Hémorragies digestives aiguës hautes et basses

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ARTICLE DE REVUE
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Prise en charge dans le quotidien clinique
Hémorragies digestives aiguës
hautes et basses
Dorothee Zimmermann a , Mich ael Ch ristian Sulz a , Christoph Knoblauchb
a
Klinik für Gastroenterologie und Hepatologie, Kantonsspital St. Gallen; b Gastroenterologie und Innere Medizin, Kantonsspital Nidwalden
Quintessence
• Les hémorragies digestives aiguës hautes et basses représentent des
situations d’urgence fréquentes.
• L’anamnèse révèle souvent la présence ou non d’une hémorragie variqueuse et fournit les premières indications sur l’état de la coagulation.
• En première place se trouvent l’évaluation de l’état de la circulation et
sa prise en charge appropriée avec traitement médicamenteux selon
l’étiologie supposée, suivi d’un examen endoscopique. Celui-ci sert à
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l’identification des causes, à la localisation du saignement et éventuellement au traitement ou au marquage.
• Le moment idéal pour l’examen endoscopique dépend de l’état clinique
du patient et devrait en règle générale avoir lieu au cours des premières
24 heures.
• Au cas où l’intervention endoscopique ne parviendrait pas à stopper
l’hémorragie digestive, il est possible de recourir à la radiologie interventionnelle ou des procédés opératoires.
Epidémiologie
au premier plan. D’autres causes et les répartitions
Les hémorragies digestives aiguës représentent des
urgences médicales fréquentes. L’incidence annuelle
des hémorragies digestives hautes est d’env. 1/1000 [1],
associée à une mortalité d’env. 13% [2]. Le taux an-
détaillées de fréquence sont mentionnées dans les
tableaux 1 et 2.
Présentation clinique
nuel d’incidence des hémorragies digestives basses
est d’env. 1/4000 [3, 4]. Avec 2 à 4%, la mortalité est
Les patients avec hémorragies digestives hautes aiguës
largement inférieure à celle des hémorragies diges-
peuvent présenter une hématémèse, un méléna ou
tives hautes [3].
une hématochézie. L’hématémèse indique la plupart
Des résidus de sang frais sur le papier toilette ou une
du temps une source hémorragique située dans le
légère évacuation de sang clair par l’anus sont très
tractus gastro-intestinal supérieur, les vomissements
courants (env. 15% de la population [5]). Il convient de
de sang frais étant un signe d’hémorragie de degré
différencier autant que possible cette situation d’une
modéré à sévère, en particulier s’ils sont associés à
hémorragie digestive basse aiguë. Dans le cadre de
un méléna persistant et liquide. Le méléna n’est pas
cet article, nous n’entrerons pas plus dans les détails
spécifique aux hémorragies digestives hautes, car l’hé-
de cette problématique difficile à classer.
matine ne se forme pas uniquement par le contact du
sang avec l’acide gastrique, mais également par la décomposition bactérienne du sang dans le côlon lorsque
Causes
le temps de transit est suffisamment long (source de
Les causes les plus fréquentes d’hémorragies diges-
l’hémorragie dans le côlon droit). L’intervalle de temps
tives hautes sont les ulcères peptiques suivis d’hémor-
entre l’hémorragie et l’apparition de méléna est de 4 à
ragies variqueuses. En ce qui concerne les hémorragies
20 heures. Le méléna peut persister jusqu’à 5 jours
digestives basses, les hémorragies diverticulaires sont
après l’arrêt de l’hémorragie [6].
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Tableau 1A: Causes et fréquences des hémorragies digestives hautes aiguës [17].
Cause
Fréquence en %
Ulcères gastroduodénaux
38%
13%
Aucune cause trouvée
8%
Tumeur
7%
Angiodysplasie
6%
plupart du temps par une hématochézie, parfois également par un méléna. Chez 10 à 15% des patients présentant une hématochézie, la source de l’hémorragie
se trouve dans le tractus gastro-intestinal supérieur,
Varices œsophagiennes ou gastriques 16%
Œsophagite
Les hémorragies digestives basses se manifestent la
l’hémorragie ayant souvent un impact sur le statut
circulatoire du patient [4]. En fonction de la perte
de sang, des symptômes circulatoires tels que l’hypotonie, la tachycardie, la pâleur, les vertiges et même
le choc hypovolémique peuvent survenir.
Lésion de Mallory-Weiss*
4%
Erosions
4%
Lésions de Dieulafoy**
2%
Anamnèse
Autres
2%
L’anamnèse fournit des indications précieuses sur les
* Hémorragie d’une déchirure de la muqueuse œsophagienne.
** Hémorragie d’une artère dilatée, sous-muqueuse, le plus souvent
localisée dans la partie proximale de l’estomac (anomalie
congénitale).
causes possibles de l’hémorragie et sur son étendue
(tab. 3). L’anamnèse médicamenteuse est essentielle
et doit déterminer la prise d’anti-inflammatoires non
stéroïdiens (AINS) et d’anticoagulants.
Tableau 1B: Causes rares des hémorragies digestives
hautes [18].
Examen clinique
En première place se trouve ici la mesure des para-
Hémobilie (hémorragie des voies biliaires)
mètres vitaux incluant la recherche de modifications
Hemosuccus pancreaticus (hémorragie du pancréas /
canal pancréatique)
orthostatiques. Au toucher rectal, un méléna ou du
Fistule aorto-entérique
Lésion de Cameron (lésion au niveau du resserrement
du diaphragme en cas d’hernie hiatale)
sang frais peut être mis en évidence, ce qui permet
éventuellement de poser le diagnostic (carcinome rectal). L’évaluation de la situation circulatoire, la pose
dans l’idéal de deux voies d’accès veineuses et la substitution volumique doivent avoir lieu dès que pos-
Tableau 2: Causes et fréquences des hémorragies digestives
basses aiguës [4].
sible. Une tachycardie de repos peut révéler une hypovolémie mais n’est pas un signe obligatoire et est
Cause
Fréquence en %
même absente chez les patients sous bêtabloquants.
Hémorragie diverticulaire
20–48%
Une hypotonie orthostatique survient dès une perte
Angiodysplasie
3–40%
Tumeurs/polypes
6–15%
de sang équivalente à 15% du volume total. Une hypo-
Colite/ulcère (maladies inflammatoires
chroniques de l’intestin, colite infectieuse/
ischémique, vasculite et colite radique
inclues)
6–21%
Cause anorectale (hémorroïdes, fissure
anale, ulcère rectal)
3–14%
Divers (hémorragie postpolypectomie,
5–28%
fistule aorto-colique, hémorragie anastomotique, impaction des selles au niveau rectal)
tonie en décubitus suggère une perte de sang d’au
moins 40% du volume [7].
Laboratoire
Au début d’une hémorragie massive, le taux d’hémoglobine (Hb) peut encore se trouver dans la norme. La
chute du taux d’hémoglobine ne devient apparente
qu’après l’arrivée intravasculaire d’un flux plasma-
Tableau 3: Indications anamnestiques importantes pour de possibles causes hémorragiques.
Anamnèse
Causes possibles de l’hémorragie
Cirrhose hépatique ou facteurs de risque de cirrhose hépatique
Hémorragie variqueuse
Survenue de l’hémorragie suite à un vomissement
Lésion de Mallory-Weiss (déchirure de la muqueuse
œsophagienne provoquée par le vomissement)
Douleurs épigastriques ou prise antérieure d’antirhumatismaux
non stéroïdiens (ARNS)
Ulcères gastroduodénaux
Diarrhée et douleurs abdominales
Colite
Radiothérapie antérieure dans la zone urogénitale
Angiectasies rectales postactiniques
Prothèse aortique
Fistule aorto-entérique
Diverticulose connue
Hémorragie diverticulaire
Antécédent de polypectomie dans le côlon
Hémorragie postpolypectomie
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tique compensatoire. A l’inverse, après l’arrêt d’une
de cardiopathie coronarienne stable, un taux d’Hb à
hémorragie, l’Hb peut chuter sans qu’une hémorragie
8 g/l est considéré comme suffisant chez les patients
persistante en soit à l’origine. Il est décisif de détermi-
asymptomatiques [10]. Il n’existe pas de directives
ner très rapidement l’état de la coagulation sanguine
internationales ou nationales pour le syndrome coro-
du patient. Les patients présentant une hémorragie
narien aigu, mais il convient d’observer les recomman-
digestive haute ou du milieu du tube digestif ont
dations propres à la clinique (exemple de l’Hôpital
typiquement un taux d’urée sanguine plus élevé que
cantonal de Saint-Gall: valeur cible Hb >9 g/l). Ce qui
les patients souffrant d’hémorragie digestive basse,
importe, en cas d’hémorragie aiguë, c’est que l’indica-
en raison des composants sanguins résorbés dans
tion de transfusion soit posée en accord avec les re-
l’intestin grêle [8].
commandations de la clinique et non selon la valeur
d’Hb. Ainsi, en cas d’hémorragie hyperaiguë associée
à une instabilité hémodynamique et à des signes
Traitement
d’hémorragie active, des transfusions peuvent s’avé-
L’objectif principal est une stabilisation adéquate de
rer nécessaires en dépit d’une Hb normale. Une trans-
la circulation sanguine avec substitution volumique
fusion trop agressive doit avant tout être évitée en cas
et surveillance étroite, si besoin en service de soins
d’hémorragies variqueuses car elle pourrait entraîner
intensifs. Parallèlement, les troubles de la coagulation
une élévation de la pression portale.
sanguine doivent être corrigés aussi rapidement que
possible.
Stationnaire ou ambulatoire?
Des concentrés plaquettaires doivent être envisagés
En règle générale, les hémorragies digestives hautes
chez les patients présentant une hémorragie active
sont traitées en stationnaire. Le score de Glasgow Blatch-
à partir d’une valeur de 50 × 109/l (50 G/l) [5]. Un INR
ford (tab. 4) peut être utilisé pour évaluer le risque
(International Normalized Ratio) >1,5 doit, si cela est
d’une intervention et apporter une aide dans la prise
justifiable, être corrigé en priorité avec des facteurs
de décision, en particulier si aucune endoscopie n’est
de coagulation [2, 4]. En fonction du statut volémique
réalisable dans l’immédiat. Les patients présentant
du patient, il est également possible de recourir à un
un risque très faible de saignement nécessitant une
plasma frais congelé (PFC) (attention à la charge volu-
intervention (correspondant à un score de 0) peuvent
mique). Au cas où, chez les patients sous Marcoumar®
être traités en ambulatoire, sans endoscopie d’urgence
stables sur le plan clinique, l’INR se trouve dans la zone
[11]. Il faut toutefois noter que le résultat endoscopique
supra-thérapeutique, celui-ci doit être corrigé avant
reste un paramètre capital pour l’évaluation du pro-
une éventuelle endoscopie. En général, une coagulo-
nostic. Pour les hémorragies digestives basses, une
pathie n’est toutefois pas une contre-indication pour
mise au point ambulatoire peut se laisser défendre
une endoscopie d’urgence et ne devrait pas retarder
celle-ci [2]. Avec les nouveaux anticoagulants tels que
les inhibiteurs directs du facteur Xa (par ex. le rivaroxaban [Xarelto®]), une correction rapide de la coagulation n’est pas possible.
Transfusion de concentrés érythrocytaires:
à quel moment?
La décision d’une transfusion doit être prise indivi-
Tableau 4: Score de Glasgow Blatchford [12] pour l’évaluation
du risque d’hémorragie nécessitant une intervention.
Valeur
Points
Urée (mmol/l)
6,5–7,9
2
8–9,9
3
10–25
4
≥25
6
duellement pour chaque patient. Des données relati-
Hémoglobine (g/l)
vement récentes indiquent qu’une stratégie conser-
m: 12–12,9; f: 10–11,9
1
m: 10–11,9
3
m + f: <10
6
vatrice améliore le pronostic [9]. Généralement, en
l’absence de symptômes, une valeur seuil de transfusion avec une Hb à 7 g/l est suffisante pour la plupart
des patients, ce qui est associée à une issue plus positive chez les patients sans mauvaise tolérance de l’anémie comparativement à une valeur seuil plus élevée
Pression systolique
100–109
1
90–99
2
<90
3
Pouls >100
1
[9]. Même en cas de comorbidités associées à une mau-
Méléna
1
vaise tolérance de l’anémie (par ex. en cas de cardio-
Syncope
2
pathie coronarienne), la limite transfusionnelle a été
abaissée au cours des dernières années. Ainsi, en cas
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Maladie hépatique
2
Insuffisance cardiaque
2
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pour les patients <60 ans présentant une légère hé-
gestive est haute ou basse, il est recommandé de pro-
morragie avec arrêt spontané et sans symptômes
céder d’abord à une œsophagogastroduodénoscopie
circulatoires. En cas de doute, nous recommandons
(OGD). Comparativement à la coloscopie, cet examen
d’effectuer au moins une anorectoscopie.
est réa lisé plus rapidement et est moins lourd pour le
patient.
Traitement médicamenteux
En cas de suspicion d’hémorragie digestive haute, une
administration empirique et à haute dose d’inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) est judicieuse chez
tous les patients (par ex. 80 mg d’ésoméprazole par
voie intraveineuse suivis de 8 mg/h en perfusion).
L’administration des IPP avant l’endoscopie n’a été
associée à aucune amélioration de l’issue clinique,
mais elle a pu réduire la nécessité d’un traitement
endoscopique [11].
La suite du traitement par IPP dépend du diagnostic
endoscopique de la cause de l’hémorragie.
Traitement en cas d’hémorragie variqueuse
En cas de suspicion d’une hémorragie variqueuse, des
médicaments vasoactifs pour faire baisser la pression
veineuse portale (terlipressine ou octréotide) doivent
être administrés dès que possible, et ceci avant l’endoscopie, et pendant encore env. 5 jours après le traitement endoscopique. Il est ensuite possible de passer à
des bêtabloquants non sélectifs (carvédilol, propranolol). En raison des taux élevés de complications infectieuses (par ex. péritonite bactérienne spontanée)
chez les patients cirrhotiques, une prophylaxie antibiotique est toujours indiquée chez ces patients (ciprofloxacine ou ceftriaxone), ce qui s’associe à une mortalité diminuée [13].
Œsophagogastroduodénoscopie
En cas de suspicion d’une hémorragie variqueuse,
l’endoscopie doit être réalisée aussi rapidement que
possible [13]. Une OGD en vue du diagnostic et d’un
éventuel traitement de l’hémorragie digestive haute
est recommandée chez la plupart des patients dans
les 24 heures, car une large étude rétrospective a
montré que cette stratégie était associée à une mortalité moindre [11]. Bien que les données sur le sujet
soient contradictoires, une endoscopie réalisée dans
les 12 heures en cas d’hémorragie digestive haute non
variqueuse était associée à une meilleure issue clinique chez les patients dont les signes indiquaient une
hémorragie massive (par ex. tachycardie, hypotonie,
vomissement de sang frais) [11]. Etant donné qu’elle
permet d’identifier les patients pouvant quitter rapidement l’hôpital, une endoscopie précoce peut réduire
la durée d’hospitalisation et entraîner une réduction
des coûts [11].
A ce propos, il convient de noter qu’environ 80% des
hémorragies digestives s’arrêtent spontanément. Il est
donc bon, pour les patients âgés et/ou polymorbides
qui restent stables sous traitement par IPP, de s’interroger sur une mise au point par examen endoscopique: cet examen a-t-il une quelconque autre conséquence?
Prise 20 à 120 minutes avant l’OGD, l’érythromycine,
Endoscopie – quand et comment?
efficace comme agent prokinétique, peut améliorer
la visibilité pendant l’endoscopie au cas où beaucoup
Avant l’endoscopie, le patient doit être stabilisé. S’il
de sang est présent dans l’estomac, et ainsi éviter les
n’a pas été clairement déterminé si l’hémorragie di-
endoscopies de «second look» [11].
A
B
Figure 1:
A Important ulcère duodénal (base au niveau de la flèche) avec hémorragie active abondante du vaisseau (double flèche).
Risque de récidive hémorragique très élevé en l’absence d’intervention.
B Hémostase réussie avec l’Hemospray ® après utilisation d’une pince hémostatique (Coagrasper ®) et administration
d’adrénaline 1:10 000 sans succès. L’Hemospray ® couvre toute la base de l’ulcère.
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A
B
C
Figure 2:
A Hémorragie active abondante d’une lésion de Dieulafoy dans le cardia.
B Recherche de la lésion à l’aide du bouchon (flèche), pour application de l’OTSC.
C Après la pose des clips (double flèche), l’hémorragie s’arrête.
Figure 3: Ulcère duodénal avec saignement et vaisseau
couvert de coagulum (flèche), risque élevé de récidive hémorragique.
Figure 4: Lésion de Dieulafoy dans le corps de l’estomac
avec coagulum, associée à un risque de récidive hémorragique
moyen .
Avant l’OGD, une intubation est judicieuse pour pro-
visible et éventuellement de coagulum visible [11]. Il
téger les voies respiratoires du patient d’une éven-
existe différentes méthodes thermiques (électrocoa-
tuelle aspiration en cas d’hématémèse massive, de
gulation avec Gold Probe™, Heather Probe ou Coagras-
conscience altérée ou de problèmes pulmonaires. L’in-
per) ou mécaniques (injection d’adrénaline combinée,
dication d’une intubation est particulièrement valable
pose de clips hémostatiques, injection d’un produit
en cas de suspicion d’hémorragies variqueuses.
sclérosant). Grâce à l’Hemospray® et à l’OTSC® (OverThe-Scope Clip), deux nouvelles méthodes son dis-
Hémostase endoscopique
ponibles depuis quelque temps pour l’endoscopiste.
En cas de mise en évidence d’une hémorragie active,
Hemospray® est une poudre minérale actuellement
l’indication d’une hémostase endoscopique est bien
autorisée dans le traitement des hémorragies diges-
évidente. Même en cas d’indices suggérant un risque
tives hautes (non variqueuses) qui peut être pulvéri-
élevé de récidive hémorragique, les méthodes d’hé-
sée sur la source hémorragique via un cathéter et qui
mostase endoscopique sont indiquées dans une dé-
est associée à un taux élevé de succès (fig. 1A et B) [14].
marche prophylactique. Des exemples d’images endos-
En cas d’hémorragie digestive basse, il est possible
copiques avec lésions aux activités hémorragiques
de recourir à l’Hemospray® dans le cadre d’une pres-
différentes sont disponibles dans les figures 1 à 7.
cription off-label. Cette méthode est avant tout desti-
Les traitements endoscopiques sont recommandés
née aux hémorragies qui sont difficilement acces-
en cas d’hémorragie active, de moignon vasculaire
sibles avec d’autres méthodes ou lorsqu’une surface
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plus importante est touchée, comme en cas d’hémor-
multiples minuscules au saignement diffus. L’OTSC®
ragie tumorale, d’ectasie vasculaire antrale gastrique
(fig. 2A–C) est un clip nettement plus gros que les
(EVAG), d’angiectasies multiples ou d’ulcères/érosions
clips habituels qui se place également de manière
endoscopique (également appelé «berce» en raison
de sa forme), et avec lequel un volume tissulaire
plus important peut être saisi avec une pression nettement plus importante qu’avec les clips classiques. Il
est possible de recourir à l’OTSC® en cas d’échec des
traitements conventionnels et dans des situations
particulières telles qu’en présence de lésions de Dieulafoy [15, 16]. Après une hémostase endoscopique,
les patients sont surveillés en stationnaire pendant
72 heures dans la plupart des cas.
En plus des stigmates hémorragiques endoscopiques,
l’âge avancé et les comorbidités sont des facteurs
clés ayant un impact sur le risque de récidive hémor ragique. Le score de Rockall (tab. 5) est utile
Figure 5: Ulcère duodénal avec dépôts d’hématine
(faible risque de récidive hémorragique, aucune intervention
nécessaire).
pour l’évaluation de ce risque ainsi que pour celui de
morta lité.
Les varices œsophagiennes hémorragiques sont
d’abord ligaturées avec des bandes de caoutchouc.
Dans de rares cas, l’injection d’un produit sclérosant
peut s’avérer nécessaire. En cas de varices gastriques,
l’injection d’une colle de fibrine se présente comme le
traitement standard. Chez les patients présentant un
risque élevé d’échec thérapeutique ou en cas de récidive hémorragique, la pose d’un TIPS (Transjugular
Intrahepatic Portosystemic Shunt, ou shunt intrahépatique par voie transjugulaire) doit être envisagée. Des ballons tampons ou des stents temporaires
peuvent être utilisés comme shunts en cas d’hémorragie non maîtrisable par voie endoscopique [13].
Coloscopie
En cas d’hémorragie digestive basse, la source se
trouve la plupart du temps dans le côlon. En conséFigure 6: Ulcère duodénal recouvert de fibrine sans stigmates
hémorragiques.
quence, la réalisation d’une coloscopie après purge
préalable est en général la première étape de la mise
au point. Le moment optimal pour une coloscopie est
sujet à controverse. Selon certaines indications, une
coloscopie précoce (dans les 12 heures) pourrait améliorer l’issue diagnostique et thérapeutique [4]. Etant
donné que la plupart des hémorragies s’arrêtent
spontanément, une coloscopie semi-élective (après
>24 heures) est suffisante dans la plupart des cas
[5]. En cas de suspicion d’hémorragie dans la partie
distale du rectum ou au niveau du sigmoïde, une sigmoïdoscopie non préparée peut suffire en phase
aiguë. Les méthodes de l’hémostase endoscopique
sont semblables à celles utilisées pour les hémorragies digestives hautes. En général, il est plus rare
de détecter une source hémorragique active en cas
Figure 7: Diverticule du côlon avec vaisseau apparent (flèche).
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d’hémorragies digestives basses.
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Tableau 5: Score de Rockall pour l’évaluation du risque de récidive hémorragique et de mortalité [17].
Points
0
1
2
3
Age (années)
<60
60–79
>80
–
Pouls
<100
>100
–
–
Pression systolique
Normale
>100
<100
–
Comorbidité
Aucune
–
Insuffisance cardiaque,
Insuffisance rénale,
cardiopathie coronarienne, insuffisance
autres
hépatique, tumeur
maligne métastatique
Diagnostic
Lésion de Mallory-Weiss Tous les autres
ou aucune lésion visible
Tumeur maligne du tractus
gastrointestinal supérieur
Résultat endoscopique
Aucun stigmate
hémorragique ou couche
d’hématine
Sang visible, coagulum
adhérent, vaisseau,
hémorragie active
Mortalité:
0–2 points: 0%; ≥8 points: >40%
Risque de récidive hémorragique:
0–2 points: <5%; ≥7 points: >40%
Entéroscopie et endoscopie par capsule
Radiologie et chirurgie
Au cas où l’OGD et l’iléocoloscopie ne permettent
Le diagnostic radiologique (en premier lieu l’angiogra-
pas de détecter la source hémorragique, et que plus
phie par tomodensitométrie) a son importance en cas
aucune hémorragie active et hémodynamique perti-
d’hémorragies digestives actives sévères pour les-
nente n’est présente sur le plan clinique, les sources
quelles la source hémorragique n’a pas pu être détec-
hémorragiques doivent être recherchées dans l’intes-
tée par voie endoscopique, pour lesquelles l’hémostase
tin grêle au moyen d’une endoscopie vidéo par cap-
endoscopique est restée sans résultat ou pour les-
sule. Si cet examen montre des lésions nécessitant un
quelles une endoscopie n’est pas réalisable en raison
traitement, l’entéroscopie haute et/ou basse à double
d’instabilité circulatoire [2, 4]. Lors de l’angiographie,
ballon (examen réalisé à l’aide d’un long endoscope
il est nécessaire d’avoir un débit hémorragique d’au
équipé d’un ou deux ballonnets, qui permet en
moins 1 ml/min en vue de sa détection [4]. L’avantage
quelque sorte «d’enfiler» l’intestin) et l’entéroscopie
réside dans la possibilité d’une hémostase interven-
haute partielle (endoscopie haute avec un coloscope
tionnelle (par ex. à l’aide de spirales métalliques). La
pour enfant) peuvent être mises en œuvre de ma-
scintigraphie est plus sensible mais moins spécifique
nière ciblée.
que l’angiographie, et a l’inconvénient d’être dépourvue d’options thérapeutiques [5]. Ainsi, la scintigraphie
a plutôt un rôle à jouer en cas d’hémorragies légères
Définitions
Correspondance:
Dr Christoph Knoblauch
FMH Gastroenterologie und
Innere Medizin
Kantonsspital Nidwalden
Ennetmooserstrasse 19
CH-6370 Stans
Christoph.Knoblauch[at]
ksnw.ch
et intermittentes.
Hémorragie digestive haute:
Source de l’hémorragie en amont de l’angle de Treitz (œsophage, estomac ou duodénum);
Hémorragie digestive du milieu:
Source de l’hémorragie entre la jonction duodéno-jéjunale et
la valvule iléo-cæcale;
Hémorragie digestive basse:
Source de l’hémorragie en aval de l’angle de Treitz (jéjunum,
iléon, côlon);
Hématémèse:
Vomissement de sang (sang frais ou vieux sang couleur café);
Melæna:
Méléna (selles noircies par l’hématine);
Hématochézie:
Evacuation, par l’anus, de sang frais (clair);
Hémorragie digestive apparente:
Hémorragie accompagnée de signes clairs d’hémorragie tels
que vomissement de sang ou évacuation de sang par l’anus;
Hémorragie digestive occulte:
Hémorragie sans signes cliniques d’hémorragie (souvent ac compagnée d’une anémie);
Hémorragie digestive obscure:
Hémorragie digestive apparente ou occulte pour laquelle aucune source de saignement n’est trouvée malgré un examen
endoscopique.
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Un diverticule de Meckel, rare source hémorragique
chez les jeunes patients, peut être diagnostiqué au
moyen d’une scintigraphie.
Au cas où ni une hémostase endoscopique ni une
hémostase radiologique interventionnelle n’aboutit à
l’arrêt du saignement, un traitement opératoire s’avère
nécessaire dans de rares cas.
Remerciements
Nous remercions le Dr Hansjörg Bucher (titre FMH de médecine
géné rale, cabinet à Engelberg) pour sa revue critique du manuscrit
et ses précieux conseils.
Financement / Conflits d’intérêts
Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêts financier ou personnel en rapport avec cet article.
Références
La liste complète et numérotée des références est disponible
sur www.medicalforum.ch.
Management im klinischen Alltag
Akute obere und untere gastrointestinale Blutung
Prise en charge dans le quotidien clinique
Hémorragies digestives aiguës hautes et basses
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