angiologie et Angiologie et Rhumatologie Le kyste poplité La thérapeutique : aspect chirurgical D. Lefevre* Anatomopathologie I l s’agit d’un kyste synovial, juxta-articulaire, développé à la face postérieure du genou. Son expression clinique tient à deux particularités : d’une part sa localisation en avant de l’axe vasculaire artério-veineux, poplité, qu’il peut comprimer. D’autre part, la complication majeure qu’il peut entraîner, à savoir la rupture kystique. Cette dernière complication devrait toujours sensibiliser l’angiologue au diagnostic différentiel principal qu’est la thrombose veineuse surale profonde. Il faut d’ailleurs noter que le kyste poplité est responsable d’un grand nombre de consultations phlébologiques, pour une pathologie qui est en fait du ressort du rhumatologue ou de l’orthopédiste. À souligner enfin qu’il est l’expression d’une arthropathie du genou. Les insertions des jumeaux interne et externe possèdent une bourse qui, à l’état physiologique, les sépare de la capsule articulaire. Le semi-membraneux et le jumeau interne ont une bourse commune qui, elle, communique fréquemment avec la cavité articulaire et qui est à l’origine de la plupart des kystes poplités. L’augmentation de la pression intra-articulaire par l’hydarthrose : – qu’elle soit secondaire à une arthrose dégénérative ou post-traumatique ; – qu’elle soit liée à une maladie inflammatoire telle qu’une polyarthrite rhumatoïde (responsable des kystes poplités les plus volumineux), conduit à la formation du remplissage plus ou moins important des kystes. Il faut souligner que les kystes poplités peuvent être bilatéraux. L’étiologie peut être la même chez l’enfant que chez l’adulte, sans arthropathie décelable, apparaissant vers l’âge de dix ans, puis disparaissant souvent spontanément. La clinique Le maître symptôme demeure la douleur du creux poplité et de la partie supérieure du mollet. *Hôpital privé d’Antony. Typiquement, elle apparaît à l’effort et sans signe d’appel, elle gêne le plus souvent la flexion du genou. Il va de soi que cette douleur peut être absente, et la découverte tout à fait fortuite, à l’occasion, par exemple, d’une exploration vasculaire artérielle ou veineuse. Les signes veineux sont fréquents et constituent le principal problème diagnostic différentiel. Ils vont de la simple sensation de tension du mollet à la marche jusqu’à un véritable œdème global du tiers inférieur de la jambe et de la cheville, d’installation assez rapide. Pièges supplémentaires : il peut exister une diminution de ballottement du mollet, ainsi qu’une légère douleur à la pression des masses musculaires surales, très évocateurs d’une thrombose veineuse profonde. L’examen clinique que l’on doit pratiquer genou tendu, retrouve une masse plus ou moins volumineuse et sensible à la palpation. Elle est non battante, non expansive, non soufflante, et elle se ramollit en demiflexion. Deux gestes sont inutiles : – la recherche du signe de Fournier, à Act. Méd. Int. - Angiologie (16) n° 7/8, septembre/octobre 2000 320 savoir la vidange du kyste dans l’articulation par la pression manuelle ; – et surtout, tenter de ponctionner ces kystes. À ce stade, il importe de confirmer le diagnostic par les examens complémentaires habituels : échographie, arthrographie, ou arthro-scan et IRM. Il faut retenir qu’ils participent surtout à l’enquête étiologique et s’avèrent indispensables avant le stade des complications. Les complications Elles sont souvent révélatrices du kyste poplité. Quatres grandes complications sont à retenir : – compression de l’axe vasculonerveux ; – rupture de la paroi kystique ; – l’hémorragie intrakystique ; – l’infection. La compression de l’axe vasculonerveux Le processus physio-pathogénique est une augmentation du volume du kyste. – La compression veineuse se manifestera par un œdème de la jambe, de la cheville et du pied. Elle conduit, bien sûr, en urgence à l’échographie doppler veineuse, voire, dans certains cas la phlébographie, ce qui paraît, actuellement, quelque peu abusif. – La compression artérielle : elle donne un tableau de claudication intermittente du mollet. On peut percevoir les battements artériels transmis par le kyste. Là encore, l’échographie doppler permettra un diagnostic rapide et formel. rhumatologie Angiologie et Rhumatologie – La compression nerveuse : se rencontre essentiellement pour les kystes à développement externe. La forme la plus courante est la compression du sciatique poplité externe qui donne un tableau de sciatique L5 tronquée. La rupture de la paroi kystique Celle-ci est très fréquente, donnant un tableau de thrombose veineuse profonde aiguë. Le mollet est gros, chaud et douloureux. Surtout, l’apparition d’un hématome dans la partie interne du mollet doit permettre de redresser le diagnostic. Là encore, l’échographie doppler doit être demandée en urgence et sera très contributive. L’hémorragie intrakystique Elle entraîne une augmentation brutale du volume du kyste et des phénomènes compressifs. L’infection du kyste On doit souligner qu’elle est relativement exceptionnelle. Les examens complémentaires L’échographie Ce sujet fera l’objet d’un développement spécifique dans un article contenu dans ce numéro. L’arthrographie Elle permet la ponction du genou, associée à un examen biologique du liquide l’hydarthrose. Elle retrouve, en général, une image opaque, plus ou moins volumi- neuse, avec sa communication articulaire se remplissant bien en flexion. L’image est en général bien limitée, ovalaire ou polylobée, descendant plus ou moins profondément dans le mollet. On l’associe souvent avec le scanner dans le même temps exploratoire, permettant déjà une recherche de l’arthropathie causale : – lésion méniscale ; – chondropathie fémoro-patellaire ; – arthrose fémoro-tibiale. L’IRM Le signal est de type liquidien (hyposignal en T1, hyposignal en T2) avec des images linéaires en hyposignal correspondant aux cloisons intrakystiques. Elle peut retrouver des signes d’hémorragie intrakystique (niveau entre deux liquides, dépôts d’hémosidérine). On peut aussi mettre en évidence des corps étrangers cartilagineux (signal intermédiaire en T1), ou ostéocartilagineux (hypersignal d’origine graisseuse). Cette exploration permet l’examen de la cavité articulaire et de l’os sous-chondral, débouchant sur le diagnostic de lésion méniscale et d’hydarthrose. Le traitement En dehors des complications proprement dites, le kyste lui-même réclame peu de traitement. Il est en effet le signe secondaire d’une arthropathie, qu’elle soit due à une maladie inflammatoire chronique, ou à une pathologie dégénérative, qu’il convient Imprimé en France Differdange S.A. 95110 Sannois - Dépôt légal 3e trimestre 2000 - © Septembre 1984 - Médica-Press International S.A. 321 d’explorer dans un service de rhumatologie ou de chirurgie orthopédique. – Les infiltrations intra-articulaires de dérivés cortisoniques (Actim® 2 ml) peuvent soulager quelque temps. – Les synoviarthèses sont à discuter en fonction de l’affection rhumathologique authentifiée. – La chirurgie du kyste poplité peut s’effectuer de deux manières : soit isolée, soit dans le même temps opératoire que la lésion intra-articulaire chirurgicale, comme par exemple lors d’une lésion méniscale. On la pratique la plupart du temps sous anesthésie loco-régionale de type rachi-anesthésie au bloc sciatique à la fesse ou lombaire. Un garrot est posé à la racine de la cuisse et par une incision verticale décrochée dans le pli de flexion de genou, elle permet la dissection soigneuse du kyste après repérage de l’axe vasculonerveux. Elle peut dans certains cas nécessiter une section partielle du tendon du jumeau, afin de permettre la fermeture de la communication articulaire. Il va de soi que le traitement chirurgical ne peut en aucun cas être dissocié du traitement de l’arthropathie causale. Conclusion De diagnostic souvent tardif, le kyste poplité souligne l’importance de l’étroite collaboration pluridisciplinaire angiophlébologique, rhumatologique, échographique, radiologique, et chirurgie orthopédique pour le traitement de l’affection causale avant que ne survienne l’heure des complications.