montrer en quoi, du point de vue de l’économie du
développement, la notion d’égalité des chances élaborée par John
Rawls3 et la notion de « justice comme équité » sont indispensables
pour le décollage économique d’un pays.
Ceci dit, l’inégalité économique définit les inégalités et la pauvreté
comme des privations de capacités, de potentialités et non plus
seulement comme des avantages moins importants. Amartya Sen le
résume bien : « Malgré le rôle majeur des revenus dans les avantages
dont jouissent les individus, la relation entre revenus (et autres
ressources), d’un côté, et accomplissements individuels et libertés de
l’autre n’a rien d’automatique, de permanent ou d’inévitable. Un large
faisceau de facteurs contingents soumet à des variations continuelles
la "conversion" des revenus en "fonctionnements" que nous
souhaitons obtenir et affectent la conduite que nous nous fixons »4.
Parmi ces facteurs, outre la situation de chaque citoyen au regard de
ses droits, le sexe, l’âge, l’appartenance politique sont autant de
capacités qui impliquent de nombreuses différences avec la seule
perspective des revenus.
Les garanties sociales qui ont progressivement été construites en
Europe en faveur des salariés et de leurs familles, connues sous le
vocable d’État-providence, ont permis une forte réduction des
inégalités économiques par le développement des capacités
individuelles et collectives de chacun, elles-mêmes soutenues par des
programmes de redistribution acquise par la fiscalité directe.
Ces garanties sociales sont parties intégrantes des transferts et, à ce
titre, participent à la cohésion de la République et à la réduction des
inégalités. En outre, les transferts sont destinés à soutenir les
composantes de la demande ou à faciliter l’accumulation des facteurs
favorables à la croissance des économies bénéficiaires. Ces objectifs
sont ainsi clairement présents dans la politique régionale mise en
place par l’Union européenne. Pour cette dernière, ces sommes
délivrées aux régions les plus démunies de l’Union ne doivent pas être
considérées comme de simples transferts de revenus, mais comme
des investissements permettant aux économies en difficulté de
renforcer leur structure économique, leur compétitivité et leur
cohésion sociale.
3
John Rawls, A Theory of Justice, 1971, traduction française par Colette Audard, Le
Seuil), en 1987.
4
Amartya Sen, Un nouveau modèle économique, développement, justice, liberté, Odile
Jacob, 2000, page 115.
Synthèse
18
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Néanmoins, les transferts sans contrepartie sont souvent assimilés à
une économie de rente, qui produit de multiples distorsions
macroéconomiques, outre qu’elle n’est sont pas probante, en
l’occurrence pour la Réunion. Ces remarques mobilisent des outils
d’analyse dont le cadre conceptuel est approprié à l’analyse des États,
à travers les comptes de la nation, mais trouve ses limites dans
l’analyse d’une partie, certes éloignée, d’un État. L’analyse de la
balance commerciale trouve ici sa limite dès lors qu’elle ne peut être
menée en articulation avec la balance des paiements. Par ailleurs, au
même titre qu’une autre région française, la Réunion bénéficie de
transferts dans le cadre des compétences qui lui sont dévolues et de
la politique de cohésion sociale de la nation. Aussi, il ne saurait être
question d’appréhender les transferts comme une simple aide au
développement d’un pays tiers, mais bien comme la contribution de
la nation au financement des services publics et de la cohésion
sociale.
La notion de développement endogène est actuellement mise en
avant. Néanmoins, s’il s’agit là de réduire les transferts de l’État, le
développement endogène se confond dès lors avec une rupture de la
solidarité nationale telle qu’elle s’exerce pour chacune des parties de
la nation. S’il s’agit de repenser la place des productions locales dans
le cadre du développement économique et social du département,
alors il convient de changer de concept.
La transparence des marchés comme des politiques publiques, la
régulation des marchés et la fiscalité (directe et indirecte) semblent
les trois thématiques centrales sur lesquelles une réflexion de fond
doit être engagée dans le cadre du dialogue social territorial, en vue
de construire une vision partagée d’une autre modèle économique
combinant plus de justice sociale mais favorisant également un
développement durable de la Réunion qui articule les trois dimensions
économique, sociale et environnementale.
Synthèse
19
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Dynamique de la
croissance
réunionnaise
20
Dynamique
de la croissance
réunionnaise
1.
1. La Réunion n’échappe pas à la crise
Depuis le milieu des années 1990, la Réunion se caractérise par une
croissance soutenue de son produit intérieur brut (PIB) qui, en
moyenne annuelle, s’établit à 4,3 % en monnaie constante5. À titre
de comparaison, la croissance annuelle moyenne du produit intérieur
brut (PIB) de la France a été limitée à 2,1 % au cours de la même
période6, soit un écart de croissance de 2,2 points.
Néanmoins, en 2009, la Réunion n’échappe pas à la crise. Après dix
années de croissance, son PIB exprimé en monnaie constante recule
de 2,7 %, un niveau proche de celui de la France (– 2,6 %). Comme
en métropole, les investissements diminuent à la Réunion, mais,
l’arrêt des grands chantiers, d’une part, et l’évolution des dispositifs
de défiscalisation, d’autre part, en sont ici à l’origine, et non la crise
financière. Par ailleurs, la crise frappe durement les exportations de
la France, alors que celles de la Réunion, principalement liées à
l’activité sucrière, y sont moins sensibles. À la Réunion comme en
métropole, la consommation des ménages ralentit, avec
respectivement + 1 % et + 0,6 % en volume.
En 2009, à la Réunion, les investissements accusent en valeur
courante un retrait de 7,8 %, ce qui ramène leur part dans le PIB de
26,3 % en 2008 à 23,6 %. En France, les investissements
enregistrent une baisse du même ordre (– 7,5 %).
Les trois principaux piliers de l’investissement (commande publique,
investissement des ménages et investissement des entreprises)
rencontrent en 2009 des difficultés profondes, déjà perceptibles fin
20077. Le cycle rapide de croissance de l’économie réunionnaise ces
dernières années s’est maintenu jusqu’au deuxième trimestre 2008.
L’emploi salarié marchand8 s’est effrité dès le second semestre 2008
pour finalement chuter au premier semestre 2009, avec la fin des
5
CEROM, « Les comptes économiques de la Réunion en 2009 », Les synthèses de CEROM,
n°10, août 2010.
6
INSEE, Réduction de la commande publique : jusqu’à 2 points de moins de croissance
en 2009 ?, Insee Partenaires, n°6, juin 2009.
7
INSEE, « Le bilan économique 2009 à la Réunion : la Réunion durement touchée »,
Économie de la Réunion, Hors-série n°9, juillet 2010.
8
Hors agriculture, éducation, santé, action sociale.
21
Sources : Insee, Comptes de la nation, Cerom, Comptes
rapides, traitement Syndex
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
grands travaux d’infrastructure, d’une part, et l’application de la loi
Scellier métropole sur la défiscalisation9 à la Réunion, d’autre part.
1.1. Impact marqué de la réduction de la commande
publique et de l’évolution des dispositifs de défiscalisation
Selon l’Insee10, la fin des travaux de la route des Tamarins et le retard
ou l’annulation des projets devant prendre le relais (tram-train, pôle
Océan, Zénith…) se traduirait par la perte de 2 points de croissance
en 2009.
Le BTP a été un élément moteur du développement économique de
l’île de 2000 à 2008. La valeur ajoutée qu’il dégage a crû au rythme
moyen de 10,2 % par an sur cette période, et le secteur a contribué
à 9,1 % de la création de richesse en 2006. Il employait près de
20 000 personnes en 2008, soit 14,5 % des effectifs salariés de la
Réunion. En 2007, ces entreprises ont réalisé un chiffre d’affaires de
1,7 milliard d’euros, dont les deux tiers dans le gros œuvre, et plus
particulièrement dans la construction immobilière, laquelle représente
56,2 % du chiffre d’affaires de l’ensemble du secteur. Les travaux
publics ont généré 351 millions d’euros de chiffre d’affaires, soit
20,2 % du total.
Source : BTP Partenaires n°37 –Janvier 2010
Après plusieurs années de forte croissance, l’activité du BTP s’est très
nettement dégradée en 2009. Le resserrement de l’accès au crédit et
le ralentissement de la demande en biens immobiliers, alimentés par
les incertitudes autour de la loi pour le développement économique
de l’outre-mer (LODEOM), se sont traduits par une nette contraction
des ventes de biens immobiliers neufs. Après le pic de l’année 2008,
le chiffre d’affaires du secteur se contracte de plus de 30 % sur la
période 2009-2010. Ce retournement de conjoncture dans la
construction entraîne un reflux de l’activité d’autres secteurs.
Le secteur des transports constitue une activité liée à la fois à celle
des secteurs industriels et de la construction et à la consommation
des ménages. Ses effectifs baissent de 2,8 % entre le second
trimestre 2008 et le second trimestre 2009, avec une reprise depuis
les troisième et quatrième trimestres 2009.
9
Voir partie 5.
Insee, « Bilan économique 2008 : la chute de la commande publique en BTP pourrait
coûter deux points de croissance en 2009 », Économie de la Réunion, Hors-série n°6.
10
Dynamique de la
croissance
réunionnaise
22
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Une baisse de l’emploi en 2009 et au premier trimestre 2010
En 2009, l’emploi marchand à la Réunion
recule de près de 3,3 % en glissement annuel.
Le repli le plus important a eu lieu au premier
trimestre 2009, où l’emploi a diminué de près
de 3,4 %. La baisse s’est maintenue au
deuxième trimestre (– 0,7 %), avant un
redressement au troisième (+ 0,7 %) et une
stabilisation en fin d’année (+ 0,1 %).
La construction a été le secteur le plus
sévèrement touché. Avec une baisse comprise
chaque trimestre entre 3 % et 7 %, le nombre
d’emplois dans le secteur de la construction
chute de 18,7 % sur l’ensemble de 2009.
Au premier trimestre 2010, l’emploi marchand
à la Réunion recule de près de 0,9 % par
rapport au trimestre précédent. Traditionnellement en baisse à cette période de l’année, l’emploi marchand diminnue
modérément comparativement à la baisse exceptionnelle enregistrée au 1er trimestre 2009 (– 3,4 %).
Les services aux entreprises (hors intérim), qui s’étaient fortement
développés lors du cycle de croissance 2004-2007, ont subi très tôt
les conséquences de la crise, sans toutefois subir de baisse
importante. Leurs effectifs ont stagné entre le premier trimestre 2008
et le deuxième trimestre 2009, pour rebondir rapidement au
deuxième semestre 2009. Leur activité semble bénéficier des
anticipations de reprise de la part des autres secteurs. C’est
notamment le cas des entreprises de conseil et d’assistance, qui
comprennent les cabinets d’études.
1.2. La remontée du chômage freine la consommation et les
revenus
La baisse des investissements en 2009 (– 6,9 % en volume) a
provoqué celle de l’emploi salarié marchand et une hausse du
chômage. La masse salariale distribuée dans les secteurs marchands
est de ce fait en retrait de 3,5 %. Après la prise en compte du secteur
public, l’évolution de la masse salariale demeure négative (– 0,4 %).
Cette baisse est en partie compensée par l’explosion des prestations
sociales (+ 9 %), en particulier des allocations chômage (+ 32,2 %).
En 2009, la forte dégradation du marché du travail s’est durement
répercutée sur la consommation et le revenu des ménages
réunionnais.
Déjà en ralentissement l’année précédente, la consommation des
ménages progresse de 1,9 % en valeur, une hausse inférieure de
3,4 points à celle de 2008. En monnaie constante, la consommation des
Dynamique de la
croissance
réunionnaise
23
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Les prestations sociales amortissent
les effets de la crise
ménages est en hausse de seulement 1 %, après + 2,4 % en 2008.
Entre 1998 et 2007, l’évolution moyenne atteignait 4,6 % par an.
En 2009, selon l’Insee, « le montant en
espèces versées aux ménages progresse
à un taux de 9 %. Conséquence directe
de la très forte dégradation du marché du
travail, les montants distribués par les
Assedic progressent de 32,2 % (+ 9,1 %
en 2008).
La croissance ralentie de la consommation résulte du faible
accroissement du revenu des ménages réunionnais. En 2009, le
revenu disponible brut des ménages (RDBM) progresse de 1,8 % en
valeur, ce qui correspond à l’évolution la plus faible de ces vingt
dernières années. À prix constants, compte tenu d’une inflation
limitée en 2009 (+ 0,5 %), le RDBM augmente finalement de 1 % en
volume, en net ralentissement par rapport aux années précédentes.
Il augmentait de 2,2 % en 2008 et de 4,6 % en moyenne entre 1998
et 2007, soutenu par la croissance de l’emploi (+ 4,2 % en moyenne
annuelle sur la période 1998-2008 de l’emploi salarié marchand).
Les prestations versées par la Caisse
d’allocations familiales évoluent peu, de
1,9 %, très en deçà des évolutions
constatées au début des années 2000.
Enfin, malgré l’arrivée à la retraite de
générations plus nombreuses, le montant
des retraites versées progresse plus
faiblement que l’année précédente
(+ 5,1 % après + 6,2 % en 2008).
Toutefois, le seuil de 1 milliard d’euros
versé a été franchi en 2009.
La forte baisse de la masse salariale, notamment dans la
construction, a été en partie amortie par la hausse des prestations
versées par les Assedic. Les prestations sociales constituent une part
importante du revenu des ménages réunionnais (voir partie 6).
Répartition de la valeur ajoutée
Mis en place au 1er mars 2009, le revenu
supplémentaire temporaire d’activité est
alloué aux personnes sous contrat de
travail dont le revenu brut est inférieur ou
égal à 1,4 smic. Les prestations versées
s’élèvent en 2009 à 36 millions d’euros.
Ce complément contribue très légèrement
à l’augmentation globale des prestations
sociales en espèces ».
Source : Insee, Économie de la Réunion,
juillet 2010
En moins d’une dizaine d’années, la structure de l’économie
réunionnaise s’est transformée, profitant de la croissance de la
consommation comme de l’investissement, avec notamment un
renforcement du poids du secteur de la construction et des services
marchands dans la valeur ajoutée de la Réunion.
Corrélativement, le poids des services administratifs diminue sur la
période (– 2,5 points de valeur ajoutée). Le poids des services
administratifs à la Réunion, comparé à celui de la métropole, est
souvent présenté comme l’un des effets « pervers » de l’économie de
transferts. Toutefois, rapporté au nombre d’habitants, le coût
administratif (valeur ajoutée par habitant) est moins élevé à la
Réunion (5 449 €) qu’en métropole (5 895 €), malgré les écarts de
rémunération des titulaires dans la fonction publique.
Dynamique de la
croissance
réunionnaise
24
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
2. Les moteurs de la croissance : de la
question des transferts
Plus soutenue qu’en France métropolitaine, la croissance à la Réunion
se singularise par l’intensité de ses trois composantes essentielles :
la consommation des ménages, la consommation des administrations
et l’investissement (voir graphique ci-contre).
Cette particularité a souvent été perçue comme le simple effet
keynésien d’une dynamique exogène11 liée aux transferts de l’État.
Ces derniers sont destinés le plus souvent à soutenir les composantes
de la demande ou à faciliter l’accumulation des facteurs favorables à
la croissance des économies bénéficiaires. Ces objectifs sont ainsi
clairement présents dans la politique régionale mise en place par
l’Union européenne. Pour cette dernière, ces sommes délivrées aux
régions les plus démunies de l’Union ne doivent pas être considérées
comme de simples transferts de revenus mais, à l’inverse, comme des
investissements permettant aux économies en difficulté de renforcer
leur structure économique, leur compétitivité et leur cohésion sociale.
Néanmoins, de nombreux auteurs, parmi lesquels B. Poirine12 ou
Ph. Jean-Pierre13, sans remettre en cause l’effet multiplicateur des
transferts14, soulignent que ce type de développement est susceptible
d’entraîner des distorsions macroéconomiques : contraction du
secteur exposé au profit du secteur protégé et augmentation
corrélative des importations ; porosité d’une partie des salaires du
secteur privé productif avec ceux du secteur public, ce qui aurait pour
conséquence une sous-utilisation du facteur travail par d’autres
secteurs et par rapport à ce que nécessiterait l’optimum de bien-être
social15. En définitive, peut-on considérer, avec Eric et Julien
Magamootoo16, que les transferts « créent un cercle non vertueux qui
ne favorise pas la compétitivité » ?
Comme nous allons le voir, les effets décrits par ces auteurs ne
semblent pas se vérifier à la Réunion.
11
On entend par dépense exogène les dépenses des administrations publiques, les
investissements des entreprises et les exportations.
12
B. Poirine, « Rente géostratégique et avantage comparatif des petites économies
insulaires », Revue française d’économie, vol VII, 4, 1993 ; « Le développement par la
rente dans les petites économies insulaires », Revue économique, 44, 6, 1993. p. 11691199.
13
Ph. Jean-Pierre, Transferts et déséquilibres macroéconomiques des économies
ultramarines, document de travail n° 51, novembre 2007, AFD.
14
INSEE, L’ultrapériphicité définit-elle un modèle de croissance ?, 2007 (AFD : Vanessa
Jacquelain, Valérie Reboud ; IEDOM : Réjane Hugounenq, Bertrand Savoye, Olivier
Simon ; INSEE : Claude Joeger, Cabinet DME). Pour la Réunion, l’effet multiplicateur est
évalué à 1,295.
15
B. Poirine, « Toujours plus ou toujours mieux : refus du développement, émigration et
rationalité », Revue d’économie du développement (2), 1995. P. 29-56.
16
Eric et Julien Magamootoo, La Réunion des possibles, Riveneuve éditions, 2009.
Dynamique de la
croissance
réunionnaise
25
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
2.1. Économie de transferts et effet multiplicateur
Dans un DOM considéré comme une économie de transferts, le niveau
de PIB global s’explique par l’importance des transferts financiers
publics (TFPC)17.
Sur les dix dernières années (1998-2008), la croissance du PIB s’est
effectuée au même rythme que les transferts nets : + 6,7 % pour le
premier et + 6,6 % pour les seconds. Rapportés au PIB, les
transferts, alors qu’ils étaient régulièrement en baisse depuis le début
des années 1990, ont de nouveau progressé à la fin de cette
décennie, pour s’établir à plus de 40 % jusqu’en 2007. Rapportés au
PIB marchand, les transferts progressent de manière significative à
partir du début des années 2000.
Cette progression des transferts relativement au PIB permet de
conclure que la croissance des transferts a largement contribué au
dynamisme de la croissance réunionnaise à travers la consommation
des ménages. Leur propension à consommer est supérieure à celle de
la métropole, malgré un taux d’épargne également supérieur, qui
tend toutefois, en fin de période, à diminuer au profit des
investissements (incités notamment par les mesures fiscales). Ces
deux éléments sont de nature à expliquer la vigueur des
investissements ces dernières années, sans qu’il soit possible
d’apprécier la part de l’épargne des ménages réellement réinvestie à
la Réunion.
Pour l’ensemble des départements et collectivités d’outre-mer
(DCOM), l’IEDOM18 estime, pour l’année 2008, les dépenses fiscales
à:
-
150 M€ au titre de la réduction d’impôts sur les sociétés dédiés
aux investissements productifs ;
-
800 M€ au titre de la réduction sur l’impôt sur le revenu liés aux
investissements productifs ;
-
300 M€ de réduction de l’IRPP liés à leurs investissements
locatifs et de réhabilitation de logements situés dans les DCOM.
17
Jean-Yves Rouchoux, « Transferts financiers publics et développement régional : le cas
d’une région d’outre-mer, la Réunion », Région et Développement, n°5, 1997.
18
IEDOM, La Réunion 2009, édition 2010.
Dynamique de la
croissance
réunionnaise
26
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Ainsi, sur une dépense globale de 1 250 M€, plus de 75 % sont liés
au soutien à l’investissement productif et 25 % au soutien à
l’investissement locatif. Par ailleurs, la note conjointe de l’IEDOM et
de l’IEOM sur l’habitat dans les outre-mer français19, publiée en février
2010, nous renseigne sur les dotations versées par l’État au titre du
logement social dans les DCOM. Pour la Réunion, sur la période 20002006, ces dotations se sont élevées en moyenne à 122 M€.
Les fonds européens participent aussi grandement au financement
des investissements d’infrastructure de la Réunion, à travers les fonds
structurels qui, entre 2000 et 2006, se sont élevés en moyenne
annuelle à 132 M€20.
2.2. Économie de transferts, importations et contraction du
secteur exposé
La propension à importer (importations rapportées au PIB marchand)
permet d’approcher la question de la relation entre les transferts et la
contraction du secteur exposé.
Après une croissance dans les années 1970-1980, les importations
diminuent par rapport au PIB marchand : 64 % en 1970, 69 % en
1980, 55 % en 1990 et 52 % en 2006. Ainsi, à partir des années
1990, la croissance du PIB ne s’accompagne pas d’une détérioration
de la part locale. Les industriels locaux ont renforcé au contraire leur
position par rapport aux importations.
On peut tenter d’approcher plus précisément le phénomène en
calculant la part de marché des producteurs locaux21, qui remplace la
propension à importer. C’est le complément du taux de pénétration
des importations sur le marché interne. Ce second calcul confirme le
19
IEDOM-IEOM, Les enjeux dans les outre-mer français progrès, enjeux, disparités,
février 2010.
20
État d’avancement au 1er juillet 2006 : 791 M€ de crédits payés sur 1 444 M€ de crédits
programmés.
21
Production +imports + impôts sur les imports – exports – variation des stocks.
Dynamique de la
croissance
réunionnaise
27
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
précédent. Sur l’ensemble de la période depuis 1970, et non plus
seulement depuis 1980, la part locale s’accroît régulièrement.
Bien entendu, ce bon résultat sur le marché local tient pour partie à
la croissance d’un secteur naturellement protégé, le BTP – dont la
part dans la valeur ajoutée marchande n’a cessé de croître depuis le
début des années 1990 pour s’établir en 2006 à près de 15 %. En
effet, l’activité du BTP est pour l’essentiel non échangeable sur le
marché international, à la différence d’autres activités industrielles.
Néanmoins, l’effet du BTP ne doit pas occulter les bonnes
performances de l’industrie durant la période sous revue, puisque la
part locale des secteurs les plus exposés progresse. Il en est ainsi du
secteur des autres biens intermédiaires ou encore, plus surprenant,
des biens d’équipement et des industries de biens de consommation.
Économie de transferts et dysfonctionnements du
marché du travail
La majoration des salaires du secteur public dans les DOM serait de
nature à engendrer de profonds dysfonctionnements sur le marché du
travail. Les salaires du secteur public, majorés par rapport à ceux de
la métropole, deviennent le salaire de référence et conduisent à tirer
vers le haut une partie des salaires du secteur privé productif. Cela a
alors pour conséquence d’imposer à ce dernier des techniques de
production plus intensives en capital qu’en main-d’œuvre, ce qui
n’incite pas à la création d’emplois.
Concernant la porosité du marché du travail au salaire de référence
du secteur public, un « alignement » des salaires du secteur privé sur
le secteur public devrait conduire à un écart, pour une catégorie
donnée de salariés, entre le salaire moyen perçu à la Réunion et celui
perçu en métropole. Or, d’après la comparaison du salaire net annuel
moyen pour les emplois à temps plein (voir partie 7), cette hypothèse
ne semble pas se vérifier.
Porter un autre regard sur les transferts : outil de
développement et de cohésion sociale
La discussion sur les effets des transferts ne doit pas faire oublier que
la Réunion, par son statut, est une partie d’un ensemble national,
certes éloigné, et qu’elle partage nombre de caractéristiques avec
plusieurs régions métropolitaines. En conséquence, elle ne peut être
appréhendée comme une économie indépendante. Comme le
souligne B. Poirine, « personne ne songe à penser que les habitants
d’une ville de garnison métropolitaine sont assistés ou improductifs
parce qu’il n’y a pas d’usine ou de paysans à cet endroit mais
beaucoup de commerçants et autres fournisseurs de services
improductifs entretenus par la rente militaire que leur accorde le reste
de la nation. Tout le monde s’accorde à penser, au contraire, que ces
Dynamique de la
croissance
réunionnaise
28
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
habitants apportent une contribution normale à la nation. En
revanche, la contribution des DOM-TOM semble mal perçue si bien
qu’on parle plus naturellement de rente ».
Aussi, il ne saurait être question aujourd’hui de remettre en cause les
transferts au vu des distorsions supposées qu’ils engendrent et dont
on a pu voir qu’elles n’étaient pas fondées. Il s’agit plutôt de réfléchir,
d’une part, à leur régulation (afin d’éviter les effets d’aubaine, comme
ce fut le cas sur la période 2004-2008 pour les investissements
productifs dans le TP) et, d’autre part, à leur réorientation afin
d’assurer le développement de la valeur ajoutée sur le territoire
autour des filières intégrées favorisant l’aménagement du territoire et
des secteurs exportateurs. À cet égard, comme le souligne
J.-M. Salmon22, l’orientation à l’exportation passe nécessairement par
une meilleure prise en compte de cet objectif et par une plus forte
incitation à y souscrire par l’État et la Commission européenne. À
cette fin, il apparaît nécessaire d’identifier, outre les secteurs
concernés, des politiques d’appui innovantes, y compris les
accompagnements fiscaux utiles, le soutien aux investissements
publics et privés rendus nécessaires, sans oublier les aménagements
dans les accords commerciaux internationaux.
Il va de soi que cette réorientation des transferts ne peut se réaliser
sans d’importants investissements, notamment dans le capital
productif et humain, clés du développement futur de la Réunion.
22
Jean-Michel Salmon, Pourquoi s’ouvrir ? Contraintes et perspectives pour les économies
ultramarines, AFD, Document de travail n°53, novembre 2007.
Dynamique de la
croissance
réunionnaise
29
2.
L’organisation
des marchés pèse
sur les prix
1. Écarts de prix entre la Réunion et la
métropole : un constat partagé
Les écarts de prix entre les DOM et la métropole ne peuvent
s’expliquer seulement par l’éloignement et la fiscalité domienne.
L’Autorité de la concurrence dresse un constat clair et aujourd’hui
largement partagé par l’ensemble des parties. Si l’insularité et
l’étroitesse du marché local pèsent sur les prix, en définitive
l’organisation des marchés leur confère localement un caractère peu
concurrentiel propice à la constitution de rentes.
Saisie le 18 février 2009 par le secrétaire d'État à l'Outre-mer sur la
situation de la concurrence dans les départements ultramarins,
l'Autorité de la concurrence a rendu un avis relatif aux mécanismes
d'importation et de commercialisation des produits de grande
consommation dans les DOM. Il s'agit du second volet d’une même
saisine, qui avait donné lieu, le 24 juin 2009, à l’avis 09-A-21
concernant les carburants23.
Dans les DOM, la petite taille des marchés et leur éloignement des
principales sources d'approvisionnement sont des obstacles naturels
à l'obtention de prix comparables à ceux observés en métropole24.
Aux surcoûts qui en résultent s'ajoute une taxe spécifique, l'octroi de
mer, perçue par les collectivités locales sur les importations et qui
accroît mécaniquement les prix de vente aux consommateurs.
Cependant, conclut l’Autorité de la concurrence25, ces spécificités ne
suffisent pas à expliquer l'importance des écarts de prix constatés
entre la métropole et les DOM pour les produits de grande
consommation. Ainsi, selon les relevés effectués par la DGCCRF26, sur
23
Avis n°09-A-21 du 24 juin 2009 relatif à la situation de la concurrence sur les marchés
des carburants dans les départements d’outre-mer.
24
Louis Lengrand & Associés, université libre de Bruxelles (DULBEA - Département
d'économie appliquée), Identification et estimation des effets quantifiables des handicaps
spécifiques propres aux régions ultrapériphériques et des mesures applicables pour
réduire ces handicaps (Contrat : 2004-CE-16-0-AT-097), 2006.
25
Avis n°09-A-45 du 8 septembre 2009 relatif aux mécanismes d’importation et de
distribution des produits de grande consommation dans les départements d’outre-mer.
26
Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des
fraudes.
30
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
un échantillon d'environ 75 produits importés de métropole dans les
quatre DOM, les écarts de prix en magasin avec la métropole
dépassent 55 % pour plus de la moitié des produits échantillonnés,
un pourcentage trop élevé pour trouver exclusivement sa source dans
les frais de transport et l'octroi de mer.
Sur l’échantillon des produits « importés », les taux médians d’octroi
de mer et d’octroi de mer régional sont en effet de 17,5 % pour la
Guadeloupe, 22,5 % en Martinique, 20 % en Guyane et 18 % à la
Réunion. Pour que l’octroi de mer et le fret expliquent conjointement
et à eux seuls l’intégralité des écarts observés, le fret devrait
représenter 46 % du prix de l’industriel en Guadeloupe et en
Charges de fret et octroi de mer en proportion du prix de départ usine des marchandises
Source : Avis n° 09-A-45 du 8 septembre 2009 relatif aux mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande
consommation dans les départements d’outre-mer, p. 24.
Organisation des
marchés et prix
31
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Martinique, 52 % en Guyane et 38 % à la Réunion. Or, comme le
souligne l’Autorité de la concurrence, les charges de fret sont, pour la
plupart des produits, largement inférieures à ces niveaux. En
revanche, les différentiels de taux d’octroi de mer entre la
Guadeloupe et la Martinique permettent d’expliquer, en partie, les
différents écarts de prix constatés entre ces DOM et la métropole pour
des produits identiques.
Certes, cet avis de l’Autorité de la concurrence ne concerne que les
produits de grande consommation, qu’ils soient importés ou produits
localement. Néanmoins, ses conclusions sont d’une portée générale
dès lors qu’elles mettent en avant « plusieurs particularités des
circuits d'approvisionnement des marchés domiens permettant aux
opérateurs de s'abstraire partiellement du jeu concurrentiel, seul
capable de faire baisser les prix en faveur du consommateur
domien ».
L’avis de l’Autorité de la concurrence relatif à la situation de la
concurrence sur les marchés des carburants dans les départements
d’outre-mer rend bien compte de ce pouvoir de marché. Le dispositif
actuel, institué par les décrets de 1988 et de 2003 et conçu
initialement comme une simple dérogation au principe général de la
liberté des prix, instaure une régulation des prix des carburants dans
les DOM qui n’est justifiée que par l’existence de monopoles en amont
du circuit de distribution. Le plafonnement des prix de détail est
destiné à éviter que les acteurs en monopole n’imposent des prix trop
élevés. L’objectif de cette régulation n’a jamais été de supprimer
toute concurrence par les prix, ou toute possibilité pour les acteurs
d’ajuster leurs prix en fonction de leurs contraintes économiques. Or,
constate l’Autorité de la concurrence, « elle s’est transformée en un
système de fixation administrative des prix de détail. Ces prix
administrés sont considérés par les distributeurs comme des prix
minimum, et non des prix maximum, permettant de préserver leurs
marges dont le niveau a augmenté plus vite que les coûts de
distribution. Cette disparition de toute concurrence par les prix est
d’autant moins justifiée que les réseaux de distribution sont
nombreux et fournis, la densité de détaillants dans les zones de
population principales permettant un véritable choix des
consommateurs. »
S’agissant des activités amont, l’Autorité de la concurrence propose
d’interdire à un gestionnaire de facilité essentielle (stockage)
d’exercer une activité de distributeur aval au sein d’une même
structure commerciale. Cela devrait conduire à filialiser les activités
de stockage ou à imposer une séparation fonctionnelle et comptable
très stricte entre activités. Ainsi à la Réunion, compte tenu « des liens
entre Shell et Total au sein de la SRPP, la simple séparation
fonctionnelle apparaît insuffisante pour la gestion du stockage
portuaire à la Réunion et il convient, pour ce cas particulier, d’une
part d’imposer la filialisation complète, d’autre part de dénouer les
liens structurels entre les réseaux de détaillants de Total et Shell qui
devraient se retrouver en concurrence frontale sur le marché de la
distribution ».
Organisation des
marchés et prix
32
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Dans son avis présenté au nom de la commission des Affaires sociales
sur le projet de loi de finances pour 2011, la sénatrice Anne-Marie
Payet apporte27 un éclairage complémentaire sur les tarifs des
services bancaires à partir d’une analyse comparée des tarifs à la
Réunion et en métropole pour une grande banque de la place. Elle en
conclut que les écarts constatés sont pour le moins « indécents » et
qu’ils ne peuvent pas s’expliquer en l’espèce « par des raisons
objectives de coût ou de risque pour l’établissement de crédit ».
La question des tarifs des services bancaires est d’autant plus
centrale qu’ils pénalisent fortement les ménages à faible revenu. Tout
comme l’est celle du coût du financement pour les ménages et les
entreprises. Les données publiées régulièrement par l’IEDOM sont
sans appel à ce sujet. Les écarts constatés, quel que soit le type de
crédit, ne peuvent s’expliquer, pour les banques dont le siège se
trouve en métropole, par le coût du refinancement.
Source : IEDOM, la Réunion, 2009
Source IEDOM
27
Avis présenté au nom de la commission des Affaires sociales sur la projet de loi de
finances pour 2011, tome III, Outre-mer, n°113.
Organisation des
marchés et prix
33
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
2. Formation des prix et surcoûts
liés à l’ultrapériphérie
Comparées aux régions européennes continentales, les régions
ultrapériphériques présentent des caractéristiques originales.
Plusieurs de ces spécificités engendrent des coûts supplémentaires
par rapport à une activité de production ou de service localisée sur le
continent. Déjà évoquée dans le traité d’Amsterdam, la question des
surcoûts dans les régions ultrapériphériques, et plus particulièrement
dans les DOM, se pose avec acuité au regard des écarts de prix entre
les territoires domiens et la métropole.
La Réunion appartient ainsi a priori à la catégorie des territoires
caractéristiques des « petites économies insulaires », avec certaines
spécificités (ou handicaps) communes :
PIB et populations comparées de la Réunion et
des principaux pays de la zone
-
absence d’économies d’échelle ;
-
manque d’expérience et de savoir-faire dans certains domaines
sur le marché intérieur ;
-
faiblesse des infrastructures locales ;
-
éloignement géographique du continent européen, première
zone de relation économique et institutionnelle de la Réunion,
entraînant des coûts d’approche élevés ;
-
relative étroitesse des débouchés sur le marché intérieur
réunionnais.
Ces handicaps restent néanmoins à relativiser :
-
la proximité avec d’autres zones de consommation et de
production (proches dans l’océan Indien…) permet – en théorie –
de diversifier les débouchés ;
-
l’étroitesse du marché intérieur et l’absence d’économies
d’échelle est fortement à relativiser : avec une population de
plus de 800 000 habitants (et une démographie dynamique)
associée à un PIB par habitant de 18 200 € (données Insee
2008), le marché réunionnais a un poids important, en
particulier dans sa zone géographique. À titre de comparaison,
alors que le PIB de Madagascar est égal à 9,05 milliards de
dollars US en 2009, celui de la Réunion est de 20,05 milliards,
soit un PIB plus de 2 fois plus élevé pour une population 25 fois
plus faible ;
-
les infrastructures de l’île ont été largement développées grâce
aux nombreux soutiens financiers et ne constituent plus un
handicap majeur ;
-
si l’éloignement de l’île renchérit les coûts de transport, ce
handicap est fortement décuplé par les rentes intérieures le long
de la chaîne de distribution (compagnies maritimes,
importateurs, distributeurs) ; la part de la cherté des coûts
d’approche dans les prix aux consommateurs est ainsi à
relativiser.
Organisation des
marchés et prix
34
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Éloignement économique et coût de transport
Économiquement, l’éloignement est susceptible de constituer un
handicap majeur pour le développement d’un pays ou d’un territoire.
Les coûts de transport peuvent renchérir sensiblement le prix d’un
produit importé et réduire les bénéfices attendus de la participation
au commerce extérieur par les exportations.
Néanmoins, éloignement géographique n’est pas synonyme
d’éloignement économique. Il n’y a pas proportionnalité entre la
distance géographique et sa traduction économique (les coûts
d’approche) : la proximité avec une route maritime prime dans la
détermination du coût de fret, réduisant sensiblement les coûts
d’approche.
Si les coûts de d’approche (de transport) sont souvent avancés
comme élément d’explication du différentiel de coût entre la Réunion
et la métropole, cet argument est à nuancer.
Prix du fret maritime et impact sur les écarts de prix
Le transport maritime est assuré à la Réunion par un oligopole composé de trois compagnies (présentes avec leurs propres
navires) : CMA-CGM, Maersk et Mediterranean Shipping Company (MSC).
Sur la ligne Europe-Réunion, le prix moyen d’un conteneur 20 pieds est de 1 400 € (avec des variations de +/- 200 €), mais il
s’agit d’un prix « all in », intégrant des IFP minorées (Interim Fuel Participation : surcharge carburant). On peut ainsi retenir un
prix « all in » de 1 500 € pour un conteneur 20’ et de 2 800 pour un 40’.
La situation est plus défavorable pour les conteneurs réfrigérés, avec 2 500 € pour un 20’ et 4 700 € pour un 40’ (ce qui
s’explique par l’absence de flux au départ de la Réunion, à l’inverse des Antilles qui exportent de la banane).
Bien que les prix du fret aient baissé entre 2006 et 2009, ils demeurent nettement plus élevés que sur le marché international
des grandes lignes (en comparaison : un trajet Europe-Australie coûte 1 300 US$, soit 1 000 €, alors que le prix est 30 % plus
élevé pour la Réunion malgré un trajet deux fois moins long).
Néanmoins, si, par construction, le poids relatif du fret dans la constitution des prix devrait être d’autant plus élevé que le prix
du bien est faible (à l’inverse, plus un bien a de la valeur, moins la part relative de son coût de transport dans le prix final devrait
être importante), l’Autorité de la concurrence constate l’inverse : les écarts de prix entre la métropole et la Réunion sont
d’autant plus élevés que le prix du produit en métropole est faible.
Malgré la cherté du fret à destination de la Réunion comparativement à d’autres destinations, celui-ci ne peut être considéré
comme véritablement constitutif des écarts de prix entre la Réunion et la métropole.
Selon l’enquête de l’Autorité de la concurrence, le poids du fret représenterait 5 % à 15 % du prix de vente au consommateur
à la Réunion. Néanmoins, les exemples fournis par l’Autorité ne reflètent pas ces niveaux : Nesquick (1 kg) : 6,3 % ; spaghetti
Panzani (1 kg) : 4,3 % ; gel douche Tahiti vanille (250 ml) : 5,4 %, savonnette Palmolive (4 x 100 g) : 4,3 %.
Les Armateurs de France, en réponse à la mission sénatoriale sur la situation des départements d’outre-mer (M. Eric Doligé,
7 juillet 2009), ont affirmé que le poids du fret représentait de 3 % à 4 % du prix des produits dans les DOM (niveau jugé
cependant inférieur à la réalité par la mission).
Source : Autorité de la concurrence, avis n°09-1-45 du 8 septembre 2009 relatif aux mécanismes d’importation et de
distribution des produits de grande consommation dans les départements d’outre-mer
Organisation des
marchés et prix
35
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Surcoûts répercutés et performances des entreprises
réunionnaises
L’analyse microéconomique conduite par le CNRS et l’ENSC28, à partir
des données microéconomiques recueillies sur un échantillon
d’entreprises domiennes et métropolitaines pour l’année 2003,
conclut qu’aucune différence de performance significative n’apparaît
entre les entreprises domiennes et métropolitaines. Un point les
distingue objectivement toutefois : le poids des besoins en fonds de
roulement et des subventions, tous deux plus élevés dans les DOM.
Ces bonnes performances comptables des entreprises tranchent
toutefois avec l'appréciation des surcoûts perçus par les
entrepreneurs eux-mêmes, comme le souligne l’enquête conduite par
le CNRS et l’ENSC.
En définitive, si les données bilancielles ne permettent pas de
conclure à une dégradation des performances des entreprises liée aux
surcoûts supportés en raison des handicaps endogènes et exogènes
des régions ultrapériphériques, c’est que celles-ci s’adaptent à cette
situation en augmentant les prix de vente. Dans la mesure où
l'essentiel de l'activité (production et services) est orienté vers eux,
les ménages, l'État et les collectivités locales supportent l’intégralité
du surcoût de production.
Les surcoûts et la fiscalité indirecte à l’entrée sont sans conteste à
l’origine d’un écart avec les prix pratiqués en métropole. Toutefois,
toutes choses égales par ailleurs, les entreprises domiennes devraient
dégager une profitabilité proche des entreprises métropolitaines
puisqu’elles répercutent l’ensemble de ces coûts dans leurs prix de
vente. Or, il en est rien. D’une part, à la Réunion, les entreprises du
secteur marchand dégagent des performances nettement plus
élevées que celles de la France métropolitaine. D’autre part, sur la
période 1998-2006, leur profitabilité s’est globalement accrue. À
l’inverse, la profitabilité des entreprises métropolitaines a plutôt
tendance à s’éroder. Durant la période étudiée, l’écart de profitabilité
28
CNRS, École normale supérieure de Cachan (ENSC), Évaluation des surcoûts
économiques de l’ultrapériphéricité dans les DOM, juin 2005.
Organisation des
marchés et prix
36
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
brute s’élève en moyenne de plus de 13 points. Cet écart est
significatif et ne peut à lui seul être expliqué par le coût du
financement du besoin en fonds de roulement et par le poids des
amortissements. Il renvoie donc à l’organisation des marchés à la
Réunion, et ce d’autant plus que la structure du tissu économique
réunionnais se rapproche de celui de la métropole, comme en
témoigne la répartition des entreprises par nombre de salariés.
3. Formation des prix
et pouvoir de marché à la Réunion
Pour appréhender la question évoquée précédemment, nous avons
adopté une approche méso-économique, conduite à partir des
données issues des comptes économiques régionaux sur la période
1998-2006, d’une part, et des données sectorielles issues du tableau
économique de la Réunion, d’autre part. Ces dernières complètent en
profondeur les données issues des comptes économiques régionaux,
mais traitent un champ moins large puisqu’elles ne portent que sur
les entreprises d’au moins 10 salariés ou d’au moins 800 000 € de
chiffre d’affaires. Par ailleurs, compte tenu du changement de
méthode intervenu en 2000, elles couvrent une période plus
restreinte : 2000-2007.
3.1. Le secteur de l’industrie
Le secteur de l’industrie comprend l’industrie agroalimentaire, de
biens de consommation, de biens d’équipements et de biens
intermédiaires. En 2006, il contribue à 15 % de la production
marchande en 2006, à 9 % de la valeur ajoutée et à 13 % de la
masse salariale, et il emploie 12 272 salariés sur les 109 315 du
secteur marchand.
Le secteur de l’industrie se caractérise par une large proportion de
très petites entreprises : près de neuf entreprises sur dix ont moins
de dix salariés en 2008, ce qui souligne le poids de l’artisanat. Près
de 49 % des salariés seraient employés dans des entreprises de
10 salariés. En comparaison, ils ne sont que 12 % en France.
Organisation des
marchés et prix
37
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
La structuration des filières animales
ARIBEV : L'Association réunionnaise du bétail, de la viande et du lait (ARIBEV), structure interprofessionnelle créée en 1979,
regroupe les différents intervenants des filières porcine, bovine et laitière (CPPR, SICA-REVIA, SICA-LAIT), ainsi que les
importateurs, les transformateurs et les distributeurs. L’ARIBEV gère également plusieurs fonds d’intervention - la Caisse pour
l'orientation et la régulation du marché du porc (CORMAP), le Fonds de développement de l'élevage bovin (FODEBO) et le
Fonds de développement de l'élevage laitier (FODELAIT), lesquels financent diverses actions en faveur des éleveurs
réunionnais.
SICA Viande pays : Société coopérative d’intérêt collectif agricole chargée du désossage, de la découpe et du
conditionnement dans les filières porcines et bovines.
Le traitement des déchets
SICRA-AUCRE : La Sica-Aucre, créée en 1995, est une usine de traitement de déchets animaux située à l’Etang-Salé.
La filière porcine
CPPR : La Coopérative des producteurs de porcs de la Réunion, créée en 1974, assure le développement de la production
(240 éleveurs étaient adhérents de la coopérative en décembre 2007).
CRIAP : Centre régional d'insémination artificielle porcine, qui contrôle la reproduction dans la filière porcine.
SICABAT : Société coopérative d’intérêt collectif agricole d?abattage, qui assure l'abattage des porcs.
La filière bovine
SICA-REVIA : Société coopérative d'intérêt collectif agricole Réunion-Viande, qui rassemble 315 éleveurs de bovins. Elle fournit
des animaux reproducteurs aux éleveurs-naisseurs et assure l'abattage des animaux issus d'élevages non adhérents.
SICABO : Société coopérative d'intérêt collectif agricole chargée de la gestion de l'abattoir ouvert à Saint-Pierre en juin 1998.
L’atelier de découpe associé à l’abattoir est géré par la Société bourbonnaise de viande (SOBOVI).
La filière laitière
SOCA-LAIT : Société coopérative d'intérêt collectif agricole du lait (170 adhérents en 2007), créée en 1962, qui assure la
collecte du lait et contribue, avec les interventions du FODELAIT, au développement de la production réunionnaise.
La filière avicole
ARIV : L’Association réunionnaise interprofessionnelle de la volaille, créée en 1994, rassemble l’ensemble des acteurs de la
filière avicole et gère le Fonds de développement avicole (FODAVI). La production de volailles est assurée dans le cadre de
la filière organisée par un groupement d’éleveurs : Avi-pôle Réunion (106 éleveurs). Créé en novembre 2006 suite à la fusion
de la SCAAR et du SREV en juillet 2005, Avi-pôle Réunion compte dans ses rangs depuis le 1er janvier 2008 le GEVE, qui
avait succédé au GEVGM après la création d’Avicom en 2002. Cet organisme fait partie de la Fédération des éleveurs de
volailles de la Réunion (FEVOR), dont le rôle consiste à défendre les intérêts des éleveurs, développer la production et gérer
les aides financières attribuées.
Source : IEDOM
Organisation des
marchés et prix
38
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Sur la période 2006-1998, l’activité de l’industrie croît à un taux
annuel de 4,5 %. La valeur ajoutée, pour sa part, suit un rythme de
croissance de 6,2 % en moyenne annuelle, ce qui traduit un ciseau
de prix au bénéfice de l’industrie. Par ailleurs, la masse salariale
progresse quasiment sous le seul effet de la croissance des effectifs :
+ 5 % en moyenne annuelle pour la première et + 4,2 % pour les
seconds (soit une évolution de la masse salariale moyenne29 de 0,8 %
par an : il s’agit donc d’un effet prix). Il en découle une croissance du
profit brut d’exploitation (EBE) de 10 % par an, qui se traduit par une
progression du taux de profit brut (EBE/production) de 4 points sur la
période sous revue.
La dynamique de croissance l’industrie agroalimentaire
L’industrie agroalimentaire représentait, en 2006, 43 % de la
production du secteur de l’industrie et près de 38 % des emplois. Elle
recouvre trois segments : l’industrie du sucre et du rhum, l’industrie
de la viande et du lait et les autres industries agroalimentaires.
L’industrie du sucre et du rhum
Source : INSEE, traitements Syndex
Assise de longue date sur le traitement des produits de la première
production agricole de la Réunion, la canne à sucre, l’industrie du
sucre et du rhum (23 % de la production de l’industrie
agroalimentaire) occupe une place particulière dans l’économie
réunionnaise. Première industrie exportatrice de la Réunion après le
tourisme, elle occupe 55 % des surfaces agricoles. Aujourd'hui, un
hectare produit en moyenne 8 tonnes de sucre. Grâce aux centrales
thermiques bagasse-charbon, un quart des besoins de l'île en
électricité est couvert par la canne. Aussi l’impact de l’industrie
sucrière sur l’économie réunionnaise ne se mesure-t-il pas seulement
par sa production. En effet, l’industrie sucrière transforme la canne à
sucre locale pour produire du sucre en première transformation, et en
seconde des coproduits du sucre. Il est donc intéressant de raisonner
en termes de filière canne-sucre, laquelle inclut en amont des biens
et services intermédiaires : engrais, produits phytosanitaires, travaux
29
La masse salariale moyenne est le rapport entre la masse salariale et les effectifs, hors
effet volume lié à l’évolution des effectifs.
Organisation des
marchés et prix
39
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
de récolte et aménagement foncier, énergie, eau, transport,
maintenance, emballages. En aval, se trouvent des activités qui
valorisent les coproduits du sucre comme les rhum-alcools et produits
d’élevage à partir de la mélasse, ainsi que la valorisation en énergie.
Le cabinet Algoé30 a évalué l’impact économique de la filière cannesucre à 1,6 fois sa valeur ajoutée directe. Les revenus indirects
induits par la filière sont estimés à 38 M€ et sont composés à 40 %
de salaires distribués aux ménages. L’effet total sur l’emploi est donc
important, puisque les 88 M€ distribués aux ménages représentent
l’équivalent de 7 000 emplois à temps plein rémunérés au Smic, soit
près de 4 % de l’ensemble des emplois à la Réunion. Le nombre
effectif d’emplois, y compris à temps partiel, est estimé à 12 000 pour
l’année 2000.
L’offre sucrière, aujourd’hui concentrée sur les deux usines de Gol
(sucrerie de la Réunion) et de Bois-Rouge (sucrerie de Bois-Rouge),
est fortement intégrée au sein de groupe internationaux comme
Union SDA ou Teros, actionnaire majoritaire de Groupe Quartier
français.
Sur la période 1998-2006, la production en valeur courante de
l’industrie du sucre et du rhum croît en moyenne de 2,5 % par an,
bénéficiant notamment de la remontée des cours du sucre sur le
marché mondial à partir de 2002, alors que la production en volume
stagne sur la même période autour de 2 millions de tonnes. La valeur
ajoutée de l’industrie du sucre et du rhum accuse une érosion en
moyenne annuelle de – 2,8 % qui, conjuguée à une hausse de la
masse salariale de 2,3 % par an, conduit à une baisse sensible du
profit brut : – 9 % en moyenne. En 2006, le profit brut est ainsi
ramené à 3,4 %. Il était de 8,8 % en 1998.
L’industrie de la viande et du lait
Formant 32 % de la production de l’industrie agroalimentaire, cette
industrie se caractérise par une organisation des marchés structurée
autour de coopératives dans les filières animale et laitière.
À la différence de celles de l’industrie du sucre et du rhum, les
performances de l’industrie de la viande et du lait sont en croissance
sur la période sous revue. Par ailleurs, comparées à la métropole,
elles sont très nettement supérieures.
Source : Trésor Eco, n°53, mars 2009.
Ainsi, sur la période 1998-2006, l’activité enregistre-t-elle une
croissance de plus de 4 % en moyenne annuelle, alors qu’en France
la croissance moyenne n’est que de 1 % en valeur courante. Le profit
brut quant à lui, à la Réunion, croît à un rythme proche de celui de
l’activité, alors qu’en métropole il baisse de 3,8 % en moyenne
annuelle. Il semblerait donc que l’industrie laitière et de la viande à
la Réunion n’ait pas suivi, comme en France, l’évolution à la baisse
des produits agricoles31.
30
31
Algoé Consultants, Commission paritaire canne-sucre de la Réunion, septembre 2003.
Trésor Eco, n°53, mars 2009.
Organisation des
marchés et prix
40
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Pour la France, dans tous les secteurs, les prix à la production
baissent comme les prix des consommations intermédiaires agricoles.
Les industries agroalimentaires répercutent donc relativement bien
les baisses de prix des matières premières agricoles. En revanche, les
prix à la consommation finale diminuent seulement légèrement pour
la viande et le lait, et pas du tout pour les autres industries
agroalimentaires.
Pour la viande et le lait, en France, les consommateurs bénéficient des
gains de pouvoir d'achat dus à la baisse des prix jusqu'au début des
années 1990, mais le commerce semble ensuite obtenir ces gains. Le
taux de marge augmente en effet continûment pour les commerces du
secteur de la viande et du lait. Pour les autres secteurs, une inflexion
forte est apparente au milieu et à la fin des années 1990, période où le
taux de marge commercial augmente fortement.
À la Réunion, sur la même période, à la différence de la France, les
industries de la viande et du lait ont préservé leurs marges. Sur la
période, le taux de profit brut se situe autour de 11 %, alors qu’en
métropole il s’érode progressivement, de 5,4 % en 1998 à 4,6 % en
2006. L’écart de profitabilité entre les industries réunionnaises et
françaises s’est ainsi accru de 5 à 6 points. Cet écart de taux reflète
le pouvoir de marché des industries de la viande et du lait à la
Réunion face à la distribution, pouvoir de marché que le secteur de la
distribution tend à affaiblir à travers les importations. Ces dernières
ont tendance à progresser plus rapidement que la production locale,
notamment pour la viande bovine et le lait.
Les autres industries agroalimentaires
Avec 45 % de la production de l’ensemble de l’industrie
agroalimentaire, elles regroupent des activités très variées, telles que
l’industrie du poisson, des fruits et légumes, des huiles et concentrés
pour les boissons, de l’extraction de sel ou de la fabrication d’aliments
divers (dont l’alimentation animale). C’est un secteur concentré, avec
des entreprises en situation de duopole ou de monopole, souvent de
taille internationale, comme dans le riz ou encore dans les huiles et
les boissons, mais où il existe aussi, sur certains segments, des
petites entreprises.
Globalement, la dynamique des autres industries agroalimentaires se
rapproche de celle des industries de la viande et du lait :
-
une croissance soutenue de la production : + 2,9 % en moyenne
annuelle, contre + 1,3 % pour la France en valeur courante ;
-
une croissance du profit brut de 7,3 % à la Réunion, pour un
recul en métropole de 1,3 % en moyenne annuelle entre 1998
et 2006.
Cette dynamique opposée de l’industrie agroalimentaire à la Réunion
et en métropole a pour origine :
-
d’une part, une différence de traitement de la baisse des prix
agricoles. En métropole, ces baisses ont été répercutées,
Organisation des
marchés et prix
41
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
quoiqu'imparfaitement, dans le prix des produits alimentaires à
la production et ont surtout profité aux autres branches, c'est-àdire à la restauration collective et au commerce, et peu aux
consommateurs finaux. À la Réunion en revanche, les industries
agroalimentaires, fortes de leur pouvoir de marché, ont
bénéficié pleinement de la baisse des produits agricoles, sans les
répercuter dans leurs prix ;
-
Source : Trésor Eco, n°53, mars 2009.
d’autre part, une évolution différente des transferts de valeur
ajoutée. Au cours de la période, en métropole, se dessine une
inversion des transferts de valeur ajoutée dus aux gains de
productivité au profit du commerce. De 1978 à 1991, phase de
restructuration et de rationalisation du commerce, le taux de
marge du commerce varie peu. On observe ensuite une
augmentation du taux de marge, relativement forte au début des
années 2000, parallèlement à la légère remontée des prix à la
consommation réels en toute fin de période. À l’inverse, à la
Réunion, les industries agroalimentaires ont gardé le bénéfice des
gains de productivité, comme en témoigne la croissance moyenne
de leur profit brut par rapport à celle de la valeur ajoutée.
Dans ce contexte, le taux de profit brut, qui était de 7 % à la Réunion
en début de période, s’élève à près de 10 % en fin de période. À
l’inverse, pour la France, le taux de profit passe de 9 % en 1998 à
7 % en 2006. Sur la période, le taux de marge moyen d’exploitation
(EBE/VA) est supérieur de plus de 1 point à la Réunion par rapport à
la France : 34,4 % contre 33,6 % en France.
La dynamique de croissance des industries des biens
de consommation
Les industries des biens de consommation comprennent des activités
dont le débouché naturel est la consommation des ménages :
pharmacie, chimie, édition et imprimerie, textile et équipements
divers du foyer. Elles contribuent pour 11 % à la production du
secteur de l’industrie. Bien que ce secteur compte le plus grand
nombre d’établissements, près des deux tiers sont à caractère
artisanal et n’emploient aucun salarié. Principalement tournée vers
son marché intérieur, cette industrie exporte marginalement (de
l’ordre de 1 % du chiffre d’affaires).
Organisation des
marchés et prix
42
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Sur la période 1998-2006, l’activité des industries des biens de
consommation à la Réunion croît à un rythme annuel de 5,2 %,
contre seulement + 1,3 % pour la France métropolitaine en valeur
courante. Cette croissance s’accompagne, à la Réunion, d’un
renforcement des performances, avec une croissance du profit brut
de 9,1 % en moyenne annuelle. Le taux de profit brut, de 9,8 % en
début de période, passe à 13,1 % en 2006, progressant de plus de
3 points. En France, le taux de profit brut, proche de celui de la
Réunion en début de période, se maintient pour s’établir à 8,9 % en
fin de période. Il est en moyenne de 9 % sur la période, contre
12,3 % à la Réunion, soit un écart de profitabilité brute en moyenne
de plus de 3 points.
La dynamique de croissance des industries des biens
d’équipement et des biens intermédiaires
Les industries des biens d’équipement recouvrent des activités de
production de matériels servant principalement à fabriquer d’autres
biens. Ce secteur est bien moins représenté à la Réunion qu’en France
métropolitaine, en raison de l’absence de secteurs comme la
construction aéronautique et ferroviaire et de la marginalisation des
secteurs de la construction navale et automobile. Il est fortement
orienté vers la production de biens destinés à la construction : la
fabrication de métal pour la construction et la fabrication de matériel
électrique en sont les principaux sous-secteurs. Globalement, les
industries des biens d’équipement contribuent à 13,2 % de la
production du secteur de l’industrie. Sur le marché local réunionnais,
la part de l’industrie des biens d’équipement est relativement faible,
puisque 80 % des équipements sont importés.
Tirée par les investissements dans les infrastructures et le bâtiment,
sur la période 1998-2006, l’industrie des biens d’équipement
bénéficie d’une forte croissance comparée à celle de l’industrie en
France métropolitaine : + 9,2 %, contre 1,3 % en valeur courante en
France. Cette croissance s’accompagne d’une progression de la valeur
ajoutée et du profit brut : respectivement + 9,3 % et + 17,2 % en
moyenne annuelle. Les performances économiques, assez stables en
France, sont au contraire en forte progression sur la période à la
Réunion. Oscillant autour de 6 % en France métropolitaine, le taux de
Organisation des
marchés et prix
43
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
profit brut passe de 7,2 % en 1998 à 12,7 % en 2006. Le taux de
marge d’exploitation passe de 20 % à 35 %, alors qu’en France
métropolitaine il se situe en moyenne à 18 %.
Les industries des biens intermédiaires sont, comme les précédentes,
fortement tournées vers le secteur de la construction, et plus
particulièrement dans le domaine du béton, du concassage et de la
miroiterie. Elles sont le plus souvent en position de duopole et
figurent parmi les plus grandes entreprises industrielles de la Réunion
(plus de 15 M€ de chiffre d’affaires).
La dynamique de croissance des industries des biens intermédiaires
est similaire à celle des autres industries :
-
croissance de la production plus soutenue qu’en France
métropolitaine : + 4,6 %, contre + 2,6 % en valeur courante ;
-
progression sensible de la valeur ajoutée en valeur comme en
taux. En valeur, elle augmente de 6,7 % (+ 0,4 % en France),
et, en taux, elle passe de 29 % en 1998 à 34 % en 2006.
Inversement, en France métropolitaine, le taux de valeur
ajoutée s’érode progressivement de 33 % à 28 % en fin de
période.
Dans ce contexte, le profit brut progresse en valeur moyenne de
10 % par an à la Réunion, alors qu’il régresse de 2,2 % en France
métropolitaine. Le taux de profit, à 10 % en début de période à la
Réunion, atteint ainsi 15,6 % en 2006, tandis qu’en métropole il
s’établit à 6,6 % contre 9,7 % en début de période. L’écart de taux
de profit brut, qui était de moins de 1 point en début de période,
ressort à plus de 8 points en 2006.
3.2. Le secteur de la construction
Le secteur de la construction comprend les travaux publics, le second
œuvre et le bâtiment. En 2006, il contribue à 16 % de la production
marchande, à 14 % de la valeur ajoutée et à 14 % de la masse
salariale, et il emploie 17 000 salariés sur les 109 315 du secteur
marchand (13 % des emplois marchands, contre 7 % en France
métropolitaine).
Organisation des
marchés et prix
44
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Le secteur de la construction est composé à 90 % d’entreprises
artisanales, qui orientent leur activité vers le gros œuvre. D’après
l’EAE de 200632, seules 21 entreprises emploient au moins 50 salariés
et réalisent 28 % du chiffre d’affaires du secteur, en privilégiant les
travaux publics. En effet, depuis la loi de programme pour l’outre-mer
(LOPOM) de juillet 2003, précédée par des mesures déjà engagées
par la loi d’orientation pour l’outre-mer de 2000, les mesures fiscales
au bénéfice des entreprises domiennes favorisent les entreprises de
moins de 50 salariés, ce qui explique leur nombre important dans le
secteur de la construction, mais aussi dans l’ensemble de l’industrie.
Ainsi, 40 % des entreprises du secteur de la construction n’emploient
aucun salarié, et 91 % d’entres elles, employant moins de 11 salariés,
sont qualifiées d’artisanales.
Sur la période 1998-2006, l’activité du secteur construction croît en
rythme annuel à un taux de près de 14 %. La valeur ajoutée pour sa
part suit un rythme de croissance de 12 % en moyenne annuelle. La
masse salariale progresse quasiment sous le seul effet de la
croissance des effectifs : 9,4 % en moyenne annuelle pour la
première et 8 % pour les seconds (soit une évolution de la masse
salariale moyenne de 1,4 % par an : effet prix). Le profit brut
d’exploitation (EBE), pour sa part croît à un rythme plus soutenu que
la valeur ajoutée : + 15,1 %, ce qui traduit une répartition de cette
dernière en faveur du capital (y compris la rémunération des
entrepreneurs individuels). Dans ce contexte, le taux de profit brut, à
23 % en début de période, s’établit à près de 26 % en 2006.
Comparé à la France métropolitaine, le secteur de la construction à la
Réunion enregistre, entre 1998 et 2006, un rythme de croissance
nettement plus soutenu : + 13,7 % en moyenne annuelle, contre
7,1 % en France, bénéficiant des investissements d’infrastructure et
des mesures favorisant le bâtiment. Cette croissance s’accompagne
d’un renforcement des performances du secteur de la construction à
la Réunion, avec une croissance du taux de profit brut de plus de
2 points sur la seconde partie de la période sous revue : jusqu’en
2001, le taux de profit brut se situe en moyenne à 22,2 %, puis, sur
la seconde période, marquée par les investissements dans les
infrastructures, le taux de profit brut s’établit en moyenne à 24,3 %.
En France, sur la même séquence, le taux de profit brut s’établit à
6 % puis à 7 % en fin de période.
32
Enquête annuelle d’entreprise, Économie de la Réunion, n° 135.
Organisation des
marchés et prix
45
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
L’écart de taux de profit d’exploitation est significatif entre la Réunion
et la France : plus de 16 points, tout comme l’écart de taux de marge
d’exploitation : plus de 34 points. Certes, le poids des entreprises
sans salariés majore le taux de profit d’exploitation. Cela dit, corrigé
d’une rémunération imputée33, le taux de profit d’exploitation à la
Réunion demeure sans rapport avec celui constaté en France :
24,1 %, contre 8,9 % en métropole, alors que l’écart de taux de
valeur ajoutée n’est que de 2 points.
Appréciés à partir des seules entreprises de plus de 10 salariés34, les
écarts de taux de profit d’exploitation entre la Réunion et la France
semblent tenir pour beaucoup à l’organisation de la sous-traitance en
cascade à travers l’artisanat.
Pour les travaux publics, la croissance de l’activité à la Réunion a été
en moyenne annuelle de 13,2 %, contre 6 % en France. Cette
croissance s’accompagne d’une progression sensible du taux de profit
d’exploitation de plus de 3 points sur la période, le rapprochant de
celui de la France métropolitaine.
Pour le secteur du bâtiment (gros œuvre et second œuvre), la
croissance de l’activité est tout aussi significative à la Réunion :
+ 16,7 % à la Réunion, + 7,1 % en France métropolitaine. Toutefois,
à la différence des travaux publics, le taux de profit d’exploitation du
secteur du bâtiment ne progresse pas sur la période, alors qu’en
France il gagne 1 point.
33
Rémunération imputée calculée sur la masse salariale moyenne par salarié rapportée
au nombre d’entreprises sans salarié.
34
Source : TER 2004 et 2010.
Organisation des
marchés et prix
46
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
En revanche, le taux de marge d’exploitation pour le TP devient, en
2007, supérieur à la Réunion par rapport à la France, le poids des frais
de personnel ayant plus fortement baissé à la Réunion qu’en France,
traduisant une répartition de la valeur ajoutée en faveur du capital
plus accentuée à la Réunion.
La situation contrastée entre l’évolution du taux de profit et de la
marge d’exploitation du secteur construction saisie, d’une part, à
travers les comptes de branche et, d’autre part, par sous-secteur
pour les seules entreprises de plus de 10 salariés éclaire les écarts de
performances constatés précédemment.
Les entreprises de plus de 10 salariés du TP comme du bâtiment
regroupent principalement des entreprises qui assurent la maîtrise
d’ouvrage. Ces dernières ont un taux de valeur ajoutée inférieur aux
entreprises de même taille en France métropolitaine. Face aux
duopoles et monopoles de leurs fournisseurs et au poids de leurs
donneurs d’ordre (les prix de leur marché s’appuient sur le prix des
entrants), elles disposent de fait d’un faible pouvoir de négociation
qui pèse sur leur valeur ajoutée.
À l’opposé, les entreprises artisanales (moins de 10 salariés), soustraitantes pour la plupart des premières dans le gros œuvre, ont pour
l’essentiel des charges de main-d’œuvre, ce qui expliquerait les écarts
de taux de profit d’exploitation entre les entreprises de plus de
10 salariés et les entreprises artisanales. N’oublions pas, par ailleurs,
le poids des entreprises n’employant aucun salarié.
3.3. Le secteur du commerce
Le secteur du commerce recouvre le commerce de gros, le commerce
et la réparation automobile, le commerce de détail et l’artisanat à
caractère commercial (charcuterie, boulangerie, pâtisserie,
commerce de détail de viande). En 2006, il contribue à 16 % de la
production marchande (marge commerciale + ventes de services), à
15 % de la valeur ajoutée et à 25 % de la masse salariale, et il
emploie 26 700 salariés sur les 109 315 du secteur marchand (24 %
des emplois du secteur marchand, dont la moitié dans le commerce
de détail, contre 12 % en France métropolitaine).
Le secteur du commerce est composé à plus de 90 % d’entreprises
artisanales, dont 70 % ne comportent pas de salarié.
Organisation des
marchés et prix
47
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Sur la période 1998-2006, l’activité du secteur commerce croît en
rythme annuel à un taux de près de 5,5 %. La valeur ajoutée, pour
sa part, suit un rythme de croissance de 5,2 % en moyenne annuelle.
La masse salariale progresse de 6 %, sous l’effet notamment de
l’évolution du smic, alors que les effectifs salariés croissent en
moyenne de 3,6 %. Le profit brut d’exploitation (EBE) augmente à un
rythme légèrement inférieur à celui de la valeur ajoutée : + 4,6 %.
Le taux de profit brut d’exploitation a ainsi tendance à s’éroder durant
la période sous revue, passant de 12,5 % en 1998 à 11,7 % en 2006.
Toutefois, comparé à la métropole, le taux de profit brut résiste mieux
à la Réunion, puisqu’il ne baisse que de 0,8 point sur la période,
contre plus de 3 points en métropole.
La proximité des résultats économiques du secteur du commerce
entre la Réunion et la France métropolitaine, qu’il s’agisse du taux de
profit brut d’exploitation ou de la marge d’exploitation, renvoie
cependant à des situations contrastées du point de vue de la taille des
sous-secteurs.
Selon l’enquête réalisée par l’Insee35 , il y aurait peu de différence de
profitabilité selon la taille des entreprises, tandis que les disparités
sont fortes selon les sous-secteurs, comme en témoigne le graphique
« EBE en % du CA ».
Source : INSEE, TER 2004 et 2010
35
Insee, Économie de la Réunion, n° 133, Nadine Jordan et Claude Parrain, Dossier les
entreprises réunionnaises.
Organisation des
marchés et prix
48
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Dans le commerce de gros, le taux de profitabilité d’exploitation
s’élève à 6,8 % en 2007, comme en métropole. Il s’est légèrement
érodé par rapport à 2000, mais demeure supérieur de plus de 3 points
à celui de la métropole.
Dans le commerce automobile, le taux de profitabilité d’exploitation
s’établit à 3,9 % en 2007. S’il est en recul par rapport à 2000, sa
baisse est toutefois nettement moins sensible qu’en métropole, si
bien que l’écart avec cette dernière se creuse. À + 0,3 point en 2000,
ce dernier s’établit à + 1,3 point en 2007.
Dans le commerce de détail, à la différence des deux précédents
sous-secteurs du commerce, le taux de profitabilité d’exploitation
progresse de manière sensible à la Réunion entre 2000 et 2007,
passant de 6 % à 8,5 %, alors qu’en métropole il s’érode, passant de
6,7 % à 5 %, sous l’effet notamment du développement du hard
discount. Alors que les taux de profitabilité bruts réunionnais et
métropolitain étaient relativement proches en 2000, ils sont séparés
par 3,5 points en faveur de la Réunion en 2007. Le sous-secteur de
l’artisanat à caractère commercial est le seul où le taux de profitabilité
brut d’exploitation réunionnais est inférieur à celui de la métropole.
Certes, l’écart de taux de profit brut d’exploitation dans le secteur du
commerce de détail, de gros et automobile trouve pour partie son
origine dans les exonérations de charges sociales dont bénéficient les
entreprises domiennes. Cela dit, celles-ci ne sont pas les seuls
facteurs qui expliquent une profitabilité d’exploitation supérieure à la
Réunion à celle de la métropole, comme en témoignent les écarts de
taux de valeur ajoutée au profit du secteur du commerce à la Réunion
(entre 2 % et 1 % suivant les sous-secteurs du commerce). Ces
écarts renvoient aux principales caractéristiques des marchés
domiens dans le secteur du commerce, notamment de la distribution
mais aussi du commerce automobile et de la réparation automobile.
Le secteur de la distribution dans les départements d’outre-mer est
dominé par des enseignes nationales également présentes en
métropole, principalement Carrefour, Cora et Casino. Au-delà de cette
identité de certains opérateurs, le secteur de la distribution dans les
DOM présente des caractéristiques plus spécifiques.
En premier lieu, le développement des enseignes nationales dans les
DOM s’est essentiellement appuyé sur des « master-franchises »
mises en place, soit par des groupes de dimension nationale, soit par
de puissants opérateurs locaux, au premier rang desquels les groupes
Bernard Hayot et Gérard Huyghues-Despointes (pour le compte du
groupe Carrefour notamment). Certains de ces groupes, qu’ils soient
domiens ou métropolitains, recourent simultanément à des magasins
détenus en propre et à des franchises.
En second lieu, dans trois des quatre DOM, le secteur de la
distribution alimentaire présente des niveaux de concentration
relativement élevés. À la Réunion, en Guyane et en Guadeloupe,
certains groupes de distribution détiennent ainsi des parts de marché,
en surfaces commerciales, supérieures à 40 %, soit sur la totalité du
département concerné, soit dans une ou plusieurs zones. En outre,
Organisation des
marchés et prix
49
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
certains de ces opérateurs exploitent également des structures
communes. En particulier, deux franchisés du groupe Carrefour, les
groupes Bernard Hayot et Gérard Huyghues-Despointes, exploitent
une centrale d’approvisionnement commune en métropole et en
Guadeloupe (leur participation dans le capital étant de 50 % chacun).
Ils exploitent en outre un hypermarché (Carrefour Millenis) en
commun – la société d’exploitation est détenue à 37 % par le groupe
Bernard Hayot et à 63 % par le groupe Gérard Huyghues-Despointes,
alors que le groupe Bernard Hayot est détenteur d’un autre
hypermarché Carrefour concurrent du précédent (Destrelland).
À la Réunion, les groupes Hayot, Caillé, Vindemia-Casino et Cadre
contrôlent plus de 60 % du marché aval (cf. Bulletin officiel de la
concurrence et de la répression des fraudes, n°5, avril 2006).
Source : IEDOM, Réunion 2009-2010.
Enfin, à ce degré de concentration élevé s’ajoute fréquemment une
diversification conglomérale et verticale des groupes de distribution
domiens. Fortement implantés dans la distribution alimentaire, ceuxci sont aussi fréquemment présents dans d’autres segments de la
distribution, à travers un portefeuille de marques sur l’ensemble des
secteurs du commerce (distribution automobile, articles de sport,
articles de bricolage). C’est le cas du groupe Caillé à la Réunion, ou
encore du groupe Ravate qui, créé en 1939, est aujourd’hui le 4e plus
grand groupe économique de l’île autour de marques aussi diverses
que San Marina, Jennyfer, Pimkie, Celio, Gifi, Virgin Megastore ou
Leroy Merlin.
Le Groupe Caillé
Source : société.com, caratographie des entreprises et de leurs dirigeants
Organisation des
marchés et prix
50
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Certains de ces groupes sont également intégrés verticalement dans
la production de certaines denrées alimentaires ou dans l’activité de
grossiste-importateur : les produits fabriqués localement ou achetés
aux industriels métropolitains sont alors revendus à leurs concurrents
sur le marché aval de la distribution de détail. C’était le cas
notamment du groupe Vindemia à la Réunion, qui exploitait plusieurs
entreprises de production (Sicre, Salaisons de Bourbon), dont
certaines sont en position de leader sur leurs marchés. Depuis la prise
de contrôle de Casino, la branche industrie du groupe est
progressivement cédée à d’autres opérateurs.
3.4. Le secteur des services marchands
Le secteur des services marchands recouvre ici les transports et
télécommunications, les activités financières et immobilières, les
services aux entreprises et les services aux particuliers. Dans
l’économie de la Réunion, le secteur des services marchands apporte
une contribution majeure à la création marchande de richesses,
puisqu’il contribue en 2006 à 49 % de la production marchande, et à
58 % de la valeur ajoutée, mais seulement à 46 % de la masse
salariale. Il emploie 48 149 salariés (58 % des emplois du secteur
marchand). Bien qu’étant le secteur occupant le plus de salariés, les
services marchands sont également celui pour lequel la masse
salariale moyenne est la plus basse de tout le secteur marchand. Cela
tient au caractère précaire de la majorité des emplois du secteur,
notamment dans la sécurité, le nettoyage, l’intérim et les services à
la personne ou encore la restauration ou le tourisme, secteur qui
occupe une part non négligeable des emplois dans les services
marchands.
Sur la période 1998-2006, l’activité du secteur des services
marchands croît en rythme annuel à un taux de près 9 %. La valeur
ajoutée, pour sa part, suit un rythme de croissance de 7,6 % en
moyenne annuelle. La masse salariale progresse au même rythme,
sous l’effet notamment de l’évolution du Smic et de la croissance des
effectifs salariés (+ 5,1 % sur la période). Le profit brut d’exploitation
(EBE) progresse à un rythme légèrement supérieur à celui de la
valeur ajoutée : + 7,9 %.
Organisation des
marchés et prix
51
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Si le taux de profit brut d’exploitation a tendance à légèrement
s’éroder sur la période, passant de 44 % en 1998 à 42 % en 2006
sous l’effet de la baisse du taux de valeur ajoutée du secteur, le taux
de marge d’exploitation progresse toutefois de 65 % à 66,8 %.
L’érosion de la valeur ajoutée est le fruit de l’évolution du poids relatif
des sous-secteurs au sein du secteur des services marchands.
En 1998, les services aux entreprises représentaient 14 % de la
valeur ajoutée du secteur des services marchands. C’est celui-ci qui
a de loin, avec les transports et télécommunications, le taux de valeur
ajoutée le plus faible, même s’il a nettement progressé depuis 1998.
En 2006, les services aux entreprises représentent 18 % de la valeur
ajoutée du secteur des services marchands, bénéficiant d’une
croissance plus soutenue que les autres sous-secteurs. Cette
croissance accompagne le développement, sur la période sous revue,
Organisation des
marchés et prix
52
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
des activités marchandes comme le commerce, la construction et
l’industrie.
Comparée à la métropole, la croissance des services aux entreprises
à la Réunion a été plus soutenue entre 1998 et 2006, tant en termes
de production que de valeur ajoutée ou encore de profit brut
d’exploitation. Cette croissance s’est accompagnée d’une
augmentation significative du taux de valeur ajoutée (de 59,4 % en
1998 à 63,1 % en 2006), alors que ce dernier s’est érodé en France
métropolitaine (de 57 % à 54 %). Parallèlement, le taux de profit brut
s’accroît à la Réunion, passant ainsi de 21,8 % à 26,8 % en 2006. Les
frais de personnel sont pour leur part plutôt orientés à la baisse (de
37,3 % à 36,8 %), tandis qu’ils restent relativement stables en
métropole, avec un écart en moyenne de 1,5 point en défaveur de la
Réunion. Conséquence directe de l’accroissement du taux de profit
brut d’exploitation et de la baisse des frais de personnel en valeur
relative, la marge brute d’exploitation progresse de manière
significative : de 36,8 % à 42,5 % en 2006, alors qu’en métropole elle
baisse de 23,1 % à 20,6 %, soit une perte de marge de plus de
3 points pour un gain de marge de 6 points à la Réunion.
Les services aux particuliers sont animés d’une dynamique comparable
à celle des services aux entreprises. Cependant, à la différence des
premiers, la croissance du taux de valeur ajoutée n’explique pas in fine
la forte progression du taux de marge d’exploitation. Elle doit être
attribuée à la forte contraction des frais de personnel en valeur
relative. En effet, sur la période, le taux de valeur a plutôt tendance à
s’éroder (de 60,5 % à 53,3 %), le poids de frais de personnel s’oriente
également à la baisse (de 34 % à 29,5 %), tandis que le profit brut
d’exploitation se maintient sur la période autour de 24 %. En
revanche, le taux de marge d’exploitation progresse de 5 points (de
40,6 % à 45,6 %). À l’inverse, en France métropolitaine, le taux de
marge s’érode sur la période de 24,1 % à 23,5 %.
Sur la période sous revue, on assiste donc pour ces deux soussecteurs, d’une part, à une croissance de leur profitabilité et, d’autre
part, à une accentuation de l’écart de profitabilité entre la Réunion et
la France métropolitaine.
Concernant les services financiers et immobiliers, qui représentent
respectivement 14 % et 38 % de la valeur ajoutée des services
Organisation des
marchés et prix
53
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
marchands, on retrouve une dynamique de croissance similaire à
celle des services aux entreprises et aux particuliers :
-
une croissance de l’activité plus soutenue qu’en métropole ;
-
une croissance du taux de marge d’exploitation ;
-
un différentiel de profitabilité de 27 points pour les services
financiers et de 10 points pour les services immobiliers en faveur
de la Réunion.
S’agissant des services de transport et de télécommunications, on
retrouve là encore des caractéristiques proches en termes de
dynamique de croissance, quoique avec une différence. Le taux de
valeur ajoutée à la Réunion est proche de celui de la métropole, alors
que, pour les autres sous-secteurs des services marchands, il est plus
élevé à la Réunion qu’en métropole. Cela dit, comme pour les autres
sous-secteurs, des écarts significatifs existent au niveau du taux de
profit brut d’exploitation comme du taux de marge d’exploitation. Les
exonérations de charges et les mesures d’allègements fiscaux
participent largement à creuser cet écart.
Organisation des
marchés et prix
54
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
3.5. Le secteur agricole
À la différence des autres secteurs, nous aborderons le secteur
agricole sous l’angle d’une comparaison directe des prix par type de
marché. Aussi n’aborderons nous pas comme précédemment les
écarts de performances entre la Réunion et la métropole comme
éléments d’explication de la vie chère. Mais l’analyse des écarts entre
le marché de gros, les marchés forains et la grande distribution nous
permettra d’apporter des éléments de compréhension à la formation
des prix sur les marchés des produits alimentaires frais, légumes et
fruits.
Sur la dynamique du secteur agricole nous renvoyons le lecteur au
rapport de l’activité de la DAF36 ainsi qu’au rapport élaboré par la
Chambre d’agriculture de la Réunion37. Ce dernier apporte une
contribution majeure sur la question de la filière agricole comme outil
indépassable en termes de développement économique d’un double
point de vue : sécurité alimentaire tout d’abord, et aménagement du
territoire en second lieu. Même si l’on ne peut isoler le revenu agricole
par type de production, notamment isoler la canne à sucre, on ne
peut s’interdire de penser, à la lumière de l’évolution du revenu
agricole global, combien ce secteur souffre en général d’un manque
d’organisation face aux filières organisées, comme par exemple la
filière viande et lait, ou encore les importateurs d’intrants
phytosanitaires.
Les prix des produits agricoles sont appréhendés à travers les
mercuriales, qui servent de référence. Trois types de mercuriales sont
réalisés par la DAF : marché de gros de Saint-Pierre, marchés forains
et grandes surfaces. Le marché de gros de Saint-Pierre est la seule
référence concernant les prix producteurs avec la limite toutefois que
les échanges réalisés sur le marché ne représentent que de l’ordre de
15 % de la production agricole.
36
DAF, direction de l’Agriculture et de la Forêt, Rapport d’activité 2008 et 2009, disponible
sur Internet à l’adresse : www.daf974.agriculture.gouv.fr
37
Eric Parisot, L’agriculture à la Réunion, État des lieux synthétique : Un atout pour
l’Europe, pour la France, pour l’outre-mer et pour la Réunion, mai 2010.
Organisation des
marchés et prix
55
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Légumes locaux
Les prix des produits locaux, quel que soit le type de marché,
évoluent de manière parallèle, quoique avec une intensité plus
soutenue sur le marché de gros. Seule exception, les oignons, dont le
prix en grande surface affiche une baisse marquée sur la période
2004-2010. Pour sa part, le prix des pommes de terre croît à un
même rythme de plus de 3 % par an.
L’analyse des écarts entre les prix du marché de gros et ceux des
marchés forains et de grandes surfaces fait apparaitre des marges
significatives par chacun des produits :
-
carotte marge : MF 55,8 %, GS 79,5 %
-
tomate petite sous serre : MF 23 %, GS 52,3 %.
À titre de comparaison en métropole, la marge GS en juillet 200938
pour la tomate était de 33 % et pour la carotte de 44 %.
38
Observatoire des prix et des marges, Enquête DGCCRF, juillet 2009, document du 7
octobre 2009.
Organisation des
marchés et prix
56
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Légumes importés
Une comparaison des prix des produits importés par rapport aux
produits locaux fait apparaître :
-
d’une part, peu d’écart significatif entre circuits de distribution,
sauf pour les oignons, avec un écart de 45 centimes entre la GS
et les marchés forains ;
-
d’autre part, quel que soit le circuit de distribution, des prix des
produits locaux inférieurs à ceux des produits importés, hormis
les oignons, pour lesquels l’écart est de 84 centimes pour les
marchés forains et 94 centimes pour la GS.
Les fruits locaux
Si le prix de l’ananas sur le marché de gros a, sur la période 20042010, progressé en moyenne annuelle de 2,1 %, en grande surface,
Organisation des
marchés et prix
57
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
son prix est demeuré quasiment stable. Sur les marchés forains, il a
progressé de 1,1 %. Concernant la banane, à l’inverse, c’est en grande
surface que l’évolution des prix a été la plus soutenue : + 2,9 % pour
une croissance sur le marché de gros de seulement 1 %.
Comme pour les légumes, les marges sont significatives par rapport
au prix du marché de gros et sans rapport avec celles que l’on peut
constater en métropole pour des produits similaires.
3.6. Éléments de conclusion : l’effet des marges sur les prix
et la vie chère
Ce long détour à partir des comptes économiques régionaux, d’une
part, et des données sectorielles issues du tableau économique de la
Réunion publié chaque année par l’INSEE, d’autre part, nous a permis
de mesurer les écarts de profitabilité économique brute pour le
secteur de la production marchande entre la Réunion et la métropole.
Considérant que les surcoûts inhérents à l’insularité étaient
répercutés dans les prix, l’écart de taux de profit brut d’exploitation
représente d’une manière synthétique l’effet de l’organisation des
marchés à la Réunion sur les prix.
L’avis de l’Autorité de la concurrence a mis l’accent sur la question de
la structure des marchés de la grande distribution alimentaire,
qualifiée de peu concurrentielle et dominée par les enseignes
présentes en métropole. Cette situation n’est pas propre à la grande
distribution alimentaire, elle concerne aussi bien la distribution
automobile que l’équipement de la maison ou encore de la personne,
à travers une concentration horizontale des enseignes. La
concentration n’est pas un phénomène propre au secteur de la
distribution : nombre de secteurs de l’industrie sont dominés par une
ou deux entreprises en position de monopole ou d’oligopole disposant
d’un réel pouvoir de marché.
A la Réunion, pour l’ensemble du secteur marchand39, l’effet sur les
prix, lié à l’écart de profitabilité économique brute moyenne du
secteur sur la période 1998-2006, peut être évalué à plus de + 17 %.
Cette moyenne, comme toute moyenne, est très sensible aux valeurs
extrêmes et a le défaut de masquer des situations assez contrastées
suivant les secteurs.
En effet, les effets prix sont le plus marqué dans le secteur des
services : + 26,6 % pour les activités financières, + 14,6 % pour les
services aux entreprises, + 11,5 % pour les services aux particuliers,
+ 6,3 % pour les télécommunications et le transport. Pour le secteur
de l’industrie, l’incidence sur les prix se situe dans une fourchette
comprise entre + 0,8 % pour les IAA, + 3,5 % pour l’industrie des
biens de consommation, + 5,8 % pour l’industrie de la viande et du
lait. S’agissant du secteur du commerce, l’incidence sur les prix se
situe entre + 0,8 % pour le commerce automobile, + 1,4 % pour le
commerce de détail et + 3,1 % pour le commerce de gros.
39
Hors énergie et agriculture, pêche et forêt.
Organisation des
marchés et prix
58
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
S’agissant des prix consommateurs, il est nécessaire de prendre en
compte le type de circuit de distribution, car en définitive ce prix
intègre les écarts de profitabilité de chaque étape du circuit de
distribution.
En règle générale, de façon schématique, on peut distinguer deux
circuits de distribution :
-
un circuit court : l’importateur est aussi le distributeur ou, pour
les produits locaux, il n’y a pas de grossiste entre le producteur
et le distributeur ;
-
un circuit long : le distributeur s’approvisionne auprès d’un
importateur ou d’un grossiste.
Dans le cas d’un produit importé par l’intermédiaire d’un grossiste, le
prix de détail sera majoré de 4,5 % par rapport au prix métropole, du
simple effet des écarts de profit économique brut. Bien entendu, les
surcoûts liés à l’éloignement, mais aussi ceux liés au prix des services
locaux, dont les services financiers, les télécommunications, les
transports viennent s’y ajouter, et bien entendu l’effet marge sur
l’octroi de mer.
Dans le cas d’un circuit court pour un produit local, par exemple un
produit issu du secteur viande et lait, le prix de détail sera majoré de
7,2 % par rapport au même produit en métropole, sous le seul effet
des écarts de profitabilité. Bien entendu, hors surcoûts évoqués
précédemment.
Le caractère central des prix dans la mobilisation du début 2009 ainsi
que la persistance de ce sujet parmi les préoccupations des habitants
des DOM expliquent qu’un des cinq thèmes des États généraux de
l’outre-mer a porté sur « la formation des prix, les circuits de
distribution et le pouvoir d’achat ». Sur la formation des prix, on ne
peut retenir l’insularité, ou encore la fiscalité domienne, comme seuls
facteurs à l’origine des écarts de prix avec la métropole.
L’organisation des marchés apparaît être un facteur structurant qui
nécessite que soient mis en place les outils adaptés :
-
d’un point de vue statistique, permettant une réelle surveillance
du niveau et de la formation des prix, d’une part ;
-
d’un contrôle strict des services de la concurrence dans certains
secteurs économiques afin de dynamiser la concurrence, d’autre
part.
Organisation des
marchés et prix
59
Échanges extérieurs : une
structure d’économie
de comptoir
3.
1. Introduction sur les échanges extérieurs
de la Réunion
1.1. Les échanges historiques de la Réunion : une
économie de comptoir
Découverte par les navigateurs portugais au XVIe siècle et placée sous
le contrôle de la Compagnie des Indes en 1664 par le roi de France,
l’île de la Réunion (alors appelée « île Bourbon ») développe avec le
café sa première culture d’exportation à partir de 1715 : la
Compagnie dispose du monopole de son introduction en France et au
Royaume-Uni (tout comme elle dispose du monopole d’introduction
des importations sur l’île Bourbon).
Néanmoins, en raison de la concurrence des Antilles et de la baisse
des cours, la filière café est progressivement abandonnée au milieu
du XVIIIe siècle : la production de café est contingentée à Bourbon,
et la Compagnie des Indes n'accepte de recevoir que le tiers de la
production locale.
Les conséquences des guerres napoléoniennes – avec la perte de
Saint-Domingue et de l’île de France (île Maurice), principaux
fournisseurs et producteurs de canne à sucre pour la France –
entraîne la substitution du café par la canne à sucre. À partir du début
du XIXe siècle, la culture de la canne à sucre se développe ainsi à la
Réunion, engendrant un accroissement du nombre de propriétaires
ainsi que des terres cultivées. En parallèle, les autres productions
(girofle, cultures maraîchères…) diminuent.
Dans la deuxième partie du XIXe siècle, la population augmente, grâce
à la fois à un taux de natalité élevé et à de nombreuses vagues
d’immigration. Cette période économique exceptionnelle pour la Réunion
lui permet d’équilibrer sa balance commerciale, ses exportations –
quasi-exclusivement de sucre – couvrant la valeur de ses importations
(taux de couverture égal à 90 % en 1860). Néanmoins, le
développement de la betterave à sucre sur le continent européen et la
spéculation sur le marché de la canne à sucre diminuent son cours. Une
crise profonde de la production touche la Réunion.
60
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Par ailleurs, l’île n’a que modestement exploité les ressources des
produits de la mer (l’île de Maurice lui ayant été préférée, dans ce
secteur, par la Compagnie des Indes). Elle s’est essentiellement
tournée vers les terres et les plantations « spéculatives »
successivement de deux monocultures avec le café puis la canne à
sucre, dans une logique d’économie de comptoir.
Durant la période coloniale, l’économie réunionnaise dépendait pour
l’essentiel des arrivages de marchandises en provenance de la
métropole. La majorité des impôts et taxes reposait ainsi sur les
importations.
1.2. La remise en cause de l’économie de comptoir
La remise en cause de l’économie de comptoir revient à modifier la
chaîne de valeur de l’économie à l’arrivée sur le territoire (port ou
aéroport) jusqu’au distributeur final, avec pour effet immédiat de :
-
faire évoluer les taxes et impôts, passant des services douaniers
vers le distributeur final du produit ce qui, par ailleurs, retarde
la perception de l’impôt et de la trésorerie correspondante ;
-
diminuer l’impôt, car il n’est perçu qu’une fois le produit vendu
sur l’île et non pas dès son entrée, ce qui donne la possibilité de
réduire la marge, puisqu’elle n’a plus à couvrir la part de perte
potentielle issue de la taxation automatique à l’entrée (sans
savoir si le produit sera vendu, à quel prix, etc.).
Ainsi, dès la réduction des taxes à l’entrée (et son redéploiement vers
d’autres types de perception), les premières possibilités de diminuer
le prix des produits apparaissent, ce qui en revanche ne préfigure pas
de leur répartition. En ce sens, la modification de la fiscalité est un
moyen de lutte contre la vie chère.
2. Vision globale des échanges
de la Réunion
2.1. Des importations élevées (mais avec un taux
d’importation limité) et des exportations encore faibles
Les échanges extérieurs de la Réunion sont caractérisés par un niveau
important d’importation (en progression, en particulier pour les biens
alimentaires et les biens de l’industrie alimentaire) et par un faible
niveau d’exportation.
Les importations ont fortement progressé, en doublant entre 1998
et 2008. Malgré cette hausse, le taux d’importation (rapport entre
le niveau des importations et le niveau de PIB) est relativement
faible, à 30,7 % en 2008, soit dans la moyenne de celui des DOM.
Source : douanes
Commerce
extérieur
61
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Les importations sont soumises à l’octroi de mer et à la TVA (à un
taux réduit comparativement à la métropole).
Depuis 1998, les exportations n’ont que faiblement augmenté et
représentent 246,5 M€ en 200940, contre 185,2 M€ en 1998.
Les exportations réunionnaises couvrent la valeur de 6 % des
importations en 2009. Néanmoins, un raisonnement en termes de
balance commerciale (solde des exportations-importations) ne nous
paraît que peu pertinent : si une balance commerciale propre à la
Réunion peut être construite, elle n’a que peu de sens (à l’image
d’une balance commerciale existante pour un département
métropolitain). La Réunion fait partie intégrante de l’économie
française et le raisonnement sur le solde des échanges commerciaux
n’est pertinent qu’au niveau de la France dans son ensemble. De plus,
il n’existe pas de balance des paiements spécifique à la Réunion,
seule à même de véritablement recenser l’ensemble des flux entre la
Réunion et l’extérieur du territoire.
Source : douanes
2.2. Les échanges avec la France représentent toujours la
majorité des importations (et plus de 60 % hors produits
pétroliers)
La France (métropole) demeure la principale origine des importations
et la principale destination des exportations réunionnaises (en
Source : traitement Syndex (données douanes)
40
Cette valeur d’exportation est donnée à monnaie courante. En tenant compte de
l’inflation, les exportations n’ont en fait pas progressé (en monnaie constante) sur la
période.
Commerce
extérieur
62
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
particulier dans les domaines sucriers). Bien que sa part soit en
diminution, les importations proviennent encore majoritairement de
France (54,2 % des importations totales en 2009, contre 64 % en
2002).
La part en provenance de Singapour tend à augmenter (mais elle ne
concerne quasi-exclusivement que des produits pétroliers), tout
comme la part de la Chine, qui représente plus de 5 % des
importations depuis 2007.
Hors produits pétroliers, la France maintient un même niveau
d’importation : sur la période 2002-2009, les importations en
provenance de France (métropole) représentent toujours plus de 60 %.
La tendace des échanges à fin 2010 montre une reprise des
exportations et, dans une moindre mesure des importations, après
une année 2008 et un début 2009, où à la fois les importations et les
exportations se contractent, la tendance est repartie à la hausse en
2010, en particulier pour les exportations.
Source : douanes
2.3. Les échanges par type de produits importés par origine
Hormis la France, Singapour et la Chine sont devenus les deux
principaux fournisseurs de la Réunion. L’Afrique du Sud est le seul
pays de sa zone géographique à appartenir aux dix premiers
fournisseurs de la Réunion.
La Réunion exporte principalement des biens de consommation
(comprenant également des biens alimentaires transformés). Mayotte
devient le principal client de la Réunion en 2008 (mais cela concerne
principalement la réexportation de produits).
2.4. Des exportations encore extrêmement limitées, avec
un faible contenu local
Après avoir fortement augmenté entre 2006 et 2008 (en particulier à
destination de l’Asie-Océanie et d’Europe), les exportations hors
France reculent en 2009.
Commerce
extérieur
63
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Commerce
extérieur
64
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Par ailleurs, les niveaux d’exportation ne sont pas corrélés au taux de
change de l’euro : malgré l’appréciation de l’euro entre 2006 et 2008
(ce qui engendre une baisse de compétitivité prix pour la Réunion),
les exportations ont augmenté durant cette période.
Plus de 60 % des exportations concernent des produits issus de
l’industrie alimentaire en 2009. La canne à sucre est le premier
produit exporté (néanmoins, sa part en valeur tend à diminuer, avec
un rééquilibrage avec l’exportation d’autres produits issus de
l’industrie alimentaire. Une grande partie des autres exportations
concernent des réexportations de produits.
2.5. La faible part des relations commerciales de la Réunion
avec son environnement régional
Les échanges avec les pays de la zone demeurent extrêmement
faibles. En structure, les importations en provenance de la zone – qui
Source : Douanes (hors France et Mayotte)
Commerce
extérieur
65
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
proviennent majoritairement d’Afrique du Sud et concernent des
produits énergétiques (principalement le charbon) – ne dépassent pas
5 % du total des importations de la Réunion.
Les exportations depuis la Réunion vers les pays de la zone
concernent principalement des réexportations et s’établissent autour
de 20 %, dont la moitié consiste en des réexportations vers Mayotte.
Les pays de la zone correspondent également, pour la Réunion, à des
marchés de « dégagement » de produits en fin de vie (avec, par
exemple, l’exportation d’automobiles d’occasion).
En définitive, la balance commerciale de la Réunion avec les pays de
la région est nettement positive (contrairement à sa balance
commerciale mondiale).
Source : données douanes, traitement Syndex
Commerce
extérieur
66
Une évolution nécessaire
du dispositif
d’octroi de mer
4.
Apparu au XVIIe siècle41 et introduit à la Réunion en 1850, l’octroi de
mer est un mode d’imposition spécifique aux départements d’outremer. Ses taux sont décidés par les conseils régionaux et les recettes
affectées aux collectivités territoriales du département de
prélèvement.
Depuis les années 1960, l’octroi de mer est utilisé comme outil
d’appui à la production locale et au développement économique, à
travers, d’une part, les différentiels de taux existants entre production
locale et importations et, d’autre part, les exonérations pouvant être
accordées à certains produits.
1. Le fonctionnement de l’octroi de mer
1.1. L’évolution légale de l’octroi de mer
La compétence dans la fixation des taux ainsi que des exonérations
– dans les limites des écarts de taxation autorisés – a été transférée
des conseils généraux aux conseils régionaux des DOM le 2 août
1984. Le conseil régional de chaque DOM est donc seul compétent
pour décider du niveau de taxation.
Jusqu’au 31 décembre 1992, l’octroi de mer ne concernait que les
produits importés (et constituait ainsi une taxe d’effet équivalent à un
droit de douane). Consécutivement à la décision du Conseil européen
89/688/CE du 22 décembre 1989, la France a dû modifier sa
législation et étendre la taxation à la production locale, afin de se
conformer au principe de non-discrimination de l’Acte unique
européen de 1986.
Néanmoins, la France a obtenu du Conseil européen l’autorisation
pour les conseils régionaux d’exonérer d’octroi de mer, totalement ou
partiellement, les productions locales « au regard des handicaps qui
pèsent sur les activités de production industrielle dans les
départements français d’outre-mer » et, ainsi, de favoriser certaines
productions pour des motifs de développement économique. Ces
41
Perçu dès 1670 à la Martinique sous la dénomination de « droit de pied ».
67
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
exonérations restent soumises à accord de la Commission
européenne.
Par ailleurs, la demande française de ne pas faire payer l’octroi de
mer sur les produits fabriqués localement par les entreprises dont le
chiffre d’affaires annuel est inférieur à 550 000 euros a été acceptée
par l’Union européenne.
Ces mesures sont transposées en droit français et mises en
application avec la loi du 17 juillet 1992, pour une durée de dix ans.
En 2002, le Conseil européen a refusé la demande de reconduction
pour dix ans déposée le 12 mars 2002 par la France et jugée
incomplète. Après une reconduction d’un an du précédent régime, la
France a présenté une nouvelle demande le 14 avril 2003, intégrant
des perfectionnements qui découleraient des réflexions avec les
différentes parties prenantes (État, régions, communes,
organisations socioprofessionnelles).
Au titre du droit communautaire applicable actuellement, c’est la
décision du Conseil du 10 février 2004 (2004/162/CE) relative au
régime de l’octroi de mer dans les départements français d’outre-mer
qui proroge la décision 89/688/CE, autorisant la France à maintenir le
régime de l’octroi de mer et, en particulier, les écarts de taxation
entre production locale et biens importés. Au niveau français, la loi du
2 juillet 2004, complétée par le décret d’application du 30 décembre
2004, fixe le régime actuel pour dix années.
Dans sa décision 2004/162/CE du 10 février 2004, le Conseil
européen précise bien que « le niveau de taxation doit être adapté de
manière à ce que le différentiel de taxation, en ce qui concerne l'octroi
de mer, n'ait pour objet que de compenser ce handicap et ne
transforme pas cet impôt en une arme protectionniste remettant en
cause les principes de fonctionnement du marché intérieur. »
Au regard du droit communautaire, l’octroi de mer n’est donc pas
considéré comme un droit de douane mais comme un impôt indirect
local. Les recettes de l’octroi de mer doivent être affectées à une
stratégie de développement économique et social à travers la
promotion des activités locales.
Toutefois, cette autorisation du maintien de l’octroi de mer n’est
valable que pour 10 ans et arrivera à expiration le 1er juillet 2014.
1.2. Le fonctionnement actuel du régime d’octroi de mer
Il existe actuellement trois types de taxes d’octroi de mer,
déterminées en fonction de leur affectation :
-
à destination des communes, à travers une dotation annuelle
globale garantie ;
-
à destination de la région (octroi de mer additionnel ou octroi de
mer régional) ;
-
à destination du Fonds régional pour le développement et
l’emploi (FRDE).
Octroi de mer
68
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
La dotation annuelle globale garantie à destination des
communes
Les conseils régionaux, par leurs décisions en matière de taux,
déterminent le niveau de la dotation annuelle globale garantie
répartie entre les communes. Son montant est au moins égal au
montant de l’année précédente, majoré par la hausse des prix à la
consommation – hors tabac – des ménages pondérée par l’évolution
du PIB en volume.
L’octroi de mer additionnel à destination des régions
Depuis 1984, la région perçoit un octroi de mer additionnel (appelé
également octroi de mer régional – OMR) sur la même assiette que
l’octroi de mer. Les taux sont fixés pour chaque produit par les
conseils régionaux et ne peuvent excéder 2,5 %.
Le Fonds régional pour le développement et l’emploi
(FRDE)
Les ressources du Fonds régional pour le développement et l’emploi
(FRDE) sont constituées du solde entre le produit global de l’octroi de
mer et le montant de la dotation annuelle globale garantie (si – cas
extrême – le solde est négatif, le FRDE n’est pas abondé).
Le fonctionnement du Fonds régional pour le développement de l’emploi
Institué en 1992, le FRDE sert initialement à soutenir l’investissement des communes en faveur du développement de l’emploi
et de l’installation d’entreprises, en affectant une part des recettes de l’octroi de mer (solde après versement de la dotation
annuelle globale garantie) par nature variable – cette part dépend de la croissance économique et principalement du niveau
d’importation.
L’instauration de ce fonds vise en premier lieu à maîtriser la croissance des budgets communaux (en cas de forte croissance
des recettes d’octroi de mer) et à affecter ainsi les surplus de recettes « conjoncturelles » à des mesures de développement
économique et d’emploi dans le secteur marchand.
Depuis le 1er janvier 2005 (consécutivement à la loi de 2004), le FRDE est réparti en deux parts :
-
80 % correspondent à une dotation d’équipement local (DEL), destinée en priorité au financement de projets facilitant
l’installation d’entreprises et la création d’emplois ; elle est répartie entre les communes au prorata de leur population
(avec une majoration de 20 % pour les chefs-lieux de département et de 15 % pour les chefs-lieux d’arrondissement) ;
-
20 % des fonds sont destinés aux investissements relevant de la région (dans le développement économique,
l’aménagement du territoire et le désenclavement).
Octroi de mer
69
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
L’affectation des fonds issus des recettes d’octroi de
mer
La gestion de l’octroi de mer (perception, contrôle et recouvrement)
est assurée par la Direction générale des douanes et des droits
indirects (DGDDI). Au regard de ce coût de traitement par la DGDDI,
l’État perçoit un prélèvement égal à 2,5 %42 du produit brut de l’octroi
de mer (soit environ 9 M€ en 2008 à la Réunion).
1.3. Les différentiels de taux entre production locale et
importation
À la suite de la décision du Conseil de l’Union européenne du
10 février 2004, chaque région classe les produits en trois catégories
A, B ou C, permettant une taxation plus élevée pour les produits ne
provenant pas des DOM comparativement à ceux en provenance des
DOM :
-
42
pour les produits présents à l’annexe A, l’écart de taxation ne
peut dépasser 10 points de pourcentage : cela concerne les
produits de base et ceux ayant trouvé un relatif équilibre entre
production locale et production extérieure ;
Ce taux est passé de 1,3 % en 1992 à 2,5 % en 2004.
Octroi de mer
70
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
-
pour les produits présents à l’annexe B, l’écart de taxation ne
peut dépasser 20 points de pourcentage : cela concerne les
produits nécessitant des investissements lourds et influant sur
les prix de revient des biens fabriqués localement pour un
marché limité ;
-
pour les produits présents à l’annexe C, l’écart de taxation ne
peut dépasser 30 points de pourcentage : cela concerne les
produits fabriqués par des entreprises de grande taille et les
produits d’une très grande vulnérabilité par rapport aux
importations en provenance des pays voisins des DOM.
À ces trois catégories s’ajoute un différentiel de 50 points applicable
à la Réunion et à la Guyane pour les alcools, en particulier le rhum.
De plus, les écarts de taxation peuvent être majorés de 5 points de
pourcentage supplémentaires lorsqu’ils concernent des productions
locales d’entreprises ayant un chiffre d’affaires inférieur à 550 000
euros.
Les conseils régionaux peuvent ainsi moduler les taux dans la limite
de ces écarts maximums afin de soutenir leurs productions locales.
Néanmoins, cette révision est encadrée. Le Vade-mecum sur l’octroi
de mer43 indique : « la révision (ajout de produits ou modification des
écarts autorisés) des listes de produits soumis à écart de taxation est
prévue par l’article 30 [de la loi n°2004-639 du 2 juillet 2004 relative
à l’octroi de mer] : le conseil régional transmet une demande
circonstanciée au représentant de l’État, justifiant l’inscription de
nouveaux produits sur les listes en annexe. La demande doit être
effectuée une fois par an au cours du 1er trimestre de l’année civile)
excepté en 2004 et en cas de mise en péril d’une production locale.
La décision est prise par le Conseil [européen], sur proposition de la
Commission [européenne]. »
Écarts de taxation : exemple
Pour un produit appartenant à
l’annexe C, si la production locale
est taxée d’un octroi de mer à 5 %,
le taux maximal auquel peut être
taxé ce même produit s’il est
importé est de 35 %. Si de plus ce
produit est produit localement par
une entreprise ayant un chiffre
d’affaires inférieur à 550 000 euros,
le produit importé peut être taxé
jusqu’à 40 %.
La décision finale dans les écarts de taxation relève ainsi de la
compétence du Conseil européen, après proposition de la Commission
européenne (cette dernière retenant – ou non – les propositions faites
par les conseils régionaux des DOM et relayées par les représentants
de l’État français).
1.4. Les exonérations d’octroi de mer
Des exonérations et réductions d’octroi de mer existent. Elles doivent
s’inscrire dans la stratégie de développement économique et social du
département d’outre-mer et ne concernent qu’une liste détaillée de
produits.
Deux types d’exonération existent : les exonérations obligatoires et
les exonérations facultatives.
43
Vade-mecum sur l’octroi de mer, régime issu de la loi n°2004-639 du 2 juillet 2004
(mise à jour septembre 2006), DGDDI.
Octroi de mer
71
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Les exonérations obligatoires
Elles concernent :
-
les exportations : les biens expédiés ou transportés hors de la
région de production sont exonérées d’octroi de mer ; pour les
exportations intra-DOM, le principe est que les produits ne sont
taxés qu’une seule fois ;
-
les livraisons de biens réalisés par les petites entreprises dont le
chiffre d’affaires est inférieur à 550 000 euros44. En cas de
dépassement de ce seuil au cours d’une année n, l’entreprise
cesse d’être exonérée le 1er janvier de l’année n+1) ;
-
les importations de biens bénéficiant de franchises de droits et
taxes en vigueur, avec une franchise spécifique :
-
pour les marchandises transportées par des voyageurs en
provenance de l’Union européenne, jusqu’à 880 euros,
-
pour les petits envois non commerciaux en provenance
d’Union européenne, jusqu’à 180 euros.
Les exonérations facultatives
Les conseils régionaux
marchandises :
peuvent
exonérer
cinq
types
de
-
les matériels d'équipement destinés à l'industrie hôtelière et
touristique ainsi que les produits, matériaux de construction,
engrais et outillages industriels et agricoles
(les biens
d’investissement admis en exonération doivent être conservés
dans un délai de trois ans) ;
-
les matières premières destinées à des activités locales de
production ;
-
les équipements destinés à l'accomplissement des missions
régaliennes de l'État ;
-
les équipements sanitaires destinés aux établissements de santé
publics ou privés ;
-
les biens réimportés dans leur état initial par la personne qui les
a exportés (régime des retours45).
44
Établissement principal et établissements secondaires, pour un chiffre d’affaires total
réalisé dans l’ensemble des départements d’outre-mer.
45
Le régime des retours permet aux entreprises des pays membres de l'Union européenne
d'exporter momentanément des marchandises pour les réimporter en l'état en franchise
de droits et taxes. Ce régime peut concerner deux types d'opérations :
- les exportations, puis réimportations, dont le caractère temporaire du séjour à l'étranger
est prévu dès le départ (présentation dans des foires ou salons, échantillons commerciaux
marchandises exportées en consignation dans un but de prospection commerciale ;
- les exportations à titre définitif, dont la réimportation résulte d'un cas fortuit (matériel
défectueux refusé par le client étranger).
Le régime est accordé sans autorisation du service des Douanes.
Octroi de mer
72
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
2. Une ressource croissante et sûre pour les
collectivités locales et en premier lieu les
communes
Source : IEDOM (d’après les comptes administratifs), traitement Syndex
Les communes sont les premiers bénéficiaires de l’octroi de mer : la
dotation annuelle globale garantie, calculée en référence au montant
versé l’année précédente, leur permet de disposer d’une ressource
croissante et sûre. En 2008, son montant s’est élevé à 251,6 M€.
Le solde versé au FRDE dépend de la situation économique et n’est
pas garanti. Il est toutefois en progression constante entre 2004 et
2008. Au regard de la situation économique en 2009 et 2010, avec
des importations en baisse de 7,5 % en 2009, les fonds affectés au
FRDE devraient sensiblement diminuer en 2009 et 2010.
L’octroi de mer additionnel affecté à la Réunion, qui correspond à un
pourcentage prélevés sur l’ensemble des produits soumis à l’octroi de
mer, enregistre la plus forte augmentation ces dernières années : il
est passé de 25,1 M€ en 2003 à 70,7 M€ en 2008.
Source : IEDOM (d’après les comptes administratifs), traitement Syndex
Pour les communes réunionnaises, les recettes d’octroi de mer
représentent une part extrêmement importante de leurs recettes
fiscales (environ 40 % du total de leurs recettes fiscales).
Octroi de mer
73
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Mécanisme de l’octroi de mer et effets inflationnistes
Dans l’exemple 1 (octroi de mer à 23 %), le différentiel de 10,6 euros du prix de vente se retrouve dans les marges du grossiste et du détaillant.
Dans l’exemple 2 (octroi de mer à 5 %), le différentiel de 2,7 euros du prix de vente se retrouve dans les marges du grossiste et du détaillant.
Octroi de mer
74
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Pour la région, les recettes d’octroi de mer correspondaient, en 2008
à 25 % de ses recettes fiscales.
3. Les impacts de l’octroi de mer sur
l’organisation économique
3.1. Le soutien à l’économie locale
L’octroi de mer constitue un outil de soutien à l’économie locale par :
-
les différentiels de taux existant entre production locale et
production importée ;
-
les exonérations obligatoires et les exonérations facultatives.
Selon une mission de l’Inspection générale des finances et de
l’administration en 2002, le soutien à la production locale
réunionnaise de l’octroi de mer est évalué à 110 M€ (données 2000) ;
globalement, ce soutien représenterait 21,9 % de la valeur ajoutée
créée par le secteur industriel.
L’octroi de mer peut ainsi être considéré comme une aide publique de
soutien à l’économie réunionnaise.
Néanmoins, depuis 2004, les différentiels de taux entre produits sont
restés relativement constants. Le développement des secteurs
« protégés » étant maintenant acquis (eau, rhum, tabac), ces
secteurs ne sont plus forcément prioritaires, et il conviendrait de
s’interroger sur les nouvelles activités qui auraient des effets
d’entraînement élevés en termes de contenu local (valeur ajoutée et
emploi) dans l’économie réunionnaise.
3.2. Effets inflationnistes découlant du cumul des
surmarges sur l’octroi de mer
Pour un même niveau de ressource fiscale, un même niveau de prix
CAF46 à l’arrivée et des niveaux de marge similaires (marge grossiste
de 30 % et marge détaillant de 28 %), le prix de vente au
consommateur varie selon qu’il est soumis à l’octroi de mer (et avec
une TVA réduite) ou non (avec une TVA normale).
Au final, l’octroi de mer ne dispose pas de la neutralité fiscale de la
TVA : l’octroi de mer, calculé sur les prix CAF, engendre une marge
sur taxes tout au long de la chaîne de distribution (depuis l’arrivée du
bien sur le territoire réunionnais jusqu’à sa vente au consommateur).
En définitive :
-
plus le taux d’octroi de mer est élevé, plus le différentiel de prix
46
CAF : coût, assurance, fret. Prix CAF : prix du bien importé avant impôts et droits sur
les importations et avant marges.
Octroi de mer
75
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
résultant des marges sur octroi de mer (perçues par le grossiste
et le détaillant) est élevé ;
-
plus le nombre d’intermédiaires est élevé (circuit de distribution
long), plus les surmarges sur octroi de mer se multiplient ;
-
à l’inverse, un système centré uniquement sur la TVA (comme
en métropole) n’a pas d’incidence sur les marges (neutralité
fiscale).
Ces éléments ont été mis en avant par la Chambre régionale des
comptes (CRC) de la Réunion47, pour qui le fonctionnement de l’octroi
de mer entraîne ainsi un potentiel d’inflation sur les produits importés
en raison :
-
de son application à la valeur CAF : il intègre donc l’assurance et
le fret dans sa valorisation ;
-
de l’amplification de cet effet depuis l’importation jusqu’à la
distribution, les marges étant calculées, contrairement à la TVA,
sur les prix de revient incluant l’octroi de mer (marge sur taxes),
le fret et l’assurance.
Plus récemment, pour l’Autorité de la concurrence48, « la définition
particulière de l’assiette de l’octroi de mer – définie comme prix CAF,
c'est-à-dire le prix d’achat augmenté des coûts de fret – implique
également que l’impact de l’octroi de mer sur le prix payé par le
consommateur est accru par les charges de transports engagées lors
de l’importation des produits ».
3.3. Manque de moyens dans l’évaluation des mesures
mises en œuvre
Au niveau des différentiels de taux et exonération
d’octroi de mer
À notre connaissance, depuis la mise en place de la nouvelle
législation sur l’octroi de mer à la Réunion en 2004, aucune étude
d’impact du dispositif n’a véritablement été mise en œuvre.
Précédemment, seule l’Association pour le développement industriel
de la Réunion (ADIR)49, en liaison avec la CCI de la Réunion avait
élaboré une étude d’impact sur les exonérations de production
industrielle réunionnaise en 2003.
Dans le cadre de nos travaux, peu d’éléments ont pu être compilés,
ce qui ne permet pas d’analyser les impacts des évolutions
47
Rapport d’observations définitives sur la gestion de l’octroi de mer à la Réunion,
Chambre régionale des comptes de la Réunion, novembre 2006.
48
Avis n°09-A-45 du 8 septembre 2009 relatif aux mécanismes d’importation et de
distribution des produits de grande consommation dans les départements d’outre-mer).
49
Octroi de mer, exonérations de la production industrielle réunionnaise, éléments
d’analyse micro-économique, avril 2003.
Octroi de mer
76
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
d’exonération et de différentiels de taux de l’octroi de mer50 depuis
2004.
Alors que cette évaluation revient normalement à la région,
l’interprétation des champs de compétences étant dévolus, d’une
part, aux services de l’État (douanes et Insee en particulier) dans le
recueil des données et, d’autre part, à la région dans l’étude des
impacts des écarts de taux, aucun rapport (pourtant prévu dans le
décret 2004-1550, voir ci-dessous) ne semble avoir été présenté
depuis 2004.
Ainsi, les mesures mises en place ne font pas l’objet d’une évaluation
ex-post, permettant de procéder à une analyse coût/avantage pour
chaque différentiel ou exonération. Par ailleurs, ces mesures qui, par
nature, devraient être temporaires (afin de renforcer la compétitivité
d’un secteur dans sa phase de structuration) apparaissent
relativement pérennes, avec peu d’évolution de taux et d’exonération
depuis 2004.
Extrait du Décret n° 2004-1550 du 30 décembre 2004 pris pour l’application de la loi n° 2004-639 du
2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer
Art. 11. - Pour l’application du deuxième alinéa de l’article 31 de la loi du 2 juillet 2000 susvisée, les conseils
régionaux transmettent au représentant de l’Etat au plus tard à la fin du premier trimestre de chaque année
un rapport annuel sur les écarts de taxation à l’octroi de mer et à l’octroi de mer régional.
Ce rapport annuel précise par produits de la nomenclature tarifaire combinée et par secteurs d’activités les
justifications économiques des écarts de taux d’octroi de mer et d’octroi de mer régional fixés par
délibérations du conseil régional.
Les exonérations effectivement mises en œuvre au cours de l’année civile précédente dans chaque
département d’outre-mer font l’objet d’une annexe détaillée par produits.
Le rapport annuel permet de s’assurer que les exonérations accordées par les conseils régionaux sont à la
fois nécessaires et proportionnelles au regard des handicaps structurels permanents subis par les entreprises
de production des départements d’outre-mer.
Le rapport établit notamment une distinction entre les exonérations prévues par les articles 5, 6, 7 et 37 de
la loi du 2 juillet 2004 susvisée.
Le rapport annuel comporte un examen de la portée économique des mesures d’exonération au regard du
développement économique attendu dans les différents secteurs d’activités économiques où exercent les
entreprises de production des départements d’outre-mer.
Le rapport annuel précise le montant de la dépense fiscale pour la collectivité par secteurs d’activités.
Les délibérations adoptées par le conseil régional au cours de l’année civile précédente sont annexées au
rapport.
Pour l’élaboration du rapport prévu au présent article, les administrations financières transmettent aux
conseils régionaux les informations statistiques et non nominatives.
50
À titre d’exemple, l’évolution des tarifs d’octroi de mer n’est pas disponible aux
douanes, et la région n’a pu seulement nous fournir les tarifs pour les années 2008, 2009
et 2010.
Octroi de mer
77
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Par ailleurs, comme le précise la Chambre régionale des comptes de
la Réunion, la Région ne disposant pas de toutes les compétences en
interne, elle a pu s’appuyer sur l’ADIR dans la détermination des
exonérations d’octroi de mer, ce qui peut interroger sur le manque de
transparence dans la détermination des exonérations et différentiels.
Si la région a estimé, dans sa réponse à la CRC en 2006, que l’ADIR
ne dispose que d’un rôle consultatif, les compétences disponibles au
sein de la région ne permettent dans tout les cas pas d’effectuer une
véritable évaluation ni les recensements nécessaires à la gestion des
impacts économiques de l’octroi de mer.
Utilisation des fonds provenant de l’octroi de mer
Concernant l’utilisation des fonds en provenance de l’octroi de mer, la
complexité des procédures (en particulier du FRDE) et/ou le manque
de compétences au niveau de la région et des communes ont pu
engendrer des difficultés de décaissements ainsi que l’affectation à
des projets à faible envergure ou encore être détournés de leur
objectif premier dans le développement et l’emploi.
3.4. Le seuil de 550 000 euros incite au maintien d’un faible
niveau de développement des petites et moyennes
entreprises
Afin de pouvoir conserver le bénéfice de l’exonération d’octroi de mer,
les petites et moyennes entreprises doivent conserver un chiffre
d’affaires annuel inférieur à 550 000 euros. Cette disposition
« couperet » (dès ce niveau de chiffre d’affaires atteint, aucune
exonération n’est plus appliquée) peut constituer une incitation au
maintien de structures de taille limitée et ainsi favoriser :
-
un objectif de développement concentré sur la recherche de
marges (au détriment de la recherche de croissance) ;
Extrait du décret n°2004-1550 du 30 décembre 2004 pris pour l'application de la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004
relative à l'octroi de mer
Article 4 I. - Pour l'application des articles 5 et 37 de la loi du 2 juillet 2004 susvisée et à la condition que le conseil régional ne mette
pas en œuvre les dispositions du dernier alinéa de l'article 5, les assujettis dont le chiffre d'affaires atteint ou dépasse le seuil
de 550000 euros en cours d'année cessent d'être exonérés de plein droit de l'octroi de mer et de l'octroi de mer régional le
1er janvier de l'année civile suivant celle au cours de laquelle l'atteinte ou le franchissement du seuil est intervenu. Il en est
de même lorsque l'atteinte ou le dépassement de ce seuil intervient au cours de la première année d'activité.
II. - Si le conseil régional ne met pas en œuvre les dispositions du dernier alinéa de l'article 5 de la loi du 2 juillet 2004 susvisée,
les entreprises de production visées à l'article 7 de la loi du 2 juillet 2004 susvisée dont le chiffre d'affaires relatif à leur activité
de production passe en dessous du seuil de 550000 euros sont exonérées de plein droit de l'octroi de mer et de l'octroi de
mer régional à compter du 1er janvier de l'année civile suivant celle au cours de laquelle leur chiffre d'affaires de production est
passé au-dessous du seuil.
Octroi de mer
78
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
-
le montage de structures complexes permettant aux agents
économiques de « capter » cet avantage d’exonération tout en
ne favorisant pas la transparence économique.
Pour pallier ces effets pervers, il pourrait être envisagé un système
permettant de réguler ce seuil à travers :
-
l’établissement de règles sur la réalité des groupes d’entreprises
en matière fiscales (via l’intégration fiscale par exemple) ;
-
la représentativité des salariés, qui corrigerait le désavantage de
compter une multitude de PME (unités économiques et sociales
par exemple).
4. Impacts de l’octroi de mer sur les
ressources des collectivités locales
4.1. Manque d’effort dans le développement des autres
sources de recettes fiscales
La prépondérance de l’octroi de mer (à travers la dotation globale
garantie, stable et automatique) dans leurs recettes fiscales a pu
pousser les communes à limiter leurs investissements afin d’améliorer
leur rendement et les ressources issues de la fiscalité directe (taxes
d’habitation, taxe foncière et taxe professionnelle).
Entre 1997 et 2008, les recettes de l’octroi de mer ont augmenté de
56 % alors que la fiscalité directe progressait de 40 %.
Néanmoins, le rendement des taxes locales à la Réunion
comparativement à la métropole reste relativement faible
structurellement en raison :
-
d’un recensement encore insuffisant des bases fiscales ;
-
de la faiblesse des bases d’imposition, découlant de la situation
économique de la Réunion ainsi que des exonérations
particulières concernant la taxe d’habitation et les taxes sur le
foncier.
Octroi de mer
79
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
4.2. Une fiscalité apparaissant injuste
Malgré des taux moins élevés pour les produits de première
nécessité, l’octroi de mer constitue une imposition indirecte sur
l’ensemble des produits, qui, par nature, touche uniquement et
indifféremment l’ensemble des consommateurs, quel que soit leur
niveau de revenu.
De plus, l’octroi de mer entraîne des distorsions de taxation entre
secteurs, parce qu’il ne touche que les produits physiques. Ainsi, le
secteur des services (peu voire pas utilisateur de produits physiques)
bénéficie-t-il mécaniquement d’une imposition attractive. Il n’est en
effet soumis qu’à un taux de TVA réduit (8,5 %) en application dans
les DOM (sans être soumis à l’octroi de mer). Comparativement, en
métropole, les mêmes taux de TVA (19,6 %) qu’aux autres secteurs
sont appliqués au secteur des services.
L’intégration du secteur des services, dont les activités dans leur
ensemble sont peu concurrencées à l’international, à l’assiette
d’imposition permettrait de procurer de nouvelles ressources fiscales
pour le territoire.
5. Les scénarios possibles
5.1. Scénario 1 : en cas de maintien de l’octroi de mer après
2014, un perfectionnement du système nécessaire
L’octroi de mer constitue un outil fort de développement local,
permettant à la fois de soutenir les entreprises réunionnaises et
d’affecter directement des ressources aux collectivités locales du
territoire (correspondant à un substitut de TVA, qui, elle, n’est pas
affectée au territoire).
Néanmoins, s’il a assuré son rôle de ressource fiscale, il n’a pas
pleinement atteint son rôle de soutien à l’économie locale, et il est un
des facteurs importants de la vie chère à la Réunion. Face aux
difficultés dans sa gestion, les acteurs publics (régions, services
étatiques déconcentrés, Commission et Conseil européens), dans
leurs interprétations incertaines, n’ont pas eu une implication
suffisante pour favoriser une gestion « dynamique » de cet outil.
Si le dispositif d’octroi de mer est susceptible d’être renouvelé en
2014, il convient de le perfectionner et de le rendre plus transparent :
-
il doit continuer d’encourager l’émergence d’activités
économiques sur le territoire réunionnais avec un important
contenu local – emplois et valeur ajoutée ;
-
il doit permettre le maintien de recettes importantes pour les
collectivités locales, en particulier pour les communes (bien qu’il
convienne de développer d’autres sources de recettes fiscales,
Octroi de mer
80
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
en particulier dans la fiscalité directe, encore peu développée
comparativement à la métropole) ;
-
-
-
l’analyse prospective (ex-ante) des impacts des mesures
envisagées ainsi que l’évaluation des mesures passée (ex-post)
doivent être effectives :
-
l’évolution des taux d’octroi, les exonérations et différentiels
de taux, la péréquation des recettes entre communes et leur
pertinence au regard des objectifs de développement
économique doivent être évalués,
-
cette évaluation doit associer l’ensemble des partenaires
économiques et sociaux, et faire émerger les décisions de la
région en toute indépendance51 ;
le principe de neutralité fiscale doit être atteint :
-
l’octroi de mer ne doit pas entraîner les effets cumulatifs de
surmarges sur taxes le long du circuit de distribution (depuis
l’importation du bien jusqu’à sa distribution), vecteur
d’effets inflationnistes et de surcoûts pour les
consommateurs,
-
il ne doit pas toucher indifféremment l’ensemble des
personnes quelque soit leur niveau de revenu,
-
l’effet pervers d’une économie centrée sur les PME doit être
levé, en permettant aux secteurs identifiés comme
prioritaires de continuer à bénéficier des exonérations – tout
du moins sur une période déterminée –, en garantissant le
maintien de l’exonération pour une part de l’activité
correspondant à 550 000 euros, même si ce chiffre d’affaires
et dépassé,
-
il convient de réfléchir à l’évolution de la fiscalité des
secteurs des services qui ne sont pas assujettis à l’octroi de
mer ;
la sensibilisation au niveau européen (Commission et Conseil
européens) ne doit pas uniquement transiter par les
représentations des entreprises réunionnaises : l’ensemble des
acteurs économiques et sociaux doivent être intégrés à cette
réflexion.
Plusieurs études sont en cours sur l’octroi de mer et son maintien audelà de 2014 au niveau du ministère de l’Outre-mer et de la région :
l’ensemble des acteurs doit être sensibilisé dans une démarche de
transparence afin de favoriser la connaissance commune de cet outil.
Il est par ailleurs souhaitable que cet outil soit coordonné avec les
autres outils de soutien à l’économie locale, ce qui n’a pas forcément
été le cas jusqu’à maintenant.
51
Cette évaluation ne peut se cantonner à la seule Commission nationale d’évaluation des
politiques de l’État outre-mer, créée en application de la loi du 27 mai 2009 pour le
développement économique outre-mer et par le décret du 1er septembre 2010 (n°20101048), bien que cette dernière puisse jouer un rôle majeur dans la coordination des
travaux.
Octroi de mer
81
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
5.2. Scénario 2 : en cas de non-renouvellement de l’octroi de
mer en 2014, un transfert vers la TVA permettrait de disposer
d’un dispositif fiscal plus transparent et plus juste
L’abandon de l’octroi de mer au profit d’une hausse des taux de TVA
(actuellement réduits dans les DOM) apparaît comme une alternative
opportune, d’une part, si elle est assortie d’une garantie d’affectation
des recettes aux collectivités réunionnaises (région et communes) et,
d’autre part, si elle permet le maintien de différentiels de taux entre
importations et production locale (afin de soutenir l’économie locale).
À l’image des différentiels de taux existant pour l’octroi de mer, des
différentiels de taux de TVA (et exonérations), tout comme
l’affectation des ressources aux budgets des collectivités
réunionnaises apparaissent compatibles avec l’article 349 (ex-article
299) du traité de l’Union européenne52 et l’article 73 de la Constitution
française53.
Comparativement à l’octroi de mer, la TVA dispose d’un grand nombre
d’atouts :
-
contrairement à l’octroi de mer, elle est neutre fiscalement et n’a
pas d’incidence sur le cumul des marges le long du circuit de
distribution, facteur de « vie chère » important ;
-
l’assiette serait étendue à l’ensemble des produits et services (et
non plus seulement aux produits) ;
-
elle permettrait une meilleure transparence fiscale, les
complexités du dispositif de l’octroi de mer n’étant
qu’imparfaitement connues de l’ensemble de la population.
Par ailleurs, la TVA étant déjà en place à la Réunion, les coûts et
procédures « d’adaptation » depuis l’octroi de mer (perçu par les
douanes) vers la TVA (perçue par les services fiscaux) seraient
relativement limités.
52
« Les mesures visées au premier alinéa [mesures spécifiques visant à l’application
visant à fixer les conditions de l’application des traités à ces régions] portent notamment
sur les politiques douanières et commerciales, la politique fiscale, les zones franches, les
politiques dans les domaines de l'agriculture et de la pêche, les conditions
d'approvisionnement en matières premières et en biens de consommation de première
nécessité, les aides d'État, et les conditions d'accès aux fonds structurels et aux
programmes horizontaux de l'Union. »
53
« Les collectivités régies par le présent article peuvent être habilitées, selon le cas, par
la loi ou par le règlement, à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire,
dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi ou du
règlement. »
Octroi de mer
82
Ressources publiques
et fiscalité
réunionnaise
5.
1. Ressources en provenance
de métropole et d’Europe
1.1. Vue d’ensemble : sur longue période, la progression
des ressources en provenance de métropole et d’Europe
Source : IEDOM
Les transferts nets (dépenses – recettes) depuis la métropole, qui
comprennent les budgets des administrations d’État (y compris les
fonds européens) ainsi que les prestations sociales (RMI/RMA,
assurance maladie, assurance vieillesse, assurance chômage), ont
fortement augmenté sur la période 1975-2007, atteignant
5,7 milliards d’euros en 2007 (contre 3,4 milliards en 2000 et
1,9 milliard en 1990).
Deux périodes peuvent être distinguées :
-
avant 1994 : progression constante à taux modéré ;
-
après 1994 : accélération des transferts, avec une augmentation
83
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Ressources
publiques et
fiscalité
84
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
des fonds européens en direction de la Réunion dans le cadre
des objectifs de « convergence ».
En 2008, ces transferts nets, en léger retrait, se maintiennent à
5,7 milliards d’euros. Par habitant, ce niveau de transfert net est de
6 924 € en 2008, contre 4 700 € en 2000.
1.2. Les fonds européens et leur coordination avec les
instruments nationaux
Depuis 1992, l’État, la région et le département ont mis leurs moyens
en commun pour gérer les fonds européens, à travers la création de
l’Agence de gestion des initiatives locales en matière européenne
(AGILE). Cet interlocuteur unique avec la Commission européenne est
censé améliorer la coordination afin de faciliter les procédures et un
décaissement plus réactif des fonds européens aux demandes.
La Réunion est éligible aux fonds structurels européens, les dernières
programmations ayant été mises en place pour les périodes 20002006 et 2007-2013.
Si les aides européennes de programmation 2000-2006 ont pu être
décaissées dans leur intégralité (et même au-delà), la complexité des
procédures engendre des délais de décaissement relativement longs.
Au 1er juillet 2006, soit en fin de période de programmation, moins de
50 % des fonds disponibles avaient été décaissés. Au final, la période
d’éligibilité aux fonds 2000-2006 a pris fin le 30 juin 2009.
Pour la période 2007-2013, les fonds européens représentent
1,9 milliard d’euros de crédits ouverts. Fin 2009, les crédits versés
restaient inférieurs à 10 % des crédits ouverts, alors que les crédits
engagés représentaient 31 %.
Afin d’harmoniser les programmes nationaux et européens ainsi que
de répondre au principe d’« additionnalité » requis par les procédures
européennes54, le calendrier des contrats de projets État-région
(CPER)55 est calé sur les programmes européens. La dernière
programmation du CPER est ainsi en phase avec la programmation
européenne sur la période 2007-2013. Les montants des
engagements totaux du CPER réunionnais sont de 531,88 M€
(257,563 M€ de l’État, 162,114 M€ de la région et 112,203 M€ du
département).
Source : AGILE
Concernant le principe « d’additionnalité » requis au niveau européen,
M. Doligé indique dans son rapport d’information au Sénat sur la
54
L’article 15 du règlement N°1083/2006 du Conseil européen portant disposition des
fonds structurels européens indique que les crédits des fonds structurels européens ne
peuvent se substituer aux dépenses structurelles publiques nationales que l’État
maintient dans l’ensemble de régions concernées. Une vérification de la mise en ?uvre
effective de ce principe d’additionnalité est prévue en 2011, à mi-parcours de la
programmation 2007-2013, et d’ici à la fin 2016.
55
Les CPER, créés initialement en 1982, sont des documents dans lesquels l’État et une
région (ainsi que d’éventuelles autres collectivités) s’engagent sur une programmation
pluriannuelle pour le financement de projets dans le domaine de la cohésion économique,
sociale et culturelle des territoires (par exemple des projets d’infrastructure ou de soutien
à certaines filières).
Ressources
publiques et
fiscalité
85
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
situation des départements d’outre-mer n°519 (7 juillet 2009) :
« cette règle a vocation à responsabiliser les collectivités territoriales
et à garantir la pertinence et la qualité des investissements. Si, de
manière générale, elle est vertueuse, dans les DOM, de nombreuses
communes sont dans des situations budgétaires telles qu’elles ne
sont pas en mesure d’apporter cette part des fonds nécessaires à
l’obtention des subventions ».
Par ailleurs, les difficultés de montage des dossiers et, par
conséquent, de décaissement des fonds européens résultent d’un
manque de maîtrise des procédures au niveau des collectivités
locales, auquel il convient de remédier.
L’après 2014 : les perspectives des fonds européens à la
Réunion
Avant 2004, les régions ultrapériphériques françaises étaient classées
parmi les régions les plus pauvres de l’Union européenne (avec un PIB
par habitant inférieur à 75 % de la moyenne européenne). Dans le
cadre de la politique européenne de convergence, elles bénéficient
actuellement (sur la programmation 2007-2013) d’importants fonds
structurels.
L’intégration successive dans l’Union européenne (2004 et 2007) de
douze nouveaux pays a entraîné mécaniquement une diminution du
niveau moyen de la richesse par habitant. Certains DOM (en
particulier la Martinique) pourraient ne plus être éligibles à l’ensemble
des fonds de convergence à partir de 2014.
Pour la programmation 2007-2013, un régime transitoire dégressif
(nommé « phasing-out ») est accordé aux régions qui auraient été
éligibles à l’objectif « convergence » si le seuil était resté à 75 % du PIB
par habitant moyen de l’UE à 15, et non à 25. Le maintien de ce principe
n’a pas encore été arrêté pour la programmation débutant en 2014.
Néanmoins, le seuil calculé pour l’ensemble de l’Union européenne ne
devrait pas être atteint à la Réunion, qui devrait ainsi continuer à être
éligible à l’ensemble des outils européens de convergence après 2014.
2. Budget agrégé des 26 collectivités
locales réunionnaises
En 2008, les recettes fiscales contribuent à 43 % des recettes des
26 collectivités réunionnaises. Le solde provient principalement des
dotations et subventions reçues, alors que les emprunts représentent
10 %.
Les dépenses de fonctionnement correspondent à 63 % des dépenses
réelles totales, alors que les dépenses d’investissement représentent
37 %.
Les frais de personnel, qui représentent 21,8 % du total des dépenses
et 34,8 % des dépenses de fonctionnement des 26 collectivités
Ressources
publiques et
fiscalité
86
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
réunionnaises se situent dans la moyenne des collectivités locales de
métropole56.
3. Les dispositifs fiscaux
3.1. Le financement des collectivités locales
Une fiscalité assise principalement sur la fiscalité
indirecte, aux dépens de la fiscalité directe
La fiscalité de la Réunion est historiquement assise sur les intrants sur
le territoire, à travers les droits de douanes. Aujourd’hui, l’impôt
indirect (octroi de mer, TVA, taxe sur la consommation de tabac)
constitue la principale source de recettes des collectivités locales
réunionnaises.
56
Selon le dernier rapport sur les finances des collectivités locales en 2010 de la Direction
générale des collectivités locales (DGCL), les frais de personnels représentaient 34,6 %
des dépenses de fonctionnement de l’ensemble des collectivités locales en 2009 (données
DGFiP).
Ressources
publiques et
fiscalité
87
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Les ressources fiscales des collectivités locales réunionnaises sont
déséquilibrées : elles s’appuient principalement sur l’impôt indirect, et
la fiscalité directe demeure limitée. De plus, leur part tend à se
réduire entre 1997 et 2005 : alors que les recettes de la fiscalité
directe ont augmenté de 45 %, celles de la fiscalité indirecte ont
progressé de plus de 157 %. Néanmoins, sur la période 2005-2008,
le taux de croissance de la fiscalité directe augmente. En 2008, les
ressources des impôts directs représentaient 24 % des impôts des
collectivités locales réunionnaises (contre 35 % en 1997 et 19 % en
2005).
À l’inverse, les recettes de l’État à la Réunion sont équilibrées entre
impositions directe et indirecte et suivent les mêmes tendances
d’évolution.
Une part des recettes fiscales en progression mais
encore limitée dans les ressources des collectivités
locales (hormis pour les communes)
En 2008, les recettes fiscales représentent respectivement 55%, 62%
et 63% des recettes de fonctionnement du département, de la région
et des 24 communes.
Ressources
publiques et
fiscalité
88
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Comparativement aux collectivités de métropole, les recettes de
l’impôt indirect sont très élevées à la Réunion, en particulier pour la
région et le département57. Les recettes des impôts indirects ne
représentent, en 2008, que 7 % des recettes de fonctionnement du
département et de la région.
3.2. Une fiscalité directe avantageuse pour les
contribuables
L’abattement de l’IR et de l’IS
Les assujettis à l’impôt sur les sociétés (IS) et à l’impôt sur le revenu
(IR) bénéficient des mesures d’abattement suivantes :
-
pour l’impôt sur les sociétés : abattement d’un tiers de l’impôt
sur les sociétés ; les résultats (bénéficiaires ou déficitaires) des
exploitations situées dans les DOM ne sont retenus, pour le
calcul de l’impôt sur les sociétés, que pour les deux tiers de leur
montant ;
-
pour l’impôt sur le revenu : abattement de 30 % plafonné à
5 100 € (comme pour la Guadeloupe et la Martinique) et
réduction de 16 % des plus-values de cession de titres.
Faible rendement des quatre taxes de la fiscalité
directe locales
Les taxes de fiscalité directe locale sont :
-
la taxe d’habitation, à laquelle sont soumises les personnes
physiques et entreprises ;
-
la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) ;
-
la taxe foncière sur les propriétés non bâties ;
-
la taxe professionnelle (remplacée à partir de 2011
principalement par la contribution économique territoriale, CET),
et l’imposition forfaitaire des entreprises de réseau (IFER), à
laquelle sont soumises les entreprises.
Le rendement de ces quatre taxes est nettement plus faible à la
Réunion qu’en métropole, principalement en raison :
-
d’un recensement de la base fiscale plus faible (bien qu’elle soit
progressivement améliorée) ;
-
de la faiblesse des bases d’imposition elles-mêmes, en raison
des exonérations spécifiques concernant la taxe d’habitation et
les taxes sur le foncier ;
57
Le département récupère, depuis 2005, une fraction de la taxe intérieure sur les
produits pétroliers (TIPP).
Ressources
publiques et
fiscalité
89
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
-
d’une base d’imposition centrée en priorité sur l’imposition
indirecte (octroi de mer, droit de consommation sur le tabac, TVA).
3.3. La fiscalité indirecte, première source de recettes…
L’octroi de mer, principale source de financement des
communes et financeur important des régions
L’octroi de mer a pour avantage la simplicité de son prélèvement (à
l’entrée), notamment pour une île comme la Réunion, avec seulement
deux points de contrôle : le port et l’aéroport. Il constitue la première
source de recettes fiscales pour les communes et assure une forte
contribution au budget de la région.
La taxe spéciale de consommation sur les produits
pétroliers (TSC)
Elle se substitue à la TIPP perçue en métropole et est affectée au
budget des régions. Cette ressource est destinée principalement au
développement des routes à travers le fonds d’investissement routier
(FIR).
Droit de consommation sur le tabac
Cette ressource est décidée par le département et affectée à son
budget. Son montant (en taux) est compris entre 66 % et 100 % du
prix de vente au détail en France métropolitaine.
TVA : taux réduits et TVA NPR
Les taux de TVA sont plus faibles qu’en métropole afin de compenser
– en partie – la taxation découlant de l’octroi de mer.
Les importations de riz sont exonérées de TVA à la Réunion, ainsi que
les matériels d’équipement destinés à l’industrie hôtelière et
touristique, en vertu de l'article 50 undecies I de l'annexe IV du code
général des Impôts.
Une exception existe au paiement de la TVA avec la TVA NPR (TVA
non perçue récupérable). Découlant d’un courrier ministériel de 1953,
la TVA NPR permet de déduire de la TVA collectée le montant fictif de
TVA qui aurait été dû si les biens n’avaient été exonérés. Il s’agit donc
d’une mesure d’incitation qui avait initialement pour objectif de
répercuter cette économie en coûts sur les prix de vente au
consommateur. Néanmoins, la mesure se présente en définitive plus
comme une subvention.
Si la loi sur le développement économique de l’outre-mer (LODEOM)
a légalisé la TVA NPR en 2009, elle l’a recentré sur les seuls biens
d’investissement productifs neufs acquis ou importés et certains
Ressources
publiques et
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90
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
intrants (comme les matériaux de construction). Les achats de
matières premières et de produits par les entreprises n’y étant plus
éligibles, une compensation par une aide au fret a été décidée (dont
le décret d’application n’a toujours pas été publié, fin 2010).
4. La poursuite d’une stratégie de
développement axée sur l’incitation fiscale
avec la LODEOM
4.1. Des mesures de défiscalisation des investissements
dans le secteur productif et le logement remontant aux
années 1980
Afin de favoriser l’investissement outre-mer dans les domaines ciblés
des secteurs productifs et dans le logement, tout en cherchant à
limiter les dépenses publiques, une stratégie de défiscalisation est
suivie dans les DOM depuis le milieu des années 1980, avec les lois
Pons en 1986, Paul en 2001 et Girardin en 2003.
Le dispositif fonctionne à travers une incitation fiscale (réduction de
l’IR pour les personnes physiques, d’un minimum de 50 %, et
réduction de l’IS pour les entreprises). Ces réductions concernent les
contribuables domiciliés en France métropolitaine comme les
contribuables domiciliés dans les DOM.
Le dispositif de défiscalisation a été modifié dans le cadre de la loi
n° 2009-594 pour le développement économique de l’outre-mer
(LODEOM), promulguée le 27 mai 2009, qui présente le nouveau
cadre de développement des DOM.
4.2. Des dispositions de la LODEOM principalement centrées
sur la défiscalisation
Les principales dispositions de la LODEOM visent le soutien au pouvoir
d’achat, à l’économie et aux entreprises, la relance de la politique du
logement et la continuité territoriale. Ces mesures concernent58 :
-
la réglementation des prix des produits de première nécessité ;
-
les zones franches d’activité ;
-
la défiscalisation des investissements productifs ;
-
l’exonération de cotisations sociales et le plan d’apurement des
dettes ;
58
Source : Rapport d’information sur la mise en application de la loi n°2009-594 du 27
mai 2009 pour le développement économique de l’outre-mer, Assemblée nationale, 29
septembre 2010.
Ressources
publiques et
fiscalité
91
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
-
l’aide à la rénovation hôtelière ;
-
le fonds exceptionnel d’investissement ;
-
la défiscalisation du logement social ;
-
le dispositif Scellier outre-mer ;
-
la continuité territoriale ;
-
la valorisation de la bagasse ;
-
les mesures au bénéfice des entreprises domiennes.
La LODEOM s’appuie ainsi principalement sur des mesures d’incitation
fiscale pour le développement économique de l’outre-mer.
Les mesures de soutien au pouvoir d’achat
Les mesures de soutien au pouvoir d’achat concernent :
-
la possibilité de réglementer, par décret en Conseil d’État, le prix
de vente des produits de première nécessité (finalement non
mise en œuvre, après l’avis de l’Autorité de la concurrence ne
considérant pas que la concurrence par les prix est
« suffisamment » limitée) ;
-
la mise en place des observatoires des prix et des revenus (OPR)
(cf. partie 2) ;
-
la possibilité de verser aux salariés un bonus exceptionnel de
1 500 € (par an et durant trois ans) exclu de l’assiette de toutes
cotisations et contributions sociales.
Les mesures de soutien à l’économie et aux entreprises
centrées sur les allègements fiscaux
Les zones franches d’activité (ZFA)
L’instauration de zones franches d’activité par la LODEOM a renforcé
l’allègement des prélèvements fiscaux concernant les entreprises, en
augmentant les abattements sur les bénéfices imposables et en
instaurant de nouveaux abattements.
Les PME (moins de 250 salariés) réalisant un chiffre d’affaires
inférieur à 50 M€ et exerçant dans l’un des secteurs d’activité59 visés
sont éligibles à un abattement de leur impôt sur les bénéfices (IR ou
IS), de leur taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), de la taxe
foncière sur les propriétés non bâties sur les terres agricoles et du
CET (en remplacement de la taxe professionnelle à partir de 2011) :
-
le taux d’abattement de l’impôt sur les bénéfices est plafonné à
150 000 € et est de 50 % pour les exercices de 2008 à 2014,
59
Secteurs prévus dans l’article 199 undecies B, ainsi que comptabilité, conseil aux
entreprises, ingénierie ou étude technique à destination des entreprises.
Ressources
publiques et
fiscalité
92
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
puis respectivement 40 %, 35 % et 30 % pour les années 2015,
2016 et 2017 ;
-
le taux d’abattement de TFPB est de 50 % de 2009 à 2015,
40 % en 2016, 35 % en 2017 et 30 % en 2018 ;
-
le taux d’abattement de la CET est de 80 % de 2009 à 2015,
70 % en 2016, 65 % en 2017 et 60 % en 2018.
En contrepartie, l’entreprise s’engage à des mesures supplémentaires
dans la formation professionnelle :
-
réalisation de dépenses de formation professionnelle en faveur
du personnel d’exploitation ;
-
versement d’une contribution au fonds d’appui aux
expérimentations en faveur des jeunes mis en place en
décembre 2008 par l'article 25 de la loi généralisant le RSA et
réformant les politiques d’insertion.
Ces deux obligations cumulatives doivent représenter ensemble au
moins 5 % de la quote-part des bénéfices exonérés pour un nombre
identifié de secteurs et certaines zones géographiques prioritaires.
De plus, il existe un taux d’abattement dans les ZFA bonifiés avec un
plafonnement de l’abattement de l’impôt sur les bénéfices relevé à
300 000 € et un taux de 80 % de 2008 à 2014 (puis respectivement
70 %, 60 % et 50 % en 2015, 2016 et 2017), de la TFPB dans les
mêmes conditions et de la CET relevé à 100 % entre 2009 et 2015,
puis respectivement 90 %, 80 % et 70 % en 2016, 2017 et 2018. Ces
taux bonifiés concernent les entreprises réunionnaises :
-
intervenant dans les communes des Hauts ;
-
intervenant dans six secteurs prioritaires (recherche et
développement, technologie de l’information et de la
communication, tourisme et activités de loisirs s’y rapportant,
agro-nutrition, environnement et énergies renouvelables) ;
-
dont les recherches représentent plus de 5 % des charges.
Si le dispositif de ZFA pourrait concerner 20 000 entreprises d’outremer (estimation faite lors de l’élaboration de la loi), aucun élément ne
permet de connaître véritablement le nombre de bénéficiaires.
La défiscalisation des investissements productifs
Le dispositif permet au contribuable redevable de l’IR de réduire son
impôt de 50 % du montant des investissements réalisés outre-mer.
Les mesures de la LODEOM en matière d’investissement productif
concernent :
-
l’abaissement des seuils d’agrément (du ministère des Finances)
afin de permettre un meilleur contrôle sur la finalité économique
des opérations de défiscalisation. Ils ont ainsi été ramenés de
300 000 € à 250 000 € pour les investissements « externalisés »
(non réalisés par des personnes en assurant elles-mêmes
Ressources
publiques et
fiscalité
93
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
l’exploitation) et pour les investissements réalisés dans les
secteurs sensibles ;
-
deux nouveaux secteurs éligibles aux dispositifs de
défiscalisation : celui de la recherche, en raison de son impact
sur la compétitivité des entreprises, et celui du financement de
projets de câbles sous-marins, en raison du coût élevé des
liaisons et de la nécessité de sécuriser les communications ;
-
l’élargissement de l’avantage fiscal aux exploitants d’hôtels et
non plus aux seuls propriétaires, afin d’aider ce secteur ;
-
le taux de la défiscalisation sur les navires de plaisance, ramené
à 50 % (après 70 %) en raison des nombreux abus observés
(délocalisation vers d’autres îles) et du constat que la flotte était
reconstituée ;
-
le plafonnement des investissements dans le secteur des
énergies renouvelables.
Les mesures d’exonérations spécifiques de charges
sociales
60
Afin de développer les activités économiques et l’emploi dans les
départements d’outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon, un dispositif
d’exonération de cotisations patronales de Sécurité sociale au profit
de certaines entreprises installées en outre-mer a été mis en place.
L’article 25 de la loi du 27 mai 2009 pour le développement
économique des outre-mers (LODEOM) a modifié le régime de cette
exonération :
-
dépenses éligibles : cotisations sociales des salariés des
entreprises, employeurs et organismes de droit privé dues à
compter du 1er avril 2009 ;
-
dépenses exclues : cotisations sociales dues au titre des
accidents du travail et des maladies professionnelles.
Régime général
Sont concernés les établissements situés à Saint-Pierre-et-Miquelon,
en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à la Réunion, à SaintBarthélemy et à Saint-Martin :
60
-
dont l’effectif moyen est d'au plus dix salariés ; si l'effectif vient
à dépasser le seuil de dix salariés, le bénéfice intégral de
l'exonération est maintenu dans la limite des dix salariés
précédemment occupés ou, en cas de départ, remplacés ;
-
dont l'activité relève, quel que soit leur effectif : du BTP, de
l’industrie, de la restauration, à l’exception de la restauration de
tourisme classée, de la presse, de la production audiovisuelle,
Source : IEDOM.
Ressources
publiques et
fiscalité
94
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
des énergies renouvelables, des NTIC, des centres d’appel, de la
pêche, des cultures marines, de l’aquaculture, de l’agriculture, y
compris les coopératives agricoles et sociétés d’intérêt collectif
agricoles et leurs unions, les coopératives maritimes et leurs
unions ;
-
dont l'activité relève du secteur du transport aérien et qui
assurent la liaison entre la métropole et la Guadeloupe, la
Guyane, la Martinique, la Réunion, Saint-Martin, SaintBarthélemy, Saint-Pierre-et-Miquelon, Mayotte ou entre ces
départements ou collectivités, ainsi que la desserte intérieure de
la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, la Réunion, SaintBarthélemy ou Saint-Martin. Seuls sont pris en compte les
personnels de ces entreprises concourant exclusivement à ces
dessertes et affectés dans des établissements situés dans l'un
de ces départements, à Saint-Barthélemy ou à Saint-Martin ;
-
qui assurent la desserte maritime ou fluviale de plusieurs points
de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de la Réunion,
de Saint-Barthélemy ou de Saint-Martin, la liaison entre les ports
de ces départements ou collectivités ou la liaison entre les ports
de la Réunion et de Mayotte.
Régime préférentiel (exonération « renforcée »)
Ce régime s’applique aux entreprises qui remplissent les conditions
cumulatives suivantes :
-
situées en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à la Réunion,
à Saint-Martin ou à Saint-Barthélemy et appartenant à l'un des
secteurs suivants : agriculture, industrie, commerce, artisanat
(sauf secteurs exclus), activité relevant de la comptabilité, du
conseil aux entreprises, de l'ingénierie ou d'études techniques à
destination des entreprises, de la R&D ou des TIC, ou réalisant
des investissements de rénovation et de réhabilitation d'hôtel,
de résidence de tourisme et de village de vacances classés, ou
des investissements nécessaires à l'exploitation d'une
concession de service public local à caractère industriel et
commercial réalisés dans des secteurs éligibles ;
-
employant moins de 250 salariés et réalisant un chiffre d’affaires
annuel inférieur à 50 M€ ;
-
étant soumises de plein droit ou sur option à un régime réel
d'imposition ;
-
pour l'ensemble de l'outre-mer, sauf la Guyane, les îles des
Saintes, Marie-Galante, Désirade et les communes de la Réunion
constituant la zone spéciale d'action rurale :
-
soit exerçant leur activité principale dans les secteurs de la
R&D, des TIC, du tourisme, de l'environnement ou des
énergies renouvelables pour les entreprises situées en
Martinique, en Guadeloupe ou à la Réunion dans les secteurs
du tourisme, de l'agro-nutrition ou des énergies renouvelables,
Ressources
publiques et
fiscalité
95
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
-
soit, alternativement, ayant signé avec un organisme public
de recherche ou une université une convention agréée par
l'autorité administrative, portant sur un programme de
recherche dans le cadre d'un projet de développement sur
l'île de la Guadeloupe, de la Martinique ou de la Réunion, à
condition que les dépenses de recherche engagées dans le
cadre de cette convention représentent au moins 5 % des
charges totales engagées par l'entreprise au titre de
l'exercice écoulé, ou ont réalisé des opérations sous le
bénéfice du régime de transformation sous douane, à
condition que le chiffre d'affaires provenant de ces
opérations représente au moins un tiers du chiffre d'affaires
de l'exploitation au titre de l'exercice écoulé.
Montant des exonérations
Son montant est, pour la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, la
Réunion, Saint-Barthélemy et Saint-Martin :
-
employeurs de moins de onze salariés :
-
rémunérations inférieures à 2,2 smic : exonération totale
des cotisations patronales de Sécurité sociale, sauf AT-MP,
sur la partie du salaire allant jusqu’à 1,4 smic,
-
rémunérations égales ou supérieures à 2,2 smic : le montant
de l'exonération décroît de manière linéaire à mesure que le
salaire versé augmente, jusqu'à disparaître lorsque le salaire
atteint 3,8 smic ;
-
employeurs de onze salariés et plus : exonération totale des
cotisations patronales de Sécurité sociale, sauf AT-MP, jusqu’à
1,4 smic, puis dégressive et s’annulant à 3,8 smic ;
-
employeurs remplissant les critères de l'exonération
« renforcée » : exonération totale des cotisations patronales de
Sécurité sociale, sauf AT-MP, sur la partie du salaire allant
jusqu’à 1,6 smic pour les rémunérations inférieures à 2,5 smic,
puis dégressive et s’annulant à 4,5 smic ;
-
cotisations sociales restant dues : cotisations patronales
d’assurance sociale et d’allocations familiales sur la partie de la
rémunération excédant le seuil de la franchise, cotisations
AT/MP, cotisations salariales de Sécurité sociale, CSG, CRDS,
contribution solidarité autonomie (CSA), FNAL, versement
transport, cotisations salariales et patronales de retraite
complémentaire (AGIRC/ARRCO), cotisations salariales et
patronales d’assurance chômage.
La défiscalisation dans le logement,
principalement sur le logement social
centrée
L’assiette de la réduction d’impôt est limitée à une surface comprise
entre 50 et 150 mètres carrés.
Ressources
publiques et
fiscalité
96
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Concernant le logement, la LODEOM a introduit trois changements
majeurs :
-
l’extinction progressive du dispositif Girardin concernant
l’investissement locatif dans le secteur libre et intermédiaire
pour s’annuler respectivement en 2012 et 2013 ;
-
la création d’un nouvel article (199 undecies C) permettant des
incitations fiscales pour le financement de logements locatifs
sociaux classiques (LLS) et PLS (prêt locatif social), ainsi que
des résidences avec services pour personnes âgées ;
-
l’extension à l’outre-mer du dispositif Scellier, déjà applicable en
métropole, mais à des taux de réduction plus favorables.
Les principales autres mesures
L’aide au fret
L’aide au fret concerne les entreprises situées dans les départements
d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon, Mayotte, SaintBarthélemy, Saint-Martin et Wallis-et-Futuna. Elle est destinée à
abaisser le coût du fret des matières premières ou produits :
-
importés dans ces départements ou ces collectivités pour y
entrer dans un cycle de production ;
-
exportés vers l'Union européenne après un cycle de production
dans ces départements ou ces collectivités.
L’aide au fret en matière d’export ne concerne donc exclusivement
que les échanges avec l’Union européenne.
Aide à la rénovation des établissements hôteliers
Les établissements hôteliers peuvent bénéficier d’une aide, avec un
versement en une seule fois d’un montant de 7 500 € par chambre,
dans la limite de 100 chambres. Les travaux ouvrant droit à l’aide
doivent vérifier trois conditions :
-
concerner des établissements de plus de 15 ans ;
-
être réalisés directement par l’exploitant ;
-
avoir fait l’objet d’un agrément du ministre du Budget, dans les
conditions prévues au III de l’article 217 undecies du code
général des impôts.
Le fonds exceptionnel d’investissement (FEI)
Ce fonds, créé dans le cadre de la LODEOM, vise à apporter une aide
financière de l’Etat aux personnes publiques des collectivités d’outremer et de Nouvelle-Calédonie. Les crédits du fonds ont été abondés
en 2009 dans le cadre du Plan de relance de l’économie, avec 158 M€
d’autorisations d’engagement (AE) et 46 M€ de crédits de paiement
(CP) ont été consommés en 2009. Son montant a été ramené, dans
Ressources
publiques et
fiscalité
97
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
la loi de finances 2010, à 40 M€ d’AE et 17 M€ de CP. La loi de
finances 2011 a ramené le montant des AE à 10 M€ et des CP à
21,5 M€ (dont 19 M€ servant à payer des actions déjà engagées,
moins de 3 M€ pouvant servir à de nouvelles opérations).
4.3. Les « coups de rabot » de la dépense fiscale dans les
DOM dans le cadre de la loi de finances 2011
Dans le cadre de la loi de finances 2011, il est prévu de réduire les
effets des mesures de défiscalisation. Si les mesures en métropole
concernent principalement l’application d’une réduction moyenne de
10 % sur l’ensemble des dispositifs, les avantages fiscaux spécifiques
des DOM évoluent de manière différenciée, avec le maintien des
mesures prioritaires de soutien de l’emploi et du logement social.
Pour les investissements productifs industriels outre-mer, la baisse de
10 % du taux de défiscalisation est prévue (uniquement côté
investisseur, l’exploitant ultramarin conservant le même avantage).
La Réunion devrait être exclue des mesures d’incitation fiscales à la
production d’électricité photovoltaïque, en raison d’une demande
inférieure à la production potentielle.
5. Faible efficacité des mesures de
défiscalisation au regard des coûts et effets
pervers en découlant
5.1. Consensus sur la carence d’évaluation des mesures et
coûts associés
Toutes les analyses, qu’elles émanent de l’administration (Inspection
générale des Finances, Inspection générale de l’Administration), de la
Cour des comptes (Conseil des prélèvements sociaux) ou encore de
missions parlementaires ou sénatoriales, partagent le même constat
vis-à-vis des mesures d’incitation fiscale dans les DOM : elles se
révèlent illisibles et ne font pas l’objet de mesures d’évaluation (ni
lors de leur mise en place, ni rétrospectivement) sur l’effectivité – ou
non – des résultats attendus.
5.2. Les effets pervers de la défiscalisation
La dépense fiscale à la Réunion (et dans les DOM) :
manque à gagner pour la collectivité
Les mesures d’incitation fiscale constituent une dépense fiscale, dans
le sens où elles entraînent, pour l’État, une perte de recette.
Ressources
publiques et
fiscalité
98
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Définition de la dépense fiscale
L’expression « dépenses fiscales » est apparue en 1979 dans le rapport annuel du Conseil des impôts. La loi de finances de
1980 dispose que le gouvernement retracera l’évolution des dépenses fiscales dans le fascicule « Voies et moyens » annexé
au projet de loi de finances. Le fascicule annexé à la loi de Finances de 1981 donne une définition de la notion de dépense
fiscale : « peut être qualifiée de dépense fiscale toute disposition législative ou réglementaire dont la mise en œuvre entraîne
pour l’État une perte de recettes et donc pour le contribuable un allégement de sa charge fiscale par rapport à ce qui serait
résulté de l’application de la norme, c’est-à-dire des principes généraux du droit fiscal français ».
On remarque immédiatement que cette définition implique que la norme fiscale soit fixée. Or, aucun document officiel ne décrit
l’ensemble des principes de la fiscalité française. Aussi ne s’étonnera-t-on pas que, au fil du temps, le concept de dépense
fiscale évolue. En 1998, une nouvelle définition est donnée. Les critères désormais mis en avant sont l’ancienneté et, surtout,
« le caractère général de la mesure : une disposition applicable à la grande majorité des contribuables peut être considérée
comme la norme (par exemple, l’abattement de 20 % sur les traitements et salaires). À l’inverse, l’avantage accordé à une
catégorie particulière de contribuables ou d’opérations constitue une dépense fiscale ».
Source : Conseil des prélèvements obligatoires, octobre 2010.
Pour l’ensemble de l’outre-mer, la dépense fiscale estimée pour 2011
est de 3,2 milliards d’euros selon le dernier document de politique
transversale (DPT). Néanmoins, ces éléments restent à prendre avec
précaution, des différences importantes existant d’une année sur
l’autre dans les chiffres annoncés61.
61
Ces chiffres sont par ailleurs régulièrement remis en cause. Une mission d’audit et de
modernisation sur le dispositif de suivi et de pilotage de la dépense de l’État outre-mer,
en février 2007, indiquait : « en conclusion quant au DPT, la mission estime que les
informations y figurant ne sont pas fiables, alors même que la production de ce document
répond à une obligation légale, en vue d’informer le parlementaire et le citoyen. En outre,
sa structure n’est pas cohérente. Cette situation affecte la crédibilité du ministère de
l’Outre-mer. »
Ressources
publiques et
fiscalité
99
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Il convient par ailleurs de retrancher de ce montant de dépense
fiscale la partie de réduction des taux de TVA que récupèrent les
communes et régions d’outre-mer sous forme d’octroi de mer (soit
1 160 M€ prévus en 2009), ainsi que la TIPP (131 M€ en 2009).
Des mesures inégalitaires
Ces mesures sont « inégalitaires » dans le sens où seules les
personnes physiques ou morales possédant la capacité (financière) de
défiscaliser peuvent utiliser cet outil de réduction du montant de leur
impôt.
Elles engendrent également un effet pervers sur les prix, notamment
dans le secteur de la construction, en générant une pression forte sur
le foncier en raison de la multiplication des investissements, mais
aussi sur les prix des services dans le bâtiment. Elle peut ainsi
aboutir, par effet d’aubaine, à des surinvestissements dont l’efficacité
économique est loin d’être vérifiée.
Par effet cliquet, elles sont source d’inégalités face à l’impôt en
opposant, d’un côté, les bénéficiaires des dispositions cherchant à
maintenir le système à leur profit et de l’autre des contribuables
supportant l’impôt. Ces derniers peuvent ainsi remettre en cause la
légitimité de supporter l’impôt, alors que d’autres bénéficient de
privilèges fiscaux.
En définitive, la pression fiscale se renforce principalement sur les
consommateurs.
Une efficacité économique et sociale jugée faible
Les mesures de défiscalisation, s’appliquant principalement sur la
fiscalité directe (IR, IS, taxes locales), peuvent en réduire l’efficacité
ainsi que le rendement (déjà peu performant, en particulier dans les
DOM, comparativement à la fiscalité indirecte) et privilégier ainsi
encore davantage la fiscalité indirecte (plus injuste socialement).
Elles favorisent ainsi la pérennisation et le développement de la
fiscalité indirecte dans les DOM, la fiscalité directe subissant le double
handicap de l’étroitesse de son développement par rapport à la
métropole et des mesures de défiscalisation limitant son rendement.
Par ailleurs, le caractère transitoire et la complexité de la mise en
place de ces mesures impliquent qu’une grande partie de leurs effets
en termes d’incitation économique est « captée » par les cabinets de
défiscalisation. En définitive, cela engendre une efficacité limitée des
mesures pour un coût élevé en termes de dépenses publiques
(manque à gagner) pour la collectivité.
Le caractère transitoire ne permet donc pas le développement
pérenne de filières (cf. l’exemple du dispositif de défiscalisation dans
le photovoltaïque remis en cause dans la loi de finances 2011), dont
les plans d’investissement s’appuient quasi-exclusivement sur le
Ressources
publiques et
fiscalité
100
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
« potentiel de gain fiscal », engendrant ainsi des frustrations lors de
la suspension des mesures.
Enfin, elle limite la crédibilité de la France dans ses engagements
internationaux de lutte contre les paradis fiscaux, en maintenant sur
son territoire des zones de forte incitation fiscale (dans les DOM).
5.3. Des mesures à prendre afin de limiter les effets pervers
et l’inefficacité des politiques fiscales
Il convient de limiter à la fois le nombre et le volume des mesures de
défiscalisation en favorisant essentiellement les incitations par le
financement de l’économie grâce à un système de subventions en
substitution des mesures de « dumping fiscal ».
Concernant les dispositifs de défiscalisation en cours, il conviendrait
d’augmenter la visibilité des mesures prises et de pratiquer une
évaluation indépendante et systématique de chacune afin de justifier
(ou non) de leur efficacité. Cette évaluation doit intégrer l’ensemble
des partenaires sociaux.
Comme le souligne et le propose le Conseil des prélèvements
obligatoires62, concernant les zones franches d’activité en outre-mer :
« le gouvernement s’était engagé à évaluer tous les trois ans l’impact
socio-économique du dispositif avec une mesure de ces effets sur
l’emploi. Mais, sauf erreur, il ne semble pas que cela ait été réalisé.
L’efficacité de cet abattement, dont le coût est évalué de manière
sommaire à 50 M€, reste ainsi incertaine ». Le Conseil des
prélèvements obligatoires propose ainsi de mettre fin à la multiplicité
des zonages territoriaux, qui contribuent à l’illisibilité de l’impôt et
sont porteurs d’effets d’aubaine sans bénéfice économique avéré. Il
propose deux options :
-
option a : choisir un modèle unique de zone franche et
l’appliquer à tous les territoires aidés ;
-
option b : supprimer les exonérations fiscales territoriales au
profit d’une politique de développement (hors de tout zonage)
des infrastructures et services publics.
Réduire l’abattement
développement local
de
l’IR
et
l’affecter
au
Dans une logique d’équité face à l’impôt concernant les abattements
de l’impôt sur les personnes (IR), deux solutions (non exclusives)
peuvent être mises en œuvre :
-
réduire progressivement le taux d’abattement de 30 % de
l’impôt sur le revenu pour revenir aux mêmes niveaux qu’en
métropole, en ramenant à moyen terme le taux d’abattement à
0%;
62
Les dépenses fiscales ouvertes aux entreprises soumises à l’impôt sur le revenu, juillet
2010, Conseil des prélèvements obligatoires.
Ressources
publiques et
fiscalité
101
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
-
diminuer progressivement le seuil de 5 100 € d’abattement, en
le ramenant progressivement à 0 €.
Les fonds ainsi dégagés doivent en parallèle être affectés aux
politiques économiques et sociales du territoire réunionnais.
Limiter la progression de la fiscalité indirecte au profit
de la fiscalité directe
Il convient de contenir la progression de la fiscalité indirecte en la
recentrant sur la fiscalité directe, encore largement inférieure à celle
existant en métropole.
Sortir d’une logique dans laquelle la réforme équivaut à une
baisse des moyens
Quelles que soient les mesures mises en place, les fonds dégagés par
la réduction des incitations fiscales doivent être pérennisés et se
maintenir à destination de la Réunion. Elles doivent abonder un fonds
restant à destination du territoire63. Ce principe, pourtant nécessaire
afin de légitimer une modification des politiques de développement en
réduisant les mesures de défiscalisation, ne semble malheureusement
pas acquis : la proposition d’amendement n°II 28 concernant la loi de
Finances 2011 a ainsi été rejeté le 29 octobre 2010 à l’Assemblée
nationale, alors qu’il indiquait : « Cet amendement vise à vérifier que
les économies réalisées par les différentes réformes de la
défiscalisation des investissements outre-mer, celles de l'ITR et de la
TVA NPR ont bien été réinjectées dans l’outre-mer (…). »
63
M. Jean-Jacques de Peretti, ministre de l’Outre-mer en 1996, avait tenté un tel
mécanisme concernant les rémunérations complémentaires des fonctionnaires en
proposant, d’une part, de maintenir le niveau de rémunération actuel des agents en poste
dans les DOM et, d’autre part, de réinjecter sur les territoires l’intégralité des crédits
d’État dégagés par la réduction des rémunérations des futurs fonctionnaires (au profit
d’actions en faveur de la création d’emplois). La réforme n’avait en définitive pas abouti.
Ressources
publiques et
fiscalité
102
Répartition inégale des
richesses
6.
1. Accentuation des inégalités
Selon la dernière enquête Budget Consommation des ménages, en
2006, le niveau de vie moyen des Réunionnais s’élève à 1 030 € par
mois64. Pour la moitié de la population, il est inférieur à 767 € par
mois. À titre de comparaison, le smic (net) s’élevait, au début de
l’année 2006, à 946 € par mois (sur la base de 35 heures
hebdomadaire) et le RMI à 433 € par mois.
Revenu des ménages et niveau de vie
« Tous les membres d’un ménage ont par construction le
même niveau de vie. Celui-ci est égal au revenu disponible du
ménage divisé par le nombre d’unités de consommation (UC)
de celui-ci.
Le revenu disponible est l’ensemble des revenus de ses
membres, après redistribution, c’est-à-dire après prise en
compte des principales prestations sociales et paiement des
impôts directs.
Le nombre d’unités de consommation dépend du nombre de
personnes que comporte ce ménage, pour tenir compte des
économies d’échelle qui existent pour certaines dépenses. En
effet, un ménage de deux personnes ayant un revenu deux
fois supérieur à celui d’une personne vivant seule aura un
meilleur niveau de vie, en raison des économies d’échelle que
lui procure la vie de couple. Dans la pratique, le nombre d’ UC
est calculé à l’aide d’une échelle d’équivalence qui affecte un
poids à chaque individu du ménage. L’échelle d’équivalence la
plus utilisée est celle de "l’OCDE modifiée" qui attribue 1 UC au premier adulte du ménage, 0,5 UC aux autres personnes de
14 ans ou plus et 0,3 UC aux enfants de moins de 14 ans. »
Source : Insee, Économie de la Réunion, n°134
64
Anne-Marie Jonzo, « Niveau de vie 2001-2006 : les inégalités s’accentuent », Insee,
Économie de la Réunion, n°134.
103
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Sur la période 2001-2006, le niveau de vie moyen des Réunionnais a
légèrement progressé : en cinq ans, il s’est accru de 4 % en euros
constants, c’est-à-dire en tenant compte de l’inflation, soit une
évolution en moyenne annuelle de 0,8 % par an. Cette augmentation
a été favorisée par la situation économique. En volume, le PIB a
augmenté de 25 % sur la période. De nombreux emplois
supplémentaires ont été créés (24 000 en cinq ans). Le taux d’emploi,
c’est-à-dire le pourcentage de personnes occupant un emploi parmi
l’ensemble de la population en âge de travailler, est passé de 40 % à
43 %. Parallèlement, le smic a été relevé de 24 % sur la période.
1.1. Progression du niveau de vie entre 2001 et 2006 pour les
ménages les plus aisés et maintien du niveau de vie pour les
moins aisés, grâce à l’augmentation des minima sociaux
Entre 2001 et 2006, l’ensemble de la population n’a pas profité de la
même façon de cette augmentation des revenus.
Les catégories modestes (dont les niveaux de vie sont compris entre
les 1er et 3e quintile) ont souffert d’une baisse de leurs revenus
d’activité alors que, rappelons-le, le marché de l’emploi est plus
favorable qu’en 2001. Entre 2001 et 2006, le taux d’emploi – pour les
personnes de référence des ménages – a diminué pour les 2e et
Source : Insee, Économie de la Réunion, n°134
Répartition inégale
des richesses
104
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
3e quintiles et s’est maintenu pour le premier, à 23 %. La réduction
du nombre de contrats aidés – de 37 000 à 26 400 entre 2001 et
2006 – a évincé un certain nombre d’actifs du marché du travail.
Cette perte de revenus d’activité a été compensée, pour ces trois
quintiles, par une hausse des revenus sociaux (pensions de retraite,
indemnités de chômage, minima sociaux et autres prestations
sociales), qui constituent plus des deux tiers de leur revenu. Ce sont
les minima sociaux qui ont le plus augmenté. L’alignement du
montant du RMI dans les DOM sur le montant applicable en métropole
a eu lieu le 1er janvier 200265 et s’est achevé en janvier 2007 pour
celui de l’API. Par ailleurs, au 1er décembre 2001, le revenu de
solidarité (RSO) a été mis en place.
À l’opposé, les niveaux de vie moyens ont augmenté pour la
population la plus aisée des 4 e et 5 e quintiles, et tout
particulièrement pour les 20 % les plus aisés, avec près de + 4 %
sur la période.
1.2. Des revenus moins élevés à la Réunion qu’en métropole
Pour la métropole, en 2006, le niveau de vie moyen s’élevait à
1 460 €. Il était supérieur à 1 280 € pour la moitié de la population.
Ces deux indicateurs mettent en évidence des niveaux de vie moins
élevés à la Réunion qu’en métropole. À la Réunion, les 10 %
d’individus les plus modestes de la population ont un niveau de vie
inférieur à 390 € par mois (limite du 1er décile), tandis que les 10 %
d’individus aux plus hauts revenus ont un niveau de vie supérieur à
1 970 € par mois (limite du dernier décile). Pour la métropole, ces
indicateurs s’élèvent respectivement à 660 € et à 2 370 € par mois
(voir figure “Les déciles de niveau de vie à la Réunion et en France”).
Ainsi, les individus les plus modestes ont des niveaux de vie plus
faibles à la Réunion qu’en métropole. De même, les plus aisés ont des
niveaux de vie moins élevés à la Réunion.
Ces écarts de niveau de vie entre la métropole et la Réunion
s’expliquent en partie par de moindres revenus d’activité. À titre de
comparaison, le taux d’emploi pour les 15-64 ans est de 63 % en
métropole et de seulement 43 % à la Réunion66.
Le montant moyen par unité de consommation de l’ensemble des
transferts sociaux versés (pensions de retraite, indemnité chômage,
minima sociaux, prestations familiales et autres) est de même
grandeur sur les deux territoires. En revanche, leur répartition est
différente. Les Réunionnais perçoivent davantage de minima sociaux
(9 % des ressources des ménages), de prestations familiales (9 %)
et d’indemnités de chômage (5 %). En métropole en revanche, les
retraites sont prédominantes, en raison d’une plus grande proportion
65
Le RMI a été aligné sur celui de la métropole le 1er janvier 2002. Il est ainsi passé de
311 € fin 2000 à 406 € début 2002 pour une personne seule, soit une augmentation
d’environ 25 % en euros constants.
66
Insee, Réunion, TER 2010.
Répartition inégale
des richesses
105
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
de personnes âgées67 (24 % des ressources des ménages, contre
13 % à la Réunion).
Le nombre moyen d’unités de consommation par ménage à la
Réunion, supérieur à celui des ménages métropolitains, accentue les
écarts de niveau de vie entre les deux ensembles. La composition des
ménages n’est en effet pas la même à la Réunion et en métropole. À
la Réunion, les familles nombreuses sont en plus grande proportion.
Le nombre d’enfants moyen par foyer est de 1,24 contre 0,76 en
France. De plus, en métropole, 30 % des ménages sont composés de
personnes seules, contre 21 % à la Réunion68.
1.3. De plus fortes inégalités à la Réunion
Indice de Gini
Indice mesurant le degré d’inégalité
d’une distribution (ici, le niveau de vie)
pour une population donnée. Il varie
entre 0 et 1, la valeur 0 correspondant
à l’égalité parfaite (tout le monde a le
même niveau de vie), et la valeur 1 à
l’inégalité extrême.
Les inégalités monétaires ont toujours été plus prononcées à la
Réunion qu’en métropole. Cette plus forte disparité est confirmée par
les indicateurs tels que l’indice de Gini ou le rapport interdécile.
En 2006, les 10 % des individus les plus aisés de la population ont un
niveau de vie cinq fois supérieur aux 10 % les plus modestes à la
Réunion. Pour la métropole, ce rapport est de 3,6. Par rapport à 2001,
les indicateurs mettent en évidence une accentuation des inégalités
monétaires dans l’île. Cela s’explique par une évolution différenciée
des niveaux de vie, les hausses ayant essentiellement profité aux plus
aisés. Les revenus sont plus concentrés chez les plus aisés à la
Réunion qu’en métropole : la moitié des individus ayant les niveaux
de vie les plus faibles dispose d'un quart du total des revenus
disponibles distribués. Pour la métropole, ce pourcentage est
nettement plus élevé (31 %). À l’autre extrémité de l’échelle, les
20 % les plus aisés perçoivent 44 % de la masse des revenus alors
que, en métropole, ce pourcentage n’est que de 37 %.
Du point de vue des inégalités monétaires, la situation a toujours été
plus inégalitaire à la Réunion qu’en métropole. Les indicateurs
Source : Insee, Économie de la Réunion, n° 134
67
Insee, Les inégalités de revenus entre les DOM et la métropole, février 2010.
68
Insee, Les inégalités de revenus entre les DOM et la métropole, février 2010.
Répartition inégale
des richesses
106
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
habituels comme l’indice de Gini ou le rapport interdécile le
confirment pour 2006. Les revenus sont plus concentrés chez les plus
aisés. Alors que les 20 % d’individus les plus modestes détiennent, en
métropole, près de 10 % de la masse des revenus distribués, ils en
détiennent 7,5 % à la Réunion. En revanche, les 20 % d’individus les
plus aisés détiennent 37 % de cette même masse en métropole, pour
45 % à la Réunion.
Les transferts atténuent fortement les inégalités
Les inégalités monétaires sont importantes à la Réunion. Le fait
qu’elles augmentent ces dernières années masque cependant
l’importance des aides et de la redistribution. À titre d’exemple, les
aides versées à la Réunion pour le RMI représentent un peu plus de
6 % de l’ensemble des masses dédiées aux minima en métropole,
pour une population qui représente de l’ordre de 1,3 % de la
population totale.
Avant redistribution, c’est-à-dire avant versement des prestations
sociales, dont en particulier les minima sociaux, et paiement des
impôts directs, 10 % de la population déclare vivre au sein de
ménages ne disposant d’aucune ressource financière. Après
redistribution, le niveau de vie de cette catégorie reste inférieur à
390 €, mais s’élève en moyenne à 300 € par mois. Pour un ménage
d’une seule personne, cela correspond à un revenu de 300 € mensuel.
Pour un couple, cela correspond à un revenu mensuel de 450 € (300 €
x 1,5 unités de consommation).
La redistribution a un effet fortement marqué sur la distribution des
niveaux de vie. Elle s’opère avant tout au profit des plus démunis,
mais même les revenus élevés à la Réunion en bénéficient. Elle a en
tous les cas un effet très net de réduction des inégalités, avec en
particulier un indice de Gini fortement réduit (tableau ci-dessous).
Niveau de vie et inégalités spatiales
À la Réunion, en 2006, la moitié de la population déclarait aux
services fiscaux un revenu supérieur à 740 € par mois et par unité de
consommation69. La situation est très différente selon les communes.
69
Insee, Pascal Chevalier, “Les revenus par commune, des niveaux de vie et des écarts
variés”, Économie de la Réunion, n°134.
Répartition inégale
des richesses
107
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
D’un côté, on trouve la capitale économique, Saint-Denis, et deux
communes voisines, La Possession, largement en tête, et SainteMarie. La proportion élevée des cadres et des chefs d’entreprise dans
la population de ces communes explique en partie des revenus plus
importants à La Possession et à Saint-Denis. À Sainte-Marie, les
revenus élevés sont davantage liés à la part des indépendants aisés.
À l’autre extrémité de l’échelle se trouvent des communes où les
revenus des habitants sont plus faibles, souvent plus éloignées des
centres économiques et plus difficiles d’accès. C’est le cas à Salazie,
dont la population se caractérise par un grand nombre d’ouvriers,
mais également par une proportion très élevée de bénéficiaires du
RMI.
Les écarts entre communes se doublent d’inégalités plus ou moins
fortes au sein des communes. En 2006, les inégalités monétaires sont
particulièrement faibles à Saint-Philippe, en tête, loin devant des
communes comme l’Entre-Deux ou La-Plaine-des-Palmistes. À SaintPhilippe, l’éventail des revenus est particulièrement resserré : les
revenus des plus modestes sont faibles et, surtout, les revenus des
plus aisés sont particulièrement bas. À l’opposé, les inégalités sont les
Inégalités spatiales
Source : Pascal Chevalier, « Les revenus par
commune, des niveaux de vie et des écarts variés »,
Insee, Économie de la Réunion, n° 134.
Répartition inégale
des richesses
108
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
plus fortes pour cinq communes, Saint-André, Saint-Benoît, en tête,
Saint-Joseph, Salazie ou Le Port.
1.4. Niveau de vie et pauvreté monétaire
En 2006, 17 % de la population réunionnaise a un niveau de vie
inférieur au seuil de pauvreté, qui s'établit à la Réunion à 473 € par
mois et par unité de consommation. La population pauvre, au sens de
la pauvreté monétaire relative, qui correspond au nombre de
personnes vivant sous ce seuil, s’élève à 130 100 individus répartis
en 42 300 ménages.
Pauvreté monétaire
La pauvreté monétaire relative s’attache
à déterminer les personnes en situation
difficile par rapport à une situation jugée
« normale » dans la société étudiée. Est
considérée comme pauvre toute
personne dont le niveau de vie est
inférieur à un certain seuil, le seuil de
pauvreté. Celui-ci est défini comme une
fraction du niveau de vie médian, la plus
couramment utilisée étant 60 %.
Source : Valérie Latchoumanin, « Pauvreté monétaire : plus de pauvre en 2006 qu’en
2001 », Insee, Économie de la Réunion, n° 134
La pauvreté monétaire a augmenté entre 2001 et 2006. Ainsi, on
constate que, en 2001, 14 % de la population vivaient à un niveau
inférieur au seuil de pauvreté. Ceci traduit une aggravation de la
pauvreté monétaire entre 2001 et 2006. La structure des revenus des
pauvres a fortement changé au cours de la période en raison de la
forte augmentation des minima sociaux. Le RMI et l’allocation de
parent isolé (API) ont ainsi augmenté respectivement de 38 % et de
70 % en euros courants après leur alignement sur le niveau
métropolitain.
En 2001, le seuil de pauvreté s’élevait à 420 € par unité de
consommation. Ainsi, toute personne percevant le RMI ou l’API se
trouvait sous le seuil de pauvreté quelle que soit la composition de la
famille. Le plafond du RMI correspondait en effet à environ 310 € par
unité de consommation. On trouvait aussi, sous le seuil de pauvreté,
des personnes en emploi non bénéficiaires de minima sociaux.
Au 1er janvier 2006, les montants des minima sociaux ne permettent
généralement pas à une personne seule de dépasser le seuil de
pauvreté. Le RMI ne dépasse le seuil de pauvreté que pour les
familles monoparentales avec des enfants de moins de 14 ans (leur
niveau de vie est de 500 € par mois). Quant à l’allocation de parent
Répartition inégale
des richesses
109
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
isolé (API), elle se situe légèrement au-dessus du seuil de pauvreté
pour une femme vivant avec un enfant de moins de 14 ans. Les
personnes âgées percevant le minimum vieillesse (soit 600 € par
mois) se situent au-dessus du seuil de pauvreté si elles vivent seules.
Caractéristiques sociologiques de la pauvreté et
évolution70
La sortie du chômage ne signifie pas pour autant la sortie de la
pauvreté : à la Réunion, la population pauvre est composée à plus
d’un tiers de ménages dont la personne de référence est au chômage,
d’un tiers ayant une personne de référence au foyer, de 15 % dont la
personne de référence occupe un emploi et de 15 % dont la personne
de référence est à la retraite.
Depuis 2001, la composition de la population pauvre a fortement
changé. La part des chômeurs, qui représentaient plus de la moitié
des pauvres, a diminué au profit des personnes ayant un emploi
(+ 12 points) et restant au foyer (+ 10 points).
Le risque de pauvreté s’est accru par rapport à 2001, il a notamment
doublé pour les personnes en emploi (de 5 à 10 %). Il reste
cependant le plus élevé quand la personne de référence du ménage
est au chômage ou reste au foyer sans activité professionnelle.
Plus de pauvreté pour les couples avec enfants
Entre 2001 et 2006, l’augmentation du taux de pauvreté n’a pas été
de la même ampleur selon le type de ménage. Le risque a diminué
pour les familles monoparentales. Il a stagné chez les personnes
seules et a augmenté pour les couples avec enfants (de 12 % en 2001
à 16 % en 2006).
Plus le nombre d’enfants augmente dans le couple, plus le risque de
pauvreté augmente. Ainsi, 10 % des couples avec un enfant sont
pauvres. Ce ratio est de 23 % pour les couples ayant trois enfants et
plus.
Les personnes vivant au sein de familles monoparentales sont moins
soumises à la pauvreté qu’en 2001. Le risque est passé de 23 % à
18 %. Il est nettement inférieur à celui de la métropole, où la famille
monoparentale est la catégorie la plus touchée par la pauvreté, avec
près d’une personne sur trois en situation de pauvreté. Le seuil de
pauvreté étant relativement bas, l’augmentation de l’API ces
dernières années a fait passer les bénéficiaires de l’API légèrement
au-dessus du seuil de 473 € par unité de consommation. Toutefois, si
elles sont au-dessus du seuil, ces familles en sont très proches. En
2006, une personne bénéficiant de l’API avec deux enfants de moins
de 14 ans dispose d’un niveau de vie de 494 € par unité de
consommation.
70
Valérie Latchoumanin, « Pauvreté monétaire : plus de pauvre en 2006 qu’en 2001 »,
Insee, Économie de la Réunion, n° 134
Répartition inégale
des richesses
110
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Le risque de pauvreté s’accroît pour les moins de 20 ans
Près des deux tiers des pauvres vivent dans des familles avec enfants
(couple avec enfants et familles monoparentales). De ce fait, la
population pauvre est constituée en grande partie d’enfants. Plus du
quart vivent dans des familles en couple de trois enfants ou plus et
22 % dans des ménages complexes.
Au total, la population pauvre est composée à 42 % de moins de
20 ans, alors que ceux-ci ne représentent que 33 % de la population.
Les classes d’âge les moins touchées par la pauvreté monétaire sont
les jeunes adultes et les plus de 65 ans. Leur taux de pauvreté a
augmenté par rapport à 2001, mais reste inférieur à celui de
métropole.
2. Inégalités de revenus plus fortes et
moindre pression fiscale à la Réunion qu’en
métropole
2.1. Un peu plus de la moitié des foyers fiscaux réunionnais
déclare moins de 9 400 € de revenus en 2007
L’analyse des données fiscales montre une prépondérance des faibles
revenus à la Réunion. En 2007, 52,5 % des foyers fiscaux réunionnais
déclarent un revenu annuel inférieur à 9 401 €, contre 26,9 % en
métropole. De plus, les deux tiers des foyers fiscaux à la Réunion
déclarent un revenu imposable inférieur ou égal à 15 000 €, contre
un peu moins de 50 % en France métropolitaine.
Foyer fiscal
Le terme foyer fiscal désigne l’ensemble
des personnes inscrites sur une même
déclaration de revenus.
De fortes disparités de revenus existent à la Réunion. Les foyers
fiscaux dont le revenu est le plus faible (inférieur à 9 400 €)
représentent 52,5 % de l’ensemble des foyers fiscaux, mais
seulement 9,0 % des revenus fiscaux, alors que, dans le même
temps, les foyers fiscaux déclarant des revenus supérieurs à 48 751 €
concentrent 6,3 % des foyers fiscaux et 35,0 % des revenus totaux
déclarés. Cette disparité est plus forte à la Réunion qu’en métropole,
où les foyers fiscaux déclarant les plus hauts revenus sont plus
nombreux (7,8 %) mais concentrent moins de richesses (31,4 %).
Répartition inégale
des richesses
111
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Les inégalités de revenus appréciées par le rapport entre le quart des
ménages les plus modestes (1er quartile de revenu fiscal par UC, Q1)
et les ménages les plus aisés (à partir du 3e quartile de revenu fiscal
par UC, Q3) sont plus élevées à la Réunion qu’en métropole. Ainsi, le
rapport interquartile est de 4,5 à la Réunion, contre 2,2 en métropole.
Cette forte proportion des faibles revenus dans la société
réunionnaise entraîne une plus forte représentativité de foyers fiscaux
non imposables qu’en métropole. Ainsi, 72,3 % des foyers fiscaux
déclarés en 2007 n’ont pas été soumis à l’impôt. Ils représentent
38,9 % des revenus fiscaux totaux. En métropole, les foyers fiscaux
non imposables représentent 44,6 % des foyers fiscaux et seulement
18,1 % des revenus fiscaux totaux.
En 2007, le revenu net imposable moyen par foyer fiscal est plus
élevé à la Réunion (36 915 €, contre 33 843 €). Pour autant, grâce à
Répartition inégale
des richesses
112
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
l’abattement d’impôt de 30 % appliqué à la Réunion, la pression
fiscale sur les contribuables réunionnais est moindre. Le montant
moyen de l’impôt est ainsi plus faible (2 152 €, contre 2 653 €).
L’abattement de 30 % conjugué aux réductions d’impôts à la Réunion
conduit de fait à augmenter de manière significative le nombre de
foyers fiscaux dans la tranche d’impôts inférieure à 800 € (près de
48 %, contre 43 % en métropole). Par ailleurs, près de 2 % des
foyers fiscaux imposables paie l’impôt de solidarité sur la fortune,
contre près de 3 % en métropole. À l’inverse, davantage de foyers
fiscaux bénéficient de la prime pour l’emploi à la Réunion (32 % des
foyers fiscaux) qu’en métropole (27 %).
La plus grande partie des réductions d’impôts est liée aux
investissements dans les DOM-TOM. En 2006, ces réductions d’impôts
s’élevaient à plus de 64 millions d’euros et représentaient à elles
seules plus de 60 % des réductions d’impôts71.
Ainsi, globalement, la Réunion se singularise par rapport à la
métropole, avec :
-
des inégalités de revenu plus prononcées ;
-
des foyers fiscaux non imposables plus nombreux ;
-
un plus grand nombre de foyers fiscaux bénéficiant de la prime
à l’emploi ;
-
un revenu fiscal net imposable plus élevé ;
-
une pression fiscale plus faible (moins de foyers fiscaux
assujettis à l’impôt sur la fortune, plus de déductions fiscales et
d’abattements d’impôts).
2.2. Prépondérance des traitements et salaires dans les
revenus des foyers fiscaux réunionnais par rapport aux
foyers fiscaux métropolitains
En 2007, les traitements et salaires représentaient à eux seuls plus
de 70 % des revenus déclarés par les ménages réunionnais. En
comparaison, en métropole, la part des traitements et salaires dans
le total de revenus déclarés n’est que de 63 %. En revanche, les
71
Insee, Réunion, TER 2010.
Répartition inégale
des richesses
113
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
pensions et retraites représentent le quart des revenus déclarés en
métropole, contre seulement 14 % à la Réunion, en raison d’une
population âgée moins nombreuse (les plus de 60 ans à la Réunion
représentent 11,0 % de la population totale, contre 21,1 % en France
hexagonale).
Sur la période 2008-2006, les revenus salariaux hors inflation ont
progressé à un rythme moins soutenu que les pensions et retraites :
+ 0,36 % en moyenne annuelle pour le premier, 1,2 % pour les
seconds.
3. Progression des revenus salariaux nets à
un rythme proche de celui de l’inflation
En 2008, le salaire annuel moyen net perçu par les salariés s’élève à
18 216 €, en progression de 4,8 % par rapport à 2007. Le revenu
salarial moyen est inférieur d’environ 1 600 € à la moyenne annuelle
française.
Salaire annuel moyen net
Il est calculé à partir du
salaire et des indemnités de
chômage (depuis 2002)
disponibles dans les DADS. Il
est net de toutes cotisations
sociales, y compris CSG
(contribution sociale
généralisée) et CRDS
(contribution au
remboursement de la dette
sociale).
Sur la période 2002-2008, le revenu salarial moyen a progressé d’un
peu plus de 2,5 %, hors inflation. Cette évolution ne signifie par
autant une augmentation du salaire horaire. Intégrant depuis 2002
les indemnités de chômage, l’évolution du revenu net moyen est en
définitive très sensible à l’évolution des heures travaillées : une
diminution du chômage se traduit de facto par une évolution du
nombre d’heures travaillées – pour lesquelles le taux horaire est
supérieur aux indemnités de chômage –, à la condition que les
emplois créés le soient à temps plein. Au cours de la période sous
revue, le chômage a diminué de 1,3 % en moyenne annuelle. Les
facteurs qui contribuent à la croissance du revenu net moyen portent
Répartition inégale
des richesses
114
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
principalement sur la croissance du nombre d’heures travaillées alors
que, parallèlement, les revenus salariaux nets en équivalent temps
plein (ETP) ont évolué à un rythme proche de l’inflation : sur la
période 1998-2005, les revenus salariaux nets annuels moyens
d’ensemble des Réunionnais travaillant à temps plein ont augmenté
de 2,1 % par an en moyenne, soit une évolution quasiment identique
à l’inflation moyenne (+ 1,8 %).
À titre de comparaison sur la même période, la croissance annuelle
moyenne des rémunérations salariales à la Réunion s’est avérée
légèrement inférieure à celle constatée dans l’hexagone (+ 2,2 %)72.
Pour la période 2005-2007, plus récente et pour laquelle nous
disposons de l’information, les rémunérations salariales nettes
annuelles ont progressé en moyenne annuelle de 1,81 % en euros
courants et ont légèrement diminué si on tient compte de l’inflation.
En métropole, leur progression a été plus soutenue en valeur
courante et, en tenant compte d’une évolution moins forte des prix,
les rémunérations moyennes progressent de près de 1 % en moyenne
annuelle sur la période.
À la Réunion, seule la rémunération moyenne de la catégorie ouvriers
progresse, sous l’effet de la progression du smic. Sur la période 20012004, le smic a progressé en moyenne de 4,5 % par an, et cette
progression s’est poursuivie sur la période 2005-2008, quoique à un
rythme moins soutenu : + 2,7 % en moyenne par an, puis + 1,3 %
en 2009 et seulement + 0,5 % en 2010.
72
IEDOM, La Réunion 2007, édition 2008.
Répartition inégale
des richesses
115
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
4. Bas salaire et travailleurs pauvres :
interrogation sur la qualité et la croissance
des emplois
4.1. Diminution du nombre de bas salaires à la Réunion sur
la période 2002-2006, sous l’effet des contrats aidés
Selon l’Insee, sur les 200 000 travailleurs qui ont été employés en
2006 par les entreprises privées ou semi-publiques et les collectivités
locales, 55 000 ont perçu un bas revenu salarial annuel73.
Source : Économie de la Réunion, n°134
Le seuil de bas revenu salarial annuel est égal aux deux tiers du
revenu salarial annuel médian calculé à la Réunion, soit 8 960 €. Il
équivaut à 77 % du smic annuel net pour l’année 2006. La majorité
de ces salariés, soit 40 000, peut même être classée parmi les très
bas salaires, car ils ont perçu moins de la moitié du revenu médian
(58 % du smic annuel).
Ce constat n’est pas spécifique à la Réunion. La fraction (27 %) des
salariés rémunérés sous le seuil de bas salaire y est proche de celle
de la France métropolitaine (25 %). Pour ces deux territoires, le seuil
de bas salaire a été calculé relativement à leurs caractéristiques
propres. Celui de la France métropolitaine est sensiblement supérieur
à celui de la Réunion : 10 600 € contre 8 960 €. Si on avait appliqué
le seuil métropolitain à la population réunionnaise, on aurait
comptabilisé 68 000 travailleurs à bas salaire.
De 2002 à 2006, le nombre de salariés réunionnais sous le seuil de
bas salaire a significativement baissé, passant de 62 000 à 55 000
personnes. Cette évolution est liée en partie à celle des contrats en
emplois aidés, leur nombre ayant sensiblement baissé au cours de
cette même période74.
73
Claude Touzet, Insee, Économie de la Réunion, n°134.
IEDOM, La Réunion 2007-2008-2009 ; CEROM, Une double transition presque
réussie : chômage, productivité et politique d’emploi à la Réunion.
74
Répartition inégale
des richesses
116
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
4.2. Forte corrélation entre bas salaire et nombre d’heures
de travail dans l’année
Les salariés qui sont sous le seuil des bas salaires ont pour la plupart
un salaire horaire proche du smic et 20 % d’entre eux ont gagné plus
de 1,3 smic. Les bas salaires s’expliquent essentiellement par un
travail temporaire et / ou par un temps partiel, c’est-à-dire un faible
volume d’heures travaillées : en moyenne 600 heures dans l’année
(soit l’équivalent de quatre mois à temps complet), pour un revenu
annuel de 5 030 €.
Parmi ces travailleurs, rares sont ceux qui ont occupé un emploi
régulier tout au long de l’année : la majorité (60 %) a eu des contrats
de courte durée n’excédant pas six mois et un quart a exercé une
activité salariée allant de six mois à moins d’un an. La durée
hebdomadaire du travail tient un rôle tout aussi déterminant : plus de
la moitié des faibles rémunérations annuelles sont liées au temps
partiel, aussi bien à la Réunion (56 %) qu’en métropole (54 %). Par
ailleurs, les faibles durées d’emploi se combinent souvent au travail à
temps partiel. Parmi les salariés faiblement rémunérés, quatre sur dix
sont dans ce cas. Le salaire annuel médian pour les salariés occupés
à temps partiel s’établit à 6 500 € (15 000 € pour ceux à temps
complet).
Source : Économie de la Réunion, n°134
4.3. Proportion significative de bas salaires dans les services
L’étude des bas salaires par secteur d’activité révèle quelques
secteurs où la proportion de bas salaires est très forte. C’est le cas
des services aux particuliers, qui recourent largement au temps
partiel (32 %) et où la durée moyenne du travail est courte (9 mois
en moyenne). L’emploi précaire y est particulièrement développé,
notamment pour les emplois des services personnels et l’hôtellerie-
Répartition inégale
des richesses
117
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Source : Économie de la Réunion, n°134
restauration, avec plus de 40 % de salariés sous le seuil de bas
salaire.
Dans les activités d’administration (hors agents de l’État), la part des
faibles rémunérations annuelles est comparable (37 %), avec un
nombre élevé d’emplois aidés et un fort taux de temps partiel (36 %).
On compte un tiers de salariés à bas salaire dans l’administration
publique et la moitié dans les activités d’administration des
organismes associatifs.
Troisième secteur le plus touché par les bas salaires, les services aux
entreprises sont essentiellement concernés dans les activités de
sélection et fourniture de personnel et dans les activités de nettoyage
(43 %). On observe aussi des pourcentages de bas salaires élevés
dans le commerce de détail (30 %) et dans le secteur éducatif
(28,4 %).
En valeur absolue, les secteurs qui comptent le plus grand nombre de
salariés sous le seuil de bas salaires sont l’administration
(17 800 salariés), le commerce (7 900 salariés), les services aux
entreprises (7 700) et l’éducation-santé-action sociale (6 000).
Ce constat d’une forte corrélation entre les bas salaires, le niveau
d’activité et le secteur pose in fine la question de la qualité des
emplois dans une économie dite « de services ».
Sur la période 1998-2008, une part significative de la croissance de
l’emploi a pour origine des secteurs dans lesquels la part des bas
salaires est relativement importante, notamment à cause d’un faible
Répartition inégale
des richesses
118
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
nombre d’heures travaillées dans l’année (services à la personne) ou
d’un taux de précarité élevé (CDD, temps partiel subi : à la Réunion,
le temps partiel subi représente près de 13 % des actifs occupés,
contre 4,6 % en métropole75).
Par ailleurs, les secteurs des services (services aux particuliers
notamment, mais aussi commerce) et de la construction regroupent
une part significative du travail informel. En 2008, 12 500 personnes
déclarent avoir eu recours au travail informel à la Réunion. Pour la
grande majorité des travailleurs non déclarés, l’emploi informel est la
seule activité exercée. Seul un sur dix exerce également une activité
déclarée76. L’activité informelle se révèle néanmoins transitoire,
puisqu’il est rare de reconduire un emploi informel plusieurs années
de suite. Ces activités non déclarées sont recensées dans quatre
principaux secteurs :
-
les services aux particuliers (50 %) ;
-
le commerce (17 %) ;
-
l’éducation via les cours de soutien (12 %) ;
-
la construction (10 %).
Au total, l’emploi non déclaré représenterait 5,2 % de l’emploi
déclaré. Les difficultés méthodologiques de l’étude menée par l’Insee
conduisent à penser qu’une partie des activités non déclarées est
sous-estimée77.
75
Colette Galant, Économie de la Réunion, n° 135.
Fabrice Michaïlescio, Économie de la Réunion, n° 135.
77
Pour déterminer le caractère formel ou informel de l’emploi, il est demandé aux
personnes se déclarant salariées si elles reçoivent une fiche de paye. Les personnes se
déclarant à leur compte doivent préciser si elles sont inscrites à une chambre consulaire
et possèdent de ce fait une immatriculation pour leur entreprise. De plus, les personnes
déclarées à l’URSSAF pour une partie seulement de leur temps de travail sont exclues du
champ de l’étude.
76
Répartition inégale
des richesses
119
L’évolution des prix
pèse sur les ménages
aux revenus
les plus faibles
7.
1. Le pouvoir d’achat et son évolution :
définitions
1.1.
Pouvoir d’achat et coût de la vie
Le pouvoir d’achat mesure la capacité monétaire d’un individu ou d’un
ménage à acquérir des biens et services mis à disposition sur les
marchés. Il correspond à la rencontre entre un revenu disponible,
d’une part, et des prix de biens et services disponibles sur les
marchés, d’autre part, dans un lieu et à un moment donnés.
La notion de pouvoir d’achat est différente de celle de coût de la vie,
qui renvoie non seulement à la capacité d’acquisition d’un individu ou
d’un ménage, mais aussi à une structure de consommation. La
structure de consommation d’un individu ou d’un ménage peut varier
suivant sa situation patrimoniale, familiale et géographique. Ainsi, un
propriétaire et un locataire ne consacrent pas les mêmes revenus à
leur logement, de même qu’une personne isolée et une famille
nombreuse n’ont pas les mêmes consommations. Enfin, le climat
comme la zone d’habitation – urbaine ou rurale – déterminent
également une part de la consommation des ménages.
L’évolution du pouvoir d’achat résulte donc de l’évolution des revenus
des ménages pondérée par l’évolution des prix des biens et services
qu’ils consomment. Une augmentation des revenus accroît le pouvoir
d’achat, alors qu’une augmentation des prix l’érode.
La consommation des ménages n’est par ailleurs pas exclusivement
monétaire.
Par
exemple,
l’autoproduction,
synonyme
d’autoconsommation, ne génère pas de pouvoir d’achat bien que,
dans les faits, elle permette aux ménages qui produisent des fruits et
légumes dans leur jardin ou qui pêchent ou chassent pour euxmêmes de réduire leurs achats de biens alimentaires. L’absence
d’information sur les consommations non monétaires des ménages
apporte ainsi une limite à l’appréciation réelle de la consommation
des ménages et de sa disparité.
120
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
1.2. L’indice des prix à la consommation
L’indice des prix à la consommation mesure précisément l’évolution
des prix d’un panier de biens et de services strictement identique
entre deux périodes : « l’indice des prix à la consommation est un
instrument de mesure de l’évolution au cours du temps du niveau
général des prix des biens et services achetés, utilisés ou payés en
vue d’être consommés par une population de référence »78.
L’indice mesure non pas un niveau pour une période déterminée, mais
la variation de ce niveau entre deux périodes. Il mesure cette
variation non pas en valeur absolue mais en valeur relative79.
Parmi les indicateurs statistiques, l’indice des prix compte parmi les
plus importants dans le champ économique. Il permet de mesurer :
-
l’inflation, l’évolution des revenus au travers
consommation des ménages en termes réels ;
de
la
l’impact des politiques sociales, qu’il s’agisse du salaire
minimum ou des prestations sociales, notamment l’indexation
des pensions alimentaires ou des rentes viagères.
Référence majeure pour les politiques salariales des entreprises, la
réalité des mesures de l’indice des prix est toujours remise en
question en raison de ses multiples utilisations. Certaines dépenses
sont en effet exclues de l’indice :
-
impôts directs, cotisations sociales, intérêts des emprunts ;
-
biens et services utilisés par les entreprises individuelles ;
-
achats de logements et gros travaux, mais aussi achats de
valeurs mobilières, en raison de leur caractère d’investissement.
En revanche, les petites dépenses d’entretien sont prises en
compte ;
-
les produits autoconsommés, car ils n’ont pas de prix.
Ceci dit, tout indice des prix à la consommation, outre les variations
de prix « pures », intègre trois effets :
-
un effet « circuit d’achat » : le prix diffère entre le petit
commerçant et la grande surface, entre le généraliste et le
spécialiste ;
-
l’effet marketing qui, sans modifier les caractéristiques du
produit, peut en changer la présentation ou le nom ;
-
l’effet qualité, qui améliore les caractéristiques du produit.
Ces trois effets doivent être systématiquement pris en compte à
travers les actualisations les plus fréquentes (chaînages) : c’est le
rôle des enquêtes sur le budget et la consommation des ménages.
78
Définition adoptée par la 14e conférence internationale des statisticiens du travail du 5
novembre 1987.
79
C'est-à-dire l’indice des prix.
Évolution des prix
121
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
2. L’indice des prix à la Réunion
2.1. L’évolution des pondérations entre 2000 et 2009
L’indice temporel élémentaire
C’est le rapport (en général multiplié
par 100) de deux valeurs prises par
une même grandeur simple et
mesurée à deux périodes distinctes :
la période actuelle, par exemple, qui
figurera au numérateur et la période
de base qui figurera au dénominateur.
Indice synthétique
Un indice synthétique est une
moyenne pondérée d’indices
élémentaires.
Pondération
Dans un indice synthétique de prix à
la consommation, la pondération de
chaque poste de dépense est
proportionnelle à la part de ce poste
dans la dépense totale de la
population de référence.
Source INSEE
L’instrument conjoncturel de mesure de la hausse des prix de détail
est l’indice moyen des prix à la consommation. Il est calculé à partir
de relevés de prix réalisés dans l’agglomération de Saint-Denis.
Entre 2000 et 2009, l’indice des prix à la consommation (IPC) a
légèrement évolué : tout d’abord, les relevés de prix, précédemment
réalisés à Saint-Denis, ont été étendus à son agglomération ; en
second lieu, le nombre de relevés a été réduit de 8 000 à 6 000
chaque mois.
Au-delà de ces précisions sur le rapprochement des deux
pondérations qui servent de base au calcul de l’indice des prix, deux
enseignements peuvent être tirés de leur comparaison.
Le premier est la réduction des dépenses d’alimentation et des autres
produits manufacturés. Les premières perdent 4 points, passant de
25 % à 21 % du total, et les secondes baissent de 5 points, passant
de 24 % à 19 % du total80. A contrario, les dépenses d’habillement et
chaussures augmentent de 1 point, passant ainsi de 6 % à 7 %, à
l’instar des dépenses de tabac et de produits de santé, qui
augmentent également de 1 point.
Le second est l’augmentation significative de l’ensemble des services,
comprise entre 1 point pour les plus modestes, comme les services
de santé et les transports et communication, et 2 points, comme les
loyers et services rattachés et les autres services.
Ceci précisé, cinq postes représentent près de 60 % des dépenses de
consommation des ménages : l’alimentation (21 %) puis, légèrement
en retrait, le logement (13 %), suivis par les transports et
80
Les autres produits manufacturés intègrent les achats d’automobiles et de pièces
détachées.
Évolution des prix
122
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
communications (11 %), l’habillement et les chaussures (7 %) et la
santé (4 %). Sans être tous contraints, ces cinq postes représentent
néanmoins un ensemble de dépenses nécessaires au faible pouvoir
d’arbitrage.
Quoi qu’il en soit de l’évolution de l’indice entre 2000 et 2009, la
principale question qui se pose reste sa représentativité, sa capacité
à mesurer la hausse des prix suivant les communes de résidence des
Réunionnais. Cette question est centrale, étant donné la forte
disparité des revenus par commune, comme nous avons pu le voir
précédemment (voir partie 6).
2.2. Comparaison avec les pondérations utilisées en France
La comparaison avec la pondération utilisée en métropole en 2009
montre qu’il subsiste des écarts significatifs entre les ménages
réunionnais et métropolitains dans le poids relatif des dépenses de
consommation :
-
les dépenses d’alimentation dans le cas métropolitain s’élèvent
à 16 % contre encore 21 % à la Réunion en 2009 ;
-
le poids des dépenses de logement est sensiblement le même :
14 % en métropole contre 13 % à la Réunion ;
-
les dépenses de transport ne sont pas strictement comparables
sachant que la pondération en métropole intègre les achats de
véhicules et de pièces détachées qui, à la Réunion, sont
incorporés aux achats d’autres produits manufacturés. En
métropole, les achats de véhicules et de pièces détachées
représentent 12 % du total des dépenses. Si l’on exclut ces
dépenses du poste transports et communications, ce dernier est
ramené à 7 % du total des dépenses, contre 11 % à la Réunion.
Ces écarts ne sont pas seulement le fait de modes de consommation
différents. Ils reflètent avant tout les écarts de prix relatifs entre la
Réunion et la métropole, ce que montre bien l’analyse spatiale des
prix réalisée par l’Insee81.
Selon cette étude, en 2010, les prix sont plus élevés dans les
départements d’outre-mer qu’en France métropolitaine. À la Réunion,
ils sont ainsi supérieurs de 6,2 %. Les écarts de prix sont plus
marqués lorsqu’on prend pour référence le panier de consommation
des ménages métropolitains : + 12,4 % à la Réunion. En revanche,
un ménage ultramarin qui paierait ses consommations aux prix
pratiqués en France métropolitaine ne ferait qu’une économie limitée.
Pour un ménage réunionnais, l’économie serait de – 0,4 %.
1 Insee, Comparaison des prix entre les DOM et la métropole en 2010, n° 1304, juillet
2010. « Les rapports de prix moyens DOM / France métropolitaine (respectivement
France métropolitaine / DOM) pour les différentes familles de biens et services sont
agrégés au moyen des pondérations reflétant la structure de la consommation des
ménages en métropole (respectivement dans un DOM). On obtient ainsi à chaque fois
deux indices de rapport de prix, A (DOM/France métropolitaine) et B (France
métropolitaine/ DOM), reflétant une vision métropolitaine et une vision ultra-marine. »
Évolution des prix
123
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Encadré méthodologique : indice régional et écart de fisher
La comparaison des prix livre à chaque fois deux indices de rapport de prix, A (DOM / France métropolitaine) et B (France
métropolitaine / DOM), reflétant une vision métropolitaine et une vision ultramarine. Les indices A et B ne sont pas inverses
l’un de l’autre, puisqu’ils résultent de l’agrégation de plusieurs variétés, qui plus est avec des pondérations différentes. Selon
l’usage international en matière de comparaison de prix, on utilise un indice de type Fisher, formé par la moyenne géométrique
de A et de l’inverse de B, soit C = racine carrée de A/B. Cet indice C donne une mesure synthétique et symétrique de la
différence de niveau de prix entre les deux territoires. Ce coefficient tient ainsi compte à la fois de la structure de consommation
observée en France métropolitaine et de celle observée dans le département. Ainsi, pour la Réunion et pour l’ensemble de la
consommation, on a un indice A = 1,124 (soit un écart de + 12,4 %), un indice B = 0,996 (soit un écart de – 0,4 %) et un indice
C = 1,062 (soit un écart synthétique de + 6,2 %).
Les indices A et B sont en fait des indices de Laspeyres* des écarts de prix. Ne prenant pas en compte les éventuelles
substitutions possibles entre produits, ils ont tendance à surestimer les écarts de prix entre territoires. Aussi, parce que les prix
sont généralement plus élevés dans les DOM qu’en France métropolitaine, l’indice A, qui consiste à passer de la France
métropolitaine aux DOM à partir du panier métropolitain, surestime-t-il l’écart (positif) global : le panier n’est pas optimal pour
la Réunion, étant donné le système des prix local. Il en est de même pour l’indice B, qui fait passer des DOM à la France
métropolitaine. Toutefois, l’écart, cette fois négatif (les prix étant comparativement moins élevés en France métropolitaine), est
sous-estimé. En définitive, dans la mesure où les prix sont plus élevés dans les DOM, on devrait avoir A>1/B, ce qui n’est pas
le cas.
Source : INSEE
* Indice synthétique des prix à la consommation sur une année de référence.
Les écarts de prix entre les départements d’outre-mer et la France
métropolitaine sont en partie imputables aux produits alimentaires. Il
s’agit en effet d’un des premiers postes de consommation des
ménages et de celui pour lequel les écarts de prix sont les plus
marqués entre les territoires. En prenant comme référence la
structure de consommation de chaque département d’outre-mer, les
prix de ces produits en France métropolitaine sont inférieurs de près
de 11 % à ceux pratiqués à la Réunion.
Avec le panier métropolitain, les écarts de prix sont plus importants :
+ 36,6 % à la Réunion.
Évolution des prix
124
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Les prix dans les domaines de la santé (prix bruts avant
remboursement par la Sécurité sociale) et des communications
(lesquelles regroupent l’Internet, la téléphonie et les envois postaux)
sont plus élevés qu’en France métropolitaine dans tous les
départements d’outre-mer.
Concernant les écarts de prix des consommations liées au logement
(loyers, charges, eau, électricité principalement), les prix de la
métropole sont supérieurs de plus de 14 % à ceux pratiqués à la
Réunion, en prenant comme référence la structure de consommation
réunionnaise.
2.3. Les limites de l’indice des prix
Il est aujourd’hui admis que les modes d’organisation familiale aussi
bien que les modes d’emploi se diversifient nettement. Ils demandent
donc une approche plus fine de l’évolution de l’indice des prix, afin de
prendre en compte l’accroissement des situations de fragilité familiale
et professionnelle telles que les familles monoparentales ou les
personnes isolées, les emplois précaires et à temps partiel ou
l’individualisation croissante des modes de rémunération.
Source : INSEE, traitement Syndex
Cette diversification des situations de vie et l’évolution des modes de
vie entraînent logiquement une diversification des modes de
consommation, avec deux évolutions majeures :
-
le développement des consommations sous la forme de contrats
et d’abonnements, qui tendent à contraindre les marges de
manœuvre dont disposent les ménages dans la gestion de leur
budget ;
-
le développement des situations de précarité, ce qui se traduit
en premier lieu par la difficulté à se loger aux conditions du
marché.
Ce dernier point révèle une critique récurrente de l’indice des prix à
la consommation qui, s’il prend bien en compte les dépenses de loyer,
les charges liées au logement et les intérêts d’emprunt, ne prend pas
en compte la charge de remboursement du capital emprunté pour
acquérir son logement.
Depuis 2008, à la Réunion, de nouveaux indicateurs ont été mis en
place : l’indice des prix par catégorie de ménages et celui de la grande
distribution. L’indice par catégorie montre combien l’incidence de
l’inflation est variable selon le niveau de vie des ménages. Pris
individuellement, chaque ménage subit une inflation plus ou moins
grande selon sa structure de consommation : un ménage qui ne
consomme pas de transports et communications ne ressentira pas la
hausse des prix de ces produits. Par ailleurs, un ménage qui consacre
une grande part de son budget aux achats alimentaires sera plus
sensible à la hausse des prix de ces produits. L’inflation moyenne ne
sera donc pas la même selon les catégories de ménages, à partir du
moment où leurs structures de consommation sont différentes et où
l’augmentation des prix varie en fonction des produits.
Évolution des prix
125
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Les ménages les plus pauvres ne consomment pas comme les plus
aisés. Ainsi, l’alimentation pèse beaucoup plus lourd sur le budget des
ménages les plus modestes (22 % pour le premier quartile) que sur
celui des plus aisés (14 % pour le dernier quartile). De ce fait, étant
donné la forte augmentation des prix de certains produits
alimentaires durant l’année 2008, les ménages les plus modestes ont
subi une inflation d’environ 3 % en 2008, plus importante que celle
supportée par les ménages les plus aisés (2,5 %)82.
L’indice de la grande distribution regroupe quant à lui trois familles de
produits : l’alimentation (hors poissons, fruits et légumes frais), les
produits d’hygiène domestique et les produits de beauté et d’hygiène
corporelle. Il montre que l’augmentation des prix a été légèrement
plus élevée dans les grandes surfaces83 : + 0,2 point
comparativement à l’indice d’ensemble des biens de grande
consommation.
3. L’évolution des prix à la Réunion
L’inflation a été relativement faible en 2009, avec une augmentation
générale des prix de 0,5 % à la Réunion en moyenne annuelle. Ce
taux est le plus bas observé ces vingt dernières années. Il fait suite à
une année 2008 record, où la hausse des prix avait atteint 2,9 %, ce
qui correspondait au plus haut niveau enregistré depuis 1993. En
France métropolitaine, la montée des prix est également très
modérée en 2009, avec un taux de 0,1 %, après 2,8 % en 2008.
La diminution des prix de l’énergie, après l’envolée de 2008,
contribue principalement au ralentissement de l’inflation. Ainsi, les
prix des produits pétroliers chutent de 14,4 %, après la forte hausse
de 9,2 % en 2008. Au final, les réductions successives du tarif des
produits pétroliers de février, puis de mars (– 14,5 % pour cette
période), et les légères augmentations à partir de septembre
ramènent les prix à la pompe à un niveau quasiment équivalent à
celui de 2005. La contribution de la baisse des prix des produits
pétroliers sur l’inflation annuelle est de – 0,8 point84.
La montée des prix dans les services a eu le plus fort impact à la
hausse en 2009, car ils représentent plus de 40 % dans le budget des
ménages. Néanmoins, les prix des services ont moins augmenté que
l’année passée (+ 1,6 % après + 1,9 %). La hausse des loyers et
services rattachés reste élevée, mais elle ralentit pour la troisième
année consécutive (+ 2,4 % après + 3,0 %). Après une forte
augmentation en 2008, les prix des transports et communications
évoluent modérément (+ 1,3 % après + 4,9 %).
82
Olivier Fagnot, Économie de la Réunion, Insee, n°135.
La grande distribution regroupe les super- et hypermarchés, ainsi que les magasins de
hard discount dont la surface de vente est supérieure à 400 m2 et où l’alimentation
prédomine.
84
Économie de la Réunion, Bilan économique 2009, Hors-série n°9, juillet 2010.
83
Évolution des prix
126
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
L’alimentation, à laquelle est consacré près d’un cinquième du budget
réunionnais moyen, renoue avec une inflation similaire aux années
antérieures à 2008, avec une hausse de 2,2 %. Les prix de
l’alimentation hors produits frais progressent de 2,4 %, après une
année 2008 très inflationniste (+ 8,0 %). A contrario, les prix des
produits frais sont restés quasiment stables sur l’année (+ 0,7 %).
Ainsi, leur envolée en début d’année (+ 14 % entre janvier et avril),
qui résulte des fortes pluies et du cyclone Gaël en février, est
compensée par la baisse quasi continue des prix qui s’en est suivi.
Sur longue période (1998-2008), l’indice général des prix a augmenté
de 2 % à la Réunion, comparé à une augmentation de 1,8 % en
France métropolitaine. Toutefois, si le rythme d’inflation est assez
proche entre la Réunion et la France métropolitaine, il existe
néanmoins des écarts significatifs suivant la nature des produits :
-
l’alimentation, l’énergie et les autres services suivent une
inflation moins forte à la Réunion, où, en moyenne annuelle, les
prix augmentent de 2 % pour l’alimentation, 3,6 % pour
l’énergie et 1,7 % pour les autres services, alors qu’en France
métropolitaine, ils progressent de 2,1 % pour l’alimentation,
4,5 % pour l’énergie et 2,5 % pour les autres services ;
-
a contrario, le tabac, les produits manufacturés, les loyers, les
services de santé et les transports enregistrent un rythme
d’inflation plus soutenu à la Réunion, avec une augmentation
moyenne annuelle des prix de 12 % pour le tabac, 0,8 % pour
les produits manufacturés, 2,7 % pour les loyers, 2,1 % pour les
services de santé et 3,2 % pour les transports et
communication, alors qu’en métropole la hausse atteint 6,7 %
pour le tabac, 0,1 % pour les produits manufacturés, 2,4 % pour
les loyers, 1,6 % pour les services de santé et 0,2 % pour les
transports et communication.
Évolution des prix
127
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Source : INSEE, traitement Syndex
Évolution des prix
128
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Ces évolutions sont, bien entendu, à rapprocher du poids relatif de
chacun des produits dans les dépenses totales des ménages. Ainsi,
une augmentation de 2 % des produits alimentaires à la Réunion et
en France métropolitaine n’a pas la même incidence en termes de
pouvoir d’achat suivant le poids relatif des dépenses dans le revenu
des ménages. Il en est de même à l’échelle régionale : le poids des
différents achats dans le budget est différent d’un ménage
réunionnais à l’autre. Ainsi, concernant l’alimentation, l’écart de poids
dans le budget varie du simple au double selon l’âge de ménages : de
15,8 % pour les moins de 35 ans à 31,4 % pour les 65 ans ou plus85.
Ainsi, les moins de 35 ans ressentent-ils moins l’augmentation des
prix de l’alimentation que les plus âgés, qui lui consacrent près du
tiers de leur budget.
4. Les dépenses de consommation des
ménages réunionnais
4.1. La part de l’alimentation et des transports est
supérieure à la Réunion qu’en France métropolitaine
Avec 17,4 % des dépenses consacrés à l’alimentation en 2006, la part
des achats alimentaires a baissé de 2,8 points dans la consommation
des ménages réunionnais par rapport à 2001. Cette tendance se
manifeste dans toutes les sociétés où le pouvoir d’achat augmente.
La Réunion reste encore en retrait sur ce point par rapport à la France
métropolitaine, où seulement 15,5 % de la consommation sont
consacrés à l’alimentation.
L’alimentation cède la place à la consommation de biens et services
(+ 3,3 points). Ces deux postes sont liés, car les services en hausse
sont essentiellement ceux de l’hôtellerie-restauration (+ 2,5 points),
qui correspondent pour une grande part aux repas pris hors du
domicile. Le poids du poste « hôtellerie-restauration » est maintenant
assez proche de ce qu’il est en métropole.
La part du budget consacrée aux transports a baissé de 1,6 point,
essentiellement à cause de la baisse des frais d’utilisation des
véhicules (– 1,4 point). Si le prix du carburant a augmenté entre les
deux enquêtes 2001 et 2006, un grand nombre d’automobilistes ont
acheté des véhicules roulant au gazole, beaucoup moins cher que
l’essence. Même s’il a baissé depuis 2001, le poids des transports
dans le budget des ménages reste néanmoins beaucoup plus élevé
qu’en métropole (+ 2,6 points). Ce sont les achats de véhicules qui
font la différence.
85
Olivier Fagnot, “Certaines catégories plus touchées par l’inflation”, Économie de la
Réunion, n°136.
Évolution des prix
129
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Source : INSEE, traitement Syndex
Évolution des prix
130
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Niveau de vie et dépenses de
consommation
Source : INSEE, Économie de la Réunion, n°133.
Les autres postes varient moins en importance relative. Nous
signalerons tout de même la hausse des dépenses d’équipement du
foyer (+ 0,8 point), avec des taux d’équipement en forte hausse pour
le micro-onde, et en hausse plus faible pour le congélateur et le
magnétoscope86.
Les dépenses d’habillement sont également un peu plus importantes
qu’en 2001 (+ 0,6 point) et pèsent plus qu’en France métropolitaine :
+ 0,1 point, à 8,8 % contre 7,9 %. Pour le logement, l’évolution est
faible depuis 2001, et le poids de ce poste dans le budget est similaire
à ce qu’il est en France métropolitaine.
La structure moyenne des dépenses des ménages réunionnais
masque des écarts significatifs selon le niveau de vie des ménages.
Si, en 200687, les dépenses annuelles de consommation d’un ménage
réunionnais s’élèvent en moyenne à 21 500 € (un peu moins de
1 800 € par mois), cette moyenne recouvre des réalités très
différentes selon le niveau de vie des ménages88.
Ainsi, les 25 % des ménages qui disposent d’un niveau de vie de
moins de 6 752 € par UC dépensent en moyenne 12 600 € par an
pour leur consommation. À l’autre extrémité de l’échelle, les ménages
qui disposent d’un niveau de vie de plus de 14 400 € par UC
consomment en moyenne 35 582 € par an.
Les principaux postes sont, dans l’ordre, les transports, l’alimentation
et le logement. Cependant, selon le niveau de vie des ménages, ces
dépenses ont un poids différent. Ainsi, pour les ménages du premier
86
Colette Berthier, Stéphanie Gaudinot, Christian Monteil, Économie de la Réunion, n°133,
Insee.
Enquête budget consommation des ménages 2006, Insee.
88
Le niveau de vie est égal au revenu disponible du ménage divisé par le nombre d’unités
de consommation composant ce ménage (UC). Le niveau de vie est donc le même pour
tous les individus d’un même ménage. Les unités de consommation sont en général
calculées selon l’échelle d’équivalence dite « de l’OCDE modifiée », qui attribue 1 UC au
premier adulte du ménage, 0,5 UC aux autres personnes de 14 ans ou plus et 0,3 UC aux
enfants de moins de 14 ans. Définition de l’Insee.
87
Le premier quartile (25 % des
ménages ayant un niveau de vie
inférieur à 6 752 € par UC) représente
15 % de la dépense totale de
consommation des ménages à la
Réunion.
Le dernier quartile (25 % des
ménages ayant un niveau de vie
supérieur à 14 438 € par UC)
représente à lui seul 43 % de la
dépense totale de consommation des
ménages.
Les ménages dont le niveau de vie
est inférieur au niveau de vie médian
par UC représentent moins du tiers de
l’ensemble des dépenses de
consommation des ménages à la
Réunion.
Évolution des prix
131
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
quartile89, les dépenses d’alimentation forment 21 % de la
consommation totale des ménages (25 % si on ajoute les dépenses
de restaurant), les transports 19,7 % et le logement 15,4 %. À l’autre
extrémité90 de l’échelle du niveau de vie, les dépenses d’alimentation
représentent seulement 14,1 % de la consommation totale des
ménages (20,5 % y compris les dépenses de restaurant), les
transports 20,4 % et le logement 13,1 %.
Pour les ménages du second quartile91, la physionomie des dépenses
est proche de celle du premier quartile, sauf toutefois pour les
dépenses de transport. Les dépenses d’alimentation y compris les
dépenses de restaurant représentent 26,3 % de la consommation
totale, les dépenses de logement 20,3 % et les dépenses de transport
seulement 11,7 %.
Par catégorie socioprofessionnelle (CSP), les trois principaux postes
de consommation ne revêtent pas la même importance. Ainsi les
dépenses de transport sont de loin les plus importantes pour la
catégorie agriculteurs, artisans, commerçants et chefs d’entreprise, à
25 % des dépenses totales de consommation, et pour la catégorie
cadres, à 20,8 % des dépenses de consommation. En troisième
position se situe la catégorie des ouvriers, qui consacre 19,5 % de ses
dépenses de consommation au transport.
4.2.
Part des dépenses de transports
Source : INSEE, traitement Syndex
89
C'est-à-dire le quart des ménages qui a le niveau de vie le plus faible par UC, soit
inférieur à 6 752 € par UC.
90
Le quatrième quartile, c'est-à-dire le quart des ménages qui a des revenus les plus
élevés par unité de consommation.
91
Le second quartile rassemble les ménages dont le niveau de vie se situe entre 6 753 €
et 9 483 € par UC, soit en dessous du niveau de vie médian (9 484 €, soit 790 € par
mois).
Évolution des prix
132
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Le budget consacré aux transports est l’un de ceux qui varient le plus
selon les CSP. Il dépasse 8 923 € pour les cadres et il est de
seulement 1 785 € pour les inactifs. Pour ces deux catégories, l’achat
du véhicule représente une part significative du budget consacré au
transport : 75 % pour la première et 69 % pour la seconde.
Paradoxalement, ce sont les cadres pour lesquels la part de
l’acquisition du véhicule est la plus faible de toutes les CSP : 45,6 %.
Cependant, c’est aussi la catégorie pour laquelle le coût d’usage est
le plus élevé, derrière les professions intermédiaires : respectivement
36 % et 40 % des dépenses de transport. Se situent juste après les
employés et ouvriers : 34 % des dépenses de transport. L’importance
du coût d’usage illustre certainement l’une des caractéristiques de la
sociologie de l’habitat à la Réunion , et par là même reflète le coût
d’accès à la socialisation (marché du travail, activités sociales et
culturelles, zone de consommation).
En définitive, pour la population vivant hors de la zone urbaine de
Saint-Denis, desservie par les transports en commun, l’usage de
l’automobile s’avère être l’une des dépenses contraintes les plus
importantes, devant le logement.
4.3. Part des dépenses de logement
Les dépenses annuelles de logement s’élèvent en moyenne à 3 400 €
par ménage et concernent à près de 60 % les dépenses de loyer. Les
cadres et professions intermédiaires consacrent en moyenne 5 700 €
pour les premiers et 4 482 € pour les seconds aux dépenses de
logement, dont respectivement 70 % et 61 % sont destinés à
l’acquittement des loyers. Pour ces deux catégories de ménages, les
Source : INSEE, traitement Syndex
Évolution des prix
133
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
dépenses de logement représentent 13,3 % et 14,5 % des dépenses
totales de consommation. Avec la catégorie agriculteurs, artisans,
commerçants et chefs d’entreprise, les professions intermédiaires et
cadres sont les catégories pour lesquelles les dépenses de logement
occupent la part la moins importante dans l’ensemble des dépenses
de consommation.
Source : INSEE, traitement Syndex
Toutefois, ce sont aussi les catégories pour lesquelles les
remboursements de prêt sont les plus élevés : 6 923 € par ménage
en moyenne annuelle pour les cadres, 5 266 € pour les professions
intermédiaires et 3 713 € pour les agriculteurs, artisans,
commerçants et chefs d’entreprise.
La catégorie des retraités se situe dans une positon intermédiaire,
avec la dépense de logement la plus faible de toutes les CSP : 2 325 €
par an et par ménage, ce qui est lié aux loyers. En revanche, leurs
dépenses d’électricité, eau et autres combustibles sont de loin les plus
lourdes de toutes les CSP, avec les agriculteurs, artisans,
commerçants et chefs d’entreprise.
Pour les catégories ouvriers, employés et inactifs, les dépenses de
logement sont de loin les plus élevées en proportion des dépenses
totales de consommation, bien qu’une part du loyer des ménages à
faibles revenus soit prise en charge par l’allocation logement (12 %
des ménages bénéficient de l’allocation logement à caractère social et
21 % de l’allocation logement à caractère familial).
Le poids des charges liées au logement est à l’origine de ce paradoxe,
puisque les dépenses d’électricité, gaz, eau, assainissement et
ordures ménagères sont quasiment identiques pour toutes les CSP
(de 1 300 € pour les agriculteurs, artisans, commerçants et chefs
d’entreprise à 956 € pour les inactifs). Ces charges correspondent à
8 % des charges des ménages du premier quartile et à 3 % pour ceux
du quatrième quartile. Aussi les charges liées au logement pèsentelles plus lourdement pour les ménages à faible revenu que pour les
Évolution des prix
134
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
ménages à hauts revenus, renforçant par là même leur caractère
contraint.
4.4. Part des dépenses alimentaires
Les dépenses alimentaires s’élèvent en moyenne annuelle à 3 419 €
par ménage. Pour les cadres, elles s’élèvent à 5 700 € mais
représentent seulement 12,9 % de leurs dépenses de consommation.
À l’autre extrémité se trouvent les catégories inactifs, retraités et
ouvriers, pour lesquelles les dépenses alimentaires par ménage sont
relativement voisines : 2 836 € pour les inactifs, 3 426 € pour les
retraités et 3 505 € pour les ouvriers, soit respectivement 19,5 %,
21,6 % et 20 % des dépenses totales de consommation de ces
catégories de ménages.
Quel que soit le montant total de la consommation alimentaire, la
répartition par grande catégorie de produits est assez similaire. Les
deux produits alimentaires qui pèsent le plus lourd dans le budget
sont, d’une part, la viande et, d’autre part, le pain et les céréales,
suivis par le lait et les fromages et les produits divers et les légumes.
Ces cinq grandes familles de produits constituent 88 % du montant
de la consommation alimentaire des ménages.
Source : INSEE, traitement Syndex
Évolution des prix
135
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Source : INSEE, traitement Syndex
Évolution des prix
136
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Par rapport à la France métropolitaine92, quelques points notables
apparaissent entre les dépenses de consommation des métropolitains
et des Réunionnais :
-
les ménages réunionnais consacrent en moyenne 3 740 € à leur
consommation alimentaire, soit 85 % de la dépense moyenne
d’un ménage métropolitain. Cet écart reflète les différences
entre le panier de la ménagère réunionnaise et celui de la
ménagère métropolitaine ;
-
une moindre part dans la consommation de viande à la Réunion,
notamment en viande de bœuf ;
-
une consommation d’un montant comparable pour le poste pain
et céréales, avec toutefois un poids significatif du riz, quasiment
absent en métropole, dans le poste céréales. À la Réunion, le riz
représente à lui seul 17 % du poste pain et céréales et 3 % de
l’ensemble du poste alimentaire ;
-
les dépenses en boissons non alcoolisées sont plus importantes
à la Réunion, où elles pèsent 9 % dans le budget alimentaire,
contre 7 % en métropole ;
-
le budget réservé aux fruits est plus faible à la Réunion, avec
139 €, soit 4 % du budget moyen, contre 220 € en métropole,
soit 5 % du budget moyen. Il en de même pour les légumes. Il
faut voir là l’incidence de la consommation non monétaire, qui
n’est pas évaluée à la Réunion.
4.5. Part des dépenses selon la tranche d’âge
Les dépenses selon l’âge de la personne de référence sont assez
homogènes pour les moins de 35 ans et les moins de 55 ans, de
l’ordre de 23 000 € en moyenne annuelle par ménage. Elles déclinent
ensuite pour les tranches d’âge supérieures, passant de 20 000 € par
an pour les 55 ans à 64 ans et à 12 000 € pour les 65 ans et plus.
Concernant les trois principales dépenses, les transports constituent
le poste le plus important des dépenses de consommation pour les
moins de 35 ans et pour la classe des 55 à 64 ans (respectivement
20,1 % et 21,1 %). Toutefois, des différences significatives existent
entre les deux catégories. En effet, pour les moins de 35 ans,
l’acquisition du véhicule est de loin la grosse dépense : 3 000 €. A
contrario, la catégorie des 55 ans à 64 ans dépense moins pour
acquérir un véhicule (2 288 €), mais davantage dans les services de
transport (notamment en billets d’avion) : 627 €, contre 131 € pour
les moins de 35 ans.
La catégorie des moins de 35 est aussi celle dont les dépenses de
logement sont les plus élevées : 4 450 € en moyenne annuelle par
ménage et 18,9 % des dépenses totales de consommation de cette
catégorie. À l’opposé, les plus de 65 ans dépensent en moyenne
92
Économie de la Réunion, n°133, Insee.
Évolution des prix
137
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
1 824 € pour leur logement (mais 24,9 % des dépenses totales de
consommation de cette catégorie). Cette situation est à mettre en
parallèle avec les remboursements de prêts.
La part des dépenses consacrées au logement (loyers +
remboursements d’emprunts) diminue avec l’âge de la personne de
référence du ménage. Au-delà de 35 ans, les dépenses de logement
(loyer + remboursements d’emprunts) deviennent supérieures aux
loyers pour atteindre 50 % du coût du logement y compris
remboursements d’emprunt et charges du logement pour la catégorie
des 45 ans à 54 ans. À 65 ans, le coût du logement n’est plus que de
1 035 € (hors charges du logement), alors qu’il est de 5 575 € pour
les moins de 35 ans.
5. Pouvoir d’achat et coût de la vie
5.1. Les dépenses contraintes ou préengagées
Nous pouvons distinguer deux composantes dans les dépenses des
ménages :
-
une part « contrainte », correspondant aux dépenses de
consommation des ménages préengagées par un contrat ou un
abonnement ;
-
une part « arbitrale » ou « libre », mesurant ce qu’il reste aux
ménages une fois qu’ils ont payé ces dépenses contraintes.
Cette approche reste quelque peu abstraite, car les indicateurs
disponibles cernent mal les dépenses contraintes.
En France, la part des dépenses préengagées a fortement augmenté
sur longue période, passant de 13,4 % en 1959 à 29,0 % en 200693.
Selon cette même source, la hausse est essentiellement liée à
93
Rapport de la commission Mesure du pouvoir d’achat des ménages, présidée par Alain
Quinet, remis à Mme Christine Lagarde, ministre de l’Économie, des Finances et de
l’Emploi, 6 février 2008.
Évolution des prix
138
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
l’accroissement du poids des dépenses de logement (effet prix), mais
aussi des services de télécommunications et financiers, qui ont
contribué à accroître la part de la consommation contractualisée dans
le total.
La commission Mesure du pouvoir d’achat présidée par Alain Quinet
propose de classer comme dépenses de consommation préengagées :
-
les loyers et dépenses liées au logement : eau, gaz, électricité
et autres combustibles utilisés dans les habitations ;
-
les remboursements d’emprunts immobiliers ;
-
les services de télécommunications ;
-
les frais de cantine ;
-
les services de télévision (redevance télévisuelle, abonnements
à des chaînes payantes) ;
-
les assurances ;
-
les services financiers.
5.2. Les dépenses nécessaires ou l’approche par la
nécessité
Nous pourrions distinguer, parmi les dépenses de consommation,
celles qui sont nécessaires de celles qui ne le sont pas. Ainsi, une
alimentation de survie ou un habillement minimum sont des dépenses
qui peuvent être qualifiées de nécessaires, sans d’ailleurs qu’elles
soient contraintes. Un abonnement téléphonique en revanche peut
correspondre à une dépense contrainte, alors qu’il n’est pas
nécessaire dans une approche « naturaliste » des besoins
fondamentaux. Enfin, dans le cas d’un logement, la dépense de loyer
peut être contrainte et nécessaire.
Cette approche a deux intérêts dans la mesure du pouvoir d’achat des
ménages :
-
en premier lieu, cela donne un indicateur des inégalités, car la
part des dépenses contraintes est d’autant plus forte que le
revenu est faible ;
-
d’autre part, elle permet de souligner l’intérêt, pour les pouvoirs
publics, de vérifier que les possibilités réelles de sortie des
abonnements souscrits sont bien réelles et peu coûteuses pour
le consommateur.
La question des dépenses nécessaires, ou plutôt des biens de
première nécessité, reste une piste de recherche féconde. L’Insee a
abordé cette question en démontrant que les biens de première
nécessité se caractérisent par une élasticité prix nulle : autrement dit,
ils sont consommés par les ménages, quelle que soit l’évolution de
leur prix, alors que pour les autres produits, dits de « confort »,
l’élasticité prix est négative, ce qui signifie qu’une augmentation du
prix implique une réduction de leur consommation par les ménages.
Évolution des prix
139
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Nécessité ou contrainte, on mesure ici l’absence de choix du
consommateur et l’impératif du revenu pour survivre dans une
société moderne.
Il est également possible d’étudier ces dépenses nécessaires à partir
du niveau de consommation des ménages les plus modestes. Pour
eux, la contrainte budgétaire est plus forte, et les dépenses de
consommation présentent, en majorité, un caractère incompressible.
Les ménages modestes sont définis comme les 10 % des ménages
ayant les plus faibles niveaux de vie (1er décile de niveau de vie). Le
niveau de vie est le revenu courant du ménage rapporté à son
nombre d’unités de consommation94.
5.3. Le coût de la vie, ou la perception par les ménages de
leur pouvoir d’achat
La notion de pouvoir d’achat renvoie à un grand nombre
d’interprétations différentes. En comptabilité nationale, l’évolution du
pouvoir d’achat des ménages est appréciée en soustrayant l’évolution
de l’indice des prix à l’évolution globale du revenu disponible des
ménages. Ce dernier est dit disponible, car il s’agit du revenu dont les
ménages disposent pour toutes leurs dépenses de consommation
ainsi que pour leur épargne. Bien entendu, sa progression englobe
des situations diverses suivant la situation des ménages
(composition, insertion sociale, âge).
Ainsi, à la Réunion, sur la période 2001-2006, le pouvoir d’achat des
ménages aurait progressé de 2,6 %, selon la définition retenue en
comptabilité nationale.
Or, les ménages sont de plus en plus contraints par des dépenses à
engagement contractuel : il s’agit des sommes dépensées en début
de mois, avant tout arbitrage en matière de dépenses courantes. Ces
dépenses correspondent à des « engagements difficilement
négociables, au moins à court terme ». Les scinder selon leur
caractère plus ou moins obligatoire revêt nécessairement une part
d’arbitraire. En se limitant aux seules consommations, au sens de la
comptabilité nationale, les dépenses les plus fortement contraintes
sont celles consacrées au logement, au chauffage, aux services de
téléphonie, à l’assurance. À ces dépenses, il convient d’ajouter les
dépenses de transport qui, si elles n’ont pas de caractère
d’abonnement, n’en ont pas moins un caractère contraignant, dans la
mesure où elle sont indispensables à l’insertion économique et sociale
des ménages.
À la Réunion, les dépenses contraintes représentent 44 % des
dépenses de consommation des ménages et 42 % de leur revenu
disponible, y compris les dépenses de transport, mais hors
94
Le revenu courant désigne l'ensemble des ressources déclarées par le ménage enquêté
avant impôts : revenus d'activité (nets des prélèvements sociaux), retraites, revenus de
la propriété, revenus sociaux, revenus en provenance d'autres ménages, mais hors
ressources exceptionnelles (héritage, donation, vente de biens…).
Évolution des prix
140
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
remboursements d’emprunts, lesquels, d’une part, contribuent à un
accroissement du patrimoine des ménages, et, d’autre part,
procèdent d’un arbitrage au moment de la décision de l’acquisition.
Par ailleurs, l’élasticité par rapport au prix est plus forte que pour les
dépenses alimentaires, qui constituent 17 % des dépenses de
consommation des ménages. Les remboursements d’emprunts, pour
leur part, représentent 10 % des dépenses des ménages (dépenses
de consommation + remboursements d’emprunts).
Le pouvoir d’achat peut ainsi se définir comme l’évolution du revenu
arbitral, c'est-à-dire du revenu disponible après prise en compte des
dépenses contraintes et des dépenses nécessaires.
On approcherait ainsi ce qu’il est convenu d’appeler « la perception
par les ménages de leur pouvoir d’achat ».
Le revenu disponible des ménages et son évolution : de
fortes disparités selon les tranches de revenu
Sur la période 2001-2006, le revenu disponible des ménages
réunionnais progresse de 2,6 % en valeur constante (hors inflation).
Toutefois, l’ensemble des ménages n’a pas profité de la même façon
de cette augmentation des revenus. Selon la position dans l’échelle
des revenus disponibles, on constate :
-
pour la tranche la plus modeste, soit le premier décile, une
progression moyenne de 5,3 % sur la période sous l’effet de la
progression des revenus sociaux (voir partie 6) ;
-
pour les ménages se situant en dessous du revenu disponible
médian (déciles 2, 3 et 4), une baisse du revenu disponible
respectivement de – 2,4 %, – 1,9 % et – 0,2 % ;
-
pour les ménages disposant du revenu médian (cinquième
décile), une progression de 1 % ;
-
à l’opposé, pour les ménages des déciles 6 à 9, une progression
comprise entre 1,7 % et 7,1 % pour le huitième décile ;
Évolution des prix
141
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
-
pour les ménages du dernier décile (dixième décile), un maintien
de leur revenu disponible.
Source : INSEE, BCM 2006
Source : INSEE, BCM 2006
Revenu disponible, dépenses
nécessaires et pouvoir d’achat
contraintes
et
Pour l’ensemble des ménages réunionnais, la part des dépenses
contraintes s’élève à 42 % du revenu disponible brut et la part des
dépenses nécessaires à 16,5 % soit, pour ces deux types de
dépenses, plus de 58 % du revenu disponible brut. Approchés par
CSP, les ménages réunionnais se partitionnent en deux types :
-
d’une part, les ménages pour lesquels les dépenses contraintes
sont inférieures ou égales à 40 % du revenu disponible brut. Il
s’agit des ménages aisés : cadres et professions intermédiaires
et, à l’opposé, des retraités, qui figurent parmi les ménages dont
le revenu disponible brut se situe en dessous de la moyenne ;
-
d’autre part, les ménages pour lesquels la part des dépenses
contraintes se trouve au-dessus de 40 % du revenu brut
Évolution des prix
142
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
disponible, comme les autres inactifs (45 %), les employés
(44,8 %) et les ouvriers (43 %).
Pour les dépenses nécessaires, qui regroupent ici les dépenses
d’alimentation, les ménages réunionnais se scindent en deux
groupes :
-
d’une part, les ménages pour lesquels la part des dépenses
d’alimentation s’élève à 13 % du revenu disponible brut : les
cadres et les professions intermédiaires ;
-
d’autre part, les ménages pour lesquels la part de ces dépenses
se situe entre 17 % et 20 % du revenu disponible brut : les
employés (17,8 %), les retraités (19,2 %), les ouvriers (19,8 %)
et les autres inactifs (19,8 %).
Après prise en compte des dépenses contraintes et des dépenses
nécessaires et suivant la catégorie des ménages, le revenu arbitral
s’étage entre 56 % du revenu disponible brut pour les cadres (2 505 €
par mois) et 35 % du revenu brut, à l’autre extrémité, pour les autres
inactifs (417 € par mois).
Source : INSEE, BCM 2006
Pour les ménages dont la part des dépenses contraintes et des
dépenses nécessaires est la plus élevée, leur perception de l’évolution
de leur pouvoir d’achat dépend de l’évolution de leur revenu arbitral.
Source : INSEE, traitement Syndex
Afin de mesurer cette sensibilité du revenu arbitral à l’évolution des
prix des dépenses contraintes et nécessaires, nous avons, à partir de
Évolution des prix
143
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
la structure de ces dépenses dans le revenu disponible des ménages,
mesuré l’impact sur le revenu arbitral de l’évolution moyenne des prix
de chacune de ces dépenses sur la période 2005-2009.
Pour une augmentation générale de l’indice des prix de 1,8 %, la
perte de pouvoir d’achat s’étage entre – 2,4 % pour les cadres et
– 5,7 % pour les autres inactifs. Compte tenu de la part relative des
dépenses contraintes et nécessaires pour chacune des catégories de
ménages, l’effet structure lié à l’évolution des prix de ces dépenses
s’échelonne entre 0,6 % pour les cadres et, à l’opposé, 3,9 % pour
les autres inactifs. On mesure mieux ainsi la perception du pouvoir
d’achat des ménages réunionnais par rapport à l’évolution des prix de
base comme l’alimentation, mais aussi aux loyers ou encore aux prix
des transports.
Évolution des prix
144
Entretiens
Rencontres des institutions réunionnaises
L’Aéroport de Saint-Denis
L’ADIR
L’Agence de développement de la Réunion
L’Association des maires de France
La Chambre de commerce et d’industrie
La Chambre d’agriculture
La CGPME
Le Conseil économique et social
Le Conseil général
Le Conseil régional
Le bureau de l’UIR CFDT
La direction de l’Agriculture et de la Forêt
La direction départementale de l’Équipement
La direction régionale des Affaires sanitaires et sociales
La direction régionale des Douanes et des Droits Indirects
La direction générale de la Concurrence, de la Consommation et des
Fraudes
La fédération des Commerces et de la Distribution
La Fédération régionale des coopératives agricoles
L’IEDOM
L’Insee
Le MEDEF
Le Syndicat de l’importation et du commerce
L’UFC-que Choisir ?
La préfecture de la Réunion
145
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Personnalités
ALBERT Christiane, déléguée générale SICR-CNPA
AMODE Azize, directeur de la chambre de commerce et d’industrie
APAYA Jean-François, directeur général des services Chambre
d’agriculture Réunion
BALLANDRAS Jean, secrétaire général pour les Affaires régionales,
préfecture de la Région Réunion
BERNARD-COLOMBAT Jean-Luc, directeur délégué, direction de
l’Agriculture et de la Forêt de la Réunion
BONHOMME Roger, directeur régional, direction régionale des
Douanes et Droits Indirects de la Réunion
CERISOLA Maurice, président de l’ADIR
CHEVALIER Pascal, directeur régional
CONDOMINES Laurent, chef de service, direction départementale de
l’Équipement, service de l’Habitat, de l’Aménagement et de
l’Urbanisme
DELMONT-DE PALMAS Françoise, secrétaire générale de l’ADIR
DENNEMONT Michel, conseil général, maire des Avirons
FEUILLADE Richard, chef de service, direction de l’Agriculture et de la
Forêt de la Réunion, service Information statistique, économique et
géographique
GUILLAMOT Jacques, président FCD
GUILLEMIN Patrick, directeur de l’AGILE
GULSKOFF Germain, secrétaire général, Agence de développement
D’HANENS Catherine, déléguée générale, MEDEF Réunion
HOAREAU Patrick, directeur général FRCA
HUBERSON Gilles, conseiller diplomatique, ministère de l’Intérieur, de
l’Outre-mer et des Collectivités territoriales
LALANDE Michel, préfet de la Région Réunion
LAJOIE Jean-Pierre, président île de la Réunion UFC-Que Choisir
LEPERLIER Carole, chargée de l’unité des Nouvelles des marchés
centre SNM de Saint-Pierre, direction de l’Agriculture et de la Forêt
LORION Frédéric, directeur CER BTP
MINATCHY Jean-Yves, président de la chambre d’Agriculture
MONDIN Jean-Raymond, président du Conseil économique et social
régional
MOSER Jean-François, président de l’Agence de développement de la
Réunion
NOËL Jean-Paul, Aiport Manager, chambre de commerce et d’industrie
Entretiens
146
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
DE LA PERRIERE Jean, président SGM - MEDEF
SERRE Ludovic, responsable du service international CCIR
THIAW Kine, président CGPME
TORIT Sylvie, directrice de l’Habitat, département de la Réunion
VIENNE Dominique, vice-président section Industrie/BTP CGPME
VO-DINH Claude, conseiller technique, ministère de l’Intérieur, de
l’Outre-mer et des collectivités territoriales
Entretiens
147
Bibliographie
et sources
documentaires
« Bilan économique 2008 : la chute de la commande publique en BTP
pourrait coûter deux points de croissance en 2009 », Hors-série n° 6,
Économie de la Réunion, juillet 2009
« Le bilan économique 2009 à la Réunion : la Réunion durement
touchée », Hors-série n° 9, Économie de la Réunion, juillet 2010
« Les comptes économiques de la Réunion en 2009 », Les synthèses
de CEROM, n°10, août 2010
Alfred Almont, Avis présenté au nom de la commission des Affaires
économiques sur le projet de loi de finances pour 2011 (n°2824),
Tome VIII – Outre-mer, Assemblée nationale
Algoé Consultants, Commission paritaire canne à sucre de la Réunion,
septembre 2003
Amyarta Sen, Un nouveau modèle économique : développement,
justice, liberté, Editions Odile Jacob, Paris, 2000.
Annuaire fiscal
Assemblée nationale, Avis présenté au nom de la commission des
Affaires sociales sur la projet de loi de finances pour 2011 (n°113),
Tome III – Outre mer
Avis de l’Autorité de la concurrence n° 09-A-21 du 24 juin 2009 relatif
à la situation de la concurrence sur les marchés des carburants dans
les départements d’outre-mer
Avis de l’Autorité de la concurrence n° 09-A-45 du 8 septembre 2009
relatif aux mécanismes d’importation et de distribution des produits
de grande consommation dans les départements d’outre-mer
Bartolone C. et Yanno G., Assemblée nationale, Rapport d’information
sur la mise en application de la loi n°2009-594 du 27 mai 2009 pour
le développement économique des outre-mer, 29 septembre 2010
Berthier C., Gaudinot S., Monteil C., « Consommation : l'alimentation
en tête pour les plus modestes, le transport pour les plus aisés »,
Économie de la Réunion, n°133, INSEE
CEROM, Une double transition presque réussie : chômage,
productivité et politique d’emploi à la Réunion, 2004
148
Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Chambre régionale des comptes de la Réunion, Rapport
d’observations définitives sur la gestion de l’octroi de mer à la
Réunion, novembre 2006
Chevalier P., « Les revenus par commune, des niveaux de vie et des
écarts variés », Économie de la Réunion, n° 134, INSEE
CNRS, École normale supérieure de Cachan (ENSC), Évaluation des
surcoûts économiques de l’ultra périphéricité dans les DOM, juin 2005
Conseil des prélèvements obligatoires, Entreprises et niches fiscales
et sociales, des dispositifs dérogatoires nombreux, octobre 2010
Conseil des prélèvements obligatoires, Les dépenses fiscales ouvertes
aux entreprises soumises à l’impôt sur le revenu, juillet 2010
Déclaration annuelle des données sociales (DADS)
DGDDI, Vade-mecum sur l’octroi de mer, régime issu de la loin°2004639 du 2 juillet 2004 (mise à jour de septembre 2006)
Direction de l’Agriculture et de la Forêt (DAF), Rapport d’activité 2008
et 2009
Direction des services fiscaux de la Réunion
Document de politique transversale (DPT), Projet de loi de finances
pour 2010 et pour 2011, outre-mer
Document de politique transversale, Projet de loi de finances 2010
outre-mer
Doligé E., Rapport d’information au nom de la mission commune
d’information sur la situation des départements d’outre-mer,
Assemblée nationale, 7 juillet 2009
Fagnot O., « Certaines catégories plus touchées par l’inflation »,
Économie de la Réunion, n°136, INSEE
Galant C., « Temps partiel subi : 29 000 personnes souhaitent
travailler plus », Économie de la Réunion, n° 135, INSEE
IEDOM, La Réunion 2007, édition 2008
IEDOM, La Réunion 2008, édition 2009
IEDOM, La Réunion 2009, édition 2010
IEDOM-IEOM, Les enjeux dans les outre-mer français : progrès,
enjeux, disparités, février 2010
IGF-IGA, Note sur le contrôle fiscal en matière de défiscalisation dans
les DOM COM, février 2009
Insee, EAE, « Enquête annuelle d’entreprise », Économie de la
Réunion, n° 135
Insee, Enquête budget consommation des ménages 2006
Insee, Les inégalités de revenus entre les DOM et la métropole,
février 2010
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Bibliographie
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Mesures du CIOM déclinées par territoire - la Réunion, palais de
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Poirine B., « Rente géostratégique et avantage comparatif des petites
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Poirine B., « Toujours plus ou toujours mieux : refus du
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développement, 2, 1995
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Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix
Rawls John, A Theory of Justice, 1971. Traduction française par
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présidée par Alain Quinet, remis à Mme Christine Lagarde, ministre
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Rapport sur la TVA non perçue récupérable, mission d’audit de
modernisation, IGF-IGA, juillet 2007
Rapport sur le dispositif de suivi et de pilotage de la dépense de l’État
outre-mer, mission d’audit de modernisation, contrôle général
économique et financier, IGA, février 2007
Rouchoux J.-Y., « Transferts financiers publics et développement
régional : le cas d’une région d’outre-mer : la Réunion », Revue
Région et Développement, n°5, 1997
Salmon J.-M., « Pourquoi s’ouvrir ? Contraintes et perspectives pour
les économies ultramarines », AFD, Document de travail, n° 53,
novembre 2007
Touzet C., « Les bas salaires du travail précaire et du temps partiel »,
Économie de la Réunion, n°134, Insee
Trésor Eco, n°53, mars 2009
Bibliographie
151
Le pouvoir d’achat dans les DOM
Incidence de la structure des prix et des coûts
Tome 2 - La Martinique
Mai 2011
Agence d’objectifs de l’IRES
Cette étude a reçu le soutien financier de l’IRES (Institut de recherches économiques et sociales)
Auteurs
Christian Duchesne
Adrien Laroze
Philippe Morvannou
Documentation
Annick Boïco
Maquette
Jacquemine de Loizellerie
Correction
Alice Boussicaut, Marie Devigne, Lisa Sobral
Crédit photos : Brentozar, J.-J. Manach, S. Lasnier, Gaël Chardon, www.photo.martinique.free.fr
Chers lectrices et lecteurs,
Nous avons le plaisir de vous présenter ce deuxième volet de notre étude sur le pouvoir d’achat et les causes
de la vie chère dans les DOM, consacré à la Martinique et réalisé pour et avec l’UIRM CFDT.
La thématique de la vie chère est loin d’être nouvelle à la Martinique comme dans l’ensemble des DOM.
L’année 2009 a été marquée par une explosion sociale d’une ampleur exceptionnelle, notamment dans les
deux départements antillais, qui a mis sous les feux de l’actualité la question des prix et du pouvoir d’achat
dans l’ensemble de l’outre-mer. Cette question a également été au cœur du débat politique en métropole
avant, pendant et surtout après 2007.
L’ambition de cette étude est d’apporter un éclairage utile au dialogue social sur la question du pouvoir
d’achat à la Martinique. Cela suppose une analyse non seulement des évolutions des revenus mais également des prix. En effet, l’incidence des prix sur la capacité d’un ménage à acquérir un panier de biens et de
services sera différente en fonction de ses caractéristiques sociologiques. Ainsi, la perception de l’évolution
des prix sera-t-elle plus ou moins prononcée : par exemple, pour un chômeur, une hausse des loyers n’a
pas la même incidence sur sa capacité à consommer que pour un cadre. Pour le premier, son revenu après
dépenses contraintes s’en trouvera réduit, alors que, pour le second, la baisse sera plus marginale.
Le constat n’est plus à faire des écarts de prix significatifs pour des produits et services entre métropole, la
Réunion et l’ensemble des DOM. Aussi avons-nous écarté une énième approche comparative de prix, limitée
de surcroît aux seuls prix des produits alimentaires, et ce d’autant que les entreprise de la grande distribution ont mis au point une batterie d’outils de gestion marketing rendant dans tous les cas la comparaison
des prix extrêmement difficile pour le consommateur.
Contrairement à de nombreuses autres publications sur la vie chère, vous ne trouverez pas dans cette étude
de liste comparative des prix pour un panier de biens. Une telle méthode, si elle a le mérite de frapper les
esprits, nous semble entachée de biais méthodologiques trop importants pour permettre de fournir des
résultats probants. Plutôt que d’essayer une fois de plus de légitimer le constat, partagé par tous et toutes
de la vie chère, nous avons tenté de comprendre sa genèse, ou plus précisément les facteurs de tension
expliquant les prix élevés. La mise au jour des mécanismes concourant à ces niveaux élevés des prix vise à
entamer une réflexion sur les moyens de les faire baisser. C’est pourquoi, comme à la Réunion, nous avons
favorisé principalement une approche macro-économique fondée sur la recherche de dissonances pouvant
exister entre les performances des sociétés basées à la Martinique et celles de métropole, dissonances qui
participent à la vie chère à travers la rente de situation que procure l’organisation des marchés.
Se voulant partie intégrante de la rénovation du dialogue social, cette étude confiée au Cabinet Syndex a
été menée avec Eric Picot, Secrétaire général de l’UIRM CFDT, Myriane Jolie, Secrétaire générale adjointe
de l’UIRM CFDT, et Jean-Jacques Manach de la Confédération CFDT, avec lesquels l’ensemble des acteurs
économiques et institutionnels a été rencontré, lors de deux missions effectuées à la Martinique en mai 2010
et janvier 2011. Le rapport que nous vous présentons s’est nourri de ces dizaines d’entretiens, qui furent
autant de sources d’inspiration et d’indication des pistes à analyser. Que les personnes ayant accepté de
nous rencontrer soient ici remerciées.
Si l’ensemble des acteurs s’accorde sur la question de la vie chère, il nous est rapidement apparu que toute
tentative de passer d’un constat partagé à la formulation de propositions pour remédier à cet état de fait se
heurtait à l’opacité de l’économie martiniquaise, laquelle est, à bien des égards, comparable avec celle de
l’économie réunionnaise :
-
dans les deux départements, la plupart des entreprises ne déposent pas leur compte au tribunal de
commerce, contrevenant ainsi une disposition du code du commerce ;
-
pour l’essentiel, aucune de nos demandes auprès des acteurs économiques, sur la décomposition
de leur prix de revient ou encore la communication de leur compte, n’a été satisfaite. Dès lors, il est
impossible de corréler les résultats de l’approche macroéconomique, menée à travers les comptes
économiques territoriaux, et ceux d’une approche microéconomique, conduite à travers les données de
gestion des entreprises ;
-
aucune information ne nous été fournie par les services de l’État (Douanes en particulier, mais aussi
ministère de l’Intérieur, de l’Outre Mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration) et la région
permettant une analyse de l’impact économique et social de l’ensemble des mesures d’appui au développement du terriroire ;
-
aucune information ne nous a été fournie par l’IEDOM, qui s’est refusé à traiter notre demande de
convention se rapportant à la constitution d’un échantillon représentatif des entreprises de la Martinique.
À l’opacité liée au refus des acteurs, s’ajoute, pour la Martinique comme pour la Réunion, l’absence totale
d’évaluation des politiques publiques a priori, et a fortiori a posteriori. D’où une incapacité réelle d’analyse
des effets économiques et sociaux, en particulier des exonérations fiscales de toute nature.
À la Martinique, l’opacité se trouve renforcée par une information publique relativement pauvre, à la différence de la Réunion, faute de moyens alloués à la direction régionale de l’Insee Antilles-Guyane.
Dès lors, comment nourrir aujourd’hui le dialogue social sur la question du pouvoir d’achat sans pouvoir disposer au préalable d’une information accessible à toutes et à tous, transparente et indispensable à l’exercice
de la démocratie économique ?
De fait, nous avons dû nous résoudre à la seule exploitation des informations publiques. Malgré son insuffisance pour une réflexion détaillée, ce cadre permet d’apporter des éléments de compréhension sur les
facteurs déterminant la structure des prix et leur évolution, en privilégiant trois approches à la fois intégrées
et complémentaires :
-
la réalité sur les marges appliquées par les opérateurs économiques à la Martinique et leur évolution
récente retracée à partir des outils de la comptabilité nationale transmis ;
-
la question de la fiscalité martiniquaise (en particulier de l’octroi de mer et des mesures de défiscalisation), qui peut constituer par bien des aspects un outil conjuguant à la fois des effets inégalitaires,
une absence d’évaluation des effets économiques et sociaux attendus et surtout pouvant contribuer
pleinement à la vie chère ;
-
la question du pouvoir d’achat et des inégalités, qui forme le socle de la réflexion pour un développement durable de la société martiniquaise.
Aujourd’hui, notre étude est entre vos mains. Nous espérons qu’elle permettra un enrichissement décisif
du débat sur l’évolution de l’économie martiniquaise, sujet qui inclut aussi bien la répartition des richesses
créées que la manière de les créer. C’est le sens de cette étude-action, qui prétend non pas modifier à elle
seule la réalité martiniquaise, mais permettre aux acteurs martiniquais de disposer des informations fiables
et analytiques nécessaires à un débat équilibré et ainsi prendre par la suite les décisions qu’ils jugeront utiles
pour l’intérêt général des populations actuelles et des générations futures.
Le cabinet Syndex
Sommaire
Sommaire
Synthèse ........................................................................... 159
Partie 1 - Dynamique de la croissance martiniquaise ........ 169
1. Une croissance de long terme affectée par la crise économique à
partir de 2009 ...................................................................... 169
2. Les moteurs de la croissance martiniquaise : la question des
transferts publics .................................................................. 177
Partie 2 - L’organisation des marchés pèse sur les prix ..... 179
1. Écarts de prix entre la Martinique et la métropole : un constat
partagé .............................................................................. 179
2. Formation des prix et surcoûts liés à l’ultrapériphérie ............ 184
3. Formation des prix et pouvoir de
marché à la Martinique ......................................................... 187
4. Éléments de conclusion : effets conjugués de la fiscalité et des
marges sur les prix et la vie chère .......................................... 193
Partie 3 - Évolution nécessaire du dispositif
d’octroi de mer .................................................................. 196
1. Le fonctionnement de l’octroi de mer ................................... 196
2. Objectif premier : maintenir une ressource stable pour les collectivités locales et en premier lieu les communes .......................... 202
3. Impacts de l’octroi de mer sur
l’organisation économique .................................................... 202
4. Impacts de l’octroi de mer sur les ressources des collectivités
locales ................................................................................ 207
5. Les scénarios possibles d’évolution du dispositif d’octroi
de mer ................................................................................ 209
157
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Partie 4 - Ressources publiques et spécificités de la fiscalité à la
Martinique ......................................................................... 213
1. Ressources en provenance de métropole et d’Europe ............. 213
2. Les spécificités de la fiscalité à la Martinique......................... 218
3. La poursuite d’une stratégie de développement axée sur l’incitation fiscale avec la LODEOM ................................................... 224
4. Faible efficacité des mesures de défiscalisation au regard des
coûts et effets pervers en découlant ........................................ 227
Partie 5 - Une répartition inégale des richesses ................ 232
1. Accentuation des inégalités ................................................ 232
2. Inégalités de revenus plus fortes et moindre pression fiscale à la
Réunion qu’en métropole ...................................................... 240
3. Progression des revenus salariaux nets à un rythme proche de
celui de l’inflation ................................................................. 243
Partie 6 - Évolution des prix et pouvoir d’achat ................. 247
1. Le pouvoir d’achat et son évolution : définitions .................... 247
2. L’indice des prix à la Martinique .......................................... 249
3. L’évolution des prix à la Martinique...................................... 253
4. Les dépenses de consommation des ménages martiniquais..... 254
5. Pouvoir d’achat et coût de la vie ......................................... 262
Annexe - Lodeom : mesures de soutien à l’économie et aux
entreprises centres sur les allégements fiscaux ................ 269
Entretiens.......................................................................... 274
Bibliographie et sources documentaires ............................ 276
Synthèse
158
Synthèse
Le thème de la vie chère est central dans le contexte actuel de la
Martinique, car la croissance économique du département ces dix
dernières années, tirée par la vigueur de la consommation des
ménages et les investissements, n’a pas eu les retombées attendues
sur le plan social. Les inégalités se sont accrues et le boom économique
n’a profité qu’à une minorité de la population. Dans le même temps, la
croissance économique entraînait une flambée des prix de l’immobilier,
une augmentation des prix des biens de consommation et une perte
de pouvoir d’achat pour la majorité des ménages.
Aussi la problématique des prix a-t-elle été au cœur du conflit qui
a paralysé les départements antillais au début de l’année 2009. La
plate-forme de revendications du « Collectif du 5 février » en Martinique illustre ainsi la place centrale accordée dans ses revendications
à la thématique du coût de la vie et du pouvoir d’achat :
-
la réduction du prix des produits de première nécessité : le collectif a ainsi souhaité la baisse du prix de 100 familles de produits de première nécessité ou la suppression de la TVA sur tous
les produits alimentaires ;
-
la baisse des prix des services, notamment des frais bancaires,
du transport de marchandises ou encore du carburant ;
-
la mise en place d’un véritable contrôle de la formation des prix,
notamment par le biais d’un renforcement des services de la
concurrence.
Aujourd’hui plus de deux ans après les événements, force est de
constater que, en définitive, aucune réponse structurelle n’a été
apportée afin de réduire les inégalités et de lutter durablement contre
la vie chère. De plus, le contexte actuel est marqué par l’interrogation
sur les voies de sortie d’une crise économique internationale jugée
la plus grave depuis les années 1930, avec par ailleurs des tensions
fortes sur les prix à la fois des matières premières alimentaires et des
produits pétroliers.
Ultrapériphérie et surcoûts : des handicaps à relativiser
Si les coûts d’approche (de transport) sont souvent avancés comme
élément d’explication du différentiel de coût entre la Martinique et la
159
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
métropole, cet argument est à fortement nuancer. Malgré la cherté
du fret à destination de la Martinique -comparativement à d’autres
destinations-, celui-ci ne peut être considéré comme véritablement
constitutif des écarts de prix entre la Martinique et la métropole.
Selon l’enquête de l’Autorité de la concurrence, le poids du fret
représenterait 5 % à 15 % du prix de vente au consommateur à la
Martinique. Néanmoins, les exemples fournis par l’Autorité ne reflètent
pas ces niveaux : Nesquick (1 kg) : 6,3 % ; spaghetti Panzani (1 kg) :
4,3 % ; gel douche Tahiti vanille (250 ml) : 5,4 % ; savonnette
Palmolive (4 x 100 g) : 4,3 %.
D’autre part, les Armateurs de France, en réponse à la mission sénatoriale sur la situation des départements d’outre-mer1, ont affirmé que
le poids du fret représentait de 3 % à 4 % du prix des produits dans
les DOM (niveau jugé cependant inférieur à la réalité par la mission).
Parmi les autres handicaps structurels avancés, l’étroitesse du marché intérieur et l’absence d’économies d’échelle est à relativiser si
l’on prend en compte l’espace économique formé par l’ensemble des
départements français Antilles-Guyane. Cet ensemble représente une
population de plus d’un million d’habitants, avec un PIB moyen par
habitant de 17 154 €.
Organisation des marchés et structure des prix : la question du
pouvoir des marchés des acteurs économiques
Les écarts de prix entre les DOM et la métropole ne peuvent s’expliquer
seulement par l’éloignement et la fiscalité domienne. L’Autorité de la
concurrence dresse un constat clair et aujourd’hui largement partagé
par l’ensemble des parties. Si l’insularité et l’étroitesse du marché
local pèsent sur les prix, en définitive l’organisation des marchés
leur confère localement un caractère peu concurrentiel, propice à la
constitution de rentes.
La mission sénatoriale conduite par Eric Doligé souligne à cet égard
l’existence, d’une part, de monopoles dans les trois secteurs du fret
maritime, du transport aérien (entre la métropole et les DOM) et du
pétrole et, d’autre part, d’oligopole dans le secteur de la distribution.
La concentration n’existe pas uniquement dans le secteur de la
distribution. Elle se conjugue le plus souvent avec le pouvoir de
marché des groupes ou quasi-groupes intégrés horizontalement et
verticalement.
Fin 2004, l’IEDOM recensait quinze groupes dont la société mère était
domiciliée en Martinique. Ceux-ci :
-
génèrent, dans le département :
-
un chiffre d’affaires de 2,36 milliards d’euros (28,7 % du
chiffre d’affaires du secteur marchand hors énergie2),
1 Sénat, Eric Doligé, Rapport d’information au nom de la mission commune d’information
sur la situation des départements d’outre-mer, juillet 2009.
2 Entreprises du secteur marchand hors énergie de plus de 9 salariés. Estimation Syndex.
Synthèse
160
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
-
une valeur ajoutée de 626 millions d’euros (34 % de la valeur ajoutée du secteur marchand hors énergie3) ;
emploient 9 917 salariés, soit près de 30 % de l’emploi du secteur marchand hors énergie4.
La plupart des groupes martiniquais sont des entreprises familiales.
Les sociétés qui constituent aujourd’hui les filiales de ces groupes ont
été créées généralement avant les holdings. Pour chaque groupe, la
société mère est née d’une volonté des associés de rassembler les
sociétés déjà existantes au sein d’un même ensemble économique.
Par la suite, le développement et la diversification des groupes ont pu
s’effectuer de deux manières :
-
par la création de succursales et de départements de la société
mère, l’objectif étant de conserver une seule entité juridique ;
-
par la création de nouvelles filiales spécialisées et distinctes juridiquement les unes des autres, mais étant toutes contrôlées par
la société mère.
En Martinique, en raison d’effets de seuils5, c’est le second mode de
développement qui a été privilégié par les grands groupes afin de
bénéficier des mesures relatives à l’allègement des charges sociales
et autres subventions allouées dans le cadre de la LODEOM. Ce mode
d’organisation, s’il permet d’obtenir un allègement du coût du travail,
génère en définitive des coûts d’organisation et de transaction pesant
sur les prix.
Les surcoûts liés à l’insularité, la fiscalité indirecte à l’entrée et les
coûts d’organisation des groupes atomisés sont sans conteste à l’origine d’un écart avec les prix pratiqués en métropole. Toutefois, toutes
choses égales par ailleurs, les entreprises domiennes, répercutant
l’ensemble de ces coûts dans leur prix de vente, devraient dégager
une profitabilité proche des entreprises métropolitaines. Partant de ce
postulat, nous avons comparé les taux de profit brut des entreprises
martiniquaises avec ceux des entreprises métropolitaines et considéré
les dissonances de taux comme l’un des facteurs explicatifs des écarts
de prix entre les DOM et la métropole.
À la Martinique, pour l’ensemble du secteur marchand6, l’effet sur les
prix, lié à la dissonance des taux de profit brut, sur la période 19982006, peut être évalué en moyenne à plus de 9,1 %. Cette moyenne,
comme toute moyenne, est très sensible aux valeurs extrêmes et a le
défaut de masquer des situations assez contrastées suivant les secteurs.
En effet, les effets prix sont les plus marqués dans les secteurs de la
construction et des services, variant de près de 14 % pour le secteur
de la construction à 5,4 % pour l’ensemble du commerce.
3 Entreprises du secteur marchand hors énergie de plus de 9 salariés. Estimation Syndex
4 Entreprises du secteur marchand hors énergie de plus de 9 salariés. Estimation Syndex.
5 La plupart des mesures de défiscalisation, de subventionnement et d’allègement de
charges introduites par la LODEOM concernent uniquement les petites et moyennes
entreprises.
6 Hors énergie et agriculture, pêche et forêt.
Synthèse
161
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Dans l’industrie, les écarts de prix s’étagent dans une fourchette plus
resserrée entre 5,6 % pour les industries de biens d’équipements et
2,5 % pour les industries de biens de consommation.
Au niveau des ménages, les prix intègrent ainsi non seulement les
surcoûts liés aux handicaps structurels comme l’insularité ou encore
l’éloignement, mais également ceux liés à l’ensemble des coûts d’organisation et de transaction relatifs à la structuration des marchés.
Par ailleurs, les prix intègrent les surmarges de chacun des acteurs
tout au long de la chaîne de valeur.
Au final, les écarts de prix avec la métropole sont d’autant plus élevés
que le nombre d’acteurs est important, les prix au consommateur
intégrant les écarts de profitabilité pour chaque étape du circuit de
distribution.
En règle générale et de façon schématique, on peut distinguer deux
circuits de distribution :
-
un circuit court : l’importateur est aussi le distributeur avec, pour
les produits locaux, l’absence de grossiste entre le producteur et
le distributeur ;
-
un circuit long : le distributeur s’approvisionne auprès d’un importateur ou d’un grossiste, lui-même intermédiaire d’un producteur local ou d’un importateur.
Dans le cas d’un produit importé, le prix de détail sera ainsi majoré en
moyenne de 6 % par rapport au prix métropole, du simple effet des
écarts de profit économique brut du secteur du commerce. De plus,
viennent s’y ajouter les surcoûts liés à l’éloignement, mais également
ceux liés au prix des services locaux -dont les services financiers,
les télécommunications et les transports- sans oublier l’effet de
surmarges sur octroi de mer.
Dans le cas d’un circuit court pour un produit local, un produit de
l’industrie agroalimentaire par exemple, le prix de détail est majoré
de près de 10 % par rapport au même produit en métropole, sous le
seul effet des surmarges de l’industrie agroalimentaire et du secteur
du commerce, avant même prise en compte des surcoûts évoqués
précédemment.
Le caractère central des prix dans la mobilisation de début 2009 ainsi
que la persistance de ce sujet parmi les préoccupations des habitants
des DOM expliquent qu’un des cinq thèmes des États généraux de
l’outre-mer a porté sur « la formation des prix, les circuits de distribution et le pouvoir d’achat ».
L’octroi de mer : une fiscalité qui reste profondément marquée
par l’économie de comptoir et qui, par sa mécanique, a un effet
inflationniste
Durant la période coloniale, l’essentiel de l’économie martiniquaise
dépendait des flux de marchandises en provenance et à destination de
la métropole. Les revenus du territoire étaient totalement assis sur ces
Synthèse
162
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
échanges à l’origine de la fortune de grande familles martiniquaises
dont les noms marquent jusqu’à nos jour l’économie du département.
Le changement de statut de la Martinique en 1946 lui a fait quitter
définitivement l’économie de plantation pour entrer progressivement,
à travers la départementalisation, dans la république. Mais ce n’est
qu’à partir des années 1960, bien avant les lois sur la décentralisation,
que des pouvoir consultatifs sont attribués aux conseils généraux,
à la Martinique, comme dans les autres DOM, en vue d’adapter des
lois et décrets. La même année que la promulgation du décret sur
les attributions des conseils généraux dans les DOM (26 avril 1960),
dans la loi-programme pour l’outre-mer, le gouvernement s’engage
à « adapter la fiscalité, l’agriculture et l’industrie » à chacun des
départements d’outre-mer. Pour autant, la Martinique ainsi que les
autres DOM conservent l’un des attributs de l’économie de comptoir :
une fiscalité indirecte majoritairement assise sur les importations
à travers l’octroi de mer. L’UE, visant à concilier les exigences du
marché intérieur et la prise en compte des handicaps liés à l’insularité,
à travers la décision du conseil du 22 décembre 1989, introduit de
fait comme de droit, un changement de statut à l’octroi de mer lui
conférant une vocation d’outil de « protection » du marché au service
du développement, à travers l’introduction des différentiels de taux
entre la production locale et les produits importés. Les attentes de
l’Union européenne sont claires : il s’agit de compenser les handicaps
reconnus par le traité dans une juste proportion, tout en permettant
que les ressources de la taxation contribuent au développement
économique et social général.
Cela dit, si nul ne peut contester le bien-fondé d’un outil de
« protection » au service du développement, cet outil quel qu’il soit
doit répondre à une exigence de transparence et doit faire l’objet
d’une évaluation a priori et a posteriori de ses incidences locales, tant
en termes économiques (valeur ajoutée locale) que sociaux (nombre
d’emplois).
Par ailleurs, la vocation première de l’octroi de mer est, rappelonsle, d’être la principale ressource fiscale des collectivités locales, et
particulièrement des communes.
Enfin, l’octroi de mer, par son caractère non déductible, constitue l’un
des vecteurs de la vie chère. En effet, suivant son taux, l’incidence sur
les prix de sa non-déductibilité peut être évaluée dans une fourchette
comprise entre 3 % et plus de 10 %.
Une fiscalité des entreprises ne favorisant pas la transparence
des marchés et contribuant de manière indirecte à la vie chère et
aux inégalités
Les entreprises martiniquaises bénéficient de nombre de mesures de
subvention fiscale (dépense fiscale) :
-
défiscalisation des investissements dans le secteur productif et
le logement ;
Synthèse
163
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
-
allègements fiscaux (abattement de l’impôt sur les sociétés et de
l’impôt sur le revenu) ;
-
allègements des charges sociales.
L’ouverture de ces droits est le plus souvent assujettie à des seuils :
il en est ainsi du bénéfice de l’exonération de l’octroi de mer, qui
concerne les entreprises réalisant au maximum un chiffre d’affaires
de 550 000 €. L’instauration des zones franches d’activités (ZFA) par
la LODEOM, qui concerne uniquement les PME (moins de 250 salariés et chiffre d’affaires inférieur à 50 M€), en est un autre exemple,
de même que les exonérations de charges, plus favorables pour les
entreprises de moins de onze salariés.
Ainsi, du point de vue de la structure des marchés, ces mesures
favorisent l’organisation de groupe diffus regroupant une multitude
de PMI / PME. Outre l’opacité des marchés que ce type d’organisation
engendre, elle est de nature à renforcer les handicaps de compétitivité
liés à l’absence d’économies d’échelle. Par ailleurs, elle favorise
l’existence de circuits longs qui, in fine, à travers le cumul de marges
des nombreux intermédiaires, participe à la vie chère.
En outre, elle favorise l’absence de dialogue social, faute de lieu de
représentation des travailleurs.
Malgré la croissance sur la dernière décennie les inégalités se
sont accrues à la Martinique
Selon les données 2006 de l’Insee7, la moitié des ménages des
départements d’outre-mer ont un niveau de vie mensuel après impôts
et prestations sociales inférieur à 800 euros par unité de consommation
(UC). En comparaison, ce niveau de vie médian est de 1 281 euros en
métropole, soit 60 % plus élevé.
Cependant, en une décennie, l’écart de niveau de vie entre les DOM
et la métropole s’est partiellement résorbé : en 1995, les ménages
ultramarins avaient un niveau de vie médian égal à un peu plus de
la moitié de celui de la métropole. Dix ans plus tard, il représente
un peu plus de 60 % de celui de la métropole. Cette progression
résulte principalement de l’évolution des transferts sociaux - minima
sociaux, allocations familiales, aides aux logements et indemnités
chômage - qui ont, sur la période, pris une part plus importante dans
les ressources des ménages domiens.
À la Martinique, sur la période 2001-2006, le revenu disponible des
ménages accuse une baisse sensible pour les ménages des trois
premiers quintiles (ménages les plus pauvres). Seuls les ménages du
dernier quintile, correspondant aux 20 % des ménages les plus aisés,
enregistrent une progression de leur revenu disponible sur la période.
La baisse du revenu disponible moyen des ménages touche toutes les
catégories socioprofessionnelles, sauf les ménages dont la personne
7 Christophe Michel, Maël Theulière et Nathalie Missègue, « Les inégalités de revenus
entre les DOM et la métropole », Insee Première, février 2010
Synthèse
164
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
de référence est cadre (de la fonction publique ou du privé) et, dans
une moindre mesure, les employés du privé.
En 2006, selon l’Insee8 , le seuil de bas revenus selon l’enquête budget de Famille s’élève à 567 € par mois pour la Guadeloupe, 616 €
pour la Martinique et 496 € pour la Guyane. Ces niveaux demeurent
inférieurs à celui de la France métropolitaine (880 €). Plus du quart
des ménages disposent d’un revenu inférieur à ce seuil en Guyane, et
près de 20 % à la Martinique et 18 % en Guadeloupe.
Outre ces disparités dans les distributions de revenus, l’évolution la
plus marquante est la progression des inégalités entre 2001 et 2006,
alors qu’elles s’étaient réduites entre 1995 et 2001. Le taux de bas
revenus s’accroît de plus de 4 points en Guadeloupe et à la Martinique
et de 1,5 point en Guyane. Ce qui confirme, en définitive, que la
croissance du niveau de vie ne s’est réalisée qu’au bénéfice des plus
aisés.
La progression des inégalités renvoient en grande partie à la qualité
des emplois créés ces quinze dernières années. Si la hausse de
l’emploi a été forte, cette progression est pour partie imputable au
développement de formes particulières d’emploi9 conduisant à des
rémunérations annuelles plus faibles en moyenne. Cela constitue par
ailleurs bien souvent la principale cause de progression du nombre
de travailleurs pauvres. Plus la personne de référence est éloignée
de l’emploi (présent ou passé), plus la part de bas revenus dans la
catégorie est élevée.
Inégalités de revenu et dépenses contraintes : construire une
approche catégorielle de l’évolution du pouvoir d’achat
L’évolution du pouvoir d’achat résulte de l’évolution concomitante des
revenus des ménages pondérée par l’évolution des prix des biens et
services qu’ils consomment. Une augmentation des revenus accroît le
pouvoir d’achat, alors qu’une augmentation des prix l’érode.
Ainsi, à la Martinique, sur la période 1998-2007, le pouvoir d’achat
des ménages aurait progressé en moyenne annuelle de 1,8 %10, selon
la définition retenue en comptabilité nationale.
Dans la réalité, les ménages sont de plus en plus contraints
par des dépenses à engagement contractuel : il s’agit des
sommes dépensées en début de mois, avant tout arbitrage en matière de dépenses courantes. À la Martinique, les
dépenses contraintes11 représentent 39,7 % des dépenses de consom8 Insee Antilles-Guyane, Les inégalités aux Antilles Guyane : dix ans d’évolution, mai
2009.
9 Ce terme regroupe toutes les formes d’emploi autres que contrat à durée indéterminée
à temps plein : emplois aidés, contrats à durée déterminée et/ou à temps partiel,
stagiaires, intérimaires et apprentis.
10 Revenu disponible des ménages déflaté de l’inflation sur la période.
11 Dépenses contraintes prises en compte : dépenses de logement, de transport, de
communication et d’assurance.
Synthèse
165
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
mation des ménages et 39,4 % de leur revenu disponible -y compris
dépenses de transport mais hors remboursements d’emprunts12.
La question des dépenses nécessaires, ou plutôt des biens de première nécessité, doit également être prise en compte : ils s’agit des
biens consommés par les ménages, quelle que soit l’évolution de leur
prix. A l’inverse, pour les autres produits dits de « confort », une
augmentation du prix implique une réduction de leur consommation
par les ménages. Ainsi, peuvent être considérées comme dépenses
nécessaires les dépenses liées à l’alimentation. À la Martinique,
ces dépenses d’alimentation représentent 16,6 % des dépenses de
consommation.
En moyenne, le total des dépenses contraintes et des dépenses nécessaires représentent 46 % du revenu disponible des ménages. Toutefois, leur part varie significativement selon la catégorie sociale de la
personne de référence :
-
pour les ménages dont la personne de référence est sans catégorie sociale, les dépenses contraintes et nécessaires absorbent
70 % du revenu disponible ;
-
à l’opposé, pour les ménages dont la personne de référence est
cadre de la fonction publique, ces mêmes dépenses absorbent
33 % du revenu disponible.
Dès lors, il convient d’aborder l’évolution du pouvoir d’achat à travers
l’évolution du revenu disponible des ménages après prise en compte
des dépenses contraintes et nécessaires.
À partir des enseignements précédents, nous avons simulé l’incidence
de l’évolution des dépenses contraintes sur une échelle des salaires
nets de 1 smic à 4 smic :
-
les dépenses contraintes prises en compte dans cette simulation
rassemblent les dépenses de loyers et charges afférentes, nettes
des aides au logement perçues, les dépenses de transports et de
communications et les dépenses d’assurances ;
-
les dépenses nécessaires recouvrent les seules dépenses alimentaires et de boissons non alcoolisées.
Ainsi, dans une approche classique du pouvoir d’achat, compte tenu
d’une évolution des prix de + 1,7 % en 2010, l’ensemble des salariés
percevant entre 1 et 4 smic auraient vu leur pouvoir d’achat baisser
de 1,7 %.
Les prix des dépenses contraintes ont évolué :
-
+ 2,7 % pour le logement ;
-
+ 2,3 % pour les dépenses de transport et de communication ;
-
+ 0,5 % pour les dépenses d’assurance ;
-
- 0,1 % pour les dépenses alimentaires.
12 Les remboursements d’emprunts contribuent à un accroissement du patrimoine des
ménages et procèdent d’un arbitrage au moment de la décision de l’acquisition.
Synthèse
166
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Selon le niveau de revenu et en tenant compte de ces évolutions, la
perte de pouvoir d’achat aurait été :
-
pour un revenu égal à une fois le smic : de - 2,8 % et - 2 % selon
le type de logement ;
-
pour un revenu égal à 1,5 fois le smic : de – 3,2 % pour les salariés en locatif privé (pour les salariés en locatif social, les aides
au logement compensent la hausse des loyers) ;
-
pour un revenu égal à 2 fois le smic : de - 2 % quel que soit le
type de logement ;
-
pour un revenu égal à 2,5 fois le smic : sensiblement égale à la
hausse moyenne des prix d’ensemble ;
-
pour les revenus au-delà de 2,5 fois le smic : la perte de pouvoir
d’achat est inférieure à l’augmentation moyenne des prix à la
consommation.
Le besoin de changer de modèle économique
Il s’agit ici de montrer en quoi, du point de vue de l’économie du
développement, les notions d’égalité des chances, à partir de la notion
élaborée par John Rawls13 de « justice comme équité » sont indispensables pour le décollage économique d’un pays ou d’un territoire.
Ceci dit, l’inégalité économique définit les inégalités et la pauvreté
comme des privations de capacités, de potentialités et non plus seulement comme des avantages moins importants. Amartya Sen le résume ainsi : « Malgré le rôle majeur des revenus dans les avantages
dont jouissent les individus, la relation entre revenus (et autres
ressources), d’un côté, et accomplissements individuels et libertés
de l’autre n’a rien d’automatique, de permanent ou d’inévitable.
Un large faisceau de facteurs contingents soumet à des variations
continuelles la «conversion» des revenus en «fonctionnements»
que nous souhaitons obtenir et affectent la conduite que nous nous
fixons. »14 Parmi ces facteurs, outre la situation de chaque citoyen au
regard de ses droits, le sexe, l’âge ou l’appartenance politique sont
autant de capacités qui impliquent de nombreuses différences avec la
seule perspective des revenus.
Les garanties sociales qui ont progressivement été construites en
Europe en faveur des salariés et de leurs familles, connues sous le
vocable d’État-providence, ont permis une forte réduction des inégalités économiques par le développement des capacités individuelles et
collectives de chacun, elles-mêmes soutenues par des programmes
de redistribution par la fiscalité directe.
Ces garanties sociales sont parties intégrantes des transferts et, à ce
titre, participent à la cohésion de la république et à la réduction des
13 John Rawls, A Theory of Justice, 1971, traduction française par Colette Audard, Le
Seuil, en 1987.
14 Amartya Sen, Un nouveau modèle économique, développement, justice, liberté, Odile
Jacob, 2000, page 115.
Synthèse
167
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
inégalités. En outre, les transferts sont destinés à soutenir les composantes de la demande ou à faciliter l’accumulation des facteurs favorables à la croissance des économies bénéficiaires. Ces objectifs sont
ainsi clairement présents dans la politique régionale mise en place par
l’Union européenne. Pour cette dernière, ces sommes délivrées aux
régions les plus démunies de l’Union ne doivent pas être considérées
comme de simples transferts de revenus mais, au contraire, comme
des investissements permettant aux économies en difficulté de renforcer leur structure économique, leur compétitivité et leur cohésion
sociale.
Néanmoins, les transferts sans contrepartie sont souvent assimilés à
une économie de rente, qui produit de multiples distorsions macroéconomiques, en plus de ne pas être probante, en l’occurrence pour
la Martinique. Ces remarques mobilisent des outils d’analyse dont le
cadre conceptuel est approprié à l’analyse des États, à travers les
comptes de la nation, mais trouve ses limites dans l’analyse d’une
partie, certes éloignée, d’un État. L’analyse de la balance commerciale
trouve ici sa limite dès lors qu’elle ne peut être menée en articulation
avec la balance des paiements. Par ailleurs, au même titre qu’une
autre région française, la Martinique bénéficie de transferts dans le
cadre des compétences qui lui sont dévolues et de la politique de
cohésion sociale de la nation. Aussi, il ne saurait être question d’appréhender les transferts comme une simple aide au développement
vers un pays tiers, mais bien comme la contribution de la nation aux
financements des services publics et de la cohésion sociale sur son
territoire.
La notion de développement endogène a été fortement mise en avant
dans le cadre des États généraux de l’outre-mer. Néanmoins, s’il s’agit
par là de réduire les transferts de l’État, le développement endogène
se confond dès lors avec une rupture de la solidarité nationale telle
qu’elle s’exerce pour chacune des parties de la nation. S’il s’agit de
repenser la place des productions locales dans le cadre du développement économique et social du département, alors il convient de
changer de concept.
La transparence des marchés comme des politiques publiques, la régulation des marchés et la fiscalité (directe et indirecte) semblent les
trois thématiques centrales sur lesquelles une réflexion de fond doit
être engagée dans le cadre du dialogue social territorial, en vue de
construire une vision partagée d’un autre modèle économique permettant davantage de justice sociale mais favorisant également un
développement durable de la Martinique qui articule les trois dimensions économique, sociale et environnementale.
Synthèse
168
Dynamique de
la croissance
martiniquaise
1.
1.
Une croissance de long terme affectée
par la crise économique à partir de 2009
1.1. La dynamique de croissance de long terme
à la Martinique
Progression du PIB et de la richesse par habitant
depuis les années 1990
Avec une forte densité et une population de près de 400 000 habitants
(données 2007), le taux de croissance démographique de la Martinique
diminue depuis les années 1980, et la population vieillit ; selon les
projections de l’Insee, la part des plus de 60 ans devrait être de 34 %
à l’horizon 2030 (contre 19 % en 2008 et 16 % en 1999).
En parallèle, le produit intérieur brut (PIB) a fortement augmenté
depuis les années 1990, son niveau doublant entre 1993 et 2008
(en monnaie courante). De même, le PIB par habitant est en forte
progression. S’il est le plus élevé parmi les DOM, il reste néanmoins
nettement inférieur à celui de la métropole : avec 19 150 euros par
habitant en 2006, il représente 66,5 % du PIB par habitant calculé
pour la France dans son ensemble.
169
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Importations et exportations de la Martinique
Dynamique de
la croissance
martiniquaise
170
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Plus soutenue qu’en France métropolitaine, la croissance martiniquaise
est caractérisée par l’intensité de ses trois composantes essentielles :
la consommation des ménages, la consommation des administrations
et les investissements (FBCF).
Évolution des échanges extérieurs : maintien de la
prépondérance des échanges avec la métropole
Tout comme les autres départements d’outre-mer, la Martinique est
caractérisée par un niveau élevé d’importation. La France métropolitaine demeure la principale origine des importations, bien que sa part
soit en légère baisse. Au total, les importations proviennent à plus de
80 % d’Europe, celles en provenance d’Amérique représentant entre
12 et 15 % du total. Sur la période 1993-2007, elles progressent en
lien avec la croissance martiniquaise, en particulier pour les biens
manufacturés et les produits énergétiques.
En parallèle, les exportations demeurent limitées. Hormis les exportations de produits énergétiques, qui représentent environ la moitié
(exportation après raffinage des produits importés par la SARA), les
principales exportations concernent les produits agricoles et agroalimentaires (principalement la banane, le sucre et le rhum) en direction
de l’Europe.
La France, avec plus de 90 % du total en 2010, demeure la quasiunique destination des exportations martiniquaises, la part vers les
autres destinations tendant même à se réduire. Les échanges régionaux dans la zone Caraïbes se sont maintenus à un niveau extrêmement modeste.
Les exportations martiniquaises couvrent la valeur de 13 % des
importations en 2010. Néanmoins, un raisonnement en termes de
balance commerciale (exportations moins importations) nous semble
peu pertinent : si une balance commerciale propre à la Martinique
Dynamique de
la croissance
martiniquaise
171
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
peut être construite, son sens n’est que très limité (à l’image d’une
balance commerciale pour un département métropolitain). La Martinique fait partie intégrante de l’économie française, et un raisonnement sur le solde des échanges commerciaux n’est pertinent que pour
la France dans son ensemble. De plus, il n’existe pas de balance des
paiements spécifique à la Martinique, seul outil à même de véritablement recenser l’ensemble des flux entre le département et l’extérieur
du territoire.
Par ailleurs, l’organisation et la structure des échanges économiques
de la Martinique conservent les principales spécificités d’une économie
pouvant être qualifiée de « comptoir ».
Sortir d’une logique d’économie de comptoir
Remettre en cause de l’économie de comptoir revient à modifier la
chaîne de valeur économique depuis l’arrivée sur le territoire (depuis le
port ou l’aéroport) jusqu’au distributeur final. Cela a pour effet immédiat
de :
•
modifier la fiscalité, en passant d’un dispositif (archaïque) où les
taxes et impôts sont perçus à l’entrée du territoire par la douane
à un dispositif de perception auprès du distributeur final des biens
et services, ce qui permettrait par ailleurs de décaler la perception
fiscale et la trésorerie afférente ;
•
diminuer le niveau des marges : les taxes et impôts étant perçus
une fois le produit vendu sur le territoire et non pas à son entrée,
les marges n’ont plus à couvrir la part de pertes potentielles issue
de la taxation automatique à l’entrée (sans certitude sur les débouchés – savoir si le produit sera vendu, à quel prix, etc.).
Ainsi, avec la réduction des taxes et impôts à l’entrée (et leur redéploiement vers d’autres modalités de perception), les premières incitations à la diminution des prix des produits apparaissent (sans pour
autant déterminer leur répartition).
En ce sens, l’évolution de la fiscalité est un moyen de lutte contre la
vie chère.
La progression et la modification de la répartition de la
valeur ajoutée
Depuis le début des années 1990, la structure de la valeur ajoutée a
évolué :
-
progression de la part des services marchands (activités immobilières, activités financières, services aux particuliers et services
aux entreprises) et des services non marchands (éducation, santé, action sociale) ;
Dynamique de
la croissance
martiniquaise
172
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
-
baisse des secteurs de l’agriculture et des industries agroalimentaires ;
-
maintien à un faible niveau du secteur des biens manufacturés.
Une croissance pouvant être qualifiée de « croissance
pauvre », au regard de l’évolution de la structure de
l’emploi
Au cours de cette période de croissance, si la richesse moyenne par
habitant a progressé, les inégalités avec la métropole en termes d’emploi ne se sont pas véritablement réduites.
Le nombre de demandeurs d’emploi est en légère diminution, mais
reste largement supérieur à celui de la métropole. De même, le taux
d’activité demeure nettement inférieur en Martinique (51,8% à la
Martinique, contre 70,2% en métropole en 2009).
Si le nombre de demandeurs d’emploi diminue sur la période 19972008, des inégalités profondes se maintiennent :
-
le taux de chômage à la Martinique demeure nettement supérieur à celui de la métropole ;
-
les taux d’emploi demeurent largement inférieurs aux objectifs
européens de convergence ;
-
un grand nombre d’emplois créés durant cette période concerne
Dynamique de
la croissance
martiniquaise
173
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Définitions
des emplois précaires1 :
Population active : regroupe
les chômeurs et la population
active occupée, composée des
salariés (y compris les militaires
du contingent) et des non-salariés.
La notion d’activité concerne les
personnes de15 ans et plus. La
définition de la population active
dans l’enquête emploi correspond
à celle du Bureau international du
Travail (BIT).
-
les contrats à temps partiel se maintiennent à un niveau
élevé. De plus, la proportion des emplois à temps partiel
« subis » (en opposition à « choisis ») est importante : le
temps partiel subi concerne près des deux tiers des personnes à temps partiel,
-
une part importante des emplois créés concerne des emplois aidés, ne constituant pas des emplois structurels de
long terme,
-
une part importante de la création d’entreprises concerne
des individus sous le statut précaire d’autoentrepreneur.
Taux d’activité : rapport de la
population active à la population
totale. On peut calculer des taux
d’activité par âge. Dans ce cas, on
rapporte le nombre d’actifs d’une
classe d’âge à la population totale
de la classe d’âge considérée.
Taux d’emploi : rapport de la
population active occupée à la
population de 15 ans et plus.
Chômeurs au sens BIT : ils
doivent satisfaire aux trois conditions suivantes : être disponibles,
être sans travail et être à la
recherche d’un travail (inscription à l’ANPE ou acte effectif
de recherche le mois précédant
l’enquête).
Taux de chômage : rapport du
nombre de chômeurs au sens BIT
à la population active totale. On
peut calculer des taux de chômage
par âge. Dans ce cas, on rapporte
le nombre de chômeurs d’une
classe d’âge à la population active
de la classe d’âge considérée.
Source : Insee
1 Il est difficile de construire des analyses à la Martinique, peu de données concernant
l’emploi étant disponibles : comparativement à la métropole ou à d’autre DOM comme
la Réunion, peu de données de long terme sont construites et publiées par les services
statistiques nationaux.
Dynamique de
la croissance
martiniquaise
174
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
En ce sens, la croissance qu’a connue la Martinique peut être qualifiée
de « croissance pauvre », avec une progression de la précarité pour
certains emplois.
1.2. Depuis 2009, dans le sillage de la récession mondiale,
les moteurs de la croissance sont à l’arrêt à la Martinique
La Martinique a été fortement touchée par la crise économique en
2009 avec, selon les comptes rapides de l’Insee/Cerom :
-
un PIB en contraction de 6,5 % en volume par rapport à 2008 ;
-
une chute des investissements de 24 % en volume ;
-
une consommation des ménages en repli de 3 %, avec des importations en baisse de 20,4 % en volume.
En définitive, seul le secteur non marchand a pu soutenir l’économie
martiniquaise. Les mesures de soutien contre-cycliques (plan de
relance, mise en place de revenus complémentaires pour les revenus
modestes2) ont permis de contenir la baisse de la consommation des
ménages, avec le maintien des importations de biens de consommation.
2 Par exemple, le revenu supplémentaire temporaire d’activité (RSTA) est une prestation
délivrée par l’État au titre de la vie chère : son montant est égal à 100 euros par mois et
il est versé trimestriellement aux salariés. Ces derniers, pour en bénéficier, doivent être
résidents à la Martinique et avoir un salaire horaire inférieur à 1,4 smic.
Dynamique de
la croissance
martiniquaise
175
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Le nombre de demandeurs d’emploi augmente à partir de début 2009
et se maintient à un niveau élevé (nettement supérieur à celui de
métropole) en 2010.
Après une faible année 2009, les importations sont reparties à la
hausse fin 2009 et restent en croissance courant 2010. En revanche,
les exportations suivent des mouvements contradictoires et baissent
à nouveau au 4e trimestre 2010.
En 2010, la situation reste incertaine. Le secteur du BTP demeure en
net repli depuis 2009, avec des tonnages de ciment produits en 2009
et 2010 nettement inférieurs aux années précédentes.
Si les premiers signes d’un retournement de conjoncture apparaissent
(avec un indicateur du climat des affaires se rapprochant de son niveau
de longue période), le niveau des investissements reste cependant
limité, et la reprise devrait être à la fois progressive et conditionnée
aux disponibilités financières – en particulier des fonds publics.
Dynamique de
la croissance
martiniquaise
176
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
2.
Les moteurs de la croissance martiniquaise : la question des transferts publics
Durant la période 1993-2007, le niveau de croissance de la Martinique
est élevé et nettement supérieur à celui de la métropole, grâce à
la progression de ses composantes (investissement, consommation
finale des administrations et des ménages).
Cette situation a souvent été analysée comme le simple effet d’une
dynamique exogène3 liée principalement aux transferts publics de
l’État (ou de l’Union européenne).
Ces transferts sont principalement destinés à soutenir les composantes de la demande intérieure et à faciliter l’accumulation des facteurs favorables à la croissance. Ces objectifs sont clairement mis en
avant dans les politiques européennes lorsqu’elles traitent des régions
ultrapériphériques (RUP) : les fonds européens dont bénéficient les
régions les plus défavorisées ne doivent pas être perçus comme de
simples transferts de revenus, mais comme des investissements destinés à renforcer les structures économiques, la compétitivité et la
cohésion sociale de ces territoires.
Aussi, la réflexion sur les effets de transfert ne doit pas faire oublier
que la Martinique, en raison de son statut de département, est une
partie intégrante de l’ensemble national et qu’elle partage nombre de
caractéristiques avec plusieurs régions métropolitaines. Elle ne peut
donc pas être appréhendée comme une économie et un territoire indépendants et isolés.
Il ne saurait être question de remettre en cause les transferts uniquement parce qu’ils sont supposés créer des distorsions. En revanche,
il convient de réfléchir, d’une part, à leur régulation (afin d’éviter les
effets d’aubaine comme durant la période 2004-2008 dans le secteur
du TP) et, d’autre part, à une réorientation justifiée de leur impact
sur le développement de la valeur ajoutée et l’emploi du territoire.
Comme le souligne B. Poirine, « personne ne songe à penser que
les habitants d’une ville de garnison métropolitaine sont assistés ou
improductifs parce qu’il n’y a pas d’usine ou de paysans à cet endroit
mais beaucoup de commerçants et autres fournisseurs de services
improductifs entretenus par la rente militaire que leur accorde le reste
de la nation. Tout le monde s’accorde à penser, au contraire, que
ces habitants apportent une contribution normale à la nation. En revanche, la contribution des DOM-TOM semble mal perçue si bien qu’on
parle plus naturellement de rente ».
Ces transferts doivent permettre l’émergence et la structuration de
filières favorisant l’aménagement du territoire et les secteurs exportateurs. À cet égard, comme le souligne J.-M Salmon4, l’orientation à
3 On entend par dépenses exogènes les dépenses des administrations publiques, les
investissements des entreprises et les exportations.
4 Jean-Michel Salon, Pourquoi s’ouvrir ? Contraintes et perspectives pour les économies
ultramarines, AFD, Document de travail n°53, novembre 2007.
Dynamique de
la croissance
martiniquaise
177
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
l’exportation passe nécessairement par une meilleure prise en compte
de cet objectif et par une plus forte incitation à y souscrire par l’État
et la Commission européenne.
À cette fin, il apparaît nécessaire d’identifier, outre les secteurs
concernés, des politiques d’appui innovantes en lien avec les accords
commerciaux internationaux.
En tout état de cause, cette réorientation des transferts ne peut se
réaliser sans d’importants investissements, notamment dans le capital productif et humain, clés du développement de la Martinique.
Dynamique de
la croissance
martiniquaise
178
L’organisation des
marchés pèse sur
les prix
2.
1.
Écarts de prix entre la Martinique et la
métropole : un constat partagé
Les écarts de prix entre les DOM et la métropole ne peuvent s’expliquer seulement par l’éloignement et la fiscalité domienne. L’Autorité
de la concurrence dresse un constat clair et aujourd’hui largement
partagé par l’ensemble des parties. Si l’insularité et l’étroitesse du
marché local pèsent sur les prix, l’organisation des marchés leur
confère localement un caractère peu concurrentiel, propice à la constitution de rentes.
Saisie le 18 février 2009 par le secrétaire d’État à l’Outre-mer au
sujet de la situation de la concurrence dans les départements ultramarins, l’Autorité de la concurrence a rendu un avis relatif aux mécanismes d’importation et de commercialisation des produits de grande
consommation dans les DOM. Il s’agit du second volet d’une même
saisine, qui avait donné lieu, le 24 juin 2009, à l’avis 09-A-21 concernant les carburants1.
Dans les DOM, la petite taille des marchés et leur éloignement des
principales sources d’approvisionnement sont des obstacles naturels
à l’obtention de prix comparables à ceux observés en métropole2. Aux
surcoûts qui en résultent s’ajoute une taxe spécifique, l’octroi de mer,
perçue par les collectivités locales sur les importations (comme sur la
production locale) et qui accroît mécaniquement les prix de vente aux
consommateurs.
Cependant, conclut l’Autorité de la concurrence3, ces spécificités ne
suffisent pas à expliquer l’importance des écarts de prix constatés
entre la métropole et les DOM pour les produits de grande consommation.
1 Avis n°09-A-21 du 24 juin 2009 relatif à la situation de la concurrence sur les marchés
des carburants dans les départements d’outre-mer.
2 Louis Lengrand & Associés, université libre de Bruxelles (DULBEA, département
d’Economie appliquée), Identification et estimation des effets quantifiables des handicaps spécifiques propres aux régions ultrapériphériques et des mesures applicables pour
réduire ces handicaps (Contrat : 2004-CE-16-0-AT-097), 2006.
3 Avis n°09-A-45 du 8 septembre 2009 relatif aux mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d’outre-mer.
179
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Ainsi, selon les relevés effectués par la DGCCRF4, sur un échantillon
d’environ 75 produits importés de métropole dans les quatre DOM,
les écarts de prix en magasin avec la métropole dépassent 55 % pour
plus de la moitié des produits échantillonnés. Ce différentiel de prix
est trop élevé pour trouver exclusivement sa source dans les frais de
transport et l’octroi de mer.
Sur l’échantillon des produits « importés », les taux médians d’octroi
de mer et d’octroi de mer régional sont en effet de 17,5 % en Guadeloupe, 22,5 % en Martinique, 20 % en Guyane et 18 % à la Réunion. Pour que l’octroi de mer et le fret expliquent conjointement et à
eux seuls l’intégralité des écarts observés, le fret devrait représenter
46 % du prix de l’industriel en Guadeloupe et en Martinique, 52 % en
Guyane et 38 % à la Réunion. Or, comme le souligne l’Autorité de la
concurrence, les charges de fret sont, pour la plupart des produits,
largement inférieures à ces niveaux. En revanche, les différentiels de
Charges de fret et octroi de mer en proportion du prix de départ usine des
marchandises
Source : Avis n° 09-A-45 du 8 septembre 2009 relatif aux mécanismes d’importation et de
distribution des produits de grande consommation dans les départements d’outre-mer, p. 24.
4 Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des
fraudes.
L’organisation
des marchés
pèse sur les prix
180
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
taux d’octroi de mer entre la Guadeloupe, la Martinique et la Métropole permettent d’expliquer, en partie, les différents écarts de prix
constatés pour des produits identiques.
Certes, cet avis de l’Autorité de la concurrence ne concerne que les
produits de grande consommation, qu’ils soient importés ou produits
localement. Cela dit, ses conclusions sont d’une portée générale dès
lors qu’elles identifient « plusieurs particularités des circuits d’approvisionnement des marchés domiens permettant aux opérateurs de
s’abstraire partiellement du jeu concurrentiel, seul capable de faire
baisser les prix en faveur du consommateur domien ».
1.1. La situation concurentielle sur le marché des
carburants
L’avis de l’Autorité de la concurrence relatif à la situation de la concurrence sur les marchés des carburants dans les départements d’outremer rend bien compte de ce pouvoir de marché. Le dispositif actuel,
institué par les décrets de 1988 et de 2003 et conçu initialement
comme une simple dérogation au principe général de la liberté des
prix, instaure une régulation des prix des carburants dans les DOM
qui n’est justifiée que par l’existence de monopoles en amont du circuit de distribution. Le plafonnement des prix de détail est destiné
à éviter que les acteurs en monopole n’imposent des prix trop élevés. L’objectif de cette régulation n’a jamais été de supprimer toute
concurrence par les prix, ou toute possibilité pour les acteurs d’ajuster
leurs prix en fonction de leurs contraintes économiques. Or, constate
l’Autorité de la concurrence, « elle s’est transformée en un système
de fixation administrative des prix de détail. Ces prix administrés sont
considérés par les distributeurs comme des prix minimum, et non des
prix maximum, permettant de préserver leurs marges dont le niveau
a augmenté plus vite que les coûts de distribution. Cette disparition
de toute concurrence par les prix est d’autant moins justifiée que
les réseaux de distribution sont nombreux et fournis, la densité de
détaillants dans les zones de population principales permettant un
véritable choix des consommateurs ».
Les ressources des départements français d’Amérique sont structurées par la production locale de la raffinerie SARA (Société anonyme de raffinage des Antilles). Créée à l’initiative du gouvernement français à la fin des années 1960, la SARA est aujourd’hui
détenue par Total (50 %), Exxon, Chevron-Texaco et Rubis, qui a
repris les actifs de Shell. Sa capacité de raffinage est de 800 000
tonnes de pétrole brut, soit les deux tiers de la consommation des
DOM. La quasi-totalité du stockage des trois DFA (450 000 m3) est
détenue par elle. La SARA étant la seule raffinerie de la région à
pouvoir fournir aux DFA les carburants routiers aux spécifications,
le complément d’approvisionnement doit venir de métropole (zone
ARA ou MED).
La distribution s’opère dans les trois départements au stade de gros et
de détail par les quatre actionnaires de la SARA : Total, Exxon-Mobil
L’organisation
des marchés
pèse sur les prix
181
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
(absent de Guyane), Texaco-Chevron, Rubis-Vito, auxquels s’ajoutent
trois indépendants.
La Sara dispose d’un monopole d’importation et de stockage de fait.
L’étroitesse et l’éloignement des marchés situés hors des routes maritimes fondent la recherche de la mutualisation des achats pour limiter
les coûts fixes. Les 4 actionnaires de la SARA agissent donc en situation de monopole de fait. Ce sont par ailleurs, des acteurs mondialisés
de la scène pétrolière internationale et ils disposent de ressources
de négoce (trading), basées sur les places mondiales de négoce. Les
opérateurs délégués déclenchent l’achat et l’affrètement des produits.
Ils se rémunèrent par des commissions5. Outre le monopole de fait
de la SARA, aucun outsider ne peut « économiquement » pratiquer
l’importation de produits, faute :
-
d’avoir un débouché assez large pour affréter à lui seul ses
propres cargaisons d’une taille minimale pour être économiques ;
-
d’assumer économiquement les risques du stockage nécessaire
des quantités.
Cette situation légitime l’intervention publique en matière de fixation
de prix :
-
avis du Conseil de la concurrence n°88-A-04 du 16 mars 1988
visant une dérogation au régime de liberté des prix et de la
concurrence, instauré par l’ordonnance 86-1243 du 1er décembre
2006 ;
-
la distribution de détail est en revanche relativement peu concurrencée : l’avis du Conseil de la concurrence n°88-A-04 du 16
mars 1988 note que « l’absence de concurrence au stade des
prix de gros limite la concurrence par les prix dans la distribution
de détail »6.
1.2. Les exemples des tarifs dans l’eau et les services bancaires
Dans son avis présenté au nom de la commission des Affaires sociales
sur le projet de loi de finances pour 2011, la sénatrice Anne-Marie
Payet apporte7 un éclairage complémentaire sur les tarifs des services
bancaires à partir d’une analyse comparée des tarifs pratiqués dans
les DOM et en métropole pour une grande banque. Elle en conclut
que les écarts constatés sont pour le moins « indécents » et qu’ils ne
peuvent pas s’expliquer, en l’espèce, « par des raisons objectives de
coût ou de risque pour l’établissement de crédit ».
5 Syndex, Approvisionnement en produits pétroliers dans les DFA, – Rapport d’étape au
Comité des parties prenantes, 11 juin, Point-à-Pitre.
6 Op. cit. note 5.
7 Avis présenté au nom de la commission des Affaires sociales sur la projet de loi de
finances pour 2011, tome III, Outre-mer, n°113.
L’organisation
des marchés
pèse sur les prix
182
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Source : Anne-Marie Payet, Avis présenté au nom de la commission des Affaires sociales
sur la projet de loi de finances pour 2011, tome III, Outre-mer, n°113
La question des tarifs des services bancaires est d’autant plus centrale
que ces derniers pénalisent fortement les ménages à faible revenu.
Celle du coût du financement pour les ménages et les entreprises
est également importante. Les données publiées régulièrement par
l’IEDOM sont sans appel à ce sujet. Les écarts constatés, quel que
soit le type de crédit, ne peuvent s’expliquer, pour les banques dont le
siège se trouve en métropole, par le coût du refinancement.
Les services bancaires ne sont pas les seuls services dont les prix sont
en moyenne nettement plus élevés qu’en métropole. Le prix et l’organisation du service public de l’eau ont focalisé les critiques du mouvement contestataire de février 2009, dit K5F. Le rapport de novembre
20108 confirme, s’il en était besoin, la cherté de l’eau à la Martinique.
8 Ministère de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement,
conseil général de l’Environnement et du Développement durable, CGEDD n°007091-01 ;
L’organisation
des marchés
pèse sur les prix
183
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Selon ce rapport, « le prix pondéré de l’eau au mètre cube payé par
les Martiniquais (4,45 € TTC) est plus élevé que le prix moyen en
métropole (3,01 € selon l’étude de 2008 de NUS Consulting sur le
prix de l’eau en Europe) en prenant en compte l’assainissement. Soit
un écart de prix de + 47 %. La facture d’eau est donc l’enjeu principal, d’autant plus que la consommation locale dépasse celle de la
métropole (respectivement 140 et 120 m3/an pour une famille de 4
personnes) et que les revenus sont sensiblement inférieurs : le poids
du poste eau dans le budget des ménages est donc plus lourd ».
2.
Formation des prix et surcoûts liés à
l’ultrapériphérie
Comparées aux régions européennes continentales, les régions ultrapériphériques présentent des caractéristiques originales. Plusieurs de
ces spécificités engendrent des coûts supplémentaires par rapport à
une activité de production ou de service localisée sur le continent.
Déjà évoquée dans le traité d’Amsterdam, la question des surcoûts
dans les régions ultrapériphériques, et plus particulièrement dans les
DOM, se pose avec acuité étant donné les écarts de prix entre les territoires domiens et la métropole.
La Martinique appartient ainsi a priori à la catégorie des territoires
caractéristiques des « petites économies insulaires », avec certaines
spécificités (ou handicaps) communes :
-
absence d’économies d’échelle ;
-
manque d’expérience et de savoir-faire dans certains domaines
sur le marché intérieur ;
-
faiblesse des infrastructures locales ;
-
éloignement géographique du continent européen, première
zone de relation économique et institutionnelle de la Martinique,
entraînant des coûts d’approche élevés ;
-
relative étroitesse des débouchés sur le marché intérieur.
Ces handicaps restent néanmoins à relativiser :
-
la proximité avec d’autres zones de consommation et de production (proches dans les Caraïbes) permet – en théorie – de
diversifier les débouchés ;
-
l’étroitesse du marché intérieur et l’absence d’économies
d’échelle est à fortement relativiser si l’on prend en compte
l’espace économique formé par l’ensemble des départements
français Antilles-Guyane. Cet ensemble représente une population de plus de 1 million d’habitants et un PIB par habitant de
17 154 € ;
-
au sein du bassin caribéen, la Martinique affiche le niveau de PIB
ministre de l’Agriculture, de l’Alimentation, de la Pêche, de la Ruralité et l’Aménagement
du territoire, conseil général de l’Alimentation, de l’Agriculture et des Espaces ruraux,
CGAAER n° 2055
L’organisation
des marchés
pèse sur les prix
184
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
par habitant le plus élevé en tenant compte du taux de change
dollars/euros. En parité de pouvoir d’achat, la richesse par habitant est 1,4 fois plus importante que celle de Trinidad et Tobago
et 3,3 fois plus forte que celle de la République dominicaine ;
-
les infrastructures de l’île ont été largement développées grâce
aux nombreux soutiens financiers et ne constituent plus un handicap majeur ;
-
si l’éloignement de l’île renchérit les coûts de transport, ce handicap est décuplé par les rentes intérieures le long de la chaîne
de distribution (compagnies maritimes, importateurs, distributeurs). La part de la cherté des coûts d’approche dans les prix
aux consommateurs est ainsi à relativiser.
Prix du fret maritime et impact sur les écarts de prix
La principale liaison entre l’Europe du Nord et les Antilles est assurée par six compagnies maritimes : CMA-CGM, AP-MollerMaersk (ci-après Maersk), Marfret, Wec-Holland-Maas (ci-après WEC), Geest Line et Horn Line.
Alors que Geest et Horn opèrent sur cette liaison avec leurs propres navires, les compagnies CMA-CGM, Marfret et Wec sont
liées par un accord de SCA (Slot Charter Agreement) et utilisent les navires de la CMA-CGM.
Sur la ligne Europe-Antilles, le prix du fret brut pour un conteneur 20’ ordinaire est, en moyenne tous clients et toutes compagnies confondus mais sans pondération par les quantités, de l’ordre de 1 400 €, avec des différences significatives, puisque
L’écart entre les meilleures conditions et les moins bonnes peut atteindre 300 €. De même, le prix du fret brut pour un conteneur
40’ est de l’ordre de 2 500 €, avec des écarts qui peuvent dépasser 600 € selon les clients et les compagnies.
Pour les conteneurs réfrigérés, les prix sont en moyenne dans une zone voisine de 2 000 € pour le 20’ et de 2 500 € pour le 40’.
En revanche, sur la route Nord, des Antilles vers Dunkerque, les conteneurs « reefer* » ne sont utilisés que pour le transport
des bananes, service qui ne donne lieu qu’à une seule négociation commerciale entre le groupement des producteurs et la
CMA-CGM. Il n’y a donc qu’un seul prix. Un monopsone fait face à un monopole. Aujourd’hui, les cargaisons de bananes sont
en totalité transportées en 40’ « reefer ». On observe une baisse des prix de 30 % sur dix ans (1998-2008) en valeur nominale,
ce qui correspond à une baisse bien plus importante en valeur réelle.
Globalement, l’appréciation du niveau absolu des prix n’est pas aisée, faute de marché fortement concurrentiel directement
comparable sur l’axe Europe-Caraïbes. Toutefois, l’Autorité de la concurrence relève plusieurs éléments qui laissent penser à
une forte distance avec un prix de pleine concurrence. Tout d’abord, converti en dollars, le prix moyen du marché après remises
commerciales s’établit à environ 1 800 US$ par EVP, prix incontestablement élevé au regard des prix observés sur les grandes
routes de fret maritime. En second lieu, l’Autorité constate qu’un armateur, non membre de la conférence, a baissé ses propres
tarifs sur la période 2006-2008 avec des gains de parts de marché. Il annonce de plus pour 2009 des prix sensiblement inférieurs aux prix moyens constatés jusqu’en 2008 au sein du SCA laissant supposer que l’exploitation de ce service serait encore
bénéficiaire à des niveaux de prix inférieurs.
* Conteneur équipé d’un compresseur pour produire du froid positif (produits frais) ou négatif (produits congelés).
Source : Autorité de la concurrence, avis n°09-1-45 du 8 septembre 2009 relatif aux mécanismes d’importation et de distribution
des produits de grande consommation dans les départements d’outre-mer
L’organisation
des marchés
pèse sur les prix
185
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
2.1. Éloignement économique et coût de transport
Économiquement, l’éloignement est susceptible de constituer un handicap majeur pour le développement d’un pays ou d’un territoire. Les
coûts de transport peuvent renchérir sensiblement le prix d’un produit
importé et réduire les bénéfices attendus de la participation au commerce extérieur par les exportations.
Néanmoins, éloignement géographique n’est pas synonyme d’éloignement économique. Il n’y a pas proportionnalité entre la distance
géographique et sa traduction économique (les coûts d’approche) :
la proximité avec une route maritime prime dans la détermination du
coût de fret, réduisant sensiblement ces coûts d’approche.
Si les coûts d’approche (de transport) sont souvent avancés comme
élément d’explication du différentiel de coût entre la Martinique et la
métropole, cet argument est à fortement nuancer.
Si, par construction, le poids relatif du fret dans la constitution des
prix devrait être d’autant plus élevé que le prix du bien est faible (à
l’inverse, plus un bien a de la valeur, moins la part relative de son coût
de transport dans le prix final devrait être importante), l’Autorité de la
concurrence constate l’inverse.
Malgré la cherté du fret à destination de la Martinique comparativement à d’autres destinations, celui-ci ne peut être considéré comme
véritablement constitutif des écarts de prix entre la Martinique et la
métropole.
Selon l’enquête de l’Autorité de la concurrence, le poids du fret représenterait 5 % à 15 % du prix de vente au consommateur à la Martinique. Néanmoins, les exemples fournis par l’Autorité ne reflètent pas
ces niveaux : Nesquick (1 kg) : 6,3 % ; spaghetti Panzani (1 kg) :
4,3 % ; gel douche Tahiti vanille (250 ml) : 5,4 %, savonnette Palmolive (4 x 100 g) : 4,3 %.
Par ailleurs, les Armateurs de France, en réponse à la mission sénatoriale sur la situation des départements d’outre-mer (M. Eric Doligé,
7 juillet 2009), ont affirmé que le poids du fret représentait de 3 % à
4 % du prix des produits dans les DOM (niveau jugé cependant inférieur à la réalité par la mission).
2.2. Surcoûts et performances des entreprises domiennes
L’analyse microéconomique conduite par le CNRS et l’ENSC9 à partir
des données microéconomiques recueillies sur un échantillon d’entreprises domiennes et métropolitaines pour l’année 2003 conclut
que, en définitive, aucune différence de performance significative
n’apparaît entre les entreprises domiennes et métropolitaines. Un
élément les distingue objectivement toutefois : le poids des besoins
en fonds de roulement et des subventions, tous deux plus élevés
9 CNRS, École normale supérieure de Cachan (ENSC), Évaluation des surcoûts économiques de l’ultrapériphéricité dans les DOM, juin 2005.
L’organisation
des marchés
pèse sur les prix
186
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
dans les DOM. Ces bonnes performances comptables des entreprises
tranchent toutefois avec l’appréciation des surcoûts par les entrepreneurs eux-mêmes, comme le souligne l’enquête conduite par le
CNRS et l’ENSC.
En définitive, les données bilancielles ne permettent pas de conclure
à une dégradation des performances des entreprises liée aux surcoûts découlant des handicaps (à la fois endogènes et exogènes) des
régions ultrapériphériques. En effet celles-ci s’adaptent à cette situation en augmentant les prix de vente. Dans la mesure où l’essentiel de
l’activité (production et services) est orienté vers les ménages, l’État
et les collectivités locales, ceux-ci supportent l’intégralité du surcoût
de production.
3.
Formation des prix et pouvoir de
marché à la Martinique
3.1. Dissonance du taux de profit brut et pouvoir de marché
Les surcoûts et la fiscalité indirecte à l’entrée sont sans conteste
à l’origine d’un écart avec les prix pratiqués en métropole. Toutefois, toutes choses égales par ailleurs, les entreprises domiennes,
puisqu’elles répercutent l’ensemble de ces coûts dans leurs prix de
vente, devraient dégager une profitabilité proche des entreprises
métropolitaines.
Partant de ce postulat, nous avons comparé les indicateurs de profitabilité des entreprises martiniquaises et métropolitaines, à partir des
seules données disponibles à ce jour :
-
d’une part, les données issues des comptes économiques régionaux sur la période 1998-2007 ;
-
d’autre part, pour l’année 2006, les données sectorielles issues
du tableau économique de la Martinique. Ces dernières complètent les données issues des comptes économiques régionaux,
toutefois avec un périmètre plus retreint, puisqu’elles ne portent
que sur les entreprises d’au moins 10 salariés ou d’au moins
800 000 € de chiffre d’affaires.
Le secteur de l’industrie
Ce secteur représente 8,3 % de la valeur ajoutée du secteur marchand et enregistre, sur la période considérée, une croissance plus
soutenue qu’en métropole, entre + 0,9 point et + 5,1 points suivant
les secteurs :
-
IAA (industries agricoles et alimentaires) : + 0,9 point ;
-
industrie des biens de consommation : + 2,5 points ;
-
industrie des biens d’équipement : + 5,1 points ;
Le pouvoir de marché
En économie, le pouvoir de marché
désigne à la base la capacité des
entreprises à fixer des prix supérieurs
au coût marginal afin que la vente soit
rentable. En matière de concurrence,
le pouvoir de marché est déterminé
à l’aide d’une analyse structurelle du
marché, notamment du calcul des parts
de marché, qui oblige à examiner s’il
existe d’autres producteurs des mêmes
produits ou de produits substituables
(substituabilité).
L’analyse d’un pouvoir de marché doit
également apprécier les barrières à
l’entrée ou à l’expansion et le degré
d’innovation. Elle peut, par ailleurs,
faire intervenir des critères qualitatifs,
tels que les ressources financières,
l’intégration verticale ou la gamme de
produits de l’entreprise concernée.
En définitive, sur un marché donné, le
pouvoir de marché se reflèterait in fine
dans les écarts de taux de profit entre
les acteurs.
L’organisation
des marchés
pèse sur les prix
187
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
-
industrie des biens intermédiaires : + 2 points.
En dehors de l’industrie des biens intermédiaires, cette dynamique
de croissance s’accompagne, pour certaines industries, d’une érosion du profit brut plus marquée qu’en métropole – c’est le cas des
IAA et de l’industrie des biens de consommation –, ou d’une croissance moins soutenue comme pour l’industrie des biens d’équipements (voir ci-contre).
Pour autant, sur la période 1998-2007, pour l’ensemble du secteur
industriel, le taux de profit brut (exédent brut d’exploitation rapporté
à la production) est nettement supérieur à la Martinique qu’en métropole (entre + 2,6 point et + 5,7 points suivant les secteurs) :
-
IAA : + 3,4 points ;
-
industrie des biens de consommation : + 2,6 points ;
-
industrie des biens d’équipement : + 5,7 points ;
-
industrie des biens intermédiaires : + 4,3 points.
Le secteur de la construction
Ce secteur représente 9,9 % de la valeur ajoutée du secteur marchand.
Sur la période considérée, il enregistre une croissance de l’activité
légèrement supérieure à celle du même secteur en métropole (+ 0,8
point), mais avec toutefois avec une croissance du profit brut moins
soutenue : + 5,8 % en Martinique, contre + 12,5 % en métropole.
Cependant, le taux de profit brut en moyenne sur la période demeure
nettement supérieur en Martinique : + 13,7 points.
Le secteur du commerce
Avec 17,9 % de la valeur ajoutée du secteur marchand, ce secteur
enregistre, sur la période considérée, une croissance légèrement
inférieure à celle du secteur commerce en métropole : + 1,1 point.
Toutefois, la croissance du profit brut est légèrement plus soutenue :
+ 1,6 % en Martinique contre + 1,3 % en métropole.
Le taux de profit brut sur la période est nettement supérieur en Martinique : + 5,4 points par rapport à la métropole.
L’organisation
des marchés
pèse sur les prix
188
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Bien qu’elle porte sur un périmètre plus restreint, l’enquête annuelle
d’entreprise (AEA 2006) réalisée par l’Insee10 apporte un éclairage sur
les écarts de profitabilité au sein du secteur du commerce. Si le taux
de profit brut apparaît relativement proche pour le commerce de gros
(+ 0,2 point), l’écart est plus signifiactif pour le secteur du commerce
et de la réparation automobile (2,7 points), ainsi que pour celui du
commerce de détail (+ 1,1 point).
Le secteur des services
Les services représentent 55,8 % de la valeur ajoutée du secteur marchand et, sur la période considérée, ils enregistrent une croissance
moins soutenue qu’en métropole, hormis pour le secteur des services
immobiliers.
Toutefois, sur la période considérée, le secteur des services à la Martinique dans son ensemble dégage un taux de profit brut supérieur à
celui du secteur des services en métropole :
-
transport : + 8,1 points ;
-
activités financières : + 9,9 points ;
-
activités immobilières : + 6,9 points ;
-
services aux entreprises : + 5,9 points ;
-
hôtels restaurants : + 7,5 points ;
-
services aux particuliers : + 12,7 points.
La mesure de la concentration dans le secteur du commerce
Une approche comparative de la structure des marchés fait apparaître, en règle générale, pour la majorité des secteurs de la branche
Commerce, des marchés plus concentrés en Martinique qu’en métropole, hormis pour certains secteurs spécifiques. :
Quelques secteurs se détachent, avec un taux de concentration particulièrement élevé comme le commerce de véhicules automobiles ou le
commerce en gros des produits agricoles bruts et d’animaux.
10 Insee Antilles-Guyane, Premiers résultats, n°30, avril 2008.
L’organisation
des marchés
pèse sur les prix
189
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Le secteur de la distribution dans les départements d’outre-mer
est dominé par des enseignes nationales également présentes
en métropole, principalement Carrefour, Cora et Casino. Au-delà de l’identité de certains opérateurs, le secteur de la distribution dans les DOM présente des caractéristiques plus spécifiques.
Source : Insee
Note : Un écart de 1 signifie que le poids relatif dans le total est identique et que la
structure de marché est la même. Si l’écart est inférieur à 1, alors la structure est plus
concentrée, mais s’il est supérieur à 1, elle est plus diffuse.
En premier lieu, le développement des enseignes nationales dans
les DOM s’est essentiellement appuyé sur des « master-franchises »
mises en place soit par des groupes de dimension nationale, soit par
de puissants opérateurs locaux, au premier rang desquels les groupes
Bernard Hayot et Gérard Huyghues-Despointes (pour le compte du
groupe Carrefour notamment). Certains de ces groupes, qu’ils soient
domiens ou métropolitains, recourent simultanément à des magasins
détenus en propre et à des franchises.
En second lieu, dans trois des quatre DOM, le secteur de la distribution alimentaire présente des niveaux de concentration relativement
élevés. À la Réunion, en Guyane et en Guadeloupe, certains groupes
de distribution détiennent ainsi des parts de marché, en surfaces commerciales, supérieures à 40 %, soit sur la totalité du département
concerné, soit dans une ou plusieurs zones.
En outre, certains de ces opérateurs exploitent également des structures communes. En particulier, deux franchisés du groupe Carrefour,
les groupes Bernard Hayot et Gérard Huyghues-Despointes, exploitent
une centrale d’approvisionnement commune en métropole et en Guadeloupe (leur participation dans le capital étant de 50 % chacun). Ils
exploitent également un hypermarché (Carrefour Millenis) en commun
– la société d’exploitation est détenue à 37 % par le groupe Bernard
Hayot et à 63 % par le groupe Gérard Huyghues-Despointes –, alors
que le groupe Bernard Hayot est détenteur d’un autre hypermarché
Carrefour concurrent du précédent (Destrelland).
L’organisation
des marchés
pèse sur les prix
190
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
3.2. Les groupes d’entreprises : un réel pouvoir qui
s’exerce bien souvent à travers des structures d’entreprise
très atomisées
L’étude CEROM sur les entreprises martiniquaises11 est la seule étude
disponible apportant un éclairage sur le poids des groupes en Martinique. À cet égard, la Martinique fait figure d’exception parmi les
économies ultra-marines, puisqu’elle compte un nombre de groupes
de sociétés nettement supérieur aux autres DOM. Ces entreprises,
souvent à caractère familial, occupent une place prépondérante dans
l’économie martiniquaise.
Fin 2004, l’IEDOM recensait quinze groupes dont la société mère était
domiciliée en Martinique. Ceux-ci génèrent, dans le département, un
chiffre d’affaires de 2,36 milliards d’euros (28,7 % du chiffre d’affaires
du secteur marchand hors énergie12), une valeur ajoutée de 626 millions d’euros (34 % de la VA du secteur marchand hors énergie)13 et
emploient 9 917 salariés, soit près de 30 % de l’emploi du secteur
marchand hors énergie14.
Par ailleurs, comme le souligne l’étude, ces groupes, au nombre de
quinze, ne sont pas les seuls à opérer dans l’île.
Certains groupes, dont les comptes ne sont pas disponibles en raison
de la localisation de leur siège à l’étranger, en métropole ou dans un
autre DOM, disposent à la Martinique d’établissements dégageant un
chiffre d’affaires supérieur à 30 millions d’euros. C’est notamment le
cas des grandes entreprises du secteur énergétique, avec EDF et la
SARA, qui ont réalisé respectivement un chiffre d’affaires de 110 et de
420 millions d’euros en 2004 dans le département et dont les sièges
sociaux se situent en France métropolitaine.
Les quinze grands groupes martiniquais étudiés ont été fondés à partir des années 1950. À l’origine, ils n’étaient constitués que d’une
ou plusieurs petites entreprises dont les activités se sont étendues
progressivement.
Les premiers groupes, nés dans les années 1950 et 1960, exercent tous
une activité de type commercial, le plus fréquemment dans la distribution alimentaire et l’automobile (groupes Lancry, Aubery puis Bernard
Hayot). L’unique groupe entièrement consacré à l’agroalimentaire en
Martinique, le groupe Huygues-Despointes naît dans les années 1950.
Par la suite apparaissent dans les années 1960 et jusqu’au début des
années 1970, les groupes dont le métier de base est plutôt de type
industriel, comme le groupe Gouyer avec l’extraction de roches ou le
groupe Laguarigue qui, à partir d’une activité de négoce de matériaux,
intervient également dans les domaines de la métallurgie et de la
construction.
11 Les entreprises martiniquaises –CEROM, Insee, IEDOM, AFD, 2007
12 Entreprises du secteur marchand hors énergie de plus de 9 salariés. Estimation Syndex.
13 Entreprises du secteur marchand hors énergie de plus de 9 salariés. Estimation Syndex
14 Entreprises du secteur marchand hors énergie de plus de 9 salariés. Estimation.
L’organisation
des marchés
pèse sur les prix
191
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Au début des années 1980, des groupes exerçant une activité dans
le tertiaire ont fait leur apparition, notamment dans les domaines des
télécommunications (groupe Outremer Télécom) et de l’environnement (groupe Seen). Puis, au milieu des années 1980, de nouveaux
investissements sont mis en œuvre dans la fabrication de peinture
par le groupe de Gentile, déjà présent dans le secteur du négoce
de matériaux en Martinique et en Guadeloupe. Il est rejoint, sur ce
segment de fabrication de peinture, par le groupe Holmex qui produit
également du rhum.
La plupart des groupes martiniquais sont des entreprises familiales :
parmi les quinze groupes de l’échantillon étudié :
-
onze sont détenus à plus de 50 % par leurs fondateurs (dont huit
à plus de 85 %) ;
-
deux autres sont dirigés par des membres des familles fondatrices, quand bien même le capital a été redistribué entre cette
dernière et d’autres actionnaires ;
-
enfin, deux groupes de création récente ne sont pas des entités
à caractère familial.
Les sociétés qui constituent aujourd’hui les filiales ont été créées,
en général, avant les holdings. Pour chaque groupe, la société mère
est née d’une volonté des associés de rassembler les sociétés déjà
existantes au sein d’un même ensemble économique. Par la suite, le
développement et la diversification du groupe sont intervenus de deux
manières :
-
par la création de succursales et de départements de la société
mère, l’objectif étant de conserver une seule entité juridique ;
L’organisation
des marchés
pèse sur les prix
192
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
-
par la création de nouvelles filiales spécialisées et distinctes juridiquement les unes des autres, mais toutes contrôlées par la
société mère.
En Martinique, c’est le second mode de développement qui a été privilégié par les grands groupes afin de bénéficier des mesures propres
aux DOM relatives à l’allègement des charges sociales et autres subventions allouées dans le cadre de la LODEOM (voir ci-contre l’organisation du groupe Seen).
Par ailleurs, en raison des mécanismes de défiscalisation destinés à
favoriser l’activité économique dans les départements et collectivités d’outre-mer, il existe dans l’environnement de tous les groupes
une ou plusieurs sociétés civiles immobilières (SCI) propriétaires des
bâtiments d’exploitation, qu’elles louent aux différentes entités du
groupe. Ces SCI sont le plus souvent soit des filiales, soit la propriété
des actionnaires du holding.
4.
Éléments de conclusion : effets conjugués de la fiscalité et des marges sur les prix
et la vie chère
Considérant que les surcoûts inhérents à l’insularité étaient répercutés dans les prix, l’écart de taux de profit brut d’exploitation (entre
la Martinique et la métropole) représente l’effet de l’organisation des
marchés martiniquais sur les prix.
L’avis de l’Autorité de la concurrence a mis l’accent sur la question
de la structure des marchés de la grande distribution alimentaire,
qualifiée de peu concurrentielle et dominée par des enseignes présentes en métropole. Cette situation n’est pas propre à la grande
distribution alimentaire ; elle concerne aussi bien la distribution
automobile que l’équipement de la maison ou encore de la personne, à travers une concentration horizontale des enseignes. Par
ailleurs, la concentration n’est pas un phénomène propre au secteur de la distribution : nombre de secteurs de l’industrie sont
dominés par une ou deux entreprises en position d’oligopole ou
de duopole (voire de monopole) et disposant d’un réel pouvoir de
marché.
À la Martinique, pour l’ensemble du secteur marchand15, l’effet sur
les prix, lié à l’écart de profitabilité économique brut, sur la période
1998-2006, peut être évalué en moyenne à plus de 9,1 %. Cette
moyenne, comme toute moyenne, est très sensible aux valeurs extrêmes et a le défaut de masquer des situations assez contrastées
suivant les secteurs.
Source : Insee, traitement Syndex
En effet, les effets prix sont le plus marqué dans les secteurs de la
construction et des services, variant de près de 14 % pour le secteur
de la construction à + 5,4 % pour l’ensemble du commerce.
15 Hors énergie et agriculture, pêche et forêt.
L’organisation
des marchés
pèse sur les prix
193
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Dans l’industrie, les écarts de prix s’étagent dans une fourchette plus
resserrée entre + 5,6 % pour les industries de biens d’équipements et
+ 2,5 % pour les industrie de biens de consommation.
Au niveau des ménages, les prix intègrent ainsi non seulement les
surcoûts liés aux handicaps structurels comme l’insularité ou encore
l’éloignement, mais également ceux liés à l’ensemble des coûts d’organisation et de transaction relatifs à la structuration des marchés.
Par ailleurs, les prix intègrent les surmarges de chacun des acteurs
tout au long de la chaîne de valeur. Au final les écarts de prix avec
la métropole sont d’autant plus élevés que le nombre d’acteurs est
important, car les prix intégrant les écarts de profitabilité pour chaque
étape du circuit de distribution.
En règle générale et de façon schématique, on peut distinguer deux
circuits de distribution :
-
un circuit court : l’importateur est aussi le distributeur avec, pour
les produits locaux, l’absence de grossiste entre le producteur et
le distributeur ;
-
un circuit long : le distributeur s’approvisionne auprès d’un importateur ou d’un grossiste lui-même intermédiaire d’un producteur local ou un importateur.
Dans le cas d’un produit importé, le prix de détail sera ainsi majoré en
moyenne de 6 % par rapport au prix métropole, du simple effet des
écarts de profit économique brut du secteur du commerce. De plus,
viennent s’y ajouter les surcoûts liés à l’éloignement, mais également
ceux liés au prix des services locaux, dont les services financiers,
les télécommunications et les transports, sans oublier l’effet des surmarges sur octroi de mer.
Dans le cas d’un circuit court pour un produit local, par exemple un
produit de l’industrie agroalimentaire, le prix de détail sera majoré
de près de 10 % par rapport au même produit en métropole, sous le
seul effet des surmarges de l’industrie agroalimentaire et du secteur
du commerce, sans même prendre en compte les surcoûts évoqués
précédemment.
Le caractère central des prix dans la mobilisation du début 2009 ainsi
que la persistance de ce sujet parmi les préoccupations des habitants
des DOM expliquent qu’un des cinq thèmes des États généraux de
l’outre-mer a porté sur « la formation des prix, les circuits de distribution et le pouvoir d’achat ».
Concernant la formation des prix, l’insularité, ou encore la fiscalité domienne ne peuvent être retenues comme seuls facteurs à l’origine des
écarts de prix avec la métropole. L’organisation des marchés apparaît
être un facteur structurant qui nécessite que soient mis en place les
outils adaptés :
-
un renforcement de la disponibilité d’éléments statistiques, afin
de permettre une réelle surveillance du niveau et de la formation
des prix d’une part ;
-
un contrôle strict des services de la concurrence dans certains
L’organisation
des marchés
pèse sur les prix
194
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
secteurs économiques afin de dynamiser la concurrence, d’autre
part.
Par ailleurs, une réflexion sur l’organisation des marchés doit être
entamée avec les acteurs économiques, afin de favoriser le raccourcissement des circuits de distribution ou encore la mutualisation de
certains coûts (logistique, transport par exemple).
L’organisation
des marchés
pèse sur les prix
195
Évolution
nécessaire du
dispositif d’octroi
de mer
3.
Apparu au XVIIe siècle et perçu dès 1670 à la Martinique sous
la dénomination de « droit de pied », l’octroi de mer est un mode
d’imposition spécifique aux départements d’outre-mer. Ses taux
sont décidés par les conseils régionaux et les recettes affectées aux
collectivités territoriales du département de prélèvement.
Depuis les années 1960, l’octroi de mer est utilisé comme outil
d’appui à la production locale et au développement économique, à
travers, d’une part, les différentiels de taux entre production locale et
importations et, d’autre part, les exonérations pouvant être accordées
à certains produits.
Depuis le 1er janvier 1995, les régions de Guadeloupe et de Martinique
constituent un territoire fiscal unique en ce qui concerne la TVA,
des accises et de l’octroi de mer : les produits en provenance de
Guadeloupe à leur arrivée sur le territoire martiniquais (et vice versa),
ne sont donc pas soumis à l’octroi de mer (ainsi qu’à la TVA et les
accises).
1.
Le fonctionnement de l’octroi de mer
1.1. L’évolution légale de l’octroi de mer
La compétence dans la fixation des taux ainsi que des exonérations
– dans les limites des écarts de taxation autorisés – a été transférée
des conseils généraux aux conseils régionaux des DOM, le 2 août
1984. Le conseil régional de chaque DOM est donc seul compétent
pour décider du niveau de taxation.
Jusqu’au 31 décembre 1992, l’octroi de mer ne concernait que les
produits importés (et constituait ainsi une taxe d’effet équivalent
à un droit de douane). Consécutivement à la décision du Conseil
européen 89/688/CE du 22 décembre 1989, la France a dû modifier
sa législation et étendre la taxation à la production locale, afin de
se conformer au principe de non-discrimination de l’Acte unique
européen de 1986.
Néanmoins, la France a obtenu du Conseil européen l’autorisation
pour les conseils régionaux d’exonérer d’octroi de mer, totalement ou
196
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
partiellement, les productions locales « au regard des handicaps qui
pèsent sur les activités de production industrielle dans les départements
français d’outre-mer » et, ainsi, de favoriser certaines productions
pour des motifs de développement économique. Ces exonérations
restent soumises à accord de la Commission européenne.
Par ailleurs, la demande française de ne pas faire payer l’octroi de
mer sur les produits fabriqués localement par les entreprises dont le
chiffre d’affaires annuel est inférieur à 550 000 euros a été acceptée
par l’Union européenne.
Ces mesures sont transposées en droit français et mises en application
avec la loi du 17 juillet 1992 pour une durée de dix ans.
En 2002, le Conseil européen a refusé la demande de reconduction
pour dix ans déposée le 12 mars 2002 par la France, jugée
incomplète. Après une reconduction d’un an du précédent régime, la
France a présenté une nouvelle demande le 14 avril 2003, intégrant
des perfectionnements qui découleraient des réflexions avec les
différentes parties prenantes (État, régions, communes, organisations
socioprofessionnelles).
Au titre du droit communautaire applicable actuellement, c’est la
décision du Conseil du 10 février 2004 (2004/162/CE) relative au
régime de l’octroi de mer dans les départements français d’outre-mer
qui proroge la décision 89/688/CE, autorisant la France à maintenir
le régime de l’octroi de mer et, en particulier, les écarts de taxation
entre production locale et biens importés. Au niveau français, la loi du
2 juillet 2004, complétée par le décret d’application du 30 décembre
2004, fixe le régime actuel pour dix années.
Dans sa décision 2004/162/CE du 10 février 2004, le Conseil européen
précise bien que « le niveau de taxation doit être adapté de manière
à ce que le différentiel de taxation, en ce qui concerne l’octroi de
mer, n’ait pour objet que de compenser ce handicap et ne transforme
pas cet impôt en une arme protectionniste remettant en cause les
principes de fonctionnement du marché intérieur ».
Au regard du droit communautaire, l’octroi de mer n’est donc pas
considéré comme un droit de douane mais comme un impôt indirect
local. Les recettes de l’octroi de mer doivent être affectées, à travers
une stratégie de développement économique et social, à la promotion
des activités locales.
Toutefois, cette autorisation du maintien de l’octroi de mer n’est
valable que pour dix ans et arrivera à expiration le 1er juillet 2014.
1.2. Modalités et affectations actuelles du régime d’octroi
de mer
Il existe actuellement trois types de taxes d’octroi de mer, déterminés
en fonction de leur affectation :
-
à destination des communes, à travers une dotation annuelle
globale garantie ;
L’octroi de mer
197
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
-
à destination de la région (octroi de mer additionnel ou octroi de
mer régional) ;
-
à destination du Fonds régional pour le développement et l’emploi (FRDE).
La dotation annuelle globale garantie à destination des
communes
Les conseils régionaux, par leurs décisions en matière de taux,
déterminent le niveau de la dotation annuelle globale garantie
répartie entre les communes. Son montant est au moins égal au
montant de l’année précédente, majoré par la hausse des prix à la
consommation – hors tabac – des ménages pondérée par l’évolution
du PIB en volume.
L’octroi de mer additionnel à destination des régions
Depuis 1984, la région perçoit un octroi de mer additionnel (appelé
également octroi de mer régional – OMR) sur la même assiette que
l’octroi de mer. Les taux sont fixés pour chaque produit par les conseils
régionaux et ne peuvent excéder 2,5 %.
Le fonctionnement du Fonds régional pour le développement et l’emploi
Institué en 1992, le FRDE sert initialement à soutenir l’investissement des communes en faveur du développement de l’emploi
et de l’installation d’entreprises, en affectant une part des recettes de l’octroi de mer (solde après versement de la dotation
annuelle globale garantie) par nature variable – cette part dépendant de la croissance économique et principalement du
niveau d’importation.
L’instauration de ce fonds vise en premier lieu à maîtriser la croissance des budgets communaux (en cas de forte croissance
des recettes d’octroi de mer) et à affecter ainsi les surplus de recettes « conjoncturelles » à des mesures de développement
économique et d’emploi dans le secteur marchand.
Depuis le 1er janvier 2005 (consécutivement à la loi de 2004), le FRDE est réparti en deux parts :
•
80 % correspondent à une dotation d’équipement local (DEL), destinée en priorité au financement de projets facilitant
l’installation d’entreprises et la création d’emplois ; elle est répartie entre les communes au prorata de leur population
(avec une majoration de 20 % pour les chefs-lieux de département et de 15 % pour les chefs-lieux d’arrondissement) ;
•
20 % des fonds sont destinés aux investissements relevant de la région (dans le développement économique, l’aménagement du territoire et le désenclavement).
L’octroi de mer
198
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Le Fonds régional pour le développement et l’emploi
(FRDE)
Les ressources du Fonds régional pour le développement et l’emploi
(FRDE) sont constituées du solde entre le produit global de l’octroi de
mer et le montant de la dotation annuelle globale garantie (si – cas
extrême – le solde est négatif, le FRDE n’est pas abondé).
L’affectation des fonds issus des recettes d’octroi de
mer
La gestion de l’octroi de mer (perception, contrôle et recouvrement)
est assurée par la direction générale des Douanes et des droits
indirects (DGDDI). Étant donné ce coût de traitement par la DGDDI,
l’État perçoit un prélèvement égal à 2,5 %1 du produit brut de l’octroi
de mer (soit environ 4,4 M€ en 2010).
Affectation des recettes de l’octroi de mer
1.3. Les différentiels de taux entre production locale et
importation
À la suite de la décision du Conseil de l’Union européenne du 10 février
2004, chaque région classe les produits en trois catégories A, B ou C,
permettant une taxation plus élevée pour les produits ne provenant
pas des DOM comparativement à ceux en provenance des DOM :
-
pour les produits présents à l’annexe A, l’écart de taxation ne
peut dépasser 10 points de pourcentage : les produits de base et
ceux ayant trouvé un relatif équilibre entre production locale et
production extérieure seraient concernés ;
-
pour les produits présents à l’annexe B, l’écart de taxation ne
peut dépasser 20 points de pourcentage : les produits nécessitant des investissements lourds et influant sur les prix de revient
1 Ce taux est passé de 1,3 % en 1992 à 2,5 % en 2004.
L’octroi de mer
199
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
des biens fabriqués localement pour un marché limité seraient
concernés ;
-
pour les produits présents à l’annexe C, l’écart de taxation ne
peut dépasser 30 points de pourcentage : les produits fabriqués
par des entreprises de grande taille et les produits d’une très
grande vulnérabilité par rapport aux importations en provenance
des pays voisins des DOM seraient concernés.
À ces trois catégories s’ajoute un différentiel de 50 points applicable
à la Réunion et à la Guyane pour les alcools, en particulier le rhum.
De plus, les écarts de taxation peuvent être majorés de 5 points
supplémentaires de pourcentage lorsqu’ils concernent des productions
locales d’entreprises ayant un chiffre d’affaires inférieur à 550 000 euros.
Exemple : pour un produit appartenant à l’annexe C, si
la production locale est taxée d’un octroi de mer à 5 %,
le taux maximal auquel peut être taxé ce même produit
s’il est importé est de 35 %. Si, de plus, ce produit est
produit localement par une entreprise ayant un chiffre
d’affaires inférieur à 550 000 euros, le produit importé
peut être taxé jusqu’à 40 %.
Les conseils régionaux peuvent ainsi moduler les taux dans la limite
de ces écarts maximaux afin de soutenir leurs productions locales.
Néanmoins, cette révision est encadrée. Le Vade-mecum sur l’octroi
de mer2 indique : « la révision (ajout de produits ou modification des
écarts autorisés) des listes de produits soumis à écart de taxation
est prévue par l’article 30 [de la loi n°2004-639 du 2 juillet 2004
relative à l’octroi de mer] : le conseil régional transmet une demande
circonstanciée au représentant de l’Etat, justifiant l’inscription de
nouveaux produits sur les listes en annexe. La demande doit être
effectuée une fois par an au cours du 1er trimestre de l’année civile,
excepté en 2004 et en cas de mise en péril d’une production locale.
La décision est prise par le Conseil [européen], sur proposition de la
Commission [européenne]. »
La décision finale dans les écarts de taxation entre production locale
et importations relève ainsi de la compétence du Conseil européen,
après proposition de la Commission européenne (cette dernière
retenant – ou non – les propositions faites par les conseils régionaux
des DOM et relayées par les représentants de l’État français).
1.4. Les exonérations d’octroi de mer
Des exonérations et réductions d’octroi de mer existent. Elles doivent
s’inscrire dans la stratégie de développement économique et social
du département d’outre-mer et ne concernent qu’une liste détaillée
de produits. Deux types d’exonération existent : les exonérations
obligatoires et les exonérations facultatives.
2 Vade-mecum sur l’octroi de mer, régime issu de la loi n°2004-639 du 2 juillet 2004
(mise à jour septembre 2006), DGDDI.
L’octroi de mer
200
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Les exonérations obligatoires
Elles concernent :
-
les exportations : les biens expédiés ou transportés hors de la
région de production sont exonérés d’octroi de mer. Pour les
exportations intra-DOM, le principe est que les produits ne sont
taxés qu’une seule fois ;
-
les livraisons de biens réalisés par les petites entreprises dont
le chiffre d’affaires est inférieur à 550 000 euros3. En cas de
dépassement de ce seuil au cours d’une année n, l’entreprise cesse d’être exonérée le 1er janvier de l’année n+ 1 ;
-
les importations de biens bénéficiant de franchises de droits et
taxes en vigueur, avec une franchise spécifique :
-
pour les marchandises transportées par des voyageurs en
provenance de l’Union européenne, jusqu’à 880 euros,
-
pour les petits envois non commerciaux en provenance de
l’Union européenne, jusqu’à 180 euros.
Les exonérations facultatives
Les conseils régionaux peuvent exonérer cinq types de marchandises :
-
les matériels d’équipement destinés à l’industrie hôtelière et
touristique ainsi que les produits, matériaux de construction,
engrais et outillages industriels et agricoles (les biens d’investissement admis en exonération doivent être conservés dans un
délai de trois ans) ;
-
les matières premières destinées à des activités locales de production ;
-
les équipements destinés à l’accomplissement des missions régaliennes de l’État ;
-
les équipements sanitaires destinés aux établissements de santé
publics ou privés ;
-
les biens réimportés dans leur état initial par la personne qui les
a exportés (régime des retours4).
3 Établissement principal et établissements secondaires, pour un chiffre d’affaires total
réalisé dans l’ensemble des départements d’outre-mer.
4 Le régime des retours permet aux entreprises des pays membres de l’Union européenne
d’exporter momentanément des marchandises pour les réimporter en l’état en franchise
de droits et taxes. Ce régime peut concerner deux types d’opérations :
- les exportations, puis réimportations, dont le caractère temporaire du séjour à l’étranger
est prévu dès le départ (présentation dans des foires ou salons, échantillons commerciaux,
marchandises exportées en consignation dans un but de prospection commerciale) ;
- les exportations à titre définitif, dont la réimportation résulte d’un cas fortuit (matériel
défectueux refusé par le client étranger).
Le régime est accordé sans autorisation du service des douanes.
L’octroi de mer
201
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
2.
Objectif premier : maintenir une ressource stable pour les collectivités locales et
en premier lieu les communes
L’octroi de mer constitue avant tout un outil fiscal, permettant une
affectation directe et stable des recettes aux collectivités locales
(région et communes à la Martinique) du territoire de perception.
Source : IEDOM (d’après les comptes administratifs), traitement Syndex
Les communes sont les premiers bénéficiaires de l’octroi de mer : la
dotation annuelle globale garantie, calculée en référence au montant
versé l’année précédente, leur permet de disposer d’une ressource
croissante et sûre. À la Martinique en 2008, l’octroi de mer constituait
53 % des recettes fiscales des communes et 40 % de celles de la
région.
Le solde versé au FRDE dépend de la situation économique et n’est
pas garanti. En raison de la situation économique en 2009 et 2010,
avec des niveaux d’activité (et d’importation) en baisse importante,
les fonds affectés au FRDE en 2010 et 2011 ont sensiblement baissé.
3.
Impacts de l’octroi de mer sur
l’organisation économique
3.1. Le soutien à l’économie locale
L’octroi de mer constitue un outil de soutien à l’économie locale par :
-
les différentiels de taux existant entre production locale et production importée ;
-
les exonérations obligatoires et les exonérations facultatives.
Selon une mission de l’Inspection générale des finances et de
l’administration en 2002 à la Réunion, le soutien à la production locale
réunionnaise de l’octroi de mer est évalué à 110 M€ (données 2000).
Globalement, ce soutien représenterait 21,9 % de la valeur ajoutée
créée par le secteur industriel.
L’octroi de mer peut ainsi être considéré comme un soutien à
l’économie des départements d’outre-mer.
L’octroi de mer
202
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Néanmoins, depuis 2004, les différentiels de taux entre les produits
importés et ceux fabriqués localement sont restés relativement
constants. De même, depuis 2004, les tarifs d’octroi de mer n’ont
été modifiés qu’une seule fois à la Martinique, en 20095, et cette
modification concernait exclusivement des baisses de taux d’octroi de
mer (ainsi que d’octroi de mer régional).
Le développement des secteurs « protégés » étant maintenant acquis
(par exemple eau, rhum, tabac…), ces secteurs ne sont plus forcément
prioritaires et il conviendrait de s’interroger sur les nouvelles activités
qui auraient des effets d’entraînement élevés en termes de contenu
local (valeur ajoutée et emploi) dans l’économie martiniquaise.
3.2. Effets inflationnistes dus au cumul des surmarges sur
l’octroi de mer
Pour un même niveau de ressource fiscale, un même niveau de prix
CAF6 à l’arrivée et des niveaux de marge similaires (marge grossiste
de 30 % et marge détaillant de 28 %), le prix de vente au consommateur varie selon qu’il est soumis à l’octroi de mer – et avec une
TVA réduite – (cf. système actuel) ou non – avec une TVA normale (cf.
alternative 2).
De même, la déductibilité de l’octroi de mer (à l’image de la déductibilité de la TVA) entraînerait une baisse sensible des prix, avec une
faible baisse des ressources fiscales (cf. alternative 1).
Dans le système actuel, les différentiels de prix de vente avec les
alternatives 1 et 2 se retrouvent dans les marges du grossiste et du
détaillant, une partie découlant de marges sur octroi de mer.
Comparativement à l’alternative 1, le niveau de perceptions de TVA
dans le système actuel est également supérieur en raison de la prise
en compte de l’octroi de mer dans le prix de référence (il s’agit donc
d’une TVA dont l’assiette intègre un autre impôt, l’octroi de mer).
L’octroi de mer ne dispose ainsi pas de la même neutralité fiscale que
la TVA : calculé sur les prix CAF, il engendre une marge sur taxes tout
au long de la chaîne de distribution depuis l’arrivée du bien sur le
territoire jusqu’à sa vente au consommateur.
En définitive :
-
plus le taux d’octroi de mer est élevé, plus le différentiel de prix
résultant des marges sur octroi de mer (perçues par le grossiste
et le détaillant) est élevé ;
-
plus le nombre d’intermédiaires est élevé (circuit de distribution
long), plus les surmarges sur octroi de mer se multiplient ;
-
à l’inverse, un système centré uniquement sur la TVA (comme en
métropole) n’a pas d’incidence sur les marges (neutralité fiscale).
5 Délibération n°09-549-1 du 28 avril 2009 du conseil régional.
6 CAF : coût, assurance, fret. Prix CAF : prix du bien importé avant impôts et droits sur
les importations et avant marges.
L’octroi de mer
203
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Simulation à partir d’un octroi de mer élevé (23%)
L’octroi de mer
204
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Simulation à partir d’un octroi de mer faible (5%)
L’octroi de mer
205
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Ces éléments ont été mis en avant en 2006 par la Chambre régionale
des comptes (CRC) de la Réunion7, pour qui le fonctionnement de
l’octroi de mer entraîne ainsi un potentiel d’inflation sur les produits
importés en raison de :
-
son application à la valeur CAF : il intègre donc l’assurance et le
fret dans sa valorisation ;
-
l’amplification de cet effet depuis l’importation jusqu’à la distribution, les marges étant calculées, contrairement à la TVA, sur
les prix de revient incluant l’octroi de mer (marge sur taxes), le
fret et l’assurance.
Plus récemment, en 2009, l’Autorité de la concurrence8 indique pour
l’ensemble des DOM : « la définition particulière de l’assiette de
l’octroi de mer – définie comme prix CAF, c’est-à-dire le prix d’achat
augmenté des coûts de fret – implique également que l’impact de
l’octroi de mer sur le prix payé par le consommateur est accru par les
charges de transports engagées lors de l’importation des produits. »
3.3. Manque de moyens dans l’évaluation des mesures
mises en œuvre
Au niveau des différentiels de taux et exonération
d’octroi de mer
À notre connaissance, depuis la mise en place de la nouvelle
législation sur l’octroi de mer à la Martinique 2004, aucune étude
d’impact du dispositif, pourtant spécifié dans le décret n°2004-1550
n’a véritablement été mise en œuvre.
Ainsi, les mesures mises en place ne font pas l’objet d’une évaluation
ex-post, permettant de procéder à une analyse coût/avantage pour
chaque différentiel ou exonération. Par ailleurs, ces mesures qui, par
nature, devraient être temporaires (afin de renforcer la compétitivité
d’un secteur dans sa phase de structuration) apparaissent relativement
pérennes, avec peu d’évolution dans les taux, les différentiels de taux
et les exonérations depuis 2004.
Utilisation des fonds provenant de l’octroi de mer
Concernant l’utilisation des fonds en provenance de l’octroi de mer, la
complexité des procédures (en particulier du FRDE) et/ou le manque
de compétences au niveau de la région et des communes ont pu
engendrer des difficultés de décaissements ainsi que l’affectation
à des projets de faible envergure ou encore être détournés de leur
objectif premier dans le développement et l’emploi sur le territoire.
7 Rapport d’observations définitives sur la gestion de l’octroi de mer à la Réunion,
Chambre régionale des comptes de la Réunion, novembre 2006.
8 Avis n°09-A-45 du 8 septembre 2009 relatif aux mécanismes d’importation et de
distribution des produits de grande consommation dans les départements d’outre-mer.
L’octroi de mer
206
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
3.4. Le seuil de 550 000 euros incite au maintien d’un faible
niveau de développement des petites et moyennes entreprises
Afin de pouvoir conserver le bénéfice de l’exonération d’octroi de
mer, les petites et moyennes entreprises doivent conserver un
chiffre d’affaires annuel inférieur à 550 000 euros. Cette disposition
« couperet » (dès ce niveau de chiffre d’affaires atteint, aucune
exonération n’est plus appliquée) peut constituer une incitation au
maintien de structures de taille limitée et ainsi favoriser :
-
un objectif de développement concentré sur la recherche de
marges (au détriment de la recherche de croissance) ;
-
le montage de structures complexes permettant aux agents économiques de « capter » cet avantage d’exonération tout en ne
favorisant pas la transparence économique.
Pour pallier ces effets pervers, il pourrait être envisagé un système
permettant de réguler ce seuil à travers :
-
l’établissement de règles sur la réalité des groupes d’entreprises
en matière fiscale (via l’intégration fiscale par exemple) ;
-
la représentativité des salariés, qui corrigerait le désavantage
de compter une multitude de PME (via les unités économiques
et sociales) ;
-
pour les entreprises dépassant le seuil de 550 000 euros de
chiffre d’affaires, une sortie plus progressive du dispositif d’exonération d’octroi de mer avec, temporairement, le maintien du
bénéfice de l’exonération pour la tranche du chiffre d’affaires
correspondant à 550 000 euros.
4.
Impacts de l’octroi de mer sur les ressources des collectivités locales
4.1. Manque d’effort dans le développement des autres
sources de recettes fiscales des collectivités locales
La prépondérance de l’octroi de mer dans les recettes fiscales
des communes (à travers la dotation globale garantie, stable et
automatique) et de la région a pu les pousser (en particulier les
communes) à limiter leurs efforts afin de développer et améliorer les
rendements et ressources de ses autres outils fiscaux. La fiscalité
directe (taxes d’habitation, taxe foncière et taxe professionnelle)
demeure ainsi relativement faible dans le total des ressources fiscales
des collectivités locales9.
9 Bien que le potentiel fiscal dans les DOM soit plus faible qu’en métropole
L’octroi de mer
207
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Extrait du décret n° 2004-1550 du 30 décembre 2004 pris pour l’application de la loi n° 2004-639 du 2
juillet 2004 relative à l’octroi de mer
Art. 11. Pour l’application du deuxième alinéa de l’article 31 de la loi du 2 juillet 2000 susvisée, les conseils
régionaux transmettent au représentant de l’Etat au plus tard à la fin du premier trimestre de chaque année un
rapport annuel sur les écarts de taxation à l’octroi de mer et à l’octroi de mer régional.
Ce rapport annuel précise par produits de la nomenclature tarifaire combinée et par secteur d’activités les
justifications économiques des écarts de taux d’octroi de mer et d’octroi de mer régional fixés par délibérations
du conseil régional.
Les exonérations effectivement mises en œuvre au cours de l’année civile précédente dans chaque département d’outre-mer font l’objet d’une annexe détaillée par produits.
Le rapport annuel permet de s’assurer que les exonérations accordées par les conseils régionaux sont à la fois
nécessaires et proportionnelles au regard des handicaps structurels permanents subis par les entreprises de
production des départements d’outre-mer.
Le rapport établit notamment une distinction entre les exonérations prévues par les articles 5, 6, 7 et 37 de la
loi du 2 juillet 2004 susvisée.
Le rapport annuel comporte un examen de la portée économique des mesures d’exonération au regard du
développement économique attendu dans les différents secteurs d’activités économiques où exercent les
entreprises de production des départements d’outre-mer.
Le rapport annuel précise le montant de la dépense fiscale pour la collectivité par secteurs d’activités.
Les délibérations adoptées par le conseil régional au cours de l’année civile précédente sont annexées au
rapport.
Pour l’élaboration du rapport prévu au présent article, les administrations financières transmettent aux conseils
régionaux les informations statistiques et non nominatives.
Extrait du décret n°2004-1550 du 30 décembre 2004 pris pour l’application
de la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer
Article 4 I. - Pour l’application des articles 5 et 37 de la loi du 2 juillet 2004 susvisée et à la condition que le conseil
régional ne mette pas en œuvre les dispositions du dernier alinéa de l’article 5, les assujettis dont le chiffre
d’affaires atteint ou dépasse le seuil de 550 000 euros en cours d’année cessent d’être exonérés de plein droit
de l’octroi de mer et de l’octroi de mer régional le 1er janvier de l’année civile suivant celle au cours de laquelle
l’atteinte ou le franchissement du seuil est intervenu. Il en est de même lorsque l’atteinte ou le dépassement
de ce seuil intervient au cours de la première année d’activité.
II. - Si le conseil régional ne met pas en œuvre les dispositions du dernier alinéa de l’article 5 de la loi du 2
juillet 2004 susvisée, les entreprises de production visées à l’article 7 de la loi du 2 juillet 2004 susvisée dont
le chiffre d’affaires relatif à leur activité de production passe en dessous du seuil de 550 000 euros sont exonérées de plein droit de l’octroi de mer et de l’octroi de mer régional à compter du 1er janvier de l’année civile
suivant celle au cours de laquelle leur chiffre d’affaires de production est passé en dessous du seuil.
L’octroi de mer
208
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
4.2. Une fiscalité apparaissant injuste et dont échappe en
grande partie le secteur des services
Malgré des taux moins élevés pour les produits de première nécessité,
l’octroi de mer constitue une imposition indirecte sur l’ensemble
des produits qui, par nature, touche indifféremment l’ensemble des
consommateurs, quel que soit leur niveau de revenu.
De plus, l’octroi de mer entraîne des distorsions de taxation entre
secteurs, puisqu’il ne touche que les produits physiques. Ainsi, le
secteur des services (peu voire pas utilisateurs de produits physiques)
bénéficie-t-il mécaniquement d’une imposition attractive. Il n’est, en
effet, soumis qu’à un taux de TVA réduit (8,5 %) en application dans
les DOM (sans être soumis à l’octroi de mer). Comparativement, en
métropole, le secteur des services est soumis au même taux de TVA
(19,6 %) que les autres secteurs.
L’intégration du secteur des services, dont les activités dans leur
ensemble sont peu concurrencées à l’international, à l’assiette
d’imposition permettrait de développer le potentiel fiscal de la
Martinique. À terme, de nouvelles ressources fiscales pour le territoire
seraient donc disponibles.
5.
Les scénarios possibles d’évolution du
dispositif d’octroi de mer
5.1. Scénario 1 : en cas de maintien de l’octroi de mer après
2014, un perfectionnement du système est nécessaire, en
premier lieu à travers sa déductibilité
L’octroi de mer constitue un outil fort de développement local,
permettant à la fois de soutenir les entreprises martiniquaises et
d’affecter directement des ressources aux collectivités locales du
territoire (correspondant à un substitut de TVA qui, elle, n’est pas
affectée au territoire).
Néanmoins, s’il a assuré son rôle de ressource fiscale, il n’a pas
pleinement atteint son rôle de soutien à l’économie locale et est un
des facteurs importants de la vie chère à la Martinique. Face aux
difficultés dans sa gestion, les acteurs publics (régions, services
étatiques déconcentrés, Commission et Conseil européens), dans leurs
interprétations incertaines, n’ont pas eu une implication suffisante
afin de favoriser une gestion « dynamique » de cet outil.
Si le dispositif d’octroi de mer est susceptible d’être renouvelé en
2014, il convient de le perfectionner et de le rendre plus transparent :
-
il doit continuer d’encourager l’émergence d’activités économiques sur le territoire martiniquais avec un important contenu
local - emplois et valeur ajoutée ;
-
il doit permettre le maintien de recettes importantes pour les
L’octroi de mer
209
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
collectivités locales, en particulier pour les communes (bien qu’il
convienne de développer d’autres sources de recettes fiscales,
en particulier dans la fiscalité directe) ;
-
-
-
l’analyse prospective (ex-ante) des impacts des mesures envisagées ainsi que l’évaluation des mesures passées (ex-post)
doivent être effectives :
-
l’évolution des taux d’octroi, les exonérations et différentiels
de taux, la péréquation des recettes entre communes et leur
pertinence au regard des objectifs de développement économique doivent être évalués,
-
cette évaluation doit associer l’ensemble des partenaires
économiques et sociaux et faire émerger les décisions de la
région en toute indépendance10 ;
enfin, le principe de neutralité fiscale doit être atteint :
-
l’octroi de mer ne doit pas entraîner les effets cumulatifs de
surmarges sur taxes le long du circuit de distribution (depuis
l’importation du bien jusqu’à sa distribution), vecteur d’effets
inflationnistes et de surcoûts pour les consommateurs,
-
il ne doit pas toucher indifféremment l’ensemble des personnes, quel que soit leur niveau de revenu,
-
l’effet pervers d’une économie centrée sur les PME doit être
levé, en permettant aux secteurs identifiés comme prioritaires de continuer à bénéficier des exonérations – tout du
moins sur une période déterminée – et en garantissant le
maintien de l’exonération pour une part de l’activité correspondant à 550 000 euros, même si ce chiffre d’affaires et
dépassé ;
la sensibilisation au niveau européen (Commission et Conseil
européens) ne doit pas uniquement transiter par les représentations des entreprises martiniquaises : l’ensemble des acteurs
économiques et sociaux doit être intégré à cette réflexion.
Le perfectionnement du dispostif d’octroi de mer ne doit néanmoins
pas masquer le fait que seuls les biens y sont assujettis. Le secteur
des services (hormis à travers leurs consommations intermédiaires de
produits) sont exclus du champ de l’octroi de mer.
Plusieurs études sont en cours sur l’octroi de mer et son maintien audelà de 2014 au niveau du ministère de l’Outre-mer et des conseils
régionaux des différents DOM : l’ensemble des acteurs doit être
sensibilisé dans une démarche de transparence afin de favoriser la
connaissance commune de cet outil. Il est, par ailleurs, souhaitable
que cet outil soit véritablement coordonné avec les autres outils de
10 Cette évaluation ne peut se cantonner à la seule Commission nationale d’évaluation
des politiques de l’État outre-mer, créée en application de la loi du 27 mai 2009 pour le
développement économique outre-mer et par le décret du 1er septembre 2010 (n°20101048), bien que cette dernière puisse jouer un rôle majeur dans la coordination des
travaux.
L’octroi de mer
210
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
soutien à l’économie locale, ce qui n’a pas forcément été le cas jusqu’à
maintenant.
Enfin, afin d’en limiter les effets inflationnistes, la solution la plus
appropriée serait la mise en œuvre de sa déductibilité qui permettrait
une baisse sensible des prix aux consommateurs de l’ensemble des
produits y étant soumis, et ce avec un niveau de ressources fiscales
proche. En parallèle, les entreprises, également bénéficiaires de cette
mesure doivent s’engager aussi sur le maintien de taux de marges
similaires.
5.2. Scénario 2 : en cas de non-renouvellement de l’octroi
de mer en 2014, un transfert vers la TVA permettrait de disposer d’un dispositif fiscal plus transparent et plus juste
L’abandon de l’octroi de mer au profit d’une hausse des taux de TVA
(actuellement réduits dans les DOM) peut apparaître comme une
alternative opportune, conditionnée néanmoins :
-
d’une part, à la garantie de son affectation aux recettes fiscales
des collectivités martiniquaises (région et communes) ;
-
d’autre part, au maintien de différentiels de taux entre importations et productions locales afin de maintenir une politique incitative dans l’économie locale.
À l’image des différentiels de taux existant pour l’octroi de mer, des
différentiels de taux de TVA (et exonérations), tout comme l’affectation des ressources aux budgets des collectivités martiniquaises
apparaissent compatibles avec l’article 349 (ex-article 299) du traité
de l’Union européenne11 et l’article 73 de la Constitution française12.
Comparativement à l’octroi de mer, la TVA dispose d’un grand nombre
d’atouts :
-
contrairement à l’octroi de mer, elle est neutre fiscalement et
n’a pas d’incidence sur le cumul des marges le long du circuit de
distribution, facteur de « vie chère » important ;
-
le potentiel fiscal serait supérieur, avec une assiette qui serait
étendue à l’ensemble des produits et services (et non plus seulement aux produits) ;
-
elle permettrait une meilleure transparence fiscale, les complexités du dispositif de l’octroi de mer n’étant qu’imparfaitement connues de l’ensemble des acteurs économiques et de la
population.
11 « Les mesures visées au premier alinéa [mesures spécifiques visant à fixer les
conditions de l’application des traités à ces régions] portent notamment sur les politiques
douanières et commerciales, la politique fiscale, les zones franches, les politiques dans les
domaines de l’agriculture et de la pêche, les conditions d’approvisionnement en matières
premières et en biens de consommation de première nécessité, les aides d’État et les
conditions d’accès aux fonds structurels et aux programmes horizontaux de l’Union. »
12 « Les collectivités régies par le présent article peuvent être habilitées, selon le cas, par
la loi ou par le règlement, à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, dans
un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi ou du règlement. »
L’octroi de mer
211
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Par ailleurs, la TVA étant déjà en place à la Martinique, les coûts
et procédures « d’adaptation » depuis l’octroi de mer (perçu par
les douanes) vers la TVA (perçue par les services fiscaux) seraient
relativement limités.
L’octroi de mer
212
4.
Ressources publiques
et spécificités
de la fiscalité à la
Martinique
Les finances publiques domiennes ont une influence importante sur le
pouvoir d’achat des ménages. En effet :
-
d’une part, au regard de leurs spécificités (éloignement,
insularité, absence d’économies d’échelle, etc.), les DOM
disposent de ressources publiques complémentaires, en
particulier en provenance de l’Europe, devant permettre
une croissance rapide et une convergence vers la situation
économique et sociale existante en métropole ; ces objectifs
ont un impact sur le pouvoir d’achat des ménages, à travers
les politiques sociales et d’emploi mises en œuvre ;
-
d’autre part, le dispositif fiscal domien connaît un nombre
important de spécificités qui affecte le pouvoir d’achat des
ménages.
1.
Ressources en provenance de
métropole et d’Europe
1.1. La progression des transferts nets depuis la métropole
Les transferts nets (dépenses – recettes) de l’État depuis la
métropole, comprenant les budgets des administrations d’État (y
compris les fonds européens) ainsi que les prestations sociales (RMI/
RMA, assurance maladie, assurance vieillesse, assurance chômage),
ont fortement augmenté sur longue période. Ces transferts nets à la
Martinique représentent 1,5 milliard en 2007 et 1,4 milliard en 2008.
Depuis les années 1990, l’augmentation de ces transferts est portée
principalement par les fonds européens dans le cadre des objectifs de
convergence.
1.2. Les fonds européens et leur coordination avec les
instruments nationaux
Tout comme les autres régions d’Europe, la Martinique est éligible aux
fonds structurels européens ; les dernières programmations ont été
mises en place pour les périodes 2000-2006 puis 2007-2013.
213
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Fiscalité
214
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Le Programme opérationnel 2007-2013 de la Martinique
(source : Commission européenne)
Objet et finalité du programme
La stratégie du Programme opérationnel, en cohérence avec les orientations stratégiques communautaires et le cadre stratégique
national, vise à :
•
renforcer la spécialisation des secteurs ayant déjà développé une expertise et identifier les secteurs émergents ;
•
poursuivre le désenclavement géographique et numérique du territoire ;
•
assurer une bonne gestion de l’environnement et une bonne préservation du patrimoine naturel ;
•
améliorer l’accès à la formation et à l’emploi pour favoriser le dynamisme économique ainsi que l’accès aux activités sportives
et aux soins de santé.
Effets escomptés des investissements
La mise en œuvre du programme repose sur des objectifs à atteindre d’ici à 2013 :
•
le dépôt de 70 brevets ;
•
le recrutement de 39 chercheurs, dans les secteurs public et privé ;
•
la réalisation d’un saut technologique pour 210 à 280 entreprises ;
•
la création de 140 à 175 start-ups.;
•
la conclusion de 2010 accords de collaboration entre instituts de recherche et entreprises ;
•
la génération de 175 nouveaux procédés ou produits ;
•
l’augmentation de 64 à 67 % du taux d’entreprises ayant une longévité moyenne de trois ans ;
•
l’amélioration du réseau de transport urbain et son extension à 274 000 personnes ;
•
l’extension de la télé-déclaration en ligne à 30 établissements publics ;
•
l’extension à 311 établissements scolaires du réseau à haut débit ;
•
l’augmentation du nombre de nuits en hôtel de 2 % par an, soit de 1 100 000 à 1 268 000 ;
•
l’amélioration des capacités d’approvisionnement en eau potable, de 137 000 à 147 000 mètres cubes ;
•
la réduction des tonnes de CO2, estimée à 174 000.
Priorités
La mise en œuvre du programme de développement régional repose sur sept domaines d’intervention :
•
le développement économique, l’innovation et la recherche ;
•
l’accessibilité du territoire ;
•
la mise en valeur du potentiel local ;
•
la gestion de l’environnement ;
•
la poursuite de l’effort en matière d’équipements, d’éducation et de santé dans la perspective de garantir la cohésion sociale ;
•
la compensation des surcoûts résultant de l’ultrapériphérie et d’autres handicaps structurels ;
•
l’assistance technique.
Fiscalité
215
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Par ailleurs, l’Union européenne prend en considération la situation
spécifique des régions ultrapériphériques (RUP) et les handicaps
auxquels elles sont confrontées, en leur allouant des majorations
spécifiques. Ainsi, la politique européenne de cohésion 2007-2013 a
prévu pour les départements d’outre-mer français :
-
des niveaux d’assistance des fonds structurels (FEDER et FSE)
majorés de 85 % ;
-
une allocation spécifique pour compenser les surcoûts imputables aux handicaps liés à leur condition de région ultrapériphérique. Cette allocation représente 481,6 millions d’euros pour
les quatre premiers départements d’outre-mer sur la programmation 2007-2013, soit 120,3 millions pour la Guadeloupe, 107
millions pour la Martinique, 206 millions pour l’île de la Réunion
et 48,3 millions pour la Guyane.
Sur la période 2007-2013, les fonds européens représentent 624 M€
de crédits ouverts. Néanmoins, fin 2009, les crédits versés ne représentaient que 4 % des crédits ouverts, et les crédits engagés 13 %1.
En effet, la complexité des procédures européennes a pu engendrer
un allongement des délais de décaissement. En outre, l’engagement
(puis le décaissement) des fonds européens est conditionné par la
mise en œuvre d’une contrepartie nationale, prévue dans le cadre du
programme opérationnel (PO) et des contrats de projet État-région
(CPER).
Afin d’harmoniser les programmes nationaux et européens et afin de
répondre au principe d’« additionnalité » requis par les procédures
européennes2, le calendrier des contrats de projet État-région (CPER)3
1 À titre de comparaison, fin 2009 les crédits européens versés fin 2009 à la Réunion
représentaient 10 % des crédits ouverts, et les crédits engagés 30 %.
2 L’article 15 du règlement N°1083/2006 du Conseil européen portant disposition des
fonds structurels européens indique que les crédits des fonds structurels européens ne
peuvent se substituer aux dépenses structurelles publiques nationales que l’État maintient
dans l’ensemble des régions concernées. Une vérification de la mise en œuvre effective
de ce principe d’additionnalité est prévue en 2011, à mi-parcours de la programmation
2007-2013, et d’ici à la fin 2016.
3 Les CPER, créés initialement en 1982, sont des documents dans lesquels l’État et une
région (ainsi que d’éventuelles autres collectivités) s’engagent sur une programmation
pluriannuelle pour le financement de projets dans le domaine de la cohésion économique,
Fiscalité
216
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
est calé sur les programmes européens. La dernière programmation
du CPER est ainsi en phase avec la programmation européenne sur la
période 2007-2013.
La déclinaison martiniquaise du contrat intègre le département. Le
CPERD (contrat de projet État-région-département) pour la Martinique dispose de 457 M€ de crédits publics ouverts (155,3 M€ de
l’Etat, 165,7 M€ du Conseil régional et 134,1 M€ du Conseil général), auxquels s’ajoutent les crédits européens (190,9 M€ au titre du
FEDER, 46,5 M€ du FEADER, 8 M€ du FSE et 4 M€ du FEP – soit un
total de 249,4 M€).
Néanmoins, tout comme pour les fonds d’origine européenne, les
fonds nationaux du CPERD connaissent un niveau faible d’engagement (14 % du total des fonds à fin 2009) et de versement (1,9 %
à fin 2009).
Concernant le principe « d’additionnalité » requis au niveau européen, M. Doligé indique dans son Rapport d’information au Sénat sur
la situation des départements d’outre-mer n°519 (7 juillet 2009) :
« cette règle a vocation à responsabiliser les collectivités territoriales
et à garantir la pertinence et la qualité des investissements. Si, de
manière générale, elle est vertueuse, dans les DOM, de nombreuses
communes sont dans des situations budgétaires telles qu’elles ne sont
pas en mesure d’apporter cette part des fonds nécessaire à l’obtention
des subventions ».
Par ailleurs, les difficultés de montage des dossiers et, par conséquent, de décaissement des fonds européens résultent d’un manque
de maîtrise des procédures par les collectivités locales, auquel il
convient de remédier.
L’après-2014 : les perspectives des fonds européens à
la Martinique
Avant 2004, les régions ultrapériphériques françaises étaient classées
parmi les régions les plus pauvres de l’Union européenne (avec un
PIB par habitant inférieur à 75 % de la moyenne européenne). Dans
le cadre de la politique européenne de convergence, elles bénéficient
actuellement (sur la programmation 2007-2013) d’importants fonds
structurels.
L’intégration successive dans l’Union européenne (2004 et 2007) de
douze nouveaux États a entraîné mécaniquement une diminution du
niveau moyen de la richesse par habitant. De ce fait, certains DOM (et
en particulier la Martinique, son PIB par habitant se rapprochant du
seuil de 75 %) pourraient ne plus être éligibles à l’ensemble des fonds
de convergence à partir de 2014.
Pour la programmation 2007-2013, un régime transitoire dégressif
(nommé « phasing-out ») est accordé aux régions qui auraient été
éligibles à l’objectif « convergence » si le seuil était resté à 75 % du
sociale et culturelle des territoires (par exemple des projets d’infrastructure ou de soutien
à certaines filières).
Fiscalité
217
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
PIB par habitant moyen de l’UE à 15, et non à 25. Le maintien de ce
principe n’a pas encore été arrêté pour la programmation débutant
en 2014.
Néanmoins, le seuil calculé pour l’ensemble de l’Union européenne ne
devrait pas, en définitive, être encore atteint à la Martinique en 2014,
qui continuerait ainsi à être éligible à l’ensemble des outils européens
de convergence après 2014.
2.
Les spécificités de la fiscalité
à la Martinique
2.1. Le financement des collectivités locales
Une fiscalité locale assise principalement sur la fiscalité indirecte, aux dépens de la fiscalité directe
Comme pour les autres DOM, la fiscalité de la Martinique est
historiquement assise sur les intrants sur le territoire, à travers les
droits de douanes. Aujourd’hui, l’impôt indirect (octroi de mer, TVA,
taxe sur la consommation de tabac) constitue la principale source de
recettes des collectivités locales réunionnaises.
Fiscalité
218
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Les ressources fiscales des collectivités locales réunionnaises sont
déséquilibrées, s’appuyant principalement sur l’impôt indirect, la
fiscalité directe demeurant limitée.
À l’inverse, les recettes de l’État à la Martinique sont équilibrées entre
impositions directe et indirecte et suivent les mêmes tendances.
Une part des recettes fiscales en progression mais
encore limitée dans les ressources des collectivités
locales
En 2008, les recettes fiscales représentent respectivement 73 %,
58 % et 58 % des recettes de fonctionnement de la région, du
département et des communes martiniquaises.
Comparativement aux collectivités de métropole, les recettes de l’impôt indirect sont très élevées à la Martinique, en particulier pour la
région et le département4. À l’inverse, les recettes des impôts directs
sont faibles et ne représentent, en 2008, que 8 % des recettes de
fonctionnement de la région et 15 % de celles du département.
2.2. Une fiscalité directe avantageuse pour les contribuables
L’abattement de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur
les sociétés
Outre les mesures de défiscalisation introduites (ou renouvelées) dans
le cadre de la LODEOM, les assujettis à l’impôt sur les sociétés (IS)
et à l’impôt sur le revenu (IR) bénéficient de mesures d’abattement
supplémentaires comparativement à la métropole.
Pour l’impôt sur les sociétés, l’abattement est d’un tiers de l’impôt
sur les sociétés : les résultats (bénéficiaires ou déficitaires) des
exploitations situées dans les DOM ne sont retenus, pour le calcul de
l’impôt sur les sociétés, que pour les deux tiers de leur montant.
4 Le département récupère, depuis 2005, une fraction de la taxe intérieure sur les produits
pétroliers (TIPP).
Fiscalité
219
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Au final, seuls les ménages disposant de revenus élevés bénéficient véritablement de la mesure d’abattement
d’IR de 30 %.
Pour mémoire, à la Martinique, seulement 14,9 % des foyers fiscaux ont un revenu supérieur à 28 751 € et
seulement 5,4 % supérieur à 48 750 € (données DGFiP revenus de 2007).
Fiscalité
220
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Pour l’impôt sur le revenu, l’abattement, de 30 %, est plafonné à
5 100 € à la Martinique (comme à la Guadeloupe et la Réunion) ; une
réduction de 16 % des plus-values de cession de titres est également
appliquée.
Comme le montrent les simulations suivantes, seule une faible part (la
plus aisée) de la population bénéficie de cette mesure d’abattement
de l’IR.
La faiblesse du rendement des taxes de la fiscalité
directe locale
Les taxes de fiscalité directe locale sont :
-
la taxe d’habitation, à laquelle sont soumises les personnes physiques et entreprises ;
-
la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) ;
-
la taxe foncière sur les propriétés non bâties ;
-
la contribution économique territoriale (CET) et l’imposition forfaitaire des entreprises de réseau (IFER), appliquées aux entreprises (remplace la taxe professionnelle depuis 2011).
Fiscalité
221
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Le rendement de ces taxes est plus faible à la Martinique qu’en
métropole, principalement en raison :
-
d’un recensement de la base fiscale plus faible (bien qu’elle soit
progressivement améliorée) ;
-
de la faiblesse des bases d’imposition elles-mêmes, en raison
des exonérations spécifiques concernant la taxe d’habitation et
les taxes sur le foncier ;
-
d’une base d’imposition centrée en priorité sur l’imposition indirecte (octroi de mer, droit de consommation sur le tabac, TVA).
2.3. La fiscalité indirecte, première source de recettes pour
les collectivités locales
Elle repose sur quatre outils, parmi lesquels l’octroi de mer et la TVA.
L’octroi de mer, principale source de financement des
communes et financeur important des régions
L’octroi de mer a pour avantage la simplicité de son prélèvement (à
l’entrée), notamment pour une île comme la Martinique, où seuls
deux points de contrôle existent : le port et l’aéroport. Il constitue la
première source de recettes fiscales pour les communes et assure une
forte contribution au budget de la région (cf. partie 4).
La taxe spéciale de consommation sur les produits
pétroliers (TSC)
Elle se substitue à la TIPP perçue en métropole et est affectée au budget de
la région. Cette ressource est destinée principalement au développement
des routes à travers le fonds d’investissement routier (FIR).
Fiscalité
222
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Droit de consommation sur le tabac
Cette ressource est décidée par le département et affectée à son
budget. Son montant (en taux) est compris entre 66 % et 100 % du
prix de vente au détail en France métropolitaine.
TVA : taux réduits et TVA NPR
En matière de TVA, les DOM sont considérés comme des territoires
tiers vis-à-vis de l’Union européenne : les biens en provenance de
France métropolitaine (ou tout autre État) sont considérés comme des
importations, et la TVA est payée à l’arrivée de la marchandise.
Les taux de TVA sont plus faibles qu’en métropole afin de compenser
– en partie – la taxation découlant de l’octroi de mer.
Plusieurs exonérations de TVA existent5 (article 295 du code général des Impôts). Elles bénéficient par exemple aux transports maritimes de personnes et de marchandises (effectués dans les limites de
chaque département), à certaines importations de matières premières
et produits destinés principalement à destination des activités hôtelières et touristiques (article 50 undecies I de l’annexe IV du code
général des Impôts), aux ventes de produits pétroliers.
Une exception au paiement de la TVA existe également avec la TVA
non perçue récupérable (TVA NPR). Découlant d’un courrier ministériel de 1953, la TVA NPR permet de déduire de la TVA collectée
le montant fictif de TVA qui aurait été dû si les biens n’avaient pas
été exonérés. Il s’agit donc d’une mesure d’incitation qui avait initialement pour objectif de répercuter cette économie en coûts sur les
prix de vente au consommateur. Néanmoins, la mesure se présente
davantage comme une subvention.
Si la loi sur le développement économique de l’outre-mer (LODEOM)
a légalisé la TVA NPR en 2009, elle l’a recentrée sur les seuls biens
d’investissement productifs neufs acquis (ou importés) et sur certains intrants (comme les matériaux de construction). Les achats de
matières premières et de produits par les entreprises n’y étant plus
éligibles, une compensation par une aide au fret a été décidée.
5 L’équivalent de ces exonérations représente environ 100 M€ par an (pour la Martinique,
Guadeloupe et Réunion) selon le document de politique transversale outre-mer 2011.
Fiscalité
223
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
3.
La poursuite d’une stratégie de
développement axée sur l’incitation
fiscale avec la LODEOM
3.1. Des mesures de défiscalisation des investissements
dans le secteur productif et le logement remontant aux
années 1980
Afin de favoriser l’investissement outre-mer dans les domaines ciblés
des secteurs productifs et dans le logement, tout en cherchant à
limiter les dépenses publiques, une stratégie de défiscalisation est
suivie dans les DOM depuis le milieu des années 1980, avec les lois
Pons en 1986, Paul en 2001 et Girardin en 2003.
Le dispositif fonctionne à travers une incitation fiscale (réduction d’au
moins 50 % de l’IR pour les personnes physiques et réduction de
l’IS pour les entreprises). Ces réductions concernent les contribuables
domiciliés en France métropolitaine comme les contribuables
domiciliés dans les DOM.
Le dispositif de défiscalisation a été modifié dans le cadre de la loi
n° 2009-594 pour le développement économique de l’outre-mer
(LODEOM), promulguée le 27 mai 2009, qui présente le nouveau
cadre de développement des DOM.
3.2. Des dispositions de la LODEOM principalement centrées sur la défiscalisation
Les principales dispositions de la LODEOM visent le soutien au pouvoir
d’achat, à l’économie et aux entreprises, à la relance de la politique
du logement et la continuité territoriale. Ces mesures concernent6 :
-
la réglementation des prix des produits de première nécessité ;
-
les zones franches d’activité ;
-
la défiscalisation des investissements productifs ;
-
l’exonération de cotisations sociales et le plan d’apurement des
dettes ;
-
l’aide à la rénovation hôtelière ;
-
le fonds exceptionnel d’investissement ;
-
la défiscalisation du logement social ;
-
le dispositif Scellier outre-mer ;
-
la continuité territoriale ;
-
la valorisation de la bagasse ;
6 Source : Rapport d’information sur la mise en application de la loi n°2009-594 du 27
mai 2009 pour le développement économique de l’outre-mer, Assemblée nationale, 29
septembre 2010.
Fiscalité
224
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
-
les mesures au bénéfice des entreprises domiennes.
La LODEOM s’appuie ainsi principalement sur des mesures d’incitation
fiscale pour le développement économique de l’outre-mer.
Les mesures de soutien au pouvoir d’achat
Les mesures de soutien au pouvoir d’achat concernent :
-
la possibilité de réglementer, par décret en Conseil d’État, le prix
de vente des produits de première nécessité (finalement non
mise en œuvre, après l’avis de l’Autorité de la concurrence ne
considérant pas que la concurrence par les prix soit « suffisamment » limitée) ;
-
la mise en place des observatoires des prix et des revenus
(OPR) ;
-
la possibilité de verser aux salariés un bonus exceptionnel de
1 500 € (par an et durant trois ans) exclu de l’assiette de toute
cotisation et contribution sociale.
Les mesures de soutien à l’économie et aux entreprises
centrées sur les allègements fiscaux
Les zones franches d’activité (ZFA)
L’instauration de zones franches d’activité par la LODEOM a renforcé l’allègement des prélèvements fiscaux concernant les entreprises,
en augmentant les abattements sur les bénéfices imposables et en
instaurant de nouveaux abattements.
En contrepartie, l’entreprise bénéficiaire s’engage à des mesures supplémentaires dans la formation professionnelle.
Le dispositif de ZFA pourrait concerner 20 000 entreprises d’outremer (estimation faite lors de l’élaboration de la loi) ; néanmoins
aucun élément ne permet de connaître véritablement le nombre de
bénéficiaires.
La défiscalisation des investissements productifs
Le dispositif permet au contribuable redevable de l’IR de réduire son
impôt de 50 % du montant des investissements réalisés outre-mer.
Les mesures d’exonérations spécifiques de charges
sociales7
Afin de développer les activités économiques et l’emploi dans les
départements d’outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon, un dispositif
d’exonération de cotisations patronales de Sécurité sociale au profit
de certaines entreprises installées en outre-mer a été mis en place.
7 Source : Iedom.
Fiscalité
225
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
L’article 25 de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique
des outre-mer (LODEOM) a modifié le régime de cette exonération :
-
dépenses éligibles : cotisations sociales des salariés des entreprises, employeurs et organismes de droit privé dues à compter
du 1er avril 2009 ;
-
dépenses exclues : cotisations sociales dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Le dispositif comprend un régime général et un régime préférentiel
(dit « exonération renforcée »).
La défiscalisation dans le logement, centrée
principalement sur le logement social
L’assiette de la réduction d’impôt est limitée à une surface comprise
entre 50 et 150 mètres carrés.
Trois changements sont introduits par la LODEOM : l’extinction de
la loi Girardin, la création d’incitations fiscales pour le financement
de logements sociaux et de résidences pour personnes âgées, et
l’application, avec des taux plus favorables, du dispositif Scellier.
Les principales autres mesures
L’aide au fret
L’aide au fret concerne les entreprises situées dans les départements
d’outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon, Mayotte, Saint-Barthélemy,
Saint-Martin et Wallis-et-Futuna. Elle est destinée à abaisser le coût
du fret des matières premières ou produits :
importés dans ces départements ou ces collectivités pour y entrer dans un cycle de production ;
-
exportés vers l’Union européenne après un cycle de production
dans ces départements ou ces collectivités.
L’aide au fret en matière d’export ne concerne donc qu’exclusivement
les échanges avec l’Union européenne8.
Aide à la rénovation des établissements hôteliers
Les établissements hôteliers de plus de 15 ans peuvent bénéficier
pour leur rénovation d’une aide de 7 500 € par chambre, dans la limite
de 100 chambres (valable une fois). Les travaux doivent être réalisés
directement par l’exploitant, et avoir fait l’objet d’un agrément du
ministre du Budget.
8 Le décret n°2010-1687 du 29 décembre 2010 concernant l’aide au fret prévoit dans son
article 4 que le niveau de compensation des coûts de transport ne peut dépasser 75 %
de la base éligible (avec une aide de l’Etat limitée à 25 % du coût total éligible). L’aide au
fret devra faire l’objet d’un rapport annuel établi par le représentant de l’État dans chaque
département (et communiqué aux observatoires des prix)
Fiscalité
226
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Le fonds exceptionnel d’investissement (FEI)
Ce fonds, créé dans le cadre de la LODEOM, vise à apporter une aide
financière de l’État aux personnes publiques des collectivités d’outremer et de Nouvelle-Calédonie. Les crédits du fonds ont été abondés
en 2009 dans le cadre du Plan de relance de l’économie : 158 M€
d’autorisations d’engagement (AE) et 46 M€ de crédits de paiement
(CP) ont été consommés en 2009.
Ramené par la loi de finances 2010, à 40 M€ d’AE et 17 M€ de CP,
l’abondement à ce fonds en 2011 comprend 10 M€ d’AE et 21,5 M€ de
CP (dont 19 M€ servant à payer des actions déjà engagées, moins de
3 M€ pouvant servir à de nouvelles opérations).
En définitive les fonds véritablement mobilisables dans le cadre du FEI
sont extrêmement limités.
3.3. Les « coups de rabot » de la dépense fiscale dans les
DOM dans le cadre de la loi de finances 2011
La loi de finances 2011 prévoit de réduire les effets des mesures de
défiscalisation. Si les mesures en métropole concernent principalement
l’application d’une réduction moyenne de 10 % sur l’ensemble des
dispositifs, les avantages fiscaux spécifiques des DOM évoluent de
manière différenciée, avec le maintien des mesures prioritaires de
soutien de l’emploi et du logement social.
Pour les investissements productifs industriels outre-mer, la baisse
de 10 % du taux de défiscalisation est prévue (uniquement côté
investisseur, l’exploitant ultramarin conservant le même avantage).
4.
Faible efficacité des mesures de défiscalisation au regard des coûts et effets pervers en découlant
4.1. Consensus sur la carence d’évaluation des mesures de
défiscalisation et leurs coûts associés
Toutes les analyses, qu’elles émanent de l’administration (inspection
générale des Finances, inspection générale de l’Administration), de la
Cour des comptes (Conseil des prélèvements sociaux) ou encore de
missions parlementaires ou sénatoriales, partagent le même constat
vis-à-vis des mesures d’incitation fiscale dans les DOM : elles se
révèlent illisibles et ne font pas l’objet de mesures d’évaluation (ni
lors de leur mise en place, ni rétrospectivement) sur l’effectivité – ou
non – des résultats attendus.
Fiscalité
227
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Définition de la dépense fiscale
L’expression « dépenses fiscales »
est apparue en 1979 dans le
rapport annuel du Conseil des
impôts. La loi de finances de 1980
dispose que le gouvernement
retracera l’évolution des dépenses
fiscales dans le fascicule Voies et
moyens annexé au projet de loi de
finances. Le fascicule annexé à la
loi de finances de 1981 donne une
définition de la notion de dépense
fiscale : « peut être qualifiée de
dépense fiscale toute disposition
législative ou réglementaire dont la
mise en œuvre entraîne pour l’État
une perte de recettes et donc pour
le contribuable un allégement de
sa charge fiscale par rapport à ce
qui serait résulté de l’application
de la norme, c’est-à-dire des
principes généraux du droit fiscal
français ».
On remarque immédiatement
que cette définition implique
que la norme fiscale soit fixée.
Or, aucun document officiel ne
décrit l’ensemble des principes
de la fiscalité française. Aussi ne
s’étonnera-t-on pas que, au fil du
temps, le concept de dépense
fiscale évolue. En 1998, une
nouvelle définition est donnée. Les
critères désormais mis en avant
sont l’ancienneté et, surtout, « le
caractère général de la mesure :
une disposition applicable à la
grande majorité des contribuables
peut être considérée comme la
norme (par exemple, l’abattement
de 20 % sur les traitements et
salaires). À l’inverse, l’avantage
accordé à une catégorie particulière de contribuables ou d’opérations constitue une dépense
fiscale ».
Source : Conseil des prélèvements
obligatoires, octobre 2010
4.2. Les effets pervers de la défiscalisation
La dépense fiscale à la Martinique (et dans les DOM) :
manque à gagner pour la collectivité
Les mesures d’incitation fiscale constituent une dépense fiscale, dans
le sens où elles entraînent, pour l’État, une perte de recette.
Pour l’ensemble de l’outre-mer (il n’existe pas d’éléments chiffrés
pour chaque département), la dépense fiscale estimée pour 2011
est de 3,2 milliards d’euros selon le dernier document de politique
transversale (DPT).
Néanmoins, ces éléments restent à prendre avec précaution, des
différences importantes existant d’une année sur l’autre dans les
chiffres annoncés9. Il convient, par ailleurs, de retrancher de ce
montant de dépense fiscale la partie de réduction des taux de
TVA que récupèrent les communes et régions d’outre-mer sous
forme d’octroi de mer (soit 1 160 M€ prévus en 2009), ainsi
que la TIPP (131 M€ en 2009).
Des mesures inégalitaires
Ces mesures sont « inégalitaires » dans le sens où seules les
personnes physiques ou morales possédant la capacité (financière)
de défiscaliser peuvent utiliser cet outil de réduction du montant de
leur impôt.
Elles engendrent également un effet pervers sur les prix, notamment
dans le secteur de la construction, en générant une pression forte
sur le foncier en raison de la multiplication des investissements,
9 Ces chiffres sont par ailleurs régulièrement remis en cause. Une mission d’audit et de
modernisation sur le dispositif de suivi et de pilotage de la dépense de l’État outre-mer,
en février 2007, indiquait : « en conclusion quant au DPT, la mission estime que les
informations y figurant ne sont pas fiables, alors même que la production de ce document
répond à une obligation légale, en vue d’informer le parlementaire et le citoyen. En outre,
sa structure n’est pas cohérente. Cette situation affecte la crédibilité du ministère de
l’Outre-mer. »
Fiscalité
228
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
mais aussi sur les prix des services dans le bâtiment. Elle peut ainsi
aboutir, par effet d’aubaine, à des surinvestissements dont l’efficacité
économique est loin d’être vérifiée.
Par effet cliquet, elles sont source d’inégalités face à l’impôt en
opposant, d’un côté, les bénéficiaires des dispositions cherchant à
maintenir le système à leur profit et, de l’autre, des contribuables
supportant l’impôt. Ces derniers peuvent ainsi remettre en cause
la légitimité de supporter l’impôt, alors que d’autres bénéficient de
privilèges fiscaux.
En définitive, la pression fiscale se renforce principalement sur les
consommateurs.
Une efficacité économique et sociale jugée faible
Les mesures de défiscalisation, s’appliquant principalement sur la
fiscalité directe (IR, IS, taxes locales), peuvent en réduire l’efficacité
ainsi que le rendement (déjà peu performant, en particulier dans les
DOM, comparativement à la fiscalité indirecte) et privilégier encore
davantage la fiscalité indirecte (plus injuste socialement).
Elles favorisent ainsi la pérennisation et le développement de la
fiscalité indirecte dans les DOM. A l’inverse, la fiscalité directe subit
le double handicap de son faible développement comparativement
à la métropole et des mesures de défiscalisation en limitant son
rendement.
Par ailleurs, le caractère transitoire et la complexité dans la mise en
place de ces mesures expliquent qu’une grande partie de leurs effets
en termes d’incitation économique soit « captée » par les cabinets de
défiscalisation. En définitive cela limite donc l’efficacité des mesures,
tout en représentant un coût élevé en termes de dépenses publiques
(manque à gagner) pour la collectivité.
Le caractère transitoire ne permet pas non plus le développement
pérenne de filières dont les plans d’investissement s’appuient quasiexclusivement sur le « potentiel de gain fiscal », la suspension des
mesures engendrant des frustrations (comme c’est le cas avec les
mesures prises dans le cadre de la loi de finances 2011).
Enfin, elle limite la crédibilité de la France dans ses engagements
internationaux de lutte contre les paradis fiscaux, en maintenant
sur son territoire des zones de forte incitation fiscale (dans les
DOM).
4.3. Des mesures à prendre afin de limiter les effets pervers
et l’inefficacité des politiques fiscales
Il convient ainsi de limiter à la fois le nombre et le volume des mesures
de défiscalisation en favorisant essentiellement les incitations par le
financement de l’économie grâce à un système de subventions en
remplacement de mesures de « dumping fiscal ».
Fiscalité
229
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Concernant les dispositifs de défiscalisation en cours, il conviendrait
d’augmenter la visibilité des mesures prises et de pratiquer une
évaluation indépendante et systématique de chacune afin de justifier
(ou non) de leur efficacité. Cette évaluation doit intégrer l’ensemble
des partenaires sociaux.
Comme le souligne et le propose le Conseil des prélèvements
obligatoires10, concernant les zones franches d’activité en outremer : « le gouvernement s’était engagé à évaluer tous les trois ans
l’impact socio-économique du dispositif avec une mesure de ces
effets sur l’emploi. Mais, sauf erreur, il ne semble pas que cela ait
été réalisé. L’efficacité de cet abattement, dont le coût est évalué de
manière sommaire à 50 M€, reste ainsi incertaine ». Le Conseil des
prélèvements obligatoires propose ainsi de mettre fin à la multiplicité
des zonages territoriaux, laquelle contribue à l’illisibilité de l’impôt et
est porteuse d’effets d’aubaine sans bénéfice économique avéré. Il
propose deux options :
-
option a : choisir un modèle unique de zone franche et l’appliquer à tous les territoires aidés ;
-
option b : supprimer les exonérations fiscales territoriales au
profit d’une politique de développement (hors de tout zonage)
des infrastructures et services publics.
Réduire l’abattement de l’IR et l’affecter au
développement local
Dans une logique d’équité face à l’impôt concernant les abattements
de l’impôt sur les personnes (IR), deux solutions (non exclusives)
peuvent être mises en œuvre :
-
réduire progressivement le taux d’abattement de 30 % de l’impôt sur le revenu pour revenir aux mêmes niveaux qu’en métropole, en ramenant à moyen terme le taux d’abattement à 0 %;
-
diminuer progressivement le seuil de 5 100 € d’abattement, en
le ramenant progressivement à 0 €.
Les fonds ainsi dégagés doivent en parallèle être affectés aux politiques
économiques et sociales du territoire martiniquais.
Limiter la progression de la fiscalité indirecte au profit
de la fiscalité directe
Il convient de contenir la progression de la fiscalité indirecte en la
recentrant sur la fiscalité directe, encore largement inférieure à celle
existant en métropole.
10 Les dépenses fiscales ouvertes aux entreprises soumises à l’impôt sur le revenu, juillet
2010, Conseil des prélèvements obligatoires.
Fiscalité
230
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Sortir d’une logique dans laquelle la réforme équivaut à
une baisse des moyens
Quelles que soient les mesures mises en place, les fonds dégagés
par la réduction des incitations fiscales doivent être pérennisés et
se maintenir à destination de la Martinique. Elles doivent abonder
un fonds restant à destination du territoire11. Ce principe, pourtant
nécessaire afin de légitimer une modification des politiques de
développement en réduisant les mesures de défiscalisation, ne
semble malheureusement pas acquis : la proposition d’amendement
n°II 28 concernant la loi de finances 2011 a ainsi été rejetée le
29 octobre 2010 à l’Assemblée nationale, alors qu’elle indiquait :
« Cet amendement vise à vérifier que les économies réalisées par
les différentes réformes de la défiscalisation des investissements
outre-mer, celles de l’ITR et de la TVA NPR ont bien été réinjectées
dans l’outre-mer (…). »
11 M. Jean-Jacques de Peretti, ministre de l’Outre-mer en 1996, avait tenté un tel
mécanisme concernant les rémunérations complémentaires des fonctionnaires en
proposant, d’une part, de maintenir le niveau de rémunération actuel des agents en poste
dans les DOM et, d’autre part, de réinjecter sur les territoires l’intégralité des crédits d’État
dégagés par la réduction des rémunérations des futurs fonctionnaires (au profit d’actions
en faveur de la création d’emplois). La réforme n’avait en définitive pas abouti.
Fiscalité
231
Une répartition
inégale des
richesses
5.
1.
Accentuation des inégalités
1.1. Des inégalités de niveau de vie marquées entre les
départements caribéens et la métropole
La moitié des ménages des départements d’outre-mer ont un niveau
de vie mensuel après impôts et prestations sociales inférieur à 800
euros par unité de consommation (UC), selon les données 2006 de
l’Insee1. En métropole, ce niveau de vie médian est de 1 281 euros,
soit 60 % de plus.
En une décennie cependant, l’écart de niveau de vie avec la métropole
s’est partiellement résorbé. En 1995, en effet, les ménages ultramarins avaient un niveau de vie médian égal à un peu plus de la
moitié de celui de la métropole. Dix ans plus tard, il représente un
peu plus de 60 % de celui de la métropole. Cette progression résulte
principalement de l’évolution des transferts sociaux : minima sociaux,
allocations familiales, aides aux logements et indemnités chômage qui,
sur la période, ont pris une part plus importante dans les ressources
des ménages domiens.
Ce niveau de vie médian est globalement identique dans les
départements de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Réunion.
Seule la Martinique se distingue avec un niveau de vie médian plus
élevé avec 844 € par mois. Les ménages d’outre-mer se caractérisent
ainsi par un niveau de vie plus faible qu’en métropole et de plus les
disparités sont plus fortes.
Pour l’ensemble des DOM, les ménages appartenant aux 20 % les plus
riches ont un revenu plancher 3,2 fois supérieur au revenu plafond
des ménages appartenant aux 20 % les plus modestes. Ce rapport est
de 2,2 en métropole et de 3,4 à la Martinique.
En 2006, les ressources des ménages métropolitains sont constituées :
de revenus d’activité pour 60 %, de retraites pour 25 %, de prestations
familiales pour 5 %, de revenus du patrimoine pour 5 % et pour 5 %
de minima sociaux, aides au logement et chômage.
1 Christophe Michel, Maël Theulière et Nathalie Missègue, « Les inégalités de revenus
entre les DOM et la métropole », Insee Première, février 2010
232
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Dans les DOM, la part des revenus d’activité dans les ressources
est identique à celle de la métropole alors que celle des retraites
est sensiblement inférieure (15 %). À l’inverse, les minima sociaux
(6 %), les prestations familiales (8 %) et dans une moindre mesure
les allocations chômage (4 %) représentent une part plus significative
qu’en métropole.
À la Martinique, si les revenus d’activité sont en proportion plus élevés
qu’en métropole, les pensions et retraites sont inférieures. Par ailleurs,
comme pour les autres DOM, les minima sociaux prennent une part
plus importante dans les ressources des ménages qu’en métropole.
Une partie des différences de revenus par unité de consommation
s’explique par les caractéristiques sociodémographiques propres aux
DOM (voir page suivante).
La population ultra-marine, notamment guyanaise et réunionnaise,
est plus jeune que celle de la métropole, ce qui explique la moindre
part des retraites dans les revenus des ménages.
Les ménages d’outre-mer comptent davantage d’individus, ce qui
induit mécaniquement un moindre revenu par unité de consommation
(le nombre moyen d’unités de consommation par ménage est de 1,75
dans les DOM pour 1,6 en métropole).
Par ailleurs, les familles monoparentales, plus fragiles économiquement
tout comme les ménages dits « complexes » – soit en raison de la
cohabitation de plusieurs générations soit en raison de la présence
de personnes isolées sans lien de parenté – y sont plus nombreux.
Ces ménages disposent généralement d’un revenu par unité de
consommation inférieur à celui des couples. En effet, les personnes
qui élèvent seules leurs enfants ne peuvent réaliser les économies
d’échelle permises par la présence d’un second adulte, pas plus qu’elles
ne bénéficient des ressources que ce dernier pourrait apporter. Les
ménages atypiques ont, quant à eux, la particularité de compter plus
de personnes que la moyenne.
Une autre partie des différences s’explique par les caractéristiques du
marché du travail. Le taux d’emploi des personnes en âge de travailler
(de 15 à 64 ans) est nettement plus faible outre-mer avec :
-
une proportion d’inactifs – hors retraités et étudiants – dans la
population deux fois plus élevée qu’en métropole, hormis en
Martinique ;
-
une proportion de chômeurs dans l’ensemble de la population
ultra-marine étant entre deux à quatre fois plus élevée qu’en
métropole.
Revenu des ménages
et niveau de vie
« Tous les membres d’un ménage ont
par construction le même niveau de vie.
Celui-ci est égal au revenu disponible
du ménage divisé par le nombre d’unités de consommation (UC) de celui-ci.
Le revenu disponible est l’ensemble
des revenus de ses membres, après
redistribution, c’est-à-dire après prise
en compte des principales prestations
sociales et paiement des impôts directs.
Le nombre d’unités de consommation
dépend du nombre de personnes que
comporte ce ménage, pour tenir compte
des économies d’échelle qui existent
pour certaines dépenses. En effet, un
ménage de deux personnes ayant un
revenu deux fois supérieur à celui d’une
personne vivant seule aura un meilleur
niveau de vie, en raison des économies d’échelle que lui procure la vie
de couple. Dans la pratique, le nombre
d’UC est calculé à l’aide d’une échelle
d’équivalence qui affecte un poids à
chaque individu du ménage. L’échelle
d’équivalence la plus utilisée est celle
de «l’OCDE modifiée» qui attribue 1 UC
au premier adulte du ménage, 0,5 UC
aux autres personnes de 14 ans ou
plus et 0,3 UC aux enfants de moins de
14 ans. »
Source : Insee, Économie de la Réunion, n°134
Dans les DOM, au sein de la population active (personnes ayant un
emploi et chômeurs), il y a proportionnellement plus d’employés et
moins de cadres. Mais le poids du secteur public, y étant plus important
qu’en métropole, tend à réduire les écarts entre territoires. En effet,
lorsque la personne de référence est salariée du secteur public, le
revenu par unité de consommation du ménage est plus élevé que celui
des autres actifs en raison d’une surreprésentation des cadres dans le
secteur public par rapport au secteur privé.
Inégalités de
revenus
233
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Source : Insee, enquête
ê Budget de Famille DOM, 2006
Inégalités de
revenus
234
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Selon l’Insee, ces différences de caractéristiques du marché du
travail couplées aux différences démographiques avec la métropole
expliquent près de la moitié des écarts constatés entre le niveau de
vie des ménages domiens et métropolitains.
Ainsi, entre les DOM et la province, l’écart de niveau de vie moyen
est de 25 %. Toutefois, la politique salariale de l’État vis-à-vis des
personnels de la fonction publique dans les DOM contribue à réduire
Progression du revenu des ménages les plus aisés à la Martinique
Source : Enquête budget de famille DOM, 2006
À la Martinique, sur la période 2001-2006, le revenu disponible des ménages accuse une baisse sensible pour
les ménages des trois premiers quintiles. Seuls les ménages du dernier quintile, soit les 20 % des ménages
les plus aisés, enregistrent une progression de leur revenu disponible sur la période.
La baisse du revenu disponible moyen des ménages touche toutes les catégories socioprofessionnelles,
sauf les ménages dont la personne de référence est cadre (de la fonction publique ou du privé) et dans une
moindre mesure les employés du privé.
Inégalités de
revenus
235
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Calcul du taux de bas revenus
« Dans les départements français d’Amérique, on calcule un taux de bas revenus
à partir de l’enquête Budget de famille. Le
revenu disponible net comprend l’ensemble
des revenus d’activités, des transferts sociaux, les revenus du patrimoine et les loyers
dits « imputés ». Ces derniers correspondent
aux services de logement que les ménages
propriétaires se rendent à eux-mêmes et
permettent notamment de mieux comparer
les niveaux de vie des propriétaires et des
locataires. Sont ajoutés les transferts monétaires entre les ménages, afin de prendre en
compte cette forme volontaire de redistribution. Le tout est minoré des impôts directs
(impôts sur le revenu, taxes d’habitation et
foncière). Le taux de bas revenus est égal à
60 % de ce revenu annuel médian par unité
de consommation. »
ces écarts. En effet, les fonctionnaires bénéficient de compléments de
rémunération afin de tenir compte de l’éloignement et de compenser
un coût de la vie plus élevé. On ne constate pourtant pas, en moyenne,
de différence de niveau de vie pour les ménages dont la personne
de référence travaille dans le secteur public. Ces écarts apparaissent
marqués pour les autres ménages.
Distance au seuil
Le taux de bas revenus est un indicateur
d’inégalité relative des revenus. Il indique
la proportion de ménages se situant dans
le bas de la distribution des revenus. Il est
complété par la distance au seuil, égale au
revenu moyen d’une catégorie considérée
rapporté au seuil de bas revenus. Plus cette
distance est proche de 1, plus la catégorie
étudiée se rapproche du seuil. »
Source : Insee Antilles-Guyane, Les inégalités aux Antilles Guyane : dix ans d’évolution,
mai 2009
Une partie des écarts de niveau de vie entre les DOM et la métropole
renvoie donc aux caractéristiques socioéconomiques domiennes
comme le montant plus faible des retraites perçues, découlant d’un
niveau d’activité plus faible, et un poids relatif plus important de la
part des petites entreprises, où les salaires sont plus faibles que dans
les grandes entreprises.
1.2. Forte progression des inégalités depuis 2001 dans les
départements français d’Amérique (DFA) liée en grande
partie à la situation de l’emploi
Nous reprenons ici une partie de la publication Les inégalités aux
Antilles Guyane : dix ans d’évolution, édité par l’Insee Antilles-Guyane
en 20092.
En 2006, selon l’Insee, le seuil de bas revenus budget de Famille
s’élève à 567 € par mois pour la Guadeloupe, 616 € pour la Martinique
et 496 € pour la Guyane. Ces niveaux demeurent inférieurs à celui
de la France métropolitaine (880 €). Plus du quart des ménages dis-
2 Insee Antilles-Guyane, Les inégalités aux Antilles Guyane : dix ans d’évolution, mai
2009.
Inégalités de
revenus
236
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
posent d’un revenu inférieur à ce seuil en Guyane, et près de 20 % à
la Martinique et 18 % en Guadeloupe.
Outre ces disparités dans les distributions de revenus, l’évolution la
plus marquante est la progression des inégalités entre 2001 et 2006,
alors qu’elles s’étaient réduites entre 1995 et 2001. Le taux de bas
revenus s’accroît de plus de 4 points en Guadeloupe et à la Martinique
et de 1,5 point en Guyane. Ce qui confirme que, en définitive, la croissance du niveau de vie ne s’est réalisée qu’au bénéfice des plus aisés.
Cet accroissement récent des inégalités s’observe aussi en métropole,
mais de façon moins marquée que dans les DFA : +1,2 point entre
2002 et 2006.
Source : Insee Antilles-Guyane, Les inégalités aux Antilles Guyane : dix ans d’évolution,
mai 2009.
Les ménages situés au-dessus du seuil de bas revenus représentent
de 75 à 80 % des ménages selon le département. Ils recouvrent
donc à la fois les classes moyennes et des personnes très aisées,
catégories pour lesquelles les revenus ont évolué de façon divergente. En Guadeloupe et en Martinique, les ménages situés juste audessus du seuil de bas revenus (le second quintile) s’en rapprochent
alors qu’ils s’en étaient plutôt éloignés entre 1995 et 2001. Pour les
ménages médians (le 3e quintile), les niveaux de vie sont stables.
Outre l’accroissement du nombre de ménages sous le seuil de bas
revenus, il y a donc eu baisse ou stagnation du niveau de vie pour
les ménages des classes moyennes. En Martinique, l’augmentation
plus rapide des ressources au-delà du seuil est concentrée sur les
20 % des ménages les plus aisés. En Guyane, cette déformation est
régulière entre 1995 et 2006.
La situation de l’emploi, première cause de la pauvreté
La hausse de l’emploi a été forte au cours des 15 dernières années :
30 % aux Antilles et 60 % en Guyane. Mais cette progression est pour
Inégalités de
revenus
237
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
partie imputable au développement des formes particulières d’emploi3
qui conduisent, en moyenne, à des rémunérations annuelles plus
faibles. C’est souvent la principale cause du développement du
nombre de travailleurs pauvres. Plus la personne de référence est
éloignée de l’emploi (présent ou passé), plus le taux de bas revenus
est élevé. L’absence d’un emploi suffisamment rémunéré au sein du
ménage conduit à un faible niveau de vie.
Source : Insee Antilles-Guyane, Les inégalités aux Antilles Guyane : dix ans d’évolution,
mai 2009.
Le taux de bas revenus des titulaires d’un emploi précaire représente
plus de deux fois celui des salariés sous contrat à durée indéterminée,
mais cette situation reste préférable – du point de vue de l’analyse des
inégalités – à celle de chômeur ou d’inactif (hors retraités).
La proportion de bas revenus se réduit parmi les indépendants, avec
la diminution du nombre de petits agriculteurs. La majoration de
la rémunération des agents publics les met dans une situation plus
favorable que leurs homologues du privé. Enfin, les employés sont, en
2006, autant concernés que les ouvriers par les bas revenus. Les sans
profession, hors retraités, présentent toujours les taux de bas revenus
les plus élevés.
La progression de l’emploi a d’abord bénéficié aux personnes
seules, au détriment des couples. Les ressources sont de moins
en moins mutualisées au sein d’une famille, d’où de moindres
économies d’échelle réalisées sur les dépenses. En cas de
progression du chômage, cette répartition de l’emploi au sein des
familles conduira aussi à une plus forte proportion de ménages
sans revenu d’activité.
3 Ce terme rassemble tout ce qui n’est pas contrat à durée indéterminée à temps plein :
emplois aidés, contrats à durée déterminée ou à temps partiel, stagiaires, intérimaires
et apprentis.
Inégalités de
revenus
238
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Source : Insee Antilles-Guyane, Les inégalités aux Antilles Guyane : dix ans d’évolution,
mai 2009.
Les plus bas revenus se caractérisent par une quasi-absence de revenu
d’activité. Plus du quart des allocataires des Caisses d’allocations
familiales déclarent ne percevoir aucune ressource de cette nature.
Plus le niveau de vie augmente, plus les revenus d’activité deviennent
prépondérants. L’absence de revenu d’activité est la première cause
d’inégalités des revenus.
Le montant total des prestations sociales perçues varie peu selon le
niveau de vie. Les retraites et prestations chômage sont faibles pour
les 20 % de ménages ayant le plus faible niveau de vie et relativement
stables pour les autres. Enfin, la fiscalité directe ne devient visible
qu’à partir du milieu de la distribution.
Les prélèvements sociaux réduisent les inégalités
Dans les départements d’outre-mer, la redistribution s’opère
principalement par les prélèvements sociaux sur les revenus d’activité,
d’une part, et le versement de prestations sociales et familiales, d’autre
part : la proportion de ménages sous le seuil de 60 % du revenu médian
est divisée par 2,5 à l’issue du versement des prestations sociales en
Guadeloupe et à la Martinique. Près d’un ménage sur deux se situe sous
le seuil de bas revenus en ne tenant compte que des revenus du travail
et du patrimoine (revenus primaires). Après prélèvements et transferts
sociaux, cette proportion passe à un sur cinq.
Source : Insee Antilles-Guyane, Les inégalités aux Antilles Guyane : dix ans d’évolution,
mai 2009.
En revanche, la fiscalité directe opère peu sur les bas revenus :
après impôts directs, la proportion de ménages sous les 60 % du
revenu médian diminue d’un peu plus d’un point en Guadeloupe, mais
Le revenu primaire est formé du
revenu d’activité et du revenu
de remplacement : (chômage
et retraite). Le revenu de référence se fait par deux types de
prélèvements, selon qu’ils sont
assuranciels, comme l’assurance
vieillesse et l’assurance chômage,
ou redistributifs (tous les autres).
Le revenu disponible brut est
calculé après prise en compte des
prestations familiales (allocations
familiales, allocation de rentrée
scolaire…), des minima sociaux
(revenu minimum d’insertion, minimum vieillesse) et des allocations
pour le logement. Enfin, le revenu
disponible net est obtenu après
déduction des impôts directs sur le
revenu et le patrimoine.
Inégalités de
revenus
239
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
augmente légèrement à la Martinique et en Guyane. Cette absence
d’effet redistributif de la fiscalité directe s’explique par la faiblesse
des revenus : en 2006, près du tiers des foyers fiscaux ne sont pas
imposables. Par ailleurs, les taxes d’habitation et foncières ne sont pas
redistributives, puisque le taux de propriétaires est élevé, y compris
au sein des bas revenus.
Cette quasi-absence de redistribution via la fiscalité directe s’observe
sur l’ensemble de la distribution des revenus : le ratio du revenu
moyen des 20 % les plus aisés rapporté au revenu moyen des
ménages médians n’est quasiment pas modifié par la fiscalité directe.
Les prestations sociales ne modifient pas non plus les disparités de
revenus entre les plus aisés et les médians. Seuls les prélèvements
sur les revenus d’activité réduisent l’écart.
2.
Inégalités de revenus plus fortes et
moindre pression fiscale à la Martinique
qu’en métropole
2.1. Près de 50 % des foyers fiscaux martiniquais déclarent
moins de 9 400 € de revenus en 2007
Foyer fiscal
le terme « foyer fiscal » désigne
l’ensemble des personnes inscrites sur une même déclaration
de revenus.
En 2007, 230 882 foyers fiscaux sont recensés à la Martinique pour
un revenu fiscal de référence (avant déductions et / ou réductions
d’impôts) de 3,6 milliards d’euros, soit 24,5 % du montant total des
DOM (14,8 milliards d’euros)4.
La part des faibles revenus est plus importante qu’en métropole.
En effet, 60,1 % des foyers fiscaux déclarent moins de 15 000 €
(1 291 € par mois soit 1,2 fois le Smic net). En métropole, cette proportion atteint 38,4 % des foyers fiscaux.
Source : Annuaire fiscal
La répartition des foyers fiscaux par tranches de revenu traduit
de fortes disparités à la Martinique. Les foyers dont le revenu est
inférieur à 9 400 € par an concentrent 9,3 % du total de revenu fiscal
de référence et représentent 48 % des foyers fiscaux. À l’opposé,
les foyers fiscaux déclarant des revenus supérieurs à 48 750 €
représentent 29 % du total de revenu fiscal de référence et seulement
9,5 % des foyers fiscaux.
4 IEDOM 09 Martinique, édition 2010.
Inégalités de
revenus
240
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Cette forte proportion des faibles revenus dans la société martiniquaise
entraîne une plus forte représentativité de foyers fiscaux non
imposables par rapport à la métropole. Ainsi, 69 % des foyers fiscaux
déclarés en 2007 n’ont pas été soumis à l’impôt. Ils représentent
36,9 % des revenus fiscaux totaux. En comparaison, en métropole,
les foyers fiscaux non imposables représentent 44,6 % des foyers
fiscaux et seulement 18,1 % des revenus fiscaux totaux.
En 2007, pour les foyers fiscaux imposables : le revenu net imposable
moyen est plus élevé à la Martinique qu’en métropole (34 017 €,
contre 33 843 €). Pour autant, de part l’abattement d’impôt de 30 %
appliqué en Martinique, la pression fiscale sur les contribuables
martiniquais est moindre. Le montant moyen de l’impôt par foyer
fiscal est ainsi plus faible (1 994 € contre 2 653 €).
Source : Annuaire fiscal
L’abattement de 30 %, conjugué aux réductions d’impôts à la
Martinique, conduit de fait à augmenter de manière significative la
proportion de foyers fiscaux des deux premières tranches :
-
impôt inférieur à 800 € : plus de 46 %, contre 43 % en métropole) ;
-
impôt de 801 à 1 500 € (21,7 % contre 19,9 % en métropole).
Par ailleurs, près de 0,7 % des foyers fiscaux imposables paie
l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), contre 2,7 % en métropole.
Toutefois, le montant moyen perçu au titre de l’ISF est bien supérieur
en Martinique qu’en métropole : 9 015 € par foyer fiscal contre
7 413 € en métropole.
Inégalités de
revenus
241
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Outre l’abattement de 30%, la plus grande partie des réductions
d’impôts est liée aux investissements dans les DOM-TOM. En 2006,
ces réductions d’impôts s’élevaient à plus de 64 millions d’euros et
représentaient à elles seules plus de 60 % des réductions d’impôts.
Ainsi, globalement et comparativement à la métropole, la Martinique
se singularise par :
-
des inégalités de revenu plus prononcées ;
-
une proportion plus élevée de foyers fiscaux non imposables ;
-
pour les foyers imposables, un revenu fiscal net imposable plus
élevé ;
-
une pression fiscale plus faible (moins de foyers fiscaux assujettis à l’impôt sur la fortune, plus de déductions fiscales et d’abattements d’impôts).
2.2. Prépondérance des traitements et salaires dans les
revenus des foyers fiscaux martiniquais par rapport aux
foyers fiscaux métropolitains
En 2007, les traitements et salaires représentaient à eux seuls 70 %
des revenus déclarés par les ménages martiniquais (contre 63 % en
Inégalités de
revenus
242
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
métropole). En revanche, les pensions et retraites représentent 18 %
en Martinique (contre 25 % en métropole), en raison d’une population
âgée (les plus de 60 ans) moins nombreuse à la Martinique (18,5 %
de la population totale contre 21,4 % en France hexagonale5), ainsi
qu’un niveau de pension moins élevé en Martinique.
3.
Progression des revenus salariaux
nets à un rythme proche de celui
de l’inflation
En 2008, le salaire annuel moyen net perçu par les salariés martiniquais
du secteur privé s’est élevé à 19 214 €, en progression de 6,1 %
par rapport à 2007. Le revenu salarial annuel moyen est inférieur de
574 € à la moyenne annuelle française.
Sur la période 2006-2008, le revenu salarial annuel moyen a progressé
d’un peu plus de 2,6 %, hors inflation. Cette évolution ne signifie pas
pour autant une augmentation du salaire horaire. Intégrant depuis
2002 les indemnités de chômage, l’évolution du revenu net moyen
est en définitive très sensible à l’évolution des heures travaillées :
une diminution du chômage se traduit de facto par une évolution
du nombre d’heures travaillées – pour lesquelles le taux horaire est
supérieur aux indemnités de chômage –, à la condition que les emplois
créés le soient à temps plein.
Au cours de la période considérée, le taux de chômage marque un
plateau autour de 21 %, pour remonter à 24 % en 2009. Dix ans
auparavant, le taux de chômage à la Martinique s’élevait à 29 %.
Parallèlement, le nombre de salariés employés par des entreprises
d’intérim était en forte hausse sur la période : + 25 % entre 2006 et
2008. Cette croissance des emplois intérimaires venait en quelque
sorte prendre le relais des emplois aidés orientés plutôt à la baisse
avec 8 500 en 2008 contre plus de 9 000 en 2006.
Salaire annuel moyen net
Il est calculé à partir du salaire
et des indemnités de chômage
(depuis 2002) disponibles dans les
DADS. Il est net de toute cotisation
sociale, y compris CSG (contribution sociale généralisée) et CRDS
(contribution au remboursement
de la dette sociale).
5 Insee TER Martinique 2009-2011.
Inégalités de
revenus
243
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Le salaire moyen par tête
(SMPT)
Il est calculé en rapportant la
masse salariale annuelle à l’effectif
annuel moyen, puis divisé par
douze pour obtenir une grandeur
mensuelle.
Au second semestre 2009, le salaire moyen par tête (SMPT) a
augmenté de 8,7 % en glissement annuel6. Pour l’année 2008, la
progression était de 2,3 %. Les augmentations de salaires décidées à
la suite du conflit social du premier trimestre expliquent pour partie
cette hausse. L’accord-cadre signé entre le patronat et la plupart des
organisations syndicales prévoyait, en effet, une augmentation de
200 euros nets mensuels pour les salaires inférieurs ou égaux à 1,4
smic, 100 euros provenant de l’État au titre du revenu supplémentaire
temporaire d’activité (RSTA), nouvellement créé.
Évolution du salaire moyen
par tête en 2009 : impact de
l’accord-cadre
Les entreprises contribuent pour un montant compris entre 30 et 100
euros selon leur taille, le reliquat étant financé par le conseil régional
et le conseil général.
Le revenu supplémentaire
temporaire d’activité (RSTA) est
une prestation mise en place
et financée en partie par l’État
afin de sortir du conflit social de
début d’année 2009. Il concerne
les salariés du secteur privé,
ainsi que les non-titulaires de la
fonction publique, sans condition
d’âge. Les personnes éligibles
doivent être titulaires d’un contrat
de travail d’une durée supérieure
ou égale à un mois. Il s’applique
au titre des périodes d’emploi
effectuées à compter du 1er mars
2009. Enfin, la rémunération
mensuelle perçue au titre de
l’ensemble des activités salariées
doit être inférieure ou égale au
Smic majoré de 40 %. Ainsi, pour
un salarié à temps plein dont la
rémunération mensuelle brute est
inférieure à 1 872,82 €, le montant
du RSTA versé par la CGSS pour
le compte de l’État est égal à
100 €. Ce montant est proratisé en
cas de durée d’emploi incomplète.
Parallèlement à l’évolution du salaire moyen, les effectifs salariés du
secteur marchand accusent une baisse, au second semestre 2009,
de 5,2 % en moyenne mais avec des évolutions contrastées selon les
secteurs.
Sur la période 2002-2007, la masse salariale du secteur marchand
a progressé de 29,5 %7. Parallèlement, les emplois du secteur marchand ont progressé de 12,7 % (effectif moyen). Il en résulte une progression du salaire moyen par tête (SMPT voir encadré) de 14,7 %.
Compte tenu de l’évolution des prix sur la période (+11,9 %), l’évolution du pouvoir d’achat moyen des salariés du secteur marchand a
été de 2,5 %.
En Martinique, environ 55 000
salariés ont bénéficié du RSTA
depuis le 1er mars 2009. Compte
tenu des durées incomplètes
d’emploi, le montant mensuel
moyen du RSTA est proche de
70 €.
6 Insee, « Stagnation de la masse salariale, forte progression du salaire par tête »,
Antiane, n°73
7 ACOSS STAT, Bilan : 2002-2007, l’emploi et les salaires dans les régions, août 2008.
Inégalités de
revenus
244
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Cette évolution moyenne masque une forte disparité entre secteurs,
comme en témoigne le tableau ci-dessus. Ainsi, pour le secteur marchand, si l’on note une forte progression du salaire brut des ouvriers
dockers de catégorie 1, il n’en est pas de même des manœuvres ordinaires du BTP.
Les facteurs qui contribuent à la croissance du revenu net moyen
portent principalement sur la croissance du nombre d’heures travaillées
alors que, parallèlement, les revenus salariaux nets en équivalents
temps plein (ETP) ont évolué à un rythme proche de l’inflation.
Source : DADS (exploitation au 1/25 en 2002, au 1/12 en 2007), Insee
Disparité salariale au sein de chaque catégorie sociale du privé, comparaison
avec la Réunion (source : Insee, TER 2009 Réunion, Insee, TER 2009-2010
Martinique et traitement Syndex)
Sur la période 2002-2007, les revenus salariaux nets annuels moyens
des salariés martiniquais travaillant à temps plein ont augmenté de
Inégalités de
revenus
245
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
1,9 % par an en moyenne pour une inflation moyenne, sur la période,
de 2,3 %, dont résulte en définitive une perte de pouvoir d’achat de
0,4 % en moyenne annuelle. En métropole sur la même période, les
revenus nets annuels des salariés à temps plein ont progressé de
2,4 % en moyenne annuelle pour une inflation de 1,8 %, soit une
croissance du pouvoir d’achat de 0,6 % en moyenne annuelle8.
8 Insee : Fiches thématiques - Les salaires en France - Insee Références web - Édition
2010.
Inégalités de
revenus
246
Évolution des prix
et pouvoir d’achat
6.
1.
Le pouvoir d’achat et son évolution :
définitions
1.1. Pouvoir d’achat et coût de la vie
Le pouvoir d’achat mesure la capacité monétaire d’un individu ou d’un
ménage à acquérir des biens et services mis à disposition sur les
marchés. Il correspond à la rencontre entre un revenu disponible,
d’une part, et des prix de biens et services disponibles sur les marchés,
d’autre part, dans un lieu et à un moment donnés.
La notion de pouvoir d’achat est différente de celle de coût de la vie,
qui renvoie non seulement à la capacité d’acquisition d’un individu
ou d’un ménage, mais aussi à une structure de consommation. La
structure de consommation d’un individu ou d’un ménage peut varier
suivant sa situation patrimoniale, familiale et géographique. Ainsi, un
propriétaire et un locataire ne consacrent pas les mêmes revenus à leur
logement, de même qu’une personne isolée et une famille nombreuse
n’ont pas les mêmes consommations. Enfin, le climat comme la zone
d’habitation – urbaine ou rurale – déterminent également une part de
la consommation des ménages.
L’évolution du pouvoir d’achat résulte donc de l’évolution des revenus
des ménages pondérée par l’évolution des prix des biens et services
qu’ils consomment. Une augmentation des revenus accroît le pouvoir
d’achat, alors qu’une augmentation des prix l’érode.
La consommation des ménages n’est par ailleurs pas exclusivement
monétaire. Par exemple, l’autoproduction, synonyme d’autoconsommation, ne génère pas de pouvoir d’achat bien que, dans les
faits, elle permette aux ménages qui produisent des fruits et légumes
dans leur jardin ou qui pêchent ou chassent pour eux-mêmes de
réduire leurs achats de biens alimentaires. L’absence d’information
sur les consommations non monétaires des ménages apporte ainsi
une limite à l’appréciation réelle de la consommation des ménages et
de sa disparité.
247
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
1.2. L’indice des prix à la consommation
L’indice des prix à la consommation mesure précisément l’évolution
des prix d’un panier de biens et de services strictement identique
entre deux périodes : « l’indice des prix à la consommation est un
instrument de mesure de l’évolution au cours du temps du niveau
général des prix des biens et services achetés, utilisés ou payés en
vue d’être consommés par une population de référence »1.
L’indice mesure non pas un niveau pour une période déterminée, mais
la variation de ce niveau entre deux périodes. Il mesure cette variation non pas en valeur absolue mais en valeur relative2.
L’indice des prix compte parmi les indicateurs les plus importants dans
le champ économique. Il permet de mesurer :
-
l’inflation, l’évolution des revenus au travers de la consommation
des ménages en termes réels ;
-
l’impact des politiques sociales, qu’il s’agisse du salaire minimum
ou des prestations sociales, notamment l’indexation des pensions alimentaires ou des rentes viagères.
Référence majeure pour les politiques salariales des entreprises,
la réalité des mesures de l’indice des prix est toujours remise en
question en raison de ses multiples utilisations. Certaines dépenses
sont en effet exclues de l’indice :
-
impôts directs, cotisations sociales, intérêts des emprunts ;
-
biens et services utilisés par les entreprises individuelles ;
-
achats de logements et gros travaux, mais aussi achats de valeurs mobilières, en raison de leur caractère d’investissement.
En revanche, les petites dépenses d’entretien sont prises en
compte ;
-
les produits autoconsommés, car ils n’ont pas de prix.
Ceci dit, tout indice des prix à la consommation, outre les variations
de prix « pures », intègre trois effets :
-
un effet « circuit d’achat » : le prix diffère entre le petit commerçant et la grande surface, entre le généraliste et le spécialiste ;
-
l’effet marketing qui, sans modifier les caractéristiques du produit, peut en changer la présentation ou le nom ;
-
l’effet qualité, qui améliore les caractéristiques du produit.
Ces trois effets doivent être systématiquement pris en compte à
travers les actualisations les plus fréquentes (chaînages) : c’est le
rôle des enquêtes sur le budget et la consommation des ménages.
1 Définition adoptée par la 14e conférence internationale des statisticiens du travail du 5
novembre 1987.
2 C’est-à-dire l’indice des prix.
Prix et
pouvoir de
marché
248
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
2.
L’indice des prix à la Martinique
2.1. L’évolution des pondérations entre 2002 et 2009
Définitions
L’indice temporel élémentaire
est le rapport (en général multiplié
par 100) de deux valeurs prises
par une même grandeur simple
et mesurée à deux périodes
distinctes : la période actuelle, par
exemple, qui figurera au numérateur et la période de base qui
figurera au dénominateur.
Un indice synthétique est une
moyenne pondérée d’indices
élémentaires.
Source : Insee
En 2002, du point de vue de la structure des dépenses des ménages,
parmi les départements français d’Amérique (DFA), la Martinique se
rapproche le plus du mode de consommation de la métropole, bien
que des différences restent encore marquées :
-
les dépenses de produits alimentaires (y compris le tabac) représentent 25 % des dépenses de consommations (28 % en Guadeloupe et à la Guyane), contre 19 % en métropole, soit un écart
de 6 points ;
-
à l’inverse, les dépenses de services (31 % en métropole) pèsent
pour seulement 25 % en Martinique ;
-
les dépenses de loyers et d’énergie pèsent plus lourd à la Martinique qu’en métropole : respectivement 10 % et 7 % en Martinique, contre 7 % et 7% en métropole.
Dans un indice synthétique de prix
à la consommation, la pondération de chaque poste de dépense
est proportionnelle à la part de ce
poste dans la dépense totale de la
population de référence.
Source : Insee
En 2009, la structure des dépenses a sensiblement évolué par rapport
à celle de 2002.
Source : Insee
Si les dépenses d’alimentation restent le deuxième poste de dépenses
des ménages martiniquais, leur poids dans les dépenses totales de
Prix et
pouvoir de
marché
249
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
consommation diminue légèrement : 23,6 % contre 25 % sept ans
plus tôt. Elles se rapprochent ainsi de leur niveau dans les dépenses
métropolitaines : 22,7 % des dépenses totales de consommation
(dont 2 % pour les dépenses de tabac et 0,8 % en Martinique).
Les dépenses des « autres services » des ménages martiniquais se
rapprochent de celles de ménages métropolitains : 23,1 % pour les
premiers et 24,1 % pour les seconds.
En revanche, les principales dépenses contraintes des ménages sont
les loyers, le transport et l’énergie: ensemble, ils représentent 25,6 %
de la consommation des ménages, contre 24,4 % en métropole, soit
un écart de plus de 1 point. Cet écart reflète non seulement de modes
de consommation différents, mais aussi et avant tout des écarts
de prix relatifs entre la Martinique et la métropole, ce que montre
l’analyse spatiale des prix réalisée par l’Insee3.
2.2. L’approche spatiale des prix entre les DOM
et la métropole
Selon cette étude, en 2010, les prix sont plus élevés dans les
départements d’outre-mer qu’en France métropolitaine. À la
Martinique, ils sont ainsi supérieurs de 9,7 %.
Les écarts de prix sont plus marqués lorsqu’on prend pour référence
le panier de consommation des ménages métropolitains : + 16,9 %
en Martinique. En revanche, un ménage martiniquais qui paierait ses
consommations aux prix pratiqués en France métropolitaine ferait une
économie de 2,9 %.
3 Comparaison des prix entre les DOM et la métropole en 2010, n° 1304, juillet 2010 :
« Les rapports de prix moyens DOM / France métropolitaine (respectivement France
métropolitaine / DOM) pour les différentes familles de biens et services sont agrégés
au moyen des pondérations reflétant la structure de la consommation des ménages en
métropole (respectivement dans un DOM). On obtient ainsi, à chaque fois, deux indices
de rapport de prix, A (DOM/France métropolitaine) et B (France métropolitaine/ DOM),
reflétant une vision métropolitaine et une vision ultramarine. »
Prix et
pouvoir de
marché
250
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Encadré méthodologique : indice régional et écart de Fisher
La comparaison des prix livre à chaque fois deux indices de rapport de prix, A (DOM / France métropolitaine) et B (France
métropolitaine / DOM), reflétant une vision métropolitaine et une vision ultramarine. Les indices A et B ne sont pas inverses l’un
de l’autre, puisqu’ils résultent de l’agrégation de plusieurs variétés qui plus est avec des pondérations différentes. Selon l’usage
international en matière de comparaison de prix, on utilise un indice de type Fisher, formé par la moyenne géométrique de A et
de l’inverse de B, soit C = racine carrée de A/B. Cet indice C donne une mesure synthétique et symétrique de la différence de
niveau de prix entre les deux territoires. Ce coefficient tient ainsi compte à la fois de la structure de consommation observée en
France métropolitaine et de celle observée dans le département. Ainsi, pour la Martinique et pour l’ensemble de la consommation, on a un indice A = 1,169 (soit un écart de + 16,9 %), un indice B = 0,971 (soit un écart de – -2,9 %) et un indice C = 1,097
(soit un écart synthétique de + 9,7 %).
Les indices A et B sont en fait des indices de Laspeyres*, soit des écarts de prix. Ne prenant pas en compte les éventuelles
substitutions possibles entre produits, ils ont tendance à surestimer les écarts de prix entre territoires. Aussi, parce que les
prix sont généralement plus élevés dans les DOM qu’en France métropolitaine, l’indice A, qui consiste à passer de la France
métropolitaine aux DOM à partir du panier métropolitain, surestime-t-il l’écart (positif) global : le panier n’est pas optimal pour la
Martinique , étant donné le système des prix local. Il en est de même pour l’indice B, qui fait passer des DOM à la France métropolitaine. Toutefois, l’écart, cette fois négatif (les prix étant comparativement moins élevés en France métropolitaine), est sousestimé. En définitive, dans la mesure où les prix sont plus élevés dans les DOM, on devrait avoir A>1/B, ce qui n’est pas le cas.
* Indice synthétique des prix à la consommation sur une année de référence.
Source : Insee
Les écarts de prix entre les départements d’outre-mer et la France
métropolitaine sont en partie imputables aux produits alimentaires.
Il s’agit en effet d’un des premiers postes de consommation des
ménages et de celui pour lequel les écarts de prix sont les plus
marqués entre les territoires. En prenant comme référence la structure
de consommation de chaque département d’outre-mer, les prix de ces
produits en France métropolitaine sont inférieurs de plus de 22 % à
ceux pratiqués en Guyane, de presque 14 % en Martinique, de près de
11 % à la Réunion et de plus de 9 % en Guadeloupe. Avec le panier
métropolitain, les écarts de prix sont plus importants : + 34 % en
Guadeloupe, + 36 % à la Réunion, + 44 % en Martinique et + 49 %
en Guyane.
Les prix dans les domaines de la santé (prix bruts avant remboursement
par la Sécurité sociale) et des communications (lesquelles regroupent
l’Internet, la téléphonie et les envois postaux) sont plus élevés qu’en
France métropolitaine dans tous les départements d’outre-mer.
Concernant les écarts de prix des consommations liées au logement
(loyers, charges, eau, électricité principalement), les prix martiniquais
sont supérieurs de plus de 7 % à ceux pratiqués en métropole,
en prenant comme référence la structure de consommation
métropolitaine. À l’inverse, pour un ménage martiniquais se logeant
en métropole dans les mêmes conditions qu’en Martinique, le coût du
logement serait inférieur de 3,6 %.
Source : Insee
Prix et
pouvoir de
marché
251
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
2.3. Les limites de l’indice des prix
Il est aujourd’hui admis que les modes d’organisation familiale aussi
bien que les modes d’emploi se diversifient nettement. Ils demandent
donc une approche plus fine de l’évolution de l’indice des prix, afin
de prendre en compte l’accroissement des situations de fragilité
familiale et professionnelle telles que les familles monoparentales
ou les personnes isolées, les emplois précaires et à temps partiel ou
l’individualisation croissante des modes de rémunération.
Cette diversification des situations de vie et l’évolution des modes
de vie entraînent logiquement une diversification des modes de
consommation, avec deux évolutions majeures :
-
le développement des consommations sous la forme de contrats
et d’abonnements, qui tendent à contraindre les marges de
manœuvre dont disposent les ménages dans la gestion de leur
budget ;
-
le développement des situations de précarité, qui se traduit en
premier lieu par la difficulté à se loger aux conditions du marché.
Ce dernier point révèle une critique récurrente de l’indice des prix à
la consommation qui, s’il prend bien en compte les dépenses de loyer,
les charges liées au logement et les intérêts d’emprunt, ne prend pas
en compte la charge de remboursement du capital emprunté pour
acquérir son logement.
L’indice par catégorie montre combien l’incidence de l’inflation est
variable selon le niveau de vie des ménages. Pris individuellement,
chaque ménage subit une inflation plus ou moins grande selon sa
structure de consommation : un ménage qui ne consomme pas de
transports et communications ne ressentira pas la hausse des prix de
ces produits. Par ailleurs, un ménage qui consacre une grande part
de son budget aux achats alimentaires sera plus sensible à la hausse
des prix de ces produits. L’inflation moyenne ne sera donc pas la
même selon les catégories de ménages, à partir du moment où leurs
structures de consommation sont différentes et où l’augmentation des
prix varie en fonction des produits.
Les ménages les plus pauvres ne consomment pas comme les plus
aisés. Ainsi, à la Martinique, l’alimentation pèse beaucoup plus lourd
sur le budget des ménages les plus modestes (22 % pour le premier
quintile) que sur celui des plus aisés (12,4 % pour le dernier quintile).
De ce fait, étant donné la forte augmentation des prix de certains
produits alimentaires durant l’année 2008 (+ 5,3 %), les ménages
les plus modestes ont subi une inflation plus importante que celle
supportée par les ménages les plus aisés.
Prix et
pouvoir de
marché
252
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
3.
L’évolution des prix à la Martinique
En 2009, l’inflation a ralenti en Martinique. Elle s’établit à + 0,3 %
en moyenne annuelle. Ce taux est le plus bas observé ces vingt
dernières années. Il fait suite à une année 2008 record, où la hausse
des prix avait atteint 2,8 %, ce qui correspondait au plus haut niveau
enregistré depuis le début de la décennie. En France métropolitaine,
la montée des prix est également très modérée en 2009, avec un taux
de 0,1 %, après 2,8 % en 2008.
Sur longue période (1998-2008), l’indice général des prix a augmenté
de 2 % en moyenne annuelle à la Martinique, comparé à une
augmentation de 1,8 % en France métropolitaine. Ainsi, le rythme
d’inflation est assez proche, avec un écart d’inflation de 0,2 % en
moyenne annuelle entre la Martinique et la métropole. Hormis pour
l’énergie et les autres services, l’inflation est plus marquée à la
Martinique qu’en métropole :
-
les prix de l’alimentation, premier poste de consommation
des ménages, augmentent à un rythme annuel de 1,9 % sur
la période 1998-2008, soit une augmentation de 21,6 % sur la
période, contre 19,2 % en métropole. En fin de période (20052008), le différentiel d’inflation s’accentue. La croissance des
prix en métropole ralentit par rapport à la première période, no-
Prix et
pouvoir de
marché
253
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
tamment en 2006 et 2007, avec une croissance respectivement
de 1,6 % et 1,4 % contre 2 % et 3,3 % en Martinique ;
-
l’énergie et les autres services suivent une inflation moins forte
à la Martinique où, en moyenne annuelle sur la période 19982008, les prix augmentent de 3,5 % pour l’énergie et de 2,1 %
pour les autres services, alors qu’en métropole, ils progressent
de 4,5 % pour l’énergie et de 2,5 % pour les autres services ;
-
a contrario, les loyers, les services de santé et les transports
enregistrent un rythme d’inflation plus soutenu à la Martinique,
avec une augmentation moyenne annuelle des prix de 2,7 %
pour les loyers, de 1,9 % pour les services de santé et de 1,1 %
pour les transports et communication, alors qu’en métropole la
hausse atteint, 2,4 % pour les loyers, 1,6 % pour les services de
santé et 0,2 % pour les transports et communication.
Ces évolutions sont, bien entendu, à rapprocher du poids relatif de
chacun des produits dans les dépenses totales des ménages. Ainsi,
une augmentation de 2 % des produits alimentaires à la Martinique et
en métropole n’a pas la même incidence en termes de pouvoir d’achat
suivant le poids relatif des dépenses dans le revenu des ménages. Il
en est de même à l’échelle régionale : le poids des différents postes
de consommation est différent d’un ménage martiniquais à l’autre.
Ainsi, concernant l’alimentation, l’écart de poids dans le budget varie
fortement selon l’âge de ménages : de 15,4 % pour les moins de
35 ans à 23,1 % pour les 65 ans ou plus Ainsi, les moins de 35 ans
ressentent-ils moins l’augmentation des prix de l’alimentation que les
plus âgés, qui lui consacrent près du quart de leur budget.
4.
Les dépenses de consommation des
ménages martiniquais
Selon les premiers résultats de l’enquête Budget de famille4, les
Martiniquais dépensent en moyenne 25 700 €, soit 5 200 € de plus
que les Guadeloupéens et 1 300 € de plus que les Guyanais. Leurs
dépenses concernent essentiellement les produits alimentaires
(17 %), le logement (16 %) et le transport (14 %). Le poids des
diverses dépenses diffère quelque peu selon le département. En
Guadeloupe, les ménages dépensent plus dans le transport (19 %)
et moins en logement (15 %). En Guyane, le logement représente
la dépense la plus importante (19 %), suivi par le transport (18 %).
4.1. Structure des dépenses selon le niveau de vie
En Martinique, comme dans les autres départements, les dépenses
de consommation varient fortement suivant le niveau de vie des
ménages. Ainsi, les dépenses d’alimentation représentent près
4 Insee Antilles-Guyane, Premiers résultats de l’enquête Budget de famille en Martinique
en 2006, n°59 avril 2010.
Prix et
pouvoir de
marché
254
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
de 22 % de dépenses des ménages les plus modestes (1er quintile
de niveau de vie). À l’opposé, pour les ménages les plus aisés,
l’alimentation ne représente plus que 12 % de l’ensemble des
dépenses de consommation (5e quintile de niveau de vie : plus de
2 515 € par mois). La part des dépenses alimentaires des ménages
les plus modestes est supérieure de 9,3 points à celle des ménages
les plus aisés.
Le loyer (y compris l’ensemble des charges afférentes) représente le
deuxième poste de dépenses des ménages les plus modestes : près de
18 % des dépenses de consommation pour les ménages du premier
quintile. Pour 60 % des ménages dont le niveau de vie est inférieur à
991 € par mois, les dépenses de logement représentent un peu plus
de 18 % des dépenses de consommation. Pour les 20 % des ménages
les plus aisés (cinquième quintile), les dépenses de logement ne
représentent plus que 11 % des dépenses de consommation.
L’ensemble des dépenses consacrées au logement (y compris
remboursement d’emprunts et gros travaux) pour les ménages les
plus modestes représente 24 % des dépenses de consommation,
y compris les autres dépenses hors du champ de la consommation
finale, c’est-à-dire n’entrant pas dans la pondération de l’indice des
prix, lequel porte uniquement sur les dépenses de consommation.
Les remboursements d’emprunts, les dépenses pour gros travaux, les
impôts et taxes et les échanges au sein des ménages (aides entre
membres d’un même ménage) sont donc exclus de l’indice des prix à
la consommation : l’ensemble de ces dépenses sont dites « hors du
champ de la consommation finale ».
Pour les ménages les plus aisés, l’ensemble des dépenses de
logement représente aussi 24 % des dépenses totales (dépenses
de consommation + dépenses hors champ de la consommation).
Toutefois, ces derniers ont un niveau de vie près de cinq fois supérieur
à celui des ménages les moins aisés. Aussi, la part du revenu affectée
au logement est moins importante pour les ménages les plus aisés
que pour les ménages les plus modestes.
Source : Insee, Enquête Budget de famille 2006
Prix et
pouvoir de
marché
255
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Dépenses des ménages selon le quintile de niveau de vie
Quintile de niveau de vie : valeurs seuils qui, lorsque l’on ordonne la population selon les niveaux de vie, la découpe en
cinq sous-populations de taille égale. Exemple : le premier quintile représente les ménages qui disposent d’un niveau
de vie inférieur à 519 € par mois (définition de l’Insee).
Prix et
pouvoir de
marché
256
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Pour le premier quintile (ménages les plus modestes), 64,5 % des
dépenses de logement sont consacrées à des dépenses locatives. Pour
le cinquième quintile (ménage les plus aisées), 45,9 % des dépenses
de logement sont liées aux remboursements de prêts. Les ménages les
plus modestes sont à 53 % locataires, dont près de 18 % dans le secteur
privé. À l’opposé, 21 % des ménages les plus aisés sont locataires.
Troisième poste par ordre d’importance, si les poids des dépenses
de transports ont tendance à diminuer avec le niveau de vie, elles
constituent une dépense lourde pour l’ensemble des ménages
Ainsi, pour les ménages appartenant au 1er quintile de niveau de
vie, les dépenses de transport représentent 13 % des dépenses de
consommation. Pour les ménages les plus aisés, les dépenses de
transport représentent 15 % des dépenses de consommation. On
peut en conclure que ce n’est pas le niveau de vie qui discrimine les
dépenses de transport, même si le type de véhicule diffère suivant le
niveau de vie : 51,7 % des ménages du premier quintile qui disposent
d’un véhicule sont propriétaires d’une petite cylindrée, contre
seulement 33 % des ménages les plus aisés.
4.2. Structure des dépenses selon l’âge de la personne de
référence du ménage
Selon l’âge de la personne de référence du ménage, la structure des
dépenses de consommation varie assez sensiblement. Ainsi, pour les
ménages dont la personne de référence a plus de plus de 65 ans,
les dépenses d’alimentation sont de loin le premier poste du budget
de consommation. Pour ces ménages, elles représentent 23,1 % des
dépenses de consommation. A l’opposé, pour les ménages de moins
de 35 ans, elles pèsent 15,4 %.
Pour les ménages dont la personne de référence a moins de 35 ans,
la proportion des dépenses de logement et de transports dans les
dépenses de consommation est plus importante que pour les ménages
dont la personne de référence a plus de 65 ans. Ainsi, pour les premiers,
les dépenses de logement et de transport pèsent respectivement pour
Prix et
pouvoir de
marché
257
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
19,6 % et 14,0 %. Pour les seconds, ces mêmes dépenses pèsent
pour 17,7 % et 10,4 %.
Pour les ménages dont la personne de référence a moins de 35 ans,,
l’ensemble des dépenses d’alimentation, de logement et de transport
représentent à elles seules 50 % du revenu disponible.
Ces trois postes représentent 51 % du revenu disponible pour les
ménages dont la personne de référence a entre 35 et 44 ans, puis
représente une part de plus en plus faible suivant l’âge de la personne
de référence du ménage.
Pour les seniors (65 ans et plus) elles représentent moins de 40 % du
revenu disponible. Par ailleurs, le revenu disponible des seniors est
inférieur à celui de la classe d’âge des moins de 35 ans.
4.3. Structure des dépenses selon la catégorie sociale
Selon la catégorie sociale de la personne de référence du ménage, la
structure des dépenses de consommation varie assez sensiblement.
Ainsi, pour les ménages dont la personne de référence est ouvrier,
les dépenses d’alimentation sont de loin le premier poste du budget
Prix et
pouvoir de
marché
258
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
de consommation : elles représentent 20,4 % des dépenses de
consommation.
Pour les ménages dont la personne de référence est sans catégorie
sociale (retraité, chômeur ou sans activité), ce sont les dépenses de
logement qui représentent le premier poste du budget avec 23,7 %
des dépenses de consommation.
Pour les ménages dont la personne de référence est employée du
secteur public, les dépenses de transport représentent avec 18,6 %
des dépenses
de consommation.
p
Source : Insee, Enquête Budget de famille 2006
Prix et
pouvoir de
marché
259
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
D’un poids relatif différent dans les dépenses de consommation
en fonction des catégories sociales, les dépenses d’alimentation,
de logement et de transport rapportées au revenu disponible des
ménages font apparaître des situations différentes :
-
pour les ménages « sans catégorie sociale », ces trois postes
de dépenses absorbent près de 70 % du revenu disponible ;
-
pour les ménages ouvriers, employés du secteur privé ainsi
que pour les agriculteurs, artisans et chefs d’entreprise, ces
trois postes de dépenses concernent environ la moitié (entre
48 % et 56 %) du revenu disponible ;
-
Pour les ménages d’employés du secteur public, de cadres
et des professions intermédiaires du secteur privé, ces dépenses représentent de 40 % à 50 % du revenu disponible ;
-
pour les ménages dont la personne de référence est cadre du
secteur public, ces dépenses absorbent seulement un tiers
du revenu disponible.
Source : Insee, Enquête Budget de famille 2006
Prix et
pouvoir de
marché
260
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Le type de ménage a un impact discriminant sur la structure des
dépenses de consommation.
Ainsi concernant l’alimentation, pour les ménages dont la personne
de référence est une femme seule ou qui sont constitués d’un couple
sans enfant, l’alimentation est de loin le premier poste du budget de
consommation. Pour ces ménages, elle représente plus de 18 % des
dépenses de consommation.
Concernant le logement, pour les ménages dont la personne de
référence est une femme seule ou forme une famille monoparentale,
les dépenses de logement représentent le premier poste du budget.
Pour ces ménages ces dépenses représentent 18 % des dépenses de
consommation.
Pour les ménages constitués d’un homme seul, ce sont les dépenses
de transport qui représentent le premier poste du budget, avec 21 %
des dépenses de consommation.
Rapportées au revenu disponible, les dépenses d’alimentation, de
logement et de transport apparaissent plus fortement discriminées
par le revenu que par le type de ménage :
-
pour les personnes seules, pour lesquelles le revenu disponible
est relativement proche, ces trois dépenses absorbent entre
45 % et 50 % de ce dernier ;
Source : Insee, Enquête Budget de famille 2006
Prix et
pouvoir de
marché
261
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
-
pour les couples, avec ou sans enfant, l’effort consenti en termes
de revenu correspond à environ 40 % du revenu disponible ;
-
la famille monoparentale est celle qui consacre l’effort le plus
prononcé : près de 60 % des ressources sont consacrés aux
dépenses d’alimentation (20 % du revenu disponible), au logement (23 %) et aux transports (15 %).
Source : Insee, Enquête Budget de famille 2006
En définitive, l’approche multicritère des dépenses de consommation
des ménages fait assez nettement apparaître la sensibilité des
dépenses aux revenus. Ainsi, toute mesure du pouvoir d’achat des
ménages doit prendre en compte, outre la structure des dépenses,
leur impact sur le revenu des ménages suivant la nature plus ou moins
contrainte de chaque dépense.
5.
Pouvoir d’achat et coût de la vie
5.1. Les dépenses contraintes ou préengagées
Nous pouvons distinguer deux composantes dans les dépenses des
ménages :
-
une part « contrainte » correspondant aux dépenses de consommation des ménages préengagées par un contrat ou un abonnement ;
-
une part « arbitrable » ou « libre » mesurant ce qu’il reste aux
ménages une fois payées ces dépenses contraintes.
Prix et
pouvoir de
marché
262
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Cette approche reste relativement abstraite, les indicateurs disponibles
cernant mal les dépenses contraintes.
En France, la part des dépenses préengagées a fortement augmenté
sur longue période, passant de 13,4 % en 1959 à 29,0 % en 20065.
Selon cette même source, la hausse est essentiellement liée à l’accroissement du poids des dépenses de logement (effet prix), mais aussi
des services de télécommunications et financiers, qui ont contribué à
accroître la part de la consommation contractualisée dans le total.
La commission Mesure du pouvoir d’achat des ménages présidée par
Alain Quinet propose de classer comme dépenses de consommation
préengagées :
-
les loyers et dépenses liées au logement : eau, gaz, électricité et
autres combustibles utilisés dans les habitations ;
-
les remboursements d’emprunts immobiliers ;
-
les services de télécommunications ;
-
les frais de cantine ;
-
les services de télévision (redevance télévisuelle, abonnements
à des chaînes payantes) ;
-
les assurances ;
-
les services financiers.
On obtiendrait ainsi : revenu libre ou libéré = revenu disponible brut dépenses pré-engagées – remboursements d’emprunts.
5.2. Les dépenses nécessaires ou l’approche par la nécessité
Nous pourrions distinguer, parmi les dépenses de consommation,
celles qui sont nécessaires de celles qui ne le sont pas. Ainsi, une
alimentation de survie ou un habillement minimum sont des dépenses
qui peuvent être qualifiées de nécessaires, sans d’ailleurs qu’elles
soient contraintes. Un abonnement téléphonique en revanche peut
correspondre à une dépense contrainte, alors qu’il n’est pas nécessaire
dans une approche « naturaliste » des besoins fondamentaux. Enfin,
dans le cas d’un logement, la dépense de loyer peut être contrainte
et nécessaire.
Cette approche a deux intérêts dans la mesure du pouvoir d’achat des
ménages :
-
en premier lieu, cela donne un indicateur des inégalités, car la
part des dépenses contraintes est d’autant plus forte que le revenu est faible ;
-
d’autre part, elle permet de souligner l’intérêt, pour les pouvoirs publics, de vérifier que les possibilités de sortie des abon-
5 Rapport de la commission Mesure du pouvoir d’achat des ménages présidée par Alain
Quinet, remis à Mme Christine Lagarde, ministre de l’Économie, des Finances et de
l’Emploi, 6 février 2008.
Prix et
pouvoir de
marché
263
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
nements souscrits sont bien réelles et peu coûteuses pour le
consommateur.
La question des dépenses nécessaires, ou plutôt des biens de première
nécessité, reste une piste de recherche féconde. L’Insee a abordé
cette question en démontrant que les biens de première nécessité
se caractérisent par une élasticité prix nulle : autrement dit, ils sont
consommés par les ménages, quelle que soit l’évolution de leur prix,
alors que pour les autres produits, dits de « confort », l’élasticité prix
est négative, ce qui signifie qu’une augmentation du prix implique une
réduction de leur consommation par les ménages.
Nécessité ou contrainte, on mesure ici l’absence de choix du
consommateur et l’impératif du revenu pour survivre dans une société
moderne.
Il est également possible d’étudier ces dépenses nécessaires à
partir du niveau de consommation des ménages les plus modestes.
Pour eux, la contrainte budgétaire est plus forte et les dépenses de
consommation présentent, en majorité, un caractère incompressible.
Les ménages modestes sont définis comme les 10 % des ménages
ayant les plus faibles niveaux de vie (1er décile de niveau de vie). Le
niveau de vie est le revenu courant du ménage rapporté à son nombre
d’unités de consommation6.
5.3. Le coût de la vie, ou la perception par les ménages de
leur pouvoir d’achat
À la Martinique, sur la période 1998-2007, le pouvoir d’achat des
ménages aurait progressé en moyenne annuelle de 1,8 %7, selon la
définition retenue en comptabilité nationale.
Dans la réalité, les ménages sont de plus en plus contraints par des
dépenses à engagement contractuel : il s’agit des sommes dépensées en début de mois, avant tout arbitrage en matière de dépenses
courantes. Ces dépenses correspondent à des « engagements
difficilement négociables, au moins à court terme ». Les scinder selon
leur caractère plus ou moins obligatoire revêt nécessairement une
part d’arbitraire. En se limitant aux seules consommations, au sens de
la comptabilité nationale, les dépenses les plus fortement contraintes
sont celles consacrées au logement, au chauffage, aux services de
téléphonie et à l’assurance. À ces dépenses, il convient d’ajouter les
dépenses de transport qui, si elles n’ont pas de caractère d’abonnement, n’en ont pas moins un caractère contraignant, dans la mesure
où elles sont indispensables à l’insertion économique et sociale des
ménages.
6 Le revenu courant désigne l’ensemble des ressources déclarées par le ménage enquêté
avant impôts : revenus d’activité (nets des prélèvements sociaux), retraites, revenus
de la propriété, revenus sociaux, revenus en provenance d’autres ménages, mais hors
ressources exceptionnelles (héritage, donation, vente de biens).
7 Revenu disponible des ménages déflaté de l’inflation sur la période.
Prix et
pouvoir de
marché
264
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
À la Martinique, les dépenses contraintes8 représentent 39,7 %
des dépenses de consommation des ménages et 39,4 % de leur
revenu disponible, y compris les dépenses de transport, mais hors
remboursements d’emprunts9.
La question des dépenses nécessaires, ou plutôt des biens de première
nécessité, doit aussi être prise en compte : ils sont consommés par
les ménages, quelle que soit l’évolution de leur prix, alors que pour
les autres produits, dits de « confort », une augmentation du prix
implique une réduction de leur consommation par les ménages.
Ainsi, peuvent être considérées comme dépenses nécessaires les
dépenses liées à l’alimentation. Certes, elles jouissent d’une certaine
élasticité. Mais comme l’ont montré les événements de 2009, ces
dépenses demeurent révélatrices de la perception, par les ménages,
de l’évolution de leur pouvoir d’achat. À la Martinique, les dépenses
d’alimentation représentent 16,6 % des dépenses de consommation.
Nécessité ou contrainte, on mesure ici l’absence de choix du
consommateur et l’impératif du revenu pour survivre dans une société
moderne. Le pouvoir d’achat peut ainsi se définir comme l’évolution
du revenu arbitral, c’est-à-dire du revenu disponible après prise en
compte des dépenses contraintes et des dépenses nécessaires. On
approcherait ainsi ce qu’il est convenu d’appeler « la perception par
les ménages de leur pouvoir d’achat ».
En moyenne, les dépenses contraintes et les dépenses nécessaires
représentent 46 % du revenu disponible moyen des ménages.
Toutefois, la part du revenu disponible qui leur est consacrée varie
significativement selon la catégorie sociale de la personne de
référence. Pour les ménages dont la personne de référence est sans
catégorie sociale, les dépenses contraintes et nécessaires absorbent
70 % du revenu disponible. À l’opposé, pour les ménages dont la
personne de référence est cadre de la fonction publique, ces mêmes
dépenses absorbent 33 % du revenu disponible.
8 Dépenses contraintes prises en compte : dépenses de logement, de transport, de
communication et d’assurance.
9 Ils contribuent à un accroissement du patrimoine des ménages et procèdent d’un
arbitrage au moment de la décision de l’acquisition.
Prix et
pouvoir de
marché
265
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Dès lors, il convient d’aborder l’évolution du pouvoir d’achat à travers
l’évolution du revenu disponible des ménages après prise en compte
non seulement des dépenses contraintes et nécessaires, mais aussi
des inégalités de revenu entre les ménages.
5.4. Simulation de l’évolution du pouvoir d’achat en 2010 :
l’approche par la dépense
À partir des enseignements précédents, nous avons simulé l’incidence
de l’évolution des dépenses contraintes sur une échelle des salaires
nets de 1 smic à 4 smic :
-
les dépenses contraintes prises en compte dans cette simulation
rassemblent les dépenses de loyers et charges afférentes, nettes
des aides au logement perçues, les dépenses de transports et de
communications et les dépenses d’assurances ;
-
les dépenses nécessaires recouvrent les seules dépenses alimentaires et de boissons non alcoolisées.
Ainsi, dans une approche classique du pouvoir d’achat, compte tenu
d’une évolution des prix de 1,7 % en 2010, l’ensemble des salariés
percevant entre 1 et 4 smic auraient vu leur pouvoir d’achat baisser
de 1,7 %.
Les prix des dépenses contraintes ont évolué :
-
+ 2,7 % pour le logement ;
-
+ 2,3 % pour les dépenses de transport et de communication ;
-
+ 0,5 % pour les dépenses d’assurance ;
-
- 0,1 % pour les dépenses alimentaires.
Selon le niveau revenu et en tenant compte de ces évolutions, la perte
de pouvoir d’achat aurait été :
-
pour un revenu égal à une fois le smic : de - 2,8 % et - 2 % selon
Prix et
pouvoir de
marché
266
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
le type de logement ;
-
pour un revenu égal à 1,5 fois le smic : de – 3,2 % pour les salariés en locatif privé (pour les salariés en locatif social, les aides
au logement compensent la hausse des loyers) ;
-
pour un revenu égal à 2 fois le smic : de - 2 % quel que soit le
type de logement ;
-
pour un revenu égal à 2,5 fois le smic : sensiblement égale à la
hausse moyenne des prix d’ensemble ;
-
pour les revenus au-delà de 2,5 fois le smic, la perte de pouvoir
d’achat est inférieure à l’augmentation moyenne des prix à la
consommation.
Les résultats de cette simulation montrent à l’évidence la nécessité,
dans le cadre du dialogue social, de construire des indices de prix
catégoriels qui pondèrent la part de l’indice des prix suivant le
poids des dépenses contraintes et nécessaires dans les revenus des
ménages.
Prix et
pouvoir de
marché
267
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
Prix et
pouvoir de
marché
268
Annexe - Lodeom : mesures
de soutien à l’économie et aux
entreprises centres sur
les allégements fiscaux
4.
Les zones franches d’activité (ZFA)
Les PME (moins de 250 salariés) réalisant un chiffre d’affaires
inférieur à 50 M€ et exerçant dans l’un des secteurs d’activité
visés sont éligibles à un abattement de leur impôt sur les
bénéfices (IR ou IS), de leur taxe foncière sur les propriétés
bâties (TFPB), de la taxe foncière sur les propriétés non bâties
sur les terres agricoles et de la CET (en remplacement de la
taxe professionnelle à partir de 2011) :
-
le taux d’abattement de l’impôt sur les bénéfices est plafonné à 150 000 € et est de 50 % pour les exercices
de 2008 à 2014, puis respectivement 40 %, 35 % et
30 % pour les années 2015, 2016 et 2017 ;
-
le taux d’abattement de TFPB est de 50 % de 2009 à
2015, 40 % en 2016, 35 % en 2017 et 30 % en 2018 ;
-
le taux d’abattement de la CET est de 80 % de 2009 à
2015, 70 % en 2016, 65 % en 2017 et 60 % en 2018.
En contrepartie, l’entreprise s’engage à des mesures
supplémentaires dans la formation professionnelle :
-
réalisation de dépenses de formation professionnelle en
faveur du personnel d’exploitation ;
-
versement d’une contribution au fonds d’appui aux expérimentations en faveur des jeunes mis en place en
décembre 2008 par l’article 25 de la loi généralisant le
RSA et réformant les politiques d’insertion.
Ces deux obligations cumulatives doivent représenter
ensemble au moins 5 % de la quote-part des bénéfices
exonérés pour un nombre identifié de secteurs et certaines
zones géographiques prioritaires.
De plus, il existe un taux d’abattement dans les ZFA
bonifiées pour certains secteurs prioritaires (recherche
et développement, technologie de l’information et de la
communication, tourisme et activités de loisirs s’y rapportant,
agro-nutrition, environnement et énergies renouvelables) et
zones géographiques avec un plafonnement de l’abattement
de l’impôt sur les bénéfices relevé à 300 000 € et un taux de
80 % de 2008 à 2014 (puis respectivement 70 %, 60 % et
50 % en 2015, 2016 et 2017), de la TFPB dans les mêmes
269
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
conditions et de la CET relevée à 100 % entre 2009 et 2015, puis
respectivement 90 %, 80 % et 70 % en 2016, 2017 et 2018.dont
les recherches représentent plus de 5 % des charges.
La défiscalisation des investissements productifs
Les mesures de la LODEOM en matière d’investissement productif
concernent :
-
l’abaissement des seuils d’agrément (du ministère des Finances)
afin de permettre un meilleur contrôle sur la finalité économique
des opérations de défiscalisation. Ils ont ainsi été ramenés de
300 000 € à 250 000 € pour les investissements « externalisés »
(non réalisés par des personnes en assurant elles-mêmes l’exploitation) et pour les investissements réalisés dans les secteurs
sensibles ;
-
deux nouveaux secteurs éligibles aux dispositifs de défiscalisation : celui de la recherche, en raison de son impact sur la compétitivité des entreprises, et celui du financement de projets de
câbles sous-marins, en raison du coût élevé des liaisons et de la
nécessité de sécuriser les communications ;
-
l’élargissement de l’avantage fiscal aux exploitants d’hôtels et
non plus aux seuls propriétaires, afin d’aider ce secteur ;
-
le taux de la défiscalisation sur les navires de plaisance, ramené
à 50 % (après 70 %) en raison des nombreux abus observés
(délocalisation vers d’autres îles) et du constat que la flotte était
reconstituée ;
-
le plafonnement des investissements dans le secteur des énergies renouvelables.
Régime général
Sont concernés les établissements situés à Saint-Pierre-et-Miquelon,
en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à la Réunion, à SaintBarthélemy et à Saint-Martin :
-
dont l’effectif moyen est d’au plus dix salariés ; si l’effectif vient
à dépasser le seuil de dix salariés, le bénéfice intégral de l’exonération est maintenu dans la limite des dix salariés précédemment
occupés ou, en cas de départ, remplacés ;
-
dont l’activité relève, quel que soit leur effectif : du BTP, de l’industrie, de la restauration, à l’exception de la restauration de
tourisme classée, de la presse, de la production audiovisuelle,
des énergies renouvelables, des NTIC, des centres d’appel, de la
pêche, des cultures marines, de l’aquaculture, de l’agriculture,
y compris les coopératives agricoles et sociétés d’intérêt collectif agricoles et leurs unions, les coopératives maritimes et leurs
unions ;
-
dont l’activité relève du secteur du transport aérien et qui assurent la liaison entre la métropole et la Guadeloupe, la Guyane,
Fiscalité
270
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
la Martinique, la Réunion, Saint-Martin, Saint-Barthélemy,
Saint-Pierre-et-Miquelon, Mayotte ou entre ces départements
ou collectivités, ainsi que la desserte intérieure de la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, la Réunion, Saint-Barthélemy
ou Saint-Martin. Seuls sont pris en compte les personnels de ces
entreprises concourant exclusivement à ces dessertes et affectés
dans des établissements situés dans l’un de ces départements, à
Saint-Barthélemy ou à Saint-Martin ;
-
qui assurent la desserte maritime ou fluviale de plusieurs points
de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de la Réunion,
de Saint-Barthélemy ou de Saint-Martin, la liaison entre les ports
de ces départements ou collectivités ou la liaison entre les ports
de la Réunion et de Mayotte.
Régime préférentiel (exonération « renforcée »)
Ce régime s’applique aux entreprises qui remplissent les conditions
cumulatives suivantes :
-
situées en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à la Réunion,
à Saint-Martin ou à Saint-Barthélemy et appartenant à l’un des
secteurs suivants : agriculture, industrie, commerce, artisanat
(sauf secteurs exclus), activité relevant de la comptabilité, du
conseil aux entreprises, de l’ingénierie ou d’études techniques à
destination des entreprises, de la R&D ou des TIC, ou réalisant
des investissements de rénovation et de réhabilitation d’hôtels,
de résidences de tourisme et de villages de vacances classés, ou
des investissements nécessaires à l’exploitation d’une concession de service public local à caractère industriel et commercial
réalisés dans des secteurs éligibles ;
-
employant moins de 250 salariés et réalisant un chiffre d’affaires
annuel inférieur à 50 M€ ;
-
étant soumises de plein droit ou sur option à un régime réel
d’imposition ;
-
pour l’ensemble de l’outre-mer, sauf la Guyane, les îles des
Saintes, Marie-Galante, Désirade et les communes de la Réunion
constituant la zone spéciale d’action rurale :
-
soit exerçant leur activité principale dans les secteurs de
la R&D, des TIC, du tourisme, de l’environnement ou des
énergies renouvelables pour les entreprises situées en Martinique, en Guadeloupe ou à la Réunion dans les secteurs du
tourisme, de l’agro-nutrition ou des énergies renouvelables ;
-
soit, alternativement, ayant signé avec un organisme public de recherche ou une université une convention agréée
par l’autorité administrative, portant sur un programme de
recherche dans le cadre d’un projet de développement sur
l’île de la Guadeloupe, de la Martinique ou de la Réunion, à
condition que les dépenses de recherche engagées dans le
cadre de cette convention représentent au moins 5 % des
charges totales engagées par l’entreprise au titre de l’exer-
Fiscalité
271
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
cice écoulé, ou ont réalisé des opérations sous le bénéfice du
régime de transformation sous douane, à condition que le
chiffre d’affaires provenant de ces opérations représente au
moins un tiers du chiffre d’affaires de l’exploitation au titre
de l’exercice écoulé.
Montant des exonérations
Son montant est, pour la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, la
Réunion, Saint-Barthélemy et Saint-Martin :
-
employeurs de moins de onze salariés :
-
rémunérations inférieures à 2,2 smic : exonération totale des
cotisations patronales de Sécurité sociale, sauf AT-MP, sur la
partie du salaire allant jusqu’à 1,4 smic ;
-
rémunérations égales ou supérieures à 2,2 smic : le montant
de l’exonération décroît de manière linéaire à mesure que le
salaire versé augmente, jusqu’à disparaître lorsque le salaire
atteint 3,8 smic ;
-
employeurs de onze salariés et plus : exonération totale des cotisations patronales de Sécurité sociale, sauf AT-MP, jusqu’à 1,4
smic, puis dégressive et s’annulant à 3,8 smic ;
-
employeurs remplissant les critères de l’exonération « renforcée » : exonération totale des cotisations patronales de Sécurité
sociale, sauf AT-MP, sur la partie du salaire allant jusqu’à 1,6
smic pour les rémunérations inférieures à 2,5 smic, puis dégressive et s’annulant à 4,5 smic ;
-
cotisations sociales restant dues : cotisations patronales d’assurance sociale et d’allocations familiales sur la partie de la
rémunération excédant le seuil de la franchise, cotisations AT/
MP, cotisations salariales de Sécurité sociale, CSG, CRDS, contribution solidarité autonomie (CSA), FNAL, versement transport,
cotisations salariales et patronales de retraite complémentaire
(AGIRC/ARRCO), cotisations salariales et patronales d’assurance
chômage.
La défiscalisation dans le logement
Concernant le logement, la LODEOM a introduit trois changements
majeurs :
l’extinction progressive du dispositif Girardin concernant l’investissement locatif dans le secteur libre et intermédiaire pour s’annuler respectivement en 2012 et 2013 ;
-
la création d’un nouvel article (199 undecies C) permettant des
incitations fiscales pour le financement de logements locatifs sociaux classiques (LLS) et PLS (prêt locatif social), ainsi que des
résidences avec services pour personnes âgées ;
Fiscalité
272
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
-
l’extension à l’outre-mer du dispositif Scellier à des taux de réduction plus favorables, comme c’est déjà le cas en métropole.
Fiscalité
273
Entretiens
Rencontres des institutions martiniquaises
ADEM, Agence pour le développement économique de la Martinique
AMPI, Association Martiniquaise pour la Promotion de l’Industrie
Association des usagers de l’eau
Caisse d’allocations famillales (CAF) de la Martinique
Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de la Martinique
Chambre d’Agriculture
CGPME, Confédération générale des PME
Comité martiniquais du Tourisme (CMT)
Conseil économique et social régional
Conseil général
Conseil régional
Le bureau de l’UIRM/CFDT
La direction de l’Agriculture et de la Forêt
La direction départementale de l’Équipement
La direction régionale des Affaires sanitaires et sociales
La direction générale de la Concurrence, de la Consommation et des Fraudes
Fédération des commerces et de la distribution
IEDOM, Institut d’émission des départements d’outre-mer
Insee, Institut national de la statistique et des études économiques
MEDEF, Mouvement des entreprises de France
Syndicat de la distribution et des grossistes alimentaires
UFC-Que choisir
Personnalités
ARMOUGON André, secrétaire général SARA
AVILON Alex, secrétaire général, Syndicat de la distribution et des grossistes
alimentaires (SDGA)
BRANCHI Michel, ancien commissaire de la Concurrence (DGCCRF), expert
auprès de l’ARACT et membre de l’Observatoire des prix et des revenus
BERTOME Louis Daniel, président de la Chambre d’agriculture de la Martinique
274
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
BRIVAL Bruno, délégué général (ADEM)
CHILLAIN Nathalie, responsable Communication SARA
COMTE Cyril, président du MEDEF Martinique
CREN Jean-Charles, directeur de la région Martinique, CMA CGM Antilles
Guyane
CRESTOR Richard, secrétaire général de l’Association martiniquaise pour la
promotion de l’Industrie (AMPI)
CRISPIN Michel, président du Conseil économique et social régional de
Martinique (CESR Martinique)
DANIEL Patrick, directeur de magasin Hyper U
DESSEIGNE Stéphane, directeur général, E.LECLERC Martinique (groupe
Hedder Lancry)
DUFEAL Rodrigue, responsable du département Développement social local,
CAF de la Martinique
FAKHOURY Laurent, directeur adjoint, IEDOM Martinique
LE GRAND Hervé, chef de service Unité de coordination des études et de la
diffusion, Insee Fort-de-France
HUBERSON Gilles, conseiller diplomatique, ministère de l’Intérieur, de l’Outremer et des Collectivités territoriales
de JAHAM Joseph, directeur général, Leader Price
LA COGNATA Philippe, directeur, IEDOM
LE CESNE Benoît, directeur général, Karibéa Hotels
LEROY, Deal Martinique
LÉOCADIE Frantz, directeur, CAF de la Martinique
LETCHIMY Serge, président du Conseil régional
MARGURERITTE Pascal, chargé de mission à l’Économie et aux Relations
européennes, Conseil général de la Martinique
MARIE-JOSEPH Pierre, président, Association martiniquaise pour la promotion
de l’industrie (AMPI)
MONROSE Nicaise, directeur général, Chambre d’agriculture de Martinique
PARA Georges, chef du service régional de Martinique, direction interrégionale
Antilles-Guyane
PARFAIT Robert, directeur général, Hyper U
PATTERY Johny, directeur de cabinet, Conseil général de la Martinique
PELLIN Olivier, directeur, centre commercial Dillon (Carrefour)
POMPIÈRE Claude, président, Chambre de commerce et d’industrie de la
Martinique
RAYMOND Olivier, chargé d’étude, Comité national routier
RIMBAUD Jean-Pierre, Etablissement Georges
alimentaire, agent 3 Suisses Antilles-Guyane
de
NEGRI,
distribution
ROSIER Willy, directeur général adjoint, Comité martiniquais du Tourisme
SABIN Frantz, directeur général, Chambre de commerce et d’industrie de la
Martinique
VO-DINH Claude, conseiller technique, ministère de l’Intérieur, de l’Outre-mer
et des Collectivités territoriales
Synthèse
275
Bibliographie et
sources documentaires
ADUAM, Le secteur locatif privé en Martinique, état de lieu des loyers, mai
2007
ADUAM, La problématique du foncier, un foncier qui se mord la queue,
décembre 2007
ADUAM, La demande de logement social en Martinique, septembre 2008
AGRESTE Martinique, Les services publics d’eau et d’assainissement en
Martinique, Enquête eau 2004, septembre 2007
Annuaire fiscal 2004 à 2009
Assemblée nationale, Avis présenté au nom de la commission des Affaires
sociales sur le projet de loi de finances pour 2011 (n°113)
Avis n° 09-A-21 du 24 juin 2009 relatif à la situation de la concurrence sur les
marchés des carburants dans les départements d’outre-mer
Avis n° 09-A-45 du 8 septembre 2009 relatif aux mécanismes d’importation et
de distribution des produits de grande consommation dans les départements
d’outre-mer
Avis présenté au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de
loi de finances pour 2011 (n°113), tome III - Outre-mer, Assemblée nationale
Avis présenté au nom de la Commission des affaires économiques sur le projet
de loi de finances pour 2011 (n°2824), Tome VIII - Outre-mer, Alfred Almont,
Assemblée nationale
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2008) Thème : pouvoir d’achat, prix et salaires
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la croissance, septembre 2009
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territoire, la Martinique, Palais de l’Elysée, 6 novembre 2009
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pour 2010 et pour 2011
Document de politique transversale, projet de loi de finance 2010 outre-mer
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trimestre 2009
IEDOM, La Martinique 2000, édition 2009
276
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
IEDOM, Profils sectoriels de sociétés dans les DOM en 2004 Industrie, BTP,
Commerce Comparaisons avec les entreprises de métropole Evolutions des
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Insee Antianéchos, La montée du tertiaire rapproche les territoires, décembre
2007
Insee Antianéchos, Plus d’un salarié sur trois dans la sphère publique en
Martinique, octobre 2008
Insee Antianéchos, Entreprises de Martinique : en 2005, prédominance du
tertiaire, mars 2008
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d’entreprise, juin 2010
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augmente, mars 2009
Insee Premiers Résultats N°56, L’enquête emploi en Martinique, deuxième semestre
2009, février 2010
Insee Premiers Résultats N°59, Enquête Budget de Famille en Martinique en
2006 - L’alimentation et le logement : premiers postes de dépenses, avril 2010
Insee Antilles-Guyane, La création d’entreprise en Martinique, des créations
pérennes mais une incidence limitée sur l’emploi
Insee Antilles-Guyane, Conseil Général de la Martinique, Le manque structurel
d’emplois dans le secteur privé, difficulté majeure du marché du travail
martiniquais
Insee, TER Martinique, 2007-2008
Insee, TER Martinique, 2009-2010
Insee Antilles-Guyane, Les inégalités de revenus aux Antilles Guyane, dix ans
d’évolution
Insee, Les inégalités de revenus entre les DOM et la métropole, février 2010
Ministère de l’Écologie du Développement durable, des Transports et du
Logement, Audit de l’eau en Martinique, novembre 2010
Conseil des prélèvements obligatoires, Les dépenses fiscales ouvertes aux
entreprises soumises à l’impôt sur le revenu, juillet 2010,
Louis Lengrand & Associés, Université libre de Bruxelles (DULBEA - Département
d’économie appliquée), Étude sur l’identification et l’estimation des effets
quantifiables des handicaps spécifiques propres aux régions ultrapériphériques
ainsi que des mesures applicables pour réduire ces handicaps (Contrat :
2004-CE-16-0-AT-097), juin 2006de MIRAS Claude, L’économie Martiniquaise : développement sans croissance,
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MIREILLE Pierre-Louis, Les Finances des départements d’Outre-mer, Etat des
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Poirine B., 1993 a – « Rente géostratégique et avantage comparatif des petites
économies insulaires », Revue Française d’économie, vol VII, 4 - 1993 b, « Le
développement par la rente dans les petites économies insulaires », Revue
économique, 44, 6 PP 1169-1199
Poirine B. (1995), « Toujours plus ou toujours mieux : refus du développement,
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Projet de loi de finances 2011 : au service du développement des Outre-mer
dans le respect des spécificités de chaque territoire, Ministère de l’intérieur de
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Synthèse
277
Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix
REBOUD Valérie (AFD), HUGOUNENQ Réjane (AFD), JACQUELAIN Vanessa
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(Insee), L’ultrapériphéricité définit-elle un modèle de croissance ?
RAWLS John, Théorie de la justice, Le Seuil
Rapport de la commission Mesure du pouvoir d’achat des ménages, présidée
par Alain Quinet, remis à Mme Christine Lagarde, ministre de l’Économie, des
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Rapport de l’Observatoire des Finances locales, Les finances des collectivités
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Rapport sur le dispositif de suivi et de pilotage de la dépense de l’État outremer, mission d’audit de modernisation, Contrôle général économique et
financier, IGA, février 2007
Rapport d’information sur la mise en application de la loi n°2009-594 du 27
mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, Claude Bartolone
et Gaël Yanno, Assemblée nationale, 29 septembre 2010
Rapport d’information au nom de la mission commune d’information sur la
situation des départements d’outre-mer, Eric Doligé, Assemblée nationale, 7
juillet 2009
Rapport d’information sur la fonction publique d’État et la fonction publique
locale outre-mer, Marc Laffineur, Assemble nationale, 25 septembre 2003
Rapport sur la TVA non perçue récupérable, mission d’audit de modernisation,
IGF-IGA, juillet 2007
IEDOM-IEOM, Les enjeux dans les outre-mer français progrès, enjeux,
disparités, février 2010
Octroi de mer, exonérations de la production industrielle réunionnaise,
éléments d’analyse micro-économique, avril 2003.
Observatoire des prix et des marges, Enquête DGCCRF juillet 2009, document
du 7 octobre 2009
SYNDEX, Approvisionnement en produits pétroliers des départements français
d’Amérique, Rapport d’étape au Comité des Parties prenantes, Juin 2010
Tarif d’octroi de mer, annexe à la délibération n°04-1915 du conseil régional
de la Martinique
Taux d’octroi de mer et octroi de mer régional, mise à jour du 27 mai 2009,
conseil régional de la Martinique
Trésor Eco, n°53, mars 2009
UNEDIC-ASSEDIC, Enquête en besoins de main-d’oeuvre 2008, Région
Martinique
Synthèse
278
Conclusion générale
La notion de développement endogène a été fortement mise en avant
dans le cadre des États généraux de l’Outre-mer.
Néanmoins, s’il s’agit par là de réduire les transferts de l’État, le développement endogène se confond dès lors avec une rupture de la
solidarité nationale, telle qu’elle s’exerce pour chacune des parties de
la nation.
S’il s’agit de repenser la place des productions locales dans le cadre du
développement économique et social du département, il convient dès
lors de changer de concept.
La transparence des marchés comme des politiques publiques, la régulation des marchés et la fiscalité (directe et indirecte) semblent les
trois thématiques centrales sur lesquelles une réflexion de fond doit
encore être engagée dans le cadre du dialogue social territorial, en
vue de construire une vision partagée d’un autre modèle économique
permettant davantage de justice sociale, mais favorisant également
un développement durable des départements d’Outre-mer, qui articule les trois dimensions économique, sociale et environnementale.
279
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75010 Paris – France
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Fax : (33) 1 44 79 09 44
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