> Proceedings of the Royal Society of London (Biological Sciences) > J Neurosciences > Proceedings of the National Academy of Sciences USA > News Cornell > Physical Reviews > Biological psychiatry > Science > Nature > Current Opinion in Neurobiology > Nature Neuroscience > Journal of Clinical Investigations Approche neuro-développementale de la schizophrénie Actualités sciences A ctualités sciences # L.Calandreau (LNC, CNRS UMR 5106, Valence) © La Lettre du Neurologue-Suppl. Les Actualités au vol.X-n°8-octobre 2006. REVUE de presse L a schizophrénie est une pathologie qui touche 1 % de la population mondiale, soit 600 000 personnes en France. Bien qu’elle fasse l’objet de nombreuses recherches, les traitements disponibles n’améliorent que certains symptômes. Ce syndrome physiopathologique est caractérisé par des symptômes dits “positifs” (idées délirantes, hallucinations, etc.) et “négatifs” (retrait, alogie, avolition, etc.). Il commence le plus souvent à l’adolescence ou chez le jeune adulte et évolue vers une véritable dissociation de la personnalité. Une fois déclarée, la maladie est installée et devient chronique, avec récurrence d’épisodes aigus nécessitant une prise en charge. Les neuroleptiques (antagonistes des récepteurs D2) restent encore actuellement le traitement de référence. Les antidépresseurs ou certains tranquillisants sont également indiqués, en particulier dans le but de traiter les épisodes dépressifs ou d’anxiété associés à la maladie. Ces traitements sont la plupart du temps associés à des psychothérapies de soutien. Malgré tout, 10 à 20 % des schizophrènes restent totalement résistants aux médicaments. La Lettre du Psychiatre - Vol. II - n° 6 -7 - novembre-décembre 2006 LETTRE Psy nov_dec 36p.indd 201 Il est aujourd’hui admis que la schizophrénie n’est pas une maladie psychogénique, mais qu’il s’agit d’une psychose neuro-développementale. Des études d’imagerie ont ainsi révélé de fréquentes anomalies neuro-anatomiques : une légère dilatation des ventricules, une symétrie de certaines régions temporales, une réduction du volume des régions limbiques et, enfin, des anomalies corticales (e.g. cortex préfrontal). Ces singularités morphologiques seraient des séquelles de perturbations précoces du développement cérébral. Deux causes principales sont invoquées pour expliquer cette pathologie : des facteurs génétiques et des “accidents” neuro-développementaux. Hypothèse génétique Les études familiales ont montré que le risque d’occurrence de la maladie pouvait atteindre 10 % (contre 1 % dans la population générale), révélant ainsi l’influence de facteurs génétiques dans une forme précoce de la schizophrénie. Ces études s’accordent pour exclure l’hypothèse d’un gène candidat unique et s’orientent davantage vers la recherche de facteurs de vulnérabilité génétique. 201 15/12/06 15:36:20 Actualités sciences A ctualités sciences > Proceedings of the Royal Society of London (Biological Sciences) > J Neurosciences > Proceedings of the National Academy of Sciences USA > News Cornell > Physical Reviews > Biological psychiatry > Science > Nature > Current Opinion in Neurobiology > Nature Neuroscience > Journal of Clinical Investigations Hypothèse neurodéveloppementale Même si différents facteurs bioenvironnementaux (carence vitaminique, complications obstétricales) ont été impliqués, l’hypothèse d’une infection maternelle durant la grossesse reste l’une des plus prometteuses. Cette approche, sur laquelle nous nous attarderons, tire son origine d’études épidémiologiques et a conduit à l’élaboration de nouveaux modèles animaux de la schizophrénie. REVUE de presse Dosage sérologique d’une infection grippale et schizophrénie Dès 1988, Mednick et al. (1) ont démontré qu’une infection grippale au cours du deuxième trimestre de la grossesse est associée à une augmentation significative (de l’ordre de 50 %) du nombre de naissances d’individus qui deviendront schizophrènes. Depuis, 26 études ont tenté de répliquer ces données. Malheureusement, si la moitié de ces recherches a confirmé ce résultat, l’autre moitié n’a révélé aucun lien entre une infection virale durant la grossesse et l’incidence de la maladie. Cette divergence de résultats s’explique en grande partie par l’utilisation de cohortes de sujets pour lesquels l’infection grippale était incertaine et le suivi de la grossesse relativement imprécis. De la même façon, les outils utilisés pour diagnostiquer avec certitude l’état de schizophrénie n’étaient pas toujours identiques. Afin de trancher ce débat, Brown et al. (2) ont étudié une population de femmes particulièrement suivies au moment 202 LETTRE Psy nov_dec 36p.indd 202 de la grossesse. En analysant le sérum maternel, ils se sont assurés de l’atteinte grippale des mères. Enfin, ils ont utilisé des tests permettant de diagnostiquer avec précision si les adolescents nés de ces mères présentaient les symptômes de la schizophrénie. Ce travail révèle que l’infection grippale multiplie par trois l’incidence de la maladie. Par ailleurs, les auteurs constatent que cet effet n’est observé que si l’infection est contractée durant la première partie de la grossesse. Cette équipe a également montré qu’une infection respiratoire lors du second trimestre de la grossesse double l’incidence de la schizophrénie chez les descendants. Notons que d’autres études ont établi une relation entre la rubéole (3) ou la varicelle (4) contractée durant la grossesse et le nombre de schizophrènes. Ces données suggèrent ainsi qu’une stimulation du système immunitaire maternel pourrait induire des anomalies neuro-développementales. Dosage de l’interleukine 8 du sérum maternel et schizophrénie Les études épidémiologiques ci-dessus révèlent que des agents infectieux qui diffèrent quant à leur mode de transmission, leur potentiel tératogénique ou encore leur antigénicité, augmentent l’incidence de la schizophrénie. Dans cette nouvelle étude (5), les auteurs se sont intéressés aux cytokines, éléments communs à tous ces agents infectieux. En effet, cette famille de molécules intervient à la fois dans la réponse immunitaire et dans le développement cellulaire (différen- ciation et prolifération). Les auteurs constatent que la quantité d’interleukine (type 8) présente dans le sérum maternel (prélevé lors de la grossesse) est deux fois plus importante chez les mères de schizophrènes. Un modèle animal neurodéveloppemental de la schizophrénie Des approches lésionnelles et/ou pharmacologiques ont permis d’aboutir à des modèles animaux de schizophrénie. Même si ces modèles miment des déficits comportementaux observés chez les schizophrènes (déficit d’inhibition latente, d’effet induit par une préexposition à un stimulus inconditionnel PSI, du réflexe de sursaut, déficits en mémoire de travail, de réaction à un traitement aux amphétamines), ils ne permettent pas d’appréhender l’aspect neuro-développemental de la maladie. Dans ce but, un ensemble d’études (6, 7) dirigées par l’équipe du Pr J. Feldon a conduit à l’élaboration d’un modèle neuro-développemental de la schizophrénie particulièrement élégant. Ces travaux montrent que l’injection périphérique de poly-IC (un ARN double brin de synthèse stimulant le système immunitaire) à des souris gestantes, induit une élévation du taux sérique maternel de cytokines (e.g. IL6). Ce traitement provoque également une augmentation du taux d’interleukines (e.g. IL-1b) mesuré au sein du tissus fœtal. Enfin, les études comportementales menées sur des animaux adultes nés de mères traitées révèlent de nombreux déficits caractéristiques de l’état de schizophrénie. La Lettre du Psychiatre - Vol. II - n° 6 -7 - novembre-décembre 2006 15/12/06 15:36:21 Dans une étude suivante (7), cette équipe montre que les effets comportementaux du traitement ne sont observables que si l’injection de polyIC est réalisée au début (jour 6-9) et non à la fin (jour 17) de la gestation. Ces nouveaux résultats sont en accord avec les données épidémiologiques reliant stimulation des interleukines en début de grossesse et incidence de la maladie chez les descendants. Références bibliographiques 1. Mednick SA, Machon RA, Huttunen MO, Bonett D. Adult schizophrenia following prenatal exposure to an influenza epidemic. Arch Gen Psychiatry 1988;45:189-92. 2. Brown AS, Begg MD, Gravenstein S et al. Serologic evidence of prenatal influenza in the etiology of schizophrenia. Arch Gen Psychiatry 2004;61:774-80. 3. Brown AS, Cohen P, Harkavy-Friedman J et al. AE Bennet research award: prenatal rubella, premorbid abnormalities, and adult schizophrenia. Biol Psychiatry 2001;49:473-86. 4. Brown AS. Prenatal infection and adult schizophrenia: a review and synthesis. Int J Ment Health 2001;29:22-37. 5. Brown AS, Hooton J, Schaefer CA et al. Elevated maternal interleukin-8 levels and risk of schizophrenia in adult offspring. Am J Psychiatry 2004;161:889-95. 6.MeyerU,FeldonJ,SchedlowskiM,YeeBK.Towards an immuno-precipitated neurodevelopmental animal model of schizophrenia. Neurosci Biobehav Rev 2005;29:913-47. 7. Meyer U, Feldon J, Schedlowski M, Yee BK. Immunological stress at the maternal-fœtal interface: a link between neurodevelopmental and adult psychopathology. Brain Behav Imm 2006; sous presse. La Lettre du Psychiatre - Vol. II - n° 6 -7 - novembre-décembre 2006 LETTRE Psy nov_dec 36p.indd 203 Pour en savoir plus . . . > Brown AS, Susser ES. In utero infection and Actualités sciences A ctualités sciences adult schizophrenia. Ment Retad Dev Dis Res Rev 2002;8:51-7. > McDonal C, Murray RM. Early and late environmental risks factor for schizophrenia. Brain Res Inter 2000;31:130-7. Autres modèles animaux neuro-développementaux > Shi L, Fatemi SH, Sidwell RW, Patterseon PH. Maternal influenza infection causes marked behavioral and pharmacological changes in the offspring. J Neurosci 2003;23:297-302. > Zuckerman L, Rehavi M, Nachman R, Weiner I. Immune activation during pregnancy in rats leads to a post pubertal emergence of disrupted latent inhibition, dopaminergic hyperfunction, and altered limbic morphology in the offspring: a novel neurodevelopmental model of schizophrenia. Neuropsychopharmacology 2003;28: 1778-89. 203 15/12/06 15:36:22