DIAGNOSTIC THÉMATIQUE EN PARASITOLOGIE À TAPER Diagnostic des parasitoses cutanées en France Eric Caumesa,*, Patrice Bouréeb RÉSUMÉ Les parasitoses cutanées sont fréquentes et dues essentiellement aux ectoparasites, comme le sarcopte, cosmopolite, responsable de la gale (prurit nocturne, sillon cutané). Les poux (Pediculus humanus et Phtirus pubis) provoquent aussi du prurit. Le diagnostic est affirmé par la découverte des lentes. Les myiases sont dues au développement chez l’homme de larves de mouches, provoquant des lésions cutanées ou muqueuses. Le diagnostic d’espèce est établi sur l’identification de la larve. Tunga penetrans la puce chique provoque une ou plusieurs lésions sur les pieds. Les Larva migrans cutanées ankylostomiennes sont dues aux larves d’ankylostomes de chien qui traversent la peau de l’homme et forment une dermatite rampante. Les filarioses (loase, onchocercose, filarioses lymphatiques) provoquent du prurit mais sont rares chez le touriste. La leishmaniose cutanée est très polymorphe et le diagnostic est établi sur la mise en évidence des leishmanies sur le frottis de la lésion. Parasitoses cutanées – sarcoptes – poux – Tunga penetrans – Larva migrans cutanée – leishmaniose cutanée. 1. Introduction On peut classer les parasitoses cutanées en fonction du parasite en cause : arthropodes, protozoaires, helminthes [9] et de leur fréquence (tableau I). En France, les principales parasitoses cutanées observées sont la gale et les pédiculoses (tête, pubis, corps), dermatoses dues à des arthropodes [13]. La leishmaniose cutanée localisée, dans le sud de la France, certaines formes de myiases cutanées et les dirofilarioses sont beaucoup plus rarement observées. Les autres dermatoses parasitaires sont plutôt rencontrées chez des voyageurs au retour de voyage en pays tropical [10]. a Service des maladies infectieuses et tropicales Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière 47, bd de l’Hôpital 75651 Paris cedex 13 b Unité des maladies parasitaires et tropicales Groupe hospitalier de Bicêtre 78, rue du Général-Leclerc 94275 Kremlin Bicêtre cedex * Correspondance : [email protected] article reçu le 17 juillet, accepté le 19 novembre 2007. © 2008 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés. SUMMARY Parasitic skin diseases Cutaneous skin diseases due to parasites are common and mostly caused by ectoparasitosis such as Sarcoptes scabiei,which provokes scabies (pruritus, burrow). Lice (Pediculus humanus and Phtirus pubis) also cause pruritus. Diagnosis is based on the presence of eggs. Myiasis is due to the larvae (maggots) of some flies that infest the subcutaneous tissue or mucous membranes. Diagnosis relies on the morphologic characteristics of the maggot. Tunga penetrans (or chiggoe flea) burries in the cutaneous tissue of the feet, causing great pain. Hookworm related cutaneous Larva migrans are due to dog hookworms which pass through the skin and patients present with creeping dermatitis. Filariosis (loasis, onchocerciasis, bancroftian filariasis) give rise to pruritus, but are uncommon in tourists. Cutaneous leishmaniasis has a broad clinical spectrum and its diagnosis relies on the finding of Leishmania in a cutaneous swab from the border of the ulcer. Cutaneous parasitosis – sarcoptes – lice – Tunga penetrans – cutaneous Larva migrans – cutaneous leishmaniasis. 2. Dermatoses dues aux arthropodes 2.1. Gale La gale est une des maladies contagieuses les plus répandues dans le monde et est particulièrement fréquente en zone tropicale [23]. Le diagnostic doit être évoqué devant tout prurit généralisé. Il est difficile à confirmer sur le plan parasitologique pour un praticien peu entraîné. 2.1.1. Diagnostic clinique La gale classique se manifeste par un prurit et des signes cutanés plus spécifiques, : sillon sous-cutané, vésicules perlées, chancre scabieux [14]. Ces signes spécifiques sont plus rares et plus difficiles à voir. Certains caractères du prurit doivent évoquer le diagnostic : il est généralisé intense, habituellement à recrudescence nocturne et souvent collectif ou familial (« tout prurit conjugal est une gale »). Les lésions induites par le grattage (papules, vésicules, pustules, érosions et stries de grattage) (figure 1) touchent plus particulièrement les espaces interdigitaux REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - FÉVRIER 2008 - N°399 // 55 Figure 1 – Gale : lésions de grattage. Figure 2 – Sillon cutané interdigital. des mains, la face antérieure des poignets, les coudes, les emmanchures antérieures, la région ombilicale, les fesses, la face interne des cuisses et les seins chez la femme, les organes génitaux chez l’homme. Le dos est moins souvent atteint. Le cou et le visage sont en règle épargnés, mais le cuir chevelu (comme les cils et sourcils) peut être colonisé par le parasite. Le sillon scabieux est un signe clinique spécifique [27]. Il réalise une petite lésion cutanée sinueuse, filiforme de quelques millimètres de long. Il correspond au trajet en tunnel de l’acarien femelle qui progresse de 1 à 2 mm par jour dans la couche cornée. Il s’observe surtout aux régions interdigitales des mains et sur les faces antérieures des poignets (figure 2). À l’une des extrémités du sillon, peut exister parfois une surélévation de la taille d’une tête d’épingle, qui correspond à la position de la femelle adulte. Les « vésicules » perlées sont en fait des pustules cutanées localisées dans les territoires de prédilection du sarcopte. Le « chancre » scabieux est en fait un nodule de 5 à 10 mm de diamètre, de couleur rouge-brun cuivré et infiltré à la palpation. Il se localise à la région génitale. L’évolution vers la régression est longue, allant jusqu’à plusieurs mois après la guérison de la scabiose. Il s’agit d’une réaction d’hypersensibilité de type granulome à des antigènes persistants de sarcoptes morts. Chez le sujet âgé en collectivité, le diagnostic est souvent tardif car le prurit est initialement souvent considéré comme « sénile ». C’est parfois l’apparition de cas chez le personnel soignant qui révèle une épidémie dans des maisons de retraite. La gale croûteuse, autrefois dénommée norvégienne, est particulièrement contagieuse. Les lésions sont croûteuses, hyperkératosiques et disséminées sur tout le corps. Le visage peut être atteint. 2.1.2. Diagnostic parasitologique Tableau I – Principales parasitoses cutanées. Fréquence Arthropodes Helminthes +++ Gale Pédiculoses Phthiriase Larva migrans ++ Tungose Myiases Loase Onchocercose ± Demodex Larva currens Dirofilariose Cysticercose Dermatite des canards Protozoaires Leishmaniose cutanée Amibiase cutanée Trypanosomiase 56 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - FÉVRIER 2008 - N°399 Le diagnostic doit toujours, dans la mesure du possible, être confirmé par l’examen parasitologique direct qui identifie au microscope optique le sarcopte, ses œufs ou ses déjections. Le diagnostic est plus facile à confirmer dans les formes typiques (ou le diagnostic clinique est possible) que dans les formes atypiques (sujet âgé en institution, nourrisson, formes frustes), ou en cas d’association de plusieurs affections cutanées [16]. Mais l’examen direct manque de sensibilité même entre des mains expérimentées [15]. Différentes techniques de grattage de la peau (curette, lame de rasoir ou de bistouri) ont été utilisées dans le passé, permettant d’obtenir la couche cornée, lieu de résidence de Sarcoptes scabiei. Les sillons peuvent être repérés par un test à l’encre de Chine au niveau des espaces interdigitaux et des poignets, il faut repérer la petite vésicule à leurs extrémités (là ou se niche la femelle). Le prélèvement peut aussi porter sur des papules péri ombilicales, mamelonaires (pour la femme adulte), toutes lésions du gland (chez l’homme), et des régions palmo-plantaires chez le petit garçon. Il faut pratiquer ensuite un grattage énergique (gratter en profondeur jusqu’à la rosée sanglante) afin de déposer un maximum de cellules épithéliales dans la goutte de vaseline 2.2.2. Pédiculose corporelle La pédiculose corporelle est due à l’infestation par le pou de corps (Pediculus humanus). Pediculus humanus, le poux du corps, est un ectoparasite, aplati dorso-ventralement mesurant de 1 à 4,5 mm, pourvu de 3 paires de pattes terminée par des griffes puissantes (figure 6). Le corps est allongé avec des stigmates respiratoires latéraux. Outre son caractère « nuisant » provoquant une pigmentation cutanée (« mélanodermie des vagabonds »), le pou de corps est le vecteur potentiel de plusieurs affections (typhus exanthématique dû à Rickettsia prowazeki, fièvre des tranchées due à Rickettsia quintana et fièvre récurrente due à Borrelia recurrentis). L’homme s’infeste par écrasement du pou à proximité d’une lésion cutanée. Figure 6 – Pediculus humanus. Le prurit, avec ses lésions de grattage, est disséminé sur le tronc, la racine des membres (figure 7). Ces lésions peuvent saigner et se surinfecter. Le diagnostic de certitude est basé sur la découverte de poux sur le corps lors du déshabillage ou sur les vêtements car le pou circule sur le corps le temps de se nourrir ; il se réfugie ensuite dans les vêtements et pond ses œufs sur les fibres textiles. 2.2.3. Phtirose La phtirose est la pédiculose à Phtirus pubis (poux de pubis, morpion). Il s’agit d’une ectoparasitose due à Phtirus pubis. Contrairement au pou de tête et au pou de corps qui sont très mobiles, l’adulte vit accroché aux poils de la région génitale près de leur émergence. Il pond les œufs sur la pilosité génitale. Le diagnostic est évoqué sur la notion d’un prurit pubien, associé à des lésions de grattage, qui peuvent être impétiginisées et s’accompagner d’adénopathies inguinales [21]. Il est confirmé par l’examen attentif du pubis qui révèle les adultes sous la forme d’une petite tache grise près de l’orifice des poils. Les lentes sont à la limite de la visibilité sous la forme d’une petite masse arrondie, collée au poil. Les pilosités péri-anale, axillaire et pectorale peuvent être touchées. La colonisation des cils est possible, responsable d’une blépharite. Les lentes sont retrouvées sur les poils ou les cils. Phtirus pubis a un corps globuleux de 1 à 2 mm, avec un abdomen aussi large que long et des stigmates respiratoires situés sur la face dorsale. Il est pourvu de 3 paires de pattes dont la première est plus petite que les deux autres, munies de très puissantes griffes (figure 8). 2.3. Démodécie Lors d’acné rosacé ou de blépharite, une biopsie cutanée ou un prélèvement de cil peut mettre en évidence des Demodex folliculorum. Cet acarien vermiforme de 400 microns de long, avec 4 courtes pattes regroupées à la partie antérieure (figure 9), vit dans les follicules pilo-sébacés du sillon naso-génien et du front, et est très fréquent. Son caractère pathogène est discuté. Figure 8 – Phtirus pubis (morpion). Figure 7 – Lésions cutanées dues aux poux du pubis. 58 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - FÉVRIER 2008 - N°399 DIAGNOSTIC EN PARASITOLOGIE 2.4. Myiases cutanées Elles résultent de l’infestation des tissus humains par des larves de diptères. La présentation clinique diffère selon le type de myiase (furonculoïde, migratoire, cavitaire) souvent conditionnée par l’origine géographique de la contamination [10, 26]. Elles sont rares en France, et surtout en Bretagne et en Normandie. Le diagnostic de myiase est toujours parasitologique, fait par l’identification de la larve prélevée de la lésion cutanée ou muqueuse. L’orifice laissé par l’ablation de la larve doit être bien désinfecté. Les myiases ne transmettent aucune maladie. Les larves de mouches, mesurant 1 à 2 centimètres de long, ont une forme cylindrique, annelée, avec des épines sur chaque anneau (figure 10). Elles sont pourvues de crochets buccaux et de stigmates antérieurs. Le diagnostic est établi sur la forme des stigmates respiratoires postérieurs, formant des figures très différentes selon les espèces [6]. 2.5. Tungose (puce-chique) C’est l’infestation des tissus sous-cutanés par la femelle de la puce de sable, Tunga penetrans également appelée puce-chique. Elle est seulement présente en Amérique latine, dans les Caraïbes, en Afrique et en Asie jusqu’à la côte ouest de l’Inde souvent chez des populations défavorisées et peut s’observer chez les voyageurs [10], À Haïti, le problème a été partiellement résolu par la distribution de chaussures [20]. La lésion cutanée élémentaire est une papule ou un nodule de couleur noire centrée par un point au travers duquel les œufs de la puce sont expulsés ; il est classiquement unique et localisé au niveau des extrémités distales des membres inférieurs (région sous-unguéale, orteils, plantes des pieds) [12]. Figure 9 – Demodex folliculorum. Le diagnostic est parasitologique, confirmé par l’aspect morphologique après extraction à la curette. Après extraction, il subsiste un orifice cutané qu’il faut bien désinfecter. La puce-chique ne transmet aucune maladie mais la lésion cutanée peut être la porte d’entrée pour un germe tellurique (tétanos) ou un pyogène banal. Tunga penetrans est une petite puce de 1 mm qui se gorge de sang et devient globuleuse (5 mm) et pond environ 250 œufs. Ces œufs éclosent en terrain sec en 3 à 4 jours, pour donner naissance à des larves de 2 mm qui muent rapidement vers le stade de puce adulte en 18 jours. 3. Dermatoses dues aux helminthes 3.1. Larva migrans cutanée ankylostomienne C’est la plus fréquente des dermatoses tropicales touchant le voyageur [11, 25]. Elle est le plus souvent due à des larves d’ankylostomes de chien, de chats ou d’autres mammifères et habituellement acquise en s’allongeant ou en marchant sur les plages tropicales. Le diagnostic repose sur la clinique et l’épidémiologie et exceptionnellement sur l’examen parasitologique direct. L’hyperéosinophilie est inconstante. Cliniquement, elle réalise un cordon sous-cutané érythémateux, linéaire ou serpigineux et très prurigineux d’approximativement 3 mm de large, jusqu’à 15 à 20 cm de long (figure 11). Le nombre moyen de lésion par patient varie de 1 à 3. Les localisations les plus fréquentes sont les pieds et les fesses [8]. L’éruption dure habituellement de deux à huit semaines, mais des cas ont été rapportés jusqu’à deux ans d’évolution. Des lésions vésiculobulleuses et dans une moindre mesure l’impétiginisation sont Figure 10 – Larve de mouche, responsable de myiase Figure 11 – Larva migrans cutanée. REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - FÉVRIER 2008 - N°399 // 59 fréquentes. Le diagnostic clinique fait discuter les autres causes de dermatite rampante [19]. Il existe une forme particulière de Larva migrans cutanée ankylostomienne, connue sous le nom de folliculite ankylostomienne, qui survient habituellement au niveau des fesses et dont le diagnostic peut être parasitologique par la mise en évidence au niveau d’une pustule cutanée de la larve trappée dans le follicule pileux. Un aspect plus rectiligne et surtout plus mobile, au niveau des fesses, peut être dû à la migration sous-cutanée de larves d’anguillules, ou Larva currens [18]. La mise en évidence des anguillules dans les selles permet d’affirmer le diagnostic (technique de Baerman). 3.2. Les filarioses (filariose lymphatique, loase, onchocercose) Elles sont observées en France mais seulement chez des voyageurs, le plus souvent des migrants [10]. La loase est transmise par piqûre d’une mouche en Afrique centrale forestière. Elle se manifeste par du prurit, un sillon Figure 12 – Biopsie cutanée exsangue : recherche d’Onchocerca volvulus. Figure 13 – Filaire de Médine. cutané érythémateux, des œdèmes fugaces et migrateurs et le passage de la filaire adulte sous la conjonctive. L’onchocercose est transmise par piqûre d’une simulie en Afrique subsahélienne, principalement. Chez les touristes, une onchocercose peut être révélée par du prurit intense, des nodules cutanés [5] ou par des formes aiguës à type de lymphœdème de membres au retour de séjour en Afrique centrale ou de l’Ouest. La filariose lymphatique est transmise par piqûre d’un moustique en Afrique subsaharienne, sous continent indien, sud de l’Asie du Sud et quelques îles de l’Océanie. La filariose lymphatique provoque des lymphangites dites rétrogrades (allant de la racine du membre vers son extrémité), une chylurie puis plusieurs années plus tard des œdèmes des membres inférieurs, supérieurs et des organes génitaux, réalisant un éléphantiasis. Cette pathologie est rencontrée principalement chez les autochtones ayant passé de nombreuses années en brousse. Le diagnostic, variable selon la filariose, repose sur la sérologie, ou mieux, l’examen parasitologique direct : microfilarémie par frottis, goutte épaisse et hémolyse concentration (loase, filariose lymphatique) ou biopsie cutanée exsangue (onchocercose) (figure 12). • Loa-loa Recherche des microfilaires sanguicoles vers 12 h (microfilaire mesurant 300 x 8 microns, entourée d’une gaine et contenant de gros noyaux irréguliers se chevauchant). • Wuchereria bancrofti Recherche de microfilaires sanguicoles vers 24 h (microfilaires mesurant 300 x 8 microns, entourée d’une gaine et contenant de petits noyaux arrondis et bien espacés). • Onchocerca volvulus Recherche des microfilaires dermiques (microfilaires sans gaine, mesurant 300 x 8 microns, avec des noyaux ovoïdes se chevauchant). En outre, l’hyperéosinophilie est constante et reste élevée pendant très longtemps. Le sérodiagnostic (immunofluorescence, Elisa, électrosynérèse, Western blot) est une réaction de groupe. Figure 14 – Leishmaniose cutanée. 60 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - FÉVRIER 2008 - N°399 Figure 15 – Leishmanies sur une apposition cutanée. DIAGNOSTIC EN PARASITOLOGIE 3.3. Dracunculose 3.6. Dermatite cercarienne La dracunculose, ou filaire de Médine, est due à l’ingestion de la larve avec l’eau de boisson. En quelques mois, la larve va grandir, se transformer en ver adulte et venir sous la peau. Le diagnostic est facilement évoqué devant un sillon cutané, sinueux, se terminant par un phlyctène, qui se rompt et laisse sortir la filaire adulte : ver blanc de 50 à 100 cm x 1 mm (figure 13). Le traitement consiste à l’extraire doucement en l’enroulant chaque jour sur une allumette. Une désinfection locale soigneuse et une vaccination antitétanique sont recommandées étant donné la porte d’entrée profonde pour les germes. Avec les campagnes de l’OMS pour l’eau potable, cette affection a très nettement régressé en Afrique, mais reste encore présente dans les zones de conflit. Aussi, cette parasitose, encore constatée chez des Africains émigrés il y a une quinzaine d’années, est devenue exceptionnelle aujourd’hui. Cependant, il est encore possible de voir des images de filaire de Médine calcifiées sur des radiographies, ce qui ne nécessite aucun traitement. En Europe, l’atteinte cutanée par la bilharziose des canards Trichobilharzia ocellata est possible dans certains lacs. Le parasite n’étant pas adapté à l’homme, le cycle ne peut pas s’effectuer et l’affection est évoquée sur le contexte épidémiologique et clinique [7]. 4. Dermatoses dues aux protozoaires 4.1. Leishmaniose cutanée localisée La leishmaniose cutanée localisée (LCL) est une maladie répandue dans les pays tropicaux et à la saison chaude dans les pays tempérés comme ceux du bassin méditerranéen, en fonction des différentes espèces de leishmanies (tableau II). La transmission est effectuée par la piqûre d’un petit diptère, le phlébotome. Elle peut aussi être observée chez les voyageurs [3, 4]. Le diagnostic, rarement évoqué sur la clinique (figure 14), est facilement confirmé par l’examen parasitologique. 3.4. Dirofilarioses Elles sont transmises par piqûres de moustiques dans les pays tempérés. Plusieurs espèces de Dirofilaria sont pathogènes. Elle est souvent responsable d’un œdème fugace ou d’un nodule sous-cutané (semblable à un nodule onchocerquien) [1]. Le diagnostic est rarement évoqué cliniquement [17]. Il est fait par la chirurgie et confirmé par l’anatomopathologie. Étant donné le caractère peu pathogène des Dirofilaria, le diagnostic est le plus évoqué devant la découverte fortuite d’une coupe de Dirofilaria dans le poumon ou dans le derme, de diamètre variant de 100 à 500 microns (striations longitudinales cuticulaires, musculature polymyaire, avec une cuticule de texture feuilletée). 3.5. Helminthiases, en phase invasive ou en impasse parasitaire Elles peuvent se révéler par une urticaire. On évoque la bilharziose [2], la gnathostomose et les helminthiases intestinales au retour d’un voyage en pays d’endémie, ainsi que des helminthiases plus cosmopolites (trichinellose, toxocarose, anisakiase) en dehors de tout voyage. L’hyperéosinophilie est, dans ce cas, un très bon élément d’orientation en faveur d’une helminthiase mais elle peut être d’apparition retardée par rapport au signe clinique. Le diagnostic est évoqué sur les modalités possibles de contamination et la notion d’épidémie. Il est confirmé, selon l’helminthiase en cause, par les sérologies (séroconversion possible du fait du retard à l’apparition des anticorps) puis les examens parasitologiques directs. Parmi les atteintes cutanées rares des helminthiases, il ne faut pas oublier l’hydatidose sous-cutanée (pathologie habituelle du foie avec des possibilités de localisations erratiques) et la cysticercose, due à l’infestation par le tænia du porc, Tænia solium, dont les localisations préférentielles sont les muscles, l’œil et le cerveau. L’examen parasitologique des selles permet de retrouver les œufs de bilharziose et des autres vers intestinaux (ascaris, ankylostome). Les sérodiagnostics des différentes parasitoses (Elisa, Western blot) sont possibles. 4.1.1. Diagnostic clinique Le diagnostic est difficile à évoquer pour un médecin non entraîné sur la clinique du fait du polymorphisme lésionnel de la maladie [24]. Les formes cliniques de LCL incluent des papules, nodules, plaques, ulcères ou lymphangite nodulaire. Les caractères cliniques communs aux différentes formes de LCL incluent une localisation sur les zones exposées (face, bras, jambe), l’absence de douleur, un petit nombre de lésions, la chronicité (plus de quinze jours d’évolution) et l’échec des antibiotiques (qui sont souvent prescrits car le principal diagnostic différentiel en est la pyodermite). 4.1.2. Diagnostic parasitologique Le diagnostic est habituellement fait par l’examen microscopique direct d’un frottis cutané [28]. L’examen parasitologique est pratiqué après coloration par le May-Grunwald-Giemsa, sur le produit de raclage de la périphérie de la lésion ou, moins souvent, sur la sérosité obtenue après scarification, ou aspiration, d’une lésion nodulaire ou ulcérée ou, enfin, Tableau II – Classification taxonomique des leishmanies, selon les caractères isoenzymatiques (OMS, 1990). Géographie Complexe Espèce Sous-genre Leishmania L. mexicana Nouveau monde Ancien monde L. venezuelensis L. mexicana L. amazonensis Sous-genre Vianna L. braziliensis L. braziliensis* L. peruviana L. guyanensis L. guyanensis L. panamensis L. donovani** L. donovani** L. infantum** L. major L. tropica L. aethiopica L. major L. tropica L. aethiopica * principale forme cutanéo-muqueuse ; ** forme viscérale. REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - FÉVRIER 2008 - N°399 // 61 par apposition sur lame d’un fragment prélevé par biopsie cutanée. Il montre les leishmanies à l’intérieur des macrophages, ou à l’état libre, sous forme amastigote : petite cellule de 2 à 3 microns, comprenant un noyau et un kinétoplaste colorés en violet foncé par le MGG. Positif (figure 15), il confirme immédiatement le diagnostic. Quand il est négatif, il n’élimine pas ce diagnostic, il doit être refait, si nécessaire après une antibiothérapie, et complété par d’autres examens plus sensibles : immunofluorescence indirecte à l’aide d’anticorps monoclonaux, culture systématique, PCR. La culture, et plus encore la PCR, sont plus sensibles que l’examen parasitologique direct et indispensable à l’identification de l’espèce. Les techniques d’identification utilisées sont l’apanage de rares laboratoires spécialisés (en France : Montpellier). 4.1.3. Autres moyens diagnostiques L’histologie cutanée est un examen de seconde intention. Références [1] Angeli L., Tiberio R., Zuccoli R., Annali G., Ramponi A., Leigheb G., Human dirofilariasis: 10 new cases in Piedmont, Italay. Int. J. Dermatol. 46 (2007) 844-847. [2] Amer M., Cutaneous schistosomiasis, Dermat. Clin. 12 (1994) 713717. [3] Banzet S., Epidémies de leishmanioses cutanées chez les militaires en opération en Guyane, France, Med. Trop. 60 (2000) 297-302. 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L’intradermoréaction de Monténégro a un intérêt diagnostique limité. 4.2. Autres protozoaires Les autres dermatoses dues à des protozoaires n’existent pas en France et leur rareté explique qu’il est peu probable de les voir même chez un voyageur ou un migrant. Il peut s’agir d’atteintes muqueuses (leishmaniose muqueuse, amibiase génitale) ou cutanées s’intégrant dans une maladie plus générale (chancre ou trypanome et trypanides de la trypanosomose est et ouest africaine, papulo nodules de la leishmaniose viscérale) ou nodules post kala-azar. Dans tous les cas, la localisation cutanée ou muqueuse offre l’opportunité d’un diagnostic rapide et facile par un examen parasitologique direct sur un frottis de la lésion cutanée ou muqueuse. and treatment of scabies: a practical guide, Am. J. Clin. Dermatol. 3 (2002) 9-18. [16] De Carsalade G.Y., Achirafi A., Bourée P., Une triple atteinte dermatologique à Mayotte, Med. Trop. 66 (2006) 189-192. 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