Reportage

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Reportage
P. Gras*, T. Moreau** et l’ensemble des neurologues bourguignons
En bourgogne, la pénurie médicale ne
simplifie pas la prise en charge de
pathologies complexes, telles que la
sclérose en plaques (SEP) dans le
champ neurologique. Plusieurs dysfonctionnements peuvent apparaître
dans la prise en charge de la SEP : un
retard au diagnostic par manque de
praticiens entraînés ou sensibilisés à
cette affection, un manque de standardisation dans les pratiques de diagnostic et de traitement, un suivi problématique lié à l’éloignement rendant
difficile le diagnostic et le traitement
des poussées ou de complications
telles que la spasticité, la fatigue ou
les troubles sphinctériens. Le recours à
des spécialistes de rééducation fonctionnelle en ce qui concerne les appareillages, les aides techniques ou les
aménagements de domicile, est en
général très difficile, voire impossible
à mettre en place. L’isolement de certains patients se traduit également
dans le domaine social avec un
manque d’information constant
concernant les aides sociales possibles, les adaptations professionnelles
ou l’obtention d’allocations.
Élaboration du projet
de Réseau
C’est ce constat qui a conduit l’ensemble des neurologues bourguignons, à réfléchir à la mise en place
* Dijon.
** Thibault Moreau est professeur de
neurologie au CHU de Dijon, il est viceprésident de l’ARSEP (Association de
recherche contre la sclérose en plaques).
Act. Méd. Int. - Neurologie (4) n° 3, avril 2003
d’un Réseau destiné à améliorer la
prise en charge dans chacune de ses
composantes. Les premières réunions
ont débuté en septembre 2001 et se
sont poursuivies jusqu’en janvier 2002
pour aboutir à un projet de réseau soumis avec succès à l’URCAM en mars
2002 dans le cadre du FAQSV (fonds
d’aide à la qualité des soins de ville).
Les travaux ont débuté par la réalisation d’une enquête auprès de l’ensemble des acteurs confrontés à la
SEP : les médecins (du neurologue au
médecin généraliste en passant par le
rééducateur fonctionnel), les patients
et les associations de patients. Une
collaboration étroite s’est progressivement développée entre les neurologues : hospitalo-universitaires, hospitaliers généraux et libéraux, avec
une représentation de chacun dans les
différentes réunions.
Un projet a été progressivement élaboré et discuté en fonction des opinions librement exprimées pour aboutir à un véritable plan d’amélioration
de la prise en charge de la SEP dans
les quatre départements. Une charte a
été signée par l’ensemble des neurologues bourguignons, confirmant leur
adhésion au projet.
Ce plan d’amélioration se donne pour
objectif une prise en charge spécifique
(personnel médical ou paramédical
informé et sensibilisé à chacun des
stades de la maladie), multidisciplinaire, exploitant les ressources de l’ensemble des professionnels de santé,
actualisée en termes d’évaluation régulière des pratiques et d’applications
précoces des techniques innovantes de
diagnostic ou de traitement et de proximité, devant offrir à tous les patients
bourguignons la même garantie de
L
a Bourgogne est, en
termes de superficie, l’une
des régions les plus étendues de France. Elle regroupe
quatre départements – la Côted’Or, la Nièvre, la Saône-et-Loire
et l’Yonne – et compte près de
2 millions d’habitants. Les densités
de population sont très hétérogènes ; la démographie médicale
suit cette répartition, en particulier en ce qui concerne la neurologie : seulement 25 neurologues exercent dans cette
grande région et sont préférentiellement regroupés autour des
grandes villes. La pénurie se
manifeste de façon analogue
dans les autres spécialités médicales (ophtalmologistes, rééducateurs fonctionnels, urodynamiciens) mais également dans les
professions paramédicales (masseurs-kinésithérapeutes, infirmières libérales).
qualité, quel que soit leur lieu de vie.
Ce projet associe, sur le plan réglementaire, des actions de promotion et
de coordination entre professionnels
libéraux d’une part et entre la
médecine de ville et la médecine
hospitalière d’autre part. Il concourt à
l’amélioration des pratiques professionnelles au travers du développement et de la diffusion de référentiels
communs. Enfin, il assure le partage
des informations par la mise en place
de procédures et d’outils de communication.
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Reportage
Le Réseau bourguignon
de la sclérose en plaques
T. Moreau
Organisation pratique du
Réseau
Trois directions ont été privilégiées
pour débuter les activités du Réseau.
Activités de soins
La Clinique bourguignonne de la SEP
est ouverte depuis septembre 2002.
Elle est destinée à offrir à chacun des
patients une prise en charge pluridisciplinaire des complications de la SEP,
particulièrement destinée à ceux
vivant dans des zones isolées sur le
plan médical ou paramédical. Les
patients sont adressés par leur neurologue traitant et peuvent bénéficier de
l’avis des différents spécialistes de la
Clinique bourguignonne qui regroupe
un neurologue, un ophtalmologiste, un
rééducateur fonctionnel, un psychiatre, un ophtalmologiste, un urodynamicien et un neuropsychologue. Le
patient peut également bénéficier d’un
entretien avec une assistante sociale et
bientôt avec un médecin du travail. À
l’issue du passage à la Clinique, une
stratégie de prise en charge des complications sera proposée au neurologue traitant adresseur ainsi qu’au
médecin généraliste. Localement, les
intervenants spécialisés assureront
l’application des conseils proposés par
la consultation pluridisciplinaire.
La Clinique bourguignonne de la SEP
fonctionne un jour par semaine et
pourra bientôt accueillir 8 à 10 patients
à chaque séance.
Les premiers résultats sont très encourageants et apportent souvent au neurologue traitant un éclairage nouveau sur sa
prise en charge des patients. Les patients
manifestent également leur satisfaction
de pouvoir bénéficier en un seul déplacement de plusieurs avis spécialisés.
La Clinique bourguignonne de la SEP
est le fruit d’une étroite collaboration
entre le Réseau bourguignon de la
SEP, subventionné par l’URCAM, le
centre hospitalier universitaire et l’industrie pharmaceutique, participant
tous au financement du projet.
Act. Méd. Int. - Neurologie (4) n° 3, avril 2003
Activités de formation
Un programme de formation s’est progressivement mis en place dans les
quatre départements de la région destinés aux médecins généralistes ou
spécialistes (ophtalmologistes, gynécologues), aux pharmaciens, aux personnels paramédicaux (kinésithérapeutes et infirmières libérales) et aux
représentants des associations de
patients. Deux fois par an des réunions
sont tenues dans chacun des départements pour informer des nouveautés
sur la maladie, pour redéfinir les
grands principes de prise en charge et
pour créer de véritables réseaux. Une
grande réunion d’information sera proposée aux patients tous les deux ans,
associant des exposés didactiques consacrés aux grandes nouveautés de la
recherche et des travaux en ateliers, permettant un échange plus étroit entre les
patients et les neurologues. La deuxième
réunion de ce type a eu lieu le 14 décembre
dernier et a permis d’accueillir plus de
600patients. Dix-huit neurologues de toute
la région ont animé les ateliers, confirmant
leur implication dans le Réseau.
Activités de recherche
Un projet de recherche clinique fédérateur complète le dispositif du Réseau.
Une large enquête épidémiologique a
débuté en janvier 2003 dans la région
Bourgogne afin de déterminer les taux
d’incidence et de prévalence du grand
handicap liés à la SEP dans les quatre
départements. Tous les neurologues de
Bourgogne, quel que soit leur mode
d’exercice (libéral ou hospitalier), ainsi
que les autres spécialistes et médecins
généralistes, participeront à ce travail innovant en France. Des enquêtes similaires
seront réalisées dans les régions Auvergne
et PACA afin de comparer les résultats
selon des zones géographiques différentes.
Une diffusion du logiciel EDMUS auprès
de l’ensemble des neurologues hospitaliers et libéraux sera proposée, assortie
d’une formation adaptée qui pourra, à
moyen terme, favoriser le transfert et la
circulation d’informations standardisées
ouvrant la perspective d’études statistiques
très précises sur la SEP en Bourgogne.
Les neurologues libéraux sont, de plus,
largement associés au sein du CHU à
plusieurs essais thérapeutiques dans le
cadre de travaux internationaux multicentriques, offrant aux patients bourguignons l’opportunité de bénéficier de
thérapeutiques nouvelles, souvent onéreuses mais d’intérêt majeur.
Conclusion
Un constat d’inégalité dans la prise en
charge de la SEP en Bourgogne a donc
conduit l’ensemble des neurologues et
des spécialistes concernés par cette
maladie à définir, en collaboration avec
les patients et les associations, des
actions précises dont le but ultime est
l’amélioration globale de la prise en
charge de cette maladie invalidante. Les
firmes pharmaceutiques, le CHU de
Dijon, l’ARH de Bourgogne, et surtout
l’URCAM ont rendu possible le financement de ce projet.
Les premiers résultats sont encourageants mais, au-delà des effets d’annonce, l’efficacité, la crédibilité et la
pérennité du Réseau bourguignon de
la SEP dépendront de notre capacité à
susciter l’adhésion de l’ensemble des
patients et des acteurs de soins concernés par cette maladie en respectant
une nécessaire pluralité.
Constat régional :
inégalité de la prise
en charge de la SEP
Audit : interrogation
• Professionnels de santé
• Malades
• Associations de malades
Élaboration du Réseau
• Réunions entre professionnels
• FAQSV (URCAM Bourgogne)
Amélioration
des soins
Clinique bourguignonne de la SEP
(consultation
médico-sociale)
Formation
enseignement
Actualités de
recherche
– Neurologues
– Étude épidémiolo– Autres spécialistes
gique régionale
– Médecins généralistes – EDMUS étendu à
– Paramédical
tous les neurologues
Figure. Élaboration et mise en place du
Réseau Bourgogne.
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