La surveillance des maladies rares L'exemple du réseau FranceCoag FranceCoag est la cohorte française des patients porteurs d’un déficit héréditaire des protéines coagulantes, dont l’hémophilie A et B. Cette cohorte a été mise en place en 1994 par une unité Inserm (EMI0214 - U720) puis transférée au 1/1/2004 à l’InVS. La place de population "sentinelle" de l’hémophilie dans les premières années de la pandémie VIH souligne l’intérêt de la surveillance épidémiologique d’une maladie rare pour tout le champ de la santé publique. Au printemps 2006, la première analyse de l’ensemble des informations collectées par FranceCoag a été rendue publique. La cohorte, qui repose sur le suivi de 4 018 patients enregistrés en octobre 2005, ayant fait l’objet d’un total de 14 176 visites de suivi, venant de 43 centres français, a permis d’analyser plusieurs indicateurs de santé pour cette population (figure). Les premières données de cette cohorte concernent les circonstances et l’âge du Tableau diagnostic, montrant que celui-ci est d’autant plus précoce dans la vie que le déficit est sévère. La prise en charge des patients est analysée en fonction du type de déficit, de sa sévérité et de la génération de naissance. La fréquence globale d’inhibiteur (anticorps contre le facteur de la coagulation représentant la complication aujourd’hui la plus sévère du traitement) dépend du type de déficit et de sa sévérité et atteint 25 % dans l’hémophilie A sévère, mais 7 % dans l’hémophilie B sévère et 8 % dans l’hémophilie A modérée (tableau). Les contaminations par le virus de l’hépatite C (VHC) et le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), dont aucune n’est survenue depuis la sécurisation des médicaments dérivés du sang, concernent principalement les patients hémophiles A et B sévères, dont près de 50 % des patients sont séropositifs pour le VHC et près de 15 % sont porteurs du VIH (tableau). Découverte d’inhibiteurs et infection par le VIH et par le VHC selon le déficit Patient ayant développé un inhibiteur (%) Patients infectés par le VIH (%) Patients infectés par le VHC (%) Co-infectés par le VIH et le VHC (%)* Sévère (n=1 306) 25,8 20,1 50,3 20,1 Modérée (n=521) 7,9 8,2 47,8 8,3 Mineure (n=1 074) 5,1 1,7 22,1 1,7 14,9 11,2 39,4 11,1 Sévère (n=229) 7,0 15,7 57,2 15,3 Modérée (n=193) 0,5 5,7 36,8 5,7 Mineure (n=183) - 3,3 21,8 2,3 2,8 8,8 40,0 8,4 Hémophilie A Total (n=2 901) Hémophilie B Total (n=605) * 98 % des patients infectés par le VIH sont co-infectés par le VHC. Figure Répartition des inclusions par pathologie B B B B 2 901 (72 %) 1 306 (32 %) Hémophilie A 521 (13 %) 1 074 (27 %) 605 (15 %) 229 (6 %) 193 (5 %) 183 (4 %) Hémophilie B 375 (9 %) Déficit en Facteur Willebrand 137 (3 %) Autres DHPC 0 16 500 Rapport annuel 2006 — Institut de veille sanitaire 1000 1500 2000 2500 3000 3500 Effectif Total Sévère Modérée Mineure Le réseau FranceCoag rassemble ainsi des informations cruciales pour la surveillance sanitaire, mais aussi indispensables pour les évaluations pharmaco-épidémiologiques, la recherche fondamentale, la recherche médico-économique. L’analyse des données françaises a permis de faire une évaluation de l’exhaustivité du recrutement de cette cohorte estimée à 70 % des patients vivants fin 2005, en très nette progression dans les trois dernières années. L’exhaustivité du recrutement, indispensable pour que les indicateurs surveillés ne soient pas biaisés, est désormais un objectif possible pour ce réseau et, dans ce but, une aide pour le monitoring des dossiers a été déployée. L’implication de l’InVS dans la gestion de cette cohorte apporte un éclairage, au-delà des pathologies de la coagulation, sur la problématique plus générale de la surveillance des maladies rares (prévalence inférieure à 1 patient sur 2 000 habitants) qui font l’objet d’un plan de santé publique dont l’axe 1 est la surveillance épidémiologique. Les objectifs d’un système de surveillance des maladies rares se distinguent de ceux des pathologies infectieuses épidémiques ou des maladies chroniques accessibles à la prévention (cancer, maladies cardio-vasculaires, diabète). Ainsi, l’incidence de ces maladies est dans la grande majorité des cas fixée par leur origine génétique et ne constitue pas un objectif prioritaire de surveillance. Les enjeux sont ici l’évaluation de l’accès au diagnostic (qui conditionne l’accès aux soins), de la prise en charge et des complications de la maladie, dans la mesure où celles-ci conditionnent l’état de santé des patients. Le dispositif FranceCoag, proche d’un registre et comportant un suivi longitudinal des patients, représente un investissement au long cours et à un coût par patient nécessairement plus important que pour un registre de cancer ou d’infarctus. L’extension de tels systèmes à d’autres pathologies rares doit faire l’objet d’une réflexion globale sur les indicateurs de santé à recueillir en priorité et pour quelles maladies, notamment en fonction de la prévalence, de la mortalité prématurée entraînée, de l’intérêt d’un diagnostic précoce, de la possibilité d’une action thérapeutique pour augmenter l’espérance de vie, de la possibilité de conseil génétique. Cette réflexion est en cours à l’InVS. Les informations retenues comme étant les plus pertinentes seront alors recueillies, soit à partir de systèmes existants (bases médico-administratives telles que le Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI), les données de l’assurance maladie, les certificats de décès), soit de novo. Les centres de référence et les réseaux de soins seront les partenaires incontournables de ce dispositif. Institut de veille sanitaire — Rapport annuel 2006 17