La pharmacovigilance des antibiotiques Exemples de quelques effets indésirables rapportés

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Mise au point
M ise au point
La pharmacovigilance des antibiotiques[1]
Exemples de quelques effets indésirables rapportés
avec les bêtalactamines, les fluoroquinolones,
les macrolides et les cyclines
Antibiotics post-marketing safety surveillance:
examples of some adverse drug reactions described with beta-lactams,
fluoroquinolones, macrolides and cyclines
# E Polard*
RÉSUMÉ
Les antibiotiques ont généralement un rapport bénéfice/risque
favorable. Cependant, comme tout médicament, ils peuvent être
responsables d’effets indésirables graves dont certains n’émergent qu’après la mise sur le marché. Il est donc indispensable de
suivre leur sécurité d’emploi lors de leur utilisation en pratique
courante. Les bêtalactamines posent le problème des réactions
d’hypersensibilité immédiate possiblement croisées entre toutes
les molécules de la classe. Les fluoroquinolones sont responsables d’effets sur les tendons, la peau, la fonction cardiaque. Les
macrolides se distinguent par leur potentiel cardiotoxique et les
interactions médicamenteuses. Les tétracyclines sont impliquées
dans la survenue de syndromes d’hypersensibilité et d’ulcérations
œsophagiennes. Ces données de pharmacovigilance permettent
aux autorités de santé de prendre les mesures réglementaires
nécessaires au maintien d’un rapport bénéfice/risque positif.
Mots-clés : Pharmacovigilance - Sécurité d’emploi - Bêtalactamines - Fluoroquinolones - Macrolides - Cyclines.
Summary : Antibiotics usually have positive benefit-risk ratio. However, severe adverse drug reactions (ADR) can occur, generally in postmarketing situation. The survey of antibiotic safety in clinical practice
is conducted by the pharmacovigilance system. Beta-lactams account
for most drug-induced anaphylactic reactions. Tendinitis, phototoxicity and cardiotoxicity are reported with fluoroquinolones. Macrolides are associated with cardiotoxicity and drug interactions. ADR are
reported with cyclines. The safety data can lead health authorities to
take regulatory measures to keep a positive benefit-risk ratio.
Keywords: Post-marketing surveillance - Safety - Beta-lactams Fluoroquinolones - Macrolides - Cyclines.
L
es essais cliniques de développement (phases I à III), pour
les antibiotiques comme pour tout autre produit, ont
comme objectif principal de mettre en évidence l’efficacité
des molécules. Le nombre de patients inclus dans ces essais est
en effet trop faible, et les durées de suivi sont en général trop
courtes pour pouvoir détecter des effets indésirables rares et/ou
retardés. De même, les comorbidités et coprescriptions, facteurs
favorisant l’émergence des effets indésirables, sont rarement prises en compte dans ces essais. Après l’obtention de l’Autorisation
de mise sur le marché (AMM) d’un antibiotique, les prescripteurs craignent plus l’apparition de souches mutantes résistantes à l’antibiotique que les problèmes de toxicité. Cependant, de
nombreux antibiotiques, en particulier des fluoroquinolones,
ont été retirés du marché ces dernières années pour une survenue d’effets indésirables rares ou exceptionnels, mais pouvant
mettre en jeu le pronostic vital des patients (1).
Il est donc indispensable de suivre la sécurité d’emploi des antibiotiques ayant obtenu une AMM lors de leur utilisation en
pratique courante. C’est le rôle de la pharmacovigilance que de
rassembler les notifications d’effets indésirables attribuables au
médicament, permettant ainsi de générer un signal et de mettre
en évidence des facteurs de risque. Ces données de post-AMM
peuvent conduire à modifier le résumé des caractéristiques du
produit (RCP) et, si le rapport bénéfice/risque du médicament
n’est plus favorable, peuvent aller jusqu’à entraîner la suspension
ou le retrait de la molécule du marché par les autorités de santé.
Cet article a pour objet de faire le point sur la pharmacovigilance
des antibiotiques au travers d’exemples choisis dans quatre classes largement prescrites : les bêtalactamines, les fluoroquinolones, les macrolides et les cyclines.
BÊTALACTAMINES (tableau I)
[1] Article initialement publié dans La Lettre du Pharmacologue - Volume 18 - n° 2 - avrilmai-juin 2005 et réactualisé par l’auteur.
* Centre régional de pharmacovigilance, service de pharmacologie, hôpital de Pontchaillou,
Rennes.
142
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Les réactions allergiques médicamenteuses sont décrites principalement pour les antibiotiques, au premier rang desquels
se trouvent les bêtalactamines (2-4). Pour ces molécules, disLa Lettre du Pneumologue - Vol. IX - n° 4 - juillet-août 2006
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ponibles en thérapeutique depuis de nombreuses années, sont
classiquement décrits deux types d’événements : des exanthèmes maculopapuleux, dits “morbilliformes”, le plus souvent
sans critère de gravité (des toxidermies graves de type StevensJohnson ou Lyell ont été décrites), et de plus rares réactions
anaphylactiques pouvant mettre en jeu le pronostic vital. Deux
exemples d’effets indésirables ont été choisis : l’allergie immédiate et la maladie pseudo-sérique.
Tableau I. Principaux exemples d’effets indésirables décrits pour les
antibiotiques évoqués.
Classe antibiotique
Bêtalactamines
pénicillines
céphalosporines
Fluoroquinolones
Macrolides
Kétolides
Tétracyclines
minocycline
doxycycline
Effets indésirables
Réactions d’hypersensibilité immédiate
possiblement croisées
Maladie pseudo-sérique
Troubles neuropsychiatriques
Atteintes tendineuses
Photosensibilisation
Allongement du QT
Réactions d’hypersensibilité
Chaîne Noyau
latérale bêtalactame
R-CONH
Troubles gastro-intestinaux
Allongement du QT
Potentiel d’interactions médicamenteuses
(inhibition du CYP3A4)
Aggravation de myasthénie
Potentiel d’interactions médicamenteuses
(inhibition du CYP3A4)
Atteintes auto-immunes (lupus)
Syndrome d’hypersensibilité
Ulcérations œsophagiennes
Allergie immédiate aux bêtalactamines
La pénicilline est la cause la plus fréquente de réactions anaphylactiques dans la population générale ; l’incidence, difficile à établir car la définition de la réaction anaphylactique et les modalités d’administration des pénicillines sont hétérogènes entre les
études, varie de 0,055 à 0,2 % (2, 5). Le nombre annuel de décès
dus à un choc anaphylactique aux bêtalactamines aux États-Unis
est voisin de 500 et représente les trois quarts des chocs mortels
d’origine médicamenteuse (4).
Ces réactions allergiques sont immunomédiées, donc indépendantes de la dose, imprévisibles, et ne peuvent être anticipées par
les études précliniques (absence de modèles animaux pertinents).
Les métabolites obtenus après biotransformation de la molécule
mère sont souvent impliqués, et la variabilité interindividuelle du
métabolisme sous-tendue par le polymorphisme génétique explique la sensibilité différente des sujets à une molécule (1, 2). L’atopie
n’est pas un facteur de risque de réaction allergique aux bêtalactamines. Toutefois, diverses études ont suggéré que des antécédents
personnels d’atopie pourraient majorer la sévérité des réactions
anaphylactiques, mais sans en modifier la fréquence (4, 5).
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Les réactions d’hypersensibilité immédiate observées avec les
bêtalactamines sont médiées par les immunoglobulines E (IgE)
dirigées contre certaines structures chimiques de ces antibiotiques (1, 2, 4). Les bêtalactamines comportent en effet différents
déterminants antigéniques (figure 1) : le cycle commun bêtalactame, mais aussi les chaînes latérales, expliquant ainsi les réactions croisées entre différentes pénicillines et entre pénicillines
et céphalosporines. Le cycle bêtalactame a la capacité d’être
immunogène après ouverture et liaison à des protéines : le déterminant antigénique formé, le benzyl-pénicilloyl, est nommé
déterminant majeur. La recherche d’une allergie à ce déterminant peut se faire grâce à des tests cutanés au pénicilloyl polylysine (PPL). Des déterminants dits mineurs, dont la formation
est liée au noyau thiazolidine, sont également impliqués dans les
réactions allergiques IgE médiées. Cependant, les tests cutanés
à visée diagnostique sont peu disponibles pour ces déterminants
mineurs (3).
Mise au point
M ise au point
Noyau
thiazolidine
S
CH3
CH3
N
O
COOH
Pénicillines
R-CONH
S
S Protéine
CH3
O=C HN
CH3
NH
COOH
Protéine
Déterminants majeurs
N
R
S
CH3
CH3
COOH
Déterminants mineurs
O
HN
O
Figure 1. Structure générale des bêtalactamines et de leurs
principaux métabolites (exemple des pénicillines).
Le diagnostic des réactions d’hypersensibilité immédiate repose
surtout sur les tests cutanés sous forme de pricks, ou intradermoréactions (IDR), dans un délai de 3 à 6 mois après l’événement.
La lecture se fait de la 15e à la 20e minute (4). Un test cutané positif permet de poser un diagnostic d’allergie à la pénicilline ; un
test négatif ne permet pas de conclure (3). Néanmoins, à ce jour,
aucune réaction anaphylactique n’a été rapportée pour un patient ayant une histoire clinique positive, mais des tests négatifs
aux déterminants classiquement disponibles en allergologie (2).
Des tests de réintroduction peuvent être envisagés si les bêtalactamines sont jugées indispensables au patient : ils sont réalisés
en milieu hospitalier compte tenu du risque – non nul – de tests
cutanés faussement négatifs (3, 4).
La fréquence des réactions cutanées aux céphalosporines est
plus faible qu’avec les pénicillines, de l’ordre de 1 à 3 %. Les
réactions anaphylactiques sont rares. La connaissance de l’immunogénicité des céphalosporines est plus limitée que celle des
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pénicillines, et la question demeure du risque de prescrire une
céphalosporine chez un patient avec antécédent d’allergie à la
pénicilline (2, 5). Un patient aux antécédents avérés d’allergie à
la pénicilline a huit fois plus de risques de voir se déclencher une
allergie aux céphalosporines qu’un patient sans antécédent allergique (4, 5). Les pourcentages de réactions croisées pénicillinescéphalosporines communément admis sont de 5 à 10 %. C’est
pourquoi il est important chez ces patients de mener un interrogatoire complet et, le cas échéant, d’effectuer des tests cutanés
aux pénicillines. Les tentatives de mise au point de tests cutanés
avec les céphalosporines se sont révélées infructueuses et les
tests avec la molécule mère ont une valeur prédictive limitée (2,
5). En revanche, les patients ayant des tests cutanés négatifs aux
pénicillines n’ont pas plus de risques que la population générale
de développer des réactions allergiques aux céphalosporines.
Ces informations sont reprises dans le RCP des céphalosporines à la rubrique “Mises en garde”, où il est précisé que “l’allergie
aux pénicillines étant croisée avec celle aux céphalosporines dans
5 à 10 % des cas, l’utilisation des céphalosporines doit être extrêmement prudente chez les patients pénicillinosensibles”.
Parmi les bêtalactamines, on peut distinguer l’aztréonam, monobactam (structure chimique à un seul cycle). Cette molécule
est proposée par Parmar et Nasser (6) chez des patients atteints
de mucoviscidose et présentant des prick-tests positifs aux pénicillines. Cependant, l’aztréonam partage avec la ceftazidime une
chaîne latérale identique, et des cas isolés de réactions croisées
entre ces deux molécules ont été rapportés. Il convient donc,
selon le RCP de l’aztréonam, d’utiliser cette molécule avec une
grande prudence chez les patients présentant une hypersensibilité aux bêtalactamines.
Chez les patients ayant présenté une réaction anaphylactique à
une bêtalactamine, il convient donc de proscrire toutes les bêtalactamines, compte tenu du risque d’allergie croisée entre les
molécules de toute la classe. Il est ensuite conseillé de prévoir un
bilan allergologique, afin de confirmer le diagnostic, de définir
une liste des médicaments à risque et de proposer le cas échéant
un test de réintroduction ou une désensibilisation sous stricte
surveillance médicale.
Maladie pseudo-sérique
Il s’agit d’un effet indésirable d’apparition retardée par rapport
au début du traitement. La maladie pseudo-sérique survient
essentiellement chez de jeunes enfants (âge ≤ 6 ans) traités
par céfaclor et par les céphalosporines de première génération proches (4, 7). Elle se manifeste au plan clinique par une
urticaire, de la fièvre et des arthralgies dans un délai d’environ
une semaine après le début du traitement (7). L’évolution est
spontanément favorable. La molécule en cause est alors contreindiquée chez le patient, mais sans contre-indication de la classe
des bêtalactamines (4). La survenue de cet effet serait expliquée
par un déficit héréditaire sur la voie métabolique hépatique du
céfaclor (2, 7). Des tests cutanés peuvent être envisagés, de type
patch-test à lecture retardée (48-72 heures) (4).
144
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Dans la série décrite par King et al. (7) sur la période allant du
1er janvier au 31 décembre 1997, le céfaclor était associé à 84 %
des maladies pseudo-sériques attribuables à un traitement antibiotique par voie orale, et cette caractéristique a été confirmée
dans le reste du monde. Les auteurs observaient sur la même
période une sous-notification de cet effet indésirable auprès du
système de pharmacovigilance (Adverse Drug Reactions Advisory Committee [ADRAC] Australia) : cet effet étant maintenant
bien reconnu avec le céfaclor, il est sans doute moins notifié par
les professionnels de santé, ce qui entraîne une sous-estimation
de son incidence au sein de la population pédiatrique traitée par
céfaclor.
FLUOROQUINOLONES (tableau I)
Les “nouvelles” fluoroquinolones, à savoir ciprofloxacine,
norfloxacine, ofloxacine, péfloxacine, puis sparfloxacine, ont
été mises sur le marché dans les années 1990. L’utilisation
de cette classe d’antibiotiques à large spectre antibactérien,
offrant une alternative possible aux bêtalactamines et semblant
bien tolérée, a été d’emblée importante. Toutefois, après quelques années de commercialisation, des effets indésirables sont
apparus en notification spontanée et dans la littérature (8). En
France, l’Agence du médicament décida rapidement une analyse
des cas notifiés avec les fluoroquinolones du début de leur commercialisation au 31 décembre 1993. Plus tard, la sparfloxacine
fut intégrée à l’enquête (8). Un profil d’effets indésirables des
fluoroquinolones s’est dégagé avec des particularités propres à
certaines molécules, qui seront détaillées plus loin. Des troubles
neuropsychiatriques, des atteintes tendineuses, des photosensibilisations et des troubles cardiaques sont décrits (8, 9). Des
réactions plus rares d’hypersensibilité immunomédiées ont
aussi été rapportées en notification spontanée (9). Ces effets indésirables, maintenant attendus pour toute la classe, sont suivis
pour toutes les molécules mises sur le marché depuis l’enquête
initiale, comme la lévofloxacine, la moxifloxacine, la trovafloxacine et la grépafloxacine.
Certains de ces effets indésirables sont expliqués par la structure
chimique des fluoroquinolones (figure 2). Par exemple, la phototoxicité est influencée par la nature d’une substitution présente pour la sparfloxacine et absente pour des molécules comme
la moxifloxacine, pour laquelle ces réactions semblent peu fréquentes (1, 9). Les fluoroquinolones trifluorées (trovafloxacine,
témafloxacine) sont à haut risque de réactions immunomédiées,
ce qui a été confirmé par l’apparition d’atteintes hépatiques sévères sous trovafloxacine, rapidement après son obtention d’AMM,
et a conduit les autorités de santé à retirer ce médicament du
marché (1). Ces informations sur la relation structure-toxicité
sont donc importantes pour anticiper la toxicité des molécules
en développement.
Les trois types d’effets indésirables envisagés ici sont les tendinopathies, la phototoxicité et la cardiotoxicité.
.../...
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bronchodilatateur anticholinergique de longue durée d’action en 1 prise par jour (1)
Dénomination et forme pharmaceutique* : SPIRIVA® 18 microgrammes, poudre pour inhalation en gélule. Composition* : 18 microgrammes de tiotropium (soit 22,5 microgrammes sous forme de bromure de
tiotropium monohydraté). La dose délivrée à l’embout buccal du dispositif HandiHaler® est de 10 microgrammes de tiotropium. Excipient à effet notoire : lactose monohydraté (qui contient des protéines de lait). Indications
thérapeutiques : Le tiotropium est indiqué comme traitement bronchodilatateur continu destiné à soulager les symptômes des patients présentant une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Posologie et
mode d’administration* : La posologie recommandée de bromure de tiotropium est l’inhalation du contenu d’une gélule une fois par jour à heure fixe dans la journée. La poudre de bromure de tiotropium contenue dans la
gélule devra être inhalée uniquement à l’aide du dispositif HandiHaler®. Ne pas dépasser la dose recommandée. Ne pas avaler les gélules. Sujets âgés : le bromure de tiotropium peut être utilisé chez les sujets âgés à la dose
recommandée. Insuffisance rénale, insuffisance hépatique : le bromure de tiotropium peut être utilisé à la dose recommandée. Utilisation pédiatrique : La tolérance et l’efficacité du bromure de tiotropium sous forme de poudre pour
inhalation en gélule, n’ont pas été établies en pédiatrie. Par conséquent, son utilisation est déconseillée chez les patients de moins de 18 ans. Contre-indications : Antécédents d’hypersensibilité (allergie) au bromure de
tiotropium, à l’atropine ou à ses dérivés (ipratropium ou oxitropium), ou au lactose (excipient). Mises en garde spéciales et précautions particulières d’emploi*. Interactions avec d’autres médicaments
et autres formes d’interaction*. Grossesse et allaitement*. Effets sur l’aptitude à conduire des véhicules et à utiliser des machines*. Effets indésirables*. Surdosage*. Propriétés
pharmacodynamiques* : Anticholinergiques. Propriétés pharmacocinétiques*. Données de sécurité précliniques*. Liste I – Médicament soumis à prescription médicale. Boîte de 30 gélules + dispositif
HandiHaler® CIP 368 692.0 - 46,17 - CTJ : 1,54 - Agréé Coll - Remboursé Sec Soc à 65 %. Date de mise à jour du texte : 31/03/06. Titulaire : Boehringer Ingelheim International GmbH (Allemagne).
Représentant local : Boehringer Ingelheim France S.A.S., 37-39 rue Boissière, 75116 Paris. Information médicale : 03 26 50 45 33. *Pour une information complète, consulter le dictionnaire Vidal.
** Bronchopneumopathie Chronique Obstructive.
(1) RCP SPIRIVA ®.
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- Boehringer Ingelheim France SAS - SPY 166 - 06-179 - 05/06.
er
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Influence la phototoxicité
et la génotoxicité
Pas d’effet
R5
Contrôle la chélation,
O interaction avec antiacides
O
F
Contrôle les liaisons au récepteur
GABA, influence les IAM
R7
C
X6
Contrôle la phototoxicité,
influence les interactions
médicamenteuses (IAM)
R2
N
R1
OH
Pas d’effet
Contrôle la génotoxicité,
l’interaction avec la théophylline
Figure 2. Relations structure-toxicité des fluoroquinolones (1).
Fluoroquinolones et tendinopathies
Le risque d’atteinte tendineuse a initialement émergé grâce à la
notification spontanée sur la péfloxacine, pour laquelle les cas
rapportés de tendinites, principalement sur le tendon d’Achille,
étaient plus nombreux qu’avec les autres fluoroquinolones (810). La fréquence estimée lors de l’enquête française de pharmacovigilance était pour la péfloxacine d’un cas par 23130 jours
de traitement, alors qu’elle variait de 1/173600 à 1/799600 jours
de traitement pour ofloxacine, ciprofloxacine et norfloxacine
(10). Des facteurs de risque tels que l’âge supérieur à 60 ans et
la corticothérapie associée ont alors été identifiés. Les données
de pharmacovigilance ont ensuite montré que le même type
d’atteintes tendineuses survenait fréquemment avec l’isomère
lévogyre du racémique ofloxacine, la lévofloxacine, bien que la
fréquence de survenue ait été difficilement comparable à celle
de la péfloxacine (9, 11). Des données industrielles internationales de surveillance post-AMM rapportaient une fréquence
inférieure à quatre cas de rupture tendineuse pour un million
de prescriptions (12). Les données recueillies en France au cours
des dix premiers mois de commercialisation de la lévofloxacine
montraient que les tendinites concernaient en majorité le tendon d’Achille, et pouvaient conduire à une rupture tendineuse
(30 % des cas). Les tendinites pouvaient survenir en 48 heures
après le début du traitement et devenir bilatérales. Les facteurs
de risque, âge et corticothérapie associée, majoraient nettement
le risque. Il en est résulté une mise en garde dans le RCP de la
lévofloxacine ainsi qu’une proposition d’adaptation des doses en
cas d’insuffisance rénale.
Fluoroquinolones et phototoxicité
Les fluoroquinolones exposent à un risque de phototoxicité
qui varie selon les molécules (9). Les atteintes cutanées, plus
ou moins sévères, vont du simple érythème solaire à la brûlure
(13). La sparfloxacine avait été mise sur le marché en septembre
1994 et suivie d’emblée par l’enquête de pharmacovigilance précédemment évoquée. Après huit mois de commercialisation, il
est apparu qu’elle était responsable de réactions phototoxiques
plus fréquentes et plus graves (nécessitant parfois une hospitalisation) que les autres fluoroquinolones (13). L’activité de la
sparfloxacine sur le pneumocoque ayant un intérêt en thérapeu146
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tique, la molécule était restée disponible dans des indications
très restreintes, avec mention dans le RCP de “proscrire toute
exposition au soleil, à la lumière vive et aux ultraviolets, pendant
le traitement et trois jours après la fin”. Aux problèmes cutanés
s’est ajouté le potentiel cardiotoxique de la sparfloxacine, ce qui
a conduit le titulaire de l’AMM à retirer son produit du marché
en février 2001.
Fluoroquinolones et cardiotoxicité
La prolongation de l’intervalle QT est un effet indésirable
désormais considéré comme un effet de classe des fluoroquinolones, mais qui avait été initialement observé avec la
sparfloxacine (9, 14). Ce trouble de la repolarisation expose au
risque de torsades de pointes, une tachyarythmie ventriculaire
potentiellement fatale (14). Ainsi, parallèlement au problème de
phototoxicité, le potentiel cardiotoxique de la sparfloxacine était
analysé en temps réel par un groupe d’experts dans les études
précliniques, les essais cliniques et les données de pharmacovigilance (15). Dès mai 1995, la contre-indication de la sparfloxacine
avec l’amiodarone en raison du risque d’allongement de l’intervalle QT était ajoutée au RCP. La grépafloxacine, enregistrée en
novembre 1997, a été retirée du marché en octobre 1999 pour
prolongation de l’intervalle QT (7 décès en Allemagne) (1).
Comme la sparfloxacine, la moxifloxacine, disponible en France
depuis 2002, a montré une tendance à allonger l’intervalle QT
dans les phases précoces de son développement (9, 14). Selon le
RCP de la moxifloxacine, toute association avec un médicament
susceptible d’augmenter l’intervalle QT est contre-indiquée. La
firme commercialisant le produit a, par ailleurs, obligation de
mener des études de sécurité (phases IV) sur son produit, afin
de détecter très précocement tout événement cardiovasculaire
grave (14).
MACROLIDES (tableau I)
Les macrolides représentent une classe d’antibiotiques homogène dans ses indications. Ils constituent également une alternative pour les germes sensibles en cas d’allergie aux bêtalactamines (16). Outre les troubles gastro-intestinaux retrouvés pour
la majorité des molécules, les effets indésirables découlent du
potentiel de certains macrolides à allonger l’intervalle QT et à
entraîner des interactions médicamenteuses cliniquement significatives, les deux étant souvent liés (1, 17). Récemment mise sur
le marché, la télithromycine, un dérivé de l’érythromycine, présente certaines caractéristiques décrites plus loin.
Intervalle QT et interactions médicamenteuses
Les macrolides représentent la majorité des médicaments impliqués dans la survenue de torsades de pointes, principalement
l’érythromycine et la clarithromycine (14, 17). D’une part, le potentiel d’allongement du QT est intrinsèque à la molécule ; interviennent alors la pharmacocinétique du produit (dose, voie
d’administration, distribution…) et les capacités métaboliques
et d’élimination du patient. D’autre part, l’impact des macroliLa Lettre du Pneumologue - Vol. IX - n° 4 - juillet-août 2006
25/09/06 12:33:39
des sur l’intervalle QT peut également résulter de l’inhibition
du métabolisme, par le cytochrome P450 3A4 (CYP3A4), d’un
médicament prolongeant le QT à fortes concentrations plasmatiques (exemple : cisapride) (14, 17). Les cas rapportés de torsades de pointes en post-marketing révèlent la coprescription des
macrolides avec des médicaments contre-indiqués ou l’existence
de facteurs de risque connus comme les antécédents cardiovasculaires, une hypokaliémie, une hypomagnésémie ou l’existence
d’un QT long (congénital ou acquis).
CH3
X
HO
HO
C14
C16
C15
Molécule
Potentiel d’IAM
Érythromycine
Troléandomycine
Clarithromycine
Roxithromycine
++
++
+
+
Josamycine
Midécamycine
Spiramycine
+
+
–
Azithromycine
±
Potentiel d’IAM (corrélé au potentiel d’inhibition du CYP3A4) : ++ important + modéré - inexistant
La télithromycine
La FDA a demandé, comme pour la moxifloxacine, un suivi
particulier de pharmacovigilance pour la télithromycine, dérivée de l’érythromycine A et présentée comme le premier représentant de la nouvelle classe des kétolides. La télithromycine
possède un potentiel d’allongement du QT, sans conséquence
clinique à ce jour, et surtout un puissant effet inhibiteur du
CYP3A4 (14, 16). Le RCP de la télithromycine, mise sur le
marché français en septembre 2002, fait donc apparaître les
contre-indications de l’érythromycine, dont l’association avec
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6
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O
2
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CH3
O
CH3
O
CH3
O H
3
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14
R2
H
O
O
OH
8
9
7
10
6
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4
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3
13
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15
OR
CH3
O
2
1
CH3
OR
N
O
H3C
OH
Macrolides à 16 carbones.
Exemple : spiramycine
OCH3
CH3
C
N
12
13
8
OCH3
7
6
5
1
N
N
Kétolides : télithromycine
CH3
4
O O
O
H
CH3
O
N
9
10
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14
O
OR3
O
CH3
CH3
OR2
CH3
CH3
O
O
O
OCH3
CH3
CH3
CH3
R1O
CH3
CH3
Macrolides à 14 carbones.
Exemple : érythromycine
Tableau II. Structure chimique et potentiel d’interactions médicamenteuses (IAM) des principaux macrolides.
Structure chimique
OR
CH3
7
10
11
CH3
Le risque d’interactions médicamenteuses dépend partiellement
de la structure moléculaire des différents macrolides (figure 3).
L’interaction se situe au niveau de l’inhibition du pouvoir catalytique du CYP3A4 et pourrait s’expliquer par l’encombrement
stérique sur la fonction amine tertiaire présente dans cette classe
antibiotique. Ainsi, l’accessibilité de la fonction amine des macrolides à noyau lactone à 14 carbones (dont l’érythromycine) expliquerait la fréquence élevée d’interactions médicamenteuses (1).
Cependant, cette hypothèse n’est certainement pas univoque car
trois groupes de macrolides, non superposables à la classification
chimique, sont définis en fonction de leur potentiel inhibiteur du
CYP3A4 (important, modéré, inexistant), et donc de leur potentiel d’interactions médicamenteuses (tableau II). Les études d’interactions médicamenteuses, qui se font in vitro et in vivo sur des
sujets sains, comportent des limites d’extrapolation. Les données
in vitro ne prennent pas en compte la variabilité interindividuelle
d’origine génétique qui existe sur le potentiel métabolique du CYP3A4, et les données cliniques sur les sujets sains ne prennent pas
en compte les comorbidités et coprescriptions : pour les macrolides également, le suivi post-marketing est indispensable pour
détecter d’éventuelles interactions médicamenteuses (16, 18).
8
9
CH3
CH3
N
R1
CH3
Mise au point
M ise au point
2
O
3
O
O
CH3
CH3
CH3
CH3
Figure 3. Structure chimique des macrolides et des kétolides (16).
les médicaments allongeant le QT et les statines métabolisés
par le CYP3A4, l’existence d’un QT long.
Outre ces effets attendus, la télithromycine a été responsable de
cas d’aggravation de myasthénie. L’Agence française de sécurité
sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) a diffusé un communiqué de presse en avril 2003 décrivant une aggravation de faiblesse musculaire, une dyspnée et une insuffisance respiratoire
dans les heures suivant la première prise et pouvant mettre en
jeu le pronostic vital. Le mécanisme de cet effet reste inconnu,
mais la télithromycine est désormais déconseillée chez le patient
myasthénique (19).
147
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Mise au point
M ise au point
TÉTRACYCLINES (tableau I)
Effets indésirables généraux
Une revue assez récente collige les données de sécurité d’emploi
des cyclines utilisées dans l’acné (20). Les effets indésirables les
plus fréquemment cités sont listés dans le tableau III. La minocycline est la molécule le plus souvent citée. Elle peut être responsable d’atteintes auto-immunes de type lupus, de survenue
tardive au cours du traitement, la durée du traitement (> 3 mois)
ressortant comme principal facteur de risque. La minocycline
a également fait l’objet d’une enquête de pharmacovigilance
concernant la survenue d’un syndrome d’hypersensibilité ou
“DRESS” (Drug Rash with Eosinophilia and Systemic Symptoms).
À l’issue de cette analyse, la mention “De très rares réactions
d’hypersensibilité graves avec atteinte polyviscérale ont été rapportées, imposant l’arrêt immédiat et définitif du médicament.
La symptomatologie peut comporter : fièvre, éruption cutanée,
adénopathies, hyperéosinophilie, atteintes viscérales (essentiellement hépatiques, pulmonaires, myocardiques ou rénales)” a été
intégrée à la rubrique “effets indésirables” du RCP des spécialités
contenant de la minocycline. L’évolution de cet effet est en général favorable, parfois après corticothérapie.
Tableau III. Effets indésirables décrits lors de l’utilisation des cyclines
dans l’acné (20).
Maladies systémiques : lupus induit, hépatite auto-immune, vascularite
Réactions d’hypersensibilité (DRESS)
Pseudo-maladies sériques
Hypertensions intracrâniennes
Pigmentations anormales (peau, ongles, cavité buccale, œil, organes)
Ulcérations œsophagiennes sous doxycycline
Parmi les causes médicamenteuses d’ulcérations œsophagiennes, on trouve les antibiotiques, et principalement la doxycycline (21). Cette molécule a en effet une action cytotoxique et la
nature de son principe actif est irritante (pH acide de la solution
aqueuse) (21). Les facteurs favorisant la survenue des ulcérations sont la forme “gélule” (incidence treize fois plus importante qu’avec les comprimés) et le non-respect des conditions de
prise : absorption avec une quantité d’eau suffisante, en position
debout et au moins une heure avant de s’allonger (22). C’est pour
cette raison que la doxycycline sous forme de gélules a été retirée
du marché.
CONCLUSION
Les exemples évoqués ci-dessus montrent l’importance du suivi
des antibiotiques dès lors qu’ils sont disponibles à la prescription de médecine courante, ce d’autant que certains problèmes
sont détectés ou attendus dès les premières phases de développement. Parallèlement aux problèmes de résistance bactérienne,
l’incidence de survenue d’effets indésirables rares peut être évaluée lors d’études de sécurité d’emploi en post-AMM. Il est alors
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possible de déterminer le degré de risque dans une large population traitée par l’antibiotique et d’envisager éventuellement des
mesures réglementaires, afin que le rapport bénéfice/risque de
l’antibiotique reste positif. Pour être capable de prévenir ces effets indésirables graves, potentiellement létaux, il est important
d’essayer de comprendre leur mécanisme de survenue et d’identifier les facteurs de risque. Le polymorphisme génétique peut
en partie rendre compte de la différence de sensibilité entre les
sujets. Le développement de la pharmacogénomique permettra
peut-être à l’avenir de déterminer les patients à risque de survenue d’effets indésirables, pour le moment imprévisibles et pouvant entraîner le retrait du marché d’antibiotiques au spectre
antibactérien intéressant.
N
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La Lettre du Pneumologue - Vol. IX - n° 4 - juillet-août 2006
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