Le pouvoir d’achat dans les DOM Incidence de la structure des prix et des coûts Deux monographies Janvier et mai 2011 Cette étude a reçu le soutien financier de l’IRES (Institut de recherches économiques et sociales) Cette étude a reçu le soutien financier de l’IRES (Institut de recherches économiques et sociales) Auteurs Christian Duchesne Adrien Laroze Philippe Morvannou Documentation Annick Boïco Maquette Jacquemine de Loizellerie Correction Alice Boussicaut, Marie Devigne, Lisa Sobral Crédit photos : Brentozar, J.-J. Manach, S. Lasnier, Gaël Chardon, www.photo.martinique.free.fr Introduction Le thème de la vie chère est central dans les départements d’Outremer. En effet, la croissance économique des départements ces dix dernières années n’a pas eu les retombées attendues sur le plan social. Les inégalités se sont accrues, avec une augmentation des prix des biens de consommation, une flambée des prix de l’immobilier et une perte du pouvoir d’achat pour la majorité des ménages. Plus de deux ans après les Etats généraux de l’Outre-mer de 2009, aucune réponse structurelle n’a été apportée pour lutter durablement contre la vie chère et réduire les inégalités. Dans le cadre de cette étude en deux tomes, les travaux ont porté plus particulièrement sur les départements de la Réunion (tome 1) et de la Martinique (tome 2). Plusieurs problématiques ont été abordées : - ultrapériphérie et surcoûts : des handicaps à relativiser, des réponses à apporter. Si l’éloignement de l’île renchérit les coûts de transport, ce handicap est décuplé par les rentes intérieures, le long de la chaîne de distribution (compagnies maritimes, importateurs, distributeurs). La part véritablement liée à la cherté des coûts d’approche dans les prix aux consommateurs est ainsi à relativiser. La réduction des coûts d’approche suppose une réflexion des acteurs économiques sur les flux logistiques internes et sur la mutualisation des moyens, à travers la création de plates-formes partagées ou encore la mutualisation des transports ; - organisation de marché et structure des prix : c’est la question du pouvoir de marché des acteurs économiques ; - dispositif fiscal : ce dernier reste profondément marquée par l’économie de comptoir et ses mécanismes ont des effets inflationnistes et sont source d’inégalité ; - accroissement des inégalités, malgré la croissance de la dernière décennie ; 3 Pouvoir d’achat dans les Dom-Tom - Deux monographies - inégalités de revenu et dépenses contraintes : construire une approche catégorielle de l’évolution du pouvoir d’achat. L’étude a été réalisée en deux vagues d’enquêtes menées en parallèle. Celle de la Réunion a débuté en avril 2010 et a abouti en janvier 2011, tandis que celle réalisée en Martinique a été lancée en mai 2010 et s’est achevée en mai 2011. La méthode d’enquête retenue s’inscrit dans une logique d’étudeaction qui associe les experts de Syndex et les militants syndicaux dans l’ensemble des travaux, et en particulier dans la conduite et l’analyse des entretiens avec de nombreux acteurs économiques et institutionnels. Ce rapport réunit les résultats des deux enquêtes, présentées en deux tomes distincts, intégrant pour chacune des conclusions spécifiques. Il s’achève sur une conclusion plus transversale qui interroge les politiques publiques actuelles et les conceptions du développement de l’Outre-mer qu’elles sous-tendent. Sommaire général Tome 1 .................................................................................. 5 Synthèse ............................................................................... 11 Partie 1 – La dynamique de la croissance réunionnaise ................ 21 Partie 2 - L’organisation des marchés pèse sur les prix ................ 30 Partie 3 - Échanges extérieurs : le maintien d’une structure d’économie de comptoir ..................................................................... 60 Partie 4 - Une évolution nécessaire du dispositif d’octroi de mer ... 67 Partie 5 - Ressources publiques et fiscalité réunionnaise .............. 83 Partie 6 - Une répartition inégale des richesses ......................... 103 Partie 7 - L’évolution des prix pèse sur les ménages aux revenus les plus faibles .......................................................................... 120 Tome 2 .............................................................................. 153 Synthèse ............................................................................. 159 Partie 1 - Dynamique de la croissance martiniquaise ................. 169 Partie 2 - L’organisation des marchés pèse sur les prix .............. 179 Partie 3 Évolution nécessaire du dispositif d’octroi de mer..................................................................... 196 Partie 4 - Ressources publiques et spécificités de la fiscalité à la Martinique ........................................................................... 213 Partie 5 - Une répartition inégale des richesses ......................... 232 Partie 6 - Évolution des prix et pouvoir d’achat ......................... 247 4 Le pouvoir d’achat dans les DOM Incidence de la structure des prix et des coûts Tome 1 - La Réunion Janvier 2011 Agence d’objectifs de l’IRES Cette étude a reçu le soutien financier de l’IRES (Institut de recherches économiques et sociales) Auteurs Christian Duchesne Adrien Laroze Philippe Morvannou Documentation Annick Boïco Maquette Jacquemine de Loizellerie Correction Alice Boussicaut et Jacquemine de Loizellerie Photos : Easytrerider, Alamb974, Megatatan, Gamebouille, Mwanasimba, Damouns, ladoc2009, Yozine. Licences creative commons Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Chers lecteurs, Nous avons le plaisir de vous présenter l’étude réalisée pour et avec l’UIR CFDT sur les causes de la vie chère à la Réunion. La thématique de la vie chère est loin d’être nouvelle à la Réunion, comme dans l’ensemble des DOM. L’année 2009 a été marquée par une explosion sociale d’une ampleur exceptionnelle, notamment dans les deux départements antillais, qui a mis sous les feux de l’actualité la question des prix et du pouvoir d’achat dans l’ensemble de l’outre-mer. Cette question a également été au cœur du débat politique en métropole avant, pendant et surtout après 2007. L’ambition de cette étude est d’apporter un éclairage utile au dialogue social sur la question du pouvoir d’achat à la Réunion. Cela suppose une analyse non seulement de l’évolution des revenus, mais également de celle des prix au travers de leur formation. Le constat n’est plus à faire des écarts de prix significatifs pour des produits et services entre la métropole et la Réunion, comme l’ensemble des DOM. Aussi, d’un point de vue méthodologique, avonsnous écarté une énième approche comparative des prix, d’autant plus que les entreprises de la grande distribution ont mis au point toute une batterie d’outils de gestion marketing rendant dans tous les cas la comparaison des prix extrêmement difficile pour le consommateur. Contrairement à de nombreuses autres publications sur la vie chère, vous ne trouverez ainsi pas de liste comparative des prix pour un panier de biens. Une telle méthode, si elle a le mérite de frapper les esprits, nous semble entachée de biais méthodologiques trop importants pour permettre de fournir des résultats probants à même de changer la donne. Plutôt que d’essayer une fois de plus de légitimer le constat, partagé par tous et toutes, de la vie chère, nous avons tenté de comprendre sa genèse, ou plus précisément les facteurs de tensions expliquant les prix élevés. La mise au jour des mécanismes concourant à ces niveaux élevés des prix vise à entamer une réflexion sur les moyens de les faire baisser. C’est pourquoi nous avons favorisé principalement une approche méso-économique fondée sur la recherche de dissonances pouvant exister entre les performances des sociétés de la Réunion et celles de métropole. Dissonances qui participent à la vie chère à travers la rente de situation que procure l’organisation des marchés. Outre la mobilisation des statistiques disponibles auprès de l’Insee, de la direction des Ddouanes, des services fiscaux ou encore de la direction de l’Agriculture, nous avons, avec J.-P. Rivière, Christine Nicol de l’UIR CFDT et Jean-Jacques Manach de la CFDT, rencontré l’ensemble des acteurs économiques et institutionnels au cours de deux missions effectuées à la Réunion entre le mois d’avril et septembre 2010. Le rapport que nous vous présentons s’est nourri de ces dizaines d’entretiens, qui furent autant de sources d’inspiration et d’indication des pistes à analyser. Que les personnes ayant accepté de nous rencontrer soient ici remerciées. Si l’ensemble des acteurs apparaissent en accord sur la question de la vie chère, il nous est rapidement apparu que toute tentative de passer d’un constat partagé à la formulation de propositions pour remédier à cet état de fait se heurtait à l’opacité de l’économie réunionnaise. Comment nourrir aujourd’hui le dialogue social sur la question de pouvoir d’achat sans pouvoir disposer au préalable d’une information accessible à toutes et à tous, transparente et indispensable à l’exercice de la démocratie économique ? Cette question n’est pas superfétatoire quand on sait : - qu’aucune de nos demandes auprès des acteurs économiques n’a été satisfaite, bien que ces derniers nous aient assuré de leur entière collaboration ; - que les entreprises ne déposent pas leur compte au tribunal du commerce, contrevenant ainsi à une disposition du code du Commerce ; - que l’observatoire des entreprises de l’IEDEOM s’est refusé à traiter notre demande de convention se rapportant à la constitution d’un échantillon représentatif des entreprises de la Réunion ; 7 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix - que ni la douane ni la région n’étaient en mesure de nous fournir l’évolution des taux d’octroi de mer sur plus de 3 ans ni les recettes par produit ; - qu’il n’existe aucune évaluation de l’impact économique et social de l’ensemble des dispositifs fiscaux. De fait, nous avons dû nous résoudre à la seule exploitation des informations publiques dans un cadre normalisé. Malgré son insuffisance pour une réflexion détaillée, ce cadre permet d’apporter des éléments de compréhension sur les facteurs déterminant la structure des prix et leurs évolutions, en privilégiant trois approches à la fois intégrées et complémentaires : - la réalité sur les marges appliquées par les opérateurs économiques à la Réunion et leur évolution récente retracée à partir des outils de la comptabilité nationale transmis ; - l’impact du commerce extérieur qui, dans le cas d’une petite économie insulaire, s’avère central afin de comprendre la constitution des prix des marchandises à l’entrée sur le territoire comme à l’intérieur du territoire ; - la question de la fiscalité réunionnaise (en particulier de l’octroi de mer et des mesures de défiscalisation), qui peut constituer par bien des aspects un outil conjuguant à la fois des effets inégalitaires, une absence d’évaluation des effets économiques et sociaux attendus et surtout pouvant contribuer pleinement à la vie chère. Aujourd’hui, notre étude est entre vos mains. Nous espérons qu’elle permettra un enrichissement décisif du débat sur l’évolution de l’économie réunionnaise, sujet qui inclut aussi bien la répartition des richesses créées que la manière de les créer. C’est le sens de cette étude-action, qui ne prétend pas de modifier à elle seule la réalité réunionnaise, mais permettre aux acteurs réunionnais de disposer des informations fiables et analytiques nécessaires à un débat équilibré afin qu’ils puissent prendre par la suite les décisions qu’ils jugeront utiles pour l’intérêt général des populations actuelles et des générations futures. Le cabinet Syndex 8 Sommaire Synthèse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .11 Partie 1 – La dynamique de la croissance réunionnaise . . .21 1. La Réunion n’échappe pas à la crise . . . . . . . . . . . . . . . . . . .21 2. Les moteurs de la croissance : de la question des transferts . .25 Partie 2 - L’organisation des marchés pèse sur les prix . . .30 1. Écarts de prix entre la Réunion et la métropole : un constat partagé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .30 2. Formation des prix et surcoûts liés à l’ultrapériphérie . . . . . . .34 3. Formation des prix et pouvoir de marché à la Réunion . . . . . .37 Partie 3 - Échanges extérieurs : le maintien d’une structure d’économie de comptoir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .60 1. Introduction sur les échanges extérieurs de la Réunion . . . . . .60 2. Vision globale des échanges de la Réunion . . . . . . . . . . . . . . .61 Partie 4 - Une évolution nécessaire du dispositif d’octroi de mer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .67 1. Le fonctionnement de l’octroi de mer . . . . . . . . . . . . . . . . . . .67 2. Une ressource croissante et sûre pour les collectivités locales et en premier lieu les communes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .73 3. Les impacts de l’octroi de mer sur l’organisation économique . .75 4. Impacts de l’octroi de mer sur les ressources des collectivités locales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .79 5. Les scénarios possibles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .80 Partie 5 - Ressources publiques et fiscalité réunionnaise . .83 1. Ressources en provenance de métropole et d’Europe . . .83 9 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix 2. Budget agrégé des 26 collectivités locales réunionnaises . . . . .86 3. Les dispositifs fiscaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .87 4. La poursuite d’une stratégie de développement axée sur l’incitation fiscale avec la LODEOM . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .91 5. Faible efficacité des mesures de défiscalisation au regard des coûts et effets pervers en découlant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .98 Partie 6 - Une répartition inégale des richesses . . . . . . . .103 1. Accentuation des inégalités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .103 2. Inégalités de revenus plus fortes et moindre pression fiscale à la Réunion qu’en métropole . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .111 3. Progression des revenus salariaux nets à un rythme proche de celui de l’inflation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .114 4. Bas salaire et travailleurs pauvres : interrogation sur la qualité et la croissance des emplois . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .116 Partie 7 - L’évolution des prix pèse sur les ménages aux revenus les plus faibles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .120 1. Le pouvoir d’achat et son évolution : définitions . . . . . . . . . .120 2. L’indice des prix à la Réunion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .122 3. L’évolution des prix à la Réunion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .126 4. Les dépenses de consommation des ménages réunionnais . . .129 5. Pouvoir d’achat et coût de la vie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .138 Entretiens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .145 Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .148 Sommaire 10 Synthèse Le thème de la vie chère est essentiel dans le contexte actuel de la Réunion, car les performances économiques du département, tirées par la hausse de la demande et les travaux d’infrastructures réalisés récemment, n’ont pas eu les retombées attendues sur le plan social. Les inégalités se sont accrues pendant un boom économique qui n’a profité qu’à une minorité de la population alors que, dans le même temps, la croissance économique entraînait une augmentation des prix des biens de consommation, une flambée des prix de l’immobilier et une perte de pouvoir d’achat pour la majorité des ménages. Ce constat a débouché sur les protestations de l’année 2009 qui ont été suivies de la tenue des États généraux de l’outre-mer, dont les conclusions ont été rendues publiques lors du conseil interministériel du 6 novembre 2009. Qu’en est-il aujourd’hui ? La mesure n° 4 du CIOM prévoyait d'« améliorer dès 2010 les données statistiques sur la formation des prix et des revenus et l'évolution du pouvoir d'achat afin d'assurer davantage de transparence en la matière ». La nomination d'une personnalité politique ultramarine au sein du Conseil national de l'information statistique (CNIS) est bien décevante et très loin de répondre aux attentes en matière de lutte contre la vie chère. Une fiscalité qui reste profondément marquée par l’économie de comptoir, malgré l’entrée de la Réunion dans la République Durant la période coloniale, l’essentiel de l’économie réunionnaise dépendait des flux de marchandises en provenance et à destination de la métropole. Les revenus du territoire étaient totalement assis sur ces échanges qui sont à l’origine de la fortune de grandes familles dont les noms marquent l’histoire de la Réunion. Les exportations de café au XVIe siècle puis de sucre au XIXe siècle ont perdu de leur poids dans l’économie réunionnaise. Avec le changement de statut de 1946, la Réunion quittait définitivement l’économie de plantation pour intégrer progressivement l’économie française en devenant un département dans la République. Cependant, ce n’est qu’à partir des années 1960, bien avant les lois sur la décentralisation, que des pouvoirs consultatifs sont attribués aux conseils généraux, à la 11 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Réunion comme dans les autres DOM, en vue de l’adaptation des lois et décrets. Lors de la promulgation du décret sur les attributions des conseils généraux dans les DOM (26 avril 1960) issu de la loiprogramme pour l’outre-mer, le gouvernement français s’est engagé à « adapter la fiscalité, l’agriculture et l’industrie » à chacun des départements d’outre-mer. Pour autant, la Réunion, comme les autres DOM, conserve l’un des attributs de l’économie de comptoir, c’est-àdire une fiscalité indirecte majoritairement assise sur les importations, à travers l’octroi de mer. Dès sa création cependant, il remplit également un rôle de protection des productions locales. C’est ce denier aspect qui fera progressivement l’objet de toute l’attention de l’Union européenne dans laquelle la France inscrit son économie depuis le milieu du XXe siècle. Ainsi, l’UE introduit, par la décision du conseil du 22 décembre 1989, un changement de statut de l’octroi de mer, afin de concilier les exigences du marché intérieur et la prise en compte des handicaps économiques liés à l’insularité. Il confirme sa vocation d’outil de « protection » du marché au service du développement, par l’introduction des différentiels de taux entre la production locale et les produits importés. Les attentes de l’Union européenne sont claires : il s’agit de compenser les handicaps reconnus par le Traité dans une juste proportion, tout en permettant que les ressources de la taxation contribuent au développement économique et social du territoire. Toutefois, si nul ne peut contester le bien-fondé de la « protection » au service du développement permise par l’octroi de mer, il n’en reste pas moins qu’il doit également répondre à une exigence de transparence et doit donc faire l’objet d’une évaluation a priori et a posteriori de ses impacts économiques (valeur ajoutée locale) et sociaux (nombre d’emplois). Cela est d’autant plus nécessaire que, s’il constitue à la fois la principale ressource fiscale des collectivités locales, en particulier les communes, et un outil de protection des productions locales, l’octroi de mer est aussi, par son caractère non déductible, l’un des facteurs structurels de la vie chère. Suivant son taux, on évalue l’incidence sur les prix finaux à la consommation de sa non-déductibilité dans une fourchette comprise entre 3 % et plus de 10 %. Aussi la question de l’évolution de l’octroi de mer mérite-t-elle d’être posée, avec toutefois deux prérequis : d’une part, le conseil régional doit conserver le pilotage de l’outil (prérogative en matière de fixation des taux), d’autre part, la recette doit rester préaffectée au développement économique et social du territoire réunionnais. Cette évolution de l’octroi de mer paraît toutefois inévitable et invite à réfléchir sur les scénarios possibles qui doivent satisfaire les deux fonctions remplies par l’octroi de mer, soit : - le maintien des ressources des communes, une exigence qu’il semble possible d’atteindre ; - le maintien d’une protection des productions locales en toute transparence et qui serait régulièrement évaluée, aussi bien Synthèse 12 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix dans ses effets sur les prix que dans ses effets en matière de développement et d’emploi. Une fiscalité qui favorise peu la transparence des marchés et contribue de manière indirecte à la vie chère et aux inégalités Les entreprises réunionnaises bénéficient d’un grand nombre de mesures de subvention fiscale (dépense fiscale) : - défiscalisation de l’investissement dans le secteur productif et le logement ; - allègements fiscaux ; - allègements des charges sociales ; - exonération d’octroi de mer. Du point de vue des marchés, ces mesures favorisent l’organisation de firmes en réseau regroupant une multitude de PMI/PME (notamment par l’effet de seuil attaché aux mesures de subvention fiscale). Outre l’opacité des marchés que ce type d’organisation engendre, elle est de nature à renforcer les handicaps de compétitivité liés à l’absence d’économies d’échelle. Par ailleurs, elle favorise l’existence de circuits longs qui, in fine, à travers le cumul des marges des nombreux intermédiaires, participe à la vie chère. En outre, elle favorise l’absence de dialogue social faute de lieu de représentation des travailleurs. Réguler les effets de seuil est un impératif afin de combattre la vie chère. Cela suppose la reconnaissance, d’un point de vue fiscal et social, de la réalité des groupes d’entreprises, à la fois de manière directe à travers la prise en compte des liens financiers et de manière indirecte à travers la généralisation des UES (unités économiques et sociales)1. Une organisation des marchés qui génère des rentes de situation au cœur de la vie chère sur l’île de la Réunion Les écarts de prix entre les DOM et la métropole ne peuvent s’expliquer uniquement par l’éloignement et la fiscalité domienne. À cet égard, l’Autorité de la concurrence a dressé un constat clair et aujourd’hui largement partagé par l’ensemble des parties. Si l’insularité et l’étroitesse du marché local pèsent sur les prix, en définitive l’organisation des marchés leur confère localement un caractère peu concurrentiel propice à la constitution de rentes. 1 En droit français, l'unité économique et sociale (UES) est une notion contraignant au regroupement de plusieurs entreprises juridiquement distinctes pour la mise en place d'un comité d'entreprise (CE) commun. Elle résulte d'une décision de justice ou d'un accord conventionnel. Elle est un ensemble économique et social dégagé de plusieurs entités juridiques distinctes (sociétés, associations, etc.) qui ont une complémentarité d’activité, une communauté de pouvoirs et de direction et une communauté de travailleurs. L'unité constituée doit regrouper un minimum de cinquante salariés. Synthèse 13 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix L’analyse transversale des performances des entreprises réunionnaises confirme la conclusion de l’Autorité de la concurrence sur le secteur de la grande distribution alimentaire, qualifiée de peu concurrentielle. Cependant, cette situation n’est pas propre à la grande distribution alimentaire. Elle concerne aussi bien la distribution automobile que l’équipement de la maison ou encore de la personne, à travers une concentration horizontale des enseignes. L’effet rente n’est pas non plus propre aux seuls secteurs de l’industrie ou du commerce. Les secteurs protégés des services sont certainement ceux où la rente est la plus marquée. Dans cet environnement économique peu concurrentiel, les entreprises réunionnaises sont en mesure de répercuter tous les surcoûts liés à l’insularité et à l’économie de comptoir, dégageant des profitabilité supérieures aux entreprises métropolitaines Ainsi, à la Réunion, les entreprises du secteur marchand dégagent des performances nettement plus élevées que celles de la France métropolitaine et, de plus, sur la période 1998-2006, leur profitabilité s’est globalement accrue, alors qu’à l’inverse celle des entreprises métropolitaines a eu plutôt tendance à s’éroder. À la Réunion, pour l’ensemble du secteur marchand2, l’effet sur les prix de l’écart de profitabilité économique brute moyenne du secteur sur la période 1998-2006 peut être évalué à plus de 17 %. Du point de vue du consommateur, l’effet rente est cumulatif, de sorte qu’à chaque étape du circuit de distribution d’un produit, le prix final prend en compte la rente de chacun des acteurs. En règle générale, de façon schématique, deux circuits de distribution peuvent être distingués : - un circuit court : l’importateur est aussi le distributeur pour les produits locaux, il n’y a pas de grossiste entre le producteur et le distributeur ; - un circuit long : le distributeur s’approvisionne auprès d’un importateur ou d’un grossiste. Dans le cas d’un produit importé par l’intermédiaire d’un grossiste, le prix de détail est majoré de 4 à 5 % par rapport au prix métropole, par le simple effet des écarts de profit économique brut. Les surcoûts liés à l’éloignement, mais aussi ceux liés au prix des services locaux, dont les services financiers, les télécommunications et les transports, s’y ajoutent, tout comme l’effet marge sur l’octroi de mer. Dans le cas d’un circuit court pour un produit local, par exemple un produit issu du secteur viande et lait, le prix de détail est majoré de 7,2 % par rapport au même produit en métropole, par le seul effet des écarts de profitabilité, hors surcoûts évoqués précédemment. Combattre l’effet de la rente sur les prix suppose la mise en place d’outils adaptés : - 2 à une réelle surveillance du niveau et de la formation des prix ; Hors énergie et agriculture, pêche et forêt. Synthèse 14 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix - dans certains secteurs économiques, au contrôle de l’effectivité de la concurrence afin de la dynamiser ; - à l’encadrement des prix pour les produits et les services où la concurrence reste difficile à organiser. Évolution des prix et pouvoir d’achat Sur longue période (1998-2008), l’indice général des prix a augmenté en moyenne de 2 % à la Réunion, comparé à une augmentation de 1,8 % en France métropolitaine. Si le rythme d’inflation est assez proche entre la Réunion et la France métropolitaine, il existe néanmoins des écarts significatifs suivant la nature des produits. Ces évolutions sont, bien entendu, à évaluer en fonction du poids relatif de chacun des produits dans les dépenses totales des ménages. Ainsi, une augmentation de 2 % des produits alimentaires à la Réunion et en France métropolitaine n’a pas la même incidence sur le pouvoir d’achat des ménages suivant la composition locale du panier de biens. Ainsi, selon l’étude spatiale des prix menée par l’Insee, en 2010, les prix sont plus élevés dans les départements d’outre-mer qu’en France métropolitaine. À la Réunion, ils sont ainsi supérieurs de 6,2 %. Les écarts de prix sont plus marqués lorsque la référence est le panier de consommation des ménages métropolitains : + 12,4 % à la Réunion. Les écarts de prix entre les départements d’outre-mer et la France métropolitaine sont en partie imputables aux produits alimentaires. Il s’agit en effet d’un des premiers postes de consommation des ménages, et de celui pour lequel les écarts de prix sont les plus marqués entre les territoires. En prenant comme référence la structure de consommation de la Réunion, les prix de ces produits en France métropolitaine sont inférieurs de près de 11 % à ceux pratiqués localement. Inégalités de revenus et dépenses contraintes : construire une approche catégorielle de l’évolution du pouvoir d’achat La notion de pouvoir d’achat renvoie à un grand nombre d’interprétations différentes. En comptabilité nationale, l’évolution du pouvoir d’achat des ménages est appréciée en soustrayant l’évolution de l’indice des prix à l’évolution globale du revenu disponible des ménages. C’est donc une mesure globale qui renvoie à la variation de la masse de revenus distribués sur un territoire donné. Le revenu est dit « disponible », car il s’agit du revenu dont les ménages disposent pour l’ensemble de leurs dépenses de consommation ainsi que pour leur épargne. Sa progression englobe des situations diverses suivant la situation des ménages (composition, insertion sociale, âge). Cette notion globale de pouvoir d’achat ne dit rien sur la répartition et ne renseigne donc nullement sur le pouvoir d’achat de chacun des ménages du territoire pris en considération. Ainsi, à la Réunion, sur Synthèse 15 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix la période 2001-2006, le pouvoir d’achat des ménages, soit la masse des revenus disponibles des ménages, aurait progressé de 2,6 %, selon la définition retenue en comptabilité nationale. Il est préférable de raisonner par catégorie socioprofessionnelle, voire par tranche de revenu, pour approcher l’évolution du pouvoir d’achat de chaque ménage. Or, les ménages sont de plus en plus contraints par des dépenses à engagement contractuel : il s’agit des sommes dépensées en début de mois, avant tout arbitrage en matière de dépenses courantes. Ces dépenses correspondent à des « engagements difficilement négociables, au moins à court terme ». Les scinder selon leur caractère plus ou moins obligatoire revêt nécessairement une part d’arbitraire. En se limitant aux seules consommations, au sens de la comptabilité nationale, les dépenses les plus fortement contraintes sont celles consacrées au logement, au chauffage, aux services de téléphonie et à l’assurance. À ces dépenses, il convient d’ajouter les dépenses de transport qui, si elles n’ont pas de caractère d’abonnement, n’en ont pas moins un caractère contraignant, dans la mesure où elles sont indispensables à l’insertion économique et sociale des ménages. À la Réunion, les dépenses contraintes représentent 44 % des dépenses de consommation des ménages et 42 % de leur revenu disponible, y compris les dépenses de transport, mais hors remboursements d’emprunts, lesquels, d’une part, contribuent à un accroissement du patrimoine des ménages et, d’autre part, procèdent d’un arbitrage au moment de la décision de l’acquisition. Par ailleurs, l’élasticité par rapport au prix est plus forte que pour les dépenses alimentaires, qui constituent 17 % des dépenses de consommation des ménages. Les remboursements d’emprunts, pour leur part, représentent 10 % des dépenses des ménages (dépenses de consommation + remboursements d’emprunts). Le pouvoir d’achat peut ainsi se définir comme l’évolution du revenu arbitrable, c'est-à-dire du revenu disponible après prise en compte des dépenses contraintes et des dépenses nécessaires. Ainsi, pour une augmentation générale de l’indice des prix de 1,8 %, la perte de pouvoir d’achat mesurée par l’évolution du revenu arbitrable s’étage entre – 2,4 % pour les cadres et – 5,7 % pour les autres inactifs. Compte tenu de la part relative des dépenses contraintes et nécessaires pour chacune des catégories de ménages, l’effet structure lié à l’évolution des prix de ces dépenses s’échelonne entre 0,6 % pour les cadres et, à l’opposé, 3,9 % pour les autres inactifs. On appréhende ainsi mieux la question de la perception du pouvoir d’achat des ménages réunionnais par rapport à l’évolution des prix de base comme l’alimentation, mais aussi aux loyers ou encore au prix des transports. Cette perception est d’autant plus forte que la Réunion demeure, malgré la croissance de ces dernières années, une société fortement inégalitaire. Synthèse 16 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Malgré la croissance, la Réunion se caractérise par un renforcement des inégalités et un accroissement de la pauvreté Les inégalités monétaires ont toujours été plus prononcées à la Réunion qu’en métropole. Cette plus forte disparité est confirmée par les indicateurs tels que l’indice de Gini ou le rapport interdécile. En 2006, les 10 % des individus les plus aisés ont un niveau de vie cinq fois supérieur aux 10 % les plus modestes à la Réunion. Pour la métropole, ce rapport est de 3,6. Par rapport à 2001, les indicateurs mettent en évidence une accentuation des inégalités monétaires dans l’île. Celle-ci s’explique par une évolution différenciée des niveaux de vie, les hausses ayant essentiellement profité aux plus aisés. En 2006, 17 % (contre 14 % en 2001) de la population réunionnaise a un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté, qui s'établit à la Réunion à 473 € par mois et par unité de consommation. La population pauvre, au sens de la pauvreté monétaire relative, qui correspond au nombre de personnes vivant sous ce seuil, s’élève à 130 100 individus composant 42 300 ménages. Fiscalité des ménages : des inégalités de revenus plus fortes et une moindre pression fiscale à la Réunion qu’en métropole De fortes disparités de revenus existent à la Réunion. Les foyers fiscaux disposant des revenus les plus faibles (inférieur à 9 400 €) représentent 52,5 % de l’ensemble des foyers fiscaux en 2009, mais disposent seulement de 9,0 % des revenus fiscaux. Dans le même temps, les foyers fiscaux déclarant des revenus supérieurs à 48 751 € concentrent 6,3 % des foyers fiscaux et 35,0 % des revenus totaux déclarés. Cette disparité est plus forte à la Réunion qu’en métropole, où les foyers fiscaux déclarant les plus hauts revenus sont plus nombreux (7,8 %) mais concentrent moins de richesses (31,4 %). Cela dit, l’abattement de 30 % conjugué aux réductions d’impôts à la Réunion conduit, de fait, à augmenter de manière significative le nombre de foyers fiscaux dans la tranche d’impôts inférieure à 800 € (près de 48 %, contre 43 % en métropole). Ainsi, globalement, la Réunion se singularise par rapport à la métropole, avec : - des inégalités de revenu plus prononcées ; - des foyers fiscaux non imposables plus nombreux ; - un plus grand nombre de foyers fiscaux bénéficiant de la prime pour l’emploi ; - un revenu fiscal net imposable plus élevé ; - une pression fiscale plus faible (moins de foyers fiscaux assujettis à l’impôt sur la fortune, plus de déductions fiscales et d’abattements d’impôts). Synthèse 17 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Toutefois, si la pression fiscale directe apparaît plus faible à la Réunion, il ne faut pas oublier que la fiscalité indirecte, et plus particulièrement l’octroi de mer, par sa non-déductibilité, accentue les inégalités, son assiette étant assise principalement sur les biens de consommation. Le besoin de changer de modèle économique Il s’agit ici de montrer en quoi, du point de vue de l’économie du développement, la notion d’égalité des chances élaborée par John Rawls3 et la notion de « justice comme équité » sont indispensables pour le décollage économique d’un pays. Ceci dit, l’inégalité économique définit les inégalités et la pauvreté comme des privations de capacités, de potentialités et non plus seulement comme des avantages moins importants. Amartya Sen le résume bien : « Malgré le rôle majeur des revenus dans les avantages dont jouissent les individus, la relation entre revenus (et autres ressources), d’un côté, et accomplissements individuels et libertés de l’autre n’a rien d’automatique, de permanent ou d’inévitable. Un large faisceau de facteurs contingents soumet à des variations continuelles la "conversion" des revenus en "fonctionnements" que nous souhaitons obtenir et affectent la conduite que nous nous fixons »4. Parmi ces facteurs, outre la situation de chaque citoyen au regard de ses droits, le sexe, l’âge, l’appartenance politique sont autant de capacités qui impliquent de nombreuses différences avec la seule perspective des revenus. Les garanties sociales qui ont progressivement été construites en Europe en faveur des salariés et de leurs familles, connues sous le vocable d’État-providence, ont permis une forte réduction des inégalités économiques par le développement des capacités individuelles et collectives de chacun, elles-mêmes soutenues par des programmes de redistribution acquise par la fiscalité directe. Ces garanties sociales sont parties intégrantes des transferts et, à ce titre, participent à la cohésion de la République et à la réduction des inégalités. En outre, les transferts sont destinés à soutenir les composantes de la demande ou à faciliter l’accumulation des facteurs favorables à la croissance des économies bénéficiaires. Ces objectifs sont ainsi clairement présents dans la politique régionale mise en place par l’Union européenne. Pour cette dernière, ces sommes délivrées aux régions les plus démunies de l’Union ne doivent pas être considérées comme de simples transferts de revenus, mais comme des investissements permettant aux économies en difficulté de renforcer leur structure économique, leur compétitivité et leur cohésion sociale. 3 John Rawls, A Theory of Justice, 1971, traduction française par Colette Audard, Le Seuil), en 1987. 4 Amartya Sen, Un nouveau modèle économique, développement, justice, liberté, Odile Jacob, 2000, page 115. Synthèse 18 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Néanmoins, les transferts sans contrepartie sont souvent assimilés à une économie de rente, qui produit de multiples distorsions macroéconomiques, outre qu’elle n’est sont pas probante, en l’occurrence pour la Réunion. Ces remarques mobilisent des outils d’analyse dont le cadre conceptuel est approprié à l’analyse des États, à travers les comptes de la nation, mais trouve ses limites dans l’analyse d’une partie, certes éloignée, d’un État. L’analyse de la balance commerciale trouve ici sa limite dès lors qu’elle ne peut être menée en articulation avec la balance des paiements. Par ailleurs, au même titre qu’une autre région française, la Réunion bénéficie de transferts dans le cadre des compétences qui lui sont dévolues et de la politique de cohésion sociale de la nation. Aussi, il ne saurait être question d’appréhender les transferts comme une simple aide au développement d’un pays tiers, mais bien comme la contribution de la nation au financement des services publics et de la cohésion sociale. La notion de développement endogène est actuellement mise en avant. Néanmoins, s’il s’agit là de réduire les transferts de l’État, le développement endogène se confond dès lors avec une rupture de la solidarité nationale telle qu’elle s’exerce pour chacune des parties de la nation. S’il s’agit de repenser la place des productions locales dans le cadre du développement économique et social du département, alors il convient de changer de concept. La transparence des marchés comme des politiques publiques, la régulation des marchés et la fiscalité (directe et indirecte) semblent les trois thématiques centrales sur lesquelles une réflexion de fond doit être engagée dans le cadre du dialogue social territorial, en vue de construire une vision partagée d’une autre modèle économique combinant plus de justice sociale mais favorisant également un développement durable de la Réunion qui articule les trois dimensions économique, sociale et environnementale. Synthèse 19 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Dynamique de la croissance réunionnaise 20 Dynamique de la croissance réunionnaise 1. 1. La Réunion n’échappe pas à la crise Depuis le milieu des années 1990, la Réunion se caractérise par une croissance soutenue de son produit intérieur brut (PIB) qui, en moyenne annuelle, s’établit à 4,3 % en monnaie constante5. À titre de comparaison, la croissance annuelle moyenne du produit intérieur brut (PIB) de la France a été limitée à 2,1 % au cours de la même période6, soit un écart de croissance de 2,2 points. Néanmoins, en 2009, la Réunion n’échappe pas à la crise. Après dix années de croissance, son PIB exprimé en monnaie constante recule de 2,7 %, un niveau proche de celui de la France (– 2,6 %). Comme en métropole, les investissements diminuent à la Réunion, mais, l’arrêt des grands chantiers, d’une part, et l’évolution des dispositifs de défiscalisation, d’autre part, en sont ici à l’origine, et non la crise financière. Par ailleurs, la crise frappe durement les exportations de la France, alors que celles de la Réunion, principalement liées à l’activité sucrière, y sont moins sensibles. À la Réunion comme en métropole, la consommation des ménages ralentit, avec respectivement + 1 % et + 0,6 % en volume. En 2009, à la Réunion, les investissements accusent en valeur courante un retrait de 7,8 %, ce qui ramène leur part dans le PIB de 26,3 % en 2008 à 23,6 %. En France, les investissements enregistrent une baisse du même ordre (– 7,5 %). Les trois principaux piliers de l’investissement (commande publique, investissement des ménages et investissement des entreprises) rencontrent en 2009 des difficultés profondes, déjà perceptibles fin 20077. Le cycle rapide de croissance de l’économie réunionnaise ces dernières années s’est maintenu jusqu’au deuxième trimestre 2008. L’emploi salarié marchand8 s’est effrité dès le second semestre 2008 pour finalement chuter au premier semestre 2009, avec la fin des 5 CEROM, « Les comptes économiques de la Réunion en 2009 », Les synthèses de CEROM, n°10, août 2010. 6 INSEE, Réduction de la commande publique : jusqu’à 2 points de moins de croissance en 2009 ?, Insee Partenaires, n°6, juin 2009. 7 INSEE, « Le bilan économique 2009 à la Réunion : la Réunion durement touchée », Économie de la Réunion, Hors-série n°9, juillet 2010. 8 Hors agriculture, éducation, santé, action sociale. 21 Sources : Insee, Comptes de la nation, Cerom, Comptes rapides, traitement Syndex Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix grands travaux d’infrastructure, d’une part, et l’application de la loi Scellier métropole sur la défiscalisation9 à la Réunion, d’autre part. 1.1. Impact marqué de la réduction de la commande publique et de l’évolution des dispositifs de défiscalisation Selon l’Insee10, la fin des travaux de la route des Tamarins et le retard ou l’annulation des projets devant prendre le relais (tram-train, pôle Océan, Zénith…) se traduirait par la perte de 2 points de croissance en 2009. Le BTP a été un élément moteur du développement économique de l’île de 2000 à 2008. La valeur ajoutée qu’il dégage a crû au rythme moyen de 10,2 % par an sur cette période, et le secteur a contribué à 9,1 % de la création de richesse en 2006. Il employait près de 20 000 personnes en 2008, soit 14,5 % des effectifs salariés de la Réunion. En 2007, ces entreprises ont réalisé un chiffre d’affaires de 1,7 milliard d’euros, dont les deux tiers dans le gros œuvre, et plus particulièrement dans la construction immobilière, laquelle représente 56,2 % du chiffre d’affaires de l’ensemble du secteur. Les travaux publics ont généré 351 millions d’euros de chiffre d’affaires, soit 20,2 % du total. Source : BTP Partenaires n°37 –Janvier 2010 Après plusieurs années de forte croissance, l’activité du BTP s’est très nettement dégradée en 2009. Le resserrement de l’accès au crédit et le ralentissement de la demande en biens immobiliers, alimentés par les incertitudes autour de la loi pour le développement économique de l’outre-mer (LODEOM), se sont traduits par une nette contraction des ventes de biens immobiliers neufs. Après le pic de l’année 2008, le chiffre d’affaires du secteur se contracte de plus de 30 % sur la période 2009-2010. Ce retournement de conjoncture dans la construction entraîne un reflux de l’activité d’autres secteurs. Le secteur des transports constitue une activité liée à la fois à celle des secteurs industriels et de la construction et à la consommation des ménages. Ses effectifs baissent de 2,8 % entre le second trimestre 2008 et le second trimestre 2009, avec une reprise depuis les troisième et quatrième trimestres 2009. 9 Voir partie 5. Insee, « Bilan économique 2008 : la chute de la commande publique en BTP pourrait coûter deux points de croissance en 2009 », Économie de la Réunion, Hors-série n°6. 10 Dynamique de la croissance réunionnaise 22 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Une baisse de l’emploi en 2009 et au premier trimestre 2010 En 2009, l’emploi marchand à la Réunion recule de près de 3,3 % en glissement annuel. Le repli le plus important a eu lieu au premier trimestre 2009, où l’emploi a diminué de près de 3,4 %. La baisse s’est maintenue au deuxième trimestre (– 0,7 %), avant un redressement au troisième (+ 0,7 %) et une stabilisation en fin d’année (+ 0,1 %). La construction a été le secteur le plus sévèrement touché. Avec une baisse comprise chaque trimestre entre 3 % et 7 %, le nombre d’emplois dans le secteur de la construction chute de 18,7 % sur l’ensemble de 2009. Au premier trimestre 2010, l’emploi marchand à la Réunion recule de près de 0,9 % par rapport au trimestre précédent. Traditionnellement en baisse à cette période de l’année, l’emploi marchand diminnue modérément comparativement à la baisse exceptionnelle enregistrée au 1er trimestre 2009 (– 3,4 %). Les services aux entreprises (hors intérim), qui s’étaient fortement développés lors du cycle de croissance 2004-2007, ont subi très tôt les conséquences de la crise, sans toutefois subir de baisse importante. Leurs effectifs ont stagné entre le premier trimestre 2008 et le deuxième trimestre 2009, pour rebondir rapidement au deuxième semestre 2009. Leur activité semble bénéficier des anticipations de reprise de la part des autres secteurs. C’est notamment le cas des entreprises de conseil et d’assistance, qui comprennent les cabinets d’études. 1.2. La remontée du chômage freine la consommation et les revenus La baisse des investissements en 2009 (– 6,9 % en volume) a provoqué celle de l’emploi salarié marchand et une hausse du chômage. La masse salariale distribuée dans les secteurs marchands est de ce fait en retrait de 3,5 %. Après la prise en compte du secteur public, l’évolution de la masse salariale demeure négative (– 0,4 %). Cette baisse est en partie compensée par l’explosion des prestations sociales (+ 9 %), en particulier des allocations chômage (+ 32,2 %). En 2009, la forte dégradation du marché du travail s’est durement répercutée sur la consommation et le revenu des ménages réunionnais. Déjà en ralentissement l’année précédente, la consommation des ménages progresse de 1,9 % en valeur, une hausse inférieure de 3,4 points à celle de 2008. En monnaie constante, la consommation des Dynamique de la croissance réunionnaise 23 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Les prestations sociales amortissent les effets de la crise ménages est en hausse de seulement 1 %, après + 2,4 % en 2008. Entre 1998 et 2007, l’évolution moyenne atteignait 4,6 % par an. En 2009, selon l’Insee, « le montant en espèces versées aux ménages progresse à un taux de 9 %. Conséquence directe de la très forte dégradation du marché du travail, les montants distribués par les Assedic progressent de 32,2 % (+ 9,1 % en 2008). La croissance ralentie de la consommation résulte du faible accroissement du revenu des ménages réunionnais. En 2009, le revenu disponible brut des ménages (RDBM) progresse de 1,8 % en valeur, ce qui correspond à l’évolution la plus faible de ces vingt dernières années. À prix constants, compte tenu d’une inflation limitée en 2009 (+ 0,5 %), le RDBM augmente finalement de 1 % en volume, en net ralentissement par rapport aux années précédentes. Il augmentait de 2,2 % en 2008 et de 4,6 % en moyenne entre 1998 et 2007, soutenu par la croissance de l’emploi (+ 4,2 % en moyenne annuelle sur la période 1998-2008 de l’emploi salarié marchand). Les prestations versées par la Caisse d’allocations familiales évoluent peu, de 1,9 %, très en deçà des évolutions constatées au début des années 2000. Enfin, malgré l’arrivée à la retraite de générations plus nombreuses, le montant des retraites versées progresse plus faiblement que l’année précédente (+ 5,1 % après + 6,2 % en 2008). Toutefois, le seuil de 1 milliard d’euros versé a été franchi en 2009. La forte baisse de la masse salariale, notamment dans la construction, a été en partie amortie par la hausse des prestations versées par les Assedic. Les prestations sociales constituent une part importante du revenu des ménages réunionnais (voir partie 6). Répartition de la valeur ajoutée Mis en place au 1er mars 2009, le revenu supplémentaire temporaire d’activité est alloué aux personnes sous contrat de travail dont le revenu brut est inférieur ou égal à 1,4 smic. Les prestations versées s’élèvent en 2009 à 36 millions d’euros. Ce complément contribue très légèrement à l’augmentation globale des prestations sociales en espèces ». Source : Insee, Économie de la Réunion, juillet 2010 En moins d’une dizaine d’années, la structure de l’économie réunionnaise s’est transformée, profitant de la croissance de la consommation comme de l’investissement, avec notamment un renforcement du poids du secteur de la construction et des services marchands dans la valeur ajoutée de la Réunion. Corrélativement, le poids des services administratifs diminue sur la période (– 2,5 points de valeur ajoutée). Le poids des services administratifs à la Réunion, comparé à celui de la métropole, est souvent présenté comme l’un des effets « pervers » de l’économie de transferts. Toutefois, rapporté au nombre d’habitants, le coût administratif (valeur ajoutée par habitant) est moins élevé à la Réunion (5 449 €) qu’en métropole (5 895 €), malgré les écarts de rémunération des titulaires dans la fonction publique. Dynamique de la croissance réunionnaise 24 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix 2. Les moteurs de la croissance : de la question des transferts Plus soutenue qu’en France métropolitaine, la croissance à la Réunion se singularise par l’intensité de ses trois composantes essentielles : la consommation des ménages, la consommation des administrations et l’investissement (voir graphique ci-contre). Cette particularité a souvent été perçue comme le simple effet keynésien d’une dynamique exogène11 liée aux transferts de l’État. Ces derniers sont destinés le plus souvent à soutenir les composantes de la demande ou à faciliter l’accumulation des facteurs favorables à la croissance des économies bénéficiaires. Ces objectifs sont ainsi clairement présents dans la politique régionale mise en place par l’Union européenne. Pour cette dernière, ces sommes délivrées aux régions les plus démunies de l’Union ne doivent pas être considérées comme de simples transferts de revenus mais, à l’inverse, comme des investissements permettant aux économies en difficulté de renforcer leur structure économique, leur compétitivité et leur cohésion sociale. Néanmoins, de nombreux auteurs, parmi lesquels B. Poirine12 ou Ph. Jean-Pierre13, sans remettre en cause l’effet multiplicateur des transferts14, soulignent que ce type de développement est susceptible d’entraîner des distorsions macroéconomiques : contraction du secteur exposé au profit du secteur protégé et augmentation corrélative des importations ; porosité d’une partie des salaires du secteur privé productif avec ceux du secteur public, ce qui aurait pour conséquence une sous-utilisation du facteur travail par d’autres secteurs et par rapport à ce que nécessiterait l’optimum de bien-être social15. En définitive, peut-on considérer, avec Eric et Julien Magamootoo16, que les transferts « créent un cercle non vertueux qui ne favorise pas la compétitivité » ? Comme nous allons le voir, les effets décrits par ces auteurs ne semblent pas se vérifier à la Réunion. 11 On entend par dépense exogène les dépenses des administrations publiques, les investissements des entreprises et les exportations. 12 B. Poirine, « Rente géostratégique et avantage comparatif des petites économies insulaires », Revue française d’économie, vol VII, 4, 1993 ; « Le développement par la rente dans les petites économies insulaires », Revue économique, 44, 6, 1993. p. 11691199. 13 Ph. Jean-Pierre, Transferts et déséquilibres macroéconomiques des économies ultramarines, document de travail n° 51, novembre 2007, AFD. 14 INSEE, L’ultrapériphicité définit-elle un modèle de croissance ?, 2007 (AFD : Vanessa Jacquelain, Valérie Reboud ; IEDOM : Réjane Hugounenq, Bertrand Savoye, Olivier Simon ; INSEE : Claude Joeger, Cabinet DME). Pour la Réunion, l’effet multiplicateur est évalué à 1,295. 15 B. Poirine, « Toujours plus ou toujours mieux : refus du développement, émigration et rationalité », Revue d’économie du développement (2), 1995. P. 29-56. 16 Eric et Julien Magamootoo, La Réunion des possibles, Riveneuve éditions, 2009. Dynamique de la croissance réunionnaise 25 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix 2.1. Économie de transferts et effet multiplicateur Dans un DOM considéré comme une économie de transferts, le niveau de PIB global s’explique par l’importance des transferts financiers publics (TFPC)17. Sur les dix dernières années (1998-2008), la croissance du PIB s’est effectuée au même rythme que les transferts nets : + 6,7 % pour le premier et + 6,6 % pour les seconds. Rapportés au PIB, les transferts, alors qu’ils étaient régulièrement en baisse depuis le début des années 1990, ont de nouveau progressé à la fin de cette décennie, pour s’établir à plus de 40 % jusqu’en 2007. Rapportés au PIB marchand, les transferts progressent de manière significative à partir du début des années 2000. Cette progression des transferts relativement au PIB permet de conclure que la croissance des transferts a largement contribué au dynamisme de la croissance réunionnaise à travers la consommation des ménages. Leur propension à consommer est supérieure à celle de la métropole, malgré un taux d’épargne également supérieur, qui tend toutefois, en fin de période, à diminuer au profit des investissements (incités notamment par les mesures fiscales). Ces deux éléments sont de nature à expliquer la vigueur des investissements ces dernières années, sans qu’il soit possible d’apprécier la part de l’épargne des ménages réellement réinvestie à la Réunion. Pour l’ensemble des départements et collectivités d’outre-mer (DCOM), l’IEDOM18 estime, pour l’année 2008, les dépenses fiscales à: - 150 M€ au titre de la réduction d’impôts sur les sociétés dédiés aux investissements productifs ; - 800 M€ au titre de la réduction sur l’impôt sur le revenu liés aux investissements productifs ; - 300 M€ de réduction de l’IRPP liés à leurs investissements locatifs et de réhabilitation de logements situés dans les DCOM. 17 Jean-Yves Rouchoux, « Transferts financiers publics et développement régional : le cas d’une région d’outre-mer, la Réunion », Région et Développement, n°5, 1997. 18 IEDOM, La Réunion 2009, édition 2010. Dynamique de la croissance réunionnaise 26 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Ainsi, sur une dépense globale de 1 250 M€, plus de 75 % sont liés au soutien à l’investissement productif et 25 % au soutien à l’investissement locatif. Par ailleurs, la note conjointe de l’IEDOM et de l’IEOM sur l’habitat dans les outre-mer français19, publiée en février 2010, nous renseigne sur les dotations versées par l’État au titre du logement social dans les DCOM. Pour la Réunion, sur la période 20002006, ces dotations se sont élevées en moyenne à 122 M€. Les fonds européens participent aussi grandement au financement des investissements d’infrastructure de la Réunion, à travers les fonds structurels qui, entre 2000 et 2006, se sont élevés en moyenne annuelle à 132 M€20. 2.2. Économie de transferts, importations et contraction du secteur exposé La propension à importer (importations rapportées au PIB marchand) permet d’approcher la question de la relation entre les transferts et la contraction du secteur exposé. Après une croissance dans les années 1970-1980, les importations diminuent par rapport au PIB marchand : 64 % en 1970, 69 % en 1980, 55 % en 1990 et 52 % en 2006. Ainsi, à partir des années 1990, la croissance du PIB ne s’accompagne pas d’une détérioration de la part locale. Les industriels locaux ont renforcé au contraire leur position par rapport aux importations. On peut tenter d’approcher plus précisément le phénomène en calculant la part de marché des producteurs locaux21, qui remplace la propension à importer. C’est le complément du taux de pénétration des importations sur le marché interne. Ce second calcul confirme le 19 IEDOM-IEOM, Les enjeux dans les outre-mer français progrès, enjeux, disparités, février 2010. 20 État d’avancement au 1er juillet 2006 : 791 M€ de crédits payés sur 1 444 M€ de crédits programmés. 21 Production +imports + impôts sur les imports – exports – variation des stocks. Dynamique de la croissance réunionnaise 27 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix précédent. Sur l’ensemble de la période depuis 1970, et non plus seulement depuis 1980, la part locale s’accroît régulièrement. Bien entendu, ce bon résultat sur le marché local tient pour partie à la croissance d’un secteur naturellement protégé, le BTP – dont la part dans la valeur ajoutée marchande n’a cessé de croître depuis le début des années 1990 pour s’établir en 2006 à près de 15 %. En effet, l’activité du BTP est pour l’essentiel non échangeable sur le marché international, à la différence d’autres activités industrielles. Néanmoins, l’effet du BTP ne doit pas occulter les bonnes performances de l’industrie durant la période sous revue, puisque la part locale des secteurs les plus exposés progresse. Il en est ainsi du secteur des autres biens intermédiaires ou encore, plus surprenant, des biens d’équipement et des industries de biens de consommation. Économie de transferts et dysfonctionnements du marché du travail La majoration des salaires du secteur public dans les DOM serait de nature à engendrer de profonds dysfonctionnements sur le marché du travail. Les salaires du secteur public, majorés par rapport à ceux de la métropole, deviennent le salaire de référence et conduisent à tirer vers le haut une partie des salaires du secteur privé productif. Cela a alors pour conséquence d’imposer à ce dernier des techniques de production plus intensives en capital qu’en main-d’œuvre, ce qui n’incite pas à la création d’emplois. Concernant la porosité du marché du travail au salaire de référence du secteur public, un « alignement » des salaires du secteur privé sur le secteur public devrait conduire à un écart, pour une catégorie donnée de salariés, entre le salaire moyen perçu à la Réunion et celui perçu en métropole. Or, d’après la comparaison du salaire net annuel moyen pour les emplois à temps plein (voir partie 7), cette hypothèse ne semble pas se vérifier. Porter un autre regard sur les transferts : outil de développement et de cohésion sociale La discussion sur les effets des transferts ne doit pas faire oublier que la Réunion, par son statut, est une partie d’un ensemble national, certes éloigné, et qu’elle partage nombre de caractéristiques avec plusieurs régions métropolitaines. En conséquence, elle ne peut être appréhendée comme une économie indépendante. Comme le souligne B. Poirine, « personne ne songe à penser que les habitants d’une ville de garnison métropolitaine sont assistés ou improductifs parce qu’il n’y a pas d’usine ou de paysans à cet endroit mais beaucoup de commerçants et autres fournisseurs de services improductifs entretenus par la rente militaire que leur accorde le reste de la nation. Tout le monde s’accorde à penser, au contraire, que ces Dynamique de la croissance réunionnaise 28 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix habitants apportent une contribution normale à la nation. En revanche, la contribution des DOM-TOM semble mal perçue si bien qu’on parle plus naturellement de rente ». Aussi, il ne saurait être question aujourd’hui de remettre en cause les transferts au vu des distorsions supposées qu’ils engendrent et dont on a pu voir qu’elles n’étaient pas fondées. Il s’agit plutôt de réfléchir, d’une part, à leur régulation (afin d’éviter les effets d’aubaine, comme ce fut le cas sur la période 2004-2008 pour les investissements productifs dans le TP) et, d’autre part, à leur réorientation afin d’assurer le développement de la valeur ajoutée sur le territoire autour des filières intégrées favorisant l’aménagement du territoire et des secteurs exportateurs. À cet égard, comme le souligne J.-M. Salmon22, l’orientation à l’exportation passe nécessairement par une meilleure prise en compte de cet objectif et par une plus forte incitation à y souscrire par l’État et la Commission européenne. À cette fin, il apparaît nécessaire d’identifier, outre les secteurs concernés, des politiques d’appui innovantes, y compris les accompagnements fiscaux utiles, le soutien aux investissements publics et privés rendus nécessaires, sans oublier les aménagements dans les accords commerciaux internationaux. Il va de soi que cette réorientation des transferts ne peut se réaliser sans d’importants investissements, notamment dans le capital productif et humain, clés du développement futur de la Réunion. 22 Jean-Michel Salmon, Pourquoi s’ouvrir ? Contraintes et perspectives pour les économies ultramarines, AFD, Document de travail n°53, novembre 2007. Dynamique de la croissance réunionnaise 29 2. L’organisation des marchés pèse sur les prix 1. Écarts de prix entre la Réunion et la métropole : un constat partagé Les écarts de prix entre les DOM et la métropole ne peuvent s’expliquer seulement par l’éloignement et la fiscalité domienne. L’Autorité de la concurrence dresse un constat clair et aujourd’hui largement partagé par l’ensemble des parties. Si l’insularité et l’étroitesse du marché local pèsent sur les prix, en définitive l’organisation des marchés leur confère localement un caractère peu concurrentiel propice à la constitution de rentes. Saisie le 18 février 2009 par le secrétaire d'État à l'Outre-mer sur la situation de la concurrence dans les départements ultramarins, l'Autorité de la concurrence a rendu un avis relatif aux mécanismes d'importation et de commercialisation des produits de grande consommation dans les DOM. Il s'agit du second volet d’une même saisine, qui avait donné lieu, le 24 juin 2009, à l’avis 09-A-21 concernant les carburants23. Dans les DOM, la petite taille des marchés et leur éloignement des principales sources d'approvisionnement sont des obstacles naturels à l'obtention de prix comparables à ceux observés en métropole24. Aux surcoûts qui en résultent s'ajoute une taxe spécifique, l'octroi de mer, perçue par les collectivités locales sur les importations et qui accroît mécaniquement les prix de vente aux consommateurs. Cependant, conclut l’Autorité de la concurrence25, ces spécificités ne suffisent pas à expliquer l'importance des écarts de prix constatés entre la métropole et les DOM pour les produits de grande consommation. Ainsi, selon les relevés effectués par la DGCCRF26, sur 23 Avis n°09-A-21 du 24 juin 2009 relatif à la situation de la concurrence sur les marchés des carburants dans les départements d’outre-mer. 24 Louis Lengrand & Associés, université libre de Bruxelles (DULBEA - Département d'économie appliquée), Identification et estimation des effets quantifiables des handicaps spécifiques propres aux régions ultrapériphériques et des mesures applicables pour réduire ces handicaps (Contrat : 2004-CE-16-0-AT-097), 2006. 25 Avis n°09-A-45 du 8 septembre 2009 relatif aux mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d’outre-mer. 26 Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. 30 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix un échantillon d'environ 75 produits importés de métropole dans les quatre DOM, les écarts de prix en magasin avec la métropole dépassent 55 % pour plus de la moitié des produits échantillonnés, un pourcentage trop élevé pour trouver exclusivement sa source dans les frais de transport et l'octroi de mer. Sur l’échantillon des produits « importés », les taux médians d’octroi de mer et d’octroi de mer régional sont en effet de 17,5 % pour la Guadeloupe, 22,5 % en Martinique, 20 % en Guyane et 18 % à la Réunion. Pour que l’octroi de mer et le fret expliquent conjointement et à eux seuls l’intégralité des écarts observés, le fret devrait représenter 46 % du prix de l’industriel en Guadeloupe et en Charges de fret et octroi de mer en proportion du prix de départ usine des marchandises Source : Avis n° 09-A-45 du 8 septembre 2009 relatif aux mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d’outre-mer, p. 24. Organisation des marchés et prix 31 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Martinique, 52 % en Guyane et 38 % à la Réunion. Or, comme le souligne l’Autorité de la concurrence, les charges de fret sont, pour la plupart des produits, largement inférieures à ces niveaux. En revanche, les différentiels de taux d’octroi de mer entre la Guadeloupe et la Martinique permettent d’expliquer, en partie, les différents écarts de prix constatés entre ces DOM et la métropole pour des produits identiques. Certes, cet avis de l’Autorité de la concurrence ne concerne que les produits de grande consommation, qu’ils soient importés ou produits localement. Néanmoins, ses conclusions sont d’une portée générale dès lors qu’elles mettent en avant « plusieurs particularités des circuits d'approvisionnement des marchés domiens permettant aux opérateurs de s'abstraire partiellement du jeu concurrentiel, seul capable de faire baisser les prix en faveur du consommateur domien ». L’avis de l’Autorité de la concurrence relatif à la situation de la concurrence sur les marchés des carburants dans les départements d’outre-mer rend bien compte de ce pouvoir de marché. Le dispositif actuel, institué par les décrets de 1988 et de 2003 et conçu initialement comme une simple dérogation au principe général de la liberté des prix, instaure une régulation des prix des carburants dans les DOM qui n’est justifiée que par l’existence de monopoles en amont du circuit de distribution. Le plafonnement des prix de détail est destiné à éviter que les acteurs en monopole n’imposent des prix trop élevés. L’objectif de cette régulation n’a jamais été de supprimer toute concurrence par les prix, ou toute possibilité pour les acteurs d’ajuster leurs prix en fonction de leurs contraintes économiques. Or, constate l’Autorité de la concurrence, « elle s’est transformée en un système de fixation administrative des prix de détail. Ces prix administrés sont considérés par les distributeurs comme des prix minimum, et non des prix maximum, permettant de préserver leurs marges dont le niveau a augmenté plus vite que les coûts de distribution. Cette disparition de toute concurrence par les prix est d’autant moins justifiée que les réseaux de distribution sont nombreux et fournis, la densité de détaillants dans les zones de population principales permettant un véritable choix des consommateurs. » S’agissant des activités amont, l’Autorité de la concurrence propose d’interdire à un gestionnaire de facilité essentielle (stockage) d’exercer une activité de distributeur aval au sein d’une même structure commerciale. Cela devrait conduire à filialiser les activités de stockage ou à imposer une séparation fonctionnelle et comptable très stricte entre activités. Ainsi à la Réunion, compte tenu « des liens entre Shell et Total au sein de la SRPP, la simple séparation fonctionnelle apparaît insuffisante pour la gestion du stockage portuaire à la Réunion et il convient, pour ce cas particulier, d’une part d’imposer la filialisation complète, d’autre part de dénouer les liens structurels entre les réseaux de détaillants de Total et Shell qui devraient se retrouver en concurrence frontale sur le marché de la distribution ». Organisation des marchés et prix 32 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Dans son avis présenté au nom de la commission des Affaires sociales sur le projet de loi de finances pour 2011, la sénatrice Anne-Marie Payet apporte27 un éclairage complémentaire sur les tarifs des services bancaires à partir d’une analyse comparée des tarifs à la Réunion et en métropole pour une grande banque de la place. Elle en conclut que les écarts constatés sont pour le moins « indécents » et qu’ils ne peuvent pas s’expliquer en l’espèce « par des raisons objectives de coût ou de risque pour l’établissement de crédit ». La question des tarifs des services bancaires est d’autant plus centrale qu’ils pénalisent fortement les ménages à faible revenu. Tout comme l’est celle du coût du financement pour les ménages et les entreprises. Les données publiées régulièrement par l’IEDOM sont sans appel à ce sujet. Les écarts constatés, quel que soit le type de crédit, ne peuvent s’expliquer, pour les banques dont le siège se trouve en métropole, par le coût du refinancement. Source : IEDOM, la Réunion, 2009 Source IEDOM 27 Avis présenté au nom de la commission des Affaires sociales sur la projet de loi de finances pour 2011, tome III, Outre-mer, n°113. Organisation des marchés et prix 33 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix 2. Formation des prix et surcoûts liés à l’ultrapériphérie Comparées aux régions européennes continentales, les régions ultrapériphériques présentent des caractéristiques originales. Plusieurs de ces spécificités engendrent des coûts supplémentaires par rapport à une activité de production ou de service localisée sur le continent. Déjà évoquée dans le traité d’Amsterdam, la question des surcoûts dans les régions ultrapériphériques, et plus particulièrement dans les DOM, se pose avec acuité au regard des écarts de prix entre les territoires domiens et la métropole. La Réunion appartient ainsi a priori à la catégorie des territoires caractéristiques des « petites économies insulaires », avec certaines spécificités (ou handicaps) communes : PIB et populations comparées de la Réunion et des principaux pays de la zone - absence d’économies d’échelle ; - manque d’expérience et de savoir-faire dans certains domaines sur le marché intérieur ; - faiblesse des infrastructures locales ; - éloignement géographique du continent européen, première zone de relation économique et institutionnelle de la Réunion, entraînant des coûts d’approche élevés ; - relative étroitesse des débouchés sur le marché intérieur réunionnais. Ces handicaps restent néanmoins à relativiser : - la proximité avec d’autres zones de consommation et de production (proches dans l’océan Indien…) permet – en théorie – de diversifier les débouchés ; - l’étroitesse du marché intérieur et l’absence d’économies d’échelle est fortement à relativiser : avec une population de plus de 800 000 habitants (et une démographie dynamique) associée à un PIB par habitant de 18 200 € (données Insee 2008), le marché réunionnais a un poids important, en particulier dans sa zone géographique. À titre de comparaison, alors que le PIB de Madagascar est égal à 9,05 milliards de dollars US en 2009, celui de la Réunion est de 20,05 milliards, soit un PIB plus de 2 fois plus élevé pour une population 25 fois plus faible ; - les infrastructures de l’île ont été largement développées grâce aux nombreux soutiens financiers et ne constituent plus un handicap majeur ; - si l’éloignement de l’île renchérit les coûts de transport, ce handicap est fortement décuplé par les rentes intérieures le long de la chaîne de distribution (compagnies maritimes, importateurs, distributeurs) ; la part de la cherté des coûts d’approche dans les prix aux consommateurs est ainsi à relativiser. Organisation des marchés et prix 34 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Éloignement économique et coût de transport Économiquement, l’éloignement est susceptible de constituer un handicap majeur pour le développement d’un pays ou d’un territoire. Les coûts de transport peuvent renchérir sensiblement le prix d’un produit importé et réduire les bénéfices attendus de la participation au commerce extérieur par les exportations. Néanmoins, éloignement géographique n’est pas synonyme d’éloignement économique. Il n’y a pas proportionnalité entre la distance géographique et sa traduction économique (les coûts d’approche) : la proximité avec une route maritime prime dans la détermination du coût de fret, réduisant sensiblement les coûts d’approche. Si les coûts de d’approche (de transport) sont souvent avancés comme élément d’explication du différentiel de coût entre la Réunion et la métropole, cet argument est à nuancer. Prix du fret maritime et impact sur les écarts de prix Le transport maritime est assuré à la Réunion par un oligopole composé de trois compagnies (présentes avec leurs propres navires) : CMA-CGM, Maersk et Mediterranean Shipping Company (MSC). Sur la ligne Europe-Réunion, le prix moyen d’un conteneur 20 pieds est de 1 400 € (avec des variations de +/- 200 €), mais il s’agit d’un prix « all in », intégrant des IFP minorées (Interim Fuel Participation : surcharge carburant). On peut ainsi retenir un prix « all in » de 1 500 € pour un conteneur 20’ et de 2 800 pour un 40’. La situation est plus défavorable pour les conteneurs réfrigérés, avec 2 500 € pour un 20’ et 4 700 € pour un 40’ (ce qui s’explique par l’absence de flux au départ de la Réunion, à l’inverse des Antilles qui exportent de la banane). Bien que les prix du fret aient baissé entre 2006 et 2009, ils demeurent nettement plus élevés que sur le marché international des grandes lignes (en comparaison : un trajet Europe-Australie coûte 1 300 US$, soit 1 000 €, alors que le prix est 30 % plus élevé pour la Réunion malgré un trajet deux fois moins long). Néanmoins, si, par construction, le poids relatif du fret dans la constitution des prix devrait être d’autant plus élevé que le prix du bien est faible (à l’inverse, plus un bien a de la valeur, moins la part relative de son coût de transport dans le prix final devrait être importante), l’Autorité de la concurrence constate l’inverse : les écarts de prix entre la métropole et la Réunion sont d’autant plus élevés que le prix du produit en métropole est faible. Malgré la cherté du fret à destination de la Réunion comparativement à d’autres destinations, celui-ci ne peut être considéré comme véritablement constitutif des écarts de prix entre la Réunion et la métropole. Selon l’enquête de l’Autorité de la concurrence, le poids du fret représenterait 5 % à 15 % du prix de vente au consommateur à la Réunion. Néanmoins, les exemples fournis par l’Autorité ne reflètent pas ces niveaux : Nesquick (1 kg) : 6,3 % ; spaghetti Panzani (1 kg) : 4,3 % ; gel douche Tahiti vanille (250 ml) : 5,4 %, savonnette Palmolive (4 x 100 g) : 4,3 %. Les Armateurs de France, en réponse à la mission sénatoriale sur la situation des départements d’outre-mer (M. Eric Doligé, 7 juillet 2009), ont affirmé que le poids du fret représentait de 3 % à 4 % du prix des produits dans les DOM (niveau jugé cependant inférieur à la réalité par la mission). Source : Autorité de la concurrence, avis n°09-1-45 du 8 septembre 2009 relatif aux mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d’outre-mer Organisation des marchés et prix 35 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Surcoûts répercutés et performances des entreprises réunionnaises L’analyse microéconomique conduite par le CNRS et l’ENSC28, à partir des données microéconomiques recueillies sur un échantillon d’entreprises domiennes et métropolitaines pour l’année 2003, conclut qu’aucune différence de performance significative n’apparaît entre les entreprises domiennes et métropolitaines. Un point les distingue objectivement toutefois : le poids des besoins en fonds de roulement et des subventions, tous deux plus élevés dans les DOM. Ces bonnes performances comptables des entreprises tranchent toutefois avec l'appréciation des surcoûts perçus par les entrepreneurs eux-mêmes, comme le souligne l’enquête conduite par le CNRS et l’ENSC. En définitive, si les données bilancielles ne permettent pas de conclure à une dégradation des performances des entreprises liée aux surcoûts supportés en raison des handicaps endogènes et exogènes des régions ultrapériphériques, c’est que celles-ci s’adaptent à cette situation en augmentant les prix de vente. Dans la mesure où l'essentiel de l'activité (production et services) est orienté vers eux, les ménages, l'État et les collectivités locales supportent l’intégralité du surcoût de production. Les surcoûts et la fiscalité indirecte à l’entrée sont sans conteste à l’origine d’un écart avec les prix pratiqués en métropole. Toutefois, toutes choses égales par ailleurs, les entreprises domiennes devraient dégager une profitabilité proche des entreprises métropolitaines puisqu’elles répercutent l’ensemble de ces coûts dans leurs prix de vente. Or, il en est rien. D’une part, à la Réunion, les entreprises du secteur marchand dégagent des performances nettement plus élevées que celles de la France métropolitaine. D’autre part, sur la période 1998-2006, leur profitabilité s’est globalement accrue. À l’inverse, la profitabilité des entreprises métropolitaines a plutôt tendance à s’éroder. Durant la période étudiée, l’écart de profitabilité 28 CNRS, École normale supérieure de Cachan (ENSC), Évaluation des surcoûts économiques de l’ultrapériphéricité dans les DOM, juin 2005. Organisation des marchés et prix 36 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix brute s’élève en moyenne de plus de 13 points. Cet écart est significatif et ne peut à lui seul être expliqué par le coût du financement du besoin en fonds de roulement et par le poids des amortissements. Il renvoie donc à l’organisation des marchés à la Réunion, et ce d’autant plus que la structure du tissu économique réunionnais se rapproche de celui de la métropole, comme en témoigne la répartition des entreprises par nombre de salariés. 3. Formation des prix et pouvoir de marché à la Réunion Pour appréhender la question évoquée précédemment, nous avons adopté une approche méso-économique, conduite à partir des données issues des comptes économiques régionaux sur la période 1998-2006, d’une part, et des données sectorielles issues du tableau économique de la Réunion, d’autre part. Ces dernières complètent en profondeur les données issues des comptes économiques régionaux, mais traitent un champ moins large puisqu’elles ne portent que sur les entreprises d’au moins 10 salariés ou d’au moins 800 000 € de chiffre d’affaires. Par ailleurs, compte tenu du changement de méthode intervenu en 2000, elles couvrent une période plus restreinte : 2000-2007. 3.1. Le secteur de l’industrie Le secteur de l’industrie comprend l’industrie agroalimentaire, de biens de consommation, de biens d’équipements et de biens intermédiaires. En 2006, il contribue à 15 % de la production marchande en 2006, à 9 % de la valeur ajoutée et à 13 % de la masse salariale, et il emploie 12 272 salariés sur les 109 315 du secteur marchand. Le secteur de l’industrie se caractérise par une large proportion de très petites entreprises : près de neuf entreprises sur dix ont moins de dix salariés en 2008, ce qui souligne le poids de l’artisanat. Près de 49 % des salariés seraient employés dans des entreprises de 10 salariés. En comparaison, ils ne sont que 12 % en France. Organisation des marchés et prix 37 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix La structuration des filières animales ARIBEV : L'Association réunionnaise du bétail, de la viande et du lait (ARIBEV), structure interprofessionnelle créée en 1979, regroupe les différents intervenants des filières porcine, bovine et laitière (CPPR, SICA-REVIA, SICA-LAIT), ainsi que les importateurs, les transformateurs et les distributeurs. L’ARIBEV gère également plusieurs fonds d’intervention - la Caisse pour l'orientation et la régulation du marché du porc (CORMAP), le Fonds de développement de l'élevage bovin (FODEBO) et le Fonds de développement de l'élevage laitier (FODELAIT), lesquels financent diverses actions en faveur des éleveurs réunionnais. SICA Viande pays : Société coopérative d’intérêt collectif agricole chargée du désossage, de la découpe et du conditionnement dans les filières porcines et bovines. Le traitement des déchets SICRA-AUCRE : La Sica-Aucre, créée en 1995, est une usine de traitement de déchets animaux située à l’Etang-Salé. La filière porcine CPPR : La Coopérative des producteurs de porcs de la Réunion, créée en 1974, assure le développement de la production (240 éleveurs étaient adhérents de la coopérative en décembre 2007). CRIAP : Centre régional d'insémination artificielle porcine, qui contrôle la reproduction dans la filière porcine. SICABAT : Société coopérative d’intérêt collectif agricole d?abattage, qui assure l'abattage des porcs. La filière bovine SICA-REVIA : Société coopérative d'intérêt collectif agricole Réunion-Viande, qui rassemble 315 éleveurs de bovins. Elle fournit des animaux reproducteurs aux éleveurs-naisseurs et assure l'abattage des animaux issus d'élevages non adhérents. SICABO : Société coopérative d'intérêt collectif agricole chargée de la gestion de l'abattoir ouvert à Saint-Pierre en juin 1998. L’atelier de découpe associé à l’abattoir est géré par la Société bourbonnaise de viande (SOBOVI). La filière laitière SOCA-LAIT : Société coopérative d'intérêt collectif agricole du lait (170 adhérents en 2007), créée en 1962, qui assure la collecte du lait et contribue, avec les interventions du FODELAIT, au développement de la production réunionnaise. La filière avicole ARIV : L’Association réunionnaise interprofessionnelle de la volaille, créée en 1994, rassemble l’ensemble des acteurs de la filière avicole et gère le Fonds de développement avicole (FODAVI). La production de volailles est assurée dans le cadre de la filière organisée par un groupement d’éleveurs : Avi-pôle Réunion (106 éleveurs). Créé en novembre 2006 suite à la fusion de la SCAAR et du SREV en juillet 2005, Avi-pôle Réunion compte dans ses rangs depuis le 1er janvier 2008 le GEVE, qui avait succédé au GEVGM après la création d’Avicom en 2002. Cet organisme fait partie de la Fédération des éleveurs de volailles de la Réunion (FEVOR), dont le rôle consiste à défendre les intérêts des éleveurs, développer la production et gérer les aides financières attribuées. Source : IEDOM Organisation des marchés et prix 38 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Sur la période 2006-1998, l’activité de l’industrie croît à un taux annuel de 4,5 %. La valeur ajoutée, pour sa part, suit un rythme de croissance de 6,2 % en moyenne annuelle, ce qui traduit un ciseau de prix au bénéfice de l’industrie. Par ailleurs, la masse salariale progresse quasiment sous le seul effet de la croissance des effectifs : + 5 % en moyenne annuelle pour la première et + 4,2 % pour les seconds (soit une évolution de la masse salariale moyenne29 de 0,8 % par an : il s’agit donc d’un effet prix). Il en découle une croissance du profit brut d’exploitation (EBE) de 10 % par an, qui se traduit par une progression du taux de profit brut (EBE/production) de 4 points sur la période sous revue. La dynamique de croissance l’industrie agroalimentaire L’industrie agroalimentaire représentait, en 2006, 43 % de la production du secteur de l’industrie et près de 38 % des emplois. Elle recouvre trois segments : l’industrie du sucre et du rhum, l’industrie de la viande et du lait et les autres industries agroalimentaires. L’industrie du sucre et du rhum Source : INSEE, traitements Syndex Assise de longue date sur le traitement des produits de la première production agricole de la Réunion, la canne à sucre, l’industrie du sucre et du rhum (23 % de la production de l’industrie agroalimentaire) occupe une place particulière dans l’économie réunionnaise. Première industrie exportatrice de la Réunion après le tourisme, elle occupe 55 % des surfaces agricoles. Aujourd'hui, un hectare produit en moyenne 8 tonnes de sucre. Grâce aux centrales thermiques bagasse-charbon, un quart des besoins de l'île en électricité est couvert par la canne. Aussi l’impact de l’industrie sucrière sur l’économie réunionnaise ne se mesure-t-il pas seulement par sa production. En effet, l’industrie sucrière transforme la canne à sucre locale pour produire du sucre en première transformation, et en seconde des coproduits du sucre. Il est donc intéressant de raisonner en termes de filière canne-sucre, laquelle inclut en amont des biens et services intermédiaires : engrais, produits phytosanitaires, travaux 29 La masse salariale moyenne est le rapport entre la masse salariale et les effectifs, hors effet volume lié à l’évolution des effectifs. Organisation des marchés et prix 39 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix de récolte et aménagement foncier, énergie, eau, transport, maintenance, emballages. En aval, se trouvent des activités qui valorisent les coproduits du sucre comme les rhum-alcools et produits d’élevage à partir de la mélasse, ainsi que la valorisation en énergie. Le cabinet Algoé30 a évalué l’impact économique de la filière cannesucre à 1,6 fois sa valeur ajoutée directe. Les revenus indirects induits par la filière sont estimés à 38 M€ et sont composés à 40 % de salaires distribués aux ménages. L’effet total sur l’emploi est donc important, puisque les 88 M€ distribués aux ménages représentent l’équivalent de 7 000 emplois à temps plein rémunérés au Smic, soit près de 4 % de l’ensemble des emplois à la Réunion. Le nombre effectif d’emplois, y compris à temps partiel, est estimé à 12 000 pour l’année 2000. L’offre sucrière, aujourd’hui concentrée sur les deux usines de Gol (sucrerie de la Réunion) et de Bois-Rouge (sucrerie de Bois-Rouge), est fortement intégrée au sein de groupe internationaux comme Union SDA ou Teros, actionnaire majoritaire de Groupe Quartier français. Sur la période 1998-2006, la production en valeur courante de l’industrie du sucre et du rhum croît en moyenne de 2,5 % par an, bénéficiant notamment de la remontée des cours du sucre sur le marché mondial à partir de 2002, alors que la production en volume stagne sur la même période autour de 2 millions de tonnes. La valeur ajoutée de l’industrie du sucre et du rhum accuse une érosion en moyenne annuelle de – 2,8 % qui, conjuguée à une hausse de la masse salariale de 2,3 % par an, conduit à une baisse sensible du profit brut : – 9 % en moyenne. En 2006, le profit brut est ainsi ramené à 3,4 %. Il était de 8,8 % en 1998. L’industrie de la viande et du lait Formant 32 % de la production de l’industrie agroalimentaire, cette industrie se caractérise par une organisation des marchés structurée autour de coopératives dans les filières animale et laitière. À la différence de celles de l’industrie du sucre et du rhum, les performances de l’industrie de la viande et du lait sont en croissance sur la période sous revue. Par ailleurs, comparées à la métropole, elles sont très nettement supérieures. Source : Trésor Eco, n°53, mars 2009. Ainsi, sur la période 1998-2006, l’activité enregistre-t-elle une croissance de plus de 4 % en moyenne annuelle, alors qu’en France la croissance moyenne n’est que de 1 % en valeur courante. Le profit brut quant à lui, à la Réunion, croît à un rythme proche de celui de l’activité, alors qu’en métropole il baisse de 3,8 % en moyenne annuelle. Il semblerait donc que l’industrie laitière et de la viande à la Réunion n’ait pas suivi, comme en France, l’évolution à la baisse des produits agricoles31. 30 31 Algoé Consultants, Commission paritaire canne-sucre de la Réunion, septembre 2003. Trésor Eco, n°53, mars 2009. Organisation des marchés et prix 40 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Pour la France, dans tous les secteurs, les prix à la production baissent comme les prix des consommations intermédiaires agricoles. Les industries agroalimentaires répercutent donc relativement bien les baisses de prix des matières premières agricoles. En revanche, les prix à la consommation finale diminuent seulement légèrement pour la viande et le lait, et pas du tout pour les autres industries agroalimentaires. Pour la viande et le lait, en France, les consommateurs bénéficient des gains de pouvoir d'achat dus à la baisse des prix jusqu'au début des années 1990, mais le commerce semble ensuite obtenir ces gains. Le taux de marge augmente en effet continûment pour les commerces du secteur de la viande et du lait. Pour les autres secteurs, une inflexion forte est apparente au milieu et à la fin des années 1990, période où le taux de marge commercial augmente fortement. À la Réunion, sur la même période, à la différence de la France, les industries de la viande et du lait ont préservé leurs marges. Sur la période, le taux de profit brut se situe autour de 11 %, alors qu’en métropole il s’érode progressivement, de 5,4 % en 1998 à 4,6 % en 2006. L’écart de profitabilité entre les industries réunionnaises et françaises s’est ainsi accru de 5 à 6 points. Cet écart de taux reflète le pouvoir de marché des industries de la viande et du lait à la Réunion face à la distribution, pouvoir de marché que le secteur de la distribution tend à affaiblir à travers les importations. Ces dernières ont tendance à progresser plus rapidement que la production locale, notamment pour la viande bovine et le lait. Les autres industries agroalimentaires Avec 45 % de la production de l’ensemble de l’industrie agroalimentaire, elles regroupent des activités très variées, telles que l’industrie du poisson, des fruits et légumes, des huiles et concentrés pour les boissons, de l’extraction de sel ou de la fabrication d’aliments divers (dont l’alimentation animale). C’est un secteur concentré, avec des entreprises en situation de duopole ou de monopole, souvent de taille internationale, comme dans le riz ou encore dans les huiles et les boissons, mais où il existe aussi, sur certains segments, des petites entreprises. Globalement, la dynamique des autres industries agroalimentaires se rapproche de celle des industries de la viande et du lait : - une croissance soutenue de la production : + 2,9 % en moyenne annuelle, contre + 1,3 % pour la France en valeur courante ; - une croissance du profit brut de 7,3 % à la Réunion, pour un recul en métropole de 1,3 % en moyenne annuelle entre 1998 et 2006. Cette dynamique opposée de l’industrie agroalimentaire à la Réunion et en métropole a pour origine : - d’une part, une différence de traitement de la baisse des prix agricoles. En métropole, ces baisses ont été répercutées, Organisation des marchés et prix 41 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix quoiqu'imparfaitement, dans le prix des produits alimentaires à la production et ont surtout profité aux autres branches, c'est-àdire à la restauration collective et au commerce, et peu aux consommateurs finaux. À la Réunion en revanche, les industries agroalimentaires, fortes de leur pouvoir de marché, ont bénéficié pleinement de la baisse des produits agricoles, sans les répercuter dans leurs prix ; - Source : Trésor Eco, n°53, mars 2009. d’autre part, une évolution différente des transferts de valeur ajoutée. Au cours de la période, en métropole, se dessine une inversion des transferts de valeur ajoutée dus aux gains de productivité au profit du commerce. De 1978 à 1991, phase de restructuration et de rationalisation du commerce, le taux de marge du commerce varie peu. On observe ensuite une augmentation du taux de marge, relativement forte au début des années 2000, parallèlement à la légère remontée des prix à la consommation réels en toute fin de période. À l’inverse, à la Réunion, les industries agroalimentaires ont gardé le bénéfice des gains de productivité, comme en témoigne la croissance moyenne de leur profit brut par rapport à celle de la valeur ajoutée. Dans ce contexte, le taux de profit brut, qui était de 7 % à la Réunion en début de période, s’élève à près de 10 % en fin de période. À l’inverse, pour la France, le taux de profit passe de 9 % en 1998 à 7 % en 2006. Sur la période, le taux de marge moyen d’exploitation (EBE/VA) est supérieur de plus de 1 point à la Réunion par rapport à la France : 34,4 % contre 33,6 % en France. La dynamique de croissance des industries des biens de consommation Les industries des biens de consommation comprennent des activités dont le débouché naturel est la consommation des ménages : pharmacie, chimie, édition et imprimerie, textile et équipements divers du foyer. Elles contribuent pour 11 % à la production du secteur de l’industrie. Bien que ce secteur compte le plus grand nombre d’établissements, près des deux tiers sont à caractère artisanal et n’emploient aucun salarié. Principalement tournée vers son marché intérieur, cette industrie exporte marginalement (de l’ordre de 1 % du chiffre d’affaires). Organisation des marchés et prix 42 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Sur la période 1998-2006, l’activité des industries des biens de consommation à la Réunion croît à un rythme annuel de 5,2 %, contre seulement + 1,3 % pour la France métropolitaine en valeur courante. Cette croissance s’accompagne, à la Réunion, d’un renforcement des performances, avec une croissance du profit brut de 9,1 % en moyenne annuelle. Le taux de profit brut, de 9,8 % en début de période, passe à 13,1 % en 2006, progressant de plus de 3 points. En France, le taux de profit brut, proche de celui de la Réunion en début de période, se maintient pour s’établir à 8,9 % en fin de période. Il est en moyenne de 9 % sur la période, contre 12,3 % à la Réunion, soit un écart de profitabilité brute en moyenne de plus de 3 points. La dynamique de croissance des industries des biens d’équipement et des biens intermédiaires Les industries des biens d’équipement recouvrent des activités de production de matériels servant principalement à fabriquer d’autres biens. Ce secteur est bien moins représenté à la Réunion qu’en France métropolitaine, en raison de l’absence de secteurs comme la construction aéronautique et ferroviaire et de la marginalisation des secteurs de la construction navale et automobile. Il est fortement orienté vers la production de biens destinés à la construction : la fabrication de métal pour la construction et la fabrication de matériel électrique en sont les principaux sous-secteurs. Globalement, les industries des biens d’équipement contribuent à 13,2 % de la production du secteur de l’industrie. Sur le marché local réunionnais, la part de l’industrie des biens d’équipement est relativement faible, puisque 80 % des équipements sont importés. Tirée par les investissements dans les infrastructures et le bâtiment, sur la période 1998-2006, l’industrie des biens d’équipement bénéficie d’une forte croissance comparée à celle de l’industrie en France métropolitaine : + 9,2 %, contre 1,3 % en valeur courante en France. Cette croissance s’accompagne d’une progression de la valeur ajoutée et du profit brut : respectivement + 9,3 % et + 17,2 % en moyenne annuelle. Les performances économiques, assez stables en France, sont au contraire en forte progression sur la période à la Réunion. Oscillant autour de 6 % en France métropolitaine, le taux de Organisation des marchés et prix 43 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix profit brut passe de 7,2 % en 1998 à 12,7 % en 2006. Le taux de marge d’exploitation passe de 20 % à 35 %, alors qu’en France métropolitaine il se situe en moyenne à 18 %. Les industries des biens intermédiaires sont, comme les précédentes, fortement tournées vers le secteur de la construction, et plus particulièrement dans le domaine du béton, du concassage et de la miroiterie. Elles sont le plus souvent en position de duopole et figurent parmi les plus grandes entreprises industrielles de la Réunion (plus de 15 M€ de chiffre d’affaires). La dynamique de croissance des industries des biens intermédiaires est similaire à celle des autres industries : - croissance de la production plus soutenue qu’en France métropolitaine : + 4,6 %, contre + 2,6 % en valeur courante ; - progression sensible de la valeur ajoutée en valeur comme en taux. En valeur, elle augmente de 6,7 % (+ 0,4 % en France), et, en taux, elle passe de 29 % en 1998 à 34 % en 2006. Inversement, en France métropolitaine, le taux de valeur ajoutée s’érode progressivement de 33 % à 28 % en fin de période. Dans ce contexte, le profit brut progresse en valeur moyenne de 10 % par an à la Réunion, alors qu’il régresse de 2,2 % en France métropolitaine. Le taux de profit, à 10 % en début de période à la Réunion, atteint ainsi 15,6 % en 2006, tandis qu’en métropole il s’établit à 6,6 % contre 9,7 % en début de période. L’écart de taux de profit brut, qui était de moins de 1 point en début de période, ressort à plus de 8 points en 2006. 3.2. Le secteur de la construction Le secteur de la construction comprend les travaux publics, le second œuvre et le bâtiment. En 2006, il contribue à 16 % de la production marchande, à 14 % de la valeur ajoutée et à 14 % de la masse salariale, et il emploie 17 000 salariés sur les 109 315 du secteur marchand (13 % des emplois marchands, contre 7 % en France métropolitaine). Organisation des marchés et prix 44 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Le secteur de la construction est composé à 90 % d’entreprises artisanales, qui orientent leur activité vers le gros œuvre. D’après l’EAE de 200632, seules 21 entreprises emploient au moins 50 salariés et réalisent 28 % du chiffre d’affaires du secteur, en privilégiant les travaux publics. En effet, depuis la loi de programme pour l’outre-mer (LOPOM) de juillet 2003, précédée par des mesures déjà engagées par la loi d’orientation pour l’outre-mer de 2000, les mesures fiscales au bénéfice des entreprises domiennes favorisent les entreprises de moins de 50 salariés, ce qui explique leur nombre important dans le secteur de la construction, mais aussi dans l’ensemble de l’industrie. Ainsi, 40 % des entreprises du secteur de la construction n’emploient aucun salarié, et 91 % d’entres elles, employant moins de 11 salariés, sont qualifiées d’artisanales. Sur la période 1998-2006, l’activité du secteur construction croît en rythme annuel à un taux de près de 14 %. La valeur ajoutée pour sa part suit un rythme de croissance de 12 % en moyenne annuelle. La masse salariale progresse quasiment sous le seul effet de la croissance des effectifs : 9,4 % en moyenne annuelle pour la première et 8 % pour les seconds (soit une évolution de la masse salariale moyenne de 1,4 % par an : effet prix). Le profit brut d’exploitation (EBE), pour sa part croît à un rythme plus soutenu que la valeur ajoutée : + 15,1 %, ce qui traduit une répartition de cette dernière en faveur du capital (y compris la rémunération des entrepreneurs individuels). Dans ce contexte, le taux de profit brut, à 23 % en début de période, s’établit à près de 26 % en 2006. Comparé à la France métropolitaine, le secteur de la construction à la Réunion enregistre, entre 1998 et 2006, un rythme de croissance nettement plus soutenu : + 13,7 % en moyenne annuelle, contre 7,1 % en France, bénéficiant des investissements d’infrastructure et des mesures favorisant le bâtiment. Cette croissance s’accompagne d’un renforcement des performances du secteur de la construction à la Réunion, avec une croissance du taux de profit brut de plus de 2 points sur la seconde partie de la période sous revue : jusqu’en 2001, le taux de profit brut se situe en moyenne à 22,2 %, puis, sur la seconde période, marquée par les investissements dans les infrastructures, le taux de profit brut s’établit en moyenne à 24,3 %. En France, sur la même séquence, le taux de profit brut s’établit à 6 % puis à 7 % en fin de période. 32 Enquête annuelle d’entreprise, Économie de la Réunion, n° 135. Organisation des marchés et prix 45 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix L’écart de taux de profit d’exploitation est significatif entre la Réunion et la France : plus de 16 points, tout comme l’écart de taux de marge d’exploitation : plus de 34 points. Certes, le poids des entreprises sans salariés majore le taux de profit d’exploitation. Cela dit, corrigé d’une rémunération imputée33, le taux de profit d’exploitation à la Réunion demeure sans rapport avec celui constaté en France : 24,1 %, contre 8,9 % en métropole, alors que l’écart de taux de valeur ajoutée n’est que de 2 points. Appréciés à partir des seules entreprises de plus de 10 salariés34, les écarts de taux de profit d’exploitation entre la Réunion et la France semblent tenir pour beaucoup à l’organisation de la sous-traitance en cascade à travers l’artisanat. Pour les travaux publics, la croissance de l’activité à la Réunion a été en moyenne annuelle de 13,2 %, contre 6 % en France. Cette croissance s’accompagne d’une progression sensible du taux de profit d’exploitation de plus de 3 points sur la période, le rapprochant de celui de la France métropolitaine. Pour le secteur du bâtiment (gros œuvre et second œuvre), la croissance de l’activité est tout aussi significative à la Réunion : + 16,7 % à la Réunion, + 7,1 % en France métropolitaine. Toutefois, à la différence des travaux publics, le taux de profit d’exploitation du secteur du bâtiment ne progresse pas sur la période, alors qu’en France il gagne 1 point. 33 Rémunération imputée calculée sur la masse salariale moyenne par salarié rapportée au nombre d’entreprises sans salarié. 34 Source : TER 2004 et 2010. Organisation des marchés et prix 46 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix En revanche, le taux de marge d’exploitation pour le TP devient, en 2007, supérieur à la Réunion par rapport à la France, le poids des frais de personnel ayant plus fortement baissé à la Réunion qu’en France, traduisant une répartition de la valeur ajoutée en faveur du capital plus accentuée à la Réunion. La situation contrastée entre l’évolution du taux de profit et de la marge d’exploitation du secteur construction saisie, d’une part, à travers les comptes de branche et, d’autre part, par sous-secteur pour les seules entreprises de plus de 10 salariés éclaire les écarts de performances constatés précédemment. Les entreprises de plus de 10 salariés du TP comme du bâtiment regroupent principalement des entreprises qui assurent la maîtrise d’ouvrage. Ces dernières ont un taux de valeur ajoutée inférieur aux entreprises de même taille en France métropolitaine. Face aux duopoles et monopoles de leurs fournisseurs et au poids de leurs donneurs d’ordre (les prix de leur marché s’appuient sur le prix des entrants), elles disposent de fait d’un faible pouvoir de négociation qui pèse sur leur valeur ajoutée. À l’opposé, les entreprises artisanales (moins de 10 salariés), soustraitantes pour la plupart des premières dans le gros œuvre, ont pour l’essentiel des charges de main-d’œuvre, ce qui expliquerait les écarts de taux de profit d’exploitation entre les entreprises de plus de 10 salariés et les entreprises artisanales. N’oublions pas, par ailleurs, le poids des entreprises n’employant aucun salarié. 3.3. Le secteur du commerce Le secteur du commerce recouvre le commerce de gros, le commerce et la réparation automobile, le commerce de détail et l’artisanat à caractère commercial (charcuterie, boulangerie, pâtisserie, commerce de détail de viande). En 2006, il contribue à 16 % de la production marchande (marge commerciale + ventes de services), à 15 % de la valeur ajoutée et à 25 % de la masse salariale, et il emploie 26 700 salariés sur les 109 315 du secteur marchand (24 % des emplois du secteur marchand, dont la moitié dans le commerce de détail, contre 12 % en France métropolitaine). Le secteur du commerce est composé à plus de 90 % d’entreprises artisanales, dont 70 % ne comportent pas de salarié. Organisation des marchés et prix 47 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Sur la période 1998-2006, l’activité du secteur commerce croît en rythme annuel à un taux de près de 5,5 %. La valeur ajoutée, pour sa part, suit un rythme de croissance de 5,2 % en moyenne annuelle. La masse salariale progresse de 6 %, sous l’effet notamment de l’évolution du smic, alors que les effectifs salariés croissent en moyenne de 3,6 %. Le profit brut d’exploitation (EBE) augmente à un rythme légèrement inférieur à celui de la valeur ajoutée : + 4,6 %. Le taux de profit brut d’exploitation a ainsi tendance à s’éroder durant la période sous revue, passant de 12,5 % en 1998 à 11,7 % en 2006. Toutefois, comparé à la métropole, le taux de profit brut résiste mieux à la Réunion, puisqu’il ne baisse que de 0,8 point sur la période, contre plus de 3 points en métropole. La proximité des résultats économiques du secteur du commerce entre la Réunion et la France métropolitaine, qu’il s’agisse du taux de profit brut d’exploitation ou de la marge d’exploitation, renvoie cependant à des situations contrastées du point de vue de la taille des sous-secteurs. Selon l’enquête réalisée par l’Insee35 , il y aurait peu de différence de profitabilité selon la taille des entreprises, tandis que les disparités sont fortes selon les sous-secteurs, comme en témoigne le graphique « EBE en % du CA ». Source : INSEE, TER 2004 et 2010 35 Insee, Économie de la Réunion, n° 133, Nadine Jordan et Claude Parrain, Dossier les entreprises réunionnaises. Organisation des marchés et prix 48 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Dans le commerce de gros, le taux de profitabilité d’exploitation s’élève à 6,8 % en 2007, comme en métropole. Il s’est légèrement érodé par rapport à 2000, mais demeure supérieur de plus de 3 points à celui de la métropole. Dans le commerce automobile, le taux de profitabilité d’exploitation s’établit à 3,9 % en 2007. S’il est en recul par rapport à 2000, sa baisse est toutefois nettement moins sensible qu’en métropole, si bien que l’écart avec cette dernière se creuse. À + 0,3 point en 2000, ce dernier s’établit à + 1,3 point en 2007. Dans le commerce de détail, à la différence des deux précédents sous-secteurs du commerce, le taux de profitabilité d’exploitation progresse de manière sensible à la Réunion entre 2000 et 2007, passant de 6 % à 8,5 %, alors qu’en métropole il s’érode, passant de 6,7 % à 5 %, sous l’effet notamment du développement du hard discount. Alors que les taux de profitabilité bruts réunionnais et métropolitain étaient relativement proches en 2000, ils sont séparés par 3,5 points en faveur de la Réunion en 2007. Le sous-secteur de l’artisanat à caractère commercial est le seul où le taux de profitabilité brut d’exploitation réunionnais est inférieur à celui de la métropole. Certes, l’écart de taux de profit brut d’exploitation dans le secteur du commerce de détail, de gros et automobile trouve pour partie son origine dans les exonérations de charges sociales dont bénéficient les entreprises domiennes. Cela dit, celles-ci ne sont pas les seuls facteurs qui expliquent une profitabilité d’exploitation supérieure à la Réunion à celle de la métropole, comme en témoignent les écarts de taux de valeur ajoutée au profit du secteur du commerce à la Réunion (entre 2 % et 1 % suivant les sous-secteurs du commerce). Ces écarts renvoient aux principales caractéristiques des marchés domiens dans le secteur du commerce, notamment de la distribution mais aussi du commerce automobile et de la réparation automobile. Le secteur de la distribution dans les départements d’outre-mer est dominé par des enseignes nationales également présentes en métropole, principalement Carrefour, Cora et Casino. Au-delà de cette identité de certains opérateurs, le secteur de la distribution dans les DOM présente des caractéristiques plus spécifiques. En premier lieu, le développement des enseignes nationales dans les DOM s’est essentiellement appuyé sur des « master-franchises » mises en place, soit par des groupes de dimension nationale, soit par de puissants opérateurs locaux, au premier rang desquels les groupes Bernard Hayot et Gérard Huyghues-Despointes (pour le compte du groupe Carrefour notamment). Certains de ces groupes, qu’ils soient domiens ou métropolitains, recourent simultanément à des magasins détenus en propre et à des franchises. En second lieu, dans trois des quatre DOM, le secteur de la distribution alimentaire présente des niveaux de concentration relativement élevés. À la Réunion, en Guyane et en Guadeloupe, certains groupes de distribution détiennent ainsi des parts de marché, en surfaces commerciales, supérieures à 40 %, soit sur la totalité du département concerné, soit dans une ou plusieurs zones. En outre, Organisation des marchés et prix 49 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix certains de ces opérateurs exploitent également des structures communes. En particulier, deux franchisés du groupe Carrefour, les groupes Bernard Hayot et Gérard Huyghues-Despointes, exploitent une centrale d’approvisionnement commune en métropole et en Guadeloupe (leur participation dans le capital étant de 50 % chacun). Ils exploitent en outre un hypermarché (Carrefour Millenis) en commun – la société d’exploitation est détenue à 37 % par le groupe Bernard Hayot et à 63 % par le groupe Gérard Huyghues-Despointes, alors que le groupe Bernard Hayot est détenteur d’un autre hypermarché Carrefour concurrent du précédent (Destrelland). À la Réunion, les groupes Hayot, Caillé, Vindemia-Casino et Cadre contrôlent plus de 60 % du marché aval (cf. Bulletin officiel de la concurrence et de la répression des fraudes, n°5, avril 2006). Source : IEDOM, Réunion 2009-2010. Enfin, à ce degré de concentration élevé s’ajoute fréquemment une diversification conglomérale et verticale des groupes de distribution domiens. Fortement implantés dans la distribution alimentaire, ceuxci sont aussi fréquemment présents dans d’autres segments de la distribution, à travers un portefeuille de marques sur l’ensemble des secteurs du commerce (distribution automobile, articles de sport, articles de bricolage). C’est le cas du groupe Caillé à la Réunion, ou encore du groupe Ravate qui, créé en 1939, est aujourd’hui le 4e plus grand groupe économique de l’île autour de marques aussi diverses que San Marina, Jennyfer, Pimkie, Celio, Gifi, Virgin Megastore ou Leroy Merlin. Le Groupe Caillé Source : société.com, caratographie des entreprises et de leurs dirigeants Organisation des marchés et prix 50 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Certains de ces groupes sont également intégrés verticalement dans la production de certaines denrées alimentaires ou dans l’activité de grossiste-importateur : les produits fabriqués localement ou achetés aux industriels métropolitains sont alors revendus à leurs concurrents sur le marché aval de la distribution de détail. C’était le cas notamment du groupe Vindemia à la Réunion, qui exploitait plusieurs entreprises de production (Sicre, Salaisons de Bourbon), dont certaines sont en position de leader sur leurs marchés. Depuis la prise de contrôle de Casino, la branche industrie du groupe est progressivement cédée à d’autres opérateurs. 3.4. Le secteur des services marchands Le secteur des services marchands recouvre ici les transports et télécommunications, les activités financières et immobilières, les services aux entreprises et les services aux particuliers. Dans l’économie de la Réunion, le secteur des services marchands apporte une contribution majeure à la création marchande de richesses, puisqu’il contribue en 2006 à 49 % de la production marchande, et à 58 % de la valeur ajoutée, mais seulement à 46 % de la masse salariale. Il emploie 48 149 salariés (58 % des emplois du secteur marchand). Bien qu’étant le secteur occupant le plus de salariés, les services marchands sont également celui pour lequel la masse salariale moyenne est la plus basse de tout le secteur marchand. Cela tient au caractère précaire de la majorité des emplois du secteur, notamment dans la sécurité, le nettoyage, l’intérim et les services à la personne ou encore la restauration ou le tourisme, secteur qui occupe une part non négligeable des emplois dans les services marchands. Sur la période 1998-2006, l’activité du secteur des services marchands croît en rythme annuel à un taux de près 9 %. La valeur ajoutée, pour sa part, suit un rythme de croissance de 7,6 % en moyenne annuelle. La masse salariale progresse au même rythme, sous l’effet notamment de l’évolution du Smic et de la croissance des effectifs salariés (+ 5,1 % sur la période). Le profit brut d’exploitation (EBE) progresse à un rythme légèrement supérieur à celui de la valeur ajoutée : + 7,9 %. Organisation des marchés et prix 51 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Si le taux de profit brut d’exploitation a tendance à légèrement s’éroder sur la période, passant de 44 % en 1998 à 42 % en 2006 sous l’effet de la baisse du taux de valeur ajoutée du secteur, le taux de marge d’exploitation progresse toutefois de 65 % à 66,8 %. L’érosion de la valeur ajoutée est le fruit de l’évolution du poids relatif des sous-secteurs au sein du secteur des services marchands. En 1998, les services aux entreprises représentaient 14 % de la valeur ajoutée du secteur des services marchands. C’est celui-ci qui a de loin, avec les transports et télécommunications, le taux de valeur ajoutée le plus faible, même s’il a nettement progressé depuis 1998. En 2006, les services aux entreprises représentent 18 % de la valeur ajoutée du secteur des services marchands, bénéficiant d’une croissance plus soutenue que les autres sous-secteurs. Cette croissance accompagne le développement, sur la période sous revue, Organisation des marchés et prix 52 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix des activités marchandes comme le commerce, la construction et l’industrie. Comparée à la métropole, la croissance des services aux entreprises à la Réunion a été plus soutenue entre 1998 et 2006, tant en termes de production que de valeur ajoutée ou encore de profit brut d’exploitation. Cette croissance s’est accompagnée d’une augmentation significative du taux de valeur ajoutée (de 59,4 % en 1998 à 63,1 % en 2006), alors que ce dernier s’est érodé en France métropolitaine (de 57 % à 54 %). Parallèlement, le taux de profit brut s’accroît à la Réunion, passant ainsi de 21,8 % à 26,8 % en 2006. Les frais de personnel sont pour leur part plutôt orientés à la baisse (de 37,3 % à 36,8 %), tandis qu’ils restent relativement stables en métropole, avec un écart en moyenne de 1,5 point en défaveur de la Réunion. Conséquence directe de l’accroissement du taux de profit brut d’exploitation et de la baisse des frais de personnel en valeur relative, la marge brute d’exploitation progresse de manière significative : de 36,8 % à 42,5 % en 2006, alors qu’en métropole elle baisse de 23,1 % à 20,6 %, soit une perte de marge de plus de 3 points pour un gain de marge de 6 points à la Réunion. Les services aux particuliers sont animés d’une dynamique comparable à celle des services aux entreprises. Cependant, à la différence des premiers, la croissance du taux de valeur ajoutée n’explique pas in fine la forte progression du taux de marge d’exploitation. Elle doit être attribuée à la forte contraction des frais de personnel en valeur relative. En effet, sur la période, le taux de valeur a plutôt tendance à s’éroder (de 60,5 % à 53,3 %), le poids de frais de personnel s’oriente également à la baisse (de 34 % à 29,5 %), tandis que le profit brut d’exploitation se maintient sur la période autour de 24 %. En revanche, le taux de marge d’exploitation progresse de 5 points (de 40,6 % à 45,6 %). À l’inverse, en France métropolitaine, le taux de marge s’érode sur la période de 24,1 % à 23,5 %. Sur la période sous revue, on assiste donc pour ces deux soussecteurs, d’une part, à une croissance de leur profitabilité et, d’autre part, à une accentuation de l’écart de profitabilité entre la Réunion et la France métropolitaine. Concernant les services financiers et immobiliers, qui représentent respectivement 14 % et 38 % de la valeur ajoutée des services Organisation des marchés et prix 53 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix marchands, on retrouve une dynamique de croissance similaire à celle des services aux entreprises et aux particuliers : - une croissance de l’activité plus soutenue qu’en métropole ; - une croissance du taux de marge d’exploitation ; - un différentiel de profitabilité de 27 points pour les services financiers et de 10 points pour les services immobiliers en faveur de la Réunion. S’agissant des services de transport et de télécommunications, on retrouve là encore des caractéristiques proches en termes de dynamique de croissance, quoique avec une différence. Le taux de valeur ajoutée à la Réunion est proche de celui de la métropole, alors que, pour les autres sous-secteurs des services marchands, il est plus élevé à la Réunion qu’en métropole. Cela dit, comme pour les autres sous-secteurs, des écarts significatifs existent au niveau du taux de profit brut d’exploitation comme du taux de marge d’exploitation. Les exonérations de charges et les mesures d’allègements fiscaux participent largement à creuser cet écart. Organisation des marchés et prix 54 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix 3.5. Le secteur agricole À la différence des autres secteurs, nous aborderons le secteur agricole sous l’angle d’une comparaison directe des prix par type de marché. Aussi n’aborderons nous pas comme précédemment les écarts de performances entre la Réunion et la métropole comme éléments d’explication de la vie chère. Mais l’analyse des écarts entre le marché de gros, les marchés forains et la grande distribution nous permettra d’apporter des éléments de compréhension à la formation des prix sur les marchés des produits alimentaires frais, légumes et fruits. Sur la dynamique du secteur agricole nous renvoyons le lecteur au rapport de l’activité de la DAF36 ainsi qu’au rapport élaboré par la Chambre d’agriculture de la Réunion37. Ce dernier apporte une contribution majeure sur la question de la filière agricole comme outil indépassable en termes de développement économique d’un double point de vue : sécurité alimentaire tout d’abord, et aménagement du territoire en second lieu. Même si l’on ne peut isoler le revenu agricole par type de production, notamment isoler la canne à sucre, on ne peut s’interdire de penser, à la lumière de l’évolution du revenu agricole global, combien ce secteur souffre en général d’un manque d’organisation face aux filières organisées, comme par exemple la filière viande et lait, ou encore les importateurs d’intrants phytosanitaires. Les prix des produits agricoles sont appréhendés à travers les mercuriales, qui servent de référence. Trois types de mercuriales sont réalisés par la DAF : marché de gros de Saint-Pierre, marchés forains et grandes surfaces. Le marché de gros de Saint-Pierre est la seule référence concernant les prix producteurs avec la limite toutefois que les échanges réalisés sur le marché ne représentent que de l’ordre de 15 % de la production agricole. 36 DAF, direction de l’Agriculture et de la Forêt, Rapport d’activité 2008 et 2009, disponible sur Internet à l’adresse : www.daf974.agriculture.gouv.fr 37 Eric Parisot, L’agriculture à la Réunion, État des lieux synthétique : Un atout pour l’Europe, pour la France, pour l’outre-mer et pour la Réunion, mai 2010. Organisation des marchés et prix 55 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Légumes locaux Les prix des produits locaux, quel que soit le type de marché, évoluent de manière parallèle, quoique avec une intensité plus soutenue sur le marché de gros. Seule exception, les oignons, dont le prix en grande surface affiche une baisse marquée sur la période 2004-2010. Pour sa part, le prix des pommes de terre croît à un même rythme de plus de 3 % par an. L’analyse des écarts entre les prix du marché de gros et ceux des marchés forains et de grandes surfaces fait apparaitre des marges significatives par chacun des produits : - carotte marge : MF 55,8 %, GS 79,5 % - tomate petite sous serre : MF 23 %, GS 52,3 %. À titre de comparaison en métropole, la marge GS en juillet 200938 pour la tomate était de 33 % et pour la carotte de 44 %. 38 Observatoire des prix et des marges, Enquête DGCCRF, juillet 2009, document du 7 octobre 2009. Organisation des marchés et prix 56 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Légumes importés Une comparaison des prix des produits importés par rapport aux produits locaux fait apparaître : - d’une part, peu d’écart significatif entre circuits de distribution, sauf pour les oignons, avec un écart de 45 centimes entre la GS et les marchés forains ; - d’autre part, quel que soit le circuit de distribution, des prix des produits locaux inférieurs à ceux des produits importés, hormis les oignons, pour lesquels l’écart est de 84 centimes pour les marchés forains et 94 centimes pour la GS. Les fruits locaux Si le prix de l’ananas sur le marché de gros a, sur la période 20042010, progressé en moyenne annuelle de 2,1 %, en grande surface, Organisation des marchés et prix 57 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix son prix est demeuré quasiment stable. Sur les marchés forains, il a progressé de 1,1 %. Concernant la banane, à l’inverse, c’est en grande surface que l’évolution des prix a été la plus soutenue : + 2,9 % pour une croissance sur le marché de gros de seulement 1 %. Comme pour les légumes, les marges sont significatives par rapport au prix du marché de gros et sans rapport avec celles que l’on peut constater en métropole pour des produits similaires. 3.6. Éléments de conclusion : l’effet des marges sur les prix et la vie chère Ce long détour à partir des comptes économiques régionaux, d’une part, et des données sectorielles issues du tableau économique de la Réunion publié chaque année par l’INSEE, d’autre part, nous a permis de mesurer les écarts de profitabilité économique brute pour le secteur de la production marchande entre la Réunion et la métropole. Considérant que les surcoûts inhérents à l’insularité étaient répercutés dans les prix, l’écart de taux de profit brut d’exploitation représente d’une manière synthétique l’effet de l’organisation des marchés à la Réunion sur les prix. L’avis de l’Autorité de la concurrence a mis l’accent sur la question de la structure des marchés de la grande distribution alimentaire, qualifiée de peu concurrentielle et dominée par les enseignes présentes en métropole. Cette situation n’est pas propre à la grande distribution alimentaire, elle concerne aussi bien la distribution automobile que l’équipement de la maison ou encore de la personne, à travers une concentration horizontale des enseignes. La concentration n’est pas un phénomène propre au secteur de la distribution : nombre de secteurs de l’industrie sont dominés par une ou deux entreprises en position de monopole ou d’oligopole disposant d’un réel pouvoir de marché. A la Réunion, pour l’ensemble du secteur marchand39, l’effet sur les prix, lié à l’écart de profitabilité économique brute moyenne du secteur sur la période 1998-2006, peut être évalué à plus de + 17 %. Cette moyenne, comme toute moyenne, est très sensible aux valeurs extrêmes et a le défaut de masquer des situations assez contrastées suivant les secteurs. En effet, les effets prix sont le plus marqué dans le secteur des services : + 26,6 % pour les activités financières, + 14,6 % pour les services aux entreprises, + 11,5 % pour les services aux particuliers, + 6,3 % pour les télécommunications et le transport. Pour le secteur de l’industrie, l’incidence sur les prix se situe dans une fourchette comprise entre + 0,8 % pour les IAA, + 3,5 % pour l’industrie des biens de consommation, + 5,8 % pour l’industrie de la viande et du lait. S’agissant du secteur du commerce, l’incidence sur les prix se situe entre + 0,8 % pour le commerce automobile, + 1,4 % pour le commerce de détail et + 3,1 % pour le commerce de gros. 39 Hors énergie et agriculture, pêche et forêt. Organisation des marchés et prix 58 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix S’agissant des prix consommateurs, il est nécessaire de prendre en compte le type de circuit de distribution, car en définitive ce prix intègre les écarts de profitabilité de chaque étape du circuit de distribution. En règle générale, de façon schématique, on peut distinguer deux circuits de distribution : - un circuit court : l’importateur est aussi le distributeur ou, pour les produits locaux, il n’y a pas de grossiste entre le producteur et le distributeur ; - un circuit long : le distributeur s’approvisionne auprès d’un importateur ou d’un grossiste. Dans le cas d’un produit importé par l’intermédiaire d’un grossiste, le prix de détail sera majoré de 4,5 % par rapport au prix métropole, du simple effet des écarts de profit économique brut. Bien entendu, les surcoûts liés à l’éloignement, mais aussi ceux liés au prix des services locaux, dont les services financiers, les télécommunications, les transports viennent s’y ajouter, et bien entendu l’effet marge sur l’octroi de mer. Dans le cas d’un circuit court pour un produit local, par exemple un produit issu du secteur viande et lait, le prix de détail sera majoré de 7,2 % par rapport au même produit en métropole, sous le seul effet des écarts de profitabilité. Bien entendu, hors surcoûts évoqués précédemment. Le caractère central des prix dans la mobilisation du début 2009 ainsi que la persistance de ce sujet parmi les préoccupations des habitants des DOM expliquent qu’un des cinq thèmes des États généraux de l’outre-mer a porté sur « la formation des prix, les circuits de distribution et le pouvoir d’achat ». Sur la formation des prix, on ne peut retenir l’insularité, ou encore la fiscalité domienne, comme seuls facteurs à l’origine des écarts de prix avec la métropole. L’organisation des marchés apparaît être un facteur structurant qui nécessite que soient mis en place les outils adaptés : - d’un point de vue statistique, permettant une réelle surveillance du niveau et de la formation des prix, d’une part ; - d’un contrôle strict des services de la concurrence dans certains secteurs économiques afin de dynamiser la concurrence, d’autre part. Organisation des marchés et prix 59 Échanges extérieurs : une structure d’économie de comptoir 3. 1. Introduction sur les échanges extérieurs de la Réunion 1.1. Les échanges historiques de la Réunion : une économie de comptoir Découverte par les navigateurs portugais au XVIe siècle et placée sous le contrôle de la Compagnie des Indes en 1664 par le roi de France, l’île de la Réunion (alors appelée « île Bourbon ») développe avec le café sa première culture d’exportation à partir de 1715 : la Compagnie dispose du monopole de son introduction en France et au Royaume-Uni (tout comme elle dispose du monopole d’introduction des importations sur l’île Bourbon). Néanmoins, en raison de la concurrence des Antilles et de la baisse des cours, la filière café est progressivement abandonnée au milieu du XVIIIe siècle : la production de café est contingentée à Bourbon, et la Compagnie des Indes n'accepte de recevoir que le tiers de la production locale. Les conséquences des guerres napoléoniennes – avec la perte de Saint-Domingue et de l’île de France (île Maurice), principaux fournisseurs et producteurs de canne à sucre pour la France – entraîne la substitution du café par la canne à sucre. À partir du début du XIXe siècle, la culture de la canne à sucre se développe ainsi à la Réunion, engendrant un accroissement du nombre de propriétaires ainsi que des terres cultivées. En parallèle, les autres productions (girofle, cultures maraîchères…) diminuent. Dans la deuxième partie du XIXe siècle, la population augmente, grâce à la fois à un taux de natalité élevé et à de nombreuses vagues d’immigration. Cette période économique exceptionnelle pour la Réunion lui permet d’équilibrer sa balance commerciale, ses exportations – quasi-exclusivement de sucre – couvrant la valeur de ses importations (taux de couverture égal à 90 % en 1860). Néanmoins, le développement de la betterave à sucre sur le continent européen et la spéculation sur le marché de la canne à sucre diminuent son cours. Une crise profonde de la production touche la Réunion. 60 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Par ailleurs, l’île n’a que modestement exploité les ressources des produits de la mer (l’île de Maurice lui ayant été préférée, dans ce secteur, par la Compagnie des Indes). Elle s’est essentiellement tournée vers les terres et les plantations « spéculatives » successivement de deux monocultures avec le café puis la canne à sucre, dans une logique d’économie de comptoir. Durant la période coloniale, l’économie réunionnaise dépendait pour l’essentiel des arrivages de marchandises en provenance de la métropole. La majorité des impôts et taxes reposait ainsi sur les importations. 1.2. La remise en cause de l’économie de comptoir La remise en cause de l’économie de comptoir revient à modifier la chaîne de valeur de l’économie à l’arrivée sur le territoire (port ou aéroport) jusqu’au distributeur final, avec pour effet immédiat de : - faire évoluer les taxes et impôts, passant des services douaniers vers le distributeur final du produit ce qui, par ailleurs, retarde la perception de l’impôt et de la trésorerie correspondante ; - diminuer l’impôt, car il n’est perçu qu’une fois le produit vendu sur l’île et non pas dès son entrée, ce qui donne la possibilité de réduire la marge, puisqu’elle n’a plus à couvrir la part de perte potentielle issue de la taxation automatique à l’entrée (sans savoir si le produit sera vendu, à quel prix, etc.). Ainsi, dès la réduction des taxes à l’entrée (et son redéploiement vers d’autres types de perception), les premières possibilités de diminuer le prix des produits apparaissent, ce qui en revanche ne préfigure pas de leur répartition. En ce sens, la modification de la fiscalité est un moyen de lutte contre la vie chère. 2. Vision globale des échanges de la Réunion 2.1. Des importations élevées (mais avec un taux d’importation limité) et des exportations encore faibles Les échanges extérieurs de la Réunion sont caractérisés par un niveau important d’importation (en progression, en particulier pour les biens alimentaires et les biens de l’industrie alimentaire) et par un faible niveau d’exportation. Les importations ont fortement progressé, en doublant entre 1998 et 2008. Malgré cette hausse, le taux d’importation (rapport entre le niveau des importations et le niveau de PIB) est relativement faible, à 30,7 % en 2008, soit dans la moyenne de celui des DOM. Source : douanes Commerce extérieur 61 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Les importations sont soumises à l’octroi de mer et à la TVA (à un taux réduit comparativement à la métropole). Depuis 1998, les exportations n’ont que faiblement augmenté et représentent 246,5 M€ en 200940, contre 185,2 M€ en 1998. Les exportations réunionnaises couvrent la valeur de 6 % des importations en 2009. Néanmoins, un raisonnement en termes de balance commerciale (solde des exportations-importations) ne nous paraît que peu pertinent : si une balance commerciale propre à la Réunion peut être construite, elle n’a que peu de sens (à l’image d’une balance commerciale existante pour un département métropolitain). La Réunion fait partie intégrante de l’économie française et le raisonnement sur le solde des échanges commerciaux n’est pertinent qu’au niveau de la France dans son ensemble. De plus, il n’existe pas de balance des paiements spécifique à la Réunion, seule à même de véritablement recenser l’ensemble des flux entre la Réunion et l’extérieur du territoire. Source : douanes 2.2. Les échanges avec la France représentent toujours la majorité des importations (et plus de 60 % hors produits pétroliers) La France (métropole) demeure la principale origine des importations et la principale destination des exportations réunionnaises (en Source : traitement Syndex (données douanes) 40 Cette valeur d’exportation est donnée à monnaie courante. En tenant compte de l’inflation, les exportations n’ont en fait pas progressé (en monnaie constante) sur la période. Commerce extérieur 62 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix particulier dans les domaines sucriers). Bien que sa part soit en diminution, les importations proviennent encore majoritairement de France (54,2 % des importations totales en 2009, contre 64 % en 2002). La part en provenance de Singapour tend à augmenter (mais elle ne concerne quasi-exclusivement que des produits pétroliers), tout comme la part de la Chine, qui représente plus de 5 % des importations depuis 2007. Hors produits pétroliers, la France maintient un même niveau d’importation : sur la période 2002-2009, les importations en provenance de France (métropole) représentent toujours plus de 60 %. La tendace des échanges à fin 2010 montre une reprise des exportations et, dans une moindre mesure des importations, après une année 2008 et un début 2009, où à la fois les importations et les exportations se contractent, la tendance est repartie à la hausse en 2010, en particulier pour les exportations. Source : douanes 2.3. Les échanges par type de produits importés par origine Hormis la France, Singapour et la Chine sont devenus les deux principaux fournisseurs de la Réunion. L’Afrique du Sud est le seul pays de sa zone géographique à appartenir aux dix premiers fournisseurs de la Réunion. La Réunion exporte principalement des biens de consommation (comprenant également des biens alimentaires transformés). Mayotte devient le principal client de la Réunion en 2008 (mais cela concerne principalement la réexportation de produits). 2.4. Des exportations encore extrêmement limitées, avec un faible contenu local Après avoir fortement augmenté entre 2006 et 2008 (en particulier à destination de l’Asie-Océanie et d’Europe), les exportations hors France reculent en 2009. Commerce extérieur 63 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Commerce extérieur 64 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Par ailleurs, les niveaux d’exportation ne sont pas corrélés au taux de change de l’euro : malgré l’appréciation de l’euro entre 2006 et 2008 (ce qui engendre une baisse de compétitivité prix pour la Réunion), les exportations ont augmenté durant cette période. Plus de 60 % des exportations concernent des produits issus de l’industrie alimentaire en 2009. La canne à sucre est le premier produit exporté (néanmoins, sa part en valeur tend à diminuer, avec un rééquilibrage avec l’exportation d’autres produits issus de l’industrie alimentaire. Une grande partie des autres exportations concernent des réexportations de produits. 2.5. La faible part des relations commerciales de la Réunion avec son environnement régional Les échanges avec les pays de la zone demeurent extrêmement faibles. En structure, les importations en provenance de la zone – qui Source : Douanes (hors France et Mayotte) Commerce extérieur 65 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix proviennent majoritairement d’Afrique du Sud et concernent des produits énergétiques (principalement le charbon) – ne dépassent pas 5 % du total des importations de la Réunion. Les exportations depuis la Réunion vers les pays de la zone concernent principalement des réexportations et s’établissent autour de 20 %, dont la moitié consiste en des réexportations vers Mayotte. Les pays de la zone correspondent également, pour la Réunion, à des marchés de « dégagement » de produits en fin de vie (avec, par exemple, l’exportation d’automobiles d’occasion). En définitive, la balance commerciale de la Réunion avec les pays de la région est nettement positive (contrairement à sa balance commerciale mondiale). Source : données douanes, traitement Syndex Commerce extérieur 66 Une évolution nécessaire du dispositif d’octroi de mer 4. Apparu au XVIIe siècle41 et introduit à la Réunion en 1850, l’octroi de mer est un mode d’imposition spécifique aux départements d’outremer. Ses taux sont décidés par les conseils régionaux et les recettes affectées aux collectivités territoriales du département de prélèvement. Depuis les années 1960, l’octroi de mer est utilisé comme outil d’appui à la production locale et au développement économique, à travers, d’une part, les différentiels de taux existants entre production locale et importations et, d’autre part, les exonérations pouvant être accordées à certains produits. 1. Le fonctionnement de l’octroi de mer 1.1. L’évolution légale de l’octroi de mer La compétence dans la fixation des taux ainsi que des exonérations – dans les limites des écarts de taxation autorisés – a été transférée des conseils généraux aux conseils régionaux des DOM le 2 août 1984. Le conseil régional de chaque DOM est donc seul compétent pour décider du niveau de taxation. Jusqu’au 31 décembre 1992, l’octroi de mer ne concernait que les produits importés (et constituait ainsi une taxe d’effet équivalent à un droit de douane). Consécutivement à la décision du Conseil européen 89/688/CE du 22 décembre 1989, la France a dû modifier sa législation et étendre la taxation à la production locale, afin de se conformer au principe de non-discrimination de l’Acte unique européen de 1986. Néanmoins, la France a obtenu du Conseil européen l’autorisation pour les conseils régionaux d’exonérer d’octroi de mer, totalement ou partiellement, les productions locales « au regard des handicaps qui pèsent sur les activités de production industrielle dans les départements français d’outre-mer » et, ainsi, de favoriser certaines productions pour des motifs de développement économique. Ces 41 Perçu dès 1670 à la Martinique sous la dénomination de « droit de pied ». 67 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix exonérations restent soumises à accord de la Commission européenne. Par ailleurs, la demande française de ne pas faire payer l’octroi de mer sur les produits fabriqués localement par les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 550 000 euros a été acceptée par l’Union européenne. Ces mesures sont transposées en droit français et mises en application avec la loi du 17 juillet 1992, pour une durée de dix ans. En 2002, le Conseil européen a refusé la demande de reconduction pour dix ans déposée le 12 mars 2002 par la France et jugée incomplète. Après une reconduction d’un an du précédent régime, la France a présenté une nouvelle demande le 14 avril 2003, intégrant des perfectionnements qui découleraient des réflexions avec les différentes parties prenantes (État, régions, communes, organisations socioprofessionnelles). Au titre du droit communautaire applicable actuellement, c’est la décision du Conseil du 10 février 2004 (2004/162/CE) relative au régime de l’octroi de mer dans les départements français d’outre-mer qui proroge la décision 89/688/CE, autorisant la France à maintenir le régime de l’octroi de mer et, en particulier, les écarts de taxation entre production locale et biens importés. Au niveau français, la loi du 2 juillet 2004, complétée par le décret d’application du 30 décembre 2004, fixe le régime actuel pour dix années. Dans sa décision 2004/162/CE du 10 février 2004, le Conseil européen précise bien que « le niveau de taxation doit être adapté de manière à ce que le différentiel de taxation, en ce qui concerne l'octroi de mer, n'ait pour objet que de compenser ce handicap et ne transforme pas cet impôt en une arme protectionniste remettant en cause les principes de fonctionnement du marché intérieur. » Au regard du droit communautaire, l’octroi de mer n’est donc pas considéré comme un droit de douane mais comme un impôt indirect local. Les recettes de l’octroi de mer doivent être affectées à une stratégie de développement économique et social à travers la promotion des activités locales. Toutefois, cette autorisation du maintien de l’octroi de mer n’est valable que pour 10 ans et arrivera à expiration le 1er juillet 2014. 1.2. Le fonctionnement actuel du régime d’octroi de mer Il existe actuellement trois types de taxes d’octroi de mer, déterminées en fonction de leur affectation : - à destination des communes, à travers une dotation annuelle globale garantie ; - à destination de la région (octroi de mer additionnel ou octroi de mer régional) ; - à destination du Fonds régional pour le développement et l’emploi (FRDE). Octroi de mer 68 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix La dotation annuelle globale garantie à destination des communes Les conseils régionaux, par leurs décisions en matière de taux, déterminent le niveau de la dotation annuelle globale garantie répartie entre les communes. Son montant est au moins égal au montant de l’année précédente, majoré par la hausse des prix à la consommation – hors tabac – des ménages pondérée par l’évolution du PIB en volume. L’octroi de mer additionnel à destination des régions Depuis 1984, la région perçoit un octroi de mer additionnel (appelé également octroi de mer régional – OMR) sur la même assiette que l’octroi de mer. Les taux sont fixés pour chaque produit par les conseils régionaux et ne peuvent excéder 2,5 %. Le Fonds régional pour le développement et l’emploi (FRDE) Les ressources du Fonds régional pour le développement et l’emploi (FRDE) sont constituées du solde entre le produit global de l’octroi de mer et le montant de la dotation annuelle globale garantie (si – cas extrême – le solde est négatif, le FRDE n’est pas abondé). Le fonctionnement du Fonds régional pour le développement de l’emploi Institué en 1992, le FRDE sert initialement à soutenir l’investissement des communes en faveur du développement de l’emploi et de l’installation d’entreprises, en affectant une part des recettes de l’octroi de mer (solde après versement de la dotation annuelle globale garantie) par nature variable – cette part dépend de la croissance économique et principalement du niveau d’importation. L’instauration de ce fonds vise en premier lieu à maîtriser la croissance des budgets communaux (en cas de forte croissance des recettes d’octroi de mer) et à affecter ainsi les surplus de recettes « conjoncturelles » à des mesures de développement économique et d’emploi dans le secteur marchand. Depuis le 1er janvier 2005 (consécutivement à la loi de 2004), le FRDE est réparti en deux parts : - 80 % correspondent à une dotation d’équipement local (DEL), destinée en priorité au financement de projets facilitant l’installation d’entreprises et la création d’emplois ; elle est répartie entre les communes au prorata de leur population (avec une majoration de 20 % pour les chefs-lieux de département et de 15 % pour les chefs-lieux d’arrondissement) ; - 20 % des fonds sont destinés aux investissements relevant de la région (dans le développement économique, l’aménagement du territoire et le désenclavement). Octroi de mer 69 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix L’affectation des fonds issus des recettes d’octroi de mer La gestion de l’octroi de mer (perception, contrôle et recouvrement) est assurée par la Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI). Au regard de ce coût de traitement par la DGDDI, l’État perçoit un prélèvement égal à 2,5 %42 du produit brut de l’octroi de mer (soit environ 9 M€ en 2008 à la Réunion). 1.3. Les différentiels de taux entre production locale et importation À la suite de la décision du Conseil de l’Union européenne du 10 février 2004, chaque région classe les produits en trois catégories A, B ou C, permettant une taxation plus élevée pour les produits ne provenant pas des DOM comparativement à ceux en provenance des DOM : - 42 pour les produits présents à l’annexe A, l’écart de taxation ne peut dépasser 10 points de pourcentage : cela concerne les produits de base et ceux ayant trouvé un relatif équilibre entre production locale et production extérieure ; Ce taux est passé de 1,3 % en 1992 à 2,5 % en 2004. Octroi de mer 70 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix - pour les produits présents à l’annexe B, l’écart de taxation ne peut dépasser 20 points de pourcentage : cela concerne les produits nécessitant des investissements lourds et influant sur les prix de revient des biens fabriqués localement pour un marché limité ; - pour les produits présents à l’annexe C, l’écart de taxation ne peut dépasser 30 points de pourcentage : cela concerne les produits fabriqués par des entreprises de grande taille et les produits d’une très grande vulnérabilité par rapport aux importations en provenance des pays voisins des DOM. À ces trois catégories s’ajoute un différentiel de 50 points applicable à la Réunion et à la Guyane pour les alcools, en particulier le rhum. De plus, les écarts de taxation peuvent être majorés de 5 points de pourcentage supplémentaires lorsqu’ils concernent des productions locales d’entreprises ayant un chiffre d’affaires inférieur à 550 000 euros. Les conseils régionaux peuvent ainsi moduler les taux dans la limite de ces écarts maximums afin de soutenir leurs productions locales. Néanmoins, cette révision est encadrée. Le Vade-mecum sur l’octroi de mer43 indique : « la révision (ajout de produits ou modification des écarts autorisés) des listes de produits soumis à écart de taxation est prévue par l’article 30 [de la loi n°2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer] : le conseil régional transmet une demande circonstanciée au représentant de l’État, justifiant l’inscription de nouveaux produits sur les listes en annexe. La demande doit être effectuée une fois par an au cours du 1er trimestre de l’année civile) excepté en 2004 et en cas de mise en péril d’une production locale. La décision est prise par le Conseil [européen], sur proposition de la Commission [européenne]. » Écarts de taxation : exemple Pour un produit appartenant à l’annexe C, si la production locale est taxée d’un octroi de mer à 5 %, le taux maximal auquel peut être taxé ce même produit s’il est importé est de 35 %. Si de plus ce produit est produit localement par une entreprise ayant un chiffre d’affaires inférieur à 550 000 euros, le produit importé peut être taxé jusqu’à 40 %. La décision finale dans les écarts de taxation relève ainsi de la compétence du Conseil européen, après proposition de la Commission européenne (cette dernière retenant – ou non – les propositions faites par les conseils régionaux des DOM et relayées par les représentants de l’État français). 1.4. Les exonérations d’octroi de mer Des exonérations et réductions d’octroi de mer existent. Elles doivent s’inscrire dans la stratégie de développement économique et social du département d’outre-mer et ne concernent qu’une liste détaillée de produits. Deux types d’exonération existent : les exonérations obligatoires et les exonérations facultatives. 43 Vade-mecum sur l’octroi de mer, régime issu de la loi n°2004-639 du 2 juillet 2004 (mise à jour septembre 2006), DGDDI. Octroi de mer 71 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Les exonérations obligatoires Elles concernent : - les exportations : les biens expédiés ou transportés hors de la région de production sont exonérées d’octroi de mer ; pour les exportations intra-DOM, le principe est que les produits ne sont taxés qu’une seule fois ; - les livraisons de biens réalisés par les petites entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 550 000 euros44. En cas de dépassement de ce seuil au cours d’une année n, l’entreprise cesse d’être exonérée le 1er janvier de l’année n+1) ; - les importations de biens bénéficiant de franchises de droits et taxes en vigueur, avec une franchise spécifique : - pour les marchandises transportées par des voyageurs en provenance de l’Union européenne, jusqu’à 880 euros, - pour les petits envois non commerciaux en provenance d’Union européenne, jusqu’à 180 euros. Les exonérations facultatives Les conseils régionaux marchandises : peuvent exonérer cinq types de - les matériels d'équipement destinés à l'industrie hôtelière et touristique ainsi que les produits, matériaux de construction, engrais et outillages industriels et agricoles (les biens d’investissement admis en exonération doivent être conservés dans un délai de trois ans) ; - les matières premières destinées à des activités locales de production ; - les équipements destinés à l'accomplissement des missions régaliennes de l'État ; - les équipements sanitaires destinés aux établissements de santé publics ou privés ; - les biens réimportés dans leur état initial par la personne qui les a exportés (régime des retours45). 44 Établissement principal et établissements secondaires, pour un chiffre d’affaires total réalisé dans l’ensemble des départements d’outre-mer. 45 Le régime des retours permet aux entreprises des pays membres de l'Union européenne d'exporter momentanément des marchandises pour les réimporter en l'état en franchise de droits et taxes. Ce régime peut concerner deux types d'opérations : - les exportations, puis réimportations, dont le caractère temporaire du séjour à l'étranger est prévu dès le départ (présentation dans des foires ou salons, échantillons commerciaux marchandises exportées en consignation dans un but de prospection commerciale ; - les exportations à titre définitif, dont la réimportation résulte d'un cas fortuit (matériel défectueux refusé par le client étranger). Le régime est accordé sans autorisation du service des Douanes. Octroi de mer 72 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix 2. Une ressource croissante et sûre pour les collectivités locales et en premier lieu les communes Source : IEDOM (d’après les comptes administratifs), traitement Syndex Les communes sont les premiers bénéficiaires de l’octroi de mer : la dotation annuelle globale garantie, calculée en référence au montant versé l’année précédente, leur permet de disposer d’une ressource croissante et sûre. En 2008, son montant s’est élevé à 251,6 M€. Le solde versé au FRDE dépend de la situation économique et n’est pas garanti. Il est toutefois en progression constante entre 2004 et 2008. Au regard de la situation économique en 2009 et 2010, avec des importations en baisse de 7,5 % en 2009, les fonds affectés au FRDE devraient sensiblement diminuer en 2009 et 2010. L’octroi de mer additionnel affecté à la Réunion, qui correspond à un pourcentage prélevés sur l’ensemble des produits soumis à l’octroi de mer, enregistre la plus forte augmentation ces dernières années : il est passé de 25,1 M€ en 2003 à 70,7 M€ en 2008. Source : IEDOM (d’après les comptes administratifs), traitement Syndex Pour les communes réunionnaises, les recettes d’octroi de mer représentent une part extrêmement importante de leurs recettes fiscales (environ 40 % du total de leurs recettes fiscales). Octroi de mer 73 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Mécanisme de l’octroi de mer et effets inflationnistes Dans l’exemple 1 (octroi de mer à 23 %), le différentiel de 10,6 euros du prix de vente se retrouve dans les marges du grossiste et du détaillant. Dans l’exemple 2 (octroi de mer à 5 %), le différentiel de 2,7 euros du prix de vente se retrouve dans les marges du grossiste et du détaillant. Octroi de mer 74 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Pour la région, les recettes d’octroi de mer correspondaient, en 2008 à 25 % de ses recettes fiscales. 3. Les impacts de l’octroi de mer sur l’organisation économique 3.1. Le soutien à l’économie locale L’octroi de mer constitue un outil de soutien à l’économie locale par : - les différentiels de taux existant entre production locale et production importée ; - les exonérations obligatoires et les exonérations facultatives. Selon une mission de l’Inspection générale des finances et de l’administration en 2002, le soutien à la production locale réunionnaise de l’octroi de mer est évalué à 110 M€ (données 2000) ; globalement, ce soutien représenterait 21,9 % de la valeur ajoutée créée par le secteur industriel. L’octroi de mer peut ainsi être considéré comme une aide publique de soutien à l’économie réunionnaise. Néanmoins, depuis 2004, les différentiels de taux entre produits sont restés relativement constants. Le développement des secteurs « protégés » étant maintenant acquis (eau, rhum, tabac), ces secteurs ne sont plus forcément prioritaires, et il conviendrait de s’interroger sur les nouvelles activités qui auraient des effets d’entraînement élevés en termes de contenu local (valeur ajoutée et emploi) dans l’économie réunionnaise. 3.2. Effets inflationnistes découlant du cumul des surmarges sur l’octroi de mer Pour un même niveau de ressource fiscale, un même niveau de prix CAF46 à l’arrivée et des niveaux de marge similaires (marge grossiste de 30 % et marge détaillant de 28 %), le prix de vente au consommateur varie selon qu’il est soumis à l’octroi de mer (et avec une TVA réduite) ou non (avec une TVA normale). Au final, l’octroi de mer ne dispose pas de la neutralité fiscale de la TVA : l’octroi de mer, calculé sur les prix CAF, engendre une marge sur taxes tout au long de la chaîne de distribution (depuis l’arrivée du bien sur le territoire réunionnais jusqu’à sa vente au consommateur). En définitive : - plus le taux d’octroi de mer est élevé, plus le différentiel de prix 46 CAF : coût, assurance, fret. Prix CAF : prix du bien importé avant impôts et droits sur les importations et avant marges. Octroi de mer 75 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix résultant des marges sur octroi de mer (perçues par le grossiste et le détaillant) est élevé ; - plus le nombre d’intermédiaires est élevé (circuit de distribution long), plus les surmarges sur octroi de mer se multiplient ; - à l’inverse, un système centré uniquement sur la TVA (comme en métropole) n’a pas d’incidence sur les marges (neutralité fiscale). Ces éléments ont été mis en avant par la Chambre régionale des comptes (CRC) de la Réunion47, pour qui le fonctionnement de l’octroi de mer entraîne ainsi un potentiel d’inflation sur les produits importés en raison : - de son application à la valeur CAF : il intègre donc l’assurance et le fret dans sa valorisation ; - de l’amplification de cet effet depuis l’importation jusqu’à la distribution, les marges étant calculées, contrairement à la TVA, sur les prix de revient incluant l’octroi de mer (marge sur taxes), le fret et l’assurance. Plus récemment, pour l’Autorité de la concurrence48, « la définition particulière de l’assiette de l’octroi de mer – définie comme prix CAF, c'est-à-dire le prix d’achat augmenté des coûts de fret – implique également que l’impact de l’octroi de mer sur le prix payé par le consommateur est accru par les charges de transports engagées lors de l’importation des produits ». 3.3. Manque de moyens dans l’évaluation des mesures mises en œuvre Au niveau des différentiels de taux et exonération d’octroi de mer À notre connaissance, depuis la mise en place de la nouvelle législation sur l’octroi de mer à la Réunion en 2004, aucune étude d’impact du dispositif n’a véritablement été mise en œuvre. Précédemment, seule l’Association pour le développement industriel de la Réunion (ADIR)49, en liaison avec la CCI de la Réunion avait élaboré une étude d’impact sur les exonérations de production industrielle réunionnaise en 2003. Dans le cadre de nos travaux, peu d’éléments ont pu être compilés, ce qui ne permet pas d’analyser les impacts des évolutions 47 Rapport d’observations définitives sur la gestion de l’octroi de mer à la Réunion, Chambre régionale des comptes de la Réunion, novembre 2006. 48 Avis n°09-A-45 du 8 septembre 2009 relatif aux mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d’outre-mer). 49 Octroi de mer, exonérations de la production industrielle réunionnaise, éléments d’analyse micro-économique, avril 2003. Octroi de mer 76 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix d’exonération et de différentiels de taux de l’octroi de mer50 depuis 2004. Alors que cette évaluation revient normalement à la région, l’interprétation des champs de compétences étant dévolus, d’une part, aux services de l’État (douanes et Insee en particulier) dans le recueil des données et, d’autre part, à la région dans l’étude des impacts des écarts de taux, aucun rapport (pourtant prévu dans le décret 2004-1550, voir ci-dessous) ne semble avoir été présenté depuis 2004. Ainsi, les mesures mises en place ne font pas l’objet d’une évaluation ex-post, permettant de procéder à une analyse coût/avantage pour chaque différentiel ou exonération. Par ailleurs, ces mesures qui, par nature, devraient être temporaires (afin de renforcer la compétitivité d’un secteur dans sa phase de structuration) apparaissent relativement pérennes, avec peu d’évolution de taux et d’exonération depuis 2004. Extrait du Décret n° 2004-1550 du 30 décembre 2004 pris pour l’application de la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer Art. 11. - Pour l’application du deuxième alinéa de l’article 31 de la loi du 2 juillet 2000 susvisée, les conseils régionaux transmettent au représentant de l’Etat au plus tard à la fin du premier trimestre de chaque année un rapport annuel sur les écarts de taxation à l’octroi de mer et à l’octroi de mer régional. Ce rapport annuel précise par produits de la nomenclature tarifaire combinée et par secteurs d’activités les justifications économiques des écarts de taux d’octroi de mer et d’octroi de mer régional fixés par délibérations du conseil régional. Les exonérations effectivement mises en œuvre au cours de l’année civile précédente dans chaque département d’outre-mer font l’objet d’une annexe détaillée par produits. Le rapport annuel permet de s’assurer que les exonérations accordées par les conseils régionaux sont à la fois nécessaires et proportionnelles au regard des handicaps structurels permanents subis par les entreprises de production des départements d’outre-mer. Le rapport établit notamment une distinction entre les exonérations prévues par les articles 5, 6, 7 et 37 de la loi du 2 juillet 2004 susvisée. Le rapport annuel comporte un examen de la portée économique des mesures d’exonération au regard du développement économique attendu dans les différents secteurs d’activités économiques où exercent les entreprises de production des départements d’outre-mer. Le rapport annuel précise le montant de la dépense fiscale pour la collectivité par secteurs d’activités. Les délibérations adoptées par le conseil régional au cours de l’année civile précédente sont annexées au rapport. Pour l’élaboration du rapport prévu au présent article, les administrations financières transmettent aux conseils régionaux les informations statistiques et non nominatives. 50 À titre d’exemple, l’évolution des tarifs d’octroi de mer n’est pas disponible aux douanes, et la région n’a pu seulement nous fournir les tarifs pour les années 2008, 2009 et 2010. Octroi de mer 77 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Par ailleurs, comme le précise la Chambre régionale des comptes de la Réunion, la Région ne disposant pas de toutes les compétences en interne, elle a pu s’appuyer sur l’ADIR dans la détermination des exonérations d’octroi de mer, ce qui peut interroger sur le manque de transparence dans la détermination des exonérations et différentiels. Si la région a estimé, dans sa réponse à la CRC en 2006, que l’ADIR ne dispose que d’un rôle consultatif, les compétences disponibles au sein de la région ne permettent dans tout les cas pas d’effectuer une véritable évaluation ni les recensements nécessaires à la gestion des impacts économiques de l’octroi de mer. Utilisation des fonds provenant de l’octroi de mer Concernant l’utilisation des fonds en provenance de l’octroi de mer, la complexité des procédures (en particulier du FRDE) et/ou le manque de compétences au niveau de la région et des communes ont pu engendrer des difficultés de décaissements ainsi que l’affectation à des projets à faible envergure ou encore être détournés de leur objectif premier dans le développement et l’emploi. 3.4. Le seuil de 550 000 euros incite au maintien d’un faible niveau de développement des petites et moyennes entreprises Afin de pouvoir conserver le bénéfice de l’exonération d’octroi de mer, les petites et moyennes entreprises doivent conserver un chiffre d’affaires annuel inférieur à 550 000 euros. Cette disposition « couperet » (dès ce niveau de chiffre d’affaires atteint, aucune exonération n’est plus appliquée) peut constituer une incitation au maintien de structures de taille limitée et ainsi favoriser : - un objectif de développement concentré sur la recherche de marges (au détriment de la recherche de croissance) ; Extrait du décret n°2004-1550 du 30 décembre 2004 pris pour l'application de la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer Article 4 I. - Pour l'application des articles 5 et 37 de la loi du 2 juillet 2004 susvisée et à la condition que le conseil régional ne mette pas en œuvre les dispositions du dernier alinéa de l'article 5, les assujettis dont le chiffre d'affaires atteint ou dépasse le seuil de 550000 euros en cours d'année cessent d'être exonérés de plein droit de l'octroi de mer et de l'octroi de mer régional le 1er janvier de l'année civile suivant celle au cours de laquelle l'atteinte ou le franchissement du seuil est intervenu. Il en est de même lorsque l'atteinte ou le dépassement de ce seuil intervient au cours de la première année d'activité. II. - Si le conseil régional ne met pas en œuvre les dispositions du dernier alinéa de l'article 5 de la loi du 2 juillet 2004 susvisée, les entreprises de production visées à l'article 7 de la loi du 2 juillet 2004 susvisée dont le chiffre d'affaires relatif à leur activité de production passe en dessous du seuil de 550000 euros sont exonérées de plein droit de l'octroi de mer et de l'octroi de mer régional à compter du 1er janvier de l'année civile suivant celle au cours de laquelle leur chiffre d'affaires de production est passé au-dessous du seuil. Octroi de mer 78 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix - le montage de structures complexes permettant aux agents économiques de « capter » cet avantage d’exonération tout en ne favorisant pas la transparence économique. Pour pallier ces effets pervers, il pourrait être envisagé un système permettant de réguler ce seuil à travers : - l’établissement de règles sur la réalité des groupes d’entreprises en matière fiscales (via l’intégration fiscale par exemple) ; - la représentativité des salariés, qui corrigerait le désavantage de compter une multitude de PME (unités économiques et sociales par exemple). 4. Impacts de l’octroi de mer sur les ressources des collectivités locales 4.1. Manque d’effort dans le développement des autres sources de recettes fiscales La prépondérance de l’octroi de mer (à travers la dotation globale garantie, stable et automatique) dans leurs recettes fiscales a pu pousser les communes à limiter leurs investissements afin d’améliorer leur rendement et les ressources issues de la fiscalité directe (taxes d’habitation, taxe foncière et taxe professionnelle). Entre 1997 et 2008, les recettes de l’octroi de mer ont augmenté de 56 % alors que la fiscalité directe progressait de 40 %. Néanmoins, le rendement des taxes locales à la Réunion comparativement à la métropole reste relativement faible structurellement en raison : - d’un recensement encore insuffisant des bases fiscales ; - de la faiblesse des bases d’imposition, découlant de la situation économique de la Réunion ainsi que des exonérations particulières concernant la taxe d’habitation et les taxes sur le foncier. Octroi de mer 79 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix 4.2. Une fiscalité apparaissant injuste Malgré des taux moins élevés pour les produits de première nécessité, l’octroi de mer constitue une imposition indirecte sur l’ensemble des produits, qui, par nature, touche uniquement et indifféremment l’ensemble des consommateurs, quel que soit leur niveau de revenu. De plus, l’octroi de mer entraîne des distorsions de taxation entre secteurs, parce qu’il ne touche que les produits physiques. Ainsi, le secteur des services (peu voire pas utilisateur de produits physiques) bénéficie-t-il mécaniquement d’une imposition attractive. Il n’est en effet soumis qu’à un taux de TVA réduit (8,5 %) en application dans les DOM (sans être soumis à l’octroi de mer). Comparativement, en métropole, les mêmes taux de TVA (19,6 %) qu’aux autres secteurs sont appliqués au secteur des services. L’intégration du secteur des services, dont les activités dans leur ensemble sont peu concurrencées à l’international, à l’assiette d’imposition permettrait de procurer de nouvelles ressources fiscales pour le territoire. 5. Les scénarios possibles 5.1. Scénario 1 : en cas de maintien de l’octroi de mer après 2014, un perfectionnement du système nécessaire L’octroi de mer constitue un outil fort de développement local, permettant à la fois de soutenir les entreprises réunionnaises et d’affecter directement des ressources aux collectivités locales du territoire (correspondant à un substitut de TVA, qui, elle, n’est pas affectée au territoire). Néanmoins, s’il a assuré son rôle de ressource fiscale, il n’a pas pleinement atteint son rôle de soutien à l’économie locale, et il est un des facteurs importants de la vie chère à la Réunion. Face aux difficultés dans sa gestion, les acteurs publics (régions, services étatiques déconcentrés, Commission et Conseil européens), dans leurs interprétations incertaines, n’ont pas eu une implication suffisante pour favoriser une gestion « dynamique » de cet outil. Si le dispositif d’octroi de mer est susceptible d’être renouvelé en 2014, il convient de le perfectionner et de le rendre plus transparent : - il doit continuer d’encourager l’émergence d’activités économiques sur le territoire réunionnais avec un important contenu local – emplois et valeur ajoutée ; - il doit permettre le maintien de recettes importantes pour les collectivités locales, en particulier pour les communes (bien qu’il convienne de développer d’autres sources de recettes fiscales, Octroi de mer 80 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix en particulier dans la fiscalité directe, encore peu développée comparativement à la métropole) ; - - - l’analyse prospective (ex-ante) des impacts des mesures envisagées ainsi que l’évaluation des mesures passée (ex-post) doivent être effectives : - l’évolution des taux d’octroi, les exonérations et différentiels de taux, la péréquation des recettes entre communes et leur pertinence au regard des objectifs de développement économique doivent être évalués, - cette évaluation doit associer l’ensemble des partenaires économiques et sociaux, et faire émerger les décisions de la région en toute indépendance51 ; le principe de neutralité fiscale doit être atteint : - l’octroi de mer ne doit pas entraîner les effets cumulatifs de surmarges sur taxes le long du circuit de distribution (depuis l’importation du bien jusqu’à sa distribution), vecteur d’effets inflationnistes et de surcoûts pour les consommateurs, - il ne doit pas toucher indifféremment l’ensemble des personnes quelque soit leur niveau de revenu, - l’effet pervers d’une économie centrée sur les PME doit être levé, en permettant aux secteurs identifiés comme prioritaires de continuer à bénéficier des exonérations – tout du moins sur une période déterminée –, en garantissant le maintien de l’exonération pour une part de l’activité correspondant à 550 000 euros, même si ce chiffre d’affaires et dépassé, - il convient de réfléchir à l’évolution de la fiscalité des secteurs des services qui ne sont pas assujettis à l’octroi de mer ; la sensibilisation au niveau européen (Commission et Conseil européens) ne doit pas uniquement transiter par les représentations des entreprises réunionnaises : l’ensemble des acteurs économiques et sociaux doivent être intégrés à cette réflexion. Plusieurs études sont en cours sur l’octroi de mer et son maintien audelà de 2014 au niveau du ministère de l’Outre-mer et de la région : l’ensemble des acteurs doit être sensibilisé dans une démarche de transparence afin de favoriser la connaissance commune de cet outil. Il est par ailleurs souhaitable que cet outil soit coordonné avec les autres outils de soutien à l’économie locale, ce qui n’a pas forcément été le cas jusqu’à maintenant. 51 Cette évaluation ne peut se cantonner à la seule Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer, créée en application de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique outre-mer et par le décret du 1er septembre 2010 (n°20101048), bien que cette dernière puisse jouer un rôle majeur dans la coordination des travaux. Octroi de mer 81 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix 5.2. Scénario 2 : en cas de non-renouvellement de l’octroi de mer en 2014, un transfert vers la TVA permettrait de disposer d’un dispositif fiscal plus transparent et plus juste L’abandon de l’octroi de mer au profit d’une hausse des taux de TVA (actuellement réduits dans les DOM) apparaît comme une alternative opportune, d’une part, si elle est assortie d’une garantie d’affectation des recettes aux collectivités réunionnaises (région et communes) et, d’autre part, si elle permet le maintien de différentiels de taux entre importations et production locale (afin de soutenir l’économie locale). À l’image des différentiels de taux existant pour l’octroi de mer, des différentiels de taux de TVA (et exonérations), tout comme l’affectation des ressources aux budgets des collectivités réunionnaises apparaissent compatibles avec l’article 349 (ex-article 299) du traité de l’Union européenne52 et l’article 73 de la Constitution française53. Comparativement à l’octroi de mer, la TVA dispose d’un grand nombre d’atouts : - contrairement à l’octroi de mer, elle est neutre fiscalement et n’a pas d’incidence sur le cumul des marges le long du circuit de distribution, facteur de « vie chère » important ; - l’assiette serait étendue à l’ensemble des produits et services (et non plus seulement aux produits) ; - elle permettrait une meilleure transparence fiscale, les complexités du dispositif de l’octroi de mer n’étant qu’imparfaitement connues de l’ensemble de la population. Par ailleurs, la TVA étant déjà en place à la Réunion, les coûts et procédures « d’adaptation » depuis l’octroi de mer (perçu par les douanes) vers la TVA (perçue par les services fiscaux) seraient relativement limités. 52 « Les mesures visées au premier alinéa [mesures spécifiques visant à l’application visant à fixer les conditions de l’application des traités à ces régions] portent notamment sur les politiques douanières et commerciales, la politique fiscale, les zones franches, les politiques dans les domaines de l'agriculture et de la pêche, les conditions d'approvisionnement en matières premières et en biens de consommation de première nécessité, les aides d'État, et les conditions d'accès aux fonds structurels et aux programmes horizontaux de l'Union. » 53 « Les collectivités régies par le présent article peuvent être habilitées, selon le cas, par la loi ou par le règlement, à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi ou du règlement. » Octroi de mer 82 Ressources publiques et fiscalité réunionnaise 5. 1. Ressources en provenance de métropole et d’Europe 1.1. Vue d’ensemble : sur longue période, la progression des ressources en provenance de métropole et d’Europe Source : IEDOM Les transferts nets (dépenses – recettes) depuis la métropole, qui comprennent les budgets des administrations d’État (y compris les fonds européens) ainsi que les prestations sociales (RMI/RMA, assurance maladie, assurance vieillesse, assurance chômage), ont fortement augmenté sur la période 1975-2007, atteignant 5,7 milliards d’euros en 2007 (contre 3,4 milliards en 2000 et 1,9 milliard en 1990). Deux périodes peuvent être distinguées : - avant 1994 : progression constante à taux modéré ; - après 1994 : accélération des transferts, avec une augmentation 83 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Ressources publiques et fiscalité 84 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix des fonds européens en direction de la Réunion dans le cadre des objectifs de « convergence ». En 2008, ces transferts nets, en léger retrait, se maintiennent à 5,7 milliards d’euros. Par habitant, ce niveau de transfert net est de 6 924 € en 2008, contre 4 700 € en 2000. 1.2. Les fonds européens et leur coordination avec les instruments nationaux Depuis 1992, l’État, la région et le département ont mis leurs moyens en commun pour gérer les fonds européens, à travers la création de l’Agence de gestion des initiatives locales en matière européenne (AGILE). Cet interlocuteur unique avec la Commission européenne est censé améliorer la coordination afin de faciliter les procédures et un décaissement plus réactif des fonds européens aux demandes. La Réunion est éligible aux fonds structurels européens, les dernières programmations ayant été mises en place pour les périodes 20002006 et 2007-2013. Si les aides européennes de programmation 2000-2006 ont pu être décaissées dans leur intégralité (et même au-delà), la complexité des procédures engendre des délais de décaissement relativement longs. Au 1er juillet 2006, soit en fin de période de programmation, moins de 50 % des fonds disponibles avaient été décaissés. Au final, la période d’éligibilité aux fonds 2000-2006 a pris fin le 30 juin 2009. Pour la période 2007-2013, les fonds européens représentent 1,9 milliard d’euros de crédits ouverts. Fin 2009, les crédits versés restaient inférieurs à 10 % des crédits ouverts, alors que les crédits engagés représentaient 31 %. Afin d’harmoniser les programmes nationaux et européens ainsi que de répondre au principe d’« additionnalité » requis par les procédures européennes54, le calendrier des contrats de projets État-région (CPER)55 est calé sur les programmes européens. La dernière programmation du CPER est ainsi en phase avec la programmation européenne sur la période 2007-2013. Les montants des engagements totaux du CPER réunionnais sont de 531,88 M€ (257,563 M€ de l’État, 162,114 M€ de la région et 112,203 M€ du département). Source : AGILE Concernant le principe « d’additionnalité » requis au niveau européen, M. Doligé indique dans son rapport d’information au Sénat sur la 54 L’article 15 du règlement N°1083/2006 du Conseil européen portant disposition des fonds structurels européens indique que les crédits des fonds structurels européens ne peuvent se substituer aux dépenses structurelles publiques nationales que l’État maintient dans l’ensemble de régions concernées. Une vérification de la mise en ?uvre effective de ce principe d’additionnalité est prévue en 2011, à mi-parcours de la programmation 2007-2013, et d’ici à la fin 2016. 55 Les CPER, créés initialement en 1982, sont des documents dans lesquels l’État et une région (ainsi que d’éventuelles autres collectivités) s’engagent sur une programmation pluriannuelle pour le financement de projets dans le domaine de la cohésion économique, sociale et culturelle des territoires (par exemple des projets d’infrastructure ou de soutien à certaines filières). Ressources publiques et fiscalité 85 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix situation des départements d’outre-mer n°519 (7 juillet 2009) : « cette règle a vocation à responsabiliser les collectivités territoriales et à garantir la pertinence et la qualité des investissements. Si, de manière générale, elle est vertueuse, dans les DOM, de nombreuses communes sont dans des situations budgétaires telles qu’elles ne sont pas en mesure d’apporter cette part des fonds nécessaires à l’obtention des subventions ». Par ailleurs, les difficultés de montage des dossiers et, par conséquent, de décaissement des fonds européens résultent d’un manque de maîtrise des procédures au niveau des collectivités locales, auquel il convient de remédier. L’après 2014 : les perspectives des fonds européens à la Réunion Avant 2004, les régions ultrapériphériques françaises étaient classées parmi les régions les plus pauvres de l’Union européenne (avec un PIB par habitant inférieur à 75 % de la moyenne européenne). Dans le cadre de la politique européenne de convergence, elles bénéficient actuellement (sur la programmation 2007-2013) d’importants fonds structurels. L’intégration successive dans l’Union européenne (2004 et 2007) de douze nouveaux pays a entraîné mécaniquement une diminution du niveau moyen de la richesse par habitant. Certains DOM (en particulier la Martinique) pourraient ne plus être éligibles à l’ensemble des fonds de convergence à partir de 2014. Pour la programmation 2007-2013, un régime transitoire dégressif (nommé « phasing-out ») est accordé aux régions qui auraient été éligibles à l’objectif « convergence » si le seuil était resté à 75 % du PIB par habitant moyen de l’UE à 15, et non à 25. Le maintien de ce principe n’a pas encore été arrêté pour la programmation débutant en 2014. Néanmoins, le seuil calculé pour l’ensemble de l’Union européenne ne devrait pas être atteint à la Réunion, qui devrait ainsi continuer à être éligible à l’ensemble des outils européens de convergence après 2014. 2. Budget agrégé des 26 collectivités locales réunionnaises En 2008, les recettes fiscales contribuent à 43 % des recettes des 26 collectivités réunionnaises. Le solde provient principalement des dotations et subventions reçues, alors que les emprunts représentent 10 %. Les dépenses de fonctionnement correspondent à 63 % des dépenses réelles totales, alors que les dépenses d’investissement représentent 37 %. Les frais de personnel, qui représentent 21,8 % du total des dépenses et 34,8 % des dépenses de fonctionnement des 26 collectivités Ressources publiques et fiscalité 86 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix réunionnaises se situent dans la moyenne des collectivités locales de métropole56. 3. Les dispositifs fiscaux 3.1. Le financement des collectivités locales Une fiscalité assise principalement sur la fiscalité indirecte, aux dépens de la fiscalité directe La fiscalité de la Réunion est historiquement assise sur les intrants sur le territoire, à travers les droits de douanes. Aujourd’hui, l’impôt indirect (octroi de mer, TVA, taxe sur la consommation de tabac) constitue la principale source de recettes des collectivités locales réunionnaises. 56 Selon le dernier rapport sur les finances des collectivités locales en 2010 de la Direction générale des collectivités locales (DGCL), les frais de personnels représentaient 34,6 % des dépenses de fonctionnement de l’ensemble des collectivités locales en 2009 (données DGFiP). Ressources publiques et fiscalité 87 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Les ressources fiscales des collectivités locales réunionnaises sont déséquilibrées : elles s’appuient principalement sur l’impôt indirect, et la fiscalité directe demeure limitée. De plus, leur part tend à se réduire entre 1997 et 2005 : alors que les recettes de la fiscalité directe ont augmenté de 45 %, celles de la fiscalité indirecte ont progressé de plus de 157 %. Néanmoins, sur la période 2005-2008, le taux de croissance de la fiscalité directe augmente. En 2008, les ressources des impôts directs représentaient 24 % des impôts des collectivités locales réunionnaises (contre 35 % en 1997 et 19 % en 2005). À l’inverse, les recettes de l’État à la Réunion sont équilibrées entre impositions directe et indirecte et suivent les mêmes tendances d’évolution. Une part des recettes fiscales en progression mais encore limitée dans les ressources des collectivités locales (hormis pour les communes) En 2008, les recettes fiscales représentent respectivement 55%, 62% et 63% des recettes de fonctionnement du département, de la région et des 24 communes. Ressources publiques et fiscalité 88 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Comparativement aux collectivités de métropole, les recettes de l’impôt indirect sont très élevées à la Réunion, en particulier pour la région et le département57. Les recettes des impôts indirects ne représentent, en 2008, que 7 % des recettes de fonctionnement du département et de la région. 3.2. Une fiscalité directe avantageuse pour les contribuables L’abattement de l’IR et de l’IS Les assujettis à l’impôt sur les sociétés (IS) et à l’impôt sur le revenu (IR) bénéficient des mesures d’abattement suivantes : - pour l’impôt sur les sociétés : abattement d’un tiers de l’impôt sur les sociétés ; les résultats (bénéficiaires ou déficitaires) des exploitations situées dans les DOM ne sont retenus, pour le calcul de l’impôt sur les sociétés, que pour les deux tiers de leur montant ; - pour l’impôt sur le revenu : abattement de 30 % plafonné à 5 100 € (comme pour la Guadeloupe et la Martinique) et réduction de 16 % des plus-values de cession de titres. Faible rendement des quatre taxes de la fiscalité directe locales Les taxes de fiscalité directe locale sont : - la taxe d’habitation, à laquelle sont soumises les personnes physiques et entreprises ; - la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) ; - la taxe foncière sur les propriétés non bâties ; - la taxe professionnelle (remplacée à partir de 2011 principalement par la contribution économique territoriale, CET), et l’imposition forfaitaire des entreprises de réseau (IFER), à laquelle sont soumises les entreprises. Le rendement de ces quatre taxes est nettement plus faible à la Réunion qu’en métropole, principalement en raison : - d’un recensement de la base fiscale plus faible (bien qu’elle soit progressivement améliorée) ; - de la faiblesse des bases d’imposition elles-mêmes, en raison des exonérations spécifiques concernant la taxe d’habitation et les taxes sur le foncier ; 57 Le département récupère, depuis 2005, une fraction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP). Ressources publiques et fiscalité 89 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix - d’une base d’imposition centrée en priorité sur l’imposition indirecte (octroi de mer, droit de consommation sur le tabac, TVA). 3.3. La fiscalité indirecte, première source de recettes… L’octroi de mer, principale source de financement des communes et financeur important des régions L’octroi de mer a pour avantage la simplicité de son prélèvement (à l’entrée), notamment pour une île comme la Réunion, avec seulement deux points de contrôle : le port et l’aéroport. Il constitue la première source de recettes fiscales pour les communes et assure une forte contribution au budget de la région. La taxe spéciale de consommation sur les produits pétroliers (TSC) Elle se substitue à la TIPP perçue en métropole et est affectée au budget des régions. Cette ressource est destinée principalement au développement des routes à travers le fonds d’investissement routier (FIR). Droit de consommation sur le tabac Cette ressource est décidée par le département et affectée à son budget. Son montant (en taux) est compris entre 66 % et 100 % du prix de vente au détail en France métropolitaine. TVA : taux réduits et TVA NPR Les taux de TVA sont plus faibles qu’en métropole afin de compenser – en partie – la taxation découlant de l’octroi de mer. Les importations de riz sont exonérées de TVA à la Réunion, ainsi que les matériels d’équipement destinés à l’industrie hôtelière et touristique, en vertu de l'article 50 undecies I de l'annexe IV du code général des Impôts. Une exception existe au paiement de la TVA avec la TVA NPR (TVA non perçue récupérable). Découlant d’un courrier ministériel de 1953, la TVA NPR permet de déduire de la TVA collectée le montant fictif de TVA qui aurait été dû si les biens n’avaient été exonérés. Il s’agit donc d’une mesure d’incitation qui avait initialement pour objectif de répercuter cette économie en coûts sur les prix de vente au consommateur. Néanmoins, la mesure se présente en définitive plus comme une subvention. Si la loi sur le développement économique de l’outre-mer (LODEOM) a légalisé la TVA NPR en 2009, elle l’a recentré sur les seuls biens d’investissement productifs neufs acquis ou importés et certains Ressources publiques et fiscalité 90 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix intrants (comme les matériaux de construction). Les achats de matières premières et de produits par les entreprises n’y étant plus éligibles, une compensation par une aide au fret a été décidée (dont le décret d’application n’a toujours pas été publié, fin 2010). 4. La poursuite d’une stratégie de développement axée sur l’incitation fiscale avec la LODEOM 4.1. Des mesures de défiscalisation des investissements dans le secteur productif et le logement remontant aux années 1980 Afin de favoriser l’investissement outre-mer dans les domaines ciblés des secteurs productifs et dans le logement, tout en cherchant à limiter les dépenses publiques, une stratégie de défiscalisation est suivie dans les DOM depuis le milieu des années 1980, avec les lois Pons en 1986, Paul en 2001 et Girardin en 2003. Le dispositif fonctionne à travers une incitation fiscale (réduction de l’IR pour les personnes physiques, d’un minimum de 50 %, et réduction de l’IS pour les entreprises). Ces réductions concernent les contribuables domiciliés en France métropolitaine comme les contribuables domiciliés dans les DOM. Le dispositif de défiscalisation a été modifié dans le cadre de la loi n° 2009-594 pour le développement économique de l’outre-mer (LODEOM), promulguée le 27 mai 2009, qui présente le nouveau cadre de développement des DOM. 4.2. Des dispositions de la LODEOM principalement centrées sur la défiscalisation Les principales dispositions de la LODEOM visent le soutien au pouvoir d’achat, à l’économie et aux entreprises, la relance de la politique du logement et la continuité territoriale. Ces mesures concernent58 : - la réglementation des prix des produits de première nécessité ; - les zones franches d’activité ; - la défiscalisation des investissements productifs ; - l’exonération de cotisations sociales et le plan d’apurement des dettes ; 58 Source : Rapport d’information sur la mise en application de la loi n°2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique de l’outre-mer, Assemblée nationale, 29 septembre 2010. Ressources publiques et fiscalité 91 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix - l’aide à la rénovation hôtelière ; - le fonds exceptionnel d’investissement ; - la défiscalisation du logement social ; - le dispositif Scellier outre-mer ; - la continuité territoriale ; - la valorisation de la bagasse ; - les mesures au bénéfice des entreprises domiennes. La LODEOM s’appuie ainsi principalement sur des mesures d’incitation fiscale pour le développement économique de l’outre-mer. Les mesures de soutien au pouvoir d’achat Les mesures de soutien au pouvoir d’achat concernent : - la possibilité de réglementer, par décret en Conseil d’État, le prix de vente des produits de première nécessité (finalement non mise en œuvre, après l’avis de l’Autorité de la concurrence ne considérant pas que la concurrence par les prix est « suffisamment » limitée) ; - la mise en place des observatoires des prix et des revenus (OPR) (cf. partie 2) ; - la possibilité de verser aux salariés un bonus exceptionnel de 1 500 € (par an et durant trois ans) exclu de l’assiette de toutes cotisations et contributions sociales. Les mesures de soutien à l’économie et aux entreprises centrées sur les allègements fiscaux Les zones franches d’activité (ZFA) L’instauration de zones franches d’activité par la LODEOM a renforcé l’allègement des prélèvements fiscaux concernant les entreprises, en augmentant les abattements sur les bénéfices imposables et en instaurant de nouveaux abattements. Les PME (moins de 250 salariés) réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 50 M€ et exerçant dans l’un des secteurs d’activité59 visés sont éligibles à un abattement de leur impôt sur les bénéfices (IR ou IS), de leur taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), de la taxe foncière sur les propriétés non bâties sur les terres agricoles et du CET (en remplacement de la taxe professionnelle à partir de 2011) : - le taux d’abattement de l’impôt sur les bénéfices est plafonné à 150 000 € et est de 50 % pour les exercices de 2008 à 2014, 59 Secteurs prévus dans l’article 199 undecies B, ainsi que comptabilité, conseil aux entreprises, ingénierie ou étude technique à destination des entreprises. Ressources publiques et fiscalité 92 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix puis respectivement 40 %, 35 % et 30 % pour les années 2015, 2016 et 2017 ; - le taux d’abattement de TFPB est de 50 % de 2009 à 2015, 40 % en 2016, 35 % en 2017 et 30 % en 2018 ; - le taux d’abattement de la CET est de 80 % de 2009 à 2015, 70 % en 2016, 65 % en 2017 et 60 % en 2018. En contrepartie, l’entreprise s’engage à des mesures supplémentaires dans la formation professionnelle : - réalisation de dépenses de formation professionnelle en faveur du personnel d’exploitation ; - versement d’une contribution au fonds d’appui aux expérimentations en faveur des jeunes mis en place en décembre 2008 par l'article 25 de la loi généralisant le RSA et réformant les politiques d’insertion. Ces deux obligations cumulatives doivent représenter ensemble au moins 5 % de la quote-part des bénéfices exonérés pour un nombre identifié de secteurs et certaines zones géographiques prioritaires. De plus, il existe un taux d’abattement dans les ZFA bonifiés avec un plafonnement de l’abattement de l’impôt sur les bénéfices relevé à 300 000 € et un taux de 80 % de 2008 à 2014 (puis respectivement 70 %, 60 % et 50 % en 2015, 2016 et 2017), de la TFPB dans les mêmes conditions et de la CET relevé à 100 % entre 2009 et 2015, puis respectivement 90 %, 80 % et 70 % en 2016, 2017 et 2018. Ces taux bonifiés concernent les entreprises réunionnaises : - intervenant dans les communes des Hauts ; - intervenant dans six secteurs prioritaires (recherche et développement, technologie de l’information et de la communication, tourisme et activités de loisirs s’y rapportant, agro-nutrition, environnement et énergies renouvelables) ; - dont les recherches représentent plus de 5 % des charges. Si le dispositif de ZFA pourrait concerner 20 000 entreprises d’outremer (estimation faite lors de l’élaboration de la loi), aucun élément ne permet de connaître véritablement le nombre de bénéficiaires. La défiscalisation des investissements productifs Le dispositif permet au contribuable redevable de l’IR de réduire son impôt de 50 % du montant des investissements réalisés outre-mer. Les mesures de la LODEOM en matière d’investissement productif concernent : - l’abaissement des seuils d’agrément (du ministère des Finances) afin de permettre un meilleur contrôle sur la finalité économique des opérations de défiscalisation. Ils ont ainsi été ramenés de 300 000 € à 250 000 € pour les investissements « externalisés » (non réalisés par des personnes en assurant elles-mêmes Ressources publiques et fiscalité 93 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix l’exploitation) et pour les investissements réalisés dans les secteurs sensibles ; - deux nouveaux secteurs éligibles aux dispositifs de défiscalisation : celui de la recherche, en raison de son impact sur la compétitivité des entreprises, et celui du financement de projets de câbles sous-marins, en raison du coût élevé des liaisons et de la nécessité de sécuriser les communications ; - l’élargissement de l’avantage fiscal aux exploitants d’hôtels et non plus aux seuls propriétaires, afin d’aider ce secteur ; - le taux de la défiscalisation sur les navires de plaisance, ramené à 50 % (après 70 %) en raison des nombreux abus observés (délocalisation vers d’autres îles) et du constat que la flotte était reconstituée ; - le plafonnement des investissements dans le secteur des énergies renouvelables. Les mesures d’exonérations spécifiques de charges sociales 60 Afin de développer les activités économiques et l’emploi dans les départements d’outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon, un dispositif d’exonération de cotisations patronales de Sécurité sociale au profit de certaines entreprises installées en outre-mer a été mis en place. L’article 25 de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mers (LODEOM) a modifié le régime de cette exonération : - dépenses éligibles : cotisations sociales des salariés des entreprises, employeurs et organismes de droit privé dues à compter du 1er avril 2009 ; - dépenses exclues : cotisations sociales dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles. Régime général Sont concernés les établissements situés à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à la Réunion, à SaintBarthélemy et à Saint-Martin : 60 - dont l’effectif moyen est d'au plus dix salariés ; si l'effectif vient à dépasser le seuil de dix salariés, le bénéfice intégral de l'exonération est maintenu dans la limite des dix salariés précédemment occupés ou, en cas de départ, remplacés ; - dont l'activité relève, quel que soit leur effectif : du BTP, de l’industrie, de la restauration, à l’exception de la restauration de tourisme classée, de la presse, de la production audiovisuelle, Source : IEDOM. Ressources publiques et fiscalité 94 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix des énergies renouvelables, des NTIC, des centres d’appel, de la pêche, des cultures marines, de l’aquaculture, de l’agriculture, y compris les coopératives agricoles et sociétés d’intérêt collectif agricoles et leurs unions, les coopératives maritimes et leurs unions ; - dont l'activité relève du secteur du transport aérien et qui assurent la liaison entre la métropole et la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, la Réunion, Saint-Martin, SaintBarthélemy, Saint-Pierre-et-Miquelon, Mayotte ou entre ces départements ou collectivités, ainsi que la desserte intérieure de la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, la Réunion, SaintBarthélemy ou Saint-Martin. Seuls sont pris en compte les personnels de ces entreprises concourant exclusivement à ces dessertes et affectés dans des établissements situés dans l'un de ces départements, à Saint-Barthélemy ou à Saint-Martin ; - qui assurent la desserte maritime ou fluviale de plusieurs points de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de la Réunion, de Saint-Barthélemy ou de Saint-Martin, la liaison entre les ports de ces départements ou collectivités ou la liaison entre les ports de la Réunion et de Mayotte. Régime préférentiel (exonération « renforcée ») Ce régime s’applique aux entreprises qui remplissent les conditions cumulatives suivantes : - situées en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à la Réunion, à Saint-Martin ou à Saint-Barthélemy et appartenant à l'un des secteurs suivants : agriculture, industrie, commerce, artisanat (sauf secteurs exclus), activité relevant de la comptabilité, du conseil aux entreprises, de l'ingénierie ou d'études techniques à destination des entreprises, de la R&D ou des TIC, ou réalisant des investissements de rénovation et de réhabilitation d'hôtel, de résidence de tourisme et de village de vacances classés, ou des investissements nécessaires à l'exploitation d'une concession de service public local à caractère industriel et commercial réalisés dans des secteurs éligibles ; - employant moins de 250 salariés et réalisant un chiffre d’affaires annuel inférieur à 50 M€ ; - étant soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition ; - pour l'ensemble de l'outre-mer, sauf la Guyane, les îles des Saintes, Marie-Galante, Désirade et les communes de la Réunion constituant la zone spéciale d'action rurale : - soit exerçant leur activité principale dans les secteurs de la R&D, des TIC, du tourisme, de l'environnement ou des énergies renouvelables pour les entreprises situées en Martinique, en Guadeloupe ou à la Réunion dans les secteurs du tourisme, de l'agro-nutrition ou des énergies renouvelables, Ressources publiques et fiscalité 95 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix - soit, alternativement, ayant signé avec un organisme public de recherche ou une université une convention agréée par l'autorité administrative, portant sur un programme de recherche dans le cadre d'un projet de développement sur l'île de la Guadeloupe, de la Martinique ou de la Réunion, à condition que les dépenses de recherche engagées dans le cadre de cette convention représentent au moins 5 % des charges totales engagées par l'entreprise au titre de l'exercice écoulé, ou ont réalisé des opérations sous le bénéfice du régime de transformation sous douane, à condition que le chiffre d'affaires provenant de ces opérations représente au moins un tiers du chiffre d'affaires de l'exploitation au titre de l'exercice écoulé. Montant des exonérations Son montant est, pour la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, la Réunion, Saint-Barthélemy et Saint-Martin : - employeurs de moins de onze salariés : - rémunérations inférieures à 2,2 smic : exonération totale des cotisations patronales de Sécurité sociale, sauf AT-MP, sur la partie du salaire allant jusqu’à 1,4 smic, - rémunérations égales ou supérieures à 2,2 smic : le montant de l'exonération décroît de manière linéaire à mesure que le salaire versé augmente, jusqu'à disparaître lorsque le salaire atteint 3,8 smic ; - employeurs de onze salariés et plus : exonération totale des cotisations patronales de Sécurité sociale, sauf AT-MP, jusqu’à 1,4 smic, puis dégressive et s’annulant à 3,8 smic ; - employeurs remplissant les critères de l'exonération « renforcée » : exonération totale des cotisations patronales de Sécurité sociale, sauf AT-MP, sur la partie du salaire allant jusqu’à 1,6 smic pour les rémunérations inférieures à 2,5 smic, puis dégressive et s’annulant à 4,5 smic ; - cotisations sociales restant dues : cotisations patronales d’assurance sociale et d’allocations familiales sur la partie de la rémunération excédant le seuil de la franchise, cotisations AT/MP, cotisations salariales de Sécurité sociale, CSG, CRDS, contribution solidarité autonomie (CSA), FNAL, versement transport, cotisations salariales et patronales de retraite complémentaire (AGIRC/ARRCO), cotisations salariales et patronales d’assurance chômage. La défiscalisation dans le logement, principalement sur le logement social centrée L’assiette de la réduction d’impôt est limitée à une surface comprise entre 50 et 150 mètres carrés. Ressources publiques et fiscalité 96 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Concernant le logement, la LODEOM a introduit trois changements majeurs : - l’extinction progressive du dispositif Girardin concernant l’investissement locatif dans le secteur libre et intermédiaire pour s’annuler respectivement en 2012 et 2013 ; - la création d’un nouvel article (199 undecies C) permettant des incitations fiscales pour le financement de logements locatifs sociaux classiques (LLS) et PLS (prêt locatif social), ainsi que des résidences avec services pour personnes âgées ; - l’extension à l’outre-mer du dispositif Scellier, déjà applicable en métropole, mais à des taux de réduction plus favorables. Les principales autres mesures L’aide au fret L’aide au fret concerne les entreprises situées dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon, Mayotte, SaintBarthélemy, Saint-Martin et Wallis-et-Futuna. Elle est destinée à abaisser le coût du fret des matières premières ou produits : - importés dans ces départements ou ces collectivités pour y entrer dans un cycle de production ; - exportés vers l'Union européenne après un cycle de production dans ces départements ou ces collectivités. L’aide au fret en matière d’export ne concerne donc exclusivement que les échanges avec l’Union européenne. Aide à la rénovation des établissements hôteliers Les établissements hôteliers peuvent bénéficier d’une aide, avec un versement en une seule fois d’un montant de 7 500 € par chambre, dans la limite de 100 chambres. Les travaux ouvrant droit à l’aide doivent vérifier trois conditions : - concerner des établissements de plus de 15 ans ; - être réalisés directement par l’exploitant ; - avoir fait l’objet d’un agrément du ministre du Budget, dans les conditions prévues au III de l’article 217 undecies du code général des impôts. Le fonds exceptionnel d’investissement (FEI) Ce fonds, créé dans le cadre de la LODEOM, vise à apporter une aide financière de l’Etat aux personnes publiques des collectivités d’outremer et de Nouvelle-Calédonie. Les crédits du fonds ont été abondés en 2009 dans le cadre du Plan de relance de l’économie, avec 158 M€ d’autorisations d’engagement (AE) et 46 M€ de crédits de paiement (CP) ont été consommés en 2009. Son montant a été ramené, dans Ressources publiques et fiscalité 97 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix la loi de finances 2010, à 40 M€ d’AE et 17 M€ de CP. La loi de finances 2011 a ramené le montant des AE à 10 M€ et des CP à 21,5 M€ (dont 19 M€ servant à payer des actions déjà engagées, moins de 3 M€ pouvant servir à de nouvelles opérations). 4.3. Les « coups de rabot » de la dépense fiscale dans les DOM dans le cadre de la loi de finances 2011 Dans le cadre de la loi de finances 2011, il est prévu de réduire les effets des mesures de défiscalisation. Si les mesures en métropole concernent principalement l’application d’une réduction moyenne de 10 % sur l’ensemble des dispositifs, les avantages fiscaux spécifiques des DOM évoluent de manière différenciée, avec le maintien des mesures prioritaires de soutien de l’emploi et du logement social. Pour les investissements productifs industriels outre-mer, la baisse de 10 % du taux de défiscalisation est prévue (uniquement côté investisseur, l’exploitant ultramarin conservant le même avantage). La Réunion devrait être exclue des mesures d’incitation fiscales à la production d’électricité photovoltaïque, en raison d’une demande inférieure à la production potentielle. 5. Faible efficacité des mesures de défiscalisation au regard des coûts et effets pervers en découlant 5.1. Consensus sur la carence d’évaluation des mesures et coûts associés Toutes les analyses, qu’elles émanent de l’administration (Inspection générale des Finances, Inspection générale de l’Administration), de la Cour des comptes (Conseil des prélèvements sociaux) ou encore de missions parlementaires ou sénatoriales, partagent le même constat vis-à-vis des mesures d’incitation fiscale dans les DOM : elles se révèlent illisibles et ne font pas l’objet de mesures d’évaluation (ni lors de leur mise en place, ni rétrospectivement) sur l’effectivité – ou non – des résultats attendus. 5.2. Les effets pervers de la défiscalisation La dépense fiscale à la Réunion (et dans les DOM) : manque à gagner pour la collectivité Les mesures d’incitation fiscale constituent une dépense fiscale, dans le sens où elles entraînent, pour l’État, une perte de recette. Ressources publiques et fiscalité 98 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Définition de la dépense fiscale L’expression « dépenses fiscales » est apparue en 1979 dans le rapport annuel du Conseil des impôts. La loi de finances de 1980 dispose que le gouvernement retracera l’évolution des dépenses fiscales dans le fascicule « Voies et moyens » annexé au projet de loi de finances. Le fascicule annexé à la loi de Finances de 1981 donne une définition de la notion de dépense fiscale : « peut être qualifiée de dépense fiscale toute disposition législative ou réglementaire dont la mise en œuvre entraîne pour l’État une perte de recettes et donc pour le contribuable un allégement de sa charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de l’application de la norme, c’est-à-dire des principes généraux du droit fiscal français ». On remarque immédiatement que cette définition implique que la norme fiscale soit fixée. Or, aucun document officiel ne décrit l’ensemble des principes de la fiscalité française. Aussi ne s’étonnera-t-on pas que, au fil du temps, le concept de dépense fiscale évolue. En 1998, une nouvelle définition est donnée. Les critères désormais mis en avant sont l’ancienneté et, surtout, « le caractère général de la mesure : une disposition applicable à la grande majorité des contribuables peut être considérée comme la norme (par exemple, l’abattement de 20 % sur les traitements et salaires). À l’inverse, l’avantage accordé à une catégorie particulière de contribuables ou d’opérations constitue une dépense fiscale ». Source : Conseil des prélèvements obligatoires, octobre 2010. Pour l’ensemble de l’outre-mer, la dépense fiscale estimée pour 2011 est de 3,2 milliards d’euros selon le dernier document de politique transversale (DPT). Néanmoins, ces éléments restent à prendre avec précaution, des différences importantes existant d’une année sur l’autre dans les chiffres annoncés61. 61 Ces chiffres sont par ailleurs régulièrement remis en cause. Une mission d’audit et de modernisation sur le dispositif de suivi et de pilotage de la dépense de l’État outre-mer, en février 2007, indiquait : « en conclusion quant au DPT, la mission estime que les informations y figurant ne sont pas fiables, alors même que la production de ce document répond à une obligation légale, en vue d’informer le parlementaire et le citoyen. En outre, sa structure n’est pas cohérente. Cette situation affecte la crédibilité du ministère de l’Outre-mer. » Ressources publiques et fiscalité 99 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Il convient par ailleurs de retrancher de ce montant de dépense fiscale la partie de réduction des taux de TVA que récupèrent les communes et régions d’outre-mer sous forme d’octroi de mer (soit 1 160 M€ prévus en 2009), ainsi que la TIPP (131 M€ en 2009). Des mesures inégalitaires Ces mesures sont « inégalitaires » dans le sens où seules les personnes physiques ou morales possédant la capacité (financière) de défiscaliser peuvent utiliser cet outil de réduction du montant de leur impôt. Elles engendrent également un effet pervers sur les prix, notamment dans le secteur de la construction, en générant une pression forte sur le foncier en raison de la multiplication des investissements, mais aussi sur les prix des services dans le bâtiment. Elle peut ainsi aboutir, par effet d’aubaine, à des surinvestissements dont l’efficacité économique est loin d’être vérifiée. Par effet cliquet, elles sont source d’inégalités face à l’impôt en opposant, d’un côté, les bénéficiaires des dispositions cherchant à maintenir le système à leur profit et de l’autre des contribuables supportant l’impôt. Ces derniers peuvent ainsi remettre en cause la légitimité de supporter l’impôt, alors que d’autres bénéficient de privilèges fiscaux. En définitive, la pression fiscale se renforce principalement sur les consommateurs. Une efficacité économique et sociale jugée faible Les mesures de défiscalisation, s’appliquant principalement sur la fiscalité directe (IR, IS, taxes locales), peuvent en réduire l’efficacité ainsi que le rendement (déjà peu performant, en particulier dans les DOM, comparativement à la fiscalité indirecte) et privilégier ainsi encore davantage la fiscalité indirecte (plus injuste socialement). Elles favorisent ainsi la pérennisation et le développement de la fiscalité indirecte dans les DOM, la fiscalité directe subissant le double handicap de l’étroitesse de son développement par rapport à la métropole et des mesures de défiscalisation limitant son rendement. Par ailleurs, le caractère transitoire et la complexité de la mise en place de ces mesures impliquent qu’une grande partie de leurs effets en termes d’incitation économique est « captée » par les cabinets de défiscalisation. En définitive, cela engendre une efficacité limitée des mesures pour un coût élevé en termes de dépenses publiques (manque à gagner) pour la collectivité. Le caractère transitoire ne permet donc pas le développement pérenne de filières (cf. l’exemple du dispositif de défiscalisation dans le photovoltaïque remis en cause dans la loi de finances 2011), dont les plans d’investissement s’appuient quasi-exclusivement sur le Ressources publiques et fiscalité 100 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix « potentiel de gain fiscal », engendrant ainsi des frustrations lors de la suspension des mesures. Enfin, elle limite la crédibilité de la France dans ses engagements internationaux de lutte contre les paradis fiscaux, en maintenant sur son territoire des zones de forte incitation fiscale (dans les DOM). 5.3. Des mesures à prendre afin de limiter les effets pervers et l’inefficacité des politiques fiscales Il convient de limiter à la fois le nombre et le volume des mesures de défiscalisation en favorisant essentiellement les incitations par le financement de l’économie grâce à un système de subventions en substitution des mesures de « dumping fiscal ». Concernant les dispositifs de défiscalisation en cours, il conviendrait d’augmenter la visibilité des mesures prises et de pratiquer une évaluation indépendante et systématique de chacune afin de justifier (ou non) de leur efficacité. Cette évaluation doit intégrer l’ensemble des partenaires sociaux. Comme le souligne et le propose le Conseil des prélèvements obligatoires62, concernant les zones franches d’activité en outre-mer : « le gouvernement s’était engagé à évaluer tous les trois ans l’impact socio-économique du dispositif avec une mesure de ces effets sur l’emploi. Mais, sauf erreur, il ne semble pas que cela ait été réalisé. L’efficacité de cet abattement, dont le coût est évalué de manière sommaire à 50 M€, reste ainsi incertaine ». Le Conseil des prélèvements obligatoires propose ainsi de mettre fin à la multiplicité des zonages territoriaux, qui contribuent à l’illisibilité de l’impôt et sont porteurs d’effets d’aubaine sans bénéfice économique avéré. Il propose deux options : - option a : choisir un modèle unique de zone franche et l’appliquer à tous les territoires aidés ; - option b : supprimer les exonérations fiscales territoriales au profit d’une politique de développement (hors de tout zonage) des infrastructures et services publics. Réduire l’abattement développement local de l’IR et l’affecter au Dans une logique d’équité face à l’impôt concernant les abattements de l’impôt sur les personnes (IR), deux solutions (non exclusives) peuvent être mises en œuvre : - réduire progressivement le taux d’abattement de 30 % de l’impôt sur le revenu pour revenir aux mêmes niveaux qu’en métropole, en ramenant à moyen terme le taux d’abattement à 0%; 62 Les dépenses fiscales ouvertes aux entreprises soumises à l’impôt sur le revenu, juillet 2010, Conseil des prélèvements obligatoires. Ressources publiques et fiscalité 101 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix - diminuer progressivement le seuil de 5 100 € d’abattement, en le ramenant progressivement à 0 €. Les fonds ainsi dégagés doivent en parallèle être affectés aux politiques économiques et sociales du territoire réunionnais. Limiter la progression de la fiscalité indirecte au profit de la fiscalité directe Il convient de contenir la progression de la fiscalité indirecte en la recentrant sur la fiscalité directe, encore largement inférieure à celle existant en métropole. Sortir d’une logique dans laquelle la réforme équivaut à une baisse des moyens Quelles que soient les mesures mises en place, les fonds dégagés par la réduction des incitations fiscales doivent être pérennisés et se maintenir à destination de la Réunion. Elles doivent abonder un fonds restant à destination du territoire63. Ce principe, pourtant nécessaire afin de légitimer une modification des politiques de développement en réduisant les mesures de défiscalisation, ne semble malheureusement pas acquis : la proposition d’amendement n°II 28 concernant la loi de Finances 2011 a ainsi été rejeté le 29 octobre 2010 à l’Assemblée nationale, alors qu’il indiquait : « Cet amendement vise à vérifier que les économies réalisées par les différentes réformes de la défiscalisation des investissements outre-mer, celles de l'ITR et de la TVA NPR ont bien été réinjectées dans l’outre-mer (…). » 63 M. Jean-Jacques de Peretti, ministre de l’Outre-mer en 1996, avait tenté un tel mécanisme concernant les rémunérations complémentaires des fonctionnaires en proposant, d’une part, de maintenir le niveau de rémunération actuel des agents en poste dans les DOM et, d’autre part, de réinjecter sur les territoires l’intégralité des crédits d’État dégagés par la réduction des rémunérations des futurs fonctionnaires (au profit d’actions en faveur de la création d’emplois). La réforme n’avait en définitive pas abouti. Ressources publiques et fiscalité 102 Répartition inégale des richesses 6. 1. Accentuation des inégalités Selon la dernière enquête Budget Consommation des ménages, en 2006, le niveau de vie moyen des Réunionnais s’élève à 1 030 € par mois64. Pour la moitié de la population, il est inférieur à 767 € par mois. À titre de comparaison, le smic (net) s’élevait, au début de l’année 2006, à 946 € par mois (sur la base de 35 heures hebdomadaire) et le RMI à 433 € par mois. Revenu des ménages et niveau de vie « Tous les membres d’un ménage ont par construction le même niveau de vie. Celui-ci est égal au revenu disponible du ménage divisé par le nombre d’unités de consommation (UC) de celui-ci. Le revenu disponible est l’ensemble des revenus de ses membres, après redistribution, c’est-à-dire après prise en compte des principales prestations sociales et paiement des impôts directs. Le nombre d’unités de consommation dépend du nombre de personnes que comporte ce ménage, pour tenir compte des économies d’échelle qui existent pour certaines dépenses. En effet, un ménage de deux personnes ayant un revenu deux fois supérieur à celui d’une personne vivant seule aura un meilleur niveau de vie, en raison des économies d’échelle que lui procure la vie de couple. Dans la pratique, le nombre d’ UC est calculé à l’aide d’une échelle d’équivalence qui affecte un poids à chaque individu du ménage. L’échelle d’équivalence la plus utilisée est celle de "l’OCDE modifiée" qui attribue 1 UC au premier adulte du ménage, 0,5 UC aux autres personnes de 14 ans ou plus et 0,3 UC aux enfants de moins de 14 ans. » Source : Insee, Économie de la Réunion, n°134 64 Anne-Marie Jonzo, « Niveau de vie 2001-2006 : les inégalités s’accentuent », Insee, Économie de la Réunion, n°134. 103 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Sur la période 2001-2006, le niveau de vie moyen des Réunionnais a légèrement progressé : en cinq ans, il s’est accru de 4 % en euros constants, c’est-à-dire en tenant compte de l’inflation, soit une évolution en moyenne annuelle de 0,8 % par an. Cette augmentation a été favorisée par la situation économique. En volume, le PIB a augmenté de 25 % sur la période. De nombreux emplois supplémentaires ont été créés (24 000 en cinq ans). Le taux d’emploi, c’est-à-dire le pourcentage de personnes occupant un emploi parmi l’ensemble de la population en âge de travailler, est passé de 40 % à 43 %. Parallèlement, le smic a été relevé de 24 % sur la période. 1.1. Progression du niveau de vie entre 2001 et 2006 pour les ménages les plus aisés et maintien du niveau de vie pour les moins aisés, grâce à l’augmentation des minima sociaux Entre 2001 et 2006, l’ensemble de la population n’a pas profité de la même façon de cette augmentation des revenus. Les catégories modestes (dont les niveaux de vie sont compris entre les 1er et 3e quintile) ont souffert d’une baisse de leurs revenus d’activité alors que, rappelons-le, le marché de l’emploi est plus favorable qu’en 2001. Entre 2001 et 2006, le taux d’emploi – pour les personnes de référence des ménages – a diminué pour les 2e et Source : Insee, Économie de la Réunion, n°134 Répartition inégale des richesses 104 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix 3e quintiles et s’est maintenu pour le premier, à 23 %. La réduction du nombre de contrats aidés – de 37 000 à 26 400 entre 2001 et 2006 – a évincé un certain nombre d’actifs du marché du travail. Cette perte de revenus d’activité a été compensée, pour ces trois quintiles, par une hausse des revenus sociaux (pensions de retraite, indemnités de chômage, minima sociaux et autres prestations sociales), qui constituent plus des deux tiers de leur revenu. Ce sont les minima sociaux qui ont le plus augmenté. L’alignement du montant du RMI dans les DOM sur le montant applicable en métropole a eu lieu le 1er janvier 200265 et s’est achevé en janvier 2007 pour celui de l’API. Par ailleurs, au 1er décembre 2001, le revenu de solidarité (RSO) a été mis en place. À l’opposé, les niveaux de vie moyens ont augmenté pour la population la plus aisée des 4 e et 5 e quintiles, et tout particulièrement pour les 20 % les plus aisés, avec près de + 4 % sur la période. 1.2. Des revenus moins élevés à la Réunion qu’en métropole Pour la métropole, en 2006, le niveau de vie moyen s’élevait à 1 460 €. Il était supérieur à 1 280 € pour la moitié de la population. Ces deux indicateurs mettent en évidence des niveaux de vie moins élevés à la Réunion qu’en métropole. À la Réunion, les 10 % d’individus les plus modestes de la population ont un niveau de vie inférieur à 390 € par mois (limite du 1er décile), tandis que les 10 % d’individus aux plus hauts revenus ont un niveau de vie supérieur à 1 970 € par mois (limite du dernier décile). Pour la métropole, ces indicateurs s’élèvent respectivement à 660 € et à 2 370 € par mois (voir figure “Les déciles de niveau de vie à la Réunion et en France”). Ainsi, les individus les plus modestes ont des niveaux de vie plus faibles à la Réunion qu’en métropole. De même, les plus aisés ont des niveaux de vie moins élevés à la Réunion. Ces écarts de niveau de vie entre la métropole et la Réunion s’expliquent en partie par de moindres revenus d’activité. À titre de comparaison, le taux d’emploi pour les 15-64 ans est de 63 % en métropole et de seulement 43 % à la Réunion66. Le montant moyen par unité de consommation de l’ensemble des transferts sociaux versés (pensions de retraite, indemnité chômage, minima sociaux, prestations familiales et autres) est de même grandeur sur les deux territoires. En revanche, leur répartition est différente. Les Réunionnais perçoivent davantage de minima sociaux (9 % des ressources des ménages), de prestations familiales (9 %) et d’indemnités de chômage (5 %). En métropole en revanche, les retraites sont prédominantes, en raison d’une plus grande proportion 65 Le RMI a été aligné sur celui de la métropole le 1er janvier 2002. Il est ainsi passé de 311 € fin 2000 à 406 € début 2002 pour une personne seule, soit une augmentation d’environ 25 % en euros constants. 66 Insee, Réunion, TER 2010. Répartition inégale des richesses 105 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix de personnes âgées67 (24 % des ressources des ménages, contre 13 % à la Réunion). Le nombre moyen d’unités de consommation par ménage à la Réunion, supérieur à celui des ménages métropolitains, accentue les écarts de niveau de vie entre les deux ensembles. La composition des ménages n’est en effet pas la même à la Réunion et en métropole. À la Réunion, les familles nombreuses sont en plus grande proportion. Le nombre d’enfants moyen par foyer est de 1,24 contre 0,76 en France. De plus, en métropole, 30 % des ménages sont composés de personnes seules, contre 21 % à la Réunion68. 1.3. De plus fortes inégalités à la Réunion Indice de Gini Indice mesurant le degré d’inégalité d’une distribution (ici, le niveau de vie) pour une population donnée. Il varie entre 0 et 1, la valeur 0 correspondant à l’égalité parfaite (tout le monde a le même niveau de vie), et la valeur 1 à l’inégalité extrême. Les inégalités monétaires ont toujours été plus prononcées à la Réunion qu’en métropole. Cette plus forte disparité est confirmée par les indicateurs tels que l’indice de Gini ou le rapport interdécile. En 2006, les 10 % des individus les plus aisés de la population ont un niveau de vie cinq fois supérieur aux 10 % les plus modestes à la Réunion. Pour la métropole, ce rapport est de 3,6. Par rapport à 2001, les indicateurs mettent en évidence une accentuation des inégalités monétaires dans l’île. Cela s’explique par une évolution différenciée des niveaux de vie, les hausses ayant essentiellement profité aux plus aisés. Les revenus sont plus concentrés chez les plus aisés à la Réunion qu’en métropole : la moitié des individus ayant les niveaux de vie les plus faibles dispose d'un quart du total des revenus disponibles distribués. Pour la métropole, ce pourcentage est nettement plus élevé (31 %). À l’autre extrémité de l’échelle, les 20 % les plus aisés perçoivent 44 % de la masse des revenus alors que, en métropole, ce pourcentage n’est que de 37 %. Du point de vue des inégalités monétaires, la situation a toujours été plus inégalitaire à la Réunion qu’en métropole. Les indicateurs Source : Insee, Économie de la Réunion, n° 134 67 Insee, Les inégalités de revenus entre les DOM et la métropole, février 2010. 68 Insee, Les inégalités de revenus entre les DOM et la métropole, février 2010. Répartition inégale des richesses 106 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix habituels comme l’indice de Gini ou le rapport interdécile le confirment pour 2006. Les revenus sont plus concentrés chez les plus aisés. Alors que les 20 % d’individus les plus modestes détiennent, en métropole, près de 10 % de la masse des revenus distribués, ils en détiennent 7,5 % à la Réunion. En revanche, les 20 % d’individus les plus aisés détiennent 37 % de cette même masse en métropole, pour 45 % à la Réunion. Les transferts atténuent fortement les inégalités Les inégalités monétaires sont importantes à la Réunion. Le fait qu’elles augmentent ces dernières années masque cependant l’importance des aides et de la redistribution. À titre d’exemple, les aides versées à la Réunion pour le RMI représentent un peu plus de 6 % de l’ensemble des masses dédiées aux minima en métropole, pour une population qui représente de l’ordre de 1,3 % de la population totale. Avant redistribution, c’est-à-dire avant versement des prestations sociales, dont en particulier les minima sociaux, et paiement des impôts directs, 10 % de la population déclare vivre au sein de ménages ne disposant d’aucune ressource financière. Après redistribution, le niveau de vie de cette catégorie reste inférieur à 390 €, mais s’élève en moyenne à 300 € par mois. Pour un ménage d’une seule personne, cela correspond à un revenu de 300 € mensuel. Pour un couple, cela correspond à un revenu mensuel de 450 € (300 € x 1,5 unités de consommation). La redistribution a un effet fortement marqué sur la distribution des niveaux de vie. Elle s’opère avant tout au profit des plus démunis, mais même les revenus élevés à la Réunion en bénéficient. Elle a en tous les cas un effet très net de réduction des inégalités, avec en particulier un indice de Gini fortement réduit (tableau ci-dessous). Niveau de vie et inégalités spatiales À la Réunion, en 2006, la moitié de la population déclarait aux services fiscaux un revenu supérieur à 740 € par mois et par unité de consommation69. La situation est très différente selon les communes. 69 Insee, Pascal Chevalier, “Les revenus par commune, des niveaux de vie et des écarts variés”, Économie de la Réunion, n°134. Répartition inégale des richesses 107 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix D’un côté, on trouve la capitale économique, Saint-Denis, et deux communes voisines, La Possession, largement en tête, et SainteMarie. La proportion élevée des cadres et des chefs d’entreprise dans la population de ces communes explique en partie des revenus plus importants à La Possession et à Saint-Denis. À Sainte-Marie, les revenus élevés sont davantage liés à la part des indépendants aisés. À l’autre extrémité de l’échelle se trouvent des communes où les revenus des habitants sont plus faibles, souvent plus éloignées des centres économiques et plus difficiles d’accès. C’est le cas à Salazie, dont la population se caractérise par un grand nombre d’ouvriers, mais également par une proportion très élevée de bénéficiaires du RMI. Les écarts entre communes se doublent d’inégalités plus ou moins fortes au sein des communes. En 2006, les inégalités monétaires sont particulièrement faibles à Saint-Philippe, en tête, loin devant des communes comme l’Entre-Deux ou La-Plaine-des-Palmistes. À SaintPhilippe, l’éventail des revenus est particulièrement resserré : les revenus des plus modestes sont faibles et, surtout, les revenus des plus aisés sont particulièrement bas. À l’opposé, les inégalités sont les Inégalités spatiales Source : Pascal Chevalier, « Les revenus par commune, des niveaux de vie et des écarts variés », Insee, Économie de la Réunion, n° 134. Répartition inégale des richesses 108 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix plus fortes pour cinq communes, Saint-André, Saint-Benoît, en tête, Saint-Joseph, Salazie ou Le Port. 1.4. Niveau de vie et pauvreté monétaire En 2006, 17 % de la population réunionnaise a un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté, qui s'établit à la Réunion à 473 € par mois et par unité de consommation. La population pauvre, au sens de la pauvreté monétaire relative, qui correspond au nombre de personnes vivant sous ce seuil, s’élève à 130 100 individus répartis en 42 300 ménages. Pauvreté monétaire La pauvreté monétaire relative s’attache à déterminer les personnes en situation difficile par rapport à une situation jugée « normale » dans la société étudiée. Est considérée comme pauvre toute personne dont le niveau de vie est inférieur à un certain seuil, le seuil de pauvreté. Celui-ci est défini comme une fraction du niveau de vie médian, la plus couramment utilisée étant 60 %. Source : Valérie Latchoumanin, « Pauvreté monétaire : plus de pauvre en 2006 qu’en 2001 », Insee, Économie de la Réunion, n° 134 La pauvreté monétaire a augmenté entre 2001 et 2006. Ainsi, on constate que, en 2001, 14 % de la population vivaient à un niveau inférieur au seuil de pauvreté. Ceci traduit une aggravation de la pauvreté monétaire entre 2001 et 2006. La structure des revenus des pauvres a fortement changé au cours de la période en raison de la forte augmentation des minima sociaux. Le RMI et l’allocation de parent isolé (API) ont ainsi augmenté respectivement de 38 % et de 70 % en euros courants après leur alignement sur le niveau métropolitain. En 2001, le seuil de pauvreté s’élevait à 420 € par unité de consommation. Ainsi, toute personne percevant le RMI ou l’API se trouvait sous le seuil de pauvreté quelle que soit la composition de la famille. Le plafond du RMI correspondait en effet à environ 310 € par unité de consommation. On trouvait aussi, sous le seuil de pauvreté, des personnes en emploi non bénéficiaires de minima sociaux. Au 1er janvier 2006, les montants des minima sociaux ne permettent généralement pas à une personne seule de dépasser le seuil de pauvreté. Le RMI ne dépasse le seuil de pauvreté que pour les familles monoparentales avec des enfants de moins de 14 ans (leur niveau de vie est de 500 € par mois). Quant à l’allocation de parent Répartition inégale des richesses 109 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix isolé (API), elle se situe légèrement au-dessus du seuil de pauvreté pour une femme vivant avec un enfant de moins de 14 ans. Les personnes âgées percevant le minimum vieillesse (soit 600 € par mois) se situent au-dessus du seuil de pauvreté si elles vivent seules. Caractéristiques sociologiques de la pauvreté et évolution70 La sortie du chômage ne signifie pas pour autant la sortie de la pauvreté : à la Réunion, la population pauvre est composée à plus d’un tiers de ménages dont la personne de référence est au chômage, d’un tiers ayant une personne de référence au foyer, de 15 % dont la personne de référence occupe un emploi et de 15 % dont la personne de référence est à la retraite. Depuis 2001, la composition de la population pauvre a fortement changé. La part des chômeurs, qui représentaient plus de la moitié des pauvres, a diminué au profit des personnes ayant un emploi (+ 12 points) et restant au foyer (+ 10 points). Le risque de pauvreté s’est accru par rapport à 2001, il a notamment doublé pour les personnes en emploi (de 5 à 10 %). Il reste cependant le plus élevé quand la personne de référence du ménage est au chômage ou reste au foyer sans activité professionnelle. Plus de pauvreté pour les couples avec enfants Entre 2001 et 2006, l’augmentation du taux de pauvreté n’a pas été de la même ampleur selon le type de ménage. Le risque a diminué pour les familles monoparentales. Il a stagné chez les personnes seules et a augmenté pour les couples avec enfants (de 12 % en 2001 à 16 % en 2006). Plus le nombre d’enfants augmente dans le couple, plus le risque de pauvreté augmente. Ainsi, 10 % des couples avec un enfant sont pauvres. Ce ratio est de 23 % pour les couples ayant trois enfants et plus. Les personnes vivant au sein de familles monoparentales sont moins soumises à la pauvreté qu’en 2001. Le risque est passé de 23 % à 18 %. Il est nettement inférieur à celui de la métropole, où la famille monoparentale est la catégorie la plus touchée par la pauvreté, avec près d’une personne sur trois en situation de pauvreté. Le seuil de pauvreté étant relativement bas, l’augmentation de l’API ces dernières années a fait passer les bénéficiaires de l’API légèrement au-dessus du seuil de 473 € par unité de consommation. Toutefois, si elles sont au-dessus du seuil, ces familles en sont très proches. En 2006, une personne bénéficiant de l’API avec deux enfants de moins de 14 ans dispose d’un niveau de vie de 494 € par unité de consommation. 70 Valérie Latchoumanin, « Pauvreté monétaire : plus de pauvre en 2006 qu’en 2001 », Insee, Économie de la Réunion, n° 134 Répartition inégale des richesses 110 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Le risque de pauvreté s’accroît pour les moins de 20 ans Près des deux tiers des pauvres vivent dans des familles avec enfants (couple avec enfants et familles monoparentales). De ce fait, la population pauvre est constituée en grande partie d’enfants. Plus du quart vivent dans des familles en couple de trois enfants ou plus et 22 % dans des ménages complexes. Au total, la population pauvre est composée à 42 % de moins de 20 ans, alors que ceux-ci ne représentent que 33 % de la population. Les classes d’âge les moins touchées par la pauvreté monétaire sont les jeunes adultes et les plus de 65 ans. Leur taux de pauvreté a augmenté par rapport à 2001, mais reste inférieur à celui de métropole. 2. Inégalités de revenus plus fortes et moindre pression fiscale à la Réunion qu’en métropole 2.1. Un peu plus de la moitié des foyers fiscaux réunionnais déclare moins de 9 400 € de revenus en 2007 L’analyse des données fiscales montre une prépondérance des faibles revenus à la Réunion. En 2007, 52,5 % des foyers fiscaux réunionnais déclarent un revenu annuel inférieur à 9 401 €, contre 26,9 % en métropole. De plus, les deux tiers des foyers fiscaux à la Réunion déclarent un revenu imposable inférieur ou égal à 15 000 €, contre un peu moins de 50 % en France métropolitaine. Foyer fiscal Le terme foyer fiscal désigne l’ensemble des personnes inscrites sur une même déclaration de revenus. De fortes disparités de revenus existent à la Réunion. Les foyers fiscaux dont le revenu est le plus faible (inférieur à 9 400 €) représentent 52,5 % de l’ensemble des foyers fiscaux, mais seulement 9,0 % des revenus fiscaux, alors que, dans le même temps, les foyers fiscaux déclarant des revenus supérieurs à 48 751 € concentrent 6,3 % des foyers fiscaux et 35,0 % des revenus totaux déclarés. Cette disparité est plus forte à la Réunion qu’en métropole, où les foyers fiscaux déclarant les plus hauts revenus sont plus nombreux (7,8 %) mais concentrent moins de richesses (31,4 %). Répartition inégale des richesses 111 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Les inégalités de revenus appréciées par le rapport entre le quart des ménages les plus modestes (1er quartile de revenu fiscal par UC, Q1) et les ménages les plus aisés (à partir du 3e quartile de revenu fiscal par UC, Q3) sont plus élevées à la Réunion qu’en métropole. Ainsi, le rapport interquartile est de 4,5 à la Réunion, contre 2,2 en métropole. Cette forte proportion des faibles revenus dans la société réunionnaise entraîne une plus forte représentativité de foyers fiscaux non imposables qu’en métropole. Ainsi, 72,3 % des foyers fiscaux déclarés en 2007 n’ont pas été soumis à l’impôt. Ils représentent 38,9 % des revenus fiscaux totaux. En métropole, les foyers fiscaux non imposables représentent 44,6 % des foyers fiscaux et seulement 18,1 % des revenus fiscaux totaux. En 2007, le revenu net imposable moyen par foyer fiscal est plus élevé à la Réunion (36 915 €, contre 33 843 €). Pour autant, grâce à Répartition inégale des richesses 112 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix l’abattement d’impôt de 30 % appliqué à la Réunion, la pression fiscale sur les contribuables réunionnais est moindre. Le montant moyen de l’impôt est ainsi plus faible (2 152 €, contre 2 653 €). L’abattement de 30 % conjugué aux réductions d’impôts à la Réunion conduit de fait à augmenter de manière significative le nombre de foyers fiscaux dans la tranche d’impôts inférieure à 800 € (près de 48 %, contre 43 % en métropole). Par ailleurs, près de 2 % des foyers fiscaux imposables paie l’impôt de solidarité sur la fortune, contre près de 3 % en métropole. À l’inverse, davantage de foyers fiscaux bénéficient de la prime pour l’emploi à la Réunion (32 % des foyers fiscaux) qu’en métropole (27 %). La plus grande partie des réductions d’impôts est liée aux investissements dans les DOM-TOM. En 2006, ces réductions d’impôts s’élevaient à plus de 64 millions d’euros et représentaient à elles seules plus de 60 % des réductions d’impôts71. Ainsi, globalement, la Réunion se singularise par rapport à la métropole, avec : - des inégalités de revenu plus prononcées ; - des foyers fiscaux non imposables plus nombreux ; - un plus grand nombre de foyers fiscaux bénéficiant de la prime à l’emploi ; - un revenu fiscal net imposable plus élevé ; - une pression fiscale plus faible (moins de foyers fiscaux assujettis à l’impôt sur la fortune, plus de déductions fiscales et d’abattements d’impôts). 2.2. Prépondérance des traitements et salaires dans les revenus des foyers fiscaux réunionnais par rapport aux foyers fiscaux métropolitains En 2007, les traitements et salaires représentaient à eux seuls plus de 70 % des revenus déclarés par les ménages réunionnais. En comparaison, en métropole, la part des traitements et salaires dans le total de revenus déclarés n’est que de 63 %. En revanche, les 71 Insee, Réunion, TER 2010. Répartition inégale des richesses 113 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix pensions et retraites représentent le quart des revenus déclarés en métropole, contre seulement 14 % à la Réunion, en raison d’une population âgée moins nombreuse (les plus de 60 ans à la Réunion représentent 11,0 % de la population totale, contre 21,1 % en France hexagonale). Sur la période 2008-2006, les revenus salariaux hors inflation ont progressé à un rythme moins soutenu que les pensions et retraites : + 0,36 % en moyenne annuelle pour le premier, 1,2 % pour les seconds. 3. Progression des revenus salariaux nets à un rythme proche de celui de l’inflation En 2008, le salaire annuel moyen net perçu par les salariés s’élève à 18 216 €, en progression de 4,8 % par rapport à 2007. Le revenu salarial moyen est inférieur d’environ 1 600 € à la moyenne annuelle française. Salaire annuel moyen net Il est calculé à partir du salaire et des indemnités de chômage (depuis 2002) disponibles dans les DADS. Il est net de toutes cotisations sociales, y compris CSG (contribution sociale généralisée) et CRDS (contribution au remboursement de la dette sociale). Sur la période 2002-2008, le revenu salarial moyen a progressé d’un peu plus de 2,5 %, hors inflation. Cette évolution ne signifie par autant une augmentation du salaire horaire. Intégrant depuis 2002 les indemnités de chômage, l’évolution du revenu net moyen est en définitive très sensible à l’évolution des heures travaillées : une diminution du chômage se traduit de facto par une évolution du nombre d’heures travaillées – pour lesquelles le taux horaire est supérieur aux indemnités de chômage –, à la condition que les emplois créés le soient à temps plein. Au cours de la période sous revue, le chômage a diminué de 1,3 % en moyenne annuelle. Les facteurs qui contribuent à la croissance du revenu net moyen portent Répartition inégale des richesses 114 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix principalement sur la croissance du nombre d’heures travaillées alors que, parallèlement, les revenus salariaux nets en équivalent temps plein (ETP) ont évolué à un rythme proche de l’inflation : sur la période 1998-2005, les revenus salariaux nets annuels moyens d’ensemble des Réunionnais travaillant à temps plein ont augmenté de 2,1 % par an en moyenne, soit une évolution quasiment identique à l’inflation moyenne (+ 1,8 %). À titre de comparaison sur la même période, la croissance annuelle moyenne des rémunérations salariales à la Réunion s’est avérée légèrement inférieure à celle constatée dans l’hexagone (+ 2,2 %)72. Pour la période 2005-2007, plus récente et pour laquelle nous disposons de l’information, les rémunérations salariales nettes annuelles ont progressé en moyenne annuelle de 1,81 % en euros courants et ont légèrement diminué si on tient compte de l’inflation. En métropole, leur progression a été plus soutenue en valeur courante et, en tenant compte d’une évolution moins forte des prix, les rémunérations moyennes progressent de près de 1 % en moyenne annuelle sur la période. À la Réunion, seule la rémunération moyenne de la catégorie ouvriers progresse, sous l’effet de la progression du smic. Sur la période 20012004, le smic a progressé en moyenne de 4,5 % par an, et cette progression s’est poursuivie sur la période 2005-2008, quoique à un rythme moins soutenu : + 2,7 % en moyenne par an, puis + 1,3 % en 2009 et seulement + 0,5 % en 2010. 72 IEDOM, La Réunion 2007, édition 2008. Répartition inégale des richesses 115 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix 4. Bas salaire et travailleurs pauvres : interrogation sur la qualité et la croissance des emplois 4.1. Diminution du nombre de bas salaires à la Réunion sur la période 2002-2006, sous l’effet des contrats aidés Selon l’Insee, sur les 200 000 travailleurs qui ont été employés en 2006 par les entreprises privées ou semi-publiques et les collectivités locales, 55 000 ont perçu un bas revenu salarial annuel73. Source : Économie de la Réunion, n°134 Le seuil de bas revenu salarial annuel est égal aux deux tiers du revenu salarial annuel médian calculé à la Réunion, soit 8 960 €. Il équivaut à 77 % du smic annuel net pour l’année 2006. La majorité de ces salariés, soit 40 000, peut même être classée parmi les très bas salaires, car ils ont perçu moins de la moitié du revenu médian (58 % du smic annuel). Ce constat n’est pas spécifique à la Réunion. La fraction (27 %) des salariés rémunérés sous le seuil de bas salaire y est proche de celle de la France métropolitaine (25 %). Pour ces deux territoires, le seuil de bas salaire a été calculé relativement à leurs caractéristiques propres. Celui de la France métropolitaine est sensiblement supérieur à celui de la Réunion : 10 600 € contre 8 960 €. Si on avait appliqué le seuil métropolitain à la population réunionnaise, on aurait comptabilisé 68 000 travailleurs à bas salaire. De 2002 à 2006, le nombre de salariés réunionnais sous le seuil de bas salaire a significativement baissé, passant de 62 000 à 55 000 personnes. Cette évolution est liée en partie à celle des contrats en emplois aidés, leur nombre ayant sensiblement baissé au cours de cette même période74. 73 Claude Touzet, Insee, Économie de la Réunion, n°134. IEDOM, La Réunion 2007-2008-2009 ; CEROM, Une double transition presque réussie : chômage, productivité et politique d’emploi à la Réunion. 74 Répartition inégale des richesses 116 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix 4.2. Forte corrélation entre bas salaire et nombre d’heures de travail dans l’année Les salariés qui sont sous le seuil des bas salaires ont pour la plupart un salaire horaire proche du smic et 20 % d’entre eux ont gagné plus de 1,3 smic. Les bas salaires s’expliquent essentiellement par un travail temporaire et / ou par un temps partiel, c’est-à-dire un faible volume d’heures travaillées : en moyenne 600 heures dans l’année (soit l’équivalent de quatre mois à temps complet), pour un revenu annuel de 5 030 €. Parmi ces travailleurs, rares sont ceux qui ont occupé un emploi régulier tout au long de l’année : la majorité (60 %) a eu des contrats de courte durée n’excédant pas six mois et un quart a exercé une activité salariée allant de six mois à moins d’un an. La durée hebdomadaire du travail tient un rôle tout aussi déterminant : plus de la moitié des faibles rémunérations annuelles sont liées au temps partiel, aussi bien à la Réunion (56 %) qu’en métropole (54 %). Par ailleurs, les faibles durées d’emploi se combinent souvent au travail à temps partiel. Parmi les salariés faiblement rémunérés, quatre sur dix sont dans ce cas. Le salaire annuel médian pour les salariés occupés à temps partiel s’établit à 6 500 € (15 000 € pour ceux à temps complet). Source : Économie de la Réunion, n°134 4.3. Proportion significative de bas salaires dans les services L’étude des bas salaires par secteur d’activité révèle quelques secteurs où la proportion de bas salaires est très forte. C’est le cas des services aux particuliers, qui recourent largement au temps partiel (32 %) et où la durée moyenne du travail est courte (9 mois en moyenne). L’emploi précaire y est particulièrement développé, notamment pour les emplois des services personnels et l’hôtellerie- Répartition inégale des richesses 117 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Source : Économie de la Réunion, n°134 restauration, avec plus de 40 % de salariés sous le seuil de bas salaire. Dans les activités d’administration (hors agents de l’État), la part des faibles rémunérations annuelles est comparable (37 %), avec un nombre élevé d’emplois aidés et un fort taux de temps partiel (36 %). On compte un tiers de salariés à bas salaire dans l’administration publique et la moitié dans les activités d’administration des organismes associatifs. Troisième secteur le plus touché par les bas salaires, les services aux entreprises sont essentiellement concernés dans les activités de sélection et fourniture de personnel et dans les activités de nettoyage (43 %). On observe aussi des pourcentages de bas salaires élevés dans le commerce de détail (30 %) et dans le secteur éducatif (28,4 %). En valeur absolue, les secteurs qui comptent le plus grand nombre de salariés sous le seuil de bas salaires sont l’administration (17 800 salariés), le commerce (7 900 salariés), les services aux entreprises (7 700) et l’éducation-santé-action sociale (6 000). Ce constat d’une forte corrélation entre les bas salaires, le niveau d’activité et le secteur pose in fine la question de la qualité des emplois dans une économie dite « de services ». Sur la période 1998-2008, une part significative de la croissance de l’emploi a pour origine des secteurs dans lesquels la part des bas salaires est relativement importante, notamment à cause d’un faible Répartition inégale des richesses 118 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix nombre d’heures travaillées dans l’année (services à la personne) ou d’un taux de précarité élevé (CDD, temps partiel subi : à la Réunion, le temps partiel subi représente près de 13 % des actifs occupés, contre 4,6 % en métropole75). Par ailleurs, les secteurs des services (services aux particuliers notamment, mais aussi commerce) et de la construction regroupent une part significative du travail informel. En 2008, 12 500 personnes déclarent avoir eu recours au travail informel à la Réunion. Pour la grande majorité des travailleurs non déclarés, l’emploi informel est la seule activité exercée. Seul un sur dix exerce également une activité déclarée76. L’activité informelle se révèle néanmoins transitoire, puisqu’il est rare de reconduire un emploi informel plusieurs années de suite. Ces activités non déclarées sont recensées dans quatre principaux secteurs : - les services aux particuliers (50 %) ; - le commerce (17 %) ; - l’éducation via les cours de soutien (12 %) ; - la construction (10 %). Au total, l’emploi non déclaré représenterait 5,2 % de l’emploi déclaré. Les difficultés méthodologiques de l’étude menée par l’Insee conduisent à penser qu’une partie des activités non déclarées est sous-estimée77. 75 Colette Galant, Économie de la Réunion, n° 135. Fabrice Michaïlescio, Économie de la Réunion, n° 135. 77 Pour déterminer le caractère formel ou informel de l’emploi, il est demandé aux personnes se déclarant salariées si elles reçoivent une fiche de paye. Les personnes se déclarant à leur compte doivent préciser si elles sont inscrites à une chambre consulaire et possèdent de ce fait une immatriculation pour leur entreprise. De plus, les personnes déclarées à l’URSSAF pour une partie seulement de leur temps de travail sont exclues du champ de l’étude. 76 Répartition inégale des richesses 119 L’évolution des prix pèse sur les ménages aux revenus les plus faibles 7. 1. Le pouvoir d’achat et son évolution : définitions 1.1. Pouvoir d’achat et coût de la vie Le pouvoir d’achat mesure la capacité monétaire d’un individu ou d’un ménage à acquérir des biens et services mis à disposition sur les marchés. Il correspond à la rencontre entre un revenu disponible, d’une part, et des prix de biens et services disponibles sur les marchés, d’autre part, dans un lieu et à un moment donnés. La notion de pouvoir d’achat est différente de celle de coût de la vie, qui renvoie non seulement à la capacité d’acquisition d’un individu ou d’un ménage, mais aussi à une structure de consommation. La structure de consommation d’un individu ou d’un ménage peut varier suivant sa situation patrimoniale, familiale et géographique. Ainsi, un propriétaire et un locataire ne consacrent pas les mêmes revenus à leur logement, de même qu’une personne isolée et une famille nombreuse n’ont pas les mêmes consommations. Enfin, le climat comme la zone d’habitation – urbaine ou rurale – déterminent également une part de la consommation des ménages. L’évolution du pouvoir d’achat résulte donc de l’évolution des revenus des ménages pondérée par l’évolution des prix des biens et services qu’ils consomment. Une augmentation des revenus accroît le pouvoir d’achat, alors qu’une augmentation des prix l’érode. La consommation des ménages n’est par ailleurs pas exclusivement monétaire. Par exemple, l’autoproduction, synonyme d’autoconsommation, ne génère pas de pouvoir d’achat bien que, dans les faits, elle permette aux ménages qui produisent des fruits et légumes dans leur jardin ou qui pêchent ou chassent pour euxmêmes de réduire leurs achats de biens alimentaires. L’absence d’information sur les consommations non monétaires des ménages apporte ainsi une limite à l’appréciation réelle de la consommation des ménages et de sa disparité. 120 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix 1.2. L’indice des prix à la consommation L’indice des prix à la consommation mesure précisément l’évolution des prix d’un panier de biens et de services strictement identique entre deux périodes : « l’indice des prix à la consommation est un instrument de mesure de l’évolution au cours du temps du niveau général des prix des biens et services achetés, utilisés ou payés en vue d’être consommés par une population de référence »78. L’indice mesure non pas un niveau pour une période déterminée, mais la variation de ce niveau entre deux périodes. Il mesure cette variation non pas en valeur absolue mais en valeur relative79. Parmi les indicateurs statistiques, l’indice des prix compte parmi les plus importants dans le champ économique. Il permet de mesurer : - l’inflation, l’évolution des revenus au travers consommation des ménages en termes réels ; de la l’impact des politiques sociales, qu’il s’agisse du salaire minimum ou des prestations sociales, notamment l’indexation des pensions alimentaires ou des rentes viagères. Référence majeure pour les politiques salariales des entreprises, la réalité des mesures de l’indice des prix est toujours remise en question en raison de ses multiples utilisations. Certaines dépenses sont en effet exclues de l’indice : - impôts directs, cotisations sociales, intérêts des emprunts ; - biens et services utilisés par les entreprises individuelles ; - achats de logements et gros travaux, mais aussi achats de valeurs mobilières, en raison de leur caractère d’investissement. En revanche, les petites dépenses d’entretien sont prises en compte ; - les produits autoconsommés, car ils n’ont pas de prix. Ceci dit, tout indice des prix à la consommation, outre les variations de prix « pures », intègre trois effets : - un effet « circuit d’achat » : le prix diffère entre le petit commerçant et la grande surface, entre le généraliste et le spécialiste ; - l’effet marketing qui, sans modifier les caractéristiques du produit, peut en changer la présentation ou le nom ; - l’effet qualité, qui améliore les caractéristiques du produit. Ces trois effets doivent être systématiquement pris en compte à travers les actualisations les plus fréquentes (chaînages) : c’est le rôle des enquêtes sur le budget et la consommation des ménages. 78 Définition adoptée par la 14e conférence internationale des statisticiens du travail du 5 novembre 1987. 79 C'est-à-dire l’indice des prix. Évolution des prix 121 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix 2. L’indice des prix à la Réunion 2.1. L’évolution des pondérations entre 2000 et 2009 L’indice temporel élémentaire C’est le rapport (en général multiplié par 100) de deux valeurs prises par une même grandeur simple et mesurée à deux périodes distinctes : la période actuelle, par exemple, qui figurera au numérateur et la période de base qui figurera au dénominateur. Indice synthétique Un indice synthétique est une moyenne pondérée d’indices élémentaires. Pondération Dans un indice synthétique de prix à la consommation, la pondération de chaque poste de dépense est proportionnelle à la part de ce poste dans la dépense totale de la population de référence. Source INSEE L’instrument conjoncturel de mesure de la hausse des prix de détail est l’indice moyen des prix à la consommation. Il est calculé à partir de relevés de prix réalisés dans l’agglomération de Saint-Denis. Entre 2000 et 2009, l’indice des prix à la consommation (IPC) a légèrement évolué : tout d’abord, les relevés de prix, précédemment réalisés à Saint-Denis, ont été étendus à son agglomération ; en second lieu, le nombre de relevés a été réduit de 8 000 à 6 000 chaque mois. Au-delà de ces précisions sur le rapprochement des deux pondérations qui servent de base au calcul de l’indice des prix, deux enseignements peuvent être tirés de leur comparaison. Le premier est la réduction des dépenses d’alimentation et des autres produits manufacturés. Les premières perdent 4 points, passant de 25 % à 21 % du total, et les secondes baissent de 5 points, passant de 24 % à 19 % du total80. A contrario, les dépenses d’habillement et chaussures augmentent de 1 point, passant ainsi de 6 % à 7 %, à l’instar des dépenses de tabac et de produits de santé, qui augmentent également de 1 point. Le second est l’augmentation significative de l’ensemble des services, comprise entre 1 point pour les plus modestes, comme les services de santé et les transports et communication, et 2 points, comme les loyers et services rattachés et les autres services. Ceci précisé, cinq postes représentent près de 60 % des dépenses de consommation des ménages : l’alimentation (21 %) puis, légèrement en retrait, le logement (13 %), suivis par les transports et 80 Les autres produits manufacturés intègrent les achats d’automobiles et de pièces détachées. Évolution des prix 122 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix communications (11 %), l’habillement et les chaussures (7 %) et la santé (4 %). Sans être tous contraints, ces cinq postes représentent néanmoins un ensemble de dépenses nécessaires au faible pouvoir d’arbitrage. Quoi qu’il en soit de l’évolution de l’indice entre 2000 et 2009, la principale question qui se pose reste sa représentativité, sa capacité à mesurer la hausse des prix suivant les communes de résidence des Réunionnais. Cette question est centrale, étant donné la forte disparité des revenus par commune, comme nous avons pu le voir précédemment (voir partie 6). 2.2. Comparaison avec les pondérations utilisées en France La comparaison avec la pondération utilisée en métropole en 2009 montre qu’il subsiste des écarts significatifs entre les ménages réunionnais et métropolitains dans le poids relatif des dépenses de consommation : - les dépenses d’alimentation dans le cas métropolitain s’élèvent à 16 % contre encore 21 % à la Réunion en 2009 ; - le poids des dépenses de logement est sensiblement le même : 14 % en métropole contre 13 % à la Réunion ; - les dépenses de transport ne sont pas strictement comparables sachant que la pondération en métropole intègre les achats de véhicules et de pièces détachées qui, à la Réunion, sont incorporés aux achats d’autres produits manufacturés. En métropole, les achats de véhicules et de pièces détachées représentent 12 % du total des dépenses. Si l’on exclut ces dépenses du poste transports et communications, ce dernier est ramené à 7 % du total des dépenses, contre 11 % à la Réunion. Ces écarts ne sont pas seulement le fait de modes de consommation différents. Ils reflètent avant tout les écarts de prix relatifs entre la Réunion et la métropole, ce que montre bien l’analyse spatiale des prix réalisée par l’Insee81. Selon cette étude, en 2010, les prix sont plus élevés dans les départements d’outre-mer qu’en France métropolitaine. À la Réunion, ils sont ainsi supérieurs de 6,2 %. Les écarts de prix sont plus marqués lorsqu’on prend pour référence le panier de consommation des ménages métropolitains : + 12,4 % à la Réunion. En revanche, un ménage ultramarin qui paierait ses consommations aux prix pratiqués en France métropolitaine ne ferait qu’une économie limitée. Pour un ménage réunionnais, l’économie serait de – 0,4 %. 1 Insee, Comparaison des prix entre les DOM et la métropole en 2010, n° 1304, juillet 2010. « Les rapports de prix moyens DOM / France métropolitaine (respectivement France métropolitaine / DOM) pour les différentes familles de biens et services sont agrégés au moyen des pondérations reflétant la structure de la consommation des ménages en métropole (respectivement dans un DOM). On obtient ainsi à chaque fois deux indices de rapport de prix, A (DOM/France métropolitaine) et B (France métropolitaine/ DOM), reflétant une vision métropolitaine et une vision ultra-marine. » Évolution des prix 123 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Encadré méthodologique : indice régional et écart de fisher La comparaison des prix livre à chaque fois deux indices de rapport de prix, A (DOM / France métropolitaine) et B (France métropolitaine / DOM), reflétant une vision métropolitaine et une vision ultramarine. Les indices A et B ne sont pas inverses l’un de l’autre, puisqu’ils résultent de l’agrégation de plusieurs variétés, qui plus est avec des pondérations différentes. Selon l’usage international en matière de comparaison de prix, on utilise un indice de type Fisher, formé par la moyenne géométrique de A et de l’inverse de B, soit C = racine carrée de A/B. Cet indice C donne une mesure synthétique et symétrique de la différence de niveau de prix entre les deux territoires. Ce coefficient tient ainsi compte à la fois de la structure de consommation observée en France métropolitaine et de celle observée dans le département. Ainsi, pour la Réunion et pour l’ensemble de la consommation, on a un indice A = 1,124 (soit un écart de + 12,4 %), un indice B = 0,996 (soit un écart de – 0,4 %) et un indice C = 1,062 (soit un écart synthétique de + 6,2 %). Les indices A et B sont en fait des indices de Laspeyres* des écarts de prix. Ne prenant pas en compte les éventuelles substitutions possibles entre produits, ils ont tendance à surestimer les écarts de prix entre territoires. Aussi, parce que les prix sont généralement plus élevés dans les DOM qu’en France métropolitaine, l’indice A, qui consiste à passer de la France métropolitaine aux DOM à partir du panier métropolitain, surestime-t-il l’écart (positif) global : le panier n’est pas optimal pour la Réunion, étant donné le système des prix local. Il en est de même pour l’indice B, qui fait passer des DOM à la France métropolitaine. Toutefois, l’écart, cette fois négatif (les prix étant comparativement moins élevés en France métropolitaine), est sous-estimé. En définitive, dans la mesure où les prix sont plus élevés dans les DOM, on devrait avoir A>1/B, ce qui n’est pas le cas. Source : INSEE * Indice synthétique des prix à la consommation sur une année de référence. Les écarts de prix entre les départements d’outre-mer et la France métropolitaine sont en partie imputables aux produits alimentaires. Il s’agit en effet d’un des premiers postes de consommation des ménages et de celui pour lequel les écarts de prix sont les plus marqués entre les territoires. En prenant comme référence la structure de consommation de chaque département d’outre-mer, les prix de ces produits en France métropolitaine sont inférieurs de près de 11 % à ceux pratiqués à la Réunion. Avec le panier métropolitain, les écarts de prix sont plus importants : + 36,6 % à la Réunion. Évolution des prix 124 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Les prix dans les domaines de la santé (prix bruts avant remboursement par la Sécurité sociale) et des communications (lesquelles regroupent l’Internet, la téléphonie et les envois postaux) sont plus élevés qu’en France métropolitaine dans tous les départements d’outre-mer. Concernant les écarts de prix des consommations liées au logement (loyers, charges, eau, électricité principalement), les prix de la métropole sont supérieurs de plus de 14 % à ceux pratiqués à la Réunion, en prenant comme référence la structure de consommation réunionnaise. 2.3. Les limites de l’indice des prix Il est aujourd’hui admis que les modes d’organisation familiale aussi bien que les modes d’emploi se diversifient nettement. Ils demandent donc une approche plus fine de l’évolution de l’indice des prix, afin de prendre en compte l’accroissement des situations de fragilité familiale et professionnelle telles que les familles monoparentales ou les personnes isolées, les emplois précaires et à temps partiel ou l’individualisation croissante des modes de rémunération. Source : INSEE, traitement Syndex Cette diversification des situations de vie et l’évolution des modes de vie entraînent logiquement une diversification des modes de consommation, avec deux évolutions majeures : - le développement des consommations sous la forme de contrats et d’abonnements, qui tendent à contraindre les marges de manœuvre dont disposent les ménages dans la gestion de leur budget ; - le développement des situations de précarité, ce qui se traduit en premier lieu par la difficulté à se loger aux conditions du marché. Ce dernier point révèle une critique récurrente de l’indice des prix à la consommation qui, s’il prend bien en compte les dépenses de loyer, les charges liées au logement et les intérêts d’emprunt, ne prend pas en compte la charge de remboursement du capital emprunté pour acquérir son logement. Depuis 2008, à la Réunion, de nouveaux indicateurs ont été mis en place : l’indice des prix par catégorie de ménages et celui de la grande distribution. L’indice par catégorie montre combien l’incidence de l’inflation est variable selon le niveau de vie des ménages. Pris individuellement, chaque ménage subit une inflation plus ou moins grande selon sa structure de consommation : un ménage qui ne consomme pas de transports et communications ne ressentira pas la hausse des prix de ces produits. Par ailleurs, un ménage qui consacre une grande part de son budget aux achats alimentaires sera plus sensible à la hausse des prix de ces produits. L’inflation moyenne ne sera donc pas la même selon les catégories de ménages, à partir du moment où leurs structures de consommation sont différentes et où l’augmentation des prix varie en fonction des produits. Évolution des prix 125 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Les ménages les plus pauvres ne consomment pas comme les plus aisés. Ainsi, l’alimentation pèse beaucoup plus lourd sur le budget des ménages les plus modestes (22 % pour le premier quartile) que sur celui des plus aisés (14 % pour le dernier quartile). De ce fait, étant donné la forte augmentation des prix de certains produits alimentaires durant l’année 2008, les ménages les plus modestes ont subi une inflation d’environ 3 % en 2008, plus importante que celle supportée par les ménages les plus aisés (2,5 %)82. L’indice de la grande distribution regroupe quant à lui trois familles de produits : l’alimentation (hors poissons, fruits et légumes frais), les produits d’hygiène domestique et les produits de beauté et d’hygiène corporelle. Il montre que l’augmentation des prix a été légèrement plus élevée dans les grandes surfaces83 : + 0,2 point comparativement à l’indice d’ensemble des biens de grande consommation. 3. L’évolution des prix à la Réunion L’inflation a été relativement faible en 2009, avec une augmentation générale des prix de 0,5 % à la Réunion en moyenne annuelle. Ce taux est le plus bas observé ces vingt dernières années. Il fait suite à une année 2008 record, où la hausse des prix avait atteint 2,9 %, ce qui correspondait au plus haut niveau enregistré depuis 1993. En France métropolitaine, la montée des prix est également très modérée en 2009, avec un taux de 0,1 %, après 2,8 % en 2008. La diminution des prix de l’énergie, après l’envolée de 2008, contribue principalement au ralentissement de l’inflation. Ainsi, les prix des produits pétroliers chutent de 14,4 %, après la forte hausse de 9,2 % en 2008. Au final, les réductions successives du tarif des produits pétroliers de février, puis de mars (– 14,5 % pour cette période), et les légères augmentations à partir de septembre ramènent les prix à la pompe à un niveau quasiment équivalent à celui de 2005. La contribution de la baisse des prix des produits pétroliers sur l’inflation annuelle est de – 0,8 point84. La montée des prix dans les services a eu le plus fort impact à la hausse en 2009, car ils représentent plus de 40 % dans le budget des ménages. Néanmoins, les prix des services ont moins augmenté que l’année passée (+ 1,6 % après + 1,9 %). La hausse des loyers et services rattachés reste élevée, mais elle ralentit pour la troisième année consécutive (+ 2,4 % après + 3,0 %). Après une forte augmentation en 2008, les prix des transports et communications évoluent modérément (+ 1,3 % après + 4,9 %). 82 Olivier Fagnot, Économie de la Réunion, Insee, n°135. La grande distribution regroupe les super- et hypermarchés, ainsi que les magasins de hard discount dont la surface de vente est supérieure à 400 m2 et où l’alimentation prédomine. 84 Économie de la Réunion, Bilan économique 2009, Hors-série n°9, juillet 2010. 83 Évolution des prix 126 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix L’alimentation, à laquelle est consacré près d’un cinquième du budget réunionnais moyen, renoue avec une inflation similaire aux années antérieures à 2008, avec une hausse de 2,2 %. Les prix de l’alimentation hors produits frais progressent de 2,4 %, après une année 2008 très inflationniste (+ 8,0 %). A contrario, les prix des produits frais sont restés quasiment stables sur l’année (+ 0,7 %). Ainsi, leur envolée en début d’année (+ 14 % entre janvier et avril), qui résulte des fortes pluies et du cyclone Gaël en février, est compensée par la baisse quasi continue des prix qui s’en est suivi. Sur longue période (1998-2008), l’indice général des prix a augmenté de 2 % à la Réunion, comparé à une augmentation de 1,8 % en France métropolitaine. Toutefois, si le rythme d’inflation est assez proche entre la Réunion et la France métropolitaine, il existe néanmoins des écarts significatifs suivant la nature des produits : - l’alimentation, l’énergie et les autres services suivent une inflation moins forte à la Réunion, où, en moyenne annuelle, les prix augmentent de 2 % pour l’alimentation, 3,6 % pour l’énergie et 1,7 % pour les autres services, alors qu’en France métropolitaine, ils progressent de 2,1 % pour l’alimentation, 4,5 % pour l’énergie et 2,5 % pour les autres services ; - a contrario, le tabac, les produits manufacturés, les loyers, les services de santé et les transports enregistrent un rythme d’inflation plus soutenu à la Réunion, avec une augmentation moyenne annuelle des prix de 12 % pour le tabac, 0,8 % pour les produits manufacturés, 2,7 % pour les loyers, 2,1 % pour les services de santé et 3,2 % pour les transports et communication, alors qu’en métropole la hausse atteint 6,7 % pour le tabac, 0,1 % pour les produits manufacturés, 2,4 % pour les loyers, 1,6 % pour les services de santé et 0,2 % pour les transports et communication. Évolution des prix 127 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Source : INSEE, traitement Syndex Évolution des prix 128 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Ces évolutions sont, bien entendu, à rapprocher du poids relatif de chacun des produits dans les dépenses totales des ménages. Ainsi, une augmentation de 2 % des produits alimentaires à la Réunion et en France métropolitaine n’a pas la même incidence en termes de pouvoir d’achat suivant le poids relatif des dépenses dans le revenu des ménages. Il en est de même à l’échelle régionale : le poids des différents achats dans le budget est différent d’un ménage réunionnais à l’autre. Ainsi, concernant l’alimentation, l’écart de poids dans le budget varie du simple au double selon l’âge de ménages : de 15,8 % pour les moins de 35 ans à 31,4 % pour les 65 ans ou plus85. Ainsi, les moins de 35 ans ressentent-ils moins l’augmentation des prix de l’alimentation que les plus âgés, qui lui consacrent près du tiers de leur budget. 4. Les dépenses de consommation des ménages réunionnais 4.1. La part de l’alimentation et des transports est supérieure à la Réunion qu’en France métropolitaine Avec 17,4 % des dépenses consacrés à l’alimentation en 2006, la part des achats alimentaires a baissé de 2,8 points dans la consommation des ménages réunionnais par rapport à 2001. Cette tendance se manifeste dans toutes les sociétés où le pouvoir d’achat augmente. La Réunion reste encore en retrait sur ce point par rapport à la France métropolitaine, où seulement 15,5 % de la consommation sont consacrés à l’alimentation. L’alimentation cède la place à la consommation de biens et services (+ 3,3 points). Ces deux postes sont liés, car les services en hausse sont essentiellement ceux de l’hôtellerie-restauration (+ 2,5 points), qui correspondent pour une grande part aux repas pris hors du domicile. Le poids du poste « hôtellerie-restauration » est maintenant assez proche de ce qu’il est en métropole. La part du budget consacrée aux transports a baissé de 1,6 point, essentiellement à cause de la baisse des frais d’utilisation des véhicules (– 1,4 point). Si le prix du carburant a augmenté entre les deux enquêtes 2001 et 2006, un grand nombre d’automobilistes ont acheté des véhicules roulant au gazole, beaucoup moins cher que l’essence. Même s’il a baissé depuis 2001, le poids des transports dans le budget des ménages reste néanmoins beaucoup plus élevé qu’en métropole (+ 2,6 points). Ce sont les achats de véhicules qui font la différence. 85 Olivier Fagnot, “Certaines catégories plus touchées par l’inflation”, Économie de la Réunion, n°136. Évolution des prix 129 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Source : INSEE, traitement Syndex Évolution des prix 130 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Niveau de vie et dépenses de consommation Source : INSEE, Économie de la Réunion, n°133. Les autres postes varient moins en importance relative. Nous signalerons tout de même la hausse des dépenses d’équipement du foyer (+ 0,8 point), avec des taux d’équipement en forte hausse pour le micro-onde, et en hausse plus faible pour le congélateur et le magnétoscope86. Les dépenses d’habillement sont également un peu plus importantes qu’en 2001 (+ 0,6 point) et pèsent plus qu’en France métropolitaine : + 0,1 point, à 8,8 % contre 7,9 %. Pour le logement, l’évolution est faible depuis 2001, et le poids de ce poste dans le budget est similaire à ce qu’il est en France métropolitaine. La structure moyenne des dépenses des ménages réunionnais masque des écarts significatifs selon le niveau de vie des ménages. Si, en 200687, les dépenses annuelles de consommation d’un ménage réunionnais s’élèvent en moyenne à 21 500 € (un peu moins de 1 800 € par mois), cette moyenne recouvre des réalités très différentes selon le niveau de vie des ménages88. Ainsi, les 25 % des ménages qui disposent d’un niveau de vie de moins de 6 752 € par UC dépensent en moyenne 12 600 € par an pour leur consommation. À l’autre extrémité de l’échelle, les ménages qui disposent d’un niveau de vie de plus de 14 400 € par UC consomment en moyenne 35 582 € par an. Les principaux postes sont, dans l’ordre, les transports, l’alimentation et le logement. Cependant, selon le niveau de vie des ménages, ces dépenses ont un poids différent. Ainsi, pour les ménages du premier 86 Colette Berthier, Stéphanie Gaudinot, Christian Monteil, Économie de la Réunion, n°133, Insee. Enquête budget consommation des ménages 2006, Insee. 88 Le niveau de vie est égal au revenu disponible du ménage divisé par le nombre d’unités de consommation composant ce ménage (UC). Le niveau de vie est donc le même pour tous les individus d’un même ménage. Les unités de consommation sont en général calculées selon l’échelle d’équivalence dite « de l’OCDE modifiée », qui attribue 1 UC au premier adulte du ménage, 0,5 UC aux autres personnes de 14 ans ou plus et 0,3 UC aux enfants de moins de 14 ans. Définition de l’Insee. 87 Le premier quartile (25 % des ménages ayant un niveau de vie inférieur à 6 752 € par UC) représente 15 % de la dépense totale de consommation des ménages à la Réunion. Le dernier quartile (25 % des ménages ayant un niveau de vie supérieur à 14 438 € par UC) représente à lui seul 43 % de la dépense totale de consommation des ménages. Les ménages dont le niveau de vie est inférieur au niveau de vie médian par UC représentent moins du tiers de l’ensemble des dépenses de consommation des ménages à la Réunion. Évolution des prix 131 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix quartile89, les dépenses d’alimentation forment 21 % de la consommation totale des ménages (25 % si on ajoute les dépenses de restaurant), les transports 19,7 % et le logement 15,4 %. À l’autre extrémité90 de l’échelle du niveau de vie, les dépenses d’alimentation représentent seulement 14,1 % de la consommation totale des ménages (20,5 % y compris les dépenses de restaurant), les transports 20,4 % et le logement 13,1 %. Pour les ménages du second quartile91, la physionomie des dépenses est proche de celle du premier quartile, sauf toutefois pour les dépenses de transport. Les dépenses d’alimentation y compris les dépenses de restaurant représentent 26,3 % de la consommation totale, les dépenses de logement 20,3 % et les dépenses de transport seulement 11,7 %. Par catégorie socioprofessionnelle (CSP), les trois principaux postes de consommation ne revêtent pas la même importance. Ainsi les dépenses de transport sont de loin les plus importantes pour la catégorie agriculteurs, artisans, commerçants et chefs d’entreprise, à 25 % des dépenses totales de consommation, et pour la catégorie cadres, à 20,8 % des dépenses de consommation. En troisième position se situe la catégorie des ouvriers, qui consacre 19,5 % de ses dépenses de consommation au transport. 4.2. Part des dépenses de transports Source : INSEE, traitement Syndex 89 C'est-à-dire le quart des ménages qui a le niveau de vie le plus faible par UC, soit inférieur à 6 752 € par UC. 90 Le quatrième quartile, c'est-à-dire le quart des ménages qui a des revenus les plus élevés par unité de consommation. 91 Le second quartile rassemble les ménages dont le niveau de vie se situe entre 6 753 € et 9 483 € par UC, soit en dessous du niveau de vie médian (9 484 €, soit 790 € par mois). Évolution des prix 132 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Le budget consacré aux transports est l’un de ceux qui varient le plus selon les CSP. Il dépasse 8 923 € pour les cadres et il est de seulement 1 785 € pour les inactifs. Pour ces deux catégories, l’achat du véhicule représente une part significative du budget consacré au transport : 75 % pour la première et 69 % pour la seconde. Paradoxalement, ce sont les cadres pour lesquels la part de l’acquisition du véhicule est la plus faible de toutes les CSP : 45,6 %. Cependant, c’est aussi la catégorie pour laquelle le coût d’usage est le plus élevé, derrière les professions intermédiaires : respectivement 36 % et 40 % des dépenses de transport. Se situent juste après les employés et ouvriers : 34 % des dépenses de transport. L’importance du coût d’usage illustre certainement l’une des caractéristiques de la sociologie de l’habitat à la Réunion , et par là même reflète le coût d’accès à la socialisation (marché du travail, activités sociales et culturelles, zone de consommation). En définitive, pour la population vivant hors de la zone urbaine de Saint-Denis, desservie par les transports en commun, l’usage de l’automobile s’avère être l’une des dépenses contraintes les plus importantes, devant le logement. 4.3. Part des dépenses de logement Les dépenses annuelles de logement s’élèvent en moyenne à 3 400 € par ménage et concernent à près de 60 % les dépenses de loyer. Les cadres et professions intermédiaires consacrent en moyenne 5 700 € pour les premiers et 4 482 € pour les seconds aux dépenses de logement, dont respectivement 70 % et 61 % sont destinés à l’acquittement des loyers. Pour ces deux catégories de ménages, les Source : INSEE, traitement Syndex Évolution des prix 133 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix dépenses de logement représentent 13,3 % et 14,5 % des dépenses totales de consommation. Avec la catégorie agriculteurs, artisans, commerçants et chefs d’entreprise, les professions intermédiaires et cadres sont les catégories pour lesquelles les dépenses de logement occupent la part la moins importante dans l’ensemble des dépenses de consommation. Source : INSEE, traitement Syndex Toutefois, ce sont aussi les catégories pour lesquelles les remboursements de prêt sont les plus élevés : 6 923 € par ménage en moyenne annuelle pour les cadres, 5 266 € pour les professions intermédiaires et 3 713 € pour les agriculteurs, artisans, commerçants et chefs d’entreprise. La catégorie des retraités se situe dans une positon intermédiaire, avec la dépense de logement la plus faible de toutes les CSP : 2 325 € par an et par ménage, ce qui est lié aux loyers. En revanche, leurs dépenses d’électricité, eau et autres combustibles sont de loin les plus lourdes de toutes les CSP, avec les agriculteurs, artisans, commerçants et chefs d’entreprise. Pour les catégories ouvriers, employés et inactifs, les dépenses de logement sont de loin les plus élevées en proportion des dépenses totales de consommation, bien qu’une part du loyer des ménages à faibles revenus soit prise en charge par l’allocation logement (12 % des ménages bénéficient de l’allocation logement à caractère social et 21 % de l’allocation logement à caractère familial). Le poids des charges liées au logement est à l’origine de ce paradoxe, puisque les dépenses d’électricité, gaz, eau, assainissement et ordures ménagères sont quasiment identiques pour toutes les CSP (de 1 300 € pour les agriculteurs, artisans, commerçants et chefs d’entreprise à 956 € pour les inactifs). Ces charges correspondent à 8 % des charges des ménages du premier quartile et à 3 % pour ceux du quatrième quartile. Aussi les charges liées au logement pèsentelles plus lourdement pour les ménages à faible revenu que pour les Évolution des prix 134 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix ménages à hauts revenus, renforçant par là même leur caractère contraint. 4.4. Part des dépenses alimentaires Les dépenses alimentaires s’élèvent en moyenne annuelle à 3 419 € par ménage. Pour les cadres, elles s’élèvent à 5 700 € mais représentent seulement 12,9 % de leurs dépenses de consommation. À l’autre extrémité se trouvent les catégories inactifs, retraités et ouvriers, pour lesquelles les dépenses alimentaires par ménage sont relativement voisines : 2 836 € pour les inactifs, 3 426 € pour les retraités et 3 505 € pour les ouvriers, soit respectivement 19,5 %, 21,6 % et 20 % des dépenses totales de consommation de ces catégories de ménages. Quel que soit le montant total de la consommation alimentaire, la répartition par grande catégorie de produits est assez similaire. Les deux produits alimentaires qui pèsent le plus lourd dans le budget sont, d’une part, la viande et, d’autre part, le pain et les céréales, suivis par le lait et les fromages et les produits divers et les légumes. Ces cinq grandes familles de produits constituent 88 % du montant de la consommation alimentaire des ménages. Source : INSEE, traitement Syndex Évolution des prix 135 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Source : INSEE, traitement Syndex Évolution des prix 136 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Par rapport à la France métropolitaine92, quelques points notables apparaissent entre les dépenses de consommation des métropolitains et des Réunionnais : - les ménages réunionnais consacrent en moyenne 3 740 € à leur consommation alimentaire, soit 85 % de la dépense moyenne d’un ménage métropolitain. Cet écart reflète les différences entre le panier de la ménagère réunionnaise et celui de la ménagère métropolitaine ; - une moindre part dans la consommation de viande à la Réunion, notamment en viande de bœuf ; - une consommation d’un montant comparable pour le poste pain et céréales, avec toutefois un poids significatif du riz, quasiment absent en métropole, dans le poste céréales. À la Réunion, le riz représente à lui seul 17 % du poste pain et céréales et 3 % de l’ensemble du poste alimentaire ; - les dépenses en boissons non alcoolisées sont plus importantes à la Réunion, où elles pèsent 9 % dans le budget alimentaire, contre 7 % en métropole ; - le budget réservé aux fruits est plus faible à la Réunion, avec 139 €, soit 4 % du budget moyen, contre 220 € en métropole, soit 5 % du budget moyen. Il en de même pour les légumes. Il faut voir là l’incidence de la consommation non monétaire, qui n’est pas évaluée à la Réunion. 4.5. Part des dépenses selon la tranche d’âge Les dépenses selon l’âge de la personne de référence sont assez homogènes pour les moins de 35 ans et les moins de 55 ans, de l’ordre de 23 000 € en moyenne annuelle par ménage. Elles déclinent ensuite pour les tranches d’âge supérieures, passant de 20 000 € par an pour les 55 ans à 64 ans et à 12 000 € pour les 65 ans et plus. Concernant les trois principales dépenses, les transports constituent le poste le plus important des dépenses de consommation pour les moins de 35 ans et pour la classe des 55 à 64 ans (respectivement 20,1 % et 21,1 %). Toutefois, des différences significatives existent entre les deux catégories. En effet, pour les moins de 35 ans, l’acquisition du véhicule est de loin la grosse dépense : 3 000 €. A contrario, la catégorie des 55 ans à 64 ans dépense moins pour acquérir un véhicule (2 288 €), mais davantage dans les services de transport (notamment en billets d’avion) : 627 €, contre 131 € pour les moins de 35 ans. La catégorie des moins de 35 est aussi celle dont les dépenses de logement sont les plus élevées : 4 450 € en moyenne annuelle par ménage et 18,9 % des dépenses totales de consommation de cette catégorie. À l’opposé, les plus de 65 ans dépensent en moyenne 92 Économie de la Réunion, n°133, Insee. Évolution des prix 137 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix 1 824 € pour leur logement (mais 24,9 % des dépenses totales de consommation de cette catégorie). Cette situation est à mettre en parallèle avec les remboursements de prêts. La part des dépenses consacrées au logement (loyers + remboursements d’emprunts) diminue avec l’âge de la personne de référence du ménage. Au-delà de 35 ans, les dépenses de logement (loyer + remboursements d’emprunts) deviennent supérieures aux loyers pour atteindre 50 % du coût du logement y compris remboursements d’emprunt et charges du logement pour la catégorie des 45 ans à 54 ans. À 65 ans, le coût du logement n’est plus que de 1 035 € (hors charges du logement), alors qu’il est de 5 575 € pour les moins de 35 ans. 5. Pouvoir d’achat et coût de la vie 5.1. Les dépenses contraintes ou préengagées Nous pouvons distinguer deux composantes dans les dépenses des ménages : - une part « contrainte », correspondant aux dépenses de consommation des ménages préengagées par un contrat ou un abonnement ; - une part « arbitrale » ou « libre », mesurant ce qu’il reste aux ménages une fois qu’ils ont payé ces dépenses contraintes. Cette approche reste quelque peu abstraite, car les indicateurs disponibles cernent mal les dépenses contraintes. En France, la part des dépenses préengagées a fortement augmenté sur longue période, passant de 13,4 % en 1959 à 29,0 % en 200693. Selon cette même source, la hausse est essentiellement liée à 93 Rapport de la commission Mesure du pouvoir d’achat des ménages, présidée par Alain Quinet, remis à Mme Christine Lagarde, ministre de l’Économie, des Finances et de l’Emploi, 6 février 2008. Évolution des prix 138 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix l’accroissement du poids des dépenses de logement (effet prix), mais aussi des services de télécommunications et financiers, qui ont contribué à accroître la part de la consommation contractualisée dans le total. La commission Mesure du pouvoir d’achat présidée par Alain Quinet propose de classer comme dépenses de consommation préengagées : - les loyers et dépenses liées au logement : eau, gaz, électricité et autres combustibles utilisés dans les habitations ; - les remboursements d’emprunts immobiliers ; - les services de télécommunications ; - les frais de cantine ; - les services de télévision (redevance télévisuelle, abonnements à des chaînes payantes) ; - les assurances ; - les services financiers. 5.2. Les dépenses nécessaires ou l’approche par la nécessité Nous pourrions distinguer, parmi les dépenses de consommation, celles qui sont nécessaires de celles qui ne le sont pas. Ainsi, une alimentation de survie ou un habillement minimum sont des dépenses qui peuvent être qualifiées de nécessaires, sans d’ailleurs qu’elles soient contraintes. Un abonnement téléphonique en revanche peut correspondre à une dépense contrainte, alors qu’il n’est pas nécessaire dans une approche « naturaliste » des besoins fondamentaux. Enfin, dans le cas d’un logement, la dépense de loyer peut être contrainte et nécessaire. Cette approche a deux intérêts dans la mesure du pouvoir d’achat des ménages : - en premier lieu, cela donne un indicateur des inégalités, car la part des dépenses contraintes est d’autant plus forte que le revenu est faible ; - d’autre part, elle permet de souligner l’intérêt, pour les pouvoirs publics, de vérifier que les possibilités réelles de sortie des abonnements souscrits sont bien réelles et peu coûteuses pour le consommateur. La question des dépenses nécessaires, ou plutôt des biens de première nécessité, reste une piste de recherche féconde. L’Insee a abordé cette question en démontrant que les biens de première nécessité se caractérisent par une élasticité prix nulle : autrement dit, ils sont consommés par les ménages, quelle que soit l’évolution de leur prix, alors que pour les autres produits, dits de « confort », l’élasticité prix est négative, ce qui signifie qu’une augmentation du prix implique une réduction de leur consommation par les ménages. Évolution des prix 139 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Nécessité ou contrainte, on mesure ici l’absence de choix du consommateur et l’impératif du revenu pour survivre dans une société moderne. Il est également possible d’étudier ces dépenses nécessaires à partir du niveau de consommation des ménages les plus modestes. Pour eux, la contrainte budgétaire est plus forte, et les dépenses de consommation présentent, en majorité, un caractère incompressible. Les ménages modestes sont définis comme les 10 % des ménages ayant les plus faibles niveaux de vie (1er décile de niveau de vie). Le niveau de vie est le revenu courant du ménage rapporté à son nombre d’unités de consommation94. 5.3. Le coût de la vie, ou la perception par les ménages de leur pouvoir d’achat La notion de pouvoir d’achat renvoie à un grand nombre d’interprétations différentes. En comptabilité nationale, l’évolution du pouvoir d’achat des ménages est appréciée en soustrayant l’évolution de l’indice des prix à l’évolution globale du revenu disponible des ménages. Ce dernier est dit disponible, car il s’agit du revenu dont les ménages disposent pour toutes leurs dépenses de consommation ainsi que pour leur épargne. Bien entendu, sa progression englobe des situations diverses suivant la situation des ménages (composition, insertion sociale, âge). Ainsi, à la Réunion, sur la période 2001-2006, le pouvoir d’achat des ménages aurait progressé de 2,6 %, selon la définition retenue en comptabilité nationale. Or, les ménages sont de plus en plus contraints par des dépenses à engagement contractuel : il s’agit des sommes dépensées en début de mois, avant tout arbitrage en matière de dépenses courantes. Ces dépenses correspondent à des « engagements difficilement négociables, au moins à court terme ». Les scinder selon leur caractère plus ou moins obligatoire revêt nécessairement une part d’arbitraire. En se limitant aux seules consommations, au sens de la comptabilité nationale, les dépenses les plus fortement contraintes sont celles consacrées au logement, au chauffage, aux services de téléphonie, à l’assurance. À ces dépenses, il convient d’ajouter les dépenses de transport qui, si elles n’ont pas de caractère d’abonnement, n’en ont pas moins un caractère contraignant, dans la mesure où elle sont indispensables à l’insertion économique et sociale des ménages. À la Réunion, les dépenses contraintes représentent 44 % des dépenses de consommation des ménages et 42 % de leur revenu disponible, y compris les dépenses de transport, mais hors 94 Le revenu courant désigne l'ensemble des ressources déclarées par le ménage enquêté avant impôts : revenus d'activité (nets des prélèvements sociaux), retraites, revenus de la propriété, revenus sociaux, revenus en provenance d'autres ménages, mais hors ressources exceptionnelles (héritage, donation, vente de biens…). Évolution des prix 140 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix remboursements d’emprunts, lesquels, d’une part, contribuent à un accroissement du patrimoine des ménages, et, d’autre part, procèdent d’un arbitrage au moment de la décision de l’acquisition. Par ailleurs, l’élasticité par rapport au prix est plus forte que pour les dépenses alimentaires, qui constituent 17 % des dépenses de consommation des ménages. Les remboursements d’emprunts, pour leur part, représentent 10 % des dépenses des ménages (dépenses de consommation + remboursements d’emprunts). Le pouvoir d’achat peut ainsi se définir comme l’évolution du revenu arbitral, c'est-à-dire du revenu disponible après prise en compte des dépenses contraintes et des dépenses nécessaires. On approcherait ainsi ce qu’il est convenu d’appeler « la perception par les ménages de leur pouvoir d’achat ». Le revenu disponible des ménages et son évolution : de fortes disparités selon les tranches de revenu Sur la période 2001-2006, le revenu disponible des ménages réunionnais progresse de 2,6 % en valeur constante (hors inflation). Toutefois, l’ensemble des ménages n’a pas profité de la même façon de cette augmentation des revenus. Selon la position dans l’échelle des revenus disponibles, on constate : - pour la tranche la plus modeste, soit le premier décile, une progression moyenne de 5,3 % sur la période sous l’effet de la progression des revenus sociaux (voir partie 6) ; - pour les ménages se situant en dessous du revenu disponible médian (déciles 2, 3 et 4), une baisse du revenu disponible respectivement de – 2,4 %, – 1,9 % et – 0,2 % ; - pour les ménages disposant du revenu médian (cinquième décile), une progression de 1 % ; - à l’opposé, pour les ménages des déciles 6 à 9, une progression comprise entre 1,7 % et 7,1 % pour le huitième décile ; Évolution des prix 141 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix - pour les ménages du dernier décile (dixième décile), un maintien de leur revenu disponible. Source : INSEE, BCM 2006 Source : INSEE, BCM 2006 Revenu disponible, dépenses nécessaires et pouvoir d’achat contraintes et Pour l’ensemble des ménages réunionnais, la part des dépenses contraintes s’élève à 42 % du revenu disponible brut et la part des dépenses nécessaires à 16,5 % soit, pour ces deux types de dépenses, plus de 58 % du revenu disponible brut. Approchés par CSP, les ménages réunionnais se partitionnent en deux types : - d’une part, les ménages pour lesquels les dépenses contraintes sont inférieures ou égales à 40 % du revenu disponible brut. Il s’agit des ménages aisés : cadres et professions intermédiaires et, à l’opposé, des retraités, qui figurent parmi les ménages dont le revenu disponible brut se situe en dessous de la moyenne ; - d’autre part, les ménages pour lesquels la part des dépenses contraintes se trouve au-dessus de 40 % du revenu brut Évolution des prix 142 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix disponible, comme les autres inactifs (45 %), les employés (44,8 %) et les ouvriers (43 %). Pour les dépenses nécessaires, qui regroupent ici les dépenses d’alimentation, les ménages réunionnais se scindent en deux groupes : - d’une part, les ménages pour lesquels la part des dépenses d’alimentation s’élève à 13 % du revenu disponible brut : les cadres et les professions intermédiaires ; - d’autre part, les ménages pour lesquels la part de ces dépenses se situe entre 17 % et 20 % du revenu disponible brut : les employés (17,8 %), les retraités (19,2 %), les ouvriers (19,8 %) et les autres inactifs (19,8 %). Après prise en compte des dépenses contraintes et des dépenses nécessaires et suivant la catégorie des ménages, le revenu arbitral s’étage entre 56 % du revenu disponible brut pour les cadres (2 505 € par mois) et 35 % du revenu brut, à l’autre extrémité, pour les autres inactifs (417 € par mois). Source : INSEE, BCM 2006 Pour les ménages dont la part des dépenses contraintes et des dépenses nécessaires est la plus élevée, leur perception de l’évolution de leur pouvoir d’achat dépend de l’évolution de leur revenu arbitral. Source : INSEE, traitement Syndex Afin de mesurer cette sensibilité du revenu arbitral à l’évolution des prix des dépenses contraintes et nécessaires, nous avons, à partir de Évolution des prix 143 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix la structure de ces dépenses dans le revenu disponible des ménages, mesuré l’impact sur le revenu arbitral de l’évolution moyenne des prix de chacune de ces dépenses sur la période 2005-2009. Pour une augmentation générale de l’indice des prix de 1,8 %, la perte de pouvoir d’achat s’étage entre – 2,4 % pour les cadres et – 5,7 % pour les autres inactifs. Compte tenu de la part relative des dépenses contraintes et nécessaires pour chacune des catégories de ménages, l’effet structure lié à l’évolution des prix de ces dépenses s’échelonne entre 0,6 % pour les cadres et, à l’opposé, 3,9 % pour les autres inactifs. On mesure mieux ainsi la perception du pouvoir d’achat des ménages réunionnais par rapport à l’évolution des prix de base comme l’alimentation, mais aussi aux loyers ou encore aux prix des transports. Évolution des prix 144 Entretiens Rencontres des institutions réunionnaises L’Aéroport de Saint-Denis L’ADIR L’Agence de développement de la Réunion L’Association des maires de France La Chambre de commerce et d’industrie La Chambre d’agriculture La CGPME Le Conseil économique et social Le Conseil général Le Conseil régional Le bureau de l’UIR CFDT La direction de l’Agriculture et de la Forêt La direction départementale de l’Équipement La direction régionale des Affaires sanitaires et sociales La direction régionale des Douanes et des Droits Indirects La direction générale de la Concurrence, de la Consommation et des Fraudes La fédération des Commerces et de la Distribution La Fédération régionale des coopératives agricoles L’IEDOM L’Insee Le MEDEF Le Syndicat de l’importation et du commerce L’UFC-que Choisir ? La préfecture de la Réunion 145 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix Personnalités ALBERT Christiane, déléguée générale SICR-CNPA AMODE Azize, directeur de la chambre de commerce et d’industrie APAYA Jean-François, directeur général des services Chambre d’agriculture Réunion BALLANDRAS Jean, secrétaire général pour les Affaires régionales, préfecture de la Région Réunion BERNARD-COLOMBAT Jean-Luc, directeur délégué, direction de l’Agriculture et de la Forêt de la Réunion BONHOMME Roger, directeur régional, direction régionale des Douanes et Droits Indirects de la Réunion CERISOLA Maurice, président de l’ADIR CHEVALIER Pascal, directeur régional CONDOMINES Laurent, chef de service, direction départementale de l’Équipement, service de l’Habitat, de l’Aménagement et de l’Urbanisme DELMONT-DE PALMAS Françoise, secrétaire générale de l’ADIR DENNEMONT Michel, conseil général, maire des Avirons FEUILLADE Richard, chef de service, direction de l’Agriculture et de la Forêt de la Réunion, service Information statistique, économique et géographique GUILLAMOT Jacques, président FCD GUILLEMIN Patrick, directeur de l’AGILE GULSKOFF Germain, secrétaire général, Agence de développement D’HANENS Catherine, déléguée générale, MEDEF Réunion HOAREAU Patrick, directeur général FRCA HUBERSON Gilles, conseiller diplomatique, ministère de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales LALANDE Michel, préfet de la Région Réunion LAJOIE Jean-Pierre, président île de la Réunion UFC-Que Choisir LEPERLIER Carole, chargée de l’unité des Nouvelles des marchés centre SNM de Saint-Pierre, direction de l’Agriculture et de la Forêt LORION Frédéric, directeur CER BTP MINATCHY Jean-Yves, président de la chambre d’Agriculture MONDIN Jean-Raymond, président du Conseil économique et social régional MOSER Jean-François, président de l’Agence de développement de la Réunion NOËL Jean-Paul, Aiport Manager, chambre de commerce et d’industrie Entretiens 146 Pouvoir d’achat à la Réunion : incidence de la structure des coûts et des prix DE LA PERRIERE Jean, président SGM - MEDEF SERRE Ludovic, responsable du service international CCIR THIAW Kine, président CGPME TORIT Sylvie, directrice de l’Habitat, département de la Réunion VIENNE Dominique, vice-président section Industrie/BTP CGPME VO-DINH Claude, conseiller technique, ministère de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des collectivités territoriales Entretiens 147 Bibliographie et sources documentaires « Bilan économique 2008 : la chute de la commande publique en BTP pourrait coûter deux points de croissance en 2009 », Hors-série n° 6, Économie de la Réunion, juillet 2009 « Le bilan économique 2009 à la Réunion : la Réunion durement touchée », Hors-série n° 9, Économie de la Réunion, juillet 2010 « Les comptes économiques de la Réunion en 2009 », Les synthèses de CEROM, n°10, août 2010 Alfred Almont, Avis présenté au nom de la commission des Affaires économiques sur le projet de loi de finances pour 2011 (n°2824), Tome VIII – Outre-mer, Assemblée nationale Algoé Consultants, Commission paritaire canne à sucre de la Réunion, septembre 2003 Amyarta Sen, Un nouveau modèle économique : développement, justice, liberté, Editions Odile Jacob, Paris, 2000. 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Rapport de la commission Mesure du pouvoir d’achat des ménages, présidée par Alain Quinet, remis à Mme Christine Lagarde, ministre de l’Économie, des Finances et de l’Emploi, 6 février 2008 Rapport sur la TVA non perçue récupérable, mission d’audit de modernisation, IGF-IGA, juillet 2007 Rapport sur le dispositif de suivi et de pilotage de la dépense de l’État outre-mer, mission d’audit de modernisation, contrôle général économique et financier, IGA, février 2007 Rouchoux J.-Y., « Transferts financiers publics et développement régional : le cas d’une région d’outre-mer : la Réunion », Revue Région et Développement, n°5, 1997 Salmon J.-M., « Pourquoi s’ouvrir ? Contraintes et perspectives pour les économies ultramarines », AFD, Document de travail, n° 53, novembre 2007 Touzet C., « Les bas salaires du travail précaire et du temps partiel », Économie de la Réunion, n°134, Insee Trésor Eco, n°53, mars 2009 Bibliographie 151 Le pouvoir d’achat dans les DOM Incidence de la structure des prix et des coûts Tome 2 - La Martinique Mai 2011 Agence d’objectifs de l’IRES Cette étude a reçu le soutien financier de l’IRES (Institut de recherches économiques et sociales) Auteurs Christian Duchesne Adrien Laroze Philippe Morvannou Documentation Annick Boïco Maquette Jacquemine de Loizellerie Correction Alice Boussicaut, Marie Devigne, Lisa Sobral Crédit photos : Brentozar, J.-J. Manach, S. Lasnier, Gaël Chardon, www.photo.martinique.free.fr Chers lectrices et lecteurs, Nous avons le plaisir de vous présenter ce deuxième volet de notre étude sur le pouvoir d’achat et les causes de la vie chère dans les DOM, consacré à la Martinique et réalisé pour et avec l’UIRM CFDT. La thématique de la vie chère est loin d’être nouvelle à la Martinique comme dans l’ensemble des DOM. L’année 2009 a été marquée par une explosion sociale d’une ampleur exceptionnelle, notamment dans les deux départements antillais, qui a mis sous les feux de l’actualité la question des prix et du pouvoir d’achat dans l’ensemble de l’outre-mer. Cette question a également été au cœur du débat politique en métropole avant, pendant et surtout après 2007. L’ambition de cette étude est d’apporter un éclairage utile au dialogue social sur la question du pouvoir d’achat à la Martinique. Cela suppose une analyse non seulement des évolutions des revenus mais également des prix. En effet, l’incidence des prix sur la capacité d’un ménage à acquérir un panier de biens et de services sera différente en fonction de ses caractéristiques sociologiques. Ainsi, la perception de l’évolution des prix sera-t-elle plus ou moins prononcée : par exemple, pour un chômeur, une hausse des loyers n’a pas la même incidence sur sa capacité à consommer que pour un cadre. Pour le premier, son revenu après dépenses contraintes s’en trouvera réduit, alors que, pour le second, la baisse sera plus marginale. Le constat n’est plus à faire des écarts de prix significatifs pour des produits et services entre métropole, la Réunion et l’ensemble des DOM. Aussi avons-nous écarté une énième approche comparative de prix, limitée de surcroît aux seuls prix des produits alimentaires, et ce d’autant que les entreprise de la grande distribution ont mis au point une batterie d’outils de gestion marketing rendant dans tous les cas la comparaison des prix extrêmement difficile pour le consommateur. Contrairement à de nombreuses autres publications sur la vie chère, vous ne trouverez pas dans cette étude de liste comparative des prix pour un panier de biens. Une telle méthode, si elle a le mérite de frapper les esprits, nous semble entachée de biais méthodologiques trop importants pour permettre de fournir des résultats probants. Plutôt que d’essayer une fois de plus de légitimer le constat, partagé par tous et toutes de la vie chère, nous avons tenté de comprendre sa genèse, ou plus précisément les facteurs de tension expliquant les prix élevés. La mise au jour des mécanismes concourant à ces niveaux élevés des prix vise à entamer une réflexion sur les moyens de les faire baisser. C’est pourquoi, comme à la Réunion, nous avons favorisé principalement une approche macro-économique fondée sur la recherche de dissonances pouvant exister entre les performances des sociétés basées à la Martinique et celles de métropole, dissonances qui participent à la vie chère à travers la rente de situation que procure l’organisation des marchés. Se voulant partie intégrante de la rénovation du dialogue social, cette étude confiée au Cabinet Syndex a été menée avec Eric Picot, Secrétaire général de l’UIRM CFDT, Myriane Jolie, Secrétaire générale adjointe de l’UIRM CFDT, et Jean-Jacques Manach de la Confédération CFDT, avec lesquels l’ensemble des acteurs économiques et institutionnels a été rencontré, lors de deux missions effectuées à la Martinique en mai 2010 et janvier 2011. Le rapport que nous vous présentons s’est nourri de ces dizaines d’entretiens, qui furent autant de sources d’inspiration et d’indication des pistes à analyser. Que les personnes ayant accepté de nous rencontrer soient ici remerciées. Si l’ensemble des acteurs s’accorde sur la question de la vie chère, il nous est rapidement apparu que toute tentative de passer d’un constat partagé à la formulation de propositions pour remédier à cet état de fait se heurtait à l’opacité de l’économie martiniquaise, laquelle est, à bien des égards, comparable avec celle de l’économie réunionnaise : - dans les deux départements, la plupart des entreprises ne déposent pas leur compte au tribunal de commerce, contrevenant ainsi une disposition du code du commerce ; - pour l’essentiel, aucune de nos demandes auprès des acteurs économiques, sur la décomposition de leur prix de revient ou encore la communication de leur compte, n’a été satisfaite. Dès lors, il est impossible de corréler les résultats de l’approche macroéconomique, menée à travers les comptes économiques territoriaux, et ceux d’une approche microéconomique, conduite à travers les données de gestion des entreprises ; - aucune information ne nous été fournie par les services de l’État (Douanes en particulier, mais aussi ministère de l’Intérieur, de l’Outre Mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration) et la région permettant une analyse de l’impact économique et social de l’ensemble des mesures d’appui au développement du terriroire ; - aucune information ne nous a été fournie par l’IEDOM, qui s’est refusé à traiter notre demande de convention se rapportant à la constitution d’un échantillon représentatif des entreprises de la Martinique. À l’opacité liée au refus des acteurs, s’ajoute, pour la Martinique comme pour la Réunion, l’absence totale d’évaluation des politiques publiques a priori, et a fortiori a posteriori. D’où une incapacité réelle d’analyse des effets économiques et sociaux, en particulier des exonérations fiscales de toute nature. À la Martinique, l’opacité se trouve renforcée par une information publique relativement pauvre, à la différence de la Réunion, faute de moyens alloués à la direction régionale de l’Insee Antilles-Guyane. Dès lors, comment nourrir aujourd’hui le dialogue social sur la question du pouvoir d’achat sans pouvoir disposer au préalable d’une information accessible à toutes et à tous, transparente et indispensable à l’exercice de la démocratie économique ? De fait, nous avons dû nous résoudre à la seule exploitation des informations publiques. Malgré son insuffisance pour une réflexion détaillée, ce cadre permet d’apporter des éléments de compréhension sur les facteurs déterminant la structure des prix et leur évolution, en privilégiant trois approches à la fois intégrées et complémentaires : - la réalité sur les marges appliquées par les opérateurs économiques à la Martinique et leur évolution récente retracée à partir des outils de la comptabilité nationale transmis ; - la question de la fiscalité martiniquaise (en particulier de l’octroi de mer et des mesures de défiscalisation), qui peut constituer par bien des aspects un outil conjuguant à la fois des effets inégalitaires, une absence d’évaluation des effets économiques et sociaux attendus et surtout pouvant contribuer pleinement à la vie chère ; - la question du pouvoir d’achat et des inégalités, qui forme le socle de la réflexion pour un développement durable de la société martiniquaise. Aujourd’hui, notre étude est entre vos mains. Nous espérons qu’elle permettra un enrichissement décisif du débat sur l’évolution de l’économie martiniquaise, sujet qui inclut aussi bien la répartition des richesses créées que la manière de les créer. C’est le sens de cette étude-action, qui prétend non pas modifier à elle seule la réalité martiniquaise, mais permettre aux acteurs martiniquais de disposer des informations fiables et analytiques nécessaires à un débat équilibré et ainsi prendre par la suite les décisions qu’ils jugeront utiles pour l’intérêt général des populations actuelles et des générations futures. Le cabinet Syndex Sommaire Sommaire Synthèse ........................................................................... 159 Partie 1 - Dynamique de la croissance martiniquaise ........ 169 1. Une croissance de long terme affectée par la crise économique à partir de 2009 ...................................................................... 169 2. Les moteurs de la croissance martiniquaise : la question des transferts publics .................................................................. 177 Partie 2 - L’organisation des marchés pèse sur les prix ..... 179 1. Écarts de prix entre la Martinique et la métropole : un constat partagé .............................................................................. 179 2. Formation des prix et surcoûts liés à l’ultrapériphérie ............ 184 3. Formation des prix et pouvoir de marché à la Martinique ......................................................... 187 4. Éléments de conclusion : effets conjugués de la fiscalité et des marges sur les prix et la vie chère .......................................... 193 Partie 3 - Évolution nécessaire du dispositif d’octroi de mer .................................................................. 196 1. Le fonctionnement de l’octroi de mer ................................... 196 2. Objectif premier : maintenir une ressource stable pour les collectivités locales et en premier lieu les communes .......................... 202 3. Impacts de l’octroi de mer sur l’organisation économique .................................................... 202 4. Impacts de l’octroi de mer sur les ressources des collectivités locales ................................................................................ 207 5. Les scénarios possibles d’évolution du dispositif d’octroi de mer ................................................................................ 209 157 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Partie 4 - Ressources publiques et spécificités de la fiscalité à la Martinique ......................................................................... 213 1. Ressources en provenance de métropole et d’Europe ............. 213 2. Les spécificités de la fiscalité à la Martinique......................... 218 3. La poursuite d’une stratégie de développement axée sur l’incitation fiscale avec la LODEOM ................................................... 224 4. Faible efficacité des mesures de défiscalisation au regard des coûts et effets pervers en découlant ........................................ 227 Partie 5 - Une répartition inégale des richesses ................ 232 1. Accentuation des inégalités ................................................ 232 2. Inégalités de revenus plus fortes et moindre pression fiscale à la Réunion qu’en métropole ...................................................... 240 3. Progression des revenus salariaux nets à un rythme proche de celui de l’inflation ................................................................. 243 Partie 6 - Évolution des prix et pouvoir d’achat ................. 247 1. Le pouvoir d’achat et son évolution : définitions .................... 247 2. L’indice des prix à la Martinique .......................................... 249 3. L’évolution des prix à la Martinique...................................... 253 4. Les dépenses de consommation des ménages martiniquais..... 254 5. Pouvoir d’achat et coût de la vie ......................................... 262 Annexe - Lodeom : mesures de soutien à l’économie et aux entreprises centres sur les allégements fiscaux ................ 269 Entretiens.......................................................................... 274 Bibliographie et sources documentaires ............................ 276 Synthèse 158 Synthèse Le thème de la vie chère est central dans le contexte actuel de la Martinique, car la croissance économique du département ces dix dernières années, tirée par la vigueur de la consommation des ménages et les investissements, n’a pas eu les retombées attendues sur le plan social. Les inégalités se sont accrues et le boom économique n’a profité qu’à une minorité de la population. Dans le même temps, la croissance économique entraînait une flambée des prix de l’immobilier, une augmentation des prix des biens de consommation et une perte de pouvoir d’achat pour la majorité des ménages. Aussi la problématique des prix a-t-elle été au cœur du conflit qui a paralysé les départements antillais au début de l’année 2009. La plate-forme de revendications du « Collectif du 5 février » en Martinique illustre ainsi la place centrale accordée dans ses revendications à la thématique du coût de la vie et du pouvoir d’achat : - la réduction du prix des produits de première nécessité : le collectif a ainsi souhaité la baisse du prix de 100 familles de produits de première nécessité ou la suppression de la TVA sur tous les produits alimentaires ; - la baisse des prix des services, notamment des frais bancaires, du transport de marchandises ou encore du carburant ; - la mise en place d’un véritable contrôle de la formation des prix, notamment par le biais d’un renforcement des services de la concurrence. Aujourd’hui plus de deux ans après les événements, force est de constater que, en définitive, aucune réponse structurelle n’a été apportée afin de réduire les inégalités et de lutter durablement contre la vie chère. De plus, le contexte actuel est marqué par l’interrogation sur les voies de sortie d’une crise économique internationale jugée la plus grave depuis les années 1930, avec par ailleurs des tensions fortes sur les prix à la fois des matières premières alimentaires et des produits pétroliers. Ultrapériphérie et surcoûts : des handicaps à relativiser Si les coûts d’approche (de transport) sont souvent avancés comme élément d’explication du différentiel de coût entre la Martinique et la 159 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix métropole, cet argument est à fortement nuancer. Malgré la cherté du fret à destination de la Martinique -comparativement à d’autres destinations-, celui-ci ne peut être considéré comme véritablement constitutif des écarts de prix entre la Martinique et la métropole. Selon l’enquête de l’Autorité de la concurrence, le poids du fret représenterait 5 % à 15 % du prix de vente au consommateur à la Martinique. Néanmoins, les exemples fournis par l’Autorité ne reflètent pas ces niveaux : Nesquick (1 kg) : 6,3 % ; spaghetti Panzani (1 kg) : 4,3 % ; gel douche Tahiti vanille (250 ml) : 5,4 % ; savonnette Palmolive (4 x 100 g) : 4,3 %. D’autre part, les Armateurs de France, en réponse à la mission sénatoriale sur la situation des départements d’outre-mer1, ont affirmé que le poids du fret représentait de 3 % à 4 % du prix des produits dans les DOM (niveau jugé cependant inférieur à la réalité par la mission). Parmi les autres handicaps structurels avancés, l’étroitesse du marché intérieur et l’absence d’économies d’échelle est à relativiser si l’on prend en compte l’espace économique formé par l’ensemble des départements français Antilles-Guyane. Cet ensemble représente une population de plus d’un million d’habitants, avec un PIB moyen par habitant de 17 154 €. Organisation des marchés et structure des prix : la question du pouvoir des marchés des acteurs économiques Les écarts de prix entre les DOM et la métropole ne peuvent s’expliquer seulement par l’éloignement et la fiscalité domienne. L’Autorité de la concurrence dresse un constat clair et aujourd’hui largement partagé par l’ensemble des parties. Si l’insularité et l’étroitesse du marché local pèsent sur les prix, en définitive l’organisation des marchés leur confère localement un caractère peu concurrentiel, propice à la constitution de rentes. La mission sénatoriale conduite par Eric Doligé souligne à cet égard l’existence, d’une part, de monopoles dans les trois secteurs du fret maritime, du transport aérien (entre la métropole et les DOM) et du pétrole et, d’autre part, d’oligopole dans le secteur de la distribution. La concentration n’existe pas uniquement dans le secteur de la distribution. Elle se conjugue le plus souvent avec le pouvoir de marché des groupes ou quasi-groupes intégrés horizontalement et verticalement. Fin 2004, l’IEDOM recensait quinze groupes dont la société mère était domiciliée en Martinique. Ceux-ci : - génèrent, dans le département : - un chiffre d’affaires de 2,36 milliards d’euros (28,7 % du chiffre d’affaires du secteur marchand hors énergie2), 1 Sénat, Eric Doligé, Rapport d’information au nom de la mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer, juillet 2009. 2 Entreprises du secteur marchand hors énergie de plus de 9 salariés. Estimation Syndex. Synthèse 160 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix - une valeur ajoutée de 626 millions d’euros (34 % de la valeur ajoutée du secteur marchand hors énergie3) ; emploient 9 917 salariés, soit près de 30 % de l’emploi du secteur marchand hors énergie4. La plupart des groupes martiniquais sont des entreprises familiales. Les sociétés qui constituent aujourd’hui les filiales de ces groupes ont été créées généralement avant les holdings. Pour chaque groupe, la société mère est née d’une volonté des associés de rassembler les sociétés déjà existantes au sein d’un même ensemble économique. Par la suite, le développement et la diversification des groupes ont pu s’effectuer de deux manières : - par la création de succursales et de départements de la société mère, l’objectif étant de conserver une seule entité juridique ; - par la création de nouvelles filiales spécialisées et distinctes juridiquement les unes des autres, mais étant toutes contrôlées par la société mère. En Martinique, en raison d’effets de seuils5, c’est le second mode de développement qui a été privilégié par les grands groupes afin de bénéficier des mesures relatives à l’allègement des charges sociales et autres subventions allouées dans le cadre de la LODEOM. Ce mode d’organisation, s’il permet d’obtenir un allègement du coût du travail, génère en définitive des coûts d’organisation et de transaction pesant sur les prix. Les surcoûts liés à l’insularité, la fiscalité indirecte à l’entrée et les coûts d’organisation des groupes atomisés sont sans conteste à l’origine d’un écart avec les prix pratiqués en métropole. Toutefois, toutes choses égales par ailleurs, les entreprises domiennes, répercutant l’ensemble de ces coûts dans leur prix de vente, devraient dégager une profitabilité proche des entreprises métropolitaines. Partant de ce postulat, nous avons comparé les taux de profit brut des entreprises martiniquaises avec ceux des entreprises métropolitaines et considéré les dissonances de taux comme l’un des facteurs explicatifs des écarts de prix entre les DOM et la métropole. À la Martinique, pour l’ensemble du secteur marchand6, l’effet sur les prix, lié à la dissonance des taux de profit brut, sur la période 19982006, peut être évalué en moyenne à plus de 9,1 %. Cette moyenne, comme toute moyenne, est très sensible aux valeurs extrêmes et a le défaut de masquer des situations assez contrastées suivant les secteurs. En effet, les effets prix sont les plus marqués dans les secteurs de la construction et des services, variant de près de 14 % pour le secteur de la construction à 5,4 % pour l’ensemble du commerce. 3 Entreprises du secteur marchand hors énergie de plus de 9 salariés. Estimation Syndex 4 Entreprises du secteur marchand hors énergie de plus de 9 salariés. Estimation Syndex. 5 La plupart des mesures de défiscalisation, de subventionnement et d’allègement de charges introduites par la LODEOM concernent uniquement les petites et moyennes entreprises. 6 Hors énergie et agriculture, pêche et forêt. Synthèse 161 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Dans l’industrie, les écarts de prix s’étagent dans une fourchette plus resserrée entre 5,6 % pour les industries de biens d’équipements et 2,5 % pour les industries de biens de consommation. Au niveau des ménages, les prix intègrent ainsi non seulement les surcoûts liés aux handicaps structurels comme l’insularité ou encore l’éloignement, mais également ceux liés à l’ensemble des coûts d’organisation et de transaction relatifs à la structuration des marchés. Par ailleurs, les prix intègrent les surmarges de chacun des acteurs tout au long de la chaîne de valeur. Au final, les écarts de prix avec la métropole sont d’autant plus élevés que le nombre d’acteurs est important, les prix au consommateur intégrant les écarts de profitabilité pour chaque étape du circuit de distribution. En règle générale et de façon schématique, on peut distinguer deux circuits de distribution : - un circuit court : l’importateur est aussi le distributeur avec, pour les produits locaux, l’absence de grossiste entre le producteur et le distributeur ; - un circuit long : le distributeur s’approvisionne auprès d’un importateur ou d’un grossiste, lui-même intermédiaire d’un producteur local ou d’un importateur. Dans le cas d’un produit importé, le prix de détail sera ainsi majoré en moyenne de 6 % par rapport au prix métropole, du simple effet des écarts de profit économique brut du secteur du commerce. De plus, viennent s’y ajouter les surcoûts liés à l’éloignement, mais également ceux liés au prix des services locaux -dont les services financiers, les télécommunications et les transports- sans oublier l’effet de surmarges sur octroi de mer. Dans le cas d’un circuit court pour un produit local, un produit de l’industrie agroalimentaire par exemple, le prix de détail est majoré de près de 10 % par rapport au même produit en métropole, sous le seul effet des surmarges de l’industrie agroalimentaire et du secteur du commerce, avant même prise en compte des surcoûts évoqués précédemment. Le caractère central des prix dans la mobilisation de début 2009 ainsi que la persistance de ce sujet parmi les préoccupations des habitants des DOM expliquent qu’un des cinq thèmes des États généraux de l’outre-mer a porté sur « la formation des prix, les circuits de distribution et le pouvoir d’achat ». L’octroi de mer : une fiscalité qui reste profondément marquée par l’économie de comptoir et qui, par sa mécanique, a un effet inflationniste Durant la période coloniale, l’essentiel de l’économie martiniquaise dépendait des flux de marchandises en provenance et à destination de la métropole. Les revenus du territoire étaient totalement assis sur ces Synthèse 162 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix échanges à l’origine de la fortune de grande familles martiniquaises dont les noms marquent jusqu’à nos jour l’économie du département. Le changement de statut de la Martinique en 1946 lui a fait quitter définitivement l’économie de plantation pour entrer progressivement, à travers la départementalisation, dans la république. Mais ce n’est qu’à partir des années 1960, bien avant les lois sur la décentralisation, que des pouvoir consultatifs sont attribués aux conseils généraux, à la Martinique, comme dans les autres DOM, en vue d’adapter des lois et décrets. La même année que la promulgation du décret sur les attributions des conseils généraux dans les DOM (26 avril 1960), dans la loi-programme pour l’outre-mer, le gouvernement s’engage à « adapter la fiscalité, l’agriculture et l’industrie » à chacun des départements d’outre-mer. Pour autant, la Martinique ainsi que les autres DOM conservent l’un des attributs de l’économie de comptoir : une fiscalité indirecte majoritairement assise sur les importations à travers l’octroi de mer. L’UE, visant à concilier les exigences du marché intérieur et la prise en compte des handicaps liés à l’insularité, à travers la décision du conseil du 22 décembre 1989, introduit de fait comme de droit, un changement de statut à l’octroi de mer lui conférant une vocation d’outil de « protection » du marché au service du développement, à travers l’introduction des différentiels de taux entre la production locale et les produits importés. Les attentes de l’Union européenne sont claires : il s’agit de compenser les handicaps reconnus par le traité dans une juste proportion, tout en permettant que les ressources de la taxation contribuent au développement économique et social général. Cela dit, si nul ne peut contester le bien-fondé d’un outil de « protection » au service du développement, cet outil quel qu’il soit doit répondre à une exigence de transparence et doit faire l’objet d’une évaluation a priori et a posteriori de ses incidences locales, tant en termes économiques (valeur ajoutée locale) que sociaux (nombre d’emplois). Par ailleurs, la vocation première de l’octroi de mer est, rappelonsle, d’être la principale ressource fiscale des collectivités locales, et particulièrement des communes. Enfin, l’octroi de mer, par son caractère non déductible, constitue l’un des vecteurs de la vie chère. En effet, suivant son taux, l’incidence sur les prix de sa non-déductibilité peut être évaluée dans une fourchette comprise entre 3 % et plus de 10 %. Une fiscalité des entreprises ne favorisant pas la transparence des marchés et contribuant de manière indirecte à la vie chère et aux inégalités Les entreprises martiniquaises bénéficient de nombre de mesures de subvention fiscale (dépense fiscale) : - défiscalisation des investissements dans le secteur productif et le logement ; Synthèse 163 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix - allègements fiscaux (abattement de l’impôt sur les sociétés et de l’impôt sur le revenu) ; - allègements des charges sociales. L’ouverture de ces droits est le plus souvent assujettie à des seuils : il en est ainsi du bénéfice de l’exonération de l’octroi de mer, qui concerne les entreprises réalisant au maximum un chiffre d’affaires de 550 000 €. L’instauration des zones franches d’activités (ZFA) par la LODEOM, qui concerne uniquement les PME (moins de 250 salariés et chiffre d’affaires inférieur à 50 M€), en est un autre exemple, de même que les exonérations de charges, plus favorables pour les entreprises de moins de onze salariés. Ainsi, du point de vue de la structure des marchés, ces mesures favorisent l’organisation de groupe diffus regroupant une multitude de PMI / PME. Outre l’opacité des marchés que ce type d’organisation engendre, elle est de nature à renforcer les handicaps de compétitivité liés à l’absence d’économies d’échelle. Par ailleurs, elle favorise l’existence de circuits longs qui, in fine, à travers le cumul de marges des nombreux intermédiaires, participe à la vie chère. En outre, elle favorise l’absence de dialogue social, faute de lieu de représentation des travailleurs. Malgré la croissance sur la dernière décennie les inégalités se sont accrues à la Martinique Selon les données 2006 de l’Insee7, la moitié des ménages des départements d’outre-mer ont un niveau de vie mensuel après impôts et prestations sociales inférieur à 800 euros par unité de consommation (UC). En comparaison, ce niveau de vie médian est de 1 281 euros en métropole, soit 60 % plus élevé. Cependant, en une décennie, l’écart de niveau de vie entre les DOM et la métropole s’est partiellement résorbé : en 1995, les ménages ultramarins avaient un niveau de vie médian égal à un peu plus de la moitié de celui de la métropole. Dix ans plus tard, il représente un peu plus de 60 % de celui de la métropole. Cette progression résulte principalement de l’évolution des transferts sociaux - minima sociaux, allocations familiales, aides aux logements et indemnités chômage - qui ont, sur la période, pris une part plus importante dans les ressources des ménages domiens. À la Martinique, sur la période 2001-2006, le revenu disponible des ménages accuse une baisse sensible pour les ménages des trois premiers quintiles (ménages les plus pauvres). Seuls les ménages du dernier quintile, correspondant aux 20 % des ménages les plus aisés, enregistrent une progression de leur revenu disponible sur la période. La baisse du revenu disponible moyen des ménages touche toutes les catégories socioprofessionnelles, sauf les ménages dont la personne 7 Christophe Michel, Maël Theulière et Nathalie Missègue, « Les inégalités de revenus entre les DOM et la métropole », Insee Première, février 2010 Synthèse 164 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix de référence est cadre (de la fonction publique ou du privé) et, dans une moindre mesure, les employés du privé. En 2006, selon l’Insee8 , le seuil de bas revenus selon l’enquête budget de Famille s’élève à 567 € par mois pour la Guadeloupe, 616 € pour la Martinique et 496 € pour la Guyane. Ces niveaux demeurent inférieurs à celui de la France métropolitaine (880 €). Plus du quart des ménages disposent d’un revenu inférieur à ce seuil en Guyane, et près de 20 % à la Martinique et 18 % en Guadeloupe. Outre ces disparités dans les distributions de revenus, l’évolution la plus marquante est la progression des inégalités entre 2001 et 2006, alors qu’elles s’étaient réduites entre 1995 et 2001. Le taux de bas revenus s’accroît de plus de 4 points en Guadeloupe et à la Martinique et de 1,5 point en Guyane. Ce qui confirme, en définitive, que la croissance du niveau de vie ne s’est réalisée qu’au bénéfice des plus aisés. La progression des inégalités renvoient en grande partie à la qualité des emplois créés ces quinze dernières années. Si la hausse de l’emploi a été forte, cette progression est pour partie imputable au développement de formes particulières d’emploi9 conduisant à des rémunérations annuelles plus faibles en moyenne. Cela constitue par ailleurs bien souvent la principale cause de progression du nombre de travailleurs pauvres. Plus la personne de référence est éloignée de l’emploi (présent ou passé), plus la part de bas revenus dans la catégorie est élevée. Inégalités de revenu et dépenses contraintes : construire une approche catégorielle de l’évolution du pouvoir d’achat L’évolution du pouvoir d’achat résulte de l’évolution concomitante des revenus des ménages pondérée par l’évolution des prix des biens et services qu’ils consomment. Une augmentation des revenus accroît le pouvoir d’achat, alors qu’une augmentation des prix l’érode. Ainsi, à la Martinique, sur la période 1998-2007, le pouvoir d’achat des ménages aurait progressé en moyenne annuelle de 1,8 %10, selon la définition retenue en comptabilité nationale. Dans la réalité, les ménages sont de plus en plus contraints par des dépenses à engagement contractuel : il s’agit des sommes dépensées en début de mois, avant tout arbitrage en matière de dépenses courantes. À la Martinique, les dépenses contraintes11 représentent 39,7 % des dépenses de consom8 Insee Antilles-Guyane, Les inégalités aux Antilles Guyane : dix ans d’évolution, mai 2009. 9 Ce terme regroupe toutes les formes d’emploi autres que contrat à durée indéterminée à temps plein : emplois aidés, contrats à durée déterminée et/ou à temps partiel, stagiaires, intérimaires et apprentis. 10 Revenu disponible des ménages déflaté de l’inflation sur la période. 11 Dépenses contraintes prises en compte : dépenses de logement, de transport, de communication et d’assurance. Synthèse 165 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix mation des ménages et 39,4 % de leur revenu disponible -y compris dépenses de transport mais hors remboursements d’emprunts12. La question des dépenses nécessaires, ou plutôt des biens de première nécessité, doit également être prise en compte : ils s’agit des biens consommés par les ménages, quelle que soit l’évolution de leur prix. A l’inverse, pour les autres produits dits de « confort », une augmentation du prix implique une réduction de leur consommation par les ménages. Ainsi, peuvent être considérées comme dépenses nécessaires les dépenses liées à l’alimentation. À la Martinique, ces dépenses d’alimentation représentent 16,6 % des dépenses de consommation. En moyenne, le total des dépenses contraintes et des dépenses nécessaires représentent 46 % du revenu disponible des ménages. Toutefois, leur part varie significativement selon la catégorie sociale de la personne de référence : - pour les ménages dont la personne de référence est sans catégorie sociale, les dépenses contraintes et nécessaires absorbent 70 % du revenu disponible ; - à l’opposé, pour les ménages dont la personne de référence est cadre de la fonction publique, ces mêmes dépenses absorbent 33 % du revenu disponible. Dès lors, il convient d’aborder l’évolution du pouvoir d’achat à travers l’évolution du revenu disponible des ménages après prise en compte des dépenses contraintes et nécessaires. À partir des enseignements précédents, nous avons simulé l’incidence de l’évolution des dépenses contraintes sur une échelle des salaires nets de 1 smic à 4 smic : - les dépenses contraintes prises en compte dans cette simulation rassemblent les dépenses de loyers et charges afférentes, nettes des aides au logement perçues, les dépenses de transports et de communications et les dépenses d’assurances ; - les dépenses nécessaires recouvrent les seules dépenses alimentaires et de boissons non alcoolisées. Ainsi, dans une approche classique du pouvoir d’achat, compte tenu d’une évolution des prix de + 1,7 % en 2010, l’ensemble des salariés percevant entre 1 et 4 smic auraient vu leur pouvoir d’achat baisser de 1,7 %. Les prix des dépenses contraintes ont évolué : - + 2,7 % pour le logement ; - + 2,3 % pour les dépenses de transport et de communication ; - + 0,5 % pour les dépenses d’assurance ; - - 0,1 % pour les dépenses alimentaires. 12 Les remboursements d’emprunts contribuent à un accroissement du patrimoine des ménages et procèdent d’un arbitrage au moment de la décision de l’acquisition. Synthèse 166 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Selon le niveau de revenu et en tenant compte de ces évolutions, la perte de pouvoir d’achat aurait été : - pour un revenu égal à une fois le smic : de - 2,8 % et - 2 % selon le type de logement ; - pour un revenu égal à 1,5 fois le smic : de – 3,2 % pour les salariés en locatif privé (pour les salariés en locatif social, les aides au logement compensent la hausse des loyers) ; - pour un revenu égal à 2 fois le smic : de - 2 % quel que soit le type de logement ; - pour un revenu égal à 2,5 fois le smic : sensiblement égale à la hausse moyenne des prix d’ensemble ; - pour les revenus au-delà de 2,5 fois le smic : la perte de pouvoir d’achat est inférieure à l’augmentation moyenne des prix à la consommation. Le besoin de changer de modèle économique Il s’agit ici de montrer en quoi, du point de vue de l’économie du développement, les notions d’égalité des chances, à partir de la notion élaborée par John Rawls13 de « justice comme équité » sont indispensables pour le décollage économique d’un pays ou d’un territoire. Ceci dit, l’inégalité économique définit les inégalités et la pauvreté comme des privations de capacités, de potentialités et non plus seulement comme des avantages moins importants. Amartya Sen le résume ainsi : « Malgré le rôle majeur des revenus dans les avantages dont jouissent les individus, la relation entre revenus (et autres ressources), d’un côté, et accomplissements individuels et libertés de l’autre n’a rien d’automatique, de permanent ou d’inévitable. Un large faisceau de facteurs contingents soumet à des variations continuelles la «conversion» des revenus en «fonctionnements» que nous souhaitons obtenir et affectent la conduite que nous nous fixons. »14 Parmi ces facteurs, outre la situation de chaque citoyen au regard de ses droits, le sexe, l’âge ou l’appartenance politique sont autant de capacités qui impliquent de nombreuses différences avec la seule perspective des revenus. Les garanties sociales qui ont progressivement été construites en Europe en faveur des salariés et de leurs familles, connues sous le vocable d’État-providence, ont permis une forte réduction des inégalités économiques par le développement des capacités individuelles et collectives de chacun, elles-mêmes soutenues par des programmes de redistribution par la fiscalité directe. Ces garanties sociales sont parties intégrantes des transferts et, à ce titre, participent à la cohésion de la république et à la réduction des 13 John Rawls, A Theory of Justice, 1971, traduction française par Colette Audard, Le Seuil, en 1987. 14 Amartya Sen, Un nouveau modèle économique, développement, justice, liberté, Odile Jacob, 2000, page 115. Synthèse 167 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix inégalités. En outre, les transferts sont destinés à soutenir les composantes de la demande ou à faciliter l’accumulation des facteurs favorables à la croissance des économies bénéficiaires. Ces objectifs sont ainsi clairement présents dans la politique régionale mise en place par l’Union européenne. Pour cette dernière, ces sommes délivrées aux régions les plus démunies de l’Union ne doivent pas être considérées comme de simples transferts de revenus mais, au contraire, comme des investissements permettant aux économies en difficulté de renforcer leur structure économique, leur compétitivité et leur cohésion sociale. Néanmoins, les transferts sans contrepartie sont souvent assimilés à une économie de rente, qui produit de multiples distorsions macroéconomiques, en plus de ne pas être probante, en l’occurrence pour la Martinique. Ces remarques mobilisent des outils d’analyse dont le cadre conceptuel est approprié à l’analyse des États, à travers les comptes de la nation, mais trouve ses limites dans l’analyse d’une partie, certes éloignée, d’un État. L’analyse de la balance commerciale trouve ici sa limite dès lors qu’elle ne peut être menée en articulation avec la balance des paiements. Par ailleurs, au même titre qu’une autre région française, la Martinique bénéficie de transferts dans le cadre des compétences qui lui sont dévolues et de la politique de cohésion sociale de la nation. Aussi, il ne saurait être question d’appréhender les transferts comme une simple aide au développement vers un pays tiers, mais bien comme la contribution de la nation aux financements des services publics et de la cohésion sociale sur son territoire. La notion de développement endogène a été fortement mise en avant dans le cadre des États généraux de l’outre-mer. Néanmoins, s’il s’agit par là de réduire les transferts de l’État, le développement endogène se confond dès lors avec une rupture de la solidarité nationale telle qu’elle s’exerce pour chacune des parties de la nation. S’il s’agit de repenser la place des productions locales dans le cadre du développement économique et social du département, alors il convient de changer de concept. La transparence des marchés comme des politiques publiques, la régulation des marchés et la fiscalité (directe et indirecte) semblent les trois thématiques centrales sur lesquelles une réflexion de fond doit être engagée dans le cadre du dialogue social territorial, en vue de construire une vision partagée d’un autre modèle économique permettant davantage de justice sociale mais favorisant également un développement durable de la Martinique qui articule les trois dimensions économique, sociale et environnementale. Synthèse 168 Dynamique de la croissance martiniquaise 1. 1. Une croissance de long terme affectée par la crise économique à partir de 2009 1.1. La dynamique de croissance de long terme à la Martinique Progression du PIB et de la richesse par habitant depuis les années 1990 Avec une forte densité et une population de près de 400 000 habitants (données 2007), le taux de croissance démographique de la Martinique diminue depuis les années 1980, et la population vieillit ; selon les projections de l’Insee, la part des plus de 60 ans devrait être de 34 % à l’horizon 2030 (contre 19 % en 2008 et 16 % en 1999). En parallèle, le produit intérieur brut (PIB) a fortement augmenté depuis les années 1990, son niveau doublant entre 1993 et 2008 (en monnaie courante). De même, le PIB par habitant est en forte progression. S’il est le plus élevé parmi les DOM, il reste néanmoins nettement inférieur à celui de la métropole : avec 19 150 euros par habitant en 2006, il représente 66,5 % du PIB par habitant calculé pour la France dans son ensemble. 169 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Importations et exportations de la Martinique Dynamique de la croissance martiniquaise 170 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Plus soutenue qu’en France métropolitaine, la croissance martiniquaise est caractérisée par l’intensité de ses trois composantes essentielles : la consommation des ménages, la consommation des administrations et les investissements (FBCF). Évolution des échanges extérieurs : maintien de la prépondérance des échanges avec la métropole Tout comme les autres départements d’outre-mer, la Martinique est caractérisée par un niveau élevé d’importation. La France métropolitaine demeure la principale origine des importations, bien que sa part soit en légère baisse. Au total, les importations proviennent à plus de 80 % d’Europe, celles en provenance d’Amérique représentant entre 12 et 15 % du total. Sur la période 1993-2007, elles progressent en lien avec la croissance martiniquaise, en particulier pour les biens manufacturés et les produits énergétiques. En parallèle, les exportations demeurent limitées. Hormis les exportations de produits énergétiques, qui représentent environ la moitié (exportation après raffinage des produits importés par la SARA), les principales exportations concernent les produits agricoles et agroalimentaires (principalement la banane, le sucre et le rhum) en direction de l’Europe. La France, avec plus de 90 % du total en 2010, demeure la quasiunique destination des exportations martiniquaises, la part vers les autres destinations tendant même à se réduire. Les échanges régionaux dans la zone Caraïbes se sont maintenus à un niveau extrêmement modeste. Les exportations martiniquaises couvrent la valeur de 13 % des importations en 2010. Néanmoins, un raisonnement en termes de balance commerciale (exportations moins importations) nous semble peu pertinent : si une balance commerciale propre à la Martinique Dynamique de la croissance martiniquaise 171 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix peut être construite, son sens n’est que très limité (à l’image d’une balance commerciale pour un département métropolitain). La Martinique fait partie intégrante de l’économie française, et un raisonnement sur le solde des échanges commerciaux n’est pertinent que pour la France dans son ensemble. De plus, il n’existe pas de balance des paiements spécifique à la Martinique, seul outil à même de véritablement recenser l’ensemble des flux entre le département et l’extérieur du territoire. Par ailleurs, l’organisation et la structure des échanges économiques de la Martinique conservent les principales spécificités d’une économie pouvant être qualifiée de « comptoir ». Sortir d’une logique d’économie de comptoir Remettre en cause de l’économie de comptoir revient à modifier la chaîne de valeur économique depuis l’arrivée sur le territoire (depuis le port ou l’aéroport) jusqu’au distributeur final. Cela a pour effet immédiat de : • modifier la fiscalité, en passant d’un dispositif (archaïque) où les taxes et impôts sont perçus à l’entrée du territoire par la douane à un dispositif de perception auprès du distributeur final des biens et services, ce qui permettrait par ailleurs de décaler la perception fiscale et la trésorerie afférente ; • diminuer le niveau des marges : les taxes et impôts étant perçus une fois le produit vendu sur le territoire et non pas à son entrée, les marges n’ont plus à couvrir la part de pertes potentielles issue de la taxation automatique à l’entrée (sans certitude sur les débouchés – savoir si le produit sera vendu, à quel prix, etc.). Ainsi, avec la réduction des taxes et impôts à l’entrée (et leur redéploiement vers d’autres modalités de perception), les premières incitations à la diminution des prix des produits apparaissent (sans pour autant déterminer leur répartition). En ce sens, l’évolution de la fiscalité est un moyen de lutte contre la vie chère. La progression et la modification de la répartition de la valeur ajoutée Depuis le début des années 1990, la structure de la valeur ajoutée a évolué : - progression de la part des services marchands (activités immobilières, activités financières, services aux particuliers et services aux entreprises) et des services non marchands (éducation, santé, action sociale) ; Dynamique de la croissance martiniquaise 172 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix - baisse des secteurs de l’agriculture et des industries agroalimentaires ; - maintien à un faible niveau du secteur des biens manufacturés. Une croissance pouvant être qualifiée de « croissance pauvre », au regard de l’évolution de la structure de l’emploi Au cours de cette période de croissance, si la richesse moyenne par habitant a progressé, les inégalités avec la métropole en termes d’emploi ne se sont pas véritablement réduites. Le nombre de demandeurs d’emploi est en légère diminution, mais reste largement supérieur à celui de la métropole. De même, le taux d’activité demeure nettement inférieur en Martinique (51,8% à la Martinique, contre 70,2% en métropole en 2009). Si le nombre de demandeurs d’emploi diminue sur la période 19972008, des inégalités profondes se maintiennent : - le taux de chômage à la Martinique demeure nettement supérieur à celui de la métropole ; - les taux d’emploi demeurent largement inférieurs aux objectifs européens de convergence ; - un grand nombre d’emplois créés durant cette période concerne Dynamique de la croissance martiniquaise 173 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Définitions des emplois précaires1 : Population active : regroupe les chômeurs et la population active occupée, composée des salariés (y compris les militaires du contingent) et des non-salariés. La notion d’activité concerne les personnes de15 ans et plus. La définition de la population active dans l’enquête emploi correspond à celle du Bureau international du Travail (BIT). - les contrats à temps partiel se maintiennent à un niveau élevé. De plus, la proportion des emplois à temps partiel « subis » (en opposition à « choisis ») est importante : le temps partiel subi concerne près des deux tiers des personnes à temps partiel, - une part importante des emplois créés concerne des emplois aidés, ne constituant pas des emplois structurels de long terme, - une part importante de la création d’entreprises concerne des individus sous le statut précaire d’autoentrepreneur. Taux d’activité : rapport de la population active à la population totale. On peut calculer des taux d’activité par âge. Dans ce cas, on rapporte le nombre d’actifs d’une classe d’âge à la population totale de la classe d’âge considérée. Taux d’emploi : rapport de la population active occupée à la population de 15 ans et plus. Chômeurs au sens BIT : ils doivent satisfaire aux trois conditions suivantes : être disponibles, être sans travail et être à la recherche d’un travail (inscription à l’ANPE ou acte effectif de recherche le mois précédant l’enquête). Taux de chômage : rapport du nombre de chômeurs au sens BIT à la population active totale. On peut calculer des taux de chômage par âge. Dans ce cas, on rapporte le nombre de chômeurs d’une classe d’âge à la population active de la classe d’âge considérée. Source : Insee 1 Il est difficile de construire des analyses à la Martinique, peu de données concernant l’emploi étant disponibles : comparativement à la métropole ou à d’autre DOM comme la Réunion, peu de données de long terme sont construites et publiées par les services statistiques nationaux. Dynamique de la croissance martiniquaise 174 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix En ce sens, la croissance qu’a connue la Martinique peut être qualifiée de « croissance pauvre », avec une progression de la précarité pour certains emplois. 1.2. Depuis 2009, dans le sillage de la récession mondiale, les moteurs de la croissance sont à l’arrêt à la Martinique La Martinique a été fortement touchée par la crise économique en 2009 avec, selon les comptes rapides de l’Insee/Cerom : - un PIB en contraction de 6,5 % en volume par rapport à 2008 ; - une chute des investissements de 24 % en volume ; - une consommation des ménages en repli de 3 %, avec des importations en baisse de 20,4 % en volume. En définitive, seul le secteur non marchand a pu soutenir l’économie martiniquaise. Les mesures de soutien contre-cycliques (plan de relance, mise en place de revenus complémentaires pour les revenus modestes2) ont permis de contenir la baisse de la consommation des ménages, avec le maintien des importations de biens de consommation. 2 Par exemple, le revenu supplémentaire temporaire d’activité (RSTA) est une prestation délivrée par l’État au titre de la vie chère : son montant est égal à 100 euros par mois et il est versé trimestriellement aux salariés. Ces derniers, pour en bénéficier, doivent être résidents à la Martinique et avoir un salaire horaire inférieur à 1,4 smic. Dynamique de la croissance martiniquaise 175 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Le nombre de demandeurs d’emploi augmente à partir de début 2009 et se maintient à un niveau élevé (nettement supérieur à celui de métropole) en 2010. Après une faible année 2009, les importations sont reparties à la hausse fin 2009 et restent en croissance courant 2010. En revanche, les exportations suivent des mouvements contradictoires et baissent à nouveau au 4e trimestre 2010. En 2010, la situation reste incertaine. Le secteur du BTP demeure en net repli depuis 2009, avec des tonnages de ciment produits en 2009 et 2010 nettement inférieurs aux années précédentes. Si les premiers signes d’un retournement de conjoncture apparaissent (avec un indicateur du climat des affaires se rapprochant de son niveau de longue période), le niveau des investissements reste cependant limité, et la reprise devrait être à la fois progressive et conditionnée aux disponibilités financières – en particulier des fonds publics. Dynamique de la croissance martiniquaise 176 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix 2. Les moteurs de la croissance martiniquaise : la question des transferts publics Durant la période 1993-2007, le niveau de croissance de la Martinique est élevé et nettement supérieur à celui de la métropole, grâce à la progression de ses composantes (investissement, consommation finale des administrations et des ménages). Cette situation a souvent été analysée comme le simple effet d’une dynamique exogène3 liée principalement aux transferts publics de l’État (ou de l’Union européenne). Ces transferts sont principalement destinés à soutenir les composantes de la demande intérieure et à faciliter l’accumulation des facteurs favorables à la croissance. Ces objectifs sont clairement mis en avant dans les politiques européennes lorsqu’elles traitent des régions ultrapériphériques (RUP) : les fonds européens dont bénéficient les régions les plus défavorisées ne doivent pas être perçus comme de simples transferts de revenus, mais comme des investissements destinés à renforcer les structures économiques, la compétitivité et la cohésion sociale de ces territoires. Aussi, la réflexion sur les effets de transfert ne doit pas faire oublier que la Martinique, en raison de son statut de département, est une partie intégrante de l’ensemble national et qu’elle partage nombre de caractéristiques avec plusieurs régions métropolitaines. Elle ne peut donc pas être appréhendée comme une économie et un territoire indépendants et isolés. Il ne saurait être question de remettre en cause les transferts uniquement parce qu’ils sont supposés créer des distorsions. En revanche, il convient de réfléchir, d’une part, à leur régulation (afin d’éviter les effets d’aubaine comme durant la période 2004-2008 dans le secteur du TP) et, d’autre part, à une réorientation justifiée de leur impact sur le développement de la valeur ajoutée et l’emploi du territoire. Comme le souligne B. Poirine, « personne ne songe à penser que les habitants d’une ville de garnison métropolitaine sont assistés ou improductifs parce qu’il n’y a pas d’usine ou de paysans à cet endroit mais beaucoup de commerçants et autres fournisseurs de services improductifs entretenus par la rente militaire que leur accorde le reste de la nation. Tout le monde s’accorde à penser, au contraire, que ces habitants apportent une contribution normale à la nation. En revanche, la contribution des DOM-TOM semble mal perçue si bien qu’on parle plus naturellement de rente ». Ces transferts doivent permettre l’émergence et la structuration de filières favorisant l’aménagement du territoire et les secteurs exportateurs. À cet égard, comme le souligne J.-M Salmon4, l’orientation à 3 On entend par dépenses exogènes les dépenses des administrations publiques, les investissements des entreprises et les exportations. 4 Jean-Michel Salon, Pourquoi s’ouvrir ? Contraintes et perspectives pour les économies ultramarines, AFD, Document de travail n°53, novembre 2007. Dynamique de la croissance martiniquaise 177 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix l’exportation passe nécessairement par une meilleure prise en compte de cet objectif et par une plus forte incitation à y souscrire par l’État et la Commission européenne. À cette fin, il apparaît nécessaire d’identifier, outre les secteurs concernés, des politiques d’appui innovantes en lien avec les accords commerciaux internationaux. En tout état de cause, cette réorientation des transferts ne peut se réaliser sans d’importants investissements, notamment dans le capital productif et humain, clés du développement de la Martinique. Dynamique de la croissance martiniquaise 178 L’organisation des marchés pèse sur les prix 2. 1. Écarts de prix entre la Martinique et la métropole : un constat partagé Les écarts de prix entre les DOM et la métropole ne peuvent s’expliquer seulement par l’éloignement et la fiscalité domienne. L’Autorité de la concurrence dresse un constat clair et aujourd’hui largement partagé par l’ensemble des parties. Si l’insularité et l’étroitesse du marché local pèsent sur les prix, l’organisation des marchés leur confère localement un caractère peu concurrentiel, propice à la constitution de rentes. Saisie le 18 février 2009 par le secrétaire d’État à l’Outre-mer au sujet de la situation de la concurrence dans les départements ultramarins, l’Autorité de la concurrence a rendu un avis relatif aux mécanismes d’importation et de commercialisation des produits de grande consommation dans les DOM. Il s’agit du second volet d’une même saisine, qui avait donné lieu, le 24 juin 2009, à l’avis 09-A-21 concernant les carburants1. Dans les DOM, la petite taille des marchés et leur éloignement des principales sources d’approvisionnement sont des obstacles naturels à l’obtention de prix comparables à ceux observés en métropole2. Aux surcoûts qui en résultent s’ajoute une taxe spécifique, l’octroi de mer, perçue par les collectivités locales sur les importations (comme sur la production locale) et qui accroît mécaniquement les prix de vente aux consommateurs. Cependant, conclut l’Autorité de la concurrence3, ces spécificités ne suffisent pas à expliquer l’importance des écarts de prix constatés entre la métropole et les DOM pour les produits de grande consommation. 1 Avis n°09-A-21 du 24 juin 2009 relatif à la situation de la concurrence sur les marchés des carburants dans les départements d’outre-mer. 2 Louis Lengrand & Associés, université libre de Bruxelles (DULBEA, département d’Economie appliquée), Identification et estimation des effets quantifiables des handicaps spécifiques propres aux régions ultrapériphériques et des mesures applicables pour réduire ces handicaps (Contrat : 2004-CE-16-0-AT-097), 2006. 3 Avis n°09-A-45 du 8 septembre 2009 relatif aux mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d’outre-mer. 179 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Ainsi, selon les relevés effectués par la DGCCRF4, sur un échantillon d’environ 75 produits importés de métropole dans les quatre DOM, les écarts de prix en magasin avec la métropole dépassent 55 % pour plus de la moitié des produits échantillonnés. Ce différentiel de prix est trop élevé pour trouver exclusivement sa source dans les frais de transport et l’octroi de mer. Sur l’échantillon des produits « importés », les taux médians d’octroi de mer et d’octroi de mer régional sont en effet de 17,5 % en Guadeloupe, 22,5 % en Martinique, 20 % en Guyane et 18 % à la Réunion. Pour que l’octroi de mer et le fret expliquent conjointement et à eux seuls l’intégralité des écarts observés, le fret devrait représenter 46 % du prix de l’industriel en Guadeloupe et en Martinique, 52 % en Guyane et 38 % à la Réunion. Or, comme le souligne l’Autorité de la concurrence, les charges de fret sont, pour la plupart des produits, largement inférieures à ces niveaux. En revanche, les différentiels de Charges de fret et octroi de mer en proportion du prix de départ usine des marchandises Source : Avis n° 09-A-45 du 8 septembre 2009 relatif aux mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d’outre-mer, p. 24. 4 Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes. L’organisation des marchés pèse sur les prix 180 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix taux d’octroi de mer entre la Guadeloupe, la Martinique et la Métropole permettent d’expliquer, en partie, les différents écarts de prix constatés pour des produits identiques. Certes, cet avis de l’Autorité de la concurrence ne concerne que les produits de grande consommation, qu’ils soient importés ou produits localement. Cela dit, ses conclusions sont d’une portée générale dès lors qu’elles identifient « plusieurs particularités des circuits d’approvisionnement des marchés domiens permettant aux opérateurs de s’abstraire partiellement du jeu concurrentiel, seul capable de faire baisser les prix en faveur du consommateur domien ». 1.1. La situation concurentielle sur le marché des carburants L’avis de l’Autorité de la concurrence relatif à la situation de la concurrence sur les marchés des carburants dans les départements d’outremer rend bien compte de ce pouvoir de marché. Le dispositif actuel, institué par les décrets de 1988 et de 2003 et conçu initialement comme une simple dérogation au principe général de la liberté des prix, instaure une régulation des prix des carburants dans les DOM qui n’est justifiée que par l’existence de monopoles en amont du circuit de distribution. Le plafonnement des prix de détail est destiné à éviter que les acteurs en monopole n’imposent des prix trop élevés. L’objectif de cette régulation n’a jamais été de supprimer toute concurrence par les prix, ou toute possibilité pour les acteurs d’ajuster leurs prix en fonction de leurs contraintes économiques. Or, constate l’Autorité de la concurrence, « elle s’est transformée en un système de fixation administrative des prix de détail. Ces prix administrés sont considérés par les distributeurs comme des prix minimum, et non des prix maximum, permettant de préserver leurs marges dont le niveau a augmenté plus vite que les coûts de distribution. Cette disparition de toute concurrence par les prix est d’autant moins justifiée que les réseaux de distribution sont nombreux et fournis, la densité de détaillants dans les zones de population principales permettant un véritable choix des consommateurs ». Les ressources des départements français d’Amérique sont structurées par la production locale de la raffinerie SARA (Société anonyme de raffinage des Antilles). Créée à l’initiative du gouvernement français à la fin des années 1960, la SARA est aujourd’hui détenue par Total (50 %), Exxon, Chevron-Texaco et Rubis, qui a repris les actifs de Shell. Sa capacité de raffinage est de 800 000 tonnes de pétrole brut, soit les deux tiers de la consommation des DOM. La quasi-totalité du stockage des trois DFA (450 000 m3) est détenue par elle. La SARA étant la seule raffinerie de la région à pouvoir fournir aux DFA les carburants routiers aux spécifications, le complément d’approvisionnement doit venir de métropole (zone ARA ou MED). La distribution s’opère dans les trois départements au stade de gros et de détail par les quatre actionnaires de la SARA : Total, Exxon-Mobil L’organisation des marchés pèse sur les prix 181 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix (absent de Guyane), Texaco-Chevron, Rubis-Vito, auxquels s’ajoutent trois indépendants. La Sara dispose d’un monopole d’importation et de stockage de fait. L’étroitesse et l’éloignement des marchés situés hors des routes maritimes fondent la recherche de la mutualisation des achats pour limiter les coûts fixes. Les 4 actionnaires de la SARA agissent donc en situation de monopole de fait. Ce sont par ailleurs, des acteurs mondialisés de la scène pétrolière internationale et ils disposent de ressources de négoce (trading), basées sur les places mondiales de négoce. Les opérateurs délégués déclenchent l’achat et l’affrètement des produits. Ils se rémunèrent par des commissions5. Outre le monopole de fait de la SARA, aucun outsider ne peut « économiquement » pratiquer l’importation de produits, faute : - d’avoir un débouché assez large pour affréter à lui seul ses propres cargaisons d’une taille minimale pour être économiques ; - d’assumer économiquement les risques du stockage nécessaire des quantités. Cette situation légitime l’intervention publique en matière de fixation de prix : - avis du Conseil de la concurrence n°88-A-04 du 16 mars 1988 visant une dérogation au régime de liberté des prix et de la concurrence, instauré par l’ordonnance 86-1243 du 1er décembre 2006 ; - la distribution de détail est en revanche relativement peu concurrencée : l’avis du Conseil de la concurrence n°88-A-04 du 16 mars 1988 note que « l’absence de concurrence au stade des prix de gros limite la concurrence par les prix dans la distribution de détail »6. 1.2. Les exemples des tarifs dans l’eau et les services bancaires Dans son avis présenté au nom de la commission des Affaires sociales sur le projet de loi de finances pour 2011, la sénatrice Anne-Marie Payet apporte7 un éclairage complémentaire sur les tarifs des services bancaires à partir d’une analyse comparée des tarifs pratiqués dans les DOM et en métropole pour une grande banque. Elle en conclut que les écarts constatés sont pour le moins « indécents » et qu’ils ne peuvent pas s’expliquer, en l’espèce, « par des raisons objectives de coût ou de risque pour l’établissement de crédit ». 5 Syndex, Approvisionnement en produits pétroliers dans les DFA, – Rapport d’étape au Comité des parties prenantes, 11 juin, Point-à-Pitre. 6 Op. cit. note 5. 7 Avis présenté au nom de la commission des Affaires sociales sur la projet de loi de finances pour 2011, tome III, Outre-mer, n°113. L’organisation des marchés pèse sur les prix 182 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Source : Anne-Marie Payet, Avis présenté au nom de la commission des Affaires sociales sur la projet de loi de finances pour 2011, tome III, Outre-mer, n°113 La question des tarifs des services bancaires est d’autant plus centrale que ces derniers pénalisent fortement les ménages à faible revenu. Celle du coût du financement pour les ménages et les entreprises est également importante. Les données publiées régulièrement par l’IEDOM sont sans appel à ce sujet. Les écarts constatés, quel que soit le type de crédit, ne peuvent s’expliquer, pour les banques dont le siège se trouve en métropole, par le coût du refinancement. Les services bancaires ne sont pas les seuls services dont les prix sont en moyenne nettement plus élevés qu’en métropole. Le prix et l’organisation du service public de l’eau ont focalisé les critiques du mouvement contestataire de février 2009, dit K5F. Le rapport de novembre 20108 confirme, s’il en était besoin, la cherté de l’eau à la Martinique. 8 Ministère de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement, conseil général de l’Environnement et du Développement durable, CGEDD n°007091-01 ; L’organisation des marchés pèse sur les prix 183 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Selon ce rapport, « le prix pondéré de l’eau au mètre cube payé par les Martiniquais (4,45 € TTC) est plus élevé que le prix moyen en métropole (3,01 € selon l’étude de 2008 de NUS Consulting sur le prix de l’eau en Europe) en prenant en compte l’assainissement. Soit un écart de prix de + 47 %. La facture d’eau est donc l’enjeu principal, d’autant plus que la consommation locale dépasse celle de la métropole (respectivement 140 et 120 m3/an pour une famille de 4 personnes) et que les revenus sont sensiblement inférieurs : le poids du poste eau dans le budget des ménages est donc plus lourd ». 2. Formation des prix et surcoûts liés à l’ultrapériphérie Comparées aux régions européennes continentales, les régions ultrapériphériques présentent des caractéristiques originales. Plusieurs de ces spécificités engendrent des coûts supplémentaires par rapport à une activité de production ou de service localisée sur le continent. Déjà évoquée dans le traité d’Amsterdam, la question des surcoûts dans les régions ultrapériphériques, et plus particulièrement dans les DOM, se pose avec acuité étant donné les écarts de prix entre les territoires domiens et la métropole. La Martinique appartient ainsi a priori à la catégorie des territoires caractéristiques des « petites économies insulaires », avec certaines spécificités (ou handicaps) communes : - absence d’économies d’échelle ; - manque d’expérience et de savoir-faire dans certains domaines sur le marché intérieur ; - faiblesse des infrastructures locales ; - éloignement géographique du continent européen, première zone de relation économique et institutionnelle de la Martinique, entraînant des coûts d’approche élevés ; - relative étroitesse des débouchés sur le marché intérieur. Ces handicaps restent néanmoins à relativiser : - la proximité avec d’autres zones de consommation et de production (proches dans les Caraïbes) permet – en théorie – de diversifier les débouchés ; - l’étroitesse du marché intérieur et l’absence d’économies d’échelle est à fortement relativiser si l’on prend en compte l’espace économique formé par l’ensemble des départements français Antilles-Guyane. Cet ensemble représente une population de plus de 1 million d’habitants et un PIB par habitant de 17 154 € ; - au sein du bassin caribéen, la Martinique affiche le niveau de PIB ministre de l’Agriculture, de l’Alimentation, de la Pêche, de la Ruralité et l’Aménagement du territoire, conseil général de l’Alimentation, de l’Agriculture et des Espaces ruraux, CGAAER n° 2055 L’organisation des marchés pèse sur les prix 184 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix par habitant le plus élevé en tenant compte du taux de change dollars/euros. En parité de pouvoir d’achat, la richesse par habitant est 1,4 fois plus importante que celle de Trinidad et Tobago et 3,3 fois plus forte que celle de la République dominicaine ; - les infrastructures de l’île ont été largement développées grâce aux nombreux soutiens financiers et ne constituent plus un handicap majeur ; - si l’éloignement de l’île renchérit les coûts de transport, ce handicap est décuplé par les rentes intérieures le long de la chaîne de distribution (compagnies maritimes, importateurs, distributeurs). La part de la cherté des coûts d’approche dans les prix aux consommateurs est ainsi à relativiser. Prix du fret maritime et impact sur les écarts de prix La principale liaison entre l’Europe du Nord et les Antilles est assurée par six compagnies maritimes : CMA-CGM, AP-MollerMaersk (ci-après Maersk), Marfret, Wec-Holland-Maas (ci-après WEC), Geest Line et Horn Line. Alors que Geest et Horn opèrent sur cette liaison avec leurs propres navires, les compagnies CMA-CGM, Marfret et Wec sont liées par un accord de SCA (Slot Charter Agreement) et utilisent les navires de la CMA-CGM. Sur la ligne Europe-Antilles, le prix du fret brut pour un conteneur 20’ ordinaire est, en moyenne tous clients et toutes compagnies confondus mais sans pondération par les quantités, de l’ordre de 1 400 €, avec des différences significatives, puisque L’écart entre les meilleures conditions et les moins bonnes peut atteindre 300 €. De même, le prix du fret brut pour un conteneur 40’ est de l’ordre de 2 500 €, avec des écarts qui peuvent dépasser 600 € selon les clients et les compagnies. Pour les conteneurs réfrigérés, les prix sont en moyenne dans une zone voisine de 2 000 € pour le 20’ et de 2 500 € pour le 40’. En revanche, sur la route Nord, des Antilles vers Dunkerque, les conteneurs « reefer* » ne sont utilisés que pour le transport des bananes, service qui ne donne lieu qu’à une seule négociation commerciale entre le groupement des producteurs et la CMA-CGM. Il n’y a donc qu’un seul prix. Un monopsone fait face à un monopole. Aujourd’hui, les cargaisons de bananes sont en totalité transportées en 40’ « reefer ». On observe une baisse des prix de 30 % sur dix ans (1998-2008) en valeur nominale, ce qui correspond à une baisse bien plus importante en valeur réelle. Globalement, l’appréciation du niveau absolu des prix n’est pas aisée, faute de marché fortement concurrentiel directement comparable sur l’axe Europe-Caraïbes. Toutefois, l’Autorité de la concurrence relève plusieurs éléments qui laissent penser à une forte distance avec un prix de pleine concurrence. Tout d’abord, converti en dollars, le prix moyen du marché après remises commerciales s’établit à environ 1 800 US$ par EVP, prix incontestablement élevé au regard des prix observés sur les grandes routes de fret maritime. En second lieu, l’Autorité constate qu’un armateur, non membre de la conférence, a baissé ses propres tarifs sur la période 2006-2008 avec des gains de parts de marché. Il annonce de plus pour 2009 des prix sensiblement inférieurs aux prix moyens constatés jusqu’en 2008 au sein du SCA laissant supposer que l’exploitation de ce service serait encore bénéficiaire à des niveaux de prix inférieurs. * Conteneur équipé d’un compresseur pour produire du froid positif (produits frais) ou négatif (produits congelés). Source : Autorité de la concurrence, avis n°09-1-45 du 8 septembre 2009 relatif aux mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d’outre-mer L’organisation des marchés pèse sur les prix 185 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix 2.1. Éloignement économique et coût de transport Économiquement, l’éloignement est susceptible de constituer un handicap majeur pour le développement d’un pays ou d’un territoire. Les coûts de transport peuvent renchérir sensiblement le prix d’un produit importé et réduire les bénéfices attendus de la participation au commerce extérieur par les exportations. Néanmoins, éloignement géographique n’est pas synonyme d’éloignement économique. Il n’y a pas proportionnalité entre la distance géographique et sa traduction économique (les coûts d’approche) : la proximité avec une route maritime prime dans la détermination du coût de fret, réduisant sensiblement ces coûts d’approche. Si les coûts d’approche (de transport) sont souvent avancés comme élément d’explication du différentiel de coût entre la Martinique et la métropole, cet argument est à fortement nuancer. Si, par construction, le poids relatif du fret dans la constitution des prix devrait être d’autant plus élevé que le prix du bien est faible (à l’inverse, plus un bien a de la valeur, moins la part relative de son coût de transport dans le prix final devrait être importante), l’Autorité de la concurrence constate l’inverse. Malgré la cherté du fret à destination de la Martinique comparativement à d’autres destinations, celui-ci ne peut être considéré comme véritablement constitutif des écarts de prix entre la Martinique et la métropole. Selon l’enquête de l’Autorité de la concurrence, le poids du fret représenterait 5 % à 15 % du prix de vente au consommateur à la Martinique. Néanmoins, les exemples fournis par l’Autorité ne reflètent pas ces niveaux : Nesquick (1 kg) : 6,3 % ; spaghetti Panzani (1 kg) : 4,3 % ; gel douche Tahiti vanille (250 ml) : 5,4 %, savonnette Palmolive (4 x 100 g) : 4,3 %. Par ailleurs, les Armateurs de France, en réponse à la mission sénatoriale sur la situation des départements d’outre-mer (M. Eric Doligé, 7 juillet 2009), ont affirmé que le poids du fret représentait de 3 % à 4 % du prix des produits dans les DOM (niveau jugé cependant inférieur à la réalité par la mission). 2.2. Surcoûts et performances des entreprises domiennes L’analyse microéconomique conduite par le CNRS et l’ENSC9 à partir des données microéconomiques recueillies sur un échantillon d’entreprises domiennes et métropolitaines pour l’année 2003 conclut que, en définitive, aucune différence de performance significative n’apparaît entre les entreprises domiennes et métropolitaines. Un élément les distingue objectivement toutefois : le poids des besoins en fonds de roulement et des subventions, tous deux plus élevés 9 CNRS, École normale supérieure de Cachan (ENSC), Évaluation des surcoûts économiques de l’ultrapériphéricité dans les DOM, juin 2005. L’organisation des marchés pèse sur les prix 186 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix dans les DOM. Ces bonnes performances comptables des entreprises tranchent toutefois avec l’appréciation des surcoûts par les entrepreneurs eux-mêmes, comme le souligne l’enquête conduite par le CNRS et l’ENSC. En définitive, les données bilancielles ne permettent pas de conclure à une dégradation des performances des entreprises liée aux surcoûts découlant des handicaps (à la fois endogènes et exogènes) des régions ultrapériphériques. En effet celles-ci s’adaptent à cette situation en augmentant les prix de vente. Dans la mesure où l’essentiel de l’activité (production et services) est orienté vers les ménages, l’État et les collectivités locales, ceux-ci supportent l’intégralité du surcoût de production. 3. Formation des prix et pouvoir de marché à la Martinique 3.1. Dissonance du taux de profit brut et pouvoir de marché Les surcoûts et la fiscalité indirecte à l’entrée sont sans conteste à l’origine d’un écart avec les prix pratiqués en métropole. Toutefois, toutes choses égales par ailleurs, les entreprises domiennes, puisqu’elles répercutent l’ensemble de ces coûts dans leurs prix de vente, devraient dégager une profitabilité proche des entreprises métropolitaines. Partant de ce postulat, nous avons comparé les indicateurs de profitabilité des entreprises martiniquaises et métropolitaines, à partir des seules données disponibles à ce jour : - d’une part, les données issues des comptes économiques régionaux sur la période 1998-2007 ; - d’autre part, pour l’année 2006, les données sectorielles issues du tableau économique de la Martinique. Ces dernières complètent les données issues des comptes économiques régionaux, toutefois avec un périmètre plus retreint, puisqu’elles ne portent que sur les entreprises d’au moins 10 salariés ou d’au moins 800 000 € de chiffre d’affaires. Le secteur de l’industrie Ce secteur représente 8,3 % de la valeur ajoutée du secteur marchand et enregistre, sur la période considérée, une croissance plus soutenue qu’en métropole, entre + 0,9 point et + 5,1 points suivant les secteurs : - IAA (industries agricoles et alimentaires) : + 0,9 point ; - industrie des biens de consommation : + 2,5 points ; - industrie des biens d’équipement : + 5,1 points ; Le pouvoir de marché En économie, le pouvoir de marché désigne à la base la capacité des entreprises à fixer des prix supérieurs au coût marginal afin que la vente soit rentable. En matière de concurrence, le pouvoir de marché est déterminé à l’aide d’une analyse structurelle du marché, notamment du calcul des parts de marché, qui oblige à examiner s’il existe d’autres producteurs des mêmes produits ou de produits substituables (substituabilité). L’analyse d’un pouvoir de marché doit également apprécier les barrières à l’entrée ou à l’expansion et le degré d’innovation. Elle peut, par ailleurs, faire intervenir des critères qualitatifs, tels que les ressources financières, l’intégration verticale ou la gamme de produits de l’entreprise concernée. En définitive, sur un marché donné, le pouvoir de marché se reflèterait in fine dans les écarts de taux de profit entre les acteurs. L’organisation des marchés pèse sur les prix 187 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix - industrie des biens intermédiaires : + 2 points. En dehors de l’industrie des biens intermédiaires, cette dynamique de croissance s’accompagne, pour certaines industries, d’une érosion du profit brut plus marquée qu’en métropole – c’est le cas des IAA et de l’industrie des biens de consommation –, ou d’une croissance moins soutenue comme pour l’industrie des biens d’équipements (voir ci-contre). Pour autant, sur la période 1998-2007, pour l’ensemble du secteur industriel, le taux de profit brut (exédent brut d’exploitation rapporté à la production) est nettement supérieur à la Martinique qu’en métropole (entre + 2,6 point et + 5,7 points suivant les secteurs) : - IAA : + 3,4 points ; - industrie des biens de consommation : + 2,6 points ; - industrie des biens d’équipement : + 5,7 points ; - industrie des biens intermédiaires : + 4,3 points. Le secteur de la construction Ce secteur représente 9,9 % de la valeur ajoutée du secteur marchand. Sur la période considérée, il enregistre une croissance de l’activité légèrement supérieure à celle du même secteur en métropole (+ 0,8 point), mais avec toutefois avec une croissance du profit brut moins soutenue : + 5,8 % en Martinique, contre + 12,5 % en métropole. Cependant, le taux de profit brut en moyenne sur la période demeure nettement supérieur en Martinique : + 13,7 points. Le secteur du commerce Avec 17,9 % de la valeur ajoutée du secteur marchand, ce secteur enregistre, sur la période considérée, une croissance légèrement inférieure à celle du secteur commerce en métropole : + 1,1 point. Toutefois, la croissance du profit brut est légèrement plus soutenue : + 1,6 % en Martinique contre + 1,3 % en métropole. Le taux de profit brut sur la période est nettement supérieur en Martinique : + 5,4 points par rapport à la métropole. L’organisation des marchés pèse sur les prix 188 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Bien qu’elle porte sur un périmètre plus restreint, l’enquête annuelle d’entreprise (AEA 2006) réalisée par l’Insee10 apporte un éclairage sur les écarts de profitabilité au sein du secteur du commerce. Si le taux de profit brut apparaît relativement proche pour le commerce de gros (+ 0,2 point), l’écart est plus signifiactif pour le secteur du commerce et de la réparation automobile (2,7 points), ainsi que pour celui du commerce de détail (+ 1,1 point). Le secteur des services Les services représentent 55,8 % de la valeur ajoutée du secteur marchand et, sur la période considérée, ils enregistrent une croissance moins soutenue qu’en métropole, hormis pour le secteur des services immobiliers. Toutefois, sur la période considérée, le secteur des services à la Martinique dans son ensemble dégage un taux de profit brut supérieur à celui du secteur des services en métropole : - transport : + 8,1 points ; - activités financières : + 9,9 points ; - activités immobilières : + 6,9 points ; - services aux entreprises : + 5,9 points ; - hôtels restaurants : + 7,5 points ; - services aux particuliers : + 12,7 points. La mesure de la concentration dans le secteur du commerce Une approche comparative de la structure des marchés fait apparaître, en règle générale, pour la majorité des secteurs de la branche Commerce, des marchés plus concentrés en Martinique qu’en métropole, hormis pour certains secteurs spécifiques. : Quelques secteurs se détachent, avec un taux de concentration particulièrement élevé comme le commerce de véhicules automobiles ou le commerce en gros des produits agricoles bruts et d’animaux. 10 Insee Antilles-Guyane, Premiers résultats, n°30, avril 2008. L’organisation des marchés pèse sur les prix 189 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Le secteur de la distribution dans les départements d’outre-mer est dominé par des enseignes nationales également présentes en métropole, principalement Carrefour, Cora et Casino. Au-delà de l’identité de certains opérateurs, le secteur de la distribution dans les DOM présente des caractéristiques plus spécifiques. Source : Insee Note : Un écart de 1 signifie que le poids relatif dans le total est identique et que la structure de marché est la même. Si l’écart est inférieur à 1, alors la structure est plus concentrée, mais s’il est supérieur à 1, elle est plus diffuse. En premier lieu, le développement des enseignes nationales dans les DOM s’est essentiellement appuyé sur des « master-franchises » mises en place soit par des groupes de dimension nationale, soit par de puissants opérateurs locaux, au premier rang desquels les groupes Bernard Hayot et Gérard Huyghues-Despointes (pour le compte du groupe Carrefour notamment). Certains de ces groupes, qu’ils soient domiens ou métropolitains, recourent simultanément à des magasins détenus en propre et à des franchises. En second lieu, dans trois des quatre DOM, le secteur de la distribution alimentaire présente des niveaux de concentration relativement élevés. À la Réunion, en Guyane et en Guadeloupe, certains groupes de distribution détiennent ainsi des parts de marché, en surfaces commerciales, supérieures à 40 %, soit sur la totalité du département concerné, soit dans une ou plusieurs zones. En outre, certains de ces opérateurs exploitent également des structures communes. En particulier, deux franchisés du groupe Carrefour, les groupes Bernard Hayot et Gérard Huyghues-Despointes, exploitent une centrale d’approvisionnement commune en métropole et en Guadeloupe (leur participation dans le capital étant de 50 % chacun). Ils exploitent également un hypermarché (Carrefour Millenis) en commun – la société d’exploitation est détenue à 37 % par le groupe Bernard Hayot et à 63 % par le groupe Gérard Huyghues-Despointes –, alors que le groupe Bernard Hayot est détenteur d’un autre hypermarché Carrefour concurrent du précédent (Destrelland). L’organisation des marchés pèse sur les prix 190 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix 3.2. Les groupes d’entreprises : un réel pouvoir qui s’exerce bien souvent à travers des structures d’entreprise très atomisées L’étude CEROM sur les entreprises martiniquaises11 est la seule étude disponible apportant un éclairage sur le poids des groupes en Martinique. À cet égard, la Martinique fait figure d’exception parmi les économies ultra-marines, puisqu’elle compte un nombre de groupes de sociétés nettement supérieur aux autres DOM. Ces entreprises, souvent à caractère familial, occupent une place prépondérante dans l’économie martiniquaise. Fin 2004, l’IEDOM recensait quinze groupes dont la société mère était domiciliée en Martinique. Ceux-ci génèrent, dans le département, un chiffre d’affaires de 2,36 milliards d’euros (28,7 % du chiffre d’affaires du secteur marchand hors énergie12), une valeur ajoutée de 626 millions d’euros (34 % de la VA du secteur marchand hors énergie)13 et emploient 9 917 salariés, soit près de 30 % de l’emploi du secteur marchand hors énergie14. Par ailleurs, comme le souligne l’étude, ces groupes, au nombre de quinze, ne sont pas les seuls à opérer dans l’île. Certains groupes, dont les comptes ne sont pas disponibles en raison de la localisation de leur siège à l’étranger, en métropole ou dans un autre DOM, disposent à la Martinique d’établissements dégageant un chiffre d’affaires supérieur à 30 millions d’euros. C’est notamment le cas des grandes entreprises du secteur énergétique, avec EDF et la SARA, qui ont réalisé respectivement un chiffre d’affaires de 110 et de 420 millions d’euros en 2004 dans le département et dont les sièges sociaux se situent en France métropolitaine. Les quinze grands groupes martiniquais étudiés ont été fondés à partir des années 1950. À l’origine, ils n’étaient constitués que d’une ou plusieurs petites entreprises dont les activités se sont étendues progressivement. Les premiers groupes, nés dans les années 1950 et 1960, exercent tous une activité de type commercial, le plus fréquemment dans la distribution alimentaire et l’automobile (groupes Lancry, Aubery puis Bernard Hayot). L’unique groupe entièrement consacré à l’agroalimentaire en Martinique, le groupe Huygues-Despointes naît dans les années 1950. Par la suite apparaissent dans les années 1960 et jusqu’au début des années 1970, les groupes dont le métier de base est plutôt de type industriel, comme le groupe Gouyer avec l’extraction de roches ou le groupe Laguarigue qui, à partir d’une activité de négoce de matériaux, intervient également dans les domaines de la métallurgie et de la construction. 11 Les entreprises martiniquaises –CEROM, Insee, IEDOM, AFD, 2007 12 Entreprises du secteur marchand hors énergie de plus de 9 salariés. Estimation Syndex. 13 Entreprises du secteur marchand hors énergie de plus de 9 salariés. Estimation Syndex 14 Entreprises du secteur marchand hors énergie de plus de 9 salariés. Estimation. L’organisation des marchés pèse sur les prix 191 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Au début des années 1980, des groupes exerçant une activité dans le tertiaire ont fait leur apparition, notamment dans les domaines des télécommunications (groupe Outremer Télécom) et de l’environnement (groupe Seen). Puis, au milieu des années 1980, de nouveaux investissements sont mis en œuvre dans la fabrication de peinture par le groupe de Gentile, déjà présent dans le secteur du négoce de matériaux en Martinique et en Guadeloupe. Il est rejoint, sur ce segment de fabrication de peinture, par le groupe Holmex qui produit également du rhum. La plupart des groupes martiniquais sont des entreprises familiales : parmi les quinze groupes de l’échantillon étudié : - onze sont détenus à plus de 50 % par leurs fondateurs (dont huit à plus de 85 %) ; - deux autres sont dirigés par des membres des familles fondatrices, quand bien même le capital a été redistribué entre cette dernière et d’autres actionnaires ; - enfin, deux groupes de création récente ne sont pas des entités à caractère familial. Les sociétés qui constituent aujourd’hui les filiales ont été créées, en général, avant les holdings. Pour chaque groupe, la société mère est née d’une volonté des associés de rassembler les sociétés déjà existantes au sein d’un même ensemble économique. Par la suite, le développement et la diversification du groupe sont intervenus de deux manières : - par la création de succursales et de départements de la société mère, l’objectif étant de conserver une seule entité juridique ; L’organisation des marchés pèse sur les prix 192 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix - par la création de nouvelles filiales spécialisées et distinctes juridiquement les unes des autres, mais toutes contrôlées par la société mère. En Martinique, c’est le second mode de développement qui a été privilégié par les grands groupes afin de bénéficier des mesures propres aux DOM relatives à l’allègement des charges sociales et autres subventions allouées dans le cadre de la LODEOM (voir ci-contre l’organisation du groupe Seen). Par ailleurs, en raison des mécanismes de défiscalisation destinés à favoriser l’activité économique dans les départements et collectivités d’outre-mer, il existe dans l’environnement de tous les groupes une ou plusieurs sociétés civiles immobilières (SCI) propriétaires des bâtiments d’exploitation, qu’elles louent aux différentes entités du groupe. Ces SCI sont le plus souvent soit des filiales, soit la propriété des actionnaires du holding. 4. Éléments de conclusion : effets conjugués de la fiscalité et des marges sur les prix et la vie chère Considérant que les surcoûts inhérents à l’insularité étaient répercutés dans les prix, l’écart de taux de profit brut d’exploitation (entre la Martinique et la métropole) représente l’effet de l’organisation des marchés martiniquais sur les prix. L’avis de l’Autorité de la concurrence a mis l’accent sur la question de la structure des marchés de la grande distribution alimentaire, qualifiée de peu concurrentielle et dominée par des enseignes présentes en métropole. Cette situation n’est pas propre à la grande distribution alimentaire ; elle concerne aussi bien la distribution automobile que l’équipement de la maison ou encore de la personne, à travers une concentration horizontale des enseignes. Par ailleurs, la concentration n’est pas un phénomène propre au secteur de la distribution : nombre de secteurs de l’industrie sont dominés par une ou deux entreprises en position d’oligopole ou de duopole (voire de monopole) et disposant d’un réel pouvoir de marché. À la Martinique, pour l’ensemble du secteur marchand15, l’effet sur les prix, lié à l’écart de profitabilité économique brut, sur la période 1998-2006, peut être évalué en moyenne à plus de 9,1 %. Cette moyenne, comme toute moyenne, est très sensible aux valeurs extrêmes et a le défaut de masquer des situations assez contrastées suivant les secteurs. Source : Insee, traitement Syndex En effet, les effets prix sont le plus marqué dans les secteurs de la construction et des services, variant de près de 14 % pour le secteur de la construction à + 5,4 % pour l’ensemble du commerce. 15 Hors énergie et agriculture, pêche et forêt. L’organisation des marchés pèse sur les prix 193 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Dans l’industrie, les écarts de prix s’étagent dans une fourchette plus resserrée entre + 5,6 % pour les industries de biens d’équipements et + 2,5 % pour les industrie de biens de consommation. Au niveau des ménages, les prix intègrent ainsi non seulement les surcoûts liés aux handicaps structurels comme l’insularité ou encore l’éloignement, mais également ceux liés à l’ensemble des coûts d’organisation et de transaction relatifs à la structuration des marchés. Par ailleurs, les prix intègrent les surmarges de chacun des acteurs tout au long de la chaîne de valeur. Au final les écarts de prix avec la métropole sont d’autant plus élevés que le nombre d’acteurs est important, car les prix intégrant les écarts de profitabilité pour chaque étape du circuit de distribution. En règle générale et de façon schématique, on peut distinguer deux circuits de distribution : - un circuit court : l’importateur est aussi le distributeur avec, pour les produits locaux, l’absence de grossiste entre le producteur et le distributeur ; - un circuit long : le distributeur s’approvisionne auprès d’un importateur ou d’un grossiste lui-même intermédiaire d’un producteur local ou un importateur. Dans le cas d’un produit importé, le prix de détail sera ainsi majoré en moyenne de 6 % par rapport au prix métropole, du simple effet des écarts de profit économique brut du secteur du commerce. De plus, viennent s’y ajouter les surcoûts liés à l’éloignement, mais également ceux liés au prix des services locaux, dont les services financiers, les télécommunications et les transports, sans oublier l’effet des surmarges sur octroi de mer. Dans le cas d’un circuit court pour un produit local, par exemple un produit de l’industrie agroalimentaire, le prix de détail sera majoré de près de 10 % par rapport au même produit en métropole, sous le seul effet des surmarges de l’industrie agroalimentaire et du secteur du commerce, sans même prendre en compte les surcoûts évoqués précédemment. Le caractère central des prix dans la mobilisation du début 2009 ainsi que la persistance de ce sujet parmi les préoccupations des habitants des DOM expliquent qu’un des cinq thèmes des États généraux de l’outre-mer a porté sur « la formation des prix, les circuits de distribution et le pouvoir d’achat ». Concernant la formation des prix, l’insularité, ou encore la fiscalité domienne ne peuvent être retenues comme seuls facteurs à l’origine des écarts de prix avec la métropole. L’organisation des marchés apparaît être un facteur structurant qui nécessite que soient mis en place les outils adaptés : - un renforcement de la disponibilité d’éléments statistiques, afin de permettre une réelle surveillance du niveau et de la formation des prix d’une part ; - un contrôle strict des services de la concurrence dans certains L’organisation des marchés pèse sur les prix 194 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix secteurs économiques afin de dynamiser la concurrence, d’autre part. Par ailleurs, une réflexion sur l’organisation des marchés doit être entamée avec les acteurs économiques, afin de favoriser le raccourcissement des circuits de distribution ou encore la mutualisation de certains coûts (logistique, transport par exemple). L’organisation des marchés pèse sur les prix 195 Évolution nécessaire du dispositif d’octroi de mer 3. Apparu au XVIIe siècle et perçu dès 1670 à la Martinique sous la dénomination de « droit de pied », l’octroi de mer est un mode d’imposition spécifique aux départements d’outre-mer. Ses taux sont décidés par les conseils régionaux et les recettes affectées aux collectivités territoriales du département de prélèvement. Depuis les années 1960, l’octroi de mer est utilisé comme outil d’appui à la production locale et au développement économique, à travers, d’une part, les différentiels de taux entre production locale et importations et, d’autre part, les exonérations pouvant être accordées à certains produits. Depuis le 1er janvier 1995, les régions de Guadeloupe et de Martinique constituent un territoire fiscal unique en ce qui concerne la TVA, des accises et de l’octroi de mer : les produits en provenance de Guadeloupe à leur arrivée sur le territoire martiniquais (et vice versa), ne sont donc pas soumis à l’octroi de mer (ainsi qu’à la TVA et les accises). 1. Le fonctionnement de l’octroi de mer 1.1. L’évolution légale de l’octroi de mer La compétence dans la fixation des taux ainsi que des exonérations – dans les limites des écarts de taxation autorisés – a été transférée des conseils généraux aux conseils régionaux des DOM, le 2 août 1984. Le conseil régional de chaque DOM est donc seul compétent pour décider du niveau de taxation. Jusqu’au 31 décembre 1992, l’octroi de mer ne concernait que les produits importés (et constituait ainsi une taxe d’effet équivalent à un droit de douane). Consécutivement à la décision du Conseil européen 89/688/CE du 22 décembre 1989, la France a dû modifier sa législation et étendre la taxation à la production locale, afin de se conformer au principe de non-discrimination de l’Acte unique européen de 1986. Néanmoins, la France a obtenu du Conseil européen l’autorisation pour les conseils régionaux d’exonérer d’octroi de mer, totalement ou 196 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix partiellement, les productions locales « au regard des handicaps qui pèsent sur les activités de production industrielle dans les départements français d’outre-mer » et, ainsi, de favoriser certaines productions pour des motifs de développement économique. Ces exonérations restent soumises à accord de la Commission européenne. Par ailleurs, la demande française de ne pas faire payer l’octroi de mer sur les produits fabriqués localement par les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 550 000 euros a été acceptée par l’Union européenne. Ces mesures sont transposées en droit français et mises en application avec la loi du 17 juillet 1992 pour une durée de dix ans. En 2002, le Conseil européen a refusé la demande de reconduction pour dix ans déposée le 12 mars 2002 par la France, jugée incomplète. Après une reconduction d’un an du précédent régime, la France a présenté une nouvelle demande le 14 avril 2003, intégrant des perfectionnements qui découleraient des réflexions avec les différentes parties prenantes (État, régions, communes, organisations socioprofessionnelles). Au titre du droit communautaire applicable actuellement, c’est la décision du Conseil du 10 février 2004 (2004/162/CE) relative au régime de l’octroi de mer dans les départements français d’outre-mer qui proroge la décision 89/688/CE, autorisant la France à maintenir le régime de l’octroi de mer et, en particulier, les écarts de taxation entre production locale et biens importés. Au niveau français, la loi du 2 juillet 2004, complétée par le décret d’application du 30 décembre 2004, fixe le régime actuel pour dix années. Dans sa décision 2004/162/CE du 10 février 2004, le Conseil européen précise bien que « le niveau de taxation doit être adapté de manière à ce que le différentiel de taxation, en ce qui concerne l’octroi de mer, n’ait pour objet que de compenser ce handicap et ne transforme pas cet impôt en une arme protectionniste remettant en cause les principes de fonctionnement du marché intérieur ». Au regard du droit communautaire, l’octroi de mer n’est donc pas considéré comme un droit de douane mais comme un impôt indirect local. Les recettes de l’octroi de mer doivent être affectées, à travers une stratégie de développement économique et social, à la promotion des activités locales. Toutefois, cette autorisation du maintien de l’octroi de mer n’est valable que pour dix ans et arrivera à expiration le 1er juillet 2014. 1.2. Modalités et affectations actuelles du régime d’octroi de mer Il existe actuellement trois types de taxes d’octroi de mer, déterminés en fonction de leur affectation : - à destination des communes, à travers une dotation annuelle globale garantie ; L’octroi de mer 197 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix - à destination de la région (octroi de mer additionnel ou octroi de mer régional) ; - à destination du Fonds régional pour le développement et l’emploi (FRDE). La dotation annuelle globale garantie à destination des communes Les conseils régionaux, par leurs décisions en matière de taux, déterminent le niveau de la dotation annuelle globale garantie répartie entre les communes. Son montant est au moins égal au montant de l’année précédente, majoré par la hausse des prix à la consommation – hors tabac – des ménages pondérée par l’évolution du PIB en volume. L’octroi de mer additionnel à destination des régions Depuis 1984, la région perçoit un octroi de mer additionnel (appelé également octroi de mer régional – OMR) sur la même assiette que l’octroi de mer. Les taux sont fixés pour chaque produit par les conseils régionaux et ne peuvent excéder 2,5 %. Le fonctionnement du Fonds régional pour le développement et l’emploi Institué en 1992, le FRDE sert initialement à soutenir l’investissement des communes en faveur du développement de l’emploi et de l’installation d’entreprises, en affectant une part des recettes de l’octroi de mer (solde après versement de la dotation annuelle globale garantie) par nature variable – cette part dépendant de la croissance économique et principalement du niveau d’importation. L’instauration de ce fonds vise en premier lieu à maîtriser la croissance des budgets communaux (en cas de forte croissance des recettes d’octroi de mer) et à affecter ainsi les surplus de recettes « conjoncturelles » à des mesures de développement économique et d’emploi dans le secteur marchand. Depuis le 1er janvier 2005 (consécutivement à la loi de 2004), le FRDE est réparti en deux parts : • 80 % correspondent à une dotation d’équipement local (DEL), destinée en priorité au financement de projets facilitant l’installation d’entreprises et la création d’emplois ; elle est répartie entre les communes au prorata de leur population (avec une majoration de 20 % pour les chefs-lieux de département et de 15 % pour les chefs-lieux d’arrondissement) ; • 20 % des fonds sont destinés aux investissements relevant de la région (dans le développement économique, l’aménagement du territoire et le désenclavement). L’octroi de mer 198 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Le Fonds régional pour le développement et l’emploi (FRDE) Les ressources du Fonds régional pour le développement et l’emploi (FRDE) sont constituées du solde entre le produit global de l’octroi de mer et le montant de la dotation annuelle globale garantie (si – cas extrême – le solde est négatif, le FRDE n’est pas abondé). L’affectation des fonds issus des recettes d’octroi de mer La gestion de l’octroi de mer (perception, contrôle et recouvrement) est assurée par la direction générale des Douanes et des droits indirects (DGDDI). Étant donné ce coût de traitement par la DGDDI, l’État perçoit un prélèvement égal à 2,5 %1 du produit brut de l’octroi de mer (soit environ 4,4 M€ en 2010). Affectation des recettes de l’octroi de mer 1.3. Les différentiels de taux entre production locale et importation À la suite de la décision du Conseil de l’Union européenne du 10 février 2004, chaque région classe les produits en trois catégories A, B ou C, permettant une taxation plus élevée pour les produits ne provenant pas des DOM comparativement à ceux en provenance des DOM : - pour les produits présents à l’annexe A, l’écart de taxation ne peut dépasser 10 points de pourcentage : les produits de base et ceux ayant trouvé un relatif équilibre entre production locale et production extérieure seraient concernés ; - pour les produits présents à l’annexe B, l’écart de taxation ne peut dépasser 20 points de pourcentage : les produits nécessitant des investissements lourds et influant sur les prix de revient 1 Ce taux est passé de 1,3 % en 1992 à 2,5 % en 2004. L’octroi de mer 199 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix des biens fabriqués localement pour un marché limité seraient concernés ; - pour les produits présents à l’annexe C, l’écart de taxation ne peut dépasser 30 points de pourcentage : les produits fabriqués par des entreprises de grande taille et les produits d’une très grande vulnérabilité par rapport aux importations en provenance des pays voisins des DOM seraient concernés. À ces trois catégories s’ajoute un différentiel de 50 points applicable à la Réunion et à la Guyane pour les alcools, en particulier le rhum. De plus, les écarts de taxation peuvent être majorés de 5 points supplémentaires de pourcentage lorsqu’ils concernent des productions locales d’entreprises ayant un chiffre d’affaires inférieur à 550 000 euros. Exemple : pour un produit appartenant à l’annexe C, si la production locale est taxée d’un octroi de mer à 5 %, le taux maximal auquel peut être taxé ce même produit s’il est importé est de 35 %. Si, de plus, ce produit est produit localement par une entreprise ayant un chiffre d’affaires inférieur à 550 000 euros, le produit importé peut être taxé jusqu’à 40 %. Les conseils régionaux peuvent ainsi moduler les taux dans la limite de ces écarts maximaux afin de soutenir leurs productions locales. Néanmoins, cette révision est encadrée. Le Vade-mecum sur l’octroi de mer2 indique : « la révision (ajout de produits ou modification des écarts autorisés) des listes de produits soumis à écart de taxation est prévue par l’article 30 [de la loi n°2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer] : le conseil régional transmet une demande circonstanciée au représentant de l’Etat, justifiant l’inscription de nouveaux produits sur les listes en annexe. La demande doit être effectuée une fois par an au cours du 1er trimestre de l’année civile, excepté en 2004 et en cas de mise en péril d’une production locale. La décision est prise par le Conseil [européen], sur proposition de la Commission [européenne]. » La décision finale dans les écarts de taxation entre production locale et importations relève ainsi de la compétence du Conseil européen, après proposition de la Commission européenne (cette dernière retenant – ou non – les propositions faites par les conseils régionaux des DOM et relayées par les représentants de l’État français). 1.4. Les exonérations d’octroi de mer Des exonérations et réductions d’octroi de mer existent. Elles doivent s’inscrire dans la stratégie de développement économique et social du département d’outre-mer et ne concernent qu’une liste détaillée de produits. Deux types d’exonération existent : les exonérations obligatoires et les exonérations facultatives. 2 Vade-mecum sur l’octroi de mer, régime issu de la loi n°2004-639 du 2 juillet 2004 (mise à jour septembre 2006), DGDDI. L’octroi de mer 200 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Les exonérations obligatoires Elles concernent : - les exportations : les biens expédiés ou transportés hors de la région de production sont exonérés d’octroi de mer. Pour les exportations intra-DOM, le principe est que les produits ne sont taxés qu’une seule fois ; - les livraisons de biens réalisés par les petites entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 550 000 euros3. En cas de dépassement de ce seuil au cours d’une année n, l’entreprise cesse d’être exonérée le 1er janvier de l’année n+ 1 ; - les importations de biens bénéficiant de franchises de droits et taxes en vigueur, avec une franchise spécifique : - pour les marchandises transportées par des voyageurs en provenance de l’Union européenne, jusqu’à 880 euros, - pour les petits envois non commerciaux en provenance de l’Union européenne, jusqu’à 180 euros. Les exonérations facultatives Les conseils régionaux peuvent exonérer cinq types de marchandises : - les matériels d’équipement destinés à l’industrie hôtelière et touristique ainsi que les produits, matériaux de construction, engrais et outillages industriels et agricoles (les biens d’investissement admis en exonération doivent être conservés dans un délai de trois ans) ; - les matières premières destinées à des activités locales de production ; - les équipements destinés à l’accomplissement des missions régaliennes de l’État ; - les équipements sanitaires destinés aux établissements de santé publics ou privés ; - les biens réimportés dans leur état initial par la personne qui les a exportés (régime des retours4). 3 Établissement principal et établissements secondaires, pour un chiffre d’affaires total réalisé dans l’ensemble des départements d’outre-mer. 4 Le régime des retours permet aux entreprises des pays membres de l’Union européenne d’exporter momentanément des marchandises pour les réimporter en l’état en franchise de droits et taxes. Ce régime peut concerner deux types d’opérations : - les exportations, puis réimportations, dont le caractère temporaire du séjour à l’étranger est prévu dès le départ (présentation dans des foires ou salons, échantillons commerciaux, marchandises exportées en consignation dans un but de prospection commerciale) ; - les exportations à titre définitif, dont la réimportation résulte d’un cas fortuit (matériel défectueux refusé par le client étranger). Le régime est accordé sans autorisation du service des douanes. L’octroi de mer 201 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix 2. Objectif premier : maintenir une ressource stable pour les collectivités locales et en premier lieu les communes L’octroi de mer constitue avant tout un outil fiscal, permettant une affectation directe et stable des recettes aux collectivités locales (région et communes à la Martinique) du territoire de perception. Source : IEDOM (d’après les comptes administratifs), traitement Syndex Les communes sont les premiers bénéficiaires de l’octroi de mer : la dotation annuelle globale garantie, calculée en référence au montant versé l’année précédente, leur permet de disposer d’une ressource croissante et sûre. À la Martinique en 2008, l’octroi de mer constituait 53 % des recettes fiscales des communes et 40 % de celles de la région. Le solde versé au FRDE dépend de la situation économique et n’est pas garanti. En raison de la situation économique en 2009 et 2010, avec des niveaux d’activité (et d’importation) en baisse importante, les fonds affectés au FRDE en 2010 et 2011 ont sensiblement baissé. 3. Impacts de l’octroi de mer sur l’organisation économique 3.1. Le soutien à l’économie locale L’octroi de mer constitue un outil de soutien à l’économie locale par : - les différentiels de taux existant entre production locale et production importée ; - les exonérations obligatoires et les exonérations facultatives. Selon une mission de l’Inspection générale des finances et de l’administration en 2002 à la Réunion, le soutien à la production locale réunionnaise de l’octroi de mer est évalué à 110 M€ (données 2000). Globalement, ce soutien représenterait 21,9 % de la valeur ajoutée créée par le secteur industriel. L’octroi de mer peut ainsi être considéré comme un soutien à l’économie des départements d’outre-mer. L’octroi de mer 202 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Néanmoins, depuis 2004, les différentiels de taux entre les produits importés et ceux fabriqués localement sont restés relativement constants. De même, depuis 2004, les tarifs d’octroi de mer n’ont été modifiés qu’une seule fois à la Martinique, en 20095, et cette modification concernait exclusivement des baisses de taux d’octroi de mer (ainsi que d’octroi de mer régional). Le développement des secteurs « protégés » étant maintenant acquis (par exemple eau, rhum, tabac…), ces secteurs ne sont plus forcément prioritaires et il conviendrait de s’interroger sur les nouvelles activités qui auraient des effets d’entraînement élevés en termes de contenu local (valeur ajoutée et emploi) dans l’économie martiniquaise. 3.2. Effets inflationnistes dus au cumul des surmarges sur l’octroi de mer Pour un même niveau de ressource fiscale, un même niveau de prix CAF6 à l’arrivée et des niveaux de marge similaires (marge grossiste de 30 % et marge détaillant de 28 %), le prix de vente au consommateur varie selon qu’il est soumis à l’octroi de mer – et avec une TVA réduite – (cf. système actuel) ou non – avec une TVA normale (cf. alternative 2). De même, la déductibilité de l’octroi de mer (à l’image de la déductibilité de la TVA) entraînerait une baisse sensible des prix, avec une faible baisse des ressources fiscales (cf. alternative 1). Dans le système actuel, les différentiels de prix de vente avec les alternatives 1 et 2 se retrouvent dans les marges du grossiste et du détaillant, une partie découlant de marges sur octroi de mer. Comparativement à l’alternative 1, le niveau de perceptions de TVA dans le système actuel est également supérieur en raison de la prise en compte de l’octroi de mer dans le prix de référence (il s’agit donc d’une TVA dont l’assiette intègre un autre impôt, l’octroi de mer). L’octroi de mer ne dispose ainsi pas de la même neutralité fiscale que la TVA : calculé sur les prix CAF, il engendre une marge sur taxes tout au long de la chaîne de distribution depuis l’arrivée du bien sur le territoire jusqu’à sa vente au consommateur. En définitive : - plus le taux d’octroi de mer est élevé, plus le différentiel de prix résultant des marges sur octroi de mer (perçues par le grossiste et le détaillant) est élevé ; - plus le nombre d’intermédiaires est élevé (circuit de distribution long), plus les surmarges sur octroi de mer se multiplient ; - à l’inverse, un système centré uniquement sur la TVA (comme en métropole) n’a pas d’incidence sur les marges (neutralité fiscale). 5 Délibération n°09-549-1 du 28 avril 2009 du conseil régional. 6 CAF : coût, assurance, fret. Prix CAF : prix du bien importé avant impôts et droits sur les importations et avant marges. L’octroi de mer 203 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Simulation à partir d’un octroi de mer élevé (23%) L’octroi de mer 204 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Simulation à partir d’un octroi de mer faible (5%) L’octroi de mer 205 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Ces éléments ont été mis en avant en 2006 par la Chambre régionale des comptes (CRC) de la Réunion7, pour qui le fonctionnement de l’octroi de mer entraîne ainsi un potentiel d’inflation sur les produits importés en raison de : - son application à la valeur CAF : il intègre donc l’assurance et le fret dans sa valorisation ; - l’amplification de cet effet depuis l’importation jusqu’à la distribution, les marges étant calculées, contrairement à la TVA, sur les prix de revient incluant l’octroi de mer (marge sur taxes), le fret et l’assurance. Plus récemment, en 2009, l’Autorité de la concurrence8 indique pour l’ensemble des DOM : « la définition particulière de l’assiette de l’octroi de mer – définie comme prix CAF, c’est-à-dire le prix d’achat augmenté des coûts de fret – implique également que l’impact de l’octroi de mer sur le prix payé par le consommateur est accru par les charges de transports engagées lors de l’importation des produits. » 3.3. Manque de moyens dans l’évaluation des mesures mises en œuvre Au niveau des différentiels de taux et exonération d’octroi de mer À notre connaissance, depuis la mise en place de la nouvelle législation sur l’octroi de mer à la Martinique 2004, aucune étude d’impact du dispositif, pourtant spécifié dans le décret n°2004-1550 n’a véritablement été mise en œuvre. Ainsi, les mesures mises en place ne font pas l’objet d’une évaluation ex-post, permettant de procéder à une analyse coût/avantage pour chaque différentiel ou exonération. Par ailleurs, ces mesures qui, par nature, devraient être temporaires (afin de renforcer la compétitivité d’un secteur dans sa phase de structuration) apparaissent relativement pérennes, avec peu d’évolution dans les taux, les différentiels de taux et les exonérations depuis 2004. Utilisation des fonds provenant de l’octroi de mer Concernant l’utilisation des fonds en provenance de l’octroi de mer, la complexité des procédures (en particulier du FRDE) et/ou le manque de compétences au niveau de la région et des communes ont pu engendrer des difficultés de décaissements ainsi que l’affectation à des projets de faible envergure ou encore être détournés de leur objectif premier dans le développement et l’emploi sur le territoire. 7 Rapport d’observations définitives sur la gestion de l’octroi de mer à la Réunion, Chambre régionale des comptes de la Réunion, novembre 2006. 8 Avis n°09-A-45 du 8 septembre 2009 relatif aux mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d’outre-mer. L’octroi de mer 206 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix 3.4. Le seuil de 550 000 euros incite au maintien d’un faible niveau de développement des petites et moyennes entreprises Afin de pouvoir conserver le bénéfice de l’exonération d’octroi de mer, les petites et moyennes entreprises doivent conserver un chiffre d’affaires annuel inférieur à 550 000 euros. Cette disposition « couperet » (dès ce niveau de chiffre d’affaires atteint, aucune exonération n’est plus appliquée) peut constituer une incitation au maintien de structures de taille limitée et ainsi favoriser : - un objectif de développement concentré sur la recherche de marges (au détriment de la recherche de croissance) ; - le montage de structures complexes permettant aux agents économiques de « capter » cet avantage d’exonération tout en ne favorisant pas la transparence économique. Pour pallier ces effets pervers, il pourrait être envisagé un système permettant de réguler ce seuil à travers : - l’établissement de règles sur la réalité des groupes d’entreprises en matière fiscale (via l’intégration fiscale par exemple) ; - la représentativité des salariés, qui corrigerait le désavantage de compter une multitude de PME (via les unités économiques et sociales) ; - pour les entreprises dépassant le seuil de 550 000 euros de chiffre d’affaires, une sortie plus progressive du dispositif d’exonération d’octroi de mer avec, temporairement, le maintien du bénéfice de l’exonération pour la tranche du chiffre d’affaires correspondant à 550 000 euros. 4. Impacts de l’octroi de mer sur les ressources des collectivités locales 4.1. Manque d’effort dans le développement des autres sources de recettes fiscales des collectivités locales La prépondérance de l’octroi de mer dans les recettes fiscales des communes (à travers la dotation globale garantie, stable et automatique) et de la région a pu les pousser (en particulier les communes) à limiter leurs efforts afin de développer et améliorer les rendements et ressources de ses autres outils fiscaux. La fiscalité directe (taxes d’habitation, taxe foncière et taxe professionnelle) demeure ainsi relativement faible dans le total des ressources fiscales des collectivités locales9. 9 Bien que le potentiel fiscal dans les DOM soit plus faible qu’en métropole L’octroi de mer 207 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Extrait du décret n° 2004-1550 du 30 décembre 2004 pris pour l’application de la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer Art. 11. Pour l’application du deuxième alinéa de l’article 31 de la loi du 2 juillet 2000 susvisée, les conseils régionaux transmettent au représentant de l’Etat au plus tard à la fin du premier trimestre de chaque année un rapport annuel sur les écarts de taxation à l’octroi de mer et à l’octroi de mer régional. Ce rapport annuel précise par produits de la nomenclature tarifaire combinée et par secteur d’activités les justifications économiques des écarts de taux d’octroi de mer et d’octroi de mer régional fixés par délibérations du conseil régional. Les exonérations effectivement mises en œuvre au cours de l’année civile précédente dans chaque département d’outre-mer font l’objet d’une annexe détaillée par produits. Le rapport annuel permet de s’assurer que les exonérations accordées par les conseils régionaux sont à la fois nécessaires et proportionnelles au regard des handicaps structurels permanents subis par les entreprises de production des départements d’outre-mer. Le rapport établit notamment une distinction entre les exonérations prévues par les articles 5, 6, 7 et 37 de la loi du 2 juillet 2004 susvisée. Le rapport annuel comporte un examen de la portée économique des mesures d’exonération au regard du développement économique attendu dans les différents secteurs d’activités économiques où exercent les entreprises de production des départements d’outre-mer. Le rapport annuel précise le montant de la dépense fiscale pour la collectivité par secteurs d’activités. Les délibérations adoptées par le conseil régional au cours de l’année civile précédente sont annexées au rapport. Pour l’élaboration du rapport prévu au présent article, les administrations financières transmettent aux conseils régionaux les informations statistiques et non nominatives. Extrait du décret n°2004-1550 du 30 décembre 2004 pris pour l’application de la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer Article 4 I. - Pour l’application des articles 5 et 37 de la loi du 2 juillet 2004 susvisée et à la condition que le conseil régional ne mette pas en œuvre les dispositions du dernier alinéa de l’article 5, les assujettis dont le chiffre d’affaires atteint ou dépasse le seuil de 550 000 euros en cours d’année cessent d’être exonérés de plein droit de l’octroi de mer et de l’octroi de mer régional le 1er janvier de l’année civile suivant celle au cours de laquelle l’atteinte ou le franchissement du seuil est intervenu. Il en est de même lorsque l’atteinte ou le dépassement de ce seuil intervient au cours de la première année d’activité. II. - Si le conseil régional ne met pas en œuvre les dispositions du dernier alinéa de l’article 5 de la loi du 2 juillet 2004 susvisée, les entreprises de production visées à l’article 7 de la loi du 2 juillet 2004 susvisée dont le chiffre d’affaires relatif à leur activité de production passe en dessous du seuil de 550 000 euros sont exonérées de plein droit de l’octroi de mer et de l’octroi de mer régional à compter du 1er janvier de l’année civile suivant celle au cours de laquelle leur chiffre d’affaires de production est passé en dessous du seuil. L’octroi de mer 208 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix 4.2. Une fiscalité apparaissant injuste et dont échappe en grande partie le secteur des services Malgré des taux moins élevés pour les produits de première nécessité, l’octroi de mer constitue une imposition indirecte sur l’ensemble des produits qui, par nature, touche indifféremment l’ensemble des consommateurs, quel que soit leur niveau de revenu. De plus, l’octroi de mer entraîne des distorsions de taxation entre secteurs, puisqu’il ne touche que les produits physiques. Ainsi, le secteur des services (peu voire pas utilisateurs de produits physiques) bénéficie-t-il mécaniquement d’une imposition attractive. Il n’est, en effet, soumis qu’à un taux de TVA réduit (8,5 %) en application dans les DOM (sans être soumis à l’octroi de mer). Comparativement, en métropole, le secteur des services est soumis au même taux de TVA (19,6 %) que les autres secteurs. L’intégration du secteur des services, dont les activités dans leur ensemble sont peu concurrencées à l’international, à l’assiette d’imposition permettrait de développer le potentiel fiscal de la Martinique. À terme, de nouvelles ressources fiscales pour le territoire seraient donc disponibles. 5. Les scénarios possibles d’évolution du dispositif d’octroi de mer 5.1. Scénario 1 : en cas de maintien de l’octroi de mer après 2014, un perfectionnement du système est nécessaire, en premier lieu à travers sa déductibilité L’octroi de mer constitue un outil fort de développement local, permettant à la fois de soutenir les entreprises martiniquaises et d’affecter directement des ressources aux collectivités locales du territoire (correspondant à un substitut de TVA qui, elle, n’est pas affectée au territoire). Néanmoins, s’il a assuré son rôle de ressource fiscale, il n’a pas pleinement atteint son rôle de soutien à l’économie locale et est un des facteurs importants de la vie chère à la Martinique. Face aux difficultés dans sa gestion, les acteurs publics (régions, services étatiques déconcentrés, Commission et Conseil européens), dans leurs interprétations incertaines, n’ont pas eu une implication suffisante afin de favoriser une gestion « dynamique » de cet outil. Si le dispositif d’octroi de mer est susceptible d’être renouvelé en 2014, il convient de le perfectionner et de le rendre plus transparent : - il doit continuer d’encourager l’émergence d’activités économiques sur le territoire martiniquais avec un important contenu local - emplois et valeur ajoutée ; - il doit permettre le maintien de recettes importantes pour les L’octroi de mer 209 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix collectivités locales, en particulier pour les communes (bien qu’il convienne de développer d’autres sources de recettes fiscales, en particulier dans la fiscalité directe) ; - - - l’analyse prospective (ex-ante) des impacts des mesures envisagées ainsi que l’évaluation des mesures passées (ex-post) doivent être effectives : - l’évolution des taux d’octroi, les exonérations et différentiels de taux, la péréquation des recettes entre communes et leur pertinence au regard des objectifs de développement économique doivent être évalués, - cette évaluation doit associer l’ensemble des partenaires économiques et sociaux et faire émerger les décisions de la région en toute indépendance10 ; enfin, le principe de neutralité fiscale doit être atteint : - l’octroi de mer ne doit pas entraîner les effets cumulatifs de surmarges sur taxes le long du circuit de distribution (depuis l’importation du bien jusqu’à sa distribution), vecteur d’effets inflationnistes et de surcoûts pour les consommateurs, - il ne doit pas toucher indifféremment l’ensemble des personnes, quel que soit leur niveau de revenu, - l’effet pervers d’une économie centrée sur les PME doit être levé, en permettant aux secteurs identifiés comme prioritaires de continuer à bénéficier des exonérations – tout du moins sur une période déterminée – et en garantissant le maintien de l’exonération pour une part de l’activité correspondant à 550 000 euros, même si ce chiffre d’affaires et dépassé ; la sensibilisation au niveau européen (Commission et Conseil européens) ne doit pas uniquement transiter par les représentations des entreprises martiniquaises : l’ensemble des acteurs économiques et sociaux doit être intégré à cette réflexion. Le perfectionnement du dispostif d’octroi de mer ne doit néanmoins pas masquer le fait que seuls les biens y sont assujettis. Le secteur des services (hormis à travers leurs consommations intermédiaires de produits) sont exclus du champ de l’octroi de mer. Plusieurs études sont en cours sur l’octroi de mer et son maintien audelà de 2014 au niveau du ministère de l’Outre-mer et des conseils régionaux des différents DOM : l’ensemble des acteurs doit être sensibilisé dans une démarche de transparence afin de favoriser la connaissance commune de cet outil. Il est, par ailleurs, souhaitable que cet outil soit véritablement coordonné avec les autres outils de 10 Cette évaluation ne peut se cantonner à la seule Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer, créée en application de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique outre-mer et par le décret du 1er septembre 2010 (n°20101048), bien que cette dernière puisse jouer un rôle majeur dans la coordination des travaux. L’octroi de mer 210 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix soutien à l’économie locale, ce qui n’a pas forcément été le cas jusqu’à maintenant. Enfin, afin d’en limiter les effets inflationnistes, la solution la plus appropriée serait la mise en œuvre de sa déductibilité qui permettrait une baisse sensible des prix aux consommateurs de l’ensemble des produits y étant soumis, et ce avec un niveau de ressources fiscales proche. En parallèle, les entreprises, également bénéficiaires de cette mesure doivent s’engager aussi sur le maintien de taux de marges similaires. 5.2. Scénario 2 : en cas de non-renouvellement de l’octroi de mer en 2014, un transfert vers la TVA permettrait de disposer d’un dispositif fiscal plus transparent et plus juste L’abandon de l’octroi de mer au profit d’une hausse des taux de TVA (actuellement réduits dans les DOM) peut apparaître comme une alternative opportune, conditionnée néanmoins : - d’une part, à la garantie de son affectation aux recettes fiscales des collectivités martiniquaises (région et communes) ; - d’autre part, au maintien de différentiels de taux entre importations et productions locales afin de maintenir une politique incitative dans l’économie locale. À l’image des différentiels de taux existant pour l’octroi de mer, des différentiels de taux de TVA (et exonérations), tout comme l’affectation des ressources aux budgets des collectivités martiniquaises apparaissent compatibles avec l’article 349 (ex-article 299) du traité de l’Union européenne11 et l’article 73 de la Constitution française12. Comparativement à l’octroi de mer, la TVA dispose d’un grand nombre d’atouts : - contrairement à l’octroi de mer, elle est neutre fiscalement et n’a pas d’incidence sur le cumul des marges le long du circuit de distribution, facteur de « vie chère » important ; - le potentiel fiscal serait supérieur, avec une assiette qui serait étendue à l’ensemble des produits et services (et non plus seulement aux produits) ; - elle permettrait une meilleure transparence fiscale, les complexités du dispositif de l’octroi de mer n’étant qu’imparfaitement connues de l’ensemble des acteurs économiques et de la population. 11 « Les mesures visées au premier alinéa [mesures spécifiques visant à fixer les conditions de l’application des traités à ces régions] portent notamment sur les politiques douanières et commerciales, la politique fiscale, les zones franches, les politiques dans les domaines de l’agriculture et de la pêche, les conditions d’approvisionnement en matières premières et en biens de consommation de première nécessité, les aides d’État et les conditions d’accès aux fonds structurels et aux programmes horizontaux de l’Union. » 12 « Les collectivités régies par le présent article peuvent être habilitées, selon le cas, par la loi ou par le règlement, à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi ou du règlement. » L’octroi de mer 211 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Par ailleurs, la TVA étant déjà en place à la Martinique, les coûts et procédures « d’adaptation » depuis l’octroi de mer (perçu par les douanes) vers la TVA (perçue par les services fiscaux) seraient relativement limités. L’octroi de mer 212 4. Ressources publiques et spécificités de la fiscalité à la Martinique Les finances publiques domiennes ont une influence importante sur le pouvoir d’achat des ménages. En effet : - d’une part, au regard de leurs spécificités (éloignement, insularité, absence d’économies d’échelle, etc.), les DOM disposent de ressources publiques complémentaires, en particulier en provenance de l’Europe, devant permettre une croissance rapide et une convergence vers la situation économique et sociale existante en métropole ; ces objectifs ont un impact sur le pouvoir d’achat des ménages, à travers les politiques sociales et d’emploi mises en œuvre ; - d’autre part, le dispositif fiscal domien connaît un nombre important de spécificités qui affecte le pouvoir d’achat des ménages. 1. Ressources en provenance de métropole et d’Europe 1.1. La progression des transferts nets depuis la métropole Les transferts nets (dépenses – recettes) de l’État depuis la métropole, comprenant les budgets des administrations d’État (y compris les fonds européens) ainsi que les prestations sociales (RMI/ RMA, assurance maladie, assurance vieillesse, assurance chômage), ont fortement augmenté sur longue période. Ces transferts nets à la Martinique représentent 1,5 milliard en 2007 et 1,4 milliard en 2008. Depuis les années 1990, l’augmentation de ces transferts est portée principalement par les fonds européens dans le cadre des objectifs de convergence. 1.2. Les fonds européens et leur coordination avec les instruments nationaux Tout comme les autres régions d’Europe, la Martinique est éligible aux fonds structurels européens ; les dernières programmations ont été mises en place pour les périodes 2000-2006 puis 2007-2013. 213 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Fiscalité 214 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Le Programme opérationnel 2007-2013 de la Martinique (source : Commission européenne) Objet et finalité du programme La stratégie du Programme opérationnel, en cohérence avec les orientations stratégiques communautaires et le cadre stratégique national, vise à : • renforcer la spécialisation des secteurs ayant déjà développé une expertise et identifier les secteurs émergents ; • poursuivre le désenclavement géographique et numérique du territoire ; • assurer une bonne gestion de l’environnement et une bonne préservation du patrimoine naturel ; • améliorer l’accès à la formation et à l’emploi pour favoriser le dynamisme économique ainsi que l’accès aux activités sportives et aux soins de santé. Effets escomptés des investissements La mise en œuvre du programme repose sur des objectifs à atteindre d’ici à 2013 : • le dépôt de 70 brevets ; • le recrutement de 39 chercheurs, dans les secteurs public et privé ; • la réalisation d’un saut technologique pour 210 à 280 entreprises ; • la création de 140 à 175 start-ups.; • la conclusion de 2010 accords de collaboration entre instituts de recherche et entreprises ; • la génération de 175 nouveaux procédés ou produits ; • l’augmentation de 64 à 67 % du taux d’entreprises ayant une longévité moyenne de trois ans ; • l’amélioration du réseau de transport urbain et son extension à 274 000 personnes ; • l’extension de la télé-déclaration en ligne à 30 établissements publics ; • l’extension à 311 établissements scolaires du réseau à haut débit ; • l’augmentation du nombre de nuits en hôtel de 2 % par an, soit de 1 100 000 à 1 268 000 ; • l’amélioration des capacités d’approvisionnement en eau potable, de 137 000 à 147 000 mètres cubes ; • la réduction des tonnes de CO2, estimée à 174 000. Priorités La mise en œuvre du programme de développement régional repose sur sept domaines d’intervention : • le développement économique, l’innovation et la recherche ; • l’accessibilité du territoire ; • la mise en valeur du potentiel local ; • la gestion de l’environnement ; • la poursuite de l’effort en matière d’équipements, d’éducation et de santé dans la perspective de garantir la cohésion sociale ; • la compensation des surcoûts résultant de l’ultrapériphérie et d’autres handicaps structurels ; • l’assistance technique. Fiscalité 215 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Par ailleurs, l’Union européenne prend en considération la situation spécifique des régions ultrapériphériques (RUP) et les handicaps auxquels elles sont confrontées, en leur allouant des majorations spécifiques. Ainsi, la politique européenne de cohésion 2007-2013 a prévu pour les départements d’outre-mer français : - des niveaux d’assistance des fonds structurels (FEDER et FSE) majorés de 85 % ; - une allocation spécifique pour compenser les surcoûts imputables aux handicaps liés à leur condition de région ultrapériphérique. Cette allocation représente 481,6 millions d’euros pour les quatre premiers départements d’outre-mer sur la programmation 2007-2013, soit 120,3 millions pour la Guadeloupe, 107 millions pour la Martinique, 206 millions pour l’île de la Réunion et 48,3 millions pour la Guyane. Sur la période 2007-2013, les fonds européens représentent 624 M€ de crédits ouverts. Néanmoins, fin 2009, les crédits versés ne représentaient que 4 % des crédits ouverts, et les crédits engagés 13 %1. En effet, la complexité des procédures européennes a pu engendrer un allongement des délais de décaissement. En outre, l’engagement (puis le décaissement) des fonds européens est conditionné par la mise en œuvre d’une contrepartie nationale, prévue dans le cadre du programme opérationnel (PO) et des contrats de projet État-région (CPER). Afin d’harmoniser les programmes nationaux et européens et afin de répondre au principe d’« additionnalité » requis par les procédures européennes2, le calendrier des contrats de projet État-région (CPER)3 1 À titre de comparaison, fin 2009 les crédits européens versés fin 2009 à la Réunion représentaient 10 % des crédits ouverts, et les crédits engagés 30 %. 2 L’article 15 du règlement N°1083/2006 du Conseil européen portant disposition des fonds structurels européens indique que les crédits des fonds structurels européens ne peuvent se substituer aux dépenses structurelles publiques nationales que l’État maintient dans l’ensemble des régions concernées. Une vérification de la mise en œuvre effective de ce principe d’additionnalité est prévue en 2011, à mi-parcours de la programmation 2007-2013, et d’ici à la fin 2016. 3 Les CPER, créés initialement en 1982, sont des documents dans lesquels l’État et une région (ainsi que d’éventuelles autres collectivités) s’engagent sur une programmation pluriannuelle pour le financement de projets dans le domaine de la cohésion économique, Fiscalité 216 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix est calé sur les programmes européens. La dernière programmation du CPER est ainsi en phase avec la programmation européenne sur la période 2007-2013. La déclinaison martiniquaise du contrat intègre le département. Le CPERD (contrat de projet État-région-département) pour la Martinique dispose de 457 M€ de crédits publics ouverts (155,3 M€ de l’Etat, 165,7 M€ du Conseil régional et 134,1 M€ du Conseil général), auxquels s’ajoutent les crédits européens (190,9 M€ au titre du FEDER, 46,5 M€ du FEADER, 8 M€ du FSE et 4 M€ du FEP – soit un total de 249,4 M€). Néanmoins, tout comme pour les fonds d’origine européenne, les fonds nationaux du CPERD connaissent un niveau faible d’engagement (14 % du total des fonds à fin 2009) et de versement (1,9 % à fin 2009). Concernant le principe « d’additionnalité » requis au niveau européen, M. Doligé indique dans son Rapport d’information au Sénat sur la situation des départements d’outre-mer n°519 (7 juillet 2009) : « cette règle a vocation à responsabiliser les collectivités territoriales et à garantir la pertinence et la qualité des investissements. Si, de manière générale, elle est vertueuse, dans les DOM, de nombreuses communes sont dans des situations budgétaires telles qu’elles ne sont pas en mesure d’apporter cette part des fonds nécessaire à l’obtention des subventions ». Par ailleurs, les difficultés de montage des dossiers et, par conséquent, de décaissement des fonds européens résultent d’un manque de maîtrise des procédures par les collectivités locales, auquel il convient de remédier. L’après-2014 : les perspectives des fonds européens à la Martinique Avant 2004, les régions ultrapériphériques françaises étaient classées parmi les régions les plus pauvres de l’Union européenne (avec un PIB par habitant inférieur à 75 % de la moyenne européenne). Dans le cadre de la politique européenne de convergence, elles bénéficient actuellement (sur la programmation 2007-2013) d’importants fonds structurels. L’intégration successive dans l’Union européenne (2004 et 2007) de douze nouveaux États a entraîné mécaniquement une diminution du niveau moyen de la richesse par habitant. De ce fait, certains DOM (et en particulier la Martinique, son PIB par habitant se rapprochant du seuil de 75 %) pourraient ne plus être éligibles à l’ensemble des fonds de convergence à partir de 2014. Pour la programmation 2007-2013, un régime transitoire dégressif (nommé « phasing-out ») est accordé aux régions qui auraient été éligibles à l’objectif « convergence » si le seuil était resté à 75 % du sociale et culturelle des territoires (par exemple des projets d’infrastructure ou de soutien à certaines filières). Fiscalité 217 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix PIB par habitant moyen de l’UE à 15, et non à 25. Le maintien de ce principe n’a pas encore été arrêté pour la programmation débutant en 2014. Néanmoins, le seuil calculé pour l’ensemble de l’Union européenne ne devrait pas, en définitive, être encore atteint à la Martinique en 2014, qui continuerait ainsi à être éligible à l’ensemble des outils européens de convergence après 2014. 2. Les spécificités de la fiscalité à la Martinique 2.1. Le financement des collectivités locales Une fiscalité locale assise principalement sur la fiscalité indirecte, aux dépens de la fiscalité directe Comme pour les autres DOM, la fiscalité de la Martinique est historiquement assise sur les intrants sur le territoire, à travers les droits de douanes. Aujourd’hui, l’impôt indirect (octroi de mer, TVA, taxe sur la consommation de tabac) constitue la principale source de recettes des collectivités locales réunionnaises. Fiscalité 218 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Les ressources fiscales des collectivités locales réunionnaises sont déséquilibrées, s’appuyant principalement sur l’impôt indirect, la fiscalité directe demeurant limitée. À l’inverse, les recettes de l’État à la Martinique sont équilibrées entre impositions directe et indirecte et suivent les mêmes tendances. Une part des recettes fiscales en progression mais encore limitée dans les ressources des collectivités locales En 2008, les recettes fiscales représentent respectivement 73 %, 58 % et 58 % des recettes de fonctionnement de la région, du département et des communes martiniquaises. Comparativement aux collectivités de métropole, les recettes de l’impôt indirect sont très élevées à la Martinique, en particulier pour la région et le département4. À l’inverse, les recettes des impôts directs sont faibles et ne représentent, en 2008, que 8 % des recettes de fonctionnement de la région et 15 % de celles du département. 2.2. Une fiscalité directe avantageuse pour les contribuables L’abattement de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés Outre les mesures de défiscalisation introduites (ou renouvelées) dans le cadre de la LODEOM, les assujettis à l’impôt sur les sociétés (IS) et à l’impôt sur le revenu (IR) bénéficient de mesures d’abattement supplémentaires comparativement à la métropole. Pour l’impôt sur les sociétés, l’abattement est d’un tiers de l’impôt sur les sociétés : les résultats (bénéficiaires ou déficitaires) des exploitations situées dans les DOM ne sont retenus, pour le calcul de l’impôt sur les sociétés, que pour les deux tiers de leur montant. 4 Le département récupère, depuis 2005, une fraction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP). Fiscalité 219 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Au final, seuls les ménages disposant de revenus élevés bénéficient véritablement de la mesure d’abattement d’IR de 30 %. Pour mémoire, à la Martinique, seulement 14,9 % des foyers fiscaux ont un revenu supérieur à 28 751 € et seulement 5,4 % supérieur à 48 750 € (données DGFiP revenus de 2007). Fiscalité 220 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Pour l’impôt sur le revenu, l’abattement, de 30 %, est plafonné à 5 100 € à la Martinique (comme à la Guadeloupe et la Réunion) ; une réduction de 16 % des plus-values de cession de titres est également appliquée. Comme le montrent les simulations suivantes, seule une faible part (la plus aisée) de la population bénéficie de cette mesure d’abattement de l’IR. La faiblesse du rendement des taxes de la fiscalité directe locale Les taxes de fiscalité directe locale sont : - la taxe d’habitation, à laquelle sont soumises les personnes physiques et entreprises ; - la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) ; - la taxe foncière sur les propriétés non bâties ; - la contribution économique territoriale (CET) et l’imposition forfaitaire des entreprises de réseau (IFER), appliquées aux entreprises (remplace la taxe professionnelle depuis 2011). Fiscalité 221 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Le rendement de ces taxes est plus faible à la Martinique qu’en métropole, principalement en raison : - d’un recensement de la base fiscale plus faible (bien qu’elle soit progressivement améliorée) ; - de la faiblesse des bases d’imposition elles-mêmes, en raison des exonérations spécifiques concernant la taxe d’habitation et les taxes sur le foncier ; - d’une base d’imposition centrée en priorité sur l’imposition indirecte (octroi de mer, droit de consommation sur le tabac, TVA). 2.3. La fiscalité indirecte, première source de recettes pour les collectivités locales Elle repose sur quatre outils, parmi lesquels l’octroi de mer et la TVA. L’octroi de mer, principale source de financement des communes et financeur important des régions L’octroi de mer a pour avantage la simplicité de son prélèvement (à l’entrée), notamment pour une île comme la Martinique, où seuls deux points de contrôle existent : le port et l’aéroport. Il constitue la première source de recettes fiscales pour les communes et assure une forte contribution au budget de la région (cf. partie 4). La taxe spéciale de consommation sur les produits pétroliers (TSC) Elle se substitue à la TIPP perçue en métropole et est affectée au budget de la région. Cette ressource est destinée principalement au développement des routes à travers le fonds d’investissement routier (FIR). Fiscalité 222 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Droit de consommation sur le tabac Cette ressource est décidée par le département et affectée à son budget. Son montant (en taux) est compris entre 66 % et 100 % du prix de vente au détail en France métropolitaine. TVA : taux réduits et TVA NPR En matière de TVA, les DOM sont considérés comme des territoires tiers vis-à-vis de l’Union européenne : les biens en provenance de France métropolitaine (ou tout autre État) sont considérés comme des importations, et la TVA est payée à l’arrivée de la marchandise. Les taux de TVA sont plus faibles qu’en métropole afin de compenser – en partie – la taxation découlant de l’octroi de mer. Plusieurs exonérations de TVA existent5 (article 295 du code général des Impôts). Elles bénéficient par exemple aux transports maritimes de personnes et de marchandises (effectués dans les limites de chaque département), à certaines importations de matières premières et produits destinés principalement à destination des activités hôtelières et touristiques (article 50 undecies I de l’annexe IV du code général des Impôts), aux ventes de produits pétroliers. Une exception au paiement de la TVA existe également avec la TVA non perçue récupérable (TVA NPR). Découlant d’un courrier ministériel de 1953, la TVA NPR permet de déduire de la TVA collectée le montant fictif de TVA qui aurait été dû si les biens n’avaient pas été exonérés. Il s’agit donc d’une mesure d’incitation qui avait initialement pour objectif de répercuter cette économie en coûts sur les prix de vente au consommateur. Néanmoins, la mesure se présente davantage comme une subvention. Si la loi sur le développement économique de l’outre-mer (LODEOM) a légalisé la TVA NPR en 2009, elle l’a recentrée sur les seuls biens d’investissement productifs neufs acquis (ou importés) et sur certains intrants (comme les matériaux de construction). Les achats de matières premières et de produits par les entreprises n’y étant plus éligibles, une compensation par une aide au fret a été décidée. 5 L’équivalent de ces exonérations représente environ 100 M€ par an (pour la Martinique, Guadeloupe et Réunion) selon le document de politique transversale outre-mer 2011. Fiscalité 223 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix 3. La poursuite d’une stratégie de développement axée sur l’incitation fiscale avec la LODEOM 3.1. Des mesures de défiscalisation des investissements dans le secteur productif et le logement remontant aux années 1980 Afin de favoriser l’investissement outre-mer dans les domaines ciblés des secteurs productifs et dans le logement, tout en cherchant à limiter les dépenses publiques, une stratégie de défiscalisation est suivie dans les DOM depuis le milieu des années 1980, avec les lois Pons en 1986, Paul en 2001 et Girardin en 2003. Le dispositif fonctionne à travers une incitation fiscale (réduction d’au moins 50 % de l’IR pour les personnes physiques et réduction de l’IS pour les entreprises). Ces réductions concernent les contribuables domiciliés en France métropolitaine comme les contribuables domiciliés dans les DOM. Le dispositif de défiscalisation a été modifié dans le cadre de la loi n° 2009-594 pour le développement économique de l’outre-mer (LODEOM), promulguée le 27 mai 2009, qui présente le nouveau cadre de développement des DOM. 3.2. Des dispositions de la LODEOM principalement centrées sur la défiscalisation Les principales dispositions de la LODEOM visent le soutien au pouvoir d’achat, à l’économie et aux entreprises, à la relance de la politique du logement et la continuité territoriale. Ces mesures concernent6 : - la réglementation des prix des produits de première nécessité ; - les zones franches d’activité ; - la défiscalisation des investissements productifs ; - l’exonération de cotisations sociales et le plan d’apurement des dettes ; - l’aide à la rénovation hôtelière ; - le fonds exceptionnel d’investissement ; - la défiscalisation du logement social ; - le dispositif Scellier outre-mer ; - la continuité territoriale ; - la valorisation de la bagasse ; 6 Source : Rapport d’information sur la mise en application de la loi n°2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique de l’outre-mer, Assemblée nationale, 29 septembre 2010. Fiscalité 224 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix - les mesures au bénéfice des entreprises domiennes. La LODEOM s’appuie ainsi principalement sur des mesures d’incitation fiscale pour le développement économique de l’outre-mer. Les mesures de soutien au pouvoir d’achat Les mesures de soutien au pouvoir d’achat concernent : - la possibilité de réglementer, par décret en Conseil d’État, le prix de vente des produits de première nécessité (finalement non mise en œuvre, après l’avis de l’Autorité de la concurrence ne considérant pas que la concurrence par les prix soit « suffisamment » limitée) ; - la mise en place des observatoires des prix et des revenus (OPR) ; - la possibilité de verser aux salariés un bonus exceptionnel de 1 500 € (par an et durant trois ans) exclu de l’assiette de toute cotisation et contribution sociale. Les mesures de soutien à l’économie et aux entreprises centrées sur les allègements fiscaux Les zones franches d’activité (ZFA) L’instauration de zones franches d’activité par la LODEOM a renforcé l’allègement des prélèvements fiscaux concernant les entreprises, en augmentant les abattements sur les bénéfices imposables et en instaurant de nouveaux abattements. En contrepartie, l’entreprise bénéficiaire s’engage à des mesures supplémentaires dans la formation professionnelle. Le dispositif de ZFA pourrait concerner 20 000 entreprises d’outremer (estimation faite lors de l’élaboration de la loi) ; néanmoins aucun élément ne permet de connaître véritablement le nombre de bénéficiaires. La défiscalisation des investissements productifs Le dispositif permet au contribuable redevable de l’IR de réduire son impôt de 50 % du montant des investissements réalisés outre-mer. Les mesures d’exonérations spécifiques de charges sociales7 Afin de développer les activités économiques et l’emploi dans les départements d’outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon, un dispositif d’exonération de cotisations patronales de Sécurité sociale au profit de certaines entreprises installées en outre-mer a été mis en place. 7 Source : Iedom. Fiscalité 225 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix L’article 25 de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (LODEOM) a modifié le régime de cette exonération : - dépenses éligibles : cotisations sociales des salariés des entreprises, employeurs et organismes de droit privé dues à compter du 1er avril 2009 ; - dépenses exclues : cotisations sociales dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles. Le dispositif comprend un régime général et un régime préférentiel (dit « exonération renforcée »). La défiscalisation dans le logement, centrée principalement sur le logement social L’assiette de la réduction d’impôt est limitée à une surface comprise entre 50 et 150 mètres carrés. Trois changements sont introduits par la LODEOM : l’extinction de la loi Girardin, la création d’incitations fiscales pour le financement de logements sociaux et de résidences pour personnes âgées, et l’application, avec des taux plus favorables, du dispositif Scellier. Les principales autres mesures L’aide au fret L’aide au fret concerne les entreprises situées dans les départements d’outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Wallis-et-Futuna. Elle est destinée à abaisser le coût du fret des matières premières ou produits : importés dans ces départements ou ces collectivités pour y entrer dans un cycle de production ; - exportés vers l’Union européenne après un cycle de production dans ces départements ou ces collectivités. L’aide au fret en matière d’export ne concerne donc qu’exclusivement les échanges avec l’Union européenne8. Aide à la rénovation des établissements hôteliers Les établissements hôteliers de plus de 15 ans peuvent bénéficier pour leur rénovation d’une aide de 7 500 € par chambre, dans la limite de 100 chambres (valable une fois). Les travaux doivent être réalisés directement par l’exploitant, et avoir fait l’objet d’un agrément du ministre du Budget. 8 Le décret n°2010-1687 du 29 décembre 2010 concernant l’aide au fret prévoit dans son article 4 que le niveau de compensation des coûts de transport ne peut dépasser 75 % de la base éligible (avec une aide de l’Etat limitée à 25 % du coût total éligible). L’aide au fret devra faire l’objet d’un rapport annuel établi par le représentant de l’État dans chaque département (et communiqué aux observatoires des prix) Fiscalité 226 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Le fonds exceptionnel d’investissement (FEI) Ce fonds, créé dans le cadre de la LODEOM, vise à apporter une aide financière de l’État aux personnes publiques des collectivités d’outremer et de Nouvelle-Calédonie. Les crédits du fonds ont été abondés en 2009 dans le cadre du Plan de relance de l’économie : 158 M€ d’autorisations d’engagement (AE) et 46 M€ de crédits de paiement (CP) ont été consommés en 2009. Ramené par la loi de finances 2010, à 40 M€ d’AE et 17 M€ de CP, l’abondement à ce fonds en 2011 comprend 10 M€ d’AE et 21,5 M€ de CP (dont 19 M€ servant à payer des actions déjà engagées, moins de 3 M€ pouvant servir à de nouvelles opérations). En définitive les fonds véritablement mobilisables dans le cadre du FEI sont extrêmement limités. 3.3. Les « coups de rabot » de la dépense fiscale dans les DOM dans le cadre de la loi de finances 2011 La loi de finances 2011 prévoit de réduire les effets des mesures de défiscalisation. Si les mesures en métropole concernent principalement l’application d’une réduction moyenne de 10 % sur l’ensemble des dispositifs, les avantages fiscaux spécifiques des DOM évoluent de manière différenciée, avec le maintien des mesures prioritaires de soutien de l’emploi et du logement social. Pour les investissements productifs industriels outre-mer, la baisse de 10 % du taux de défiscalisation est prévue (uniquement côté investisseur, l’exploitant ultramarin conservant le même avantage). 4. Faible efficacité des mesures de défiscalisation au regard des coûts et effets pervers en découlant 4.1. Consensus sur la carence d’évaluation des mesures de défiscalisation et leurs coûts associés Toutes les analyses, qu’elles émanent de l’administration (inspection générale des Finances, inspection générale de l’Administration), de la Cour des comptes (Conseil des prélèvements sociaux) ou encore de missions parlementaires ou sénatoriales, partagent le même constat vis-à-vis des mesures d’incitation fiscale dans les DOM : elles se révèlent illisibles et ne font pas l’objet de mesures d’évaluation (ni lors de leur mise en place, ni rétrospectivement) sur l’effectivité – ou non – des résultats attendus. Fiscalité 227 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Définition de la dépense fiscale L’expression « dépenses fiscales » est apparue en 1979 dans le rapport annuel du Conseil des impôts. La loi de finances de 1980 dispose que le gouvernement retracera l’évolution des dépenses fiscales dans le fascicule Voies et moyens annexé au projet de loi de finances. Le fascicule annexé à la loi de finances de 1981 donne une définition de la notion de dépense fiscale : « peut être qualifiée de dépense fiscale toute disposition législative ou réglementaire dont la mise en œuvre entraîne pour l’État une perte de recettes et donc pour le contribuable un allégement de sa charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de l’application de la norme, c’est-à-dire des principes généraux du droit fiscal français ». On remarque immédiatement que cette définition implique que la norme fiscale soit fixée. Or, aucun document officiel ne décrit l’ensemble des principes de la fiscalité française. Aussi ne s’étonnera-t-on pas que, au fil du temps, le concept de dépense fiscale évolue. En 1998, une nouvelle définition est donnée. Les critères désormais mis en avant sont l’ancienneté et, surtout, « le caractère général de la mesure : une disposition applicable à la grande majorité des contribuables peut être considérée comme la norme (par exemple, l’abattement de 20 % sur les traitements et salaires). À l’inverse, l’avantage accordé à une catégorie particulière de contribuables ou d’opérations constitue une dépense fiscale ». Source : Conseil des prélèvements obligatoires, octobre 2010 4.2. Les effets pervers de la défiscalisation La dépense fiscale à la Martinique (et dans les DOM) : manque à gagner pour la collectivité Les mesures d’incitation fiscale constituent une dépense fiscale, dans le sens où elles entraînent, pour l’État, une perte de recette. Pour l’ensemble de l’outre-mer (il n’existe pas d’éléments chiffrés pour chaque département), la dépense fiscale estimée pour 2011 est de 3,2 milliards d’euros selon le dernier document de politique transversale (DPT). Néanmoins, ces éléments restent à prendre avec précaution, des différences importantes existant d’une année sur l’autre dans les chiffres annoncés9. Il convient, par ailleurs, de retrancher de ce montant de dépense fiscale la partie de réduction des taux de TVA que récupèrent les communes et régions d’outre-mer sous forme d’octroi de mer (soit 1 160 M€ prévus en 2009), ainsi que la TIPP (131 M€ en 2009). Des mesures inégalitaires Ces mesures sont « inégalitaires » dans le sens où seules les personnes physiques ou morales possédant la capacité (financière) de défiscaliser peuvent utiliser cet outil de réduction du montant de leur impôt. Elles engendrent également un effet pervers sur les prix, notamment dans le secteur de la construction, en générant une pression forte sur le foncier en raison de la multiplication des investissements, 9 Ces chiffres sont par ailleurs régulièrement remis en cause. Une mission d’audit et de modernisation sur le dispositif de suivi et de pilotage de la dépense de l’État outre-mer, en février 2007, indiquait : « en conclusion quant au DPT, la mission estime que les informations y figurant ne sont pas fiables, alors même que la production de ce document répond à une obligation légale, en vue d’informer le parlementaire et le citoyen. En outre, sa structure n’est pas cohérente. Cette situation affecte la crédibilité du ministère de l’Outre-mer. » Fiscalité 228 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix mais aussi sur les prix des services dans le bâtiment. Elle peut ainsi aboutir, par effet d’aubaine, à des surinvestissements dont l’efficacité économique est loin d’être vérifiée. Par effet cliquet, elles sont source d’inégalités face à l’impôt en opposant, d’un côté, les bénéficiaires des dispositions cherchant à maintenir le système à leur profit et, de l’autre, des contribuables supportant l’impôt. Ces derniers peuvent ainsi remettre en cause la légitimité de supporter l’impôt, alors que d’autres bénéficient de privilèges fiscaux. En définitive, la pression fiscale se renforce principalement sur les consommateurs. Une efficacité économique et sociale jugée faible Les mesures de défiscalisation, s’appliquant principalement sur la fiscalité directe (IR, IS, taxes locales), peuvent en réduire l’efficacité ainsi que le rendement (déjà peu performant, en particulier dans les DOM, comparativement à la fiscalité indirecte) et privilégier encore davantage la fiscalité indirecte (plus injuste socialement). Elles favorisent ainsi la pérennisation et le développement de la fiscalité indirecte dans les DOM. A l’inverse, la fiscalité directe subit le double handicap de son faible développement comparativement à la métropole et des mesures de défiscalisation en limitant son rendement. Par ailleurs, le caractère transitoire et la complexité dans la mise en place de ces mesures expliquent qu’une grande partie de leurs effets en termes d’incitation économique soit « captée » par les cabinets de défiscalisation. En définitive cela limite donc l’efficacité des mesures, tout en représentant un coût élevé en termes de dépenses publiques (manque à gagner) pour la collectivité. Le caractère transitoire ne permet pas non plus le développement pérenne de filières dont les plans d’investissement s’appuient quasiexclusivement sur le « potentiel de gain fiscal », la suspension des mesures engendrant des frustrations (comme c’est le cas avec les mesures prises dans le cadre de la loi de finances 2011). Enfin, elle limite la crédibilité de la France dans ses engagements internationaux de lutte contre les paradis fiscaux, en maintenant sur son territoire des zones de forte incitation fiscale (dans les DOM). 4.3. Des mesures à prendre afin de limiter les effets pervers et l’inefficacité des politiques fiscales Il convient ainsi de limiter à la fois le nombre et le volume des mesures de défiscalisation en favorisant essentiellement les incitations par le financement de l’économie grâce à un système de subventions en remplacement de mesures de « dumping fiscal ». Fiscalité 229 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Concernant les dispositifs de défiscalisation en cours, il conviendrait d’augmenter la visibilité des mesures prises et de pratiquer une évaluation indépendante et systématique de chacune afin de justifier (ou non) de leur efficacité. Cette évaluation doit intégrer l’ensemble des partenaires sociaux. Comme le souligne et le propose le Conseil des prélèvements obligatoires10, concernant les zones franches d’activité en outremer : « le gouvernement s’était engagé à évaluer tous les trois ans l’impact socio-économique du dispositif avec une mesure de ces effets sur l’emploi. Mais, sauf erreur, il ne semble pas que cela ait été réalisé. L’efficacité de cet abattement, dont le coût est évalué de manière sommaire à 50 M€, reste ainsi incertaine ». Le Conseil des prélèvements obligatoires propose ainsi de mettre fin à la multiplicité des zonages territoriaux, laquelle contribue à l’illisibilité de l’impôt et est porteuse d’effets d’aubaine sans bénéfice économique avéré. Il propose deux options : - option a : choisir un modèle unique de zone franche et l’appliquer à tous les territoires aidés ; - option b : supprimer les exonérations fiscales territoriales au profit d’une politique de développement (hors de tout zonage) des infrastructures et services publics. Réduire l’abattement de l’IR et l’affecter au développement local Dans une logique d’équité face à l’impôt concernant les abattements de l’impôt sur les personnes (IR), deux solutions (non exclusives) peuvent être mises en œuvre : - réduire progressivement le taux d’abattement de 30 % de l’impôt sur le revenu pour revenir aux mêmes niveaux qu’en métropole, en ramenant à moyen terme le taux d’abattement à 0 %; - diminuer progressivement le seuil de 5 100 € d’abattement, en le ramenant progressivement à 0 €. Les fonds ainsi dégagés doivent en parallèle être affectés aux politiques économiques et sociales du territoire martiniquais. Limiter la progression de la fiscalité indirecte au profit de la fiscalité directe Il convient de contenir la progression de la fiscalité indirecte en la recentrant sur la fiscalité directe, encore largement inférieure à celle existant en métropole. 10 Les dépenses fiscales ouvertes aux entreprises soumises à l’impôt sur le revenu, juillet 2010, Conseil des prélèvements obligatoires. Fiscalité 230 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Sortir d’une logique dans laquelle la réforme équivaut à une baisse des moyens Quelles que soient les mesures mises en place, les fonds dégagés par la réduction des incitations fiscales doivent être pérennisés et se maintenir à destination de la Martinique. Elles doivent abonder un fonds restant à destination du territoire11. Ce principe, pourtant nécessaire afin de légitimer une modification des politiques de développement en réduisant les mesures de défiscalisation, ne semble malheureusement pas acquis : la proposition d’amendement n°II 28 concernant la loi de finances 2011 a ainsi été rejetée le 29 octobre 2010 à l’Assemblée nationale, alors qu’elle indiquait : « Cet amendement vise à vérifier que les économies réalisées par les différentes réformes de la défiscalisation des investissements outre-mer, celles de l’ITR et de la TVA NPR ont bien été réinjectées dans l’outre-mer (…). » 11 M. Jean-Jacques de Peretti, ministre de l’Outre-mer en 1996, avait tenté un tel mécanisme concernant les rémunérations complémentaires des fonctionnaires en proposant, d’une part, de maintenir le niveau de rémunération actuel des agents en poste dans les DOM et, d’autre part, de réinjecter sur les territoires l’intégralité des crédits d’État dégagés par la réduction des rémunérations des futurs fonctionnaires (au profit d’actions en faveur de la création d’emplois). La réforme n’avait en définitive pas abouti. Fiscalité 231 Une répartition inégale des richesses 5. 1. Accentuation des inégalités 1.1. Des inégalités de niveau de vie marquées entre les départements caribéens et la métropole La moitié des ménages des départements d’outre-mer ont un niveau de vie mensuel après impôts et prestations sociales inférieur à 800 euros par unité de consommation (UC), selon les données 2006 de l’Insee1. En métropole, ce niveau de vie médian est de 1 281 euros, soit 60 % de plus. En une décennie cependant, l’écart de niveau de vie avec la métropole s’est partiellement résorbé. En 1995, en effet, les ménages ultramarins avaient un niveau de vie médian égal à un peu plus de la moitié de celui de la métropole. Dix ans plus tard, il représente un peu plus de 60 % de celui de la métropole. Cette progression résulte principalement de l’évolution des transferts sociaux : minima sociaux, allocations familiales, aides aux logements et indemnités chômage qui, sur la période, ont pris une part plus importante dans les ressources des ménages domiens. Ce niveau de vie médian est globalement identique dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Réunion. Seule la Martinique se distingue avec un niveau de vie médian plus élevé avec 844 € par mois. Les ménages d’outre-mer se caractérisent ainsi par un niveau de vie plus faible qu’en métropole et de plus les disparités sont plus fortes. Pour l’ensemble des DOM, les ménages appartenant aux 20 % les plus riches ont un revenu plancher 3,2 fois supérieur au revenu plafond des ménages appartenant aux 20 % les plus modestes. Ce rapport est de 2,2 en métropole et de 3,4 à la Martinique. En 2006, les ressources des ménages métropolitains sont constituées : de revenus d’activité pour 60 %, de retraites pour 25 %, de prestations familiales pour 5 %, de revenus du patrimoine pour 5 % et pour 5 % de minima sociaux, aides au logement et chômage. 1 Christophe Michel, Maël Theulière et Nathalie Missègue, « Les inégalités de revenus entre les DOM et la métropole », Insee Première, février 2010 232 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Dans les DOM, la part des revenus d’activité dans les ressources est identique à celle de la métropole alors que celle des retraites est sensiblement inférieure (15 %). À l’inverse, les minima sociaux (6 %), les prestations familiales (8 %) et dans une moindre mesure les allocations chômage (4 %) représentent une part plus significative qu’en métropole. À la Martinique, si les revenus d’activité sont en proportion plus élevés qu’en métropole, les pensions et retraites sont inférieures. Par ailleurs, comme pour les autres DOM, les minima sociaux prennent une part plus importante dans les ressources des ménages qu’en métropole. Une partie des différences de revenus par unité de consommation s’explique par les caractéristiques sociodémographiques propres aux DOM (voir page suivante). La population ultra-marine, notamment guyanaise et réunionnaise, est plus jeune que celle de la métropole, ce qui explique la moindre part des retraites dans les revenus des ménages. Les ménages d’outre-mer comptent davantage d’individus, ce qui induit mécaniquement un moindre revenu par unité de consommation (le nombre moyen d’unités de consommation par ménage est de 1,75 dans les DOM pour 1,6 en métropole). Par ailleurs, les familles monoparentales, plus fragiles économiquement tout comme les ménages dits « complexes » – soit en raison de la cohabitation de plusieurs générations soit en raison de la présence de personnes isolées sans lien de parenté – y sont plus nombreux. Ces ménages disposent généralement d’un revenu par unité de consommation inférieur à celui des couples. En effet, les personnes qui élèvent seules leurs enfants ne peuvent réaliser les économies d’échelle permises par la présence d’un second adulte, pas plus qu’elles ne bénéficient des ressources que ce dernier pourrait apporter. Les ménages atypiques ont, quant à eux, la particularité de compter plus de personnes que la moyenne. Une autre partie des différences s’explique par les caractéristiques du marché du travail. Le taux d’emploi des personnes en âge de travailler (de 15 à 64 ans) est nettement plus faible outre-mer avec : - une proportion d’inactifs – hors retraités et étudiants – dans la population deux fois plus élevée qu’en métropole, hormis en Martinique ; - une proportion de chômeurs dans l’ensemble de la population ultra-marine étant entre deux à quatre fois plus élevée qu’en métropole. Revenu des ménages et niveau de vie « Tous les membres d’un ménage ont par construction le même niveau de vie. Celui-ci est égal au revenu disponible du ménage divisé par le nombre d’unités de consommation (UC) de celui-ci. Le revenu disponible est l’ensemble des revenus de ses membres, après redistribution, c’est-à-dire après prise en compte des principales prestations sociales et paiement des impôts directs. Le nombre d’unités de consommation dépend du nombre de personnes que comporte ce ménage, pour tenir compte des économies d’échelle qui existent pour certaines dépenses. En effet, un ménage de deux personnes ayant un revenu deux fois supérieur à celui d’une personne vivant seule aura un meilleur niveau de vie, en raison des économies d’échelle que lui procure la vie de couple. Dans la pratique, le nombre d’UC est calculé à l’aide d’une échelle d’équivalence qui affecte un poids à chaque individu du ménage. L’échelle d’équivalence la plus utilisée est celle de «l’OCDE modifiée» qui attribue 1 UC au premier adulte du ménage, 0,5 UC aux autres personnes de 14 ans ou plus et 0,3 UC aux enfants de moins de 14 ans. » Source : Insee, Économie de la Réunion, n°134 Dans les DOM, au sein de la population active (personnes ayant un emploi et chômeurs), il y a proportionnellement plus d’employés et moins de cadres. Mais le poids du secteur public, y étant plus important qu’en métropole, tend à réduire les écarts entre territoires. En effet, lorsque la personne de référence est salariée du secteur public, le revenu par unité de consommation du ménage est plus élevé que celui des autres actifs en raison d’une surreprésentation des cadres dans le secteur public par rapport au secteur privé. Inégalités de revenus 233 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Source : Insee, enquête ê Budget de Famille DOM, 2006 Inégalités de revenus 234 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Selon l’Insee, ces différences de caractéristiques du marché du travail couplées aux différences démographiques avec la métropole expliquent près de la moitié des écarts constatés entre le niveau de vie des ménages domiens et métropolitains. Ainsi, entre les DOM et la province, l’écart de niveau de vie moyen est de 25 %. Toutefois, la politique salariale de l’État vis-à-vis des personnels de la fonction publique dans les DOM contribue à réduire Progression du revenu des ménages les plus aisés à la Martinique Source : Enquête budget de famille DOM, 2006 À la Martinique, sur la période 2001-2006, le revenu disponible des ménages accuse une baisse sensible pour les ménages des trois premiers quintiles. Seuls les ménages du dernier quintile, soit les 20 % des ménages les plus aisés, enregistrent une progression de leur revenu disponible sur la période. La baisse du revenu disponible moyen des ménages touche toutes les catégories socioprofessionnelles, sauf les ménages dont la personne de référence est cadre (de la fonction publique ou du privé) et dans une moindre mesure les employés du privé. Inégalités de revenus 235 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Calcul du taux de bas revenus « Dans les départements français d’Amérique, on calcule un taux de bas revenus à partir de l’enquête Budget de famille. Le revenu disponible net comprend l’ensemble des revenus d’activités, des transferts sociaux, les revenus du patrimoine et les loyers dits « imputés ». Ces derniers correspondent aux services de logement que les ménages propriétaires se rendent à eux-mêmes et permettent notamment de mieux comparer les niveaux de vie des propriétaires et des locataires. Sont ajoutés les transferts monétaires entre les ménages, afin de prendre en compte cette forme volontaire de redistribution. Le tout est minoré des impôts directs (impôts sur le revenu, taxes d’habitation et foncière). Le taux de bas revenus est égal à 60 % de ce revenu annuel médian par unité de consommation. » ces écarts. En effet, les fonctionnaires bénéficient de compléments de rémunération afin de tenir compte de l’éloignement et de compenser un coût de la vie plus élevé. On ne constate pourtant pas, en moyenne, de différence de niveau de vie pour les ménages dont la personne de référence travaille dans le secteur public. Ces écarts apparaissent marqués pour les autres ménages. Distance au seuil Le taux de bas revenus est un indicateur d’inégalité relative des revenus. Il indique la proportion de ménages se situant dans le bas de la distribution des revenus. Il est complété par la distance au seuil, égale au revenu moyen d’une catégorie considérée rapporté au seuil de bas revenus. Plus cette distance est proche de 1, plus la catégorie étudiée se rapproche du seuil. » Source : Insee Antilles-Guyane, Les inégalités aux Antilles Guyane : dix ans d’évolution, mai 2009 Une partie des écarts de niveau de vie entre les DOM et la métropole renvoie donc aux caractéristiques socioéconomiques domiennes comme le montant plus faible des retraites perçues, découlant d’un niveau d’activité plus faible, et un poids relatif plus important de la part des petites entreprises, où les salaires sont plus faibles que dans les grandes entreprises. 1.2. Forte progression des inégalités depuis 2001 dans les départements français d’Amérique (DFA) liée en grande partie à la situation de l’emploi Nous reprenons ici une partie de la publication Les inégalités aux Antilles Guyane : dix ans d’évolution, édité par l’Insee Antilles-Guyane en 20092. En 2006, selon l’Insee, le seuil de bas revenus budget de Famille s’élève à 567 € par mois pour la Guadeloupe, 616 € pour la Martinique et 496 € pour la Guyane. Ces niveaux demeurent inférieurs à celui de la France métropolitaine (880 €). Plus du quart des ménages dis- 2 Insee Antilles-Guyane, Les inégalités aux Antilles Guyane : dix ans d’évolution, mai 2009. Inégalités de revenus 236 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix posent d’un revenu inférieur à ce seuil en Guyane, et près de 20 % à la Martinique et 18 % en Guadeloupe. Outre ces disparités dans les distributions de revenus, l’évolution la plus marquante est la progression des inégalités entre 2001 et 2006, alors qu’elles s’étaient réduites entre 1995 et 2001. Le taux de bas revenus s’accroît de plus de 4 points en Guadeloupe et à la Martinique et de 1,5 point en Guyane. Ce qui confirme que, en définitive, la croissance du niveau de vie ne s’est réalisée qu’au bénéfice des plus aisés. Cet accroissement récent des inégalités s’observe aussi en métropole, mais de façon moins marquée que dans les DFA : +1,2 point entre 2002 et 2006. Source : Insee Antilles-Guyane, Les inégalités aux Antilles Guyane : dix ans d’évolution, mai 2009. Les ménages situés au-dessus du seuil de bas revenus représentent de 75 à 80 % des ménages selon le département. Ils recouvrent donc à la fois les classes moyennes et des personnes très aisées, catégories pour lesquelles les revenus ont évolué de façon divergente. En Guadeloupe et en Martinique, les ménages situés juste audessus du seuil de bas revenus (le second quintile) s’en rapprochent alors qu’ils s’en étaient plutôt éloignés entre 1995 et 2001. Pour les ménages médians (le 3e quintile), les niveaux de vie sont stables. Outre l’accroissement du nombre de ménages sous le seuil de bas revenus, il y a donc eu baisse ou stagnation du niveau de vie pour les ménages des classes moyennes. En Martinique, l’augmentation plus rapide des ressources au-delà du seuil est concentrée sur les 20 % des ménages les plus aisés. En Guyane, cette déformation est régulière entre 1995 et 2006. La situation de l’emploi, première cause de la pauvreté La hausse de l’emploi a été forte au cours des 15 dernières années : 30 % aux Antilles et 60 % en Guyane. Mais cette progression est pour Inégalités de revenus 237 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix partie imputable au développement des formes particulières d’emploi3 qui conduisent, en moyenne, à des rémunérations annuelles plus faibles. C’est souvent la principale cause du développement du nombre de travailleurs pauvres. Plus la personne de référence est éloignée de l’emploi (présent ou passé), plus le taux de bas revenus est élevé. L’absence d’un emploi suffisamment rémunéré au sein du ménage conduit à un faible niveau de vie. Source : Insee Antilles-Guyane, Les inégalités aux Antilles Guyane : dix ans d’évolution, mai 2009. Le taux de bas revenus des titulaires d’un emploi précaire représente plus de deux fois celui des salariés sous contrat à durée indéterminée, mais cette situation reste préférable – du point de vue de l’analyse des inégalités – à celle de chômeur ou d’inactif (hors retraités). La proportion de bas revenus se réduit parmi les indépendants, avec la diminution du nombre de petits agriculteurs. La majoration de la rémunération des agents publics les met dans une situation plus favorable que leurs homologues du privé. Enfin, les employés sont, en 2006, autant concernés que les ouvriers par les bas revenus. Les sans profession, hors retraités, présentent toujours les taux de bas revenus les plus élevés. La progression de l’emploi a d’abord bénéficié aux personnes seules, au détriment des couples. Les ressources sont de moins en moins mutualisées au sein d’une famille, d’où de moindres économies d’échelle réalisées sur les dépenses. En cas de progression du chômage, cette répartition de l’emploi au sein des familles conduira aussi à une plus forte proportion de ménages sans revenu d’activité. 3 Ce terme rassemble tout ce qui n’est pas contrat à durée indéterminée à temps plein : emplois aidés, contrats à durée déterminée ou à temps partiel, stagiaires, intérimaires et apprentis. Inégalités de revenus 238 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Source : Insee Antilles-Guyane, Les inégalités aux Antilles Guyane : dix ans d’évolution, mai 2009. Les plus bas revenus se caractérisent par une quasi-absence de revenu d’activité. Plus du quart des allocataires des Caisses d’allocations familiales déclarent ne percevoir aucune ressource de cette nature. Plus le niveau de vie augmente, plus les revenus d’activité deviennent prépondérants. L’absence de revenu d’activité est la première cause d’inégalités des revenus. Le montant total des prestations sociales perçues varie peu selon le niveau de vie. Les retraites et prestations chômage sont faibles pour les 20 % de ménages ayant le plus faible niveau de vie et relativement stables pour les autres. Enfin, la fiscalité directe ne devient visible qu’à partir du milieu de la distribution. Les prélèvements sociaux réduisent les inégalités Dans les départements d’outre-mer, la redistribution s’opère principalement par les prélèvements sociaux sur les revenus d’activité, d’une part, et le versement de prestations sociales et familiales, d’autre part : la proportion de ménages sous le seuil de 60 % du revenu médian est divisée par 2,5 à l’issue du versement des prestations sociales en Guadeloupe et à la Martinique. Près d’un ménage sur deux se situe sous le seuil de bas revenus en ne tenant compte que des revenus du travail et du patrimoine (revenus primaires). Après prélèvements et transferts sociaux, cette proportion passe à un sur cinq. Source : Insee Antilles-Guyane, Les inégalités aux Antilles Guyane : dix ans d’évolution, mai 2009. En revanche, la fiscalité directe opère peu sur les bas revenus : après impôts directs, la proportion de ménages sous les 60 % du revenu médian diminue d’un peu plus d’un point en Guadeloupe, mais Le revenu primaire est formé du revenu d’activité et du revenu de remplacement : (chômage et retraite). Le revenu de référence se fait par deux types de prélèvements, selon qu’ils sont assuranciels, comme l’assurance vieillesse et l’assurance chômage, ou redistributifs (tous les autres). Le revenu disponible brut est calculé après prise en compte des prestations familiales (allocations familiales, allocation de rentrée scolaire…), des minima sociaux (revenu minimum d’insertion, minimum vieillesse) et des allocations pour le logement. Enfin, le revenu disponible net est obtenu après déduction des impôts directs sur le revenu et le patrimoine. Inégalités de revenus 239 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix augmente légèrement à la Martinique et en Guyane. Cette absence d’effet redistributif de la fiscalité directe s’explique par la faiblesse des revenus : en 2006, près du tiers des foyers fiscaux ne sont pas imposables. Par ailleurs, les taxes d’habitation et foncières ne sont pas redistributives, puisque le taux de propriétaires est élevé, y compris au sein des bas revenus. Cette quasi-absence de redistribution via la fiscalité directe s’observe sur l’ensemble de la distribution des revenus : le ratio du revenu moyen des 20 % les plus aisés rapporté au revenu moyen des ménages médians n’est quasiment pas modifié par la fiscalité directe. Les prestations sociales ne modifient pas non plus les disparités de revenus entre les plus aisés et les médians. Seuls les prélèvements sur les revenus d’activité réduisent l’écart. 2. Inégalités de revenus plus fortes et moindre pression fiscale à la Martinique qu’en métropole 2.1. Près de 50 % des foyers fiscaux martiniquais déclarent moins de 9 400 € de revenus en 2007 Foyer fiscal le terme « foyer fiscal » désigne l’ensemble des personnes inscrites sur une même déclaration de revenus. En 2007, 230 882 foyers fiscaux sont recensés à la Martinique pour un revenu fiscal de référence (avant déductions et / ou réductions d’impôts) de 3,6 milliards d’euros, soit 24,5 % du montant total des DOM (14,8 milliards d’euros)4. La part des faibles revenus est plus importante qu’en métropole. En effet, 60,1 % des foyers fiscaux déclarent moins de 15 000 € (1 291 € par mois soit 1,2 fois le Smic net). En métropole, cette proportion atteint 38,4 % des foyers fiscaux. Source : Annuaire fiscal La répartition des foyers fiscaux par tranches de revenu traduit de fortes disparités à la Martinique. Les foyers dont le revenu est inférieur à 9 400 € par an concentrent 9,3 % du total de revenu fiscal de référence et représentent 48 % des foyers fiscaux. À l’opposé, les foyers fiscaux déclarant des revenus supérieurs à 48 750 € représentent 29 % du total de revenu fiscal de référence et seulement 9,5 % des foyers fiscaux. 4 IEDOM 09 Martinique, édition 2010. Inégalités de revenus 240 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Cette forte proportion des faibles revenus dans la société martiniquaise entraîne une plus forte représentativité de foyers fiscaux non imposables par rapport à la métropole. Ainsi, 69 % des foyers fiscaux déclarés en 2007 n’ont pas été soumis à l’impôt. Ils représentent 36,9 % des revenus fiscaux totaux. En comparaison, en métropole, les foyers fiscaux non imposables représentent 44,6 % des foyers fiscaux et seulement 18,1 % des revenus fiscaux totaux. En 2007, pour les foyers fiscaux imposables : le revenu net imposable moyen est plus élevé à la Martinique qu’en métropole (34 017 €, contre 33 843 €). Pour autant, de part l’abattement d’impôt de 30 % appliqué en Martinique, la pression fiscale sur les contribuables martiniquais est moindre. Le montant moyen de l’impôt par foyer fiscal est ainsi plus faible (1 994 € contre 2 653 €). Source : Annuaire fiscal L’abattement de 30 %, conjugué aux réductions d’impôts à la Martinique, conduit de fait à augmenter de manière significative la proportion de foyers fiscaux des deux premières tranches : - impôt inférieur à 800 € : plus de 46 %, contre 43 % en métropole) ; - impôt de 801 à 1 500 € (21,7 % contre 19,9 % en métropole). Par ailleurs, près de 0,7 % des foyers fiscaux imposables paie l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), contre 2,7 % en métropole. Toutefois, le montant moyen perçu au titre de l’ISF est bien supérieur en Martinique qu’en métropole : 9 015 € par foyer fiscal contre 7 413 € en métropole. Inégalités de revenus 241 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Outre l’abattement de 30%, la plus grande partie des réductions d’impôts est liée aux investissements dans les DOM-TOM. En 2006, ces réductions d’impôts s’élevaient à plus de 64 millions d’euros et représentaient à elles seules plus de 60 % des réductions d’impôts. Ainsi, globalement et comparativement à la métropole, la Martinique se singularise par : - des inégalités de revenu plus prononcées ; - une proportion plus élevée de foyers fiscaux non imposables ; - pour les foyers imposables, un revenu fiscal net imposable plus élevé ; - une pression fiscale plus faible (moins de foyers fiscaux assujettis à l’impôt sur la fortune, plus de déductions fiscales et d’abattements d’impôts). 2.2. Prépondérance des traitements et salaires dans les revenus des foyers fiscaux martiniquais par rapport aux foyers fiscaux métropolitains En 2007, les traitements et salaires représentaient à eux seuls 70 % des revenus déclarés par les ménages martiniquais (contre 63 % en Inégalités de revenus 242 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix métropole). En revanche, les pensions et retraites représentent 18 % en Martinique (contre 25 % en métropole), en raison d’une population âgée (les plus de 60 ans) moins nombreuse à la Martinique (18,5 % de la population totale contre 21,4 % en France hexagonale5), ainsi qu’un niveau de pension moins élevé en Martinique. 3. Progression des revenus salariaux nets à un rythme proche de celui de l’inflation En 2008, le salaire annuel moyen net perçu par les salariés martiniquais du secteur privé s’est élevé à 19 214 €, en progression de 6,1 % par rapport à 2007. Le revenu salarial annuel moyen est inférieur de 574 € à la moyenne annuelle française. Sur la période 2006-2008, le revenu salarial annuel moyen a progressé d’un peu plus de 2,6 %, hors inflation. Cette évolution ne signifie pas pour autant une augmentation du salaire horaire. Intégrant depuis 2002 les indemnités de chômage, l’évolution du revenu net moyen est en définitive très sensible à l’évolution des heures travaillées : une diminution du chômage se traduit de facto par une évolution du nombre d’heures travaillées – pour lesquelles le taux horaire est supérieur aux indemnités de chômage –, à la condition que les emplois créés le soient à temps plein. Au cours de la période considérée, le taux de chômage marque un plateau autour de 21 %, pour remonter à 24 % en 2009. Dix ans auparavant, le taux de chômage à la Martinique s’élevait à 29 %. Parallèlement, le nombre de salariés employés par des entreprises d’intérim était en forte hausse sur la période : + 25 % entre 2006 et 2008. Cette croissance des emplois intérimaires venait en quelque sorte prendre le relais des emplois aidés orientés plutôt à la baisse avec 8 500 en 2008 contre plus de 9 000 en 2006. Salaire annuel moyen net Il est calculé à partir du salaire et des indemnités de chômage (depuis 2002) disponibles dans les DADS. Il est net de toute cotisation sociale, y compris CSG (contribution sociale généralisée) et CRDS (contribution au remboursement de la dette sociale). 5 Insee TER Martinique 2009-2011. Inégalités de revenus 243 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Le salaire moyen par tête (SMPT) Il est calculé en rapportant la masse salariale annuelle à l’effectif annuel moyen, puis divisé par douze pour obtenir une grandeur mensuelle. Au second semestre 2009, le salaire moyen par tête (SMPT) a augmenté de 8,7 % en glissement annuel6. Pour l’année 2008, la progression était de 2,3 %. Les augmentations de salaires décidées à la suite du conflit social du premier trimestre expliquent pour partie cette hausse. L’accord-cadre signé entre le patronat et la plupart des organisations syndicales prévoyait, en effet, une augmentation de 200 euros nets mensuels pour les salaires inférieurs ou égaux à 1,4 smic, 100 euros provenant de l’État au titre du revenu supplémentaire temporaire d’activité (RSTA), nouvellement créé. Évolution du salaire moyen par tête en 2009 : impact de l’accord-cadre Les entreprises contribuent pour un montant compris entre 30 et 100 euros selon leur taille, le reliquat étant financé par le conseil régional et le conseil général. Le revenu supplémentaire temporaire d’activité (RSTA) est une prestation mise en place et financée en partie par l’État afin de sortir du conflit social de début d’année 2009. Il concerne les salariés du secteur privé, ainsi que les non-titulaires de la fonction publique, sans condition d’âge. Les personnes éligibles doivent être titulaires d’un contrat de travail d’une durée supérieure ou égale à un mois. Il s’applique au titre des périodes d’emploi effectuées à compter du 1er mars 2009. Enfin, la rémunération mensuelle perçue au titre de l’ensemble des activités salariées doit être inférieure ou égale au Smic majoré de 40 %. Ainsi, pour un salarié à temps plein dont la rémunération mensuelle brute est inférieure à 1 872,82 €, le montant du RSTA versé par la CGSS pour le compte de l’État est égal à 100 €. Ce montant est proratisé en cas de durée d’emploi incomplète. Parallèlement à l’évolution du salaire moyen, les effectifs salariés du secteur marchand accusent une baisse, au second semestre 2009, de 5,2 % en moyenne mais avec des évolutions contrastées selon les secteurs. Sur la période 2002-2007, la masse salariale du secteur marchand a progressé de 29,5 %7. Parallèlement, les emplois du secteur marchand ont progressé de 12,7 % (effectif moyen). Il en résulte une progression du salaire moyen par tête (SMPT voir encadré) de 14,7 %. Compte tenu de l’évolution des prix sur la période (+11,9 %), l’évolution du pouvoir d’achat moyen des salariés du secteur marchand a été de 2,5 %. En Martinique, environ 55 000 salariés ont bénéficié du RSTA depuis le 1er mars 2009. Compte tenu des durées incomplètes d’emploi, le montant mensuel moyen du RSTA est proche de 70 €. 6 Insee, « Stagnation de la masse salariale, forte progression du salaire par tête », Antiane, n°73 7 ACOSS STAT, Bilan : 2002-2007, l’emploi et les salaires dans les régions, août 2008. Inégalités de revenus 244 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Cette évolution moyenne masque une forte disparité entre secteurs, comme en témoigne le tableau ci-dessus. Ainsi, pour le secteur marchand, si l’on note une forte progression du salaire brut des ouvriers dockers de catégorie 1, il n’en est pas de même des manœuvres ordinaires du BTP. Les facteurs qui contribuent à la croissance du revenu net moyen portent principalement sur la croissance du nombre d’heures travaillées alors que, parallèlement, les revenus salariaux nets en équivalents temps plein (ETP) ont évolué à un rythme proche de l’inflation. Source : DADS (exploitation au 1/25 en 2002, au 1/12 en 2007), Insee Disparité salariale au sein de chaque catégorie sociale du privé, comparaison avec la Réunion (source : Insee, TER 2009 Réunion, Insee, TER 2009-2010 Martinique et traitement Syndex) Sur la période 2002-2007, les revenus salariaux nets annuels moyens des salariés martiniquais travaillant à temps plein ont augmenté de Inégalités de revenus 245 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix 1,9 % par an en moyenne pour une inflation moyenne, sur la période, de 2,3 %, dont résulte en définitive une perte de pouvoir d’achat de 0,4 % en moyenne annuelle. En métropole sur la même période, les revenus nets annuels des salariés à temps plein ont progressé de 2,4 % en moyenne annuelle pour une inflation de 1,8 %, soit une croissance du pouvoir d’achat de 0,6 % en moyenne annuelle8. 8 Insee : Fiches thématiques - Les salaires en France - Insee Références web - Édition 2010. Inégalités de revenus 246 Évolution des prix et pouvoir d’achat 6. 1. Le pouvoir d’achat et son évolution : définitions 1.1. Pouvoir d’achat et coût de la vie Le pouvoir d’achat mesure la capacité monétaire d’un individu ou d’un ménage à acquérir des biens et services mis à disposition sur les marchés. Il correspond à la rencontre entre un revenu disponible, d’une part, et des prix de biens et services disponibles sur les marchés, d’autre part, dans un lieu et à un moment donnés. La notion de pouvoir d’achat est différente de celle de coût de la vie, qui renvoie non seulement à la capacité d’acquisition d’un individu ou d’un ménage, mais aussi à une structure de consommation. La structure de consommation d’un individu ou d’un ménage peut varier suivant sa situation patrimoniale, familiale et géographique. Ainsi, un propriétaire et un locataire ne consacrent pas les mêmes revenus à leur logement, de même qu’une personne isolée et une famille nombreuse n’ont pas les mêmes consommations. Enfin, le climat comme la zone d’habitation – urbaine ou rurale – déterminent également une part de la consommation des ménages. L’évolution du pouvoir d’achat résulte donc de l’évolution des revenus des ménages pondérée par l’évolution des prix des biens et services qu’ils consomment. Une augmentation des revenus accroît le pouvoir d’achat, alors qu’une augmentation des prix l’érode. La consommation des ménages n’est par ailleurs pas exclusivement monétaire. Par exemple, l’autoproduction, synonyme d’autoconsommation, ne génère pas de pouvoir d’achat bien que, dans les faits, elle permette aux ménages qui produisent des fruits et légumes dans leur jardin ou qui pêchent ou chassent pour eux-mêmes de réduire leurs achats de biens alimentaires. L’absence d’information sur les consommations non monétaires des ménages apporte ainsi une limite à l’appréciation réelle de la consommation des ménages et de sa disparité. 247 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix 1.2. L’indice des prix à la consommation L’indice des prix à la consommation mesure précisément l’évolution des prix d’un panier de biens et de services strictement identique entre deux périodes : « l’indice des prix à la consommation est un instrument de mesure de l’évolution au cours du temps du niveau général des prix des biens et services achetés, utilisés ou payés en vue d’être consommés par une population de référence »1. L’indice mesure non pas un niveau pour une période déterminée, mais la variation de ce niveau entre deux périodes. Il mesure cette variation non pas en valeur absolue mais en valeur relative2. L’indice des prix compte parmi les indicateurs les plus importants dans le champ économique. Il permet de mesurer : - l’inflation, l’évolution des revenus au travers de la consommation des ménages en termes réels ; - l’impact des politiques sociales, qu’il s’agisse du salaire minimum ou des prestations sociales, notamment l’indexation des pensions alimentaires ou des rentes viagères. Référence majeure pour les politiques salariales des entreprises, la réalité des mesures de l’indice des prix est toujours remise en question en raison de ses multiples utilisations. Certaines dépenses sont en effet exclues de l’indice : - impôts directs, cotisations sociales, intérêts des emprunts ; - biens et services utilisés par les entreprises individuelles ; - achats de logements et gros travaux, mais aussi achats de valeurs mobilières, en raison de leur caractère d’investissement. En revanche, les petites dépenses d’entretien sont prises en compte ; - les produits autoconsommés, car ils n’ont pas de prix. Ceci dit, tout indice des prix à la consommation, outre les variations de prix « pures », intègre trois effets : - un effet « circuit d’achat » : le prix diffère entre le petit commerçant et la grande surface, entre le généraliste et le spécialiste ; - l’effet marketing qui, sans modifier les caractéristiques du produit, peut en changer la présentation ou le nom ; - l’effet qualité, qui améliore les caractéristiques du produit. Ces trois effets doivent être systématiquement pris en compte à travers les actualisations les plus fréquentes (chaînages) : c’est le rôle des enquêtes sur le budget et la consommation des ménages. 1 Définition adoptée par la 14e conférence internationale des statisticiens du travail du 5 novembre 1987. 2 C’est-à-dire l’indice des prix. Prix et pouvoir de marché 248 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix 2. L’indice des prix à la Martinique 2.1. L’évolution des pondérations entre 2002 et 2009 Définitions L’indice temporel élémentaire est le rapport (en général multiplié par 100) de deux valeurs prises par une même grandeur simple et mesurée à deux périodes distinctes : la période actuelle, par exemple, qui figurera au numérateur et la période de base qui figurera au dénominateur. Un indice synthétique est une moyenne pondérée d’indices élémentaires. Source : Insee En 2002, du point de vue de la structure des dépenses des ménages, parmi les départements français d’Amérique (DFA), la Martinique se rapproche le plus du mode de consommation de la métropole, bien que des différences restent encore marquées : - les dépenses de produits alimentaires (y compris le tabac) représentent 25 % des dépenses de consommations (28 % en Guadeloupe et à la Guyane), contre 19 % en métropole, soit un écart de 6 points ; - à l’inverse, les dépenses de services (31 % en métropole) pèsent pour seulement 25 % en Martinique ; - les dépenses de loyers et d’énergie pèsent plus lourd à la Martinique qu’en métropole : respectivement 10 % et 7 % en Martinique, contre 7 % et 7% en métropole. Dans un indice synthétique de prix à la consommation, la pondération de chaque poste de dépense est proportionnelle à la part de ce poste dans la dépense totale de la population de référence. Source : Insee En 2009, la structure des dépenses a sensiblement évolué par rapport à celle de 2002. Source : Insee Si les dépenses d’alimentation restent le deuxième poste de dépenses des ménages martiniquais, leur poids dans les dépenses totales de Prix et pouvoir de marché 249 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix consommation diminue légèrement : 23,6 % contre 25 % sept ans plus tôt. Elles se rapprochent ainsi de leur niveau dans les dépenses métropolitaines : 22,7 % des dépenses totales de consommation (dont 2 % pour les dépenses de tabac et 0,8 % en Martinique). Les dépenses des « autres services » des ménages martiniquais se rapprochent de celles de ménages métropolitains : 23,1 % pour les premiers et 24,1 % pour les seconds. En revanche, les principales dépenses contraintes des ménages sont les loyers, le transport et l’énergie: ensemble, ils représentent 25,6 % de la consommation des ménages, contre 24,4 % en métropole, soit un écart de plus de 1 point. Cet écart reflète non seulement de modes de consommation différents, mais aussi et avant tout des écarts de prix relatifs entre la Martinique et la métropole, ce que montre l’analyse spatiale des prix réalisée par l’Insee3. 2.2. L’approche spatiale des prix entre les DOM et la métropole Selon cette étude, en 2010, les prix sont plus élevés dans les départements d’outre-mer qu’en France métropolitaine. À la Martinique, ils sont ainsi supérieurs de 9,7 %. Les écarts de prix sont plus marqués lorsqu’on prend pour référence le panier de consommation des ménages métropolitains : + 16,9 % en Martinique. En revanche, un ménage martiniquais qui paierait ses consommations aux prix pratiqués en France métropolitaine ferait une économie de 2,9 %. 3 Comparaison des prix entre les DOM et la métropole en 2010, n° 1304, juillet 2010 : « Les rapports de prix moyens DOM / France métropolitaine (respectivement France métropolitaine / DOM) pour les différentes familles de biens et services sont agrégés au moyen des pondérations reflétant la structure de la consommation des ménages en métropole (respectivement dans un DOM). On obtient ainsi, à chaque fois, deux indices de rapport de prix, A (DOM/France métropolitaine) et B (France métropolitaine/ DOM), reflétant une vision métropolitaine et une vision ultramarine. » Prix et pouvoir de marché 250 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Encadré méthodologique : indice régional et écart de Fisher La comparaison des prix livre à chaque fois deux indices de rapport de prix, A (DOM / France métropolitaine) et B (France métropolitaine / DOM), reflétant une vision métropolitaine et une vision ultramarine. Les indices A et B ne sont pas inverses l’un de l’autre, puisqu’ils résultent de l’agrégation de plusieurs variétés qui plus est avec des pondérations différentes. Selon l’usage international en matière de comparaison de prix, on utilise un indice de type Fisher, formé par la moyenne géométrique de A et de l’inverse de B, soit C = racine carrée de A/B. Cet indice C donne une mesure synthétique et symétrique de la différence de niveau de prix entre les deux territoires. Ce coefficient tient ainsi compte à la fois de la structure de consommation observée en France métropolitaine et de celle observée dans le département. Ainsi, pour la Martinique et pour l’ensemble de la consommation, on a un indice A = 1,169 (soit un écart de + 16,9 %), un indice B = 0,971 (soit un écart de – -2,9 %) et un indice C = 1,097 (soit un écart synthétique de + 9,7 %). Les indices A et B sont en fait des indices de Laspeyres*, soit des écarts de prix. Ne prenant pas en compte les éventuelles substitutions possibles entre produits, ils ont tendance à surestimer les écarts de prix entre territoires. Aussi, parce que les prix sont généralement plus élevés dans les DOM qu’en France métropolitaine, l’indice A, qui consiste à passer de la France métropolitaine aux DOM à partir du panier métropolitain, surestime-t-il l’écart (positif) global : le panier n’est pas optimal pour la Martinique , étant donné le système des prix local. Il en est de même pour l’indice B, qui fait passer des DOM à la France métropolitaine. Toutefois, l’écart, cette fois négatif (les prix étant comparativement moins élevés en France métropolitaine), est sousestimé. En définitive, dans la mesure où les prix sont plus élevés dans les DOM, on devrait avoir A>1/B, ce qui n’est pas le cas. * Indice synthétique des prix à la consommation sur une année de référence. Source : Insee Les écarts de prix entre les départements d’outre-mer et la France métropolitaine sont en partie imputables aux produits alimentaires. Il s’agit en effet d’un des premiers postes de consommation des ménages et de celui pour lequel les écarts de prix sont les plus marqués entre les territoires. En prenant comme référence la structure de consommation de chaque département d’outre-mer, les prix de ces produits en France métropolitaine sont inférieurs de plus de 22 % à ceux pratiqués en Guyane, de presque 14 % en Martinique, de près de 11 % à la Réunion et de plus de 9 % en Guadeloupe. Avec le panier métropolitain, les écarts de prix sont plus importants : + 34 % en Guadeloupe, + 36 % à la Réunion, + 44 % en Martinique et + 49 % en Guyane. Les prix dans les domaines de la santé (prix bruts avant remboursement par la Sécurité sociale) et des communications (lesquelles regroupent l’Internet, la téléphonie et les envois postaux) sont plus élevés qu’en France métropolitaine dans tous les départements d’outre-mer. Concernant les écarts de prix des consommations liées au logement (loyers, charges, eau, électricité principalement), les prix martiniquais sont supérieurs de plus de 7 % à ceux pratiqués en métropole, en prenant comme référence la structure de consommation métropolitaine. À l’inverse, pour un ménage martiniquais se logeant en métropole dans les mêmes conditions qu’en Martinique, le coût du logement serait inférieur de 3,6 %. Source : Insee Prix et pouvoir de marché 251 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix 2.3. Les limites de l’indice des prix Il est aujourd’hui admis que les modes d’organisation familiale aussi bien que les modes d’emploi se diversifient nettement. Ils demandent donc une approche plus fine de l’évolution de l’indice des prix, afin de prendre en compte l’accroissement des situations de fragilité familiale et professionnelle telles que les familles monoparentales ou les personnes isolées, les emplois précaires et à temps partiel ou l’individualisation croissante des modes de rémunération. Cette diversification des situations de vie et l’évolution des modes de vie entraînent logiquement une diversification des modes de consommation, avec deux évolutions majeures : - le développement des consommations sous la forme de contrats et d’abonnements, qui tendent à contraindre les marges de manœuvre dont disposent les ménages dans la gestion de leur budget ; - le développement des situations de précarité, qui se traduit en premier lieu par la difficulté à se loger aux conditions du marché. Ce dernier point révèle une critique récurrente de l’indice des prix à la consommation qui, s’il prend bien en compte les dépenses de loyer, les charges liées au logement et les intérêts d’emprunt, ne prend pas en compte la charge de remboursement du capital emprunté pour acquérir son logement. L’indice par catégorie montre combien l’incidence de l’inflation est variable selon le niveau de vie des ménages. Pris individuellement, chaque ménage subit une inflation plus ou moins grande selon sa structure de consommation : un ménage qui ne consomme pas de transports et communications ne ressentira pas la hausse des prix de ces produits. Par ailleurs, un ménage qui consacre une grande part de son budget aux achats alimentaires sera plus sensible à la hausse des prix de ces produits. L’inflation moyenne ne sera donc pas la même selon les catégories de ménages, à partir du moment où leurs structures de consommation sont différentes et où l’augmentation des prix varie en fonction des produits. Les ménages les plus pauvres ne consomment pas comme les plus aisés. Ainsi, à la Martinique, l’alimentation pèse beaucoup plus lourd sur le budget des ménages les plus modestes (22 % pour le premier quintile) que sur celui des plus aisés (12,4 % pour le dernier quintile). De ce fait, étant donné la forte augmentation des prix de certains produits alimentaires durant l’année 2008 (+ 5,3 %), les ménages les plus modestes ont subi une inflation plus importante que celle supportée par les ménages les plus aisés. Prix et pouvoir de marché 252 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix 3. L’évolution des prix à la Martinique En 2009, l’inflation a ralenti en Martinique. Elle s’établit à + 0,3 % en moyenne annuelle. Ce taux est le plus bas observé ces vingt dernières années. Il fait suite à une année 2008 record, où la hausse des prix avait atteint 2,8 %, ce qui correspondait au plus haut niveau enregistré depuis le début de la décennie. En France métropolitaine, la montée des prix est également très modérée en 2009, avec un taux de 0,1 %, après 2,8 % en 2008. Sur longue période (1998-2008), l’indice général des prix a augmenté de 2 % en moyenne annuelle à la Martinique, comparé à une augmentation de 1,8 % en France métropolitaine. Ainsi, le rythme d’inflation est assez proche, avec un écart d’inflation de 0,2 % en moyenne annuelle entre la Martinique et la métropole. Hormis pour l’énergie et les autres services, l’inflation est plus marquée à la Martinique qu’en métropole : - les prix de l’alimentation, premier poste de consommation des ménages, augmentent à un rythme annuel de 1,9 % sur la période 1998-2008, soit une augmentation de 21,6 % sur la période, contre 19,2 % en métropole. En fin de période (20052008), le différentiel d’inflation s’accentue. La croissance des prix en métropole ralentit par rapport à la première période, no- Prix et pouvoir de marché 253 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix tamment en 2006 et 2007, avec une croissance respectivement de 1,6 % et 1,4 % contre 2 % et 3,3 % en Martinique ; - l’énergie et les autres services suivent une inflation moins forte à la Martinique où, en moyenne annuelle sur la période 19982008, les prix augmentent de 3,5 % pour l’énergie et de 2,1 % pour les autres services, alors qu’en métropole, ils progressent de 4,5 % pour l’énergie et de 2,5 % pour les autres services ; - a contrario, les loyers, les services de santé et les transports enregistrent un rythme d’inflation plus soutenu à la Martinique, avec une augmentation moyenne annuelle des prix de 2,7 % pour les loyers, de 1,9 % pour les services de santé et de 1,1 % pour les transports et communication, alors qu’en métropole la hausse atteint, 2,4 % pour les loyers, 1,6 % pour les services de santé et 0,2 % pour les transports et communication. Ces évolutions sont, bien entendu, à rapprocher du poids relatif de chacun des produits dans les dépenses totales des ménages. Ainsi, une augmentation de 2 % des produits alimentaires à la Martinique et en métropole n’a pas la même incidence en termes de pouvoir d’achat suivant le poids relatif des dépenses dans le revenu des ménages. Il en est de même à l’échelle régionale : le poids des différents postes de consommation est différent d’un ménage martiniquais à l’autre. Ainsi, concernant l’alimentation, l’écart de poids dans le budget varie fortement selon l’âge de ménages : de 15,4 % pour les moins de 35 ans à 23,1 % pour les 65 ans ou plus Ainsi, les moins de 35 ans ressentent-ils moins l’augmentation des prix de l’alimentation que les plus âgés, qui lui consacrent près du quart de leur budget. 4. Les dépenses de consommation des ménages martiniquais Selon les premiers résultats de l’enquête Budget de famille4, les Martiniquais dépensent en moyenne 25 700 €, soit 5 200 € de plus que les Guadeloupéens et 1 300 € de plus que les Guyanais. Leurs dépenses concernent essentiellement les produits alimentaires (17 %), le logement (16 %) et le transport (14 %). Le poids des diverses dépenses diffère quelque peu selon le département. En Guadeloupe, les ménages dépensent plus dans le transport (19 %) et moins en logement (15 %). En Guyane, le logement représente la dépense la plus importante (19 %), suivi par le transport (18 %). 4.1. Structure des dépenses selon le niveau de vie En Martinique, comme dans les autres départements, les dépenses de consommation varient fortement suivant le niveau de vie des ménages. Ainsi, les dépenses d’alimentation représentent près 4 Insee Antilles-Guyane, Premiers résultats de l’enquête Budget de famille en Martinique en 2006, n°59 avril 2010. Prix et pouvoir de marché 254 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix de 22 % de dépenses des ménages les plus modestes (1er quintile de niveau de vie). À l’opposé, pour les ménages les plus aisés, l’alimentation ne représente plus que 12 % de l’ensemble des dépenses de consommation (5e quintile de niveau de vie : plus de 2 515 € par mois). La part des dépenses alimentaires des ménages les plus modestes est supérieure de 9,3 points à celle des ménages les plus aisés. Le loyer (y compris l’ensemble des charges afférentes) représente le deuxième poste de dépenses des ménages les plus modestes : près de 18 % des dépenses de consommation pour les ménages du premier quintile. Pour 60 % des ménages dont le niveau de vie est inférieur à 991 € par mois, les dépenses de logement représentent un peu plus de 18 % des dépenses de consommation. Pour les 20 % des ménages les plus aisés (cinquième quintile), les dépenses de logement ne représentent plus que 11 % des dépenses de consommation. L’ensemble des dépenses consacrées au logement (y compris remboursement d’emprunts et gros travaux) pour les ménages les plus modestes représente 24 % des dépenses de consommation, y compris les autres dépenses hors du champ de la consommation finale, c’est-à-dire n’entrant pas dans la pondération de l’indice des prix, lequel porte uniquement sur les dépenses de consommation. Les remboursements d’emprunts, les dépenses pour gros travaux, les impôts et taxes et les échanges au sein des ménages (aides entre membres d’un même ménage) sont donc exclus de l’indice des prix à la consommation : l’ensemble de ces dépenses sont dites « hors du champ de la consommation finale ». Pour les ménages les plus aisés, l’ensemble des dépenses de logement représente aussi 24 % des dépenses totales (dépenses de consommation + dépenses hors champ de la consommation). Toutefois, ces derniers ont un niveau de vie près de cinq fois supérieur à celui des ménages les moins aisés. Aussi, la part du revenu affectée au logement est moins importante pour les ménages les plus aisés que pour les ménages les plus modestes. Source : Insee, Enquête Budget de famille 2006 Prix et pouvoir de marché 255 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Dépenses des ménages selon le quintile de niveau de vie Quintile de niveau de vie : valeurs seuils qui, lorsque l’on ordonne la population selon les niveaux de vie, la découpe en cinq sous-populations de taille égale. Exemple : le premier quintile représente les ménages qui disposent d’un niveau de vie inférieur à 519 € par mois (définition de l’Insee). Prix et pouvoir de marché 256 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Pour le premier quintile (ménages les plus modestes), 64,5 % des dépenses de logement sont consacrées à des dépenses locatives. Pour le cinquième quintile (ménage les plus aisées), 45,9 % des dépenses de logement sont liées aux remboursements de prêts. Les ménages les plus modestes sont à 53 % locataires, dont près de 18 % dans le secteur privé. À l’opposé, 21 % des ménages les plus aisés sont locataires. Troisième poste par ordre d’importance, si les poids des dépenses de transports ont tendance à diminuer avec le niveau de vie, elles constituent une dépense lourde pour l’ensemble des ménages Ainsi, pour les ménages appartenant au 1er quintile de niveau de vie, les dépenses de transport représentent 13 % des dépenses de consommation. Pour les ménages les plus aisés, les dépenses de transport représentent 15 % des dépenses de consommation. On peut en conclure que ce n’est pas le niveau de vie qui discrimine les dépenses de transport, même si le type de véhicule diffère suivant le niveau de vie : 51,7 % des ménages du premier quintile qui disposent d’un véhicule sont propriétaires d’une petite cylindrée, contre seulement 33 % des ménages les plus aisés. 4.2. Structure des dépenses selon l’âge de la personne de référence du ménage Selon l’âge de la personne de référence du ménage, la structure des dépenses de consommation varie assez sensiblement. Ainsi, pour les ménages dont la personne de référence a plus de plus de 65 ans, les dépenses d’alimentation sont de loin le premier poste du budget de consommation. Pour ces ménages, elles représentent 23,1 % des dépenses de consommation. A l’opposé, pour les ménages de moins de 35 ans, elles pèsent 15,4 %. Pour les ménages dont la personne de référence a moins de 35 ans, la proportion des dépenses de logement et de transports dans les dépenses de consommation est plus importante que pour les ménages dont la personne de référence a plus de 65 ans. Ainsi, pour les premiers, les dépenses de logement et de transport pèsent respectivement pour Prix et pouvoir de marché 257 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix 19,6 % et 14,0 %. Pour les seconds, ces mêmes dépenses pèsent pour 17,7 % et 10,4 %. Pour les ménages dont la personne de référence a moins de 35 ans,, l’ensemble des dépenses d’alimentation, de logement et de transport représentent à elles seules 50 % du revenu disponible. Ces trois postes représentent 51 % du revenu disponible pour les ménages dont la personne de référence a entre 35 et 44 ans, puis représente une part de plus en plus faible suivant l’âge de la personne de référence du ménage. Pour les seniors (65 ans et plus) elles représentent moins de 40 % du revenu disponible. Par ailleurs, le revenu disponible des seniors est inférieur à celui de la classe d’âge des moins de 35 ans. 4.3. Structure des dépenses selon la catégorie sociale Selon la catégorie sociale de la personne de référence du ménage, la structure des dépenses de consommation varie assez sensiblement. Ainsi, pour les ménages dont la personne de référence est ouvrier, les dépenses d’alimentation sont de loin le premier poste du budget Prix et pouvoir de marché 258 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix de consommation : elles représentent 20,4 % des dépenses de consommation. Pour les ménages dont la personne de référence est sans catégorie sociale (retraité, chômeur ou sans activité), ce sont les dépenses de logement qui représentent le premier poste du budget avec 23,7 % des dépenses de consommation. Pour les ménages dont la personne de référence est employée du secteur public, les dépenses de transport représentent avec 18,6 % des dépenses de consommation. p Source : Insee, Enquête Budget de famille 2006 Prix et pouvoir de marché 259 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix D’un poids relatif différent dans les dépenses de consommation en fonction des catégories sociales, les dépenses d’alimentation, de logement et de transport rapportées au revenu disponible des ménages font apparaître des situations différentes : - pour les ménages « sans catégorie sociale », ces trois postes de dépenses absorbent près de 70 % du revenu disponible ; - pour les ménages ouvriers, employés du secteur privé ainsi que pour les agriculteurs, artisans et chefs d’entreprise, ces trois postes de dépenses concernent environ la moitié (entre 48 % et 56 %) du revenu disponible ; - Pour les ménages d’employés du secteur public, de cadres et des professions intermédiaires du secteur privé, ces dépenses représentent de 40 % à 50 % du revenu disponible ; - pour les ménages dont la personne de référence est cadre du secteur public, ces dépenses absorbent seulement un tiers du revenu disponible. Source : Insee, Enquête Budget de famille 2006 Prix et pouvoir de marché 260 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Le type de ménage a un impact discriminant sur la structure des dépenses de consommation. Ainsi concernant l’alimentation, pour les ménages dont la personne de référence est une femme seule ou qui sont constitués d’un couple sans enfant, l’alimentation est de loin le premier poste du budget de consommation. Pour ces ménages, elle représente plus de 18 % des dépenses de consommation. Concernant le logement, pour les ménages dont la personne de référence est une femme seule ou forme une famille monoparentale, les dépenses de logement représentent le premier poste du budget. Pour ces ménages ces dépenses représentent 18 % des dépenses de consommation. Pour les ménages constitués d’un homme seul, ce sont les dépenses de transport qui représentent le premier poste du budget, avec 21 % des dépenses de consommation. Rapportées au revenu disponible, les dépenses d’alimentation, de logement et de transport apparaissent plus fortement discriminées par le revenu que par le type de ménage : - pour les personnes seules, pour lesquelles le revenu disponible est relativement proche, ces trois dépenses absorbent entre 45 % et 50 % de ce dernier ; Source : Insee, Enquête Budget de famille 2006 Prix et pouvoir de marché 261 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix - pour les couples, avec ou sans enfant, l’effort consenti en termes de revenu correspond à environ 40 % du revenu disponible ; - la famille monoparentale est celle qui consacre l’effort le plus prononcé : près de 60 % des ressources sont consacrés aux dépenses d’alimentation (20 % du revenu disponible), au logement (23 %) et aux transports (15 %). Source : Insee, Enquête Budget de famille 2006 En définitive, l’approche multicritère des dépenses de consommation des ménages fait assez nettement apparaître la sensibilité des dépenses aux revenus. Ainsi, toute mesure du pouvoir d’achat des ménages doit prendre en compte, outre la structure des dépenses, leur impact sur le revenu des ménages suivant la nature plus ou moins contrainte de chaque dépense. 5. Pouvoir d’achat et coût de la vie 5.1. Les dépenses contraintes ou préengagées Nous pouvons distinguer deux composantes dans les dépenses des ménages : - une part « contrainte » correspondant aux dépenses de consommation des ménages préengagées par un contrat ou un abonnement ; - une part « arbitrable » ou « libre » mesurant ce qu’il reste aux ménages une fois payées ces dépenses contraintes. Prix et pouvoir de marché 262 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Cette approche reste relativement abstraite, les indicateurs disponibles cernant mal les dépenses contraintes. En France, la part des dépenses préengagées a fortement augmenté sur longue période, passant de 13,4 % en 1959 à 29,0 % en 20065. Selon cette même source, la hausse est essentiellement liée à l’accroissement du poids des dépenses de logement (effet prix), mais aussi des services de télécommunications et financiers, qui ont contribué à accroître la part de la consommation contractualisée dans le total. La commission Mesure du pouvoir d’achat des ménages présidée par Alain Quinet propose de classer comme dépenses de consommation préengagées : - les loyers et dépenses liées au logement : eau, gaz, électricité et autres combustibles utilisés dans les habitations ; - les remboursements d’emprunts immobiliers ; - les services de télécommunications ; - les frais de cantine ; - les services de télévision (redevance télévisuelle, abonnements à des chaînes payantes) ; - les assurances ; - les services financiers. On obtiendrait ainsi : revenu libre ou libéré = revenu disponible brut dépenses pré-engagées – remboursements d’emprunts. 5.2. Les dépenses nécessaires ou l’approche par la nécessité Nous pourrions distinguer, parmi les dépenses de consommation, celles qui sont nécessaires de celles qui ne le sont pas. Ainsi, une alimentation de survie ou un habillement minimum sont des dépenses qui peuvent être qualifiées de nécessaires, sans d’ailleurs qu’elles soient contraintes. Un abonnement téléphonique en revanche peut correspondre à une dépense contrainte, alors qu’il n’est pas nécessaire dans une approche « naturaliste » des besoins fondamentaux. Enfin, dans le cas d’un logement, la dépense de loyer peut être contrainte et nécessaire. Cette approche a deux intérêts dans la mesure du pouvoir d’achat des ménages : - en premier lieu, cela donne un indicateur des inégalités, car la part des dépenses contraintes est d’autant plus forte que le revenu est faible ; - d’autre part, elle permet de souligner l’intérêt, pour les pouvoirs publics, de vérifier que les possibilités de sortie des abon- 5 Rapport de la commission Mesure du pouvoir d’achat des ménages présidée par Alain Quinet, remis à Mme Christine Lagarde, ministre de l’Économie, des Finances et de l’Emploi, 6 février 2008. Prix et pouvoir de marché 263 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix nements souscrits sont bien réelles et peu coûteuses pour le consommateur. La question des dépenses nécessaires, ou plutôt des biens de première nécessité, reste une piste de recherche féconde. L’Insee a abordé cette question en démontrant que les biens de première nécessité se caractérisent par une élasticité prix nulle : autrement dit, ils sont consommés par les ménages, quelle que soit l’évolution de leur prix, alors que pour les autres produits, dits de « confort », l’élasticité prix est négative, ce qui signifie qu’une augmentation du prix implique une réduction de leur consommation par les ménages. Nécessité ou contrainte, on mesure ici l’absence de choix du consommateur et l’impératif du revenu pour survivre dans une société moderne. Il est également possible d’étudier ces dépenses nécessaires à partir du niveau de consommation des ménages les plus modestes. Pour eux, la contrainte budgétaire est plus forte et les dépenses de consommation présentent, en majorité, un caractère incompressible. Les ménages modestes sont définis comme les 10 % des ménages ayant les plus faibles niveaux de vie (1er décile de niveau de vie). Le niveau de vie est le revenu courant du ménage rapporté à son nombre d’unités de consommation6. 5.3. Le coût de la vie, ou la perception par les ménages de leur pouvoir d’achat À la Martinique, sur la période 1998-2007, le pouvoir d’achat des ménages aurait progressé en moyenne annuelle de 1,8 %7, selon la définition retenue en comptabilité nationale. Dans la réalité, les ménages sont de plus en plus contraints par des dépenses à engagement contractuel : il s’agit des sommes dépensées en début de mois, avant tout arbitrage en matière de dépenses courantes. Ces dépenses correspondent à des « engagements difficilement négociables, au moins à court terme ». Les scinder selon leur caractère plus ou moins obligatoire revêt nécessairement une part d’arbitraire. En se limitant aux seules consommations, au sens de la comptabilité nationale, les dépenses les plus fortement contraintes sont celles consacrées au logement, au chauffage, aux services de téléphonie et à l’assurance. À ces dépenses, il convient d’ajouter les dépenses de transport qui, si elles n’ont pas de caractère d’abonnement, n’en ont pas moins un caractère contraignant, dans la mesure où elles sont indispensables à l’insertion économique et sociale des ménages. 6 Le revenu courant désigne l’ensemble des ressources déclarées par le ménage enquêté avant impôts : revenus d’activité (nets des prélèvements sociaux), retraites, revenus de la propriété, revenus sociaux, revenus en provenance d’autres ménages, mais hors ressources exceptionnelles (héritage, donation, vente de biens). 7 Revenu disponible des ménages déflaté de l’inflation sur la période. Prix et pouvoir de marché 264 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix À la Martinique, les dépenses contraintes8 représentent 39,7 % des dépenses de consommation des ménages et 39,4 % de leur revenu disponible, y compris les dépenses de transport, mais hors remboursements d’emprunts9. La question des dépenses nécessaires, ou plutôt des biens de première nécessité, doit aussi être prise en compte : ils sont consommés par les ménages, quelle que soit l’évolution de leur prix, alors que pour les autres produits, dits de « confort », une augmentation du prix implique une réduction de leur consommation par les ménages. Ainsi, peuvent être considérées comme dépenses nécessaires les dépenses liées à l’alimentation. Certes, elles jouissent d’une certaine élasticité. Mais comme l’ont montré les événements de 2009, ces dépenses demeurent révélatrices de la perception, par les ménages, de l’évolution de leur pouvoir d’achat. À la Martinique, les dépenses d’alimentation représentent 16,6 % des dépenses de consommation. Nécessité ou contrainte, on mesure ici l’absence de choix du consommateur et l’impératif du revenu pour survivre dans une société moderne. Le pouvoir d’achat peut ainsi se définir comme l’évolution du revenu arbitral, c’est-à-dire du revenu disponible après prise en compte des dépenses contraintes et des dépenses nécessaires. On approcherait ainsi ce qu’il est convenu d’appeler « la perception par les ménages de leur pouvoir d’achat ». En moyenne, les dépenses contraintes et les dépenses nécessaires représentent 46 % du revenu disponible moyen des ménages. Toutefois, la part du revenu disponible qui leur est consacrée varie significativement selon la catégorie sociale de la personne de référence. Pour les ménages dont la personne de référence est sans catégorie sociale, les dépenses contraintes et nécessaires absorbent 70 % du revenu disponible. À l’opposé, pour les ménages dont la personne de référence est cadre de la fonction publique, ces mêmes dépenses absorbent 33 % du revenu disponible. 8 Dépenses contraintes prises en compte : dépenses de logement, de transport, de communication et d’assurance. 9 Ils contribuent à un accroissement du patrimoine des ménages et procèdent d’un arbitrage au moment de la décision de l’acquisition. Prix et pouvoir de marché 265 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Dès lors, il convient d’aborder l’évolution du pouvoir d’achat à travers l’évolution du revenu disponible des ménages après prise en compte non seulement des dépenses contraintes et nécessaires, mais aussi des inégalités de revenu entre les ménages. 5.4. Simulation de l’évolution du pouvoir d’achat en 2010 : l’approche par la dépense À partir des enseignements précédents, nous avons simulé l’incidence de l’évolution des dépenses contraintes sur une échelle des salaires nets de 1 smic à 4 smic : - les dépenses contraintes prises en compte dans cette simulation rassemblent les dépenses de loyers et charges afférentes, nettes des aides au logement perçues, les dépenses de transports et de communications et les dépenses d’assurances ; - les dépenses nécessaires recouvrent les seules dépenses alimentaires et de boissons non alcoolisées. Ainsi, dans une approche classique du pouvoir d’achat, compte tenu d’une évolution des prix de 1,7 % en 2010, l’ensemble des salariés percevant entre 1 et 4 smic auraient vu leur pouvoir d’achat baisser de 1,7 %. Les prix des dépenses contraintes ont évolué : - + 2,7 % pour le logement ; - + 2,3 % pour les dépenses de transport et de communication ; - + 0,5 % pour les dépenses d’assurance ; - - 0,1 % pour les dépenses alimentaires. Selon le niveau revenu et en tenant compte de ces évolutions, la perte de pouvoir d’achat aurait été : - pour un revenu égal à une fois le smic : de - 2,8 % et - 2 % selon Prix et pouvoir de marché 266 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix le type de logement ; - pour un revenu égal à 1,5 fois le smic : de – 3,2 % pour les salariés en locatif privé (pour les salariés en locatif social, les aides au logement compensent la hausse des loyers) ; - pour un revenu égal à 2 fois le smic : de - 2 % quel que soit le type de logement ; - pour un revenu égal à 2,5 fois le smic : sensiblement égale à la hausse moyenne des prix d’ensemble ; - pour les revenus au-delà de 2,5 fois le smic, la perte de pouvoir d’achat est inférieure à l’augmentation moyenne des prix à la consommation. Les résultats de cette simulation montrent à l’évidence la nécessité, dans le cadre du dialogue social, de construire des indices de prix catégoriels qui pondèrent la part de l’indice des prix suivant le poids des dépenses contraintes et nécessaires dans les revenus des ménages. Prix et pouvoir de marché 267 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix Prix et pouvoir de marché 268 Annexe - Lodeom : mesures de soutien à l’économie et aux entreprises centres sur les allégements fiscaux 4. Les zones franches d’activité (ZFA) Les PME (moins de 250 salariés) réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 50 M€ et exerçant dans l’un des secteurs d’activité visés sont éligibles à un abattement de leur impôt sur les bénéfices (IR ou IS), de leur taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), de la taxe foncière sur les propriétés non bâties sur les terres agricoles et de la CET (en remplacement de la taxe professionnelle à partir de 2011) : - le taux d’abattement de l’impôt sur les bénéfices est plafonné à 150 000 € et est de 50 % pour les exercices de 2008 à 2014, puis respectivement 40 %, 35 % et 30 % pour les années 2015, 2016 et 2017 ; - le taux d’abattement de TFPB est de 50 % de 2009 à 2015, 40 % en 2016, 35 % en 2017 et 30 % en 2018 ; - le taux d’abattement de la CET est de 80 % de 2009 à 2015, 70 % en 2016, 65 % en 2017 et 60 % en 2018. En contrepartie, l’entreprise s’engage à des mesures supplémentaires dans la formation professionnelle : - réalisation de dépenses de formation professionnelle en faveur du personnel d’exploitation ; - versement d’une contribution au fonds d’appui aux expérimentations en faveur des jeunes mis en place en décembre 2008 par l’article 25 de la loi généralisant le RSA et réformant les politiques d’insertion. Ces deux obligations cumulatives doivent représenter ensemble au moins 5 % de la quote-part des bénéfices exonérés pour un nombre identifié de secteurs et certaines zones géographiques prioritaires. De plus, il existe un taux d’abattement dans les ZFA bonifiées pour certains secteurs prioritaires (recherche et développement, technologie de l’information et de la communication, tourisme et activités de loisirs s’y rapportant, agro-nutrition, environnement et énergies renouvelables) et zones géographiques avec un plafonnement de l’abattement de l’impôt sur les bénéfices relevé à 300 000 € et un taux de 80 % de 2008 à 2014 (puis respectivement 70 %, 60 % et 50 % en 2015, 2016 et 2017), de la TFPB dans les mêmes 269 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix conditions et de la CET relevée à 100 % entre 2009 et 2015, puis respectivement 90 %, 80 % et 70 % en 2016, 2017 et 2018.dont les recherches représentent plus de 5 % des charges. La défiscalisation des investissements productifs Les mesures de la LODEOM en matière d’investissement productif concernent : - l’abaissement des seuils d’agrément (du ministère des Finances) afin de permettre un meilleur contrôle sur la finalité économique des opérations de défiscalisation. Ils ont ainsi été ramenés de 300 000 € à 250 000 € pour les investissements « externalisés » (non réalisés par des personnes en assurant elles-mêmes l’exploitation) et pour les investissements réalisés dans les secteurs sensibles ; - deux nouveaux secteurs éligibles aux dispositifs de défiscalisation : celui de la recherche, en raison de son impact sur la compétitivité des entreprises, et celui du financement de projets de câbles sous-marins, en raison du coût élevé des liaisons et de la nécessité de sécuriser les communications ; - l’élargissement de l’avantage fiscal aux exploitants d’hôtels et non plus aux seuls propriétaires, afin d’aider ce secteur ; - le taux de la défiscalisation sur les navires de plaisance, ramené à 50 % (après 70 %) en raison des nombreux abus observés (délocalisation vers d’autres îles) et du constat que la flotte était reconstituée ; - le plafonnement des investissements dans le secteur des énergies renouvelables. Régime général Sont concernés les établissements situés à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à la Réunion, à SaintBarthélemy et à Saint-Martin : - dont l’effectif moyen est d’au plus dix salariés ; si l’effectif vient à dépasser le seuil de dix salariés, le bénéfice intégral de l’exonération est maintenu dans la limite des dix salariés précédemment occupés ou, en cas de départ, remplacés ; - dont l’activité relève, quel que soit leur effectif : du BTP, de l’industrie, de la restauration, à l’exception de la restauration de tourisme classée, de la presse, de la production audiovisuelle, des énergies renouvelables, des NTIC, des centres d’appel, de la pêche, des cultures marines, de l’aquaculture, de l’agriculture, y compris les coopératives agricoles et sociétés d’intérêt collectif agricoles et leurs unions, les coopératives maritimes et leurs unions ; - dont l’activité relève du secteur du transport aérien et qui assurent la liaison entre la métropole et la Guadeloupe, la Guyane, Fiscalité 270 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix la Martinique, la Réunion, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Saint-Pierre-et-Miquelon, Mayotte ou entre ces départements ou collectivités, ainsi que la desserte intérieure de la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, la Réunion, Saint-Barthélemy ou Saint-Martin. Seuls sont pris en compte les personnels de ces entreprises concourant exclusivement à ces dessertes et affectés dans des établissements situés dans l’un de ces départements, à Saint-Barthélemy ou à Saint-Martin ; - qui assurent la desserte maritime ou fluviale de plusieurs points de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de la Réunion, de Saint-Barthélemy ou de Saint-Martin, la liaison entre les ports de ces départements ou collectivités ou la liaison entre les ports de la Réunion et de Mayotte. Régime préférentiel (exonération « renforcée ») Ce régime s’applique aux entreprises qui remplissent les conditions cumulatives suivantes : - situées en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à la Réunion, à Saint-Martin ou à Saint-Barthélemy et appartenant à l’un des secteurs suivants : agriculture, industrie, commerce, artisanat (sauf secteurs exclus), activité relevant de la comptabilité, du conseil aux entreprises, de l’ingénierie ou d’études techniques à destination des entreprises, de la R&D ou des TIC, ou réalisant des investissements de rénovation et de réhabilitation d’hôtels, de résidences de tourisme et de villages de vacances classés, ou des investissements nécessaires à l’exploitation d’une concession de service public local à caractère industriel et commercial réalisés dans des secteurs éligibles ; - employant moins de 250 salariés et réalisant un chiffre d’affaires annuel inférieur à 50 M€ ; - étant soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d’imposition ; - pour l’ensemble de l’outre-mer, sauf la Guyane, les îles des Saintes, Marie-Galante, Désirade et les communes de la Réunion constituant la zone spéciale d’action rurale : - soit exerçant leur activité principale dans les secteurs de la R&D, des TIC, du tourisme, de l’environnement ou des énergies renouvelables pour les entreprises situées en Martinique, en Guadeloupe ou à la Réunion dans les secteurs du tourisme, de l’agro-nutrition ou des énergies renouvelables ; - soit, alternativement, ayant signé avec un organisme public de recherche ou une université une convention agréée par l’autorité administrative, portant sur un programme de recherche dans le cadre d’un projet de développement sur l’île de la Guadeloupe, de la Martinique ou de la Réunion, à condition que les dépenses de recherche engagées dans le cadre de cette convention représentent au moins 5 % des charges totales engagées par l’entreprise au titre de l’exer- Fiscalité 271 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix cice écoulé, ou ont réalisé des opérations sous le bénéfice du régime de transformation sous douane, à condition que le chiffre d’affaires provenant de ces opérations représente au moins un tiers du chiffre d’affaires de l’exploitation au titre de l’exercice écoulé. Montant des exonérations Son montant est, pour la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, la Réunion, Saint-Barthélemy et Saint-Martin : - employeurs de moins de onze salariés : - rémunérations inférieures à 2,2 smic : exonération totale des cotisations patronales de Sécurité sociale, sauf AT-MP, sur la partie du salaire allant jusqu’à 1,4 smic ; - rémunérations égales ou supérieures à 2,2 smic : le montant de l’exonération décroît de manière linéaire à mesure que le salaire versé augmente, jusqu’à disparaître lorsque le salaire atteint 3,8 smic ; - employeurs de onze salariés et plus : exonération totale des cotisations patronales de Sécurité sociale, sauf AT-MP, jusqu’à 1,4 smic, puis dégressive et s’annulant à 3,8 smic ; - employeurs remplissant les critères de l’exonération « renforcée » : exonération totale des cotisations patronales de Sécurité sociale, sauf AT-MP, sur la partie du salaire allant jusqu’à 1,6 smic pour les rémunérations inférieures à 2,5 smic, puis dégressive et s’annulant à 4,5 smic ; - cotisations sociales restant dues : cotisations patronales d’assurance sociale et d’allocations familiales sur la partie de la rémunération excédant le seuil de la franchise, cotisations AT/ MP, cotisations salariales de Sécurité sociale, CSG, CRDS, contribution solidarité autonomie (CSA), FNAL, versement transport, cotisations salariales et patronales de retraite complémentaire (AGIRC/ARRCO), cotisations salariales et patronales d’assurance chômage. La défiscalisation dans le logement Concernant le logement, la LODEOM a introduit trois changements majeurs : l’extinction progressive du dispositif Girardin concernant l’investissement locatif dans le secteur libre et intermédiaire pour s’annuler respectivement en 2012 et 2013 ; - la création d’un nouvel article (199 undecies C) permettant des incitations fiscales pour le financement de logements locatifs sociaux classiques (LLS) et PLS (prêt locatif social), ainsi que des résidences avec services pour personnes âgées ; Fiscalité 272 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix - l’extension à l’outre-mer du dispositif Scellier à des taux de réduction plus favorables, comme c’est déjà le cas en métropole. Fiscalité 273 Entretiens Rencontres des institutions martiniquaises ADEM, Agence pour le développement économique de la Martinique AMPI, Association Martiniquaise pour la Promotion de l’Industrie Association des usagers de l’eau Caisse d’allocations famillales (CAF) de la Martinique Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de la Martinique Chambre d’Agriculture CGPME, Confédération générale des PME Comité martiniquais du Tourisme (CMT) Conseil économique et social régional Conseil général Conseil régional Le bureau de l’UIRM/CFDT La direction de l’Agriculture et de la Forêt La direction départementale de l’Équipement La direction régionale des Affaires sanitaires et sociales La direction générale de la Concurrence, de la Consommation et des Fraudes Fédération des commerces et de la distribution IEDOM, Institut d’émission des départements d’outre-mer Insee, Institut national de la statistique et des études économiques MEDEF, Mouvement des entreprises de France Syndicat de la distribution et des grossistes alimentaires UFC-Que choisir Personnalités ARMOUGON André, secrétaire général SARA AVILON Alex, secrétaire général, Syndicat de la distribution et des grossistes alimentaires (SDGA) BRANCHI Michel, ancien commissaire de la Concurrence (DGCCRF), expert auprès de l’ARACT et membre de l’Observatoire des prix et des revenus BERTOME Louis Daniel, président de la Chambre d’agriculture de la Martinique 274 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix BRIVAL Bruno, délégué général (ADEM) CHILLAIN Nathalie, responsable Communication SARA COMTE Cyril, président du MEDEF Martinique CREN Jean-Charles, directeur de la région Martinique, CMA CGM Antilles Guyane CRESTOR Richard, secrétaire général de l’Association martiniquaise pour la promotion de l’Industrie (AMPI) CRISPIN Michel, président du Conseil économique et social régional de Martinique (CESR Martinique) DANIEL Patrick, directeur de magasin Hyper U DESSEIGNE Stéphane, directeur général, E.LECLERC Martinique (groupe Hedder Lancry) DUFEAL Rodrigue, responsable du département Développement social local, CAF de la Martinique FAKHOURY Laurent, directeur adjoint, IEDOM Martinique LE GRAND Hervé, chef de service Unité de coordination des études et de la diffusion, Insee Fort-de-France HUBERSON Gilles, conseiller diplomatique, ministère de l’Intérieur, de l’Outremer et des Collectivités territoriales de JAHAM Joseph, directeur général, Leader Price LA COGNATA Philippe, directeur, IEDOM LE CESNE Benoît, directeur général, Karibéa Hotels LEROY, Deal Martinique LÉOCADIE Frantz, directeur, CAF de la Martinique LETCHIMY Serge, président du Conseil régional MARGURERITTE Pascal, chargé de mission à l’Économie et aux Relations européennes, Conseil général de la Martinique MARIE-JOSEPH Pierre, président, Association martiniquaise pour la promotion de l’industrie (AMPI) MONROSE Nicaise, directeur général, Chambre d’agriculture de Martinique PARA Georges, chef du service régional de Martinique, direction interrégionale Antilles-Guyane PARFAIT Robert, directeur général, Hyper U PATTERY Johny, directeur de cabinet, Conseil général de la Martinique PELLIN Olivier, directeur, centre commercial Dillon (Carrefour) POMPIÈRE Claude, président, Chambre de commerce et d’industrie de la Martinique RAYMOND Olivier, chargé d’étude, Comité national routier RIMBAUD Jean-Pierre, Etablissement Georges alimentaire, agent 3 Suisses Antilles-Guyane de NEGRI, distribution ROSIER Willy, directeur général adjoint, Comité martiniquais du Tourisme SABIN Frantz, directeur général, Chambre de commerce et d’industrie de la Martinique VO-DINH Claude, conseiller technique, ministère de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales Synthèse 275 Bibliographie et sources documentaires ADUAM, Le secteur locatif privé en Martinique, état de lieu des loyers, mai 2007 ADUAM, La problématique du foncier, un foncier qui se mord la queue, décembre 2007 ADUAM, La demande de logement social en Martinique, septembre 2008 AGRESTE Martinique, Les services publics d’eau et d’assainissement en Martinique, Enquête eau 2004, septembre 2007 Annuaire fiscal 2004 à 2009 Assemblée nationale, Avis présenté au nom de la commission des Affaires sociales sur le projet de loi de finances pour 2011 (n°113) Avis n° 09-A-21 du 24 juin 2009 relatif à la situation de la concurrence sur les marchés des carburants dans les départements d’outre-mer Avis n° 09-A-45 du 8 septembre 2009 relatif aux mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d’outre-mer Avis présenté au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de finances pour 2011 (n°113), tome III - Outre-mer, Assemblée nationale Avis présenté au nom de la Commission des affaires économiques sur le projet de loi de finances pour 2011 (n°2824), Tome VIII - Outre-mer, Alfred Almont, Assemblée nationale BRANCHI Michel, Document d’étude syndical (Séminaire CGTM du 19 mars 2008) Thème : pouvoir d’achat, prix et salaires CEROM, Les entreprises de Martinique CEROM, Les comptes économiques de la Martinique en 2008, Coup de frein sur la croissance, septembre 2009 CNRS, École nationale supérieure de Cachan (ENSC), Évaluation des surcoûts économiques de l’ultrapériphéricité dans les DOM, Juin 2005 Conseil interministériel de l’outre-mer, Mesures du CIOM déclinées par territoire, la Martinique, Palais de l’Elysée, 6 novembre 2009 Conseil des prélèvements obligatoires, Entreprises et niches fiscales et sociales, des dispositifs dérogatoires nombreux, octobre 2010 Déclaration annuelle des données sociales (DADS) DGDDI, vade-mecum sur l’octroi de mer, régime issu de la loin°2004-639 du 2 juillet 2004 (mise à jour de septembre 2006) Document de politique transversale (DPT) outre mer, projet de loi de finances pour 2010 et pour 2011 Document de politique transversale, projet de loi de finance 2010 outre-mer IEDOM La Martinique 2009, édition 2010 IEDOM, Les effets économiques de la crise sociale aux Antilles au premier trimestre 2009 IEDOM, La Martinique 2000, édition 2009 276 Pouvoir d’achat à la Martinique : incidence de la structure des coûts et des prix IEDOM, Profils sectoriels de sociétés dans les DOM en 2004 Industrie, BTP, Commerce Comparaisons avec les entreprises de métropole Evolutions des performances de 1999 à 2004, décembre 2006 Insee Antianéchos, La montée du tertiaire rapproche les territoires, décembre 2007 Insee Antianéchos, Plus d’un salarié sur trois dans la sphère publique en Martinique, octobre 2008 Insee Antianéchos, Entreprises de Martinique : en 2005, prédominance du tertiaire, mars 2008 Insee Antiane n°73, Le régime de l’auto-entrepreneur dynamise la création d’entreprise, juin 2010 Insee Antiane n°73, Les jeunes de plus en plus éloignés de l’emploi, Juin 2010 Insee Premiers Résultats N°42, L’enquête emploi en Martinique en 2008 ; le chômage augmente, mars 2009 Insee Premiers Résultats N°56, L’enquête emploi en Martinique, deuxième semestre 2009, février 2010 Insee Premiers Résultats N°59, Enquête Budget de Famille en Martinique en 2006 - 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RAWLS John, Théorie de la justice, Le Seuil Rapport de la commission Mesure du pouvoir d’achat des ménages, présidée par Alain Quinet, remis à Mme Christine Lagarde, ministre de l’Économie, des Finances et de l’Emploi, 6 février 2008. Rapport de l’Observatoire des Finances locales, Les finances des collectivités locales en 2010 Rapport sur le dispositif de suivi et de pilotage de la dépense de l’État outremer, mission d’audit de modernisation, Contrôle général économique et financier, IGA, février 2007 Rapport d’information sur la mise en application de la loi n°2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, Claude Bartolone et Gaël Yanno, Assemblée nationale, 29 septembre 2010 Rapport d’information au nom de la mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer, Eric Doligé, Assemblée nationale, 7 juillet 2009 Rapport d’information sur la fonction publique d’État et la fonction publique locale outre-mer, Marc Laffineur, Assemble nationale, 25 septembre 2003 Rapport sur la TVA non perçue récupérable, mission d’audit de modernisation, IGF-IGA, juillet 2007 IEDOM-IEOM, Les enjeux dans les outre-mer français progrès, enjeux, disparités, février 2010 Octroi de mer, exonérations de la production industrielle réunionnaise, éléments d’analyse micro-économique, avril 2003. Observatoire des prix et des marges, Enquête DGCCRF juillet 2009, document du 7 octobre 2009 SYNDEX, Approvisionnement en produits pétroliers des départements français d’Amérique, Rapport d’étape au Comité des Parties prenantes, Juin 2010 Tarif d’octroi de mer, annexe à la délibération n°04-1915 du conseil régional de la Martinique Taux d’octroi de mer et octroi de mer régional, mise à jour du 27 mai 2009, conseil régional de la Martinique Trésor Eco, n°53, mars 2009 UNEDIC-ASSEDIC, Enquête en besoins de main-d’oeuvre 2008, Région Martinique Synthèse 278 Conclusion générale La notion de développement endogène a été fortement mise en avant dans le cadre des États généraux de l’Outre-mer. Néanmoins, s’il s’agit par là de réduire les transferts de l’État, le développement endogène se confond dès lors avec une rupture de la solidarité nationale, telle qu’elle s’exerce pour chacune des parties de la nation. S’il s’agit de repenser la place des productions locales dans le cadre du développement économique et social du département, il convient dès lors de changer de concept. La transparence des marchés comme des politiques publiques, la régulation des marchés et la fiscalité (directe et indirecte) semblent les trois thématiques centrales sur lesquelles une réflexion de fond doit encore être engagée dans le cadre du dialogue social territorial, en vue de construire une vision partagée d’un autre modèle économique permettant davantage de justice sociale, mais favorisant également un développement durable des départements d’Outre-mer, qui articule les trois dimensions économique, sociale et environnementale. 279 Syndex 27, rue des Petites-Ecuries 75010 Paris – France Tél : (33) 1 44 79 13 00 Fax : (33) 1 44 79 09 44