M Endocardite infectieuse : abcès circonférentiel ou non ? CAs CLInIqUE

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cas clinique
Mots-clés
Endocardite infectieuse – Échocardiographie – Scanner cardiaque
Keywords
Infective endocarditis – Échocardiography – Cardiac computed tomography
Endocardite infectieuse : abcès
circonférentiel ou non ?
Infective endocarditis: abscess or not?
J. Ternacle*, N. Mirochnik**, L. Macron*
M
onsieur R., 41 ans, est pris en charge dans le service des
urgences en décembre 2012 pour une pyélonéphrite
obstructive. Il a pour antécédents une maladie de
Wegener avec atteinte rénale traitée par immuno­suppresseur,
un remplacement valvulaire aortique par bioprothèse effectué
en 2011 en raison d’une endocardite infectieuse, des coliques
néphrétiques à répétition et une toxicomanie i.v. sevrée.
Observation
Le patient est initialement admis en urologie pour dérivation
urinaire par mise en place de 2 sondes J-J. L’antibiothérapie
initiale (céfotaxime) n’est pas poursuivie en raison de la stérilité de l’examen cytobactériologique des urines per-procédure. Quarante-huit heures après l’intervention, le patient
reste fébrile, et les premières hémocultures sont positives
au Streptococcus sp. ; le patient est alors traité par double
antibiothérapie et transféré en cardiologie pour suspicion
d’endocardite infectieuse.
À son arrivée en unité de soins intensifs cardiologiques, le
patient est fébrile (39 °C), sans défaillance hémodynamique ;
il n’a pas de signe d’insuffisance cardiaque ni de trouble neurologique. L’auscultation retrouve un souffle éjectionnel 2/6
au foyer aortique sans souffle de régurgitation, et l’électro­
cardiogramme montre l’apparition d’un bloc auriculoventriculaire du premier degré (BAV1).
Les échocardiographies transthoracique et transœsophagienne
(ETO) mettent en évidence un épaississement des feuillets
valvulaires sans fuite, avec plusieurs végétations (10 mm pour
la plus volumineuse) au niveau de la bioprothèse aortique,
associé à un abcès de 9 mm d’épaisseur qui semble localisé
à la partie postérieure de l’anneau (figures 1 et 2). L’ETO 3D
confirme l’extension paravalvulaire postérieure de l’abcès
(figure 3, p. 30).
▲ Figure 1. Abcès localisé de 9 mm de l’anneau aortique postérieur associé
à un épaississement des feuillets valvulaires sur cette coupe ETO à 0°.
▼ Figure 2. Abcès de l’anneau aortique postérieur (flèche) associé à un épaississement des feuillets valvulaires sur cette coupe ETO petit axe. L’abcès
semble être principalement localisé à la partie postérieure de l’anneau.
* Service de radiologie ; ** Service de cardiologie, hôpital européen Georges-Pompidou, Paris.
La Lettre du Cardiologue • n° 475-476 - mai-juin 2014 | 29 cas clinique
▲ Figure 3. Acquisition volumique de l’abcès de l’anneau aortique découpé
selon 3 plans orthogonaux (A, B etC). La figure Dcorrespond à la reconstruction volumique 3D de l’abcès postérieur.
▼ Figure 4. Visualisation scanographique de l’épaississement des feuillets
valvulaires et de la végétation aortique de 10 mm.
Avant l’intervention chirurgicale, un scanner corps entier
(volume total de 130 ml de produit de contraste iodé) avec
acquisition cardiaque synchronisée est réalisé pour évaluer
le statut coronaire, la taille de l’abcès annulaire et pour
rechercher une complication embolique. Les coronaires sont
indemnes de lésion ; l’acquisition cérébrale ne montre ni
embole ni anévrysme mycotique, mais il existe un infarctus
splénique. Plus intéressant, l’analyse cardiaque (statique
et cinétique) retrouve les végétations, notamment celle de
10 mm (figure 4), et montre surtout que l’abcès annulaire
est circonférentiel et qu’il fuse vers le septum interauriculaire
(figure 5). La prise en charge chirurgicale en urgence confirme
le caractère circonférentiel de l’abcès annulaire. Un remplacement valvulaire aortique redux par homogreffe est réalisé en
raison de la perte de substance liée à la détersion de l’abcès.
Discussion
La coronarographie reste l’examen de référence avant une
chirurgie cardiaque. Elle doit être pratiquée en première
intention, en cas de forte probabilité clinique de maladie
coronaire (1) ou s’il existe des éléments prédicteurs d’une
mauvaise qualité du scanner (obésité, tachycardie, instabilité
hémodynamique).
Cependant, le scanner cardiaque prend une place de plus en
plus importante dans ce contexte clinique, notamment en cas
de volumineuses végétations valvulaires (l’évaluation coronaire
par cathétérisme peut alors présenter un risque embolique).
De plus, l’analyse ne doit pas se limiter aux coronaires, et
des études récentes montrent que le scanner est un outil
performant pour visualiser les végétations (taille et mobilité), mais surtout pour apprécier l’extension paravalvulaire
de l’endocardite infectieuse (2, 3), notamment sur prothèse,
où l’analyse échographique est souvent limitée par les cônes
d’ombres.
■
▼ Figure 5. Abcès circonférentiel de l’anneau aortique (flèche) fusant vers
le septum interatrial (*)mis en évidence par le scanner.
Références bibliographiques
1. Hekimian G, Kim M, Passefort S et al. Preoperative use and safety of
coronary angiography for acute aortic valve infective endocarditis. Heart
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2. Feuchtner GM, Stolzmann P, Dichtl W et al. Multislice computed
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2009;53(5):436-44.
3. Fagman E, Perrotta S, Bech-Hanssen O et al. ECG-gated computed tomography: a new role for patients with suspected aortic prosthetic valve
endocarditis. Eur Radiol 2012;22(11):2407-14.
J. Ternacle déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
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