Chapitre II - Insuf. coronaire I 4/05/04 12:39 Page 12 N S U F F I S A N C E C O R O N A I R E Insuffisance coronaire ● Dr F. Beygui* Cardiologie interventionnelle P O I N T S P O I N T S F O R T S F O R T S ■ Le suivi à long terme des patients traités pour infarctus aigu du myocarde par thrombolyse ou angioplastie primaire plaide en faveur d’un meilleur pronostic chez les patients traités par angioplastie. ■ Les taux de récurrence ischémique et de nouvelle revascularisation à 30 jours sont réduits par l’implantation d’endoprothèses à la phase aiguë de l’infarctus du myocarde par rapport au ballon seul (étude randomisée PAMI-Stent). Ces résultats se maintiennent à 6 mois selon d’autres études. ■ Dans l’angioplastie coronaire élective, un résultat “stentlike” rigoureux obtenu avec le ballon seul est équivalent au stenting en termes d’événements à un an. ■ Le type de resténose intrastent est un facteur de risque de récidive de resténose à un an (par ordre croissant de gravité : sténose focale, diffuse, proliférative et occlusion complète). ■ L’irradiation intracoronaire est faisable et efficace en tant que traitement préventif de la resténose intrastent. De larges séries de patients devraient être incluses dans des études cliniques pour évaluer l’efficacité et la tolérance de cette nouvelle technique. * Clinique cardiologique (Pr Vacheron), Hôpital Necker, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris. 12 INFARCTUS AIGU DU MYOCARDE Thrombolyse ou angioplastie ? L’analyse des données à un an du sous-groupe angioplastie primaire (n = 62) versus t-PA (n = 61) de l’étude GUSTO IIb, présentée par M. Masotti (Barcelone), montre une réduction significative des événements cliniques et des paramètres angiographiques dans le groupe angioplastie (tableau I). Tableau I. Résultats à un an du sous-groupe angioplastie primaire versus thrombolyse de l’étude GUSTO IIb. Décès Réinfarctus Revascularisation Total événements % de sténose Flux TIMI 3 (%) Fraction d’éjection (%) t-PA Angioplastie p 8 3 18 26 (43 %) 82 ± 34 47,5 52 ± 13 8 1 7 15 (24 %) 33 ± 31 88 59 ± 12 ns ns 0,01 0,03 0,001 0,001 0,03 Le suivi à long terme des patients traités par thrombolyse (n = 307) ou angioplastie primaire dans les 24 premières heures d’un infarctus du myocarde a été rapporté par M. Ishihara (Hiroshima). La survie post-hospitalière étudiée à 1, 3, 5 et 10 ans est respectivement de 98 %, 93 %, 89 % et 79 % dans le groupe angioplastie versus 97 %, 90 %, 84 %, et 63 % dans le groupe thrombolyse. L’angioplastie apparaît comme un facteur indépendamment corrélé à la survie à long terme (OR = 0,632, p = 0,02). Les données de l’étude PACT (n = 606), étudiant la compatibilité de la thrombolyse (t-PA en double bolus de 50 mg) et l’angioplastie dans l’infarctus du myocarde ont été présentées par A.M. Ross (Washington). Les patients étaient randomisés en deux groupes : thrombolyse ou APC primaire. Une coronarographie était réalisée chez tous les patients à la phase aiguë (après le premier bolus de t-PA ou placebo), et une semaine plus tard. Les patients du groupe t-PA avec un flux TIMI 0 à 2 bénéficiaient d’une angioplastie de sauvetage. Les taux de succès s’avèrent comparables entre l’angioplastie primaire et l’angioplastie de sauvetage en cas d’échec de la thrombolyse (95 % dans les deux groupes avec flux TIMI 3 obtenu dans 79 et 77 % des cas respectivement). Les principaux résultats de cette étude concernant les événements hospitaliers à 30 jours et l’ischémie détectée par l’épreuve d’effort à 6 semaines sont résumés dans le tableau II. La Lettre du Cardiologue - n° 295 - mai 1998 Chapitre II - Insuf. coronaire 4/05/04 12:39 Page 13 Tableau II. Résultats de l’étude PACT (aucune différence significative). Angioplastie primaire Thrombolyse 13 % 0,7 % 13 % 0,7 % 7,4 % <4% <4% 13,5 % 4,7 % 7,4 % <4% <4% 18,5 % 2% 10,4 % 9,3 % Transfusions AVC Revascularisation en urgence Décès hospitaliers Décès à 30 jours Récurrence ischémique Pontage en urgence Épreuve d’effort positive à 6 semaines ANGIOPLASTIE CONVENTIONNELLE OU IMPLANTATION D’ENDOPROTHÈSE ? Les résultats à 30 jours de l’étude randomisée multicentrique PAMI-Stent (n = 900), comparant l’angioplastie primaire au ballon seul et l’implantation d’endoprothèses héparinées de Palmaz-Schatz, à la phase aiguë de l’infarctus du myocarde, ont été présentés par C.I. Grines (Royal Oak). Le taux de “cross-over” du groupe ballon vers le groupe stent était de 15,1 %. Par ailleurs, 1,3 % des patients du groupe stent n’ont pas eu d’endoprothèse par décision de l’opérateur. Dans 1,3 % des cas, l’implantation de l’endoprothèse s’est soldée par un échec. Dans les suites de la procédure, les patients du groupe angioplastie recevaient de l’héparine intraveineuse pendant 48 heures alors que l’héparine était déconseillée dans le groupe stent. Tableau III. Résultats hospitaliers et à un mois de l’étude PAMI-Stent. Stent (n = 452) Angioplastie (n = 448) p Résultats immédiats Succès angiographique (%) TIMI 3 (%) MLD post-procédure (mm) Sténose résiduelle (%) 99,8 96,4 2,55 4,4 99,1 92,3 2,11 15,5 ns ns 0,001 0,0001 Résultats hospitaliers Décès (%) Réinfarctus (%) Thrombose subaiguë (%) Réélévation des CPK (%) Récidive ischémique (%) Revascularisation (%) Total événements (%) Hémorragies sévères (%) 3,1 0,2 0,7 0,2 2,9 0,6 3,5 5,1 1,8 0,7 2,0 0,9 4,7 2,5 4,9 3,8 ns ns ns ns ns 0,006 ns ns Résultats à un mois Décès (%) Réinfarctus (%) Revascularisation (%) Total événements (%) 3,5 0,4 0,9 4,2 1,8 1,1 3,5 5,4 ns ns 0,006 ns La Lettre du Cardiologue - n° 295 - mai 1998 Les principaux résultats de cette étude, résumés dans le tableau III, montrent des taux de succès très élevés et de complications très faibles dans les deux groupes, sans différence statistiquement significative. Seules la récurrence ischémique et la nécessité d’une revascularisation étaient significativement diminuées dans le groupe stent. Il est à noter que le principal critère de jugement (le taux d’événements à 6 mois) n’est pas encore connu. Ces résultats sont confirmés par l’étude randomisée GRAMI, comparant l’implantation d’endoprothèses GR II à l’angioplastie au ballon seul à la phase aiguë de l’infarctus du myocarde. Cette étude, présentée par A.E. Rodriguez (Buenos Aires), montre une réduction significative des événements pendant la phase hospitalière et à un an dans le groupe de patients traités par endoprothèses. La comparaison des données cliniques entre l’angioplastie au ballon seul avec des résultats “stent-like” (sténose résiduelle ≤ 30 %) et l’implantation d’une endoprothèse à la phase aiguë de l’infarctus du myocarde, rapportée par G. Eid-Lidt (Mexico City), ne montre pas de différence significative concernant les complications à la phase hospitalière entre les deux groupes. En revanche, à 6 mois, les récidives ischémiques (angor ou ischémie silencieuse) étaient plus fréquentes dans le groupe ballon seul (43,1 % versus 18 %, p = 0,006), de même que les nouvelles angioplasties (5,8 % versus 0 %, p = 0,08). Le décès d’origine cardiaque, de 3,5 % et 3,9 % durant l’hospitalisation pour les groupes “stent-like” et stent respectivement, était de 0 % à 6 mois dans les deux groupes. L’intérêt de l’implantation d’endoprothèses coronaires à la phase aiguë de l’infarctus chez les patients en choc cardiogénique a été présenté par Y. Nakawaga (Kitayushu). Cette étude rétrospective (n = 2 099) montre une réduction plus importante des échecs de reperfusion, de la réocclusion et de la mortalité précoce par le stenting chez les patients en choc cardiogénique, par rapport à ceux hémodynamiquement stables. Les taux de succès de l’implantation d’endoprothèses étaient comparables entre les deux groupes (100 % versus 98 %). ENDOPROTHÈSES Angioplastie coronaire élective : stents ou résultats “stentlike” ? D’après le travail présenté par R. Siegel (Phoenix), sur 608 patients traités par angioplastie conventionnelle (n = 465) ou par endoprothèse (n = 143) pour resténose, avec des taux de succès immédiat comparables (95,5 % et 97,9 % pour l’angioplastie et le stenting, respectivement), les résultats tardifs plaident en faveur du stenting, avec des taux de survie sans événement de 90,9 % versus 82,6 % (p = 0,04). Ces résultats s’expliquent essentiellement par un taux de nouvelle angioplastie significativement plus faible dans le groupe de patients traités par stent (5,6 % versus 8,4 %, p = 0,03). Cependant, cette étude n’était pas randomisée et les deux groupes étaient très hétérogènes. Dans un autre travail, présenté par S.J. Melby (Rochester) et comportant trois groupes de patients appariés (n = 44 dans chaque groupe) traités par stent (groupe 1) ou par angioplastie conventionnelle avec des sténoses résiduelles de moins de 20 % 13 Chapitre II - Insuf. coronaire I 4/05/04 12:39 Page 14 N S U F F I S A N C E (groupe 2) ou de 20 à 30 % (groupe 3), les résultats à un an montrent moins de décès, d’infarctus, d’angor et de revascularisation dans les groupes 1 et 2 comparés au groupe 3. Il découle de ce travail qu’un résultat stent-like rigoureux est équivalent au stenting. Cependant, une limite assez importante de cette étude est l’analyse visuelle des résultats sans angiographie quantitative. Implantation d’endoprothèses : cas particuliers Les résultats de l’étude randomisée multicentrique canadienne TOSCA comparant l’angioplastie au ballon seul et l’implantation d’endoprothèses Palmaz-Schatz héparinées chez 410 patients avec une occlusion coronaire “chronique” (TIMI 0 ou 1, de plus de 72 heures, durée moyenne d’occlusion : 10 semaines) ont été présentés par V. Dzavik (Vancouver). Cette étude montre la supériorité de l’endoprothèse au ballon seul avec un taux de flux TIMI 3, à 6 mois, de 89,1 % vs 80,5 % (p = 0,024) et une diminution du risque de réocclusion de 44 % par le stenting. Cependant, les taux de resténose angiographique restent très importants dans les deux groupes (56 % versus 70 %). Les taux de “crossover” ballon vers stent et stent vers ballon étaient de 10 et 4 % respectivement. Le nombre de stents utilisés par artère était supérieur ou égal à 3 dans 25 % des cas. Les résultats à court et long terme (3 ans) de l’implantation de stents sur les greffons mammaires internes chez 28 patients ont été comparés à ceux de l’angioplastie conventionnelle chez 117 patients par M. Tebeica (Washington). Malgré un excellent taux de succès angiographique (96,4 % versus 82 %), les résultats tardifs ne sont pas très encourageants, avec notamment un taux de mortalité élevé (9,5 % versus 3,9 %) que les auteurs expliquent par une maladie coronaire très sévère chez les deux patients décédés et la nécessité d’un pontage aorto-coronaire chez l’un d’entre eux. Les résultats de l’angioplastie avec implantation d’endoprothèse du tronc commun coronaire gauche non protégé, présentés par R. Cortina (Toulouse), incitent à la prudence dans cette indication du stenting. En effet, malgré un taux de succès angiographique élevé (100 %) chez les 67 patients traités, les taux de mortalité hospitalière et à 6 mois sont importants (5,9 % et 9,5 % respectivement). Une analyse plus détaillée montre un taux de mortalité globale très élevé chez les patients à haut risque chirurgical (20,5 %) et plus acceptable chez les patients à faible risque (7 %). Les facteurs prédictifs de mortalité ou de complication après angioplastie coronaire L’analyse de 58 714 procédures interventionnelles coronaires réalisées aux États-Unis (National Cardiovascular Network Database) dans 19 centres et sur trois ans a permis de distinguer 11 facteurs de risque pré-procédure indépendants. Ces facteurs, présentés par E.D. Paterson, sont rapportés dans le tableau IV. Un antécédent de revascularisation coronaire semble être un facteur de bon pronostic (OR = 0,6). Dans le même domaine, D.R. Holmes (Rochester) a présenté le suivi à long terme de 1 709 patients consécutifs traités par endoprothèse coronaire. Le taux de survie à 8 ans était très bon 14 C O R O N A I R E Tableau IV. Facteurs de risque de mortalité avant angioplastie coronaire. Facteur de risque Odds-ratio Choc cardiogénique Angioplastie primaire Maladies rénales Âge Contrepulsion intra-aortique Fraction d’éjection VG 12,5 2,7 2,3 1,6 1,6 1,5 Facteur de risque Odds-ratio Diabète Atteinte multitronculaire IVA proximale Hospitalisation pour IDM Surface corporelle faible 1,3 1,3 1,3 1,3 1,2 (90 %), mais moins bon lorsqu’on s’intéressait à la survie sans événement (50 %), l’événement étant défini par un décès, un pontage, une nouvelle angioplastie ou un infarctus du myocarde. Les facteurs de risque pré-procédure de survenue d’un événement étaient un antécédent de pontage aorto-coronaire, l’insuffisance cardiaque, l’atteinte multitronculaire, le diabète et l’atteinte de l’interventriculaire antérieure. Les facteurs associés à un échec d’implantation d’endoprothèse, étudiés sur 3 815 procédures dont 1,8 % d’échec, présentés par H. Schühlen (Munich), sont la petite taille de l’artère, la sévérité de la sténose, la longueur de la sténose et l’expérience de l’opérateur. Les facteurs de risque de thrombose d’endoprothèse au cours du premier mois, étudiés sur 2 833 procédures et rapportés par A. Schömig (Munich), sont la persistance d’une dissection non recouverte (OR = 10,2), un chevauchement d’endoprothèses (OR = 1,9) et, évidemment, l’absence de traitement par la ticlopidine (OR = 5,2). Resténose intrastent La resténose intrastent a probablement été le thème dominant de la cardiologie interventionnelle du congrès de l’ACC 1998. R. Mehran (Washington) a présenté un travail sur le suivi à un an de 152 patients traités (166 lésions) pour resténose intrastent classés en quatre groupes (tableau V). Les taux de récidive de resténose intrastent sont significativement associés au type de resténose (OR = 7,7) et aux antécédents de resténose intrastent (OR = 11,9), quelle que soit la méthode interventionnelle utilisée dans le traitement de ces lésions. Ces résultats ont été confirmés par d’autres études. Les facteurs de risque de resténose intrastent, analysés par M. Haude (Essen) chez 130 patients traités par 166 stents de Palmaz-Schatz, implantés à faible pression d’inflation (inférieure à Tableau V. Nouvelle revascularisation pour récidive de resténose intrastent. Type de resténose Focal Diffus Prolifératif Occlusion totale Définition < 10 mm > 10 mm, ne dépassant pas la longueur du stent > 10 mm, dépassant la longueur du stent Taux de revascularisation 19 % 35 % 50 % 83 % La Lettre du Cardiologue - n° 295 - mai 1998 Chapitre II - Insuf. coronaire 4/05/04 12:39 Page 15 16 Atm), sont le “multistenting”, un diamètre de référence de moins de 2,75 mm, une sténose longue (supérieure à 10 mm) et une sténose résiduelle supérieure à 10 %. Dans le groupe de patients traités par le même type de stent (n = 150, 249 stents) implantés à forte pression d’inflation, les seuls facteurs associés à la resténose sont le diamètre de référence inférieur à 2,75 mm et la sténose résiduelle supérieure à 10 %. Plusieurs travaux comparant les stents de nouvelle génération au stent de référence, le Palmaz-Schatz, montrent que les taux de succès et de resténose sont vraisemblablement indépendants du type de stent implanté. L’évolution naturelle de la resténose intrastent asymptomatique chez 122 patients consécutifs, avec suivi angiographique à 6 mois et à un an (50 % des patients), rapportée par N. Nibler (Munich), montre une réduction “spontanée” et significative de la sévérité de la sténose entre 6 et 12 mois, une survie sans événement à un an de 98,4 %, et un taux de nouvelle revascularisation à un an de 5 %. Il est à noter qu’aucune des lésions ne dépassait un pourcentage de sténose en diamètre de 75 %. De nombreuses techniques interventionnelles ont été étudiées dans le traitement de la resténose intrastent. ❏ La technique la plus largement présentée, bien que toujours assez expérimentale, était l’irradiation intracoronaire, par rayons bêta ou gamma. De ces nombreuses présentations portant sur des études randomisées ou non, sur la resténose intrastent ou après ballon seul, délivrés par sonde, stents radioactifs ou ballons remplis de produit radioactif, on peut retenir quelques faits. Les rayons bêta sont plus maniables que les rayons gamma car moins pénétrants (2 mm), mais parfois insuffisants pour atteindre les couches profondes de la média. Quel que soit le type de rayonnement utilisé, l’irradiation inhibe l’hyperplasie intimale et probablement la constriction adventitielle. Les études présentées, avec de faibles effectifs, montrent toutes une faisabilité acceptable et des taux de resténose réduits. La complication la plus fréquente de l’irradiation intracoronaire semble être la survenue d’anévrismes coronaires. ❏ L’athérectomie rotationnelle suivie d’une angioplastie au ballon seul à faible pression semble assez intéressante dans le traitement de la resténose intrastent diffuse, d’après les résultats présentés par H.J. Büttner (Bad Korzingen). Cette technique assurait un succès immédiat de 100 %, un taux de resténose angiographique à 6 mois de 56 % et un taux de nouvelle revascularisation de 33 %. La supériorité de cette technique par rapport au ballon seul a été aussi démontrée dans l’étude randomisée ROSTER, présentée par S.K. Sharma (New York). ❏ Enfin, l’intérêt de l’angioplastie laser dans le traitement de la resténose intrastent reste discuté, avec des taux de nouvelle resténose de 26 à 68 % selon les études. Nouvelles brèves Faux négatifs graves de la scintigraphie myocardique Signer un compte-rendu rassurant devant une scintigraphie myocardique normale, alors que le patient est porteur d’une lésion sévère (sténose du tronc commun, de l’IVA proximale ou lésions tritronculaires), est la hantise des cardiologues nucléaires. Un travail présenté par J.A. Diamond (Mount Sinai Center, New York) devrait les rassurer, au moins en partie : en 5 ans et sur plus de 9 000 épreuves, cette éventualité ne s’est présentée que 8 fois et, dans 7 cas, il y avait une discordance manifeste entre l’apparente normalité de la scintigraphie et les signes de gravité observés durant l’épreuve d’effort (fixation pulmonaire du traceur accrue, dilatation cavitaire transitoire, baisse tensionnelle à l’effort, etc.). P.P. Traitement des cardiopathies congénitales Au nom des équipes de Necker et de Laennec, D. Bonnet a présenté les premiers résultats obtenus avec un matériau absorbable (polydioxanone) permettant de réaliser un cerclage temporaire de l’artère pulmonaire. Ce procédé a été utilisé chez 9 nouveaunés porteurs d’une coarctation aortique associée à une CIV responsable d’une HTAP sévère. Le cerclage était fait dans le même temps et par la même voie d’abord que la cure de la coarctation, en moyenne à 3 semaines de vie. Le cerclage s’est résorbé totalement en 3 à 5,5 mois, un délai suffisant pour que 8/9 des CIV s’occluent totalement (2) ou partiellement (6). À condition de le réserver à des CIV susceptibles, par leur taille et leur localisation, d’une réduction au moins partielle, ce procédé apparaît particulièrement séduisant, évitant une réintervention pour démontage d’un “banding” devenu inutile. P.P. Valeur localisatrice de la scintigraphie myocardique À partir de l’étude par tomoscintigraphie myocardique de 100 patients monotronculaires sans infarctus, l’équipe de Germano et Berman (Los Angeles) nous livre une cartographie réactualisée des segments les plus fréquemment hypofixants, selon l’artère lésée. Ce travail confirme que si l’atteinte d’une IVA peut être aisément identifiée, il existe une superposition importante des territoires de la coronaire droite et de la circonflexe, selon la distribution coronaire. Ainsi, les trois segments purement inférieurs sont hypofixants dans 66 à 83 % des sténoses de la coronaire droite, mais aussi dans 42 à 54 % des sténoses de la circonflexe. P.P. 15 Chapitre II - Insuf. coronaire I 4/05/04 12:39 Page 16 N S U F F I S A N C E C O R O N A I R E Traitements antithrombotiques P O I N T S P O I N T S F O R T S F O R T S ■ L’abciximab associé à l’angioplastie primaire sans implantation d’endoprothèse à la phase aiguë de l’infarctus du myocarde diminue, en comparaison au placebo, les taux de réinfarctus et de nouvelle revascularisation à 30 jours (étude randomisée RAPPORT). ■ L’analyse des sous-groupes de patients traités par endoprothèses dans les études EPIC, EPILOGUE et CAPTURE montre une complémentarité entre l’abciximab et le stenting, avec diminution des événements à 30 jours et à 6 mois. ■ L’administration de l’abciximab, chez les patients déjà traités par ce produit, n’augmente pas les risques de thrombopénie, même en présence d’anticorps antichimériques. ■ Le rapport coût-efficacité de l’abciximab en complément du stenting reste discutable. Avec le coût actuel, le produit n’est “rentable” que chez les patients à haut risque. ■ Un traitement de plus de 3 jours par ticlopidine, précédant l’implantation d’endoprothèses, diminue le taux d’infarctus sans onde Q après la procédure. ■ L’arrêt précoce de la ticlopidine 15 jours après l’implantation d’une endoprothèse pourrait diminuer les risques de neutropénie sans augmenter les risques de thrombose subaiguë de stent. myocarde, présentée par S.J. Brener (Cleveland), montre une diminution des taux à 30 jours de réinfarctus (2,3 % versus 4,7 %, p = 0,02), de revascularisation de l’artère responsable de l’infarctus (1,8 % versus 7,9 %, p = 0,003) et du critère combiné décès/infarctus/revascularisation (4,6 % versus 12 %, p = 0,03), indépendamment des résultats angiographiques initiaux. L’implantation d’endoprothèses dans cette étude était déconseillée et le taux de stenting était de 11,9 % dans le groupe abciximab et de 20,4 % dans le groupe placebo (figures 1 et 2, voir page 18). L’étude rétrospective d’une cohorte de 292 patients de la Mayo Clinic, traités par angioplastie primaire pour infarctus aigu du myocarde, montre des taux de complications hospitalières plus bas chez les patients recevant de l’abciximab avant l’angioplastie (n = 52) comparés à ceux n’en recevant pas (n = 240). La différence entre ces taux n’était pas statistiquement significative. En revanche, à un an, les taux de mortalité (5,8 % versus 17,1 %) et du critère combiné décès/réinfarctus/pontage (5,8 % versus 28,8 %) étaient significativement (p < 0,05) plus bas dans le groupe abciximab. Les facteurs prédictifs indépendants de la reperfusion coronaire par l’abciximab à la phase aiguë de l’infarctus du myocarde, rapportés chez 24 patients par N.A. Mahdi (Boston), sont le délai court (< 4 heures) séparant le début de la douleur et l’administration du produit et l’absence de tabagisme. L’analyse des 529 patients traités par implantation d’endoprothèse, sur les 5 364 patients inclus dans les études EPIC, EPILOG et CAPTURE, comparant l’abciximab au placebo dans l’angioplastie coronaire, montre une complémentarité de l’abciximab et du stenting non programmé. En effet, l’analyse présentée par D.Kereiakes (Cincinnati) révèle une réduction significative de tous les événements étudiés (décès, intervention en urgence, revascularisation et critères combinés) à 30 jours. Cette réduction se maintient à 6 mois en ce qui concerne l’intervention en urgence et les critères combinés. Ce travail est cependant limité par l’hétérogénéité des traitements en post-procédure (antivitamines K dans 40 % des cas, association ticlopidine-aspirine dans 60 % des cas, association des trois dans 12 % des cas) et par l’indication de l’endoprothèse, qui était non programmée et rendue nécessaire par une complication ou un résultat incomplet. LES INHIBITEURS DE LA GPIIb/IIIa Les nouveaux agents antiplaquettaires ont fait l’objet de très nombreuses études à l’origine de présentations encore plus nombreuses. Quelques résultats de certaines de ces études sont résumés dans les tableaux VI et VII. L’abciximab L’étude randomisée comparant l’abciximab au placebo (étude RAPPORT) dans l’angioplastie primaire pour infarctus du 16 L’utilisation de l’abciximab dans les situations de “bail-out” pendant l’angioplastie coronaire – indication hors AMM mais probablement la plus fréquente – chez 37 patients comparée à son utilisation prophylactique chez 58 patients montre des taux de succès (100 % dans les deux groupes) et de complications cardiaques hospitalières (5,4 % versus 3,4 %) comparables entre les deux groupes. Les taux de mortalité étaient de 0 % à 30 jours et de 2,7 % (un patient) à un an chez les patients traités pour “bailLa Lettre du Cardiologue - n° 295 - mai 1998 Chapitre II - Insuf. coronaire 4/05/04 12:39 Page 17 Tableau VI. Récapitulatif de quelques études cliniques portant sur l’abciximab. Étude DCI Indications Résultats Infarctus du myocarde Flux TIMI 2 et 3 obtenu par l’abciximab : – à 30 minutes : 0/11 cas – ≥ 30 minutes : 5/9 cas PURSUIT Eptifibatide Angor instable (n = 10 948) i.v. vs placebo et infarctus du myocarde sans onde Q Les faibles doses de t-PA (35 mg) associées à l’abciximab tendent à augmenter les taux de flux TIMI 3 à 90 minutes (71 % vs 60 % pour t-PA seul, 31 % pour abciximab seul et 37 à 42 % pour abciximab + faibles doses de streptokinase) en diminuant les taux d’hémorragies majeures Les taux globaux de thrombopénies sous eptifibatide sont identiques au placebo, avec cependant plus d’hémorragies modérées ou sévères Les risques de décès ou d’infarctus sont réduits de façon significative par l’eptifibatide uniquement chez les patients traités au préalable par l’aspirine Eptifibatide vs Infarctus Étude Thoraxcenter placebo en asso- du myocarde (n = 181) ciation avec la streptokinase L’eptifibatide augmente de façon modeste les taux de flux TIMI 3 à 90 minutes indépendamment de la dose administrée, mais augmente de façon importante le nombre d’hémorragies sévères, surtout à fortes doses ReoMI (Pilote) (n = 20) Abciximab TIMI 14 (n = ?) Faibles doses de Infarctus thrombolytiques du myocarde + abciximab < 12 h versus doses standards de thrombolytiques seuls GUSTO III t-PA + abcixi- Angioplastie L’abciximab augmente de (sous-groupe, mab vs t-PA de sauvetage façon non significative les après échec de taux d’hémorragies sévères seul n = 387) mais diminue significativethrombolyse ment la mortalité à 30 jours (3,7 % vs 9,8 %) RAPPORT Abciximab vs Angioplastie primaire pour placebo (n = 429) infarctus du myocarde L’abciximab réduit significativement les taux de réinfarctus et de revascularisation de l’artère responsable de l’infarctus à 30 jours, indépendamment du résultat angiographique initial L’abciximab diminue le taux de stenting pour “bail-out” Méta-ana- Abciximab vs Implantation L’abciximab semble réduilyse (EPIC, placebo d’endoprothèse re de façon significative la EPILOG, survenue des événements majeurs à 30 jours. Cette CAPTURE) réduction semble se main(n = 529) tenir à 6 mois R3 (n = 500) Abciximab Tableau VII. Récapitulatif de quelques études cliniques portant sur les inhibiteurs de la GPIIb/IIIa. Réadministration Ce registre montre que la de l’abciximab deuxième administration de l’abciximab est efficace et semble bien tolérée, même chez les patients porteurs d’anticorps antichimériques La Lettre du Cardiologue - n° 295 - mai 1998 Étude SOAR (n = 130) DCI Orbofiban p.o. Syndromes coronariens vs placebo aigus PRISM-PLUS Tirofiban (sous-groupe, n = 475) TIMI 15A (n = 62) Indications Angor instable, sous-groupe ayant une angioplastie 48 à 96 heures après le début du traitement Résultats Les effets biologiques (inhibition de l’agrégation plaquettaire) et les saignements sont dosedépendants (hémorragies mineures : 12 à 31 %, sévères : < 1 %) Le tirofiban réduit les taux du critère combiné (décès/infarctus/ischémie réfractaire) de façon significative à 30 jours et de façon non significative à 6 mois, sans élévation des taux d’hémorragie RPR 109891 S y n d r o m e s Ce produit est efficace en c o r o n a r i e n s termes d’inhibition de i.v. l’agrégation plaquettaire, aigus bien toléré (pas de saignement majeur), et ses effets sont dose-dépendants 17 Chapitre II - Insuf. coronaire I 4/05/04 12:39 Page 18 N S U F F I S A N C E C O R O N A I R E out”. Cependant, à un an, le taux cumulatif d’événements (décès, pontage, infarctus et nouvelle angioplastie) était de 40,5 % chez ces patients. À noter que le taux de stenting n’a pas été précisé pour ce travail présenté par R.H. Kim (Pennsylvanie). Une réduction significative des taux de nouvelle angioplastie pour resténose intrastent a été rapportée par S.K. Sharma, par l’association de l’abciximab à l’implantation d’une endoprothèse (19 %) par rapport à l’endoprothèse seule (30 %). Dans cette étude portant sur 388 patients “stentés” en dehors de tout “bailout”, les complications hospitalières et les événements à 30 jours n’étaient pas influencés par l’administration de l’abciximab. Figure 1. Infarctus aigu du myocarde de localisation antérieure à H3. Patiente ayant reçu de l’abciximab avant la coronarographie, flux TIMI 0 dans l’artère interventriculaire antérieure. Les résultats intermédiaires de l’étude R3 concernant la sécurité de la réadministration de l’abciximab chez 500 patients avant angioplastie coronaire ont été rapportés par J.E. Tcheng (Durham). Cette étude montre la très bonne tolérance de la deuxième administration de l’abciximab, même chez les patients porteurs d’anticorps humains antichimériques avec des taux de thrombopénie inférieure à 100 000/µl de 3,5 %, de 50 à 100 000/µl de 2 %, de 20 à 50 000/µl de 0,8 % et inférieure à 20 000/µl de 0,8 %. Les patients les plus exposés à la thrombopénie sont en fait ceux qui n’ont pas d’anticorps antichimériques avant la deuxième administration, mais qui en développent après. L’analyse des cas de thrombopénie survenus après administration de l’abciximab dans les études EPIC, EPILOG et CAPTURE, présentée par D. Kereiakes (Cincinnati), plaide en faveur d’un mécanisme complexe faisant intervenir non seulement l’abciximab mais aussi l’héparine, puisque la thrombopénie était moins sévère lorsque de faibles doses d’héparine étaient associées à l’abciximab. Par ailleurs, un âge supérieur à 65 ans, un poids inférieur à 90 kg et un taux de plaquettes inférieur à 150 000/µl avant le traitement semblent favoriser la survenue de la thrombopénie. 2a. Vue OAD 2b. Vue latérale gauche Figures 2. Résultat final après angioplastie avec implantation d’endoprothèse de première intention. Devant la masse de ces résultats positifs, la présentation de O. Rodriguez et coll. (Boston) concernant le rapport coût-efficacité de l’abciximab associé au stenting était quelque peu noyée. Utilisant un modèle mathématique évaluant le rapport coût-efficacité, les auteurs aboutissent à la conclusion que chez un patient hypothétique de 60 ans bénéficiant d’une angioplastie coronaire avec implantation d’endoprothèse, l’abciximab, à son prix actuel (1 400 dollars), n’est rentable chez le patient à haut risque (multitronculaire, diabétique et à fraction d’éjection basse) que s’il existe un risque d’élévation per-procédure des CPK ou si le prix du produit est inférieur à 400 dollars. Chez le patient à faible risque, le produit ne deviendrait rentable que s’il existait un risque d’élévation per-procédure des CPK et un prix inférieur à 400 dollars. Les résultats du sous-groupe angioplastie de l’étude PRISMPLUS comparant l’administration de l’héparine seule à l’héparine associée au tirofiban, dans l’angor instable et l’infarctus du myocarde sans onde Q, rapportés par E. Barr (Montréal), montrent une réduction significative des taux des événements combinés décès + infarctus + ischémie réfractaire à 30 jours et une réduction non significative du même critère à 6 mois. La Lettre du Cardiologue - n° 295 - mai 1998 Chapitre II - Insuf. coronaire 4/05/04 12:39 Page 19 LES AUTRES AGENTS ANTITHROMBOTIQUES Les résultats de l’essai randomisé multicentrique ARGAMI 2, comparant différentes doses d’argatroban (inhibiteur spécifique de la thrombine libre et fixée) à l’héparine en association avec une thrombolyse dans l’infarctus aigu du myocarde, ont été rapportés par E. Kaplinsky (Tel-Hashomer). Cette étude à plusieurs bras, portant sur 1 200 patients, a montré une mortalité plus élevée dans le groupe faibles doses d’argatroban (bras prématurément arrêté) et l’absence de différence significative entre les doses intermédiaire et forte d’argatroban et l’héparine en termes de mortalité, infarctus, accidents vasculaires cérébraux, réintervention et complications hémorragiques au trentième jour. L’arrêt précoce de la ticlopidine, 15 jours après l’implantation à forte pression d’une endoprothèse coronaire, a fait l’objet d’une présentation par P.B. Berger (Rochester). Dans ce travail portant sur 489 patients “stentés” soit de façon élective (51 % des cas), soit pour résultats incomplets ou dissection après angioplastie conventionnelle (49 % des cas), les événements cliniques étaient exceptionnels (taux cumulatif d’événements : 1,8 % ; 1 décès et 4 thromboses subaiguës de stent). Aucun cas de neutropénie n’a été rapporté par les auteurs. Il est à noter cependant que les patients à risque de thrombose (14 % des cas) ont bénéficié d’un traitement par héparine de bas poids moléculaire pendant 10 à 14 jours. L’intérêt d’un prétraitement par ticlopidine avant l’implantation élective d’endoprothèses a été étudié par S.R. Steinhubl (Cleveland). Les résultats portant sur 175 patients avec un traitement par ticlopidine ≥ trois jours avant, de un à deux jours avant ou le jour même du stenting, montrent un taux d’infarctus sans onde Q (CPK > 210 UI/l) de 11,1 %, 16,7 % et 28,8 % respectivement (p = 0,024). Ces résultats incitent à réaliser l’angioplastie élective de façon retardée par rapport à la coronarographie pour permettre une imprégnation par la ticlopidine avant une ■ implantation éventuelle ou programmée d’endoprothèses. Nouvelles brèves Étude CASH (Cardiac Arrest Study Hamburg) L’étude CASH est la première visant à comparer trois types de traitement, le défibrillateur implantable, les antiarythmiques et les bêtabloquants, chez des patients ayant fait une mort subite récupérée, secondaire à une fibrillation ou une tachycardie ventriculaire documentée, en dehors de la phase aiguë de l’infarctus. On conçoit qu’avec de tels critères, il ait fallu plus de dix ans pour réunir la population nécessaire. Il faut également souligner le fait que préalablement à la randomisation, tous les patients ont fait l’objet d’un bilan exhaustif à la recherche d’une coronaropathie, suivi d’une revascularisation lorsque celle-ci était affirmée (schéma). Les résultats en ont été présentés par K.H. Kuck (Hambourg). Deux études successives ont en fait été menées : 1. Défibrillateur versus propafénone : cette comparaison conduite sur 234 patients a rapidement tourné au désavantage du traitement médical (tableau). ARRÊT CARDIAQUE SURVIVANTS Recherche d’une ischémie myocardique absente présente revascularisation Traitement médical Défibrillateur implantable propafénone amiodarone métoprolol 450-900 mg/j 200-600 mg/j 12,5-200 mg/j SUIVI MOYEN : 2 ans Schéma de l’étude CASH. La Lettre du Cardiologue - n° 295 - mai 1998 Défibrillateur Décès de toutes causes Morts cardiaques Morts non subites Morts subites 11 % 11 % 11 % 0% Propafénone 29,5 % 27,6 % 10 % 17,2 % 2. Défibrillateur versus bêtabloquant ou amiodarone : sachant d’une part que le pronostic est identique sous les deux traitements médicaux, d’autre part que les croisements entre les deux groupes ont été équivalents (6 % des patients médicaux ont reçu un défibrillateur et 6 % des patients implantés un antiarythmique), le défibrillateur implantable apporte un gain très net, surtout chez les patients implantés après 1990, avec, en particulier, une réduction très marquée des morts subites (2 % versus 11 %, p < 0,001). P.P. 19