D Le cathétérisme interventionnel dans les cardiopathies

publicité
DOSSIER THÉMATIQUE
Prise en charge
des cardiopathies congénitales
de l’enfant devenu adulte
Le cathétérisme
interventionnel
dans les cardiopathies
congénitales adultes
GUCH and interventional cardiac catheterization
I. Van Aerschot1, L. Iserin2, Y. Boudjemline1, 2
D
epuis les années 1960, le profil de la cardiologie congénitale a bien changé. Alors qu’elle
concernait essentiellement les enfants,
la cohorte des cardiopathies congénitales (CC)
adultes a actuellement dépassé en nombre la
cohorte pédiatrique (1).
C’est le résultat d’une spectaculaire amélioration
dans la prise en charge des CC, depuis le diagnostic
prénatal jusqu’au traitement chirurgical, grâce au
perfectionnement des différentes technologies.
Sous l’impulsion de ces progrès techniques, telle
l’apparition des matériaux à mémoire de forme,
le cathétérisme est devenu de plus en plus performant, au point de compléter, voire de supplanter
aujourd’hui la chirurgie dans certaines indications,
avec l'avantage d'avoir une morbidité moindre pour
une même performance. Cet avantage n’est pas à
négliger en cardiologie congénitale adulte, où les
patients ont généralement déjà subi plusieurs interventions chirurgicales.
Cet article présente un éventail non exhaustif des
différentes interventions réalisables aujourd’hui
par cathétérisme dans le domaine des CC adultes.
Nous traiterons tout d’abord les quelques rares
indications restantes du cathétérisme dans l’analyse anatomique et hémodynamique des CC, avant
d’aborder le domaine interventionnel, en insistant plus particulièrement sur son champ d’action
dans les lésions du cœur droit, apanage des CC
vieillies.
I. Van Aerschot
Techniques du cathétérisme
cardiaque
Le cathétérisme cardiaque a pour but de mesurer des
pressions intracardiaques, de prélever des échantillons sanguins (l’oxygène servant de traceur, la saturation en O2 étagée permet d’estimer le rapport
du débit pulmonaire sur le débit systémique), de
mesurer le débit cardiaque, puis d’injecter des
produits radio-opaques afin de visualiser les vaisseaux et les cavités cardiaques (angiographie).
Il devient interventionnel quand il agit directement
sur une structure vasculaire ou cardiaque par l’intermédiaire d’un matériel prothétique. Étant donné la
diversité des cardiopathies, de leur réparation et des
situations hémodynamiques, ces gestes doivent être
réservés à des cathétériseurs spécialisés dans les CC,
surtout lorsqu’il s’agit de cardiopathies complexes.
Dans notre équipe, à l’hôpital européen GeorgesPompidou, environ 120 cathétérismes d’adultes sont
réalisés chaque année, dont 74 % interventionnels.
Plus de 60 % des patients cathétérisés ont des
cardiopathies complexes, qui ont souvent déjà été
opérées plusieurs fois.
Les effets indésirables du cathétérisme cardiaque
restent peu fréquents et bénins, grâce à l’amélioration des techniques anesthésiques et radiologiques,
des produits de contraste et de la miniaturisation
des sondes, si bien que la mortalité et la morbidité
sont réduites au minimum. Les complications les
1 Service
de cardiologie pédiatrique,
hôpital Necker-Enfants malades,
Paris.
2 
Unité
des cardiopathies congénitales de l’adulte, hôpital européen
Georges-Pompidou, Paris.
La Lettre du Cardiologue • n° 454-455 - avril-mai 2012 | 15 Mots-clés
Points forts
Cardiopathie
congénitale adulte
Cathétérisme cardiaque
Fermeture CIA
Coarctation de l’aorte
Valvuloplastie
percutanée
Valvulation pulmonaire
percutanée
Sténose pulmonaire
»» La cohorte des cardiopathies congénitales adultes a dépassé en nombre la cohorte pédiatrique.
»» Le cathétérisme cardiaque est devenu essentiellement interventionnel grâce aux nombreuses avancées
technologiques.
»» À performance égale, le cathétérisme a une moindre morbidité que la chirurgie.
»» Le cathétérisme cardiaque a un rôle prépondérant dans la prise en charge des cardiopathies congénitales adultes.
»» Dans un avenir proche, le cathétérisme cardiaque va modifier considérablement la prise en charge des
lésions du cœur droit.
Highlights
plus fréquentes sont l’arythmie, les complications
vasculaires (de type hématome, pseudoanévrisme,
fistule artérioveineuse, thrombose) et, dans certaines
cardiopathies complexes (hypertension artérielle
pulmonaire [HTAP] par exemple), les hémoptysies.
La perforation cardiaque et la réaction anaphylactique au produit de contraste sont des complications
exceptionnelles, mais graves.
pour exclure une éventuelle sténose de celles-ci.
Il permet également de recueillir d’autres éléments
à visée pronostique, telle la réponse au test de vaso­
dilatation en aigu par inhalation de monoxyde
d’azote (NO) pendant quelques minutes (2). L’indication du cathétérisme est posée lors de la phase du
diagnostic initial, puis durant son suivi (aggravation
des symptômes ou modification thérapeutique).
Procédures invasives réalisées
dans un but diagnostique
Cartographie de l’arbre pulmonaire
»» The GUCH (Grown Ups with
Congenital Heart defects)
cohort outnumbered the pediatric cohort.
»» Thanks to technical progress,
cardiac catheterization has
become mainly interventional.
»» Cardiac catheterization is as
efficient as surgery but with
less morbidity.
»» Cardiac catheterization has
a leading role in the management of GUCH.
»» In the near future, cardiac
catheterization will considerably change the right heart
lesions treatment.
Keywords
GUCH
Cardiac catheterization
ASD closure
Coarctation of the aorta
Percutaneous valvuloplasty
Percutaneous pulmonary
valve replacement
Pulmonary stenosis
Le temps où le but du cathétérisme cardiaque était
d’informer le chirurgien sur la CC est bien révolu !
Le perfectionnement des technologies non invasives
(échographie, scanner, IRM), réalisées par des médecins qui ont l’habitude des CC, permet aujourd’hui
d’évaluer précisément et avec fiabilité l’anatomie
et la physiopathologie des CC. Cela explique que le
cathétérisme n’ait plus qu’une place très limitée dans
l’évaluation anatomique et hémodynamique des CC.
Actuellement, la seule vraie indication hémodynamique du cathétérisme cardiaque chez l’adulte est la
mesure des pressions artérielles pulmonaires (PAP) et
l’évaluation du débit pulmonaire, notamment dans
l’évaluation d’une HTAP liée à un shunt et lors d’un
bilan avant une greffe cardiaque.
Évaluation des pressions artérielles
pulmonaires dans l’hypertension
artérielle pulmonaire
Le rôle du cathétérisme dans l’HTAP est maintenant
bien établi dans l’approche diagnostique préthérapeutique des HTAP dépistées par l’échographie
cardiaque. L’HTAP est définie comme une PAP
moyenne obtenue par mesure hémodynamique invasive supérieure ou égale à 25 mmHg (2). Le cathétérisme permet de poser le diagnostic d’HTAP sur la
base d’une mesure précise et instantanée des pressions dans les cavités droites et dans l’artère pulmonaire (AP), et d’exclure les autres causes d’HTAP
postcapillaire en mesurant simultanément la pression dans les cavités gauches et en individualisant
par angiographie chacune des veines pulmonaires
16 | La Lettre du Cardiologue • n° 454-455 - avril-mai 2012
Dans les CC adultes, et en particulier dans les CC
complexes (la tétralogie de Fallot [TOF], ou sa forme
extrême, l’atrésie pulmonaire avec communication
interventriculaire, ventricule unique), les lésions de
l’arbre pulmonaire sont fréquentes. Une pression
ventriculaire droite (PVD) anormalement élevée,
dépistée par l’échographie, peut ainsi être secondaire
à des sténoses des branches pulmonaires. Une majoration d’une désaturation périphérique dans une CC
complexe palliée par des anastomoses systémicopulmonaires doit faire suspecter le développement
de sténoses distales des branches pulmonaires.
Les interventions de dérivation dites cavopulmonaires,
qui consistent à amener le sang des veines systémiques aux artères pulmonaires sans passer par une
pompe ventriculaire, ont pour but d’éviter la cyanose.
Si une cyanose réapparaît à distance de l'opération,
on recherchera par le cathétérisme des fistules artérioveineuses pulmonaires ou veinoveineuses.
Le scanner cardiaque, entre des mains expertes,
permet une première approche, mais l’avantage
du cathétérisme est de faire une cartographie précise
(figure 1), de mesurer les pressions dans chaque
territoire et de pouvoir y associer simultanément, si
nécessaire, un acte thérapeutique de type dilatation
de sténoses ou embolisation de collatérales ou de
fistules (cf. paragraphe “Occlusion de vaisseaux”).
Procédures invasives réalisées
dans un but thérapeutique
Les procédures interventionnelles ont montré des
bénéfices certains pour le patient, en évitant la
morbidité liée à la chirurgie cardiaque : temps d’anes-
DOSSIER THÉMATIQUE
A
B
Figure 2. Prothèse Amplatzer® de fermeture de communication interauriculaire (A).
Image en échographie transœsophagienne de la prothèse (B).
Figure 1. Atrésie pulmonaire avec communication
interauriculaire : l’arbre artériel pulmonaire est
alimenté par des collatérales qui naissent de l’aorte
descendante.
thésie court ou inexistant, absence de circulation
extracorporelle, de sternotomie, de thoracotomie,
de drains postopératoires, de cicatrice, de séjour en
réanimation ; séjour hospitalier court ; diminution du
coût de l’intervention (3). Des complications sont
toujours possibles, mais d’autant moins que l’acte
est réalisé par une personne expérimentée (4).
Fermeture de communication
interauriculaire de type ostium
secundum
La fermeture percutanée des communications inter­
auriculaires (CIA) est devenue traditionnelle en cathétérisme interventionnel et est actuellement reconnue
comme traitement de première intention des defects
interatriaux de type ostium secundum (5). Depuis
1976, date des premières fermetures percutanées de
CIA par N.L. Mills et al. (6), elle a largement bénéficié
des progrès technologiques des années 1990, tels que
l’introduction, dans la fabrication des prothèses, du
nitinol, un alliage à mémoire de forme qui les rend
plus souples et plus maniables sans leur enlever leur
résistance aux fractures.
La fermeture d’une CIA est indiquée en cas de
surcharge volumique significative du ventricule droit
(VD), avec ou sans symptômes. Si l’échographie
cardiaque retrouve des critères d’HTAP associée
(PAP > 50 mmHg), il convient de réaliser au préalable
une exploration fonctionnelle supplémentaire en vue
de mesurer les résistances vasculaires pulmonaires
pour s’assurer de la pertinence de la fermeture de
la CIA. Chez le sujet âgé, il convient également de
rechercher une dysfonction diastolique du ventricule
gauche (VG), qui peut entraîner un œdème aigu du
poumon après la fermeture d’une CIA, à la suite de
l’augmentation subite des pressions auriculaires.
Dans ces cas-là, il est préférable de réaliser un test
d’occlusion du défaut septal par ballon. Si la pression
auriculaire gauche est trop élevée, l’occlusion se fera
secondairement après un traitement diurétique,
avec éventuellement une prothèse fenestrée (5).
Pour pouvoir être fermée par cathétérisme, la CIA
doit encore répondre à certains critères, car la
prothèse doit s’appuyer sur les bords libres du septum
interauriculaire pour être maintenue en place et
fermer l’orifice. Il faut donc s’assurer au préalable, par
échographie cardiaque, de l’existence d’une berge de
7 mm minimum au niveau des veines caves. Actuellement, on peut fermer des CIA qui mesurent jusqu’à
40 mm ; il s’agit alors d’une prothèse de très grande
taille (54 mm), le facteur limitant étant la dimension
du septum total. La fermeture percutanée est réalisée
sous contrôle par échographie transœsophagienne
pour la calibration et le contrôle de la position de la
prothèse. Dans certains cas, la calibration de la CIA
au ballon pendant la procédure permet une mesure
plus précise de son diamètre (figure 2).
Si la procédure de fermeture est aujourd’hui bien
standardisée, il n’existe cependant aucun consensus
La Lettre du Cardiologue • n° 454-455 - avril-mai 2012 | 17 DOSSIER THÉMATIQUE
Prise en charge
des cardiopathies congénitales
de l’enfant devenu adulte
Le cathétérisme interventionnel
dans les cardiopathies congénitales adultes
concernant le traitement et le suivi après l'opération. Généralement, le patient reste en observation
pendant 24 heures, avec un contrôle échographique
et un électrocardiogramme avant sa sortie (5).
La prise quotidienne d’antiagrégants plaquettaires
est recommandée pendant 6 mois, ainsi que l’évitement des sports violents jusqu’à 1 mois après la
procédure. On propose un contrôle échographique
à 1 mois, puis à 6 mois et enfin tous les 1 à 3 ans.
Le taux de réussite est de 95 à 98 % (7), et les résultats à long terme montrent qu’il s’agit d’un dispositif
fiable, avec un taux de complications significativement moindre que la chirurgie (8). Cette procédure
peut se compliquer de troubles du rythme (de type
flutter ou fibrillation atriale), d’une embolisation
(généralement précoce), de thrombi cérébraux ou
périphériques, d’un épanchement péricardique ou
d’une érosion aortique. Ces complications restent
rares (environ 6 % des cas) [5].
Les résultats à très long terme ne sont bien sûr pas
encore connus, notamment l’incidence des troubles
du rythme tardifs ; c’est pourquoi il est essentiel de
maintenir un suivi clinique systématique chez tous les
patients qui ont eu une fermeture percutanée de CIA.
pour un gradient de plus de 20 mmHg, sachant
que la présence de collatérales aortoaortiques peut
minimiser ce gradient (9). Une coarctation avec un
gradient inférieur doit donc également être traitée
s’il y a des collatérales importantes ou une HTA au
repos. L’existence d’une HTA à l’effort ne fait pas
partie aujourd’hui des indications classiques, mais
elle reste discutable et discutée, car c’est un facteur
prédictif puissant du développement d’une HTA au
repos. Le taux de succès est excellent (supérieur à
95 %) et les complications, peu fréquentes (moins
de 10 %). Il s’agit essentiellement de lésions de
la paroi aortique (plaies de l’aorte, dissections et
anévrismes), dont la fréquence est moindre depuis
l’utilisation d’endoprothèses. Les résultats à moyen
terme sont bons, similaires aux résultats de la
chirurgie conventionnelle (10). Un suivi régulier dans
un centre spécialisé est recommandé pour dépister
des lésions secondaires (resténose par fracture de
stents, anévrisme, etc.), mais aussi parce que la
coarctation est une pathologie vasculaire généralisée
et pas uniquement une lésion sténosante isthmique.
Coarctation et recoarctation de l’aorte
Le cathétérisme interventionnel permet d’occlure
de nombreuses anomalies vasculaires telles que
le canal artériel et, plus rarement, les collatérales
aortopulmonaires, les collatérales veinoveineuses,
les fistules coronaires, les fistules artérioveineuses,
etc. La technique est plus ou moins facile selon la
localisation et la taille de ces anomalies vasculaires :
coils pour les petites, et systèmes spécifiques pour
les plus grandes.
Si, chez l’adulte, on met en évidence, à l’échographie cardiaque, un petit canal artériel (quelques
millimètres), et si on entend un souffle continu à
l’auscultation, il est recommandé de fermer ce canal
pour prévenir une éventuelle endocardite (événement
cependant très rare). Si le canal artériel est de plus
grande taille, il peut entraîner, de façon plus rare,
une dyspnée d’effort et un angor fonctionnel par
vol diastolique du flux coronaire. Chez l’adulte, le
risque opératoire de la fermeture du canal artériel
est très important en raison de son accès difficile et
de sa paroi fragile. Le cathétérisme interventionnel
est donc la technique de choix (figure 4). Enfin, si
le canal est large, il peut entraîner une HTAP sévère
et la fermeture est alors contre-indiquée.
Les fistules coronaires sont rares et de morphologie
très variable ; elles peuvent communiquer avec le VD,
les oreillettes, le sinus coronaire, les AP, etc., et être
responsables d’une ischémie myocardique par vol
Alors que la chirurgie reste l’apanage des coarctations natives chez le nourrisson, le cathétérisme
interventionnel est devenu le traitement habituel
des recoarctations aortiques après une chirurgie,
ainsi que des coarctations natives de l’adolescent et
de l’adulte découvertes lors d’un bilan d’HTA (9). La
technique consiste en une angioplastie avec l’implantation systématique d’une endoprothèse couverte
ou non (“stent nu ou couvert”) [figure 3].
Sur le plan hémodynamique, l’indication est posée
A
B
Figure 3. Stenting d’une recoarctation.
18 | La Lettre du Cardiologue • n° 454-455 - avril-mai 2012
Occlusion de vaisseaux
DOSSIER THÉMATIQUE
coronaire à l’âge adulte. L’indication de fermeture
est posée devant toute fistule coronaire symptomatique, par procédure interventionnelle en première
intention (11).
A
B
Cathétérisme interventionnel
et voie pulmonaire
◆◆ Dilatation de la valve pulmonaire
ou valvuloplastie pulmonaire
La sténose valvulaire pulmonaire a été la première
malformation cardiaque traitée de façon définitive par une dilatation percutanée au ballon en
1984 (12). Cette procédure est maintenant standardisée et est admise comme traitement de choix
des sténoses valvulaires pulmonaires. Chez l’adulte,
les recommandations européennes proposent une
dilatation valvulaire quand le gradient transvalvulaire pulmonaire maximal atteint plus de 64 mmHg
(vitesse supérieure à 4 m/s) ou en cas de symptômes
tels qu’une dysfonction ventriculaire droite, des
arythmies, ou une cyanose par shunt atrial droitgauche (13).
La procédure consiste en une mesure hémodynamique des pressions des cavités droites (oreillette et
ventricule droits et AP), une angiographie de profil
de l’infundibulum du VD permettant de s’assurer
de la nature purement valvulaire de l’obstacle et de
mesurer l’anneau pulmonaire, pour le choix du ballon
dont le diamètre est compris entre 1,2 et 1,4 fois la
taille de l’anneau (14). Le ballon est gonflé jusqu’à
ce que l’encoche pulmonaire disparaisse. En fin de
procédure, on mesure le gradient résiduel et on
contrôle l’angiographie pour exclure une éventuelle
lésion vasculaire ou une réaction infundibulaire.
Le risque de complications précoces liées à la procédure est très faible (0,2 %). Le taux de succès est
excellent (plus de 90 %), mais au prix d’une fuite
pulmonaire qui peut être modérée à sévère, avec
toutes les conséquences néfastes à long terme sur la
fonction du VD (14). Comme pour la valve aortique,
l’utilisation de ballonnets d’un diamètre supérieur à
120 % du diamètre de l’anneau donne de meilleurs
résultats en termes de levée d’obstacle, mais conduit
à une fuite pulmonaire plus importante. À long terme,
les études rapportent ainsi un plus grand nombre de
resténoses après une dilatation au ballon, alors que la
chirurgie entraînerait une fuite pulmonaire plus importante. Quant à la fuite pulmonaire secondaire au geste
percutané, elle reste stable en général et ne requiert
pas de geste chirurgical, au moins durant les 20 années
qui suivent la dilatation. Mais il est difficile de prédire à
Figure 4. Fermeture du canal artériel par coil (A) ou par une prothèse Amplatzer® (B).
plus long terme si le résultat par voie percutanée sera
meilleur en termes de réopération tardive en raison
d’une fuite pulmonaire, car si la chirurgie donne des
résultats équivalents à 20 ans, elle atteint un taux de
réintervention de plus de 50 % à 40 ans (15).
Actuellement, il n’y a pas beaucoup de données
sur l’évolution naturelle, chez l’adulte, de la fuite
pulmonaire après une dilatation. Les indications
du remplacement valvulaire pulmonaire dû à une
fuite pulmonaire résiduelle dans ces situations sont
encore mal précisées.
◆◆ Sténoses artérielles pulmonaires
Dans les pathologies du cœur droit, la réparation
chirurgicale de la voie pulmonaire native nécessite
la mise en place de patchs de péricarde ou de GoreTex®. Avec le temps, ces patchs ont tendance à se
rétracter et à développer des sténoses artérielles
pulmonaires proximales et/ou distales. Ces sténoses
retentissent sur le VD et entraînent une augmen­
tation de la PVD systolique, avec ou sans retentissement clinique. Les indications généralement retenues
pour une angioplastie des AP sont les suivantes :
➤➤ l’existence d’un retentissement clinique (dyspnée
d’effort, trouble du rythme) ;
➤➤ une PVD supérieure à 60 % de la pression systémique ;
➤➤ une hypoperfusion franche (inférieure à 30 %)
du poumon concerné en cas de sténose unilatérale ;
➤➤ un rétrécissement angiographique de plus de
50 % avec ou sans gradient (9).
Depuis une vingtaine d’années, la procédure a
bénéficié du développement de ballons à très haute
pression d’inflation (de 20 à plus de 30 atm) pour
une meilleure efficacité sur des sténoses rigides
qui résistaient à l’inflation des ballons habituellement utilisés depuis plusieurs années. Ces ballons
La Lettre du Cardiologue • n° 454-455 - avril-mai 2012 | 19 DOSSIER THÉMATIQUE
Prise en charge
des cardiopathies congénitales
de l’enfant devenu adulte
Le cathétérisme interventionnel
dans les cardiopathies congénitales adultes
peuvent atteindre 2 à 4 fois le diamètre de la sténose
à dilater. Malgré cet arsenal, de nombreuses sténoses
répondent mal à la dilatation simple par ballon, le
plus souvent à la suite d’un phénomène de recoil
où le tissu “élastique” reprend sa forme une fois le
ballon dégonflé. Il faut alors recourir à la pose d’une
endoprothèse (stent) qui sera ouverte par un ballon
afin qu’elle s’applique parfaitement à la paroi du
vaisseau et le maintienne en position bien ouverte.
Dans tous ces cas, l’angioplastie pulmonaire percutanée complète, voire supplante la chirurgie, surtout
en cas de sténoses pulmonaires distales inaccessibles au chirurgien in situ. C’est de là qu’est née
l’idée de développer les procédures hybrides dans
lesquelles cathétérisme interventionnel et chirurgie
se complètent directement, avec la mise en place
d’endoprothèses au bloc opératoire, par exemple
lors de la réfection d’une voie pulmonaire native
associée à des sténoses périphériques des AP.
L’angioplastie a un taux de succès supérieur à 90 %,
et son risque est modéré, malgré des procédures
souvent longues et complexes en cas de lésions
multiples (16). La principale complication est la
lésion vasculaire étendue, qui peut nécessiter l’occlusion du vaisseau concerné ou la mise en place d’un
stent couvert pendant la procédure (10).
◆◆ Sténose des conduits disposés
entre le ventricule droit et l’artère pulmonaire
D’autres CC nécessitent l’insertion chirurgicale d’une
voie pulmonaire artificielle (tube valvé ou non) au
moment de leur réparation complète à 2 ventricules.
Avec le temps, ce conduit s’altère inéluctablement
(usure et absence de croissance) et évolue vers une
sténose et/ou une fuite valvulaire nécessitant le
remplacement du conduit par la voie chirurgicale.
A
B
Figure 5. Stent valvé Melody® en position pulmonaire.
20 | La Lettre du Cardiologue • n° 454-455 - avril-mai 2012
Pour tenter de repousser la date d’une réintervention
chirurgicale, la dilatation au ballon de ces sténoses
valvulaires a été tentée pour des indications similaires
à celles des obstacles valvulaires natifs, mais sans
résultat concluant, du fait d’un recoil de la lésion.
Cela a conduit à la mise en place d’endoprothèses
dans les tubes sténosés, permettant de différer
l’indication de remplacement chirurgical du conduit.
Les complications graves sont rares et consistent
essentiellement en des malpositions ou des embolisations de stents pouvant nécessiter une reprise
chirurgicale (17). Il a aussi été rapporté des lésions
coronaires (compression ou dissection), c’est pourquoi il est impératif de toujours réaliser une coronarographie en même temps que la dilatation d’un
ballon dans le conduit pour préciser les rapports de
la voie d’éjection droite avec les coronaires avant la
mise en place du stent (17).
Cependant, même si les résultats à long terme
montrent que cette technique permet de différer
de 5 ans le remplacement du conduit dans 50 % des
cas, la fuite pulmonaire libre engendrée par la mise
en place de l’endoprothèse dans le tube est malheureusement délétère pour la fonction du VD (17).
◆◆ Remplacement valvulaire pulmonaire
percutané
Un des problèmes récurrents des CC adultes est la
prise en charge de la dilatation du VD secondaire à
une fuite pulmonaire résiduelle de la chirurgie de la
voie droite. L’exemple le plus fréquent est celui de
la TOF, opérée en cure complète depuis les années
1960. Cette fuite pulmonaire entraîne une dilatation
ventriculaire droite qui, au-delà d’un certain seuil,
peut ne pas régresser, et risque, à terme, d’évoluer
vers une défaillance droite irréversible. De plus, il y
a un risque de mort subite par trouble du rythme
ventriculaire, lié à la dilatation du VD, surtout si le
VG est également altéré. Cela justifie la mise en
place d’une valve pulmonaire (18). Jusqu’à présent,
la solution était chirurgicale, mais, depuis 2000,
une nouvelle procédure interventionnelle permet
d’implanter sur cette voie pulmonaire défaillante une
nouvelle valve, élaborée à partir d’une veine jugulaire
de bœuf montée dans un stent (valve Melody®). Cet
assemblage est monté en position pulmonaire et
s’applique, par dilatation au ballon, à la paroi plus
rigide de l’ancienne voie pulmonaire. L’avantage par
rapport au stent nu est de dilater la voie pulmonaire
artificielle sans créer de fuite pulmonaire (figure 5).
Les indications sont un obstacle sur une voie pulmonaire artificielle, une fuite pulmonaire avec dilatation
significative du VD, ou des symptômes en rapport.
DOSSIER THÉMATIQUE
Techniquement, cette procédure interventionnelle
est encore très restreinte, car il n’existe qu’un seul
diamètre de valve (18 mm). Elle ne s’applique donc
qu’aux voies pulmonaires artificielles sténosées
n’excédant pas 22 mm de diamètre. Actuellement,
quelques valves ont pu être placées avec succès dans
des voies pulmonaires natives grâce à des techniques
particulières (19). Des travaux sont en cours pour
élargir les indications aux voies pulmonaires natives
plus larges avec des prothèses dédiées.
Les premiers résultats sont très prometteurs,
avec une nette amélioration de l’état clinique des
patients corrélée à une diminution significative des
pressions et des volumes ventriculaires droits, sans
fuite pulmonaire séquellaire (19, 20). Une première
étude d’imagerie par résonance magnétique du
VD a montré une décroissance précoce significative du volume télédiastolique, mais la fraction
d’éjection n’est améliorée qu’en cas de sténose du
conduit avant l’implantation de la valve et il n’y a
pas d’amélioration supplémentaire après 1 an de
suivi (20).
Environ 70 % des patients ne sont pas réopérés à
85 mois (recul le plus long) [19]. Les indications
de réintervention (implantation d’une deuxième
valve [20]) sont principalement les obstacles résiduels, le plus souvent secondaires à une fracture du
stent valvé. Cet inconvénient majeur est minimisé
par la mise en place préalable d’un stent nu, solidifiant le montage. Un stent de deuxième génération,
plus solide, doit voir bientôt le jour (stent Brio®).
Il faut également noter la survenue de plusieurs cas
d’endocardites infectieuses sévères (19, 20), qui
ont obligé à explanter la prothèse. Cela rappelle à
quel point la prise en charge et le suivi des patients
porteurs de matériel biologique sont importants, en
insistant sur l’observance du traitement antiagrégant
à vie, le suivi dentaire régulier (avec antibioprophylaxie lors des soins) et l'intolérance aux tatouages
et aux piercings.
Conclusion
Au cours des 50 dernières années, la meilleure
connaissance des malformations cardiaques et les
avancées technologiques ont réussi à améliorer
considérablement les stratégies thérapeutiques des
cardiopathies congénitales et, de ce fait, le devenir
des patients, comme en témoigne l’explosion du
domaine de la cardiologie congénitale adulte. Les
progrès technologiques ont surtout servi le cathétérisme, qui a supplanté la chirurgie dans plusieurs
indications, grâce à une performance similaire et à
un faible taux de morbidité, ce qui est un avantage
majeur en cardiologie congénitale adulte.
La place du cathétérisme interventionnel est
importante dans le traitement des lésions vieillies
et, aujourd’hui, les avancées techniques servent
principalement le traitement des lésions de la voie
pulmonaire : de la dilatation des sténoses pulmonaires résiduelles au remplacement valvulaire pulmonaire, ces différents gestes permettent aujourd’hui
de sauvegarder, voire d’améliorer la fonction du VD
à moindres frais, tant sur le plan de la morbidité que
sur celui du coût de l’intervention.
En améliorant ainsi le devenir du VD, le cathétérisme
interventionnel va permettre une nouvelle révolution
dans la prise en charge des patients congénitaux
adultes.
■
Références bibliographiques
1. Lusson JR. Les rendez-vous éditoriaux de février 2010.
http://www.theheart.org
2. Guidelines for the diagnosis and treatment of pulmonary
hypertension : The Task Force for the diagnosis and treatment of pulmonary hypertension of the European Society of
Cardiology (ESC) and the European Respiratory Society (ERS)
endorsed by the International Society of Heart and Lung
Transplantation (ISHLT). Eur Heart J 2009;30:2493-537.
3. Di Bernardo S, Mivelaz Y, Meijboom EJ, Sekarski N. Traitement des cardiopathies congénitales par cathétérisme
interventionnel. Rev Med Suisse 2005;1:2049-50,2053-5.
4. Phillips BL, Cabalka AK, Hagler DJ, Bailey KR, Cetta F.
Procedural complications during congenital cardiac catheterization. Congenit Heart Dis 2010;5:118-23.
5. Ovaert C, Kammache I, Bonello B, Habib G, Fraisse A.
Transcatheter closure of intracardiac shunts. Archives of
Cardiovascular Diseases Supplements 2011;3:154-62.
6. Mills NL, King TD. Nonoperative closure of left-to-right
shunts. J Thorac Cardiovasc Surg 1976;72(3):371-8.
7. Wilkinson JL. Interventional pediatric cardiology : device
closures. Indian J Pediatr 2000;67(Suppl. 3):S30-6.
8. Butera G, Biondi-Zoccai G, Sangiorgi G et al. Percutaneous
versus surgical closure of secundum atrial septal defects: a
systematic review and meta-analysis of currently available
clinical evidence. Eurointervention 2011;7:377-85.
9. Boshoff D, Budts W, Mertens L et al. Stenting of hypoplastic aortic segments with mild pressure gradients and
arterial hypertension. Heart 2006;92:1661-6.
10. Walhout RJ, Suttorp MJ, Mackaij GJ, Ernst JM, Plokker
HW. Long-term outcome after balloon angioplasty of
coarctation of the aorta in adolescents and adults: Is
aneurysm formation an issue? Catheter Cardiovasc Interv
2009;73:549-56.
11. Fraisse A, Kammache I. Vascular occlusion and dilatation.
Archives of Cardiovascular Diseases Supplements 2011;
3:163-72.
12. Tynan M, Jones O, Joseph MC, Deverall PB, Yates AK.
Relief of pulmonary valve stenosis in first week of life by
percutaneous balloon valvuloplasty. Lancet 1984;1:273.
13. Baumgartner H, Bonhoeffer P, De Groot NM et al. ESC
guidelines for the management of grown-up congenital
heart disease (new version 2010). Eur Heart J 2010;31:
2915-57.
14. Legendre A, Boudjemline Y. Percutaneous treatment of
congenital heart valve diseases. Archives of Cardiovascular
Diseases Supplements 2011;3:173-82.
15. Voet A, Rega F, de Bruaene AV et al. Long-term outcome
after treatment of isolated pulmonary valve stenosis. Int J
Cardiol 2012;156:11-5.
16. De Giovanni JV. Balloon angioplasty for branch pulmonary artery stenosis-cutting balloons. Catheter Cardiovasc
Interv 2007;69:459-67.
17. Peng LF, McElhinney DB, Nugent AW et al. Endovascular
stenting of obstructed right ventricle-to-pulmonary artery
conduits: a 15-year experience. Circulation 2006;113:2598605.
18. Therrien J, Provost Y, Merchant N, Williams W, Colman J,
Webb G. Optimal timing for pulmonary valve replacement in
adults after tetralogy of Fallot repair. Am J Cardiol 2005;95:
779-82.
19. McElhinney DB, Hellenbrand WE, Zahn EM et al. Shortand medium-term outcomes after transcatheter pulmonary
valve placement in the expanded multicenter US melody
valve trial. Circulation 2010;122:507-16.
20. Lurz P, Nordmeyer J, Giardini A et al. Early versus late
functional outcome after successful percutaneous pulmonary valve implantation: are the acute effects of altered
right ventricle loading all we can expect? J Am Coll Cardiol
2011;57:724-31.
Téléchargement