ecstasy >

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> ACTUALITÉS
sciences
REVUE
de presse
> BMC Neuroscience
> nature
> American Journal
of Psychiatry
> JAMA
> Schizophrenia Bulletin
> British Journal
of Psychiatry
> Psychiatry and Clinical
Neurosciences
> Science
Coordonnée par E. Bacon
INSERM et clinique psychiatrique, Strasbourg
Les effets de l’ecstasy
pourraient être exacerbés
par la musique techno :
potentialisation des effets
électrocorticaux du MDMA
par la stimulation
acoustique chez le rat
■
Cantazaro (Italie)
L
La consommation de l’ecstasy (ou
méthylènedioxymétamphétamine
[MDMA]) a considérablement augmenté parmi les jeunes européens et
nord-américains ces dernières années.
Cette drogue, très populaire dans les
raves-parties, entraîne des sensations
d’euphorie, d’énergie et le désir de se
socialiser. En outre, elle est relativement facile à fabriquer et à se procurer,
et véhicule auprès des consommateurs
la réputation usurpée d’être plus sûre
que les autres drogues récréatives. Malheureusement, les observations s’accumulent et démontrent que l’ecstasy ne
mérite pas cette réputation si
attrayante. Le MDMA présente des
risques en termes de toxicité, de psychopathologie et de toxicomanie. Certaines conditions environnementales
pourraient également influencer la toxicité de cette drogue. Par exemple, une
des conséquences de l’utilisation de
l’ecstasy dans les raves-parties est
l’augmentation de la température
corporelle, liée à une action directe de
la molécule sur les systèmes de thermorégulation, mais aussi à l’activité
musculaire intense des danseurs et à
la température souvent élevée de
l’environnement. Chez les animaux de
laboratoire, l’ecstasy est capable de
provoquer une toxicité neuronale sérotoninergique et dopaminergique, ainsi
que des modifications à court terme du
système noradrénergique. Eu égard à la
nature et au niveau sonore de la
musique techno qui règnent généralement dans les raves-parties, une question importante est de savoir si cette
composante typique constituée par ces
stimuli auditifs est en mesure d’affecter
les fonctions nerveuses supérieures, et
en particulier, l’activité électrocorticale.
La Lettre du Psychiatre - Suppl. Les Actualités au vol. II - n° 1 - mars 2006
5
> ACTUALITÉS
sciences
> Acta Psychiatrica
Scandinavica
> Archives of General
Psychiatry
> Nature Neuroscience
Coordonnée par E. Bacon
> Neuroimage
> Journal of Psychiatry Research
> American Journal
of Psychiatry
> Science
Des chercheurs italiens se sont attelés
à cette tâche. Ils ont étudié les effets
de faibles doses de MDMA in vivo chez
des rats Wistar. Ils ont tout d’abord
constaté que, à la suite d’une évaluation à court terme, l’administration
d’une faible dose ne modifiait pas en
soi l’activité électrocorticale des rats,
par comparaison à une solution saline.
Ils ont, par ailleurs, soumis les animaux
traités au MDMA à un bourdonnement
de bruit blanc de 95 décibels, au niveau
sonore maximal autorisé dans les discothèques italiennes. La stimulation
acoustique induisait une diminution
marquée de l’activité électrocorticale du
cortex télencéphalique. Cette stimulation était spontanément réversible en
l’absence de stimuli sensoriels, cependant qu’elle persistait pendant plusieurs
jours si, en plus du MDMA, les animaux
étaient exposés à une stimulation
acoustique.
à l’hyperthermie ou à l’excès concommitant de prise de boisson. Une question importante concernant l’ecstasy
reste de savoir si cette drogue cause
des dommages à long terme sur le cerveau. Les études sur l’animal suggèrent
qu’elle érode les terminaisons nerveuses. S’il en est de même chez
l’homme, elle pourrait augmenter les
risques de susceptibilité vis-à-vis de la
dépression, des troubles de l’humeur et
d’autres problèmes psychiatriques.
E.B.
>
Iannone M, Bulotta S, Paolino D et al.
Electrocortical effects of MDMA are potentiated by acoustic stimulation in rats. BMC
Neurosc 2006;7:13doi:10.1186/1471-22027-13.
> Pearson H. Music heightens party drug.
Ecstasy effects may be exacerbated by
disco din. Nature online 2006;doi:10.
1038/news060213-5.
REVUE
de presse
Commentaire
6
Le bruit assourdissant peut donc transformer une quantité apparemment inoffensive de la drogue en une dose dangereuse. Administrée seule, la faible
dose destinée aux rats avait peu d’effet
sur leur cerveau, mais associée au
bruit, elle amplifiait l’activité de certaines cellules cérébrales. Ces observations suggèrent que les martèlements
de la musique techno pourraient augmenter les effets de l’ecstasy sur le cerveau humain, et c’est ce qui explique
peut-être la popularité de cette drogue
dans les discothèques et les raves-parties. Cette étude confirme les effets
potentiels de certaines musiques sur les
drogues, effet déjà constaté en 2001
pour l’association entre la musique de
discothèque et la méthamphétamine (le
speed). L’ecstasy est souvent considéré
comme une drogue relativement inoffensive et les morts qui lui sont imputées étaient jusqu’à présent attribuées
> Un effet antipanique aigu
pour l’aérobic
■
Berlin (Allemagne)
effet anxiolytique chez des volontaires sains de l’entraînement
aérobic a été décrit dans de nombreuses études et rapporté par les journaux de psychologie sportive. En
revanche, les observations sont contradictoires en ce qui concerne l’effet de
l’aérobic sur les sujets anxieux ou
sujets à des attaques de panique. Par
ailleurs, il a été constaté que des
périodes d’exercice physique intense
diminuent les symptômes provoqués
par le CO2 et la caféine. Cependant, la
caféine et le CO2 induisent tout
d’abord des symptômes somatiques
d’anxiété chez les sujets sains, mais
rarement des attaques de panique. Par
L’
La Lettre du Psychiatre - Suppl. Les Actualités au vol. II - n° 1 - mars 2006
contraste, le tétrapeptide cholécystokinine (CCK-4) induit de manière efficace
et dose-dépendante des attaques de
panique chez des sujets sains. Partant
de ces constats, des médecins du sport
et des psychiatres berlinois se sont
associés pour étudier les effets antipaniques potentiels de l’aérobic chez des
volontaires sains, après l’administration
de CCK-4. Ils ont comparé les attaques
de panique induites par le CCK-4
lorsque les sujets avaient été préalablement soit au repos, soit soumis à
30 minutes d’exercice physique intense
(induisant 70 % de la consommation
maximale d’oxygène). Quinze sujets
sains (6 femmes et 9 hommes) se sont
prêtés à l’expérience. Les effets ont été
mesurés avec une échelle spécifique, la
Acute Panic Inventory. Les résultats
montrent que la survenue d’attaque de
panique était bien plus élevée après un
moment de repos qu’à la suite d’une
période d’exercice, puisque douze participants sur les quinze ont vécu un épisode de panique après un repos, contre
six seulement après l’exercice. Dans les
deux conditions, l’administration de
CCK-4 était suivie par une augmentation significative des scores de l’échelle
de panique. Toutefois, les scores
étaient nettement plus faibles après un
moment d’exercice physique préliminaire qu’après une période de repos.
Commentaire
Cette étude exploratoire montre que 30
minutes d’exercice aérobic ont eu un
effet antipanique aigu chez des volontaires sains. La fréquence, mais aussi
l’intensité des symptômes des attaques
de panique induites par le CCK-4
étaient diminuées de façon significative. Du point de vue psychologique et
biologique, ce phénomène pourrait être
médié par les effets de l’exercice sur la
synthèse et le métabolisme des monoamines, et/ou par l’activation de secré-
tions des bêta-endorphines, entre
autres. Si ces observations sont confirmées chez les patients souffrant d’attaques de panique, l’exercice physique
intense pourrait être utilisé dans le
traitement des crises.
E.B.
> Strohle A, Feller C, Onken M et al. The Acute
Antipanic Activity of Aerobic Exercise. Am J
Psychiatry 2005;162:2376-8.
>
Taux de schizophrénie
à la suite de la famine chinoise
de 1959-1961
Shangai et Hong Kong (Chine),
Aberdeen et Londres (Grande-Bretagne)
■
l est aujourd’hui bien admis que la
schizophrénie est probablement un
trouble multifactoriel, des influences
génétiques et environnementales contribuant au risque global. De plus en plus,
la schizophrénie est considérée comme
un trouble neurodéveloppemental dont
les risques de survenue sont modulés par
des influences environnementales intervenant lors des étapes précoces du développement cérébral. Ces facteurs de
risque, dont la responsabilité n’a pas
encore été formellement démontrée,
incluent notamment l’exposition prénatale à la grippe, la saison de naissance,
le stress psychologique prénatal maternel et les carences nutritionnelles maternelles et fœtales. La première mise en
évidence du fait que des carences nutritionnelles prénatales peuvent augmenter le risque de schizophrénie et de comportement antisocial provient d’études
publiées dans les années 1990, qui se
sont intéressées aux effets de la famine
hollandaise de l’hiver 1944-1945. À
cette occasion, la Hollande avait subi
I
une diminution aiguë, mais limitée, de
l’alimentation de la population. Les
chercheurs ont constaté que le risque de
schizophrénie avait doublé chez les
enfants conçus pendant la famine et nés
de mère sévèrement dénutries. Toutefois,
la quantité de cas était limitée puisque
la cohorte de sujets exposés au risque et
conçus pendant cette période était
faible, de 20 à 25 cas, et que la significativité statistique des observations
était modeste. De nombreuses famines
ont sévi dans le monde depuis 1945,
mais pour diverses raisons, elles n’ont
pas fait l’objet d’investigations épidémiologiques poussées. Il se trouve que
la famine qui a sévi en Chine entre 1959
et 1961 a été l’un des événements le
plus terrible du XXe siècle. Provoquée par
des conditions météorologiques catastrophiques, elle a affecté toutes les provinces chinoises. Quarante ans après, les
sujets à risque sont donc tous adultes et
des chercheurs chinois et anglais ont
conjugué leurs efforts pour vérifier l’hypothèse selon laquelle l’exposition prénatale à la famine pourrait augmenter le
risque de schizophrénie dans la vie
adulte. Les chercheurs ont concentré
leur attention sur la province de Anhui,
une des plus affectées par la famine, et
qui compte une population de 62 millions d’habitants. Ils ont consulté les
registres de l’hôpital psychiatrique de la
ville de Wuhu, qui est la seule institution spécialisée à desservir les 3 millions
d’habitants que comptent la ville et ses
alentours. À l’époque de la famine, la
population était d’environ la moitié de
cette taille. Les chercheurs ont comparé
les taux de schizophrénie survenus chez
les habitants avant, pendant, et après
les années de famine, de 1971 à 2001.
Les données cliniques et sociodémographiques des patients ont été relevées
par des chercheurs qui n’étaient pas
informés de la nature de la recherche.
Les chercheurs disposaient également de
données concernant le nombre de naissances et de décès pendant les années
de famine, et la mortalité cumulative a
été évaluée à partir des suivis démographiques ultérieurs. Les observations
montrent que les taux de natalité (pour
1 000) dans la province ont baissé d’environ 80 % pendant la famine. Ils étaient
de 28 en 1958, de 21 en 1959, de 8,6 en
1960 et seulement de 11 en 1961. Parmi
les naissances survenues au cours de la
famine, le risque ajusté de schizophrénie
avait augmenté de façon significative de
0,8 % en 1959, à 2,2 en 1960 et de
1,8 % en 1961. Le risque relatif ajusté
de mortalité était de 2,30 pour les personnes nées en 1960, et de 1,93 pour
celles nées en 1961.
Commentaire
Cette étude corrobore le point de vue
selon lequel l’exposition prénatale à la
famine augmente le risque ultérieur de
schizophrénie. Elle reproduit presque
exactement, avec un échantillon de
population beaucoup plus important et
un groupe éthnique et culturel différent, les observations d’une étude hollandaise réalisée à la suite de la famine
de l’hiver 1944-1945. Plus tard, cette
publication a fait l’objet d’un certain
nombre de commentaires sous forme de
lettres à l’éditeur. Ainsi, des chercheurs
du New Jersey ont fait remarquer que
si la famine semble effectivement
constituer un facteur de risque important pour l’apparition d’une schizophrénie, il devrait y avoir au moins un
facteur de risque significatif supplémentaire non identifié à ce jour. En
effet, de nombreuses famines ont sévi
au cours des siècles passés. Et pourtant, d’après les commentateurs, la
seule description convaincante de schizophrénie avant 1800 est le personnage du Mad Tom de la pièce de Shakespeare, Le Roi Lear. Il n’existerait pas
d’autre description convaincante de
La Lettre du Psychiatre - Suppl. Les Actualités au vol. II - n° 1 - mars 2006
7
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sciences
> Acta Psychiatrica
Scandinavica
> Archives of General
Psychiatry
> Nature Neuroscience
> Neuroimage
> Journal of Psychiatry Research
> American Journal
of Psychiatry
> Science
cette pathologie avant le milieu du
XIXe siècle, alors que la toxicomanie, la
manie et l’épilepsie sont décrites
depuis longtemps. Il est en effet troublant de constater que les fichiers des
asiles pour malades mentaux de la fin
du XVIIIe siècle ne renferment aucune
description de maladie ressemblant à la
schizophrénie, tandis que les éditions
ultérieures en regorgent. À la suite de
ce commentaire, un chercheur newyorkais a fait remarquer qu’un ouvrage
datant du XVe siècle contient de nombreuses descriptions de cas de Folie, et
aussi qu’on peut trouver en 1630 la
description du cas d’un patient qui ressemble fort à la schizophrénie. Le
débat est ouvert…
E.B.
> St Clair D, Xu M, Wang P et al. Rates of
adult schizophrenia following prenatal exposure to the chinese famine of 1959-1961.
JAMA 2005;294:557-62.
>
Altschuler E. Schizophrenia and the chinese
famine of 1959-1961. JAMA 2005; 294:2968.
>
REVUE
de presse
Neugebauer R. Schizophrenia and the chinese famine of 1959-1961 - Reply. JAMA
2005;294:2968-9.
8
Coordonnée par E. Bacon
>
■
Un neurone inhibiteur excitant
Szeged (Hongrie)
écouvertes il y a environ 30 ans,
les cellules axo-axoniques (AAC)
sont des cellules GABAergiques. Leur
situation est unique au niveau des circuits corticaux, et cela pour deux raisons : elles innervent exclusivement les
cellules pyramidales et ne forment pas
de synapse avec les autres types cellulaires. Ce sont les AAC qui fournissent
exclusivement les inputs vers le segment initial de l’axone des cellules
pyramidales, en dehors de quelques
rares synapses provenant occasionnellement des cellules en corbeilles. En
outre, leur axone présente les seuils de
génération des potentiels d’action les
plus faibles. Les effets des AAC se font
des récepteurs de type GABAA. Ce sont
les types cellulaires inhibiteurs les plus
spécifiques, et ils sont régulièrement
présentés dans les ouvrages pour étudiants afin d’illustrer le placement stratégique de l’inhibition sur les axones.
Toutefois, des chercheurs hongrois ont
D
démontré tout récemment que les cellules axo-axonales sont capables de
dépolariser les cellules pyramidales et
susceptibles d’initier des séries stéréotypées d’événements synaptiques dans
les réseaux corticaux du rat, mais aussi
chez l’homme, du fait de la dépolarisation du potentiel inverse de l’axone
relatif aux entrées GABAergiques périsomatiques.
Commentaire
Les chercheurs hongrois ont démontré
que, au contraire d’avoir un effet exclusivement inhibiteur sur le segment initial de l’axone des cellules postsynaptiques, les cellules axo-axonales
peuvent agir comme des neurones excitateurs des cellules postsynaptiques. Il
s’agit là de la découverte de l’existence
d’un phénomène sans précédent dans le
cerveau : une cellule GABAergique isolée capable d’activer efficacement le
réseau cortical.
E.B.
>
Szabadics J, Varga C, Molnár G et al. Excitatory effect of GABAergic axo-axonic cells in cortical microcircuits. Science 2006;311:233-5.
• Le soin et la recherche en psychiatrie
aujourd’hui : entre éthique traditionnelle
et nouvelles sensibilités •
adhésion aux principes éthiques
dans la recherche est particulièrement critique pour la psychiatrie.
Toutes les revues spécialisées se font
régulièrement le reflet de ces préoccupations. La revue Schizophrenia Bulletin
vient notamment de publier un dossier
L’
spécial qui montre bien l’importance
accordée à cette notion. La validité du
consentement éclairé, la participation
volontaire, le mérite scientifique, la
minimalisation des risques, une définition acceptable du rapport bénéfice
risque, une sélection équitable des
La Lettre du Psychiatre - Suppl. Les Actualités au vol. II - n° 1 - mars 2006
sujets, le suivi institutionnel et le
contrôle par l’autorité sont autant de
composantes essentielles à la conduite
de recherches sur l’homme, et les procédures ont été codifiées et modifiées
avec le temps. Dans une autre grande
revue de psychiatrie, les Drs S. Bloch et
S. Green constatent que les préoccupations éthiques concernant le rôle et la
fonction du psychiatre poursuivent la
profession depuis au moins deux
siècles. De plus, il semble que les théories classiques se contredisent entre
elles, contribuent à la confusion générale, et paralysent le clinicien. Les deux
chercheurs ont examiné les principales
théories communément appliquées en
bioéthique, et se sont entretenus avec
des philosophes de la morale et des
psychiatres. Ils en tirent les conclusions que, au lieu de poursuivre un
cadre théorique unique, la recherche en
psychiatrie devrait prendre en compte
de manière synergique les forces des
approches compatibles.
E.B.
> Weiss Roberts L, Dunn L. Special Theme:
Empirical and conceptual advances in the ethics
of schizophrenia research. Schizophr Bull
2006;32: 20-178.
Bloch S, Green S. An ethical framework for
psychiatry. Br J Psychiatry 2006;188:7-12.
>
> La recherche en psychiatrie
est-elle stigmatisée ?
Résultats d’une enquète
auprès du grand public
■
L
Ann Arbor (États-Unis)
a pertinence des recherches impliquant des personnes dont la capacité de décision est amoindrie continue
à alimenter un débat animé entre bioéthiciens, chercheurs et juristes. La perturbation de la capacité de décision
peut évidemment constituer un obstacle à l’obtention d’un consentement
éclairé, et il est nécessaire de disposer
de règles claires concernant la manière
de mener des recherches avec de telles
personnes. Malgré le fait que l’incapa-
cité à prendre une décision puisse être
causée par de nombreuses conditions
médicales, les débats récents se sont
surtout focalisés sur les maladies mentales. Certaines lois traitent différemment les patients psychiatriques
incompétents et les patients jugés
incompétents, mais souffrant d’autres
pathologies. La stigmatisation de la
maladie mentale peut prendre de nombreux visages. Les patients psychotiques sont, en effet, perçus comme
violents et dangereux, alors qu’ils ne
contribuent que pour une faible part à
la violence dans la population. En
outre, les gens préfèrent généralement
garder une certaine distance sociale
entre les personnes souffrant de
troubles psychiatriques et eux-mêmes.
Les sociétés tolèrent également l’existence d’une certaine inégalité dans
l’attribution des fonds destinés aux
soins des malades mentaux. Parce que
la stigmatisation des maladies mentales reste forte, il paraît essentiel de
comprendre si, et comment, la stigmatisation peut aussi affecter les règles
éthiques de recherche concernant les
malades mentaux. Des chercheurs allemands ont mené une étude pour
laquelle ils ont conceptualisé la stigmatisation comme une discrimination
fondée sur des facteurs éthiquement
non pertinents, et qui sont potentiellement à même d’entraîner des effets
préjudiciables. Ils ont testé l’hypothèse
selon laquelle il existerait une stigmatisation vis-à-vis de la recherche en
psychiatrie. Cette recherche est considérée comme moins admissible que les
autres types de recherche médicale,
même lorsque les facteurs éthiques
pertinents sont similaires. Pour mener
à bien leurs études, les auteurs ont
adressé des e-mails à 34 000 personnes
adultes sélectionnées à partir d’un
fichier d’un demi-million de volontaires. Un peu plus de 3 000 personnes
ayant répondu à l’invitation ont été
recrutées, avec une surreprésentation
des minorités raciales et éthniques et
de personnes âgées. Les chercheurs ont
présenté à chaque participant un scénario expérimental parmi un choix de
sept histoires impliquant une personne
fictive (“John” ou “Pam”) susceptible
d’être recrutée pour participer à un protocole de recherche. Chaque scénario
présentait toutes les caractéristiques de
l’essai : nom et descriptif de la maladie,
description de la recherche incluant ses
buts, sa procédure, ses risques, le statut de compétence requis, etc. Trois
résultats importants émergent de cette
étude. Les résultats révèlent, en effet,
que les personnes interrogées étaient
moins favorables à autoriser la
recherche avec des patients psychiatriques qu’avec des patients “médicaux”, même lorsque les conditions
éthiques étaient similaires. Cette réticence concernant la recherche en psychiatrie est largement sous-tendue par
la croyance obsolète selon laquelle le
fait de souffrir d’une maladie mentale
empêche la personne de prendre ses
décisions de manière adaptée. Enfin, ce
traitement discriminatoire de la
recherche sur les maladies mentales ne
résulte pas tant d’une façon impropre
de considérer les patients psychiatriques incompétents que d’une mauvaise évaluation des patients psychiatriques qui sont compétents pour
prendre une décision.
Commentaire
Il existe une abondante littérature traitant de la stigmatisation des patients
qui souffrent de maladie mentale. Toutefois, cette étude est la première à
démontrer clairement que la recherche
impliquant la participation de malades
souffrant de troubles mentaux est, elle
aussi, stigmatisée. Dans ce cas, la stigmatisation prend la forme d’une discri-
La Lettre du Psychiatre - Suppl. Les Actualités au vol. II - n° 1 - mars 2006
9
> ACTUALITÉS
sciences
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Scandinavica
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Psychiatry
> Nature Neuroscience
> Neuroimage
> Journal of Psychiatry Research
> American Journal
of Psychiatry
> Science
mination qui n’est justifiée par aucune
intention de nature éthique, et qui est
potentiellement à même d’avoir des
conséquences préjudiciables, en empêchant des recherches qui pourraient
bénéficier aux patients psychiatriques.
Étant donné qu’il n’y a aucune raison
de penser que les législateurs soient
épargnés par l’influence de telles réticences, il est important qu’ils soient
attentifs à se préserver de telles
influences lorsqu’ils formulent les
règles éthiques de recherche concernant les malades psychiatriques.
E.B.
> Muroff J, Hoerauf S, Kim S. Is psychiatric
research stigmatized? An experimental survey
of the public. Schizophrenia Bull 2006;32:
129-36.
>
Aspects thérapeutiques
du consentement éclairé
■
Kumamoto (Japon)
ujourd’hui, le consentement éclairé
est devenu une composante centrale de la prise de décision médicale.
On considère habituellement que le
consentement éclairé se compose de
trois éléments de base : la fourniture de
l’information médicale, la compétence
du patient à donner son consentement,
et la nature volontaire du consentement (c’est-à-dire l’absence de coercition). Par conséquent, le consentement
éclairé ne peut être valide sans la fourniture de suffisamment d’informations,
qui doit permettre au patient d’aboutir
à une décision qui soit en rapport avec
son système de valeurs, sa personnalité, sa religion et son mode de vie. Le
droit à l’expression d’un consentement
REVUE
de presse
A
10
Coordonnée par E. Bacon
éclairé et à l’information médicale sont
de nature légale. De nombreux médecins sont conscients que l’information
peut être bénéfique au patient. Toutefois, certaines personnes avancent des
arguments opposés, en faisant remarquer que la fourniture d’informations
peut mettre en danger le confort psychologique des patients, la compliance,
et peut même amener à des comportements d’autodestruction. Par exemple,
de nombreuses personnes ont du mal à
admettre le fait qu’elles aient une maladie, et cela est particulièrement le cas
pour les maladies graves. La distance
psychologique entre leur idéal (“je ne
suis pas malade”) et la réalité (“j’ai une
maladie grave”) est déterminée par de
nombreux facteurs, mais elle est d’autant plus grande que la maladie est
sévère. Ainsi, ces patients auront peutêtre besoin de plus de temps et d’énergie pour s’adapter à leur nouvelle situation, qu’il n’en sera nécessaire à leurs
parents, leurs amis, ou aux professionnels de santé. Le Dr T. Kitamura a effectué une revue de la littérature pour
essayer d’en extraire des enseignements
concernant la relation entre la fourniture d’informations médicales et le
stress lié à la maladie, chez les patients
“médicaux” et psychiatriques. Il ressort
de ses investigations que le fait de bien
informer les patients permet de diminuer leur stress et que plus ils sont en
demande d’informations, plus l’effet
bénéfique sera marqué. En psychiatrie
également, un certain nombre d’études
ont montré que l’éducation des patients
psychiatriques n’entraîne pas nécessairement une diminution de la compliance ou une augmentation des
rechutes. Ces observations concordent
avec les désirs des patients et leur
droit légal à l’information médicale les
concernant.
La Lettre du Psychiatre - Suppl. Les Actualités au vol. II - n° 1 - mars 2006
Commentaire
La portée des observations du Dr T. Kitamura est entâchée par les faiblesses des
articles ayant traité la question. Si les
études sur les effets de l’information
concernant les opérations chirurgicales
sont assez complètes et suggèrent que
l’information permet de réduire les réactions de stress, celles concernant
d’autres aspects du traitement médical
comme le diagnostic en soi, le pronostic et les risques fatals de traitements
médicaux sont assez maigres. De la
même manière, les conclusions concernant l’effet positif de l’information dans
le cas de maladies psychiatriques doivent être considérées avec précaution
du fait de la rareté de données empiriques sur le sujet. La plupart des
articles que l’auteur a pu trouver sont,
au mieux, seulement suggestifs. Toutefois, il est important de relever que la
compréhension du patient est déterminée par de nombreux facteurs. Parmi
ceux-ci, citons, son intelligence, ses
capacités linguistiques, son niveau de
conscience, de mémoire et d’attention.
Mais la compréhension du patient
dépend aussi de son éducation médicale
qui est, à son tour, conditionnée par les
efforts fournis par le praticien pour lui
faire comprendre les informations médicales nécessaires. Par conséquent, le
droit des patients à disposer de l’information et à donner un consentement
éclairé entraîne pour le praticien le
devoir de fournir une information individualisée, adaptée à chacun et compréhensible par le patient.
E.B.
>
Kitamura T. Stress-reductive effects of
information disclosure to medical and psychiatric patients. Psychiatry Clin Neurosci
2005;59:627-33.
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