Maq HGE1 vol II V 21/08/03 O 16:22 C Page 42 A B U L A I R E Mésorectum ● Y. Panis*, M. Pocard* L a chirurgie demeure, en 1998, l’élément essentiel du traitement du cancer du rectum. De nombreuses publications ont démontré que la qualité de l’exérèse chirurgicale du cancer du rectum gouverne le pronostic carcinologique du patient. En d’autres termes, une intervention ne respectant pas des critères carcinologiques stricts expose le patient à un taux de récidive locale important (supérieure à 30 % à cinq ans). Parmi ces principes carcinologiques, l’extension de l’exérèse digestive en fonction du siège de la tumeur (respect lors de la section digestive d’une marge de sécurité de 2 cm sous le pôle inférieur de la tumeur) et l’étendue du curage ganglionnaire (ligature haute des vaisseaux mésentériques inférieurs) ne font guère l’objet de controverse (1). Plus récemment, est apparu, grâce à Heald, le concept d’exérèse totale du mésorectum afin de diminuer le taux de récidive locale après chirurgie apparemment curative (2). vait s’expliquer par la présence des cellules laissées en place lors de la proctectomie (figure 1). Pour ces auteurs, seule l’exérèse totale du mésorectum permet de limiter ce risque. Le principe est alors d’enlever l’ensemble du mésorectum jusqu’au plan des releveurs de l’anus, et ce quel que soit le siège de la tumeur, indépendamment donc de la conservation ou non d’un moignon rectal et du sphinc- L’EXÉRÈSE CARCINOLOGIQUE “CLASSIQUE” DU CANCER RECTAL Lors de l’exérèse du rectum pour cancer, le mésorectum, c’est-àdire l’ensemble du tissu celluleux périrectal (jusqu’aux parois latérales du pelvis), était enlevé jusqu’à la zone de section rectale, soit au moins 2 cm sous la tumeur. Au-dessus, l’ensemble de ce tissu devait être réséqué. En dessous, en cas de tumeur autorisant une conservation sphinctérienne, le mésorectum était préservé, ce qui assurait la vascularisation du moignon rectal restant. Avec cette technique, le taux de récidive locale à cinq ans après proctectomie pour cancer variait de 15 % à 35 % dans les différentes séries publiées (3, 4, 5), cette grande variabilité soulignant, s’il était besoin, l’importance du geste chirurgical dans le pronostic du cancer du rectum. L’EXÉRÈSE TOTALE DU MÉSORECTUM Heald et coll. (2), puis récemment d’autres équipes (6, 7), ont démontré que des cellules cancéreuses pouvaient être présentes, dans ce mésorectum, jusqu’à 4 ou 5 cm sous le pôle inférieur de la tumeur. Ainsi, avec une proctectomie “classique”, la “récidive” locale pou- * Service de chirurgie générale et digestive, hôpital Lariboisière, Paris. 42 Figure 1. Protectomie classique. ter. La technique d’exérèse chirurgicale est donc modifiée. La dissection doit aller, dans tous les cas, jusqu’au plan des releveurs de l’anus (c’est-à-dire jusqu’au plancher pelvien). L’éventuelle conservation sphinctérienne dépend ensuite du siège de la tumeur et, plus précisément, de la distance entre le pôle inférieur de la tumeur et la ligne pectinée (qui indique le niveau du sphincter anal). Ainsi, schématiquement, pour une tumeur du haut rectum située entre 10 et 15 cm de la ligne pectinée (soit environ 12 à 18 cm de la marge anale), la résection rectale par voie abdominale est la règle. On réalise alors une résection du rectum, avec exérèse totale du mésorectum, et une section du rectum au moins 2 à 3 cm sous le pôle inférieur de la tumeur. Dans ces cas, afin d’éviter de conserver un moignon rectal dévascularisé (du fait de l’exérèse totale du mésorectum), on doit soit enlever l’ensemble du rectum (quel que soit le siège de la tumeur) jusqu’au sphincter, soit laisser un moignon rectal très court. On voit ainsi que le respect de l’exérèse totale du mésorectum impose d’achever l’opération par La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 1 - vol. II - février 1999 Maq HGE1 vol II 21/08/03 16:22 Page 43 une anastomose soit colo-rectale très basse, soit colo-anale (8), et ce, répétons-le, quel que soit le siège de la tumeur. Pour la plupart des auteurs, cette attitude “maximaliste” n’est pas justifiée pour les cancers du haut rectum (assimilés à des cancers du sigmoïde), et une exérèse de 5 cm de mésorectum sous le pôle inférieur de la tumeur est suffisante, comme cela est démontré dans plusieurs séries (7). Cela présente l’avantage de conserver un moignon rectal plus long, bien vascularisé, tout en limitant probablement au maximum le risque de laisser dans le mésorectum à distance de la tumeur principale des cellules cancéreuses résiduelles. Dans de tels cas, une anastomose colo-rectale sur le moyen rectum est possible. Dans tous les autres cas, c’est-à-dire dans les cancers du moyen et du bas rectum sous-péritonéaux, l’intervention se termine soit par un rétablissement de continuité, qui sera colo-rectal bas, si l’on peut conserver un moignon rectal suffisant, ou colo-anal, soit plus rarement par une amputation abdomino-périnéale. En cas de moignon rectal conservé, l’anastomose colo-rectale est effectuée à la pince automatique (figure 2). Cette anastomose colo-rectale basse est habituellement protégée par une colo- ou iléostomie temporaire de dérivation, fermée six semaines après l’intervention. Si le moignon rectal restant est trop court ou enlevé en totalité (du fait du respect d’une marge de sécurité de 2 cm), on réalise alors une anastomose colo-anale entre le sphincter anal et le côlon d’amont. Lors de la réalisation d’une anastomose colo-anale ou colo-rectale basse, il est préférable de confectionner un réservoir colique en J, sorte de néorectum (9, 10) qui permet une amélioration significative du résultat fonctionnel par rapport à l’anastomose coloanale ou rectale basse directe sans réservoir (figure 3). Si la tumeur est située à moins de 5 cm de la marge anale ou à moins de 2 cm de la ligne pectinée (bas rectum), l’amputation abdomino-périnéale (par double voie d’abord abdominale et périnéale) avec colostomie iliaque gauche définitive reste nécessaire Figure 2. Anastomose colo-rectale à la pince automatique. (figure 4). On voit donc que cette règle de l’exérèse totale du mésorectum pour les cancers du moyen et du bas rectum, et subtotale pour les cancers du haut rectum, a profondément modifié l’approche chirurgicale du cancer rectal. Ainsi, aujourd’hui, l’intervention s’achève le plus souvent par une anastomose mécanique transsuturaire colo-rectale basse ou colo-anale avec réservoir, et, plus rarement, par une amputation abdomino-périnéale (moins de 30 % des cas dans les séries récentes). Seuls les cancers du haut rectum sus-péritonéaux peuvent bénéficier d’une anastomose sur le moyen rectum (manuelle ou mécanique en fonction des conditions locales). LES RÉSULTATS CARCINOLOGIQUES Les premières publications de Heald à propos de l’exérèse totale du mésorectum datent de 1982. Il a finalement fallu plus de dix ans pour que ce progrès s’impose aujourd’hui à tous les chirurgiens colo-rectaux. Les séries récentes (2, 6) utilisant cette technique rapportent des taux de récidive locale allant de 2,7 % à 7 % à cinq ans, ce qui démontre, à l’évidence, la supériorité de cette technique par rapport aux techniques classiques. En outre, il est possible de réaliser cette exérèse totale du mésorectum tout en respectant les plexus nerveux sympathiques préaortiques et parasympathiques sacrés. Cela permet de réaliser une chirurgie, comme nous l’avons vu, efficace sur le plan carcinologique, mais aussi moins mutilante en termes d’impuissance (observée maintenant chez moins de 20 % des patients) et de troubles de la fonction urinaire (6). Les progrès observés grâce à cette technique soulèvent maintenant le problème de la radiothérapie adjuvante préopératoire (ou postopératoire). En effet, si celle-ci a démontré son bénéfice en termes Figure 3. Réservoir colique en J. La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 1 - vol. II - février 1999 Figure 4. Amputation abdomino-périnéale avec colostomie iliaque gauche définitive. 43 Maq HGE1 vol II 21/08/03 V O 16:22 C Page 44 A B U L de diminution des récidives locales et d’augmentation de la survie, il faut garder à l’esprit que ce taux de récidive locale à cinq ans était de 27 % dans le groupe contrôle contre 11 % dans le groupe traité dans l’une des études (4), et de respectivement 25 % et 13,5 % dans l’autre étude (3). Ainsi, l’exérèse totale du mésorectum fait mieux que les groupes traités des études contrôlées, mais sans traitement adjuvant. Il est donc licite de se demander si la radiothérapie adjuvante ne rattrape pas une “mauvaise” chirurgie. Comme la radiothérapie (même préopératoire) a une morbidité significative, notamment en termes de résultats fonctionnels, sa place exacte mérite d’être rediscutée. C’est pourquoi, une étude est actuellement en cours afin d’évaluer la place de la radiothérapie adjuvante préopératoire en cas d’exérèse totale du mésorectum. A I R E ■ ment du cancer du rectum. R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Fazio V.W., Tjandra J.J. Primary therapy of carcinoma of the large bowel. World J Surg 1991 ; 15 : 568-75. 2. Mac Farlane J.K., Ryall R.D., Heald R.J. Mesorectal excision for rectal cancer. Lancet 1993 ; 341 : 457-60. 3. Krook J.E., Moertel C.G., Gunderson L.L. et coll. Effective surgical adjuvant therapy for high-risk rectal carcinoma. N Engl J Med 1991 ; 324 : 709-15. 4. Swedish Rectal Cancer Trial. Improved survival with preoperative radiotherapy in resectable cancer. N Engl J Med 1997 ; 336 : 980-7. 5. Poccard M., Panis Y., Malassagne B. et coll. Assessing the effectivness of mesorectal excision in rectal cancer. Prognostic value of the number of lymph nodes found in resected specimen. Dis Colon Rectum 1998 ; 41 : 839-45. 6. Enker W.E., Thaler H.T., Cranor M.L., Polyak T. Total mesorectal excision in the operative treatment of carcinoma of the rectum. J Am Coll Surg 1995 ; 181 : 335-46. CONCLUSIONS 7. Lopez-Kostner F., Lavery I.C., Hool G.R. et coll. Total mesorectal excision is not necessary for cancers of the upper rectum. Surgery 1998 ; 124 : 612-8. Le pronostic du cancer du rectum repose essentiellement sur la qualité de l’exérèse chirurgicale. Les principes carcinologiques ont été récemment bouleversés par le concept de l’exérèse totale du mésorectum, tissu celluleux périrectal qui peut contenir des cellules tumorales jusqu’à 5 cm sous le pôle inférieur de la tumeur. L’exérèse totale du mésorectum peut, comme cela a été montré dans de nombreuses séries, réduire significativement le taux de récidive locale à moins de 10 % à cinq ans. Elle représente donc aujourd’hui la technique chirurgicale de référence dans le traite- 8. Hautefeuille P., Valleur P., Perniceni T. et coll. Functional and oncologic results after coloanal anastomosis for low rectal carcinoma. Ann Surg 1988 ; 207 : 61-5. 9. Benoist S., Panis Y., Boleslawski E. et coll. Functional outcome after coloanal versus low colorectal anastomosis for rectal carcinoma. J Am Coll Surg 1997 ; 185 : 114-9. 10. Hallböök O., Pahlman L., Krog M. et coll. Randomized comparison of straight and coloanal J pouch anastomosis after low anterior resection. Ann Surg 1996 ; 224 : 58-65. ✁ À découper ou à photocopier A B O N N Merci d’écrire nom et adresse en lettres majuscules E Z - V O U S ! Tarif 1999 / L HG / B i m e s t r i e l ABONNEMENT FRANCE / DOM-TOM et CEE Dr, M., Mme, Mlle ❐ 1 an / 190 F* ❐ 2 ans / 310 F* ❐ 1 an / 95 F* étudiants joindre la photocopie de la carte ❐ + 60 F par avion pour les DOM - TOM Prénom Adresse ABONNEMENT ETRANGER / autre que CEE ❐ 1 an / 240 F* ❐ + 190 F par avion POUR RECEVOIR LA RELIURE ❐ 70 F avec un abonnement ou un réabonnement ❐ 140 F par reliure supplémentaire (franco de port et d’emballage) MODE DE PAIEMENT Code postal ❐ par carte Visa Ville N° Signature : Date d’expiration Pays ❐ par chèque (à établir à l'ordre d'EDIMARK) Tél. 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