E N U N E R É F É R E N C E . . . I nfarctus du myocarde : la thrombolyse en question pour les sujets âgés RÉFÉRENCE Thrombolytic therapy in older patients. Berger AK, Radford MJ, Wang Y, Krumholz HM. ❏ J Am Coll Cardiol 2000 ; 36 : 366-74. LE FOND À partir des données du Cooperative Cardiovascular Project (CCP), cette étude rétrospective compare le devenir de 37 983 patients âgés de 65 ans ou plus, admis pour infarctus du myocarde lors des 12 premières heures, et traités par thrombolyse (14 341 patients soit 37,8 %), ou angioplastie primaire (1 599 patients soit 4,2 %), ou abstention de ces méthodes de reperfusion (22 043 patients soit 58 % ). Le délai moyen entre l’arrivée à l’hôpital et la mise en œuvre du traitement est de 62 mn pour la thrombolyse et de 131 mn pour l’angioplastie. Après ajustement des variables, seul le recours à l’angioplastie primaire est associé à une amélioration de la survie à 30 jours par rapport au groupe non traité par thrombolyse ou angioplastie (rapport des cotes = 0,79 contre 1,01 pour la thrombolyse). En particulier, l’analyse en sous-groupes constate un rapport des cotes > 1 au détriment de la thrombolyse pour les patients les plus âgés (≥ 75 ans) et les femmes. À un an, thrombolyse et angioplastie primaire sont associées à une réduction de mortalité (rapports des cotes respectifs = 0,84 et 0,71). Par rapport au groupe “non perfusé”, les patients thrombolysés ont un taux plus élevé d’hémorragie intracrânienne (1,5 % contre 0,1 %, p = 0,001) et d’accidents vasculaires cérébraux (3,1 % contre 2,7 %, p = 0,07). Ils sont aussi davantage exposés à des revascularisations ultérieures par angioplastie coronaire ou pontage aorto-coronaire. COMMENTAIRES L’efficacité de la thrombolyse lors des premières heures d’un infarctus du myocarde a été moins assurée pour les sujets âgés que pour leurs cadets. Or, les patients de plus de 75 ans constituent actuellement près du tiers des sujets admis pour infarctus du myocarde aigu, proportion amenée à croître avec l’espérance de vie... L’étude analysée comporte un large échantillon de la population américaine concernée (données du CCP) ; elle a l’inconvénient d’être rétrospective, non randomisée, et de comparer des groupes de patients d’importance inégale (on peut être étonné de constater que la majorité des patients ont été admis dans des délais précoces et qu’ils n’ont pas été reperfusés). Contrairement à ce qui est observé après angioplastie primaire, les résultats objectivent l’absence de réduction de mortalité à 30 jours, avec des accidents hémorragiques centraux plus fréquents après thrombolyse pour ces patients d’âge ≥ 65 ans. Les classes d’âge les plus élevées (≥ 75 ans) et les femmes paraissent les plus touchées par des effets délétères de la thrombolyse (rapports des cotes > 1). Ces conclusions rejoignent celles d’une publication récente également issue du CCP (Lack of benefit for intravenous thrombolysis in patients with myocardial infarction who are older than 75 years. Thiemann et al. Circulation 2000 ; 101 : 2239-46). Cette étude rétrospective non randomisée concerne une cohorte de 7 864 patients âgés de 65 à 86 ans. Pour les sujets âgés de 65 à 75 ans, la thrombolyse est associée à une amélioration de survie à 30 jours ; à l’inverse, audelà de 75 ans, on observe une majoration du taux de décès (Hazard ratio = 1,38, p = 0,003), en particulier pour les femmes (Hazard ratio = 1,60), que l’on sait plus exposées au risque hémorragique cérébral. Est-il licite de thrombolyser les patient(e)s de plus de 75 ans ? En l’absence d’études randomisées permettant d’établir une conclusion définitive, l’éditorial de J.Z. Ayanian et E. Braunwald (Thrombolytic therapy for patients with myocardial infarction who are older than 75 years : do the risks outweigh the benefits ? Circulation 2000 ; 101 : 2224-6) rappelle que l’âge représente un marqueur de facteurs physiopathologiques sous-jacents et de comorbidité, dont le médecin avisé doit tenir compte dans sa décision thérapeutique. BIBLIOGRAPHIE : Sont annexées 24 références, dont les recommandations 1996 sur la prise en charge des infarctus du myocarde aigus (ACC/AHA) - référence 1 -, des travaux analysant les résultats de la thrombolyse en relation avec l’âge des patients (Berger et al., JAMA 1999 - référence 5 - ; Gurwitz et al., Ann Intern Med 1996 - référence 6). MOTS-CLÉS : Infarctus du myocarde - Thrombolyse - Angioplastie coronaire primaire - Sujets âgés. TIRÉ À PART : Dr HM Krumholz, Yale University School of Medicine, 333 Cedar St, PO Box 208025, New Haven, Connecticut 06520-8025, États-Unis. E-mail : [email protected]. C. Adams, service de cardiologie, CH Argenteuil 30 La Lettre du Cardiologue - n° 343 - mars 2001