THÉMATIQUE À TAPERDIAGNOSTIC EN PARASITOLOGIE
REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - FÉVRIER 2008 - N°399 // 55
Diagnostic des parasitoses cutanées
en France
Eric Caumesa,*, Patrice Bouréeb
a Service des maladies infectieuses et tropicales
Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière
47, bd de l’Hôpital
75651 Paris cedex 13
b Unité des maladies parasitaires et tropicales
Groupe hospitalier de Bicêtre
78, rue du Général-Leclerc
94275 Kremlin Bicêtre cedex
* Correspondance :
article reçu le 17 juillet, accepté le 19 novembre 2007.
© 2008 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés.
RÉSUMÉ
Les parasitoses cutanées sont fréquentes et dues essentiellement aux ecto-
parasites, comme le sarcopte, cosmopolite, responsable de la gale (prurit
nocturne, sillon cutané). Les poux (Pediculus humanus et Phtirus pubis)
provoquent aussi du prurit. Le diagnostic est affirmé par la découverte des
lentes. Les myiases sont dues au développement chez l’homme de larves
de mouches, provoquant des lésions cutanées ou muqueuses. Le diagnostic
d’espèce est établi sur l’identification de la larve. Tunga penetrans la puce
chique provoque une ou plusieurs lésions sur les pieds. Les Larva migrans
cutanées ankylostomiennes sont dues aux larves d’ankylostomes de chien
qui traversent la peau de l’homme et forment une dermatite rampante. Les
filarioses (loase, onchocercose, filarioses lymphatiques) provoquent du
prurit mais sont rares chez le touriste. La leishmaniose cutanée est très
polymorphe et le diagnostic est établi sur la mise en évidence des leish-
manies sur le frottis de la lésion.
Parasitoses cutanées – sarcoptes – poux – Tunga penetrans –
Larva migrans cutanée – leishmaniose cutanée.
SUMMARY
Parasitic skin diseases
Cutaneous skin diseases due to parasites are
common and mostly caused by ectoparasitosis
such as Sarcoptes scabiei,which provokes scabies
(pruritus, burrow). Lice (Pediculus humanus and
Phtirus pubis) also cause pruritus. Diagnosis is
based on the presence of eggs. Myiasis is due
to the larvae (maggots) of some flies that infest
the subcutaneous tissue or mucous membranes.
Diagnosis relies on the morphologic characteristics
of the maggot. Tunga penetrans (or chiggoe flea)
burries in the cutaneous tissue of the feet, causing
great pain. Hookworm related cutaneous Larva
migrans are due to dog hookworms which pass
through the skin and patients present with cree-
ping dermatitis. Filariosis (loasis, onchocerciasis,
bancroftian filariasis) give rise to pruritus, but are
uncommon in tourists. Cutaneous leishmaniasis
has a broad clinical spectrum and its diagnosis
relies on the finding of Leishmania in a cutaneous
swab from the border of the ulcer.
Cutaneous parasitosis – sarcoptes – lice
Tunga penetrans – cutaneous Larva migrans
– cutaneous leishmaniasis.
1. Introduction
On peut classer les parasitoses cutanées en fonction du
parasite en cause : arthropodes, protozoaires, helminthes
[9] et de leur fréquence (tableau I).
En France, les principales parasitoses cutanées observées
sont la gale et les pédiculoses (tête, pubis, corps), dermato-
ses dues à des arthropodes [13]. La leishmaniose cutanée
localisée, dans le sud de la France, certaines formes de
myiases cutanées et les dirofilarioses sont beaucoup plus
rarement observées. Les autres dermatoses parasitaires
sont plutôt rencontrées chez des voyageurs au retour de
voyage en pays tropical [10].
2. Dermatoses dues
aux arthropodes
2.1. Gale
La gale est une des maladies contagieuses les plus répan-
dues dans le monde et est particulièrement fréquente en
zone tropicale [23]. Le diagnostic doit être évoqué devant
tout prurit généralisé. Il est difficile à confirmer sur le plan
parasitologique pour un praticien peu entraîné.
2.1.1. Diagnostic clinique
La gale classique se manifeste par un prurit et des signes
cutanés plus spécifiques, : sillon sous-cutané, vésicules
perlées, chancre scabieux [14]. Ces signes spécifiques
sont plus rares et plus difficiles à voir. Certains caractè-
res du prurit doivent évoquer le diagnostic : il est généra-
lisé intense, habituellement à recrudescence nocturne et
souvent collectif ou familial (« tout prurit conjugal est une
gale »). Les lésions induites par le grattage (papules, vési-
cules, pustules, érosions et stries de grattage) (figure 1)
touchent plus particulièrement les espaces interdigitaux
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des mains, la face antérieure des poignets, les coudes, les
emmanchures antérieures, la région ombilicale, les fesses,
la face interne des cuisses et les seins chez la femme, les
organes génitaux chez l’homme. Le dos est moins souvent
atteint. Le cou et le visage sont en règle épargnés, mais le
cuir chevelu (comme les cils et sourcils) peut être colonisé
par le parasite.
Le sillon scabieux est un signe clinique spécifique [27].
Il réalise une petite lésion cutanée sinueuse, filiforme de
quelques millimètres de long. Il correspond au trajet en
tunnel de l’acarien femelle qui progresse de 1 à 2 mm par
jour dans la couche cornée. Il s’observe surtout aux régions
interdigitales des mains et sur les faces antérieures des
poignets (figure 2). À l’une des extrémités du sillon, peut
exister parfois une surélévation de la taille d’une tête d’épin-
gle, qui correspond à la position de la femelle adulte.
Les « vésicules » perlées sont en fait des pustules cuta-
nées localisées dans les territoires de prédilection du
sarcopte.
Le « chancre » scabieux est en fait un nodule de 5 à 10 mm
de diamètre, de couleur rouge-brun cuivré et infiltré à la
palpation. Il se localise à la région génitale. L’évolution vers
la régression est longue, allant jusqu’à plusieurs mois après
la guérison de la scabiose. Il s’agit d’une réaction d’hyper-
sensibilité de type granulome à des antigènes persistants
de sarcoptes morts.
Chez le sujet âgé en collectivité, le diagnostic est sou-
vent tardif car le prurit est initialement souvent considéré
comme « sénile ». C’est parfois l’apparition de cas chez
le personnel soignant qui révèle une épidémie dans des
maisons de retraite.
La gale croûteuse, autrefois dénommée norvégienne, est
particulièrement contagieuse. Les lésions sont croûteuses,
hyperkératosiques et disséminées sur tout le corps. Le
visage peut être atteint.
2.1.2. Diagnostic parasitologique
Le diagnostic doit toujours, dans la mesure du possible,
être confirmé par l’examen parasitologique direct qui iden-
tifie au microscope optique le sarcopte, ses œufs ou ses
déjections. Le diagnostic est plus facile à confirmer dans
les formes typiques (ou le diagnostic clinique est possible)
que dans les formes atypiques (sujet âgé en institution,
nourrisson, formes frustes), ou en cas d’association de
plusieurs affections cutanées [16]. Mais l’examen direct
manque de sensibilité même entre des mains expérimen-
tées [15].
Différentes techniques de grattage de la peau (curette, lame
de rasoir ou de bistouri) ont été utilisées dans le passé,
permettant d’obtenir la couche cornée, lieu de résidence
de Sarcoptes scabiei.
Les sillons peuvent être repérés par un test à l’encre de
Chine au niveau des espaces interdigitaux et des poignets,
il faut repérer la petite vésicule à leurs extrémités (là ou
se niche la femelle). Le prélèvement peut aussi porter
sur des papules péri ombilicales, mamelonaires (pour la
femme adulte), toutes lésions du gland (chez l’homme),
et des régions palmo-plantaires chez le petit garçon. Il
faut pratiquer ensuite un grattage énergique (gratter en
profondeur jusqu’à la rosée sanglante) afin de déposer un
maximum de cellules épithéliales dans la goutte de vaseline
Tableau I – Principales parasitoses cutanées.
Fréquence Arthropodes Helminthes Protozoaires
+++ Gale
Pédiculoses
Phthiriase
Larva migrans Leishmaniose cutanée
++ Tungose
Myiases
Loase
Onchocercose
±Demodex Larva currens
Dirofilariose
Cysticercose
Dermatite des canards
Amibiase cutanée
Trypanosomiase
Figure 1 – Gale : lésions de grattage.
Figure 2 – Sillon cutané interdigital.
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2.2.2. Pédiculose corporelle
La pédiculose corporelle est due à l’infestation par le pou
de corps (Pediculus humanus). Pediculus humanus, le poux
du corps, est un ectoparasite, aplati dorso-ventralement
mesurant de 1 à 4,5 mm, pourvu de 3 paires de pattes
terminée par des griffes puissantes (figure 6). Le corps est
allongé avec des stigmates respiratoires latéraux. Outre son
caractère « nuisant » provoquant une pigmentation cutanée
mélanodermie des vagabonds »), le pou de corps est le
vecteur potentiel de plusieurs affections (typhus exanthé-
matique dû à Rickettsia prowazeki, fièvre des tranchées
due à Rickettsia quintana et fièvre récurrente due à Borrelia
recurrentis). L’homme s’infeste par écrasement du pou à
proximité d’une lésion cutanée.
Le prurit, avec ses lésions de grattage, est disséminé sur
le tronc, la racine des membres (figure 7). Ces lésions
peuvent saigner et se surinfecter.
Le diagnostic de certitude est basé sur la découverte de
poux sur le corps lors du déshabillage ou sur les vêtements
car le pou circule sur le corps le temps de se nourrir ; il se
réfugie ensuite dans les vêtements et pond ses œufs sur
les fibres textiles.
2.2.3. Phtirose
La phtirose est la pédiculose à Phtirus pubis (poux de
pubis, morpion). Il s’agit d’une ectoparasitose due à Phtirus
pubis. Contrairement au pou de tête et au pou de corps
qui sont très mobiles, l’adulte vit accroché aux poils de la
région génitale près de leur émergence. Il pond les œufs
sur la pilosité génitale.
Le diagnostic est évoqué sur la notion d’un prurit pubien,
associé à des lésions de grattage, qui peuvent être impétigi-
nisées et s’accompagner d’adénopathies inguinales [21].
Il est confirmé par l’examen attentif du pubis qui révèle
les adultes sous la forme d’une petite tache grise près de
l’orifice des poils. Les lentes sont à la limite de la visibilité
sous la forme d’une petite masse arrondie, collée au poil.
Les pilosités péri-anale, axillaire et pectorale peuvent être
touchées. La colonisation des cils est possible, responsa-
ble d’une blépharite. Les lentes sont retrouvées sur les
poils ou les cils.
Phtirus pubis a un corps globuleux de 1 à 2 mm, avec un
abdomen aussi large que long et des stigmates respiratoi-
res situés sur la face dorsale. Il est pourvu de 3 paires de
pattes dont la première est plus petite que les deux autres,
munies de très puissantes griffes (figure 8).
2.3. Démodécie
Lors d’acné rosacé ou de blépharite, une biopsie cutanée
ou un prélèvement de cil peut mettre en évidence des
Demodex folliculorum. Cet acarien vermiforme de 400
microns de long, avec 4 courtes pattes regroupées à la
partie antérieure (figure 9), vit dans les follicules pilo-séba-
cés du sillon naso-génien et du front, et est très fréquent.
Son caractère pathogène est discuté.
Figure 6 – Pediculus humanus.
Figure 7 – Lésions cutanées
dues aux poux du pubis.
Figure 8 – Phtirus pubis (morpion).
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DIAGNOSTIC EN PARASITOLOGIE
Le diagnostic est parasitologique, confirmé par l’aspect
morphologique après extraction à la curette. Après extrac-
tion, il subsiste un orifice cutané qu’il faut bien désinfecter.
La puce-chique ne transmet aucune maladie mais la lésion
cutanée peut être la porte d’entrée pour un germe tellurique
(tétanos) ou un pyogène banal.
Tunga penetrans est une petite puce de 1 mm qui se gorge
de sang et devient globuleuse (5 mm) et pond environ
250 œufs. Ces œufs éclosent en terrain sec en 3 à 4 jours,
pour donner naissance à des larves de 2 mm qui muent
rapidement vers le stade de puce adulte en 18 jours.
3. Dermatoses dues
aux helminthes
3.1. Larva migrans cutanée
ankylostomienne
C’est la plus fréquente des dermatoses tropicales touchant
le voyageur [11, 25]. Elle est le plus souvent due à des larves
d’ankylostomes de chien, de chats ou d’autres mammifères
et habituellement acquise en s’allongeant ou en marchant
sur les plages tropicales. Le diagnostic repose sur la clinique
et l’épidémiologie et exceptionnellement sur l’examen para-
sitologique direct. L’hyperéosinophilie est inconstante.
Cliniquement, elle réalise un cordon sous-cutané érythé-
mateux, linéaire ou serpigineux et très prurigineux d’ap-
proximativement 3 mm de large, jusqu’à 15 à 20 cm de
long (figure 11). Le nombre moyen de lésion par patient
varie de 1 à 3. Les localisations les plus fréquentes sont
les pieds et les fesses [8]. L’éruption dure habituellement
de deux à huit semaines, mais des cas ont été rapportés
jusqu’à deux ans d’évolution. Des lésions vésiculobulleu-
ses et dans une moindre mesure l’impétiginisation sont
2.4. Myiases cutanées
Elles résultent de l’infestation des tissus humains par des
larves de diptères. La présentation clinique diffère selon le
type de myiase (furonculoïde, migratoire, cavitaire) souvent
conditionnée par l’origine géographique de la contamination
[10, 26]. Elles sont rares en France, et surtout en Bretagne
et en Normandie.
Le diagnostic de myiase est toujours parasitologique, fait
par l’identification de la larve prélevée de la lésion cutanée
ou muqueuse. L’orifice laissé par l’ablation de la larve doit
être bien désinfecté. Les myiases ne transmettent aucune
maladie.
Les larves de mouches, mesurant 1 à 2 centimètres de long,
ont une forme cylindrique, annelée, avec des épines sur
chaque anneau (figure 10). Elles sont pourvues de crochets
buccaux et de stigmates antérieurs. Le diagnostic est établi
sur la forme des stigmates respiratoires postérieurs, formant
des figures très différentes selon les espèces [6].
2.5. Tungose (puce-chique)
C’est l’infestation des tissus sous-cutanés par la femelle
de la puce de sable, Tunga penetrans également appelée
puce-chique. Elle est seulement présente en Amérique
latine, dans les Caraïbes, en Afrique et en Asie jusqu’à la
côte ouest de l’Inde souvent chez des populations défavo-
risées et peut s’observer chez les voyageurs [10], À Haïti,
le problème a été partiellement résolu par la distribution
de chaussures [20].
La lésion cutanée élémentaire est une papule ou un nodule
de couleur noire centrée par un point au travers duquel
les œufs de la puce sont expulsés ; il est classiquement
unique et localisé au niveau des extrémités distales des
membres inférieurs (région sous-unguéale, orteils, plantes
des pieds) [12].
Figure 9 – Demodex
folliculorum.
Figure 10 – Larve de mouche,
responsable de myiase
Figure 11 – Larva migrans
cutanée.
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