U Cas clinique Reconstruction palpébrale d’un épithélioma baso-cellulaire

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Cas clinique
Oculoplastie et paupières
Reconstruction palpébrale d’un épithélioma
baso-cellulaire
Management of a basal cell carcinoma of the lid
S. Arnavielle, C. Creuzot-Garcher, A. Bron
Tumeur palpébrale • Carcinome baso-cellulaire.
Lid tumor • Basal cell carcinoma • Surgery.
(Service d’ophtalmologie, CHU de Dijon)
U
ne femme, âgée de 71 ans, sans antécédent particulier, est adressée
pour la prise en charge chirurgicale d’une tumeur palpébrale inférieure.
Cette tumeur occupant plus de 50 % de la longueur de la paupière inférieure
est d’allure perlée, irrégulière, nodulaire et bourgeonnante, non ulcérée et ne
saignant pas au contact. Il s’agit d’une tumeur non pigmentée parcourue de
fines télangiectasies, associée à une persistance des cils en regard (figure 1).
• Une biopsie réalisée a mis en évidence un carcinome baso­cellulaire d’architec­
ture nodulaire développé sur le plan cutané, infiltrant totalement le plan musculaire
et respectant le plan conjonctival.
• Dans un premier temps, une résection pleine épaisseur de la paupière a été
réalisée au bistouri froid sous anesthésie locale potentialisée, et la pièce orientée
pour l’analyse anatomopathologique. Les marges de sécurité de 3 mm, fonction de
ce type histologique ont été respectées, et des recoupes latérales et inférieure effec­
tuées.
La lamelle postérieure a été reconstruite par un lambeau tarso­conjonctival de
Kollner­Hugues, disséqué en paupière supérieure homolatérale, descendu puis
suturé à la lame des rétracteurs et à la conjonctive en paupière inférieure (figure 2).
La lamelle antérieure a été reconstituée par une greffe de peau épaisse prélevée
dans le dermachalasis homolatéral, dégraissée, suturée sur le plan cutané par des
points séparés de monofilament 6/0, puis appliquée sur le plan sous­jacent par un
bourdonnet.
Au cinquième jour postopératoire, les points cutanés et le bourdonnet étaient retirés,
et trois semaines après l’intervention, le sevrage du lambeau était effectué sous
anesthésie locale, permettant la libération de l’axe visuel. Le résultat postopératoire
immédiat était satisfaisant avec une bonne prise de greffe, malgré un lymphœdème
transitoire (figure 3).
Le résultat postopératoire tardif montrait un affrontement des berges acceptable avec
une courbure palpébrale inférieure harmonieuse sans lagophtalmie, scleral show,
laxité palpébrale, ou diastasis oculo­palpébral. Au final, le résultat fonctionnel et
esthétique était satisfaisant. La pièce d’exérèse ainsi que les marges de sécurité
étaient en zone saine sur le plan anatomopathologique (figures 4 et 5).
Discussion
Le carcinome palpébral baso­cellulaire de type nodulaire reste une tumeur à exten­
sion exclusivement locale. En revanche, la prise en charge impose le choix d’une
technique adaptée, car il s’agit d’une lésion mettant en jeu le pronostic fonctionnel
de l’œil. La technique ne doit pas limiter la résection pour faciliter la reconstruc­
tion, mais ne doit pas non plus employer une grande reconstruction si une technique
simple est envisageable (1).
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Images en Ophtalmologie • Vol. I • n° 1 • octobre-novembre-décembre 2007
Légendes
Figure 1. a : epithélioma baso-cellulaire
infiltrant palpébral inférieur. b : résection
de pleine épaisseur de la tumeur.
Figure 2. a : dissection du lambeau tarsoconjonctival en paupière supérieure. b :
suture du lambeau à la lame des rétracteurs
et à la conjonctive.
Figure 3. a : marquage et dissection de la
greffe de peau. b : suture du greffon pour
reconstruire la lamelle antérieure.
Figure 4. a : résultat postopératoire précoce
après ablation du bourdonnet. b : aspect trois
semaines après l’intervention avant sevrage
du lambeau.
Figure 5. Aspect six mois après l’intervention
chirurgicale.
Cas clinique
Oculoplastie et paupières
1a
1b
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4a
3b
4b
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Oculoplastie et paupières
L’exérèse doit respecter des marges de sécurité qui sont fonction du type histolo­
gique et la reconstruction des règles élémentaires de chirurgie plastique (2). Les
montages en chirurgie oculoplastique doivent comprendre une greffe cutanée asso­
ciée à un lambeau tarso­conjonctival ou un lambeau myocutané à un greffon tarsal
ou chondro­muqueux pour reconstituer respectivement les lamelles antérieure et
postérieure (2).
Le lambeau de Kollner­Hugues est un lambeau tarso­conjonctival d’avancement
pédiculé à charnière supérieure qui s’adresse à des déficits inférieurs médians
occupant plus de la moitié de la longueur palpébrale, lorsque l’œil controlatéral est
fonctionnel. Le lambeau doit épargner 3 mm du plan tarso­conjonctival jouxtant la
marge ciliaire et comprenant l’arcade vasculaire marginale. En effet, il est important
de respecter cette zone pour ne pas engendrer de ptosis ou de chute des cils. Il
doit contenir le plan tarso­conjonctival dans toute son épaisseur, garant d’une bonne
armature fibreuse et d’un épithélium approprié au contact du globe. Lors du sevrage
du lambeau, la réfection du bord libre palpébral inférieur doit être minutieuse pour
ne pas entraîner une entropionisation de la marge néoformée et une kératite en
regard.
Les inconvénients de ce lambeau sont l’absence de cils sur le bord libre médian, ce
qui est peu préjudiciable en paupière inférieure, la condamnation visuelle temporaire
et la nécessité d’un second temps opératoire. En revanche, la rançon cicatricielle
intéresse uniquement la zone déficitaire initiale, sans altérer la fonction du releveur
de la paupière supérieure.
D’autres techniques telles que le lambeau de rotation semi­circulaire canthal latéral
de Tenzel, le lambeau de transposition supérieur à pédicule latéral ou le lambeau
orbito­naso­génien de Tessier sont envisageables dans le cas présenté (3). Dans tous
les cas, les techniques les moins mutilantes et les plus conservatrices doivent être
privilégiées.
Les carcinomes baso-cellulaires sont les tumeurs palpébrales malignes les
plus fréquentes (4). Les formes cliniques sont nombreuses, parmi lesquelles on
trouve les types nodulaire, sclérosant, plan cicatriciel, pigmenté et ulcéré. La
localisation est dans plus de 50 % des cas en paupière inférieure et, si certaines
lésions précarcinomateuses sont des facteurs prédisposants, l’exposition solaire
sur un phototype clair reste le facteur de risque principal (4). Le traitement est
essentiellement chirurgical, la cryothérapie et la radiothérapie externe étant une
alternative ou un complément à celui-ci. Les récidives peuvent être liées au type
histologique, à la localisation, mais également à l’exérèse, en particulier si celle-ci
est incomplète (5).
II
Références bibliographiques
1. K
ronishJW.Eyelidreconstruction.In:TseDT,LipincottJB.Oculoplasticsurgery.Philadelphia
1992;245-94.
2. McCordCD.Systemofrepairoffull-thicknesseyeliddefects.In:McCordCD,TanenbaumM,
NuneryW.Oculoplasticsurgery.NewYork:RavenPress,1995;85-97.
3. AdenisJP,SmolikI,CatanzanoG.Tumeursdespaupières:aspectscliniquesetthérapeutiques.
In:AdenisJP,MoraxS.Chirurgiepalpébrale.Paris:Doin,1991;97-130.
4. AdenisJP,SmolikI,LasudryJ.Tumeurspalpébrales:aspectscliniquesetthérapeutiques.
In:AdenisJP,MoraxS.Pathologieorbito-palpébrale.Paris:Masson,1998;8:311-43.
5. GilbergSM,TseDT.Malignanteyelidtumors.In:LiesesangTJ.Oculodermaldiseases.Ophthalmol
ClinNorthAm1992;2:261-85.
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