Conduite à tenir devant un syndrome mononucléosique

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8-003-T-10
Conduite à tenir devant un syndrome
mononucléosique
N. Valin
Un syndrome mononucléosique est défini par une augmentation des éléments mononucléés du sang
(monocytes et lymphocytes) supérieure à 50 % de la lignée blanche sanguine et par la présence d’au
moins 10 % de grands lymphocytes hyperbasophiles. Les quatre étiologies principales à rechercher sont la
mononucléose infectieuse (MNI), la primo-infection à cytomégalovirus (CMV), la toxoplasmose acquise
et la primo-infection due au virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Il existe d’autres étiologies
infectieuses et non infectieuses, mais moins fréquentes. L’interrogatoire, l’examen clinique et les sérologies
spécifiques doivent permettre d’orienter le diagnostic étiologique. En dehors de l’infection à VIH, la plupart
de ces pathologies ont une évolution spontanément favorable et nécessitent un traitement spécifique
uniquement chez le patient immunodéprimé.
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Syndrome mononucléosique ; Epstein-Barr virus ; Cytomégalovirus ; Toxoplasmose ;
Primo-infection à VIH
Plan
■
Introduction
1
■
Étiologies d’un syndrome mononucléosique
Étiologies infectieuses
Étiologies non infectieuses
1
1
4
■
Conclusion
4
Introduction
Le diagnostic de syndrome mononucléosique est cytologique.
L’hémogramme retrouve classiquement une hyperleucocytose,
une lymphocytose absolue et parfois une neutropénie.
Le syndrome mononucléosique est défini par :
• une augmentation des éléments mononucléés du sang (monocytes et lymphocytes) supérieure à 50 % de la lignée blanche
sanguine ;
• la présence d’au moins 10 % de lymphocytes activés (taille augmentée et coloration basophile).
Le diagnostic se fait grâce à un frottis sanguin, coloré au MayGrünwald-Giemsa, qui doit être lu à l’œil nu. Le frottis sanguin
montre des lymphocytes polymorphes qui signent le syndrome
mononucléosique. On peut observer quatre types de lymphocytes
différents :
• des lymphocytes normaux ;
• de grandes cellules mononucléées, avec un cytoplasme hyperbasophile, de couleur bleutée, étendu, et un noyau excentré
non nucléolé ;
• des cellules lymphoïdes plus petites, proches des plasmocytes ;
• de grandes cellules nucléolées, à gros noyaux, pouvant évoquer
des lymphoblastes.
EMC - Maladies infectieuses
Volume 11 > n◦ 2 > mai 2014
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-8598(14)64839-0
Les grands lymphocytes hyperbasophiles sont des cellules
lymphocytaires T cytotoxiques stimulées en réponse à une agression infectieuse ou immunitaire. Ces lymphocytes peuvent avoir
différentes terminologies selon les laboratoires : « grands lymphocytes bleus », « grands lymphocytes hyperbasophiles », « cellules
mononucléées hyperbasophiles », « cellules hyperbasophiles »,
« grandes cellules mononucléaires bleutées », « lymphocytes activés », « lymphocytes atypiques ».
Les principaux diagnostics différentiels sont la leucémie aiguë
lymphoblastique, la leucémie lymphoïde chronique, la maladie de Waldenström et l’hyperlymphocytose physiologique chez
l’enfant. Cependant, les lymphocytes sont alors souvent monomorphes.
Étiologies d’un syndrome
mononucléosique
On distingue les causes infectieuses, les plus fréquentes, et les
causes non infectieuses (Tableau 1).
Étiologies infectieuses
Mononucléose infectieuse
Épidémiologie et physiopathologie
Le virus responsable de la mononucléose infectieuse (MNI)
est l’Epstein-Barr virus (EBV), virus à acide désoxyribonucléique
(ADN), de la famille des Herpesviridae. La transmission se fait essentiellement par la salive et nécessite un contact étroit (« maladie
du baiser »). La transmission sexuelle de l’EBV a récemment
été évoquée [1] . Il existe exceptionnellement une transmission
par transfusion ou par transplantation d’organe. On note deux
1
8-003-T-10 Conduite à tenir devant un syndrome mononucléosique
Tableau 1.
Éléments diagnostiques devant un syndrome mononucléosique.
Agent infectieux
Epson-Barr virus
Cytomégalovirus
Toxoplasma gondii
Virus de l’immunodéficience
humaine
Population
Adolescent, jeune adulte
Adolescent, jeune adulte
Adolescent, jeune adulte
Tout âge
Incubation
De 4 à 6 semaines
De 6 à 8 semaines
De 5 jours à 3 semaines
De 2 à 6 semaines
Examen clinique
Fièvre
Asthénie
Angine pseudomembraneuse
Polyadénopathie
Exanthème après prise
d’amoxicilline
Fièvre
Syndrome pseudogrippal
Exanthème
Adénopathies cervicales
Adénopathies cervicales
Fièvre
Exanthème, énanthème
Polyadénopathies
Pharyngite
Arthralgies, myalgies
Céphalées
Diagnostic
Sérologie EBV + virémie
quantitative
Sérologie CMV + virémie
quantitative
Sérologie toxoplasmose
Antigénémie p24, sérologie
VIH
EBV : Epson-Barr virus ; CMV : cytomégalovirus ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine.
pics de séroconversion pour l’EBV. Le premier pic survient dans
l’enfance entre 2 et 4 ans, essentiellement dans les pays en
développement [2] . La primo-infection est alors le plus souvent
asymptomatique. Le second pic survient à l’adolescence dans les
pays développés. La séroconversion est alors symptomatique dans
50 % des cas environ [3] : c’est la MNI. À l’âge adulte, plus de 90 %
de la population est immunisée.
La pénétration de l’EBV dans les cellules B entraîne une
prolifération polyclonale des lymphocytes B, responsable de la
prolifération des lymphocytes cytotoxiques. Le virus reste ensuite
à l’état latent dans les lymphocytes B du sang circulant [4] .
Clinique
L’incubation est de quatre à six semaines. Le tableau associe
dans 50 % des cas une fièvre élevée et prolongée, une asthénie
intense, un syndrome pharyngé et des adénopathies [5] . L’angine
à fausses membranes est typique, mais elle peut être aussi érythémateuse ou érythématopultacée, avec œdème de la luette
et purpura du voile. Les adénopathies sont fermes et douloureuses, initialement cervicales ou occipitales, puis généralisées.
Une hépatomégalie et une splénomégalie peuvent être retrouvées. Un exanthème maculopapuleux du tronc et de la racine des
membres est présent dans 90 % des cas après prise d’amoxicilline.
D’autres manifestations plus rares ont été décrites : oculaires
(conjonctivite, œdème palpébral), neurologiques (méningite,
encéphalite, polyradiculonévrite, myélite), cardiaques (myocardite, péricardite), rénales (glomérulonéphrite), pulmonaires
(pneumopathie interstitielle) [6–8] .
Biologie
On retrouve un syndrome mononucléosique dans 80 % des
cas, souvent associé à une neutropénie et une thrombopénie
modérées. Des complications hématologiques sont possibles :
anémie hémolytique, agranulocytose ou syndrome d’activation
macrophagique [9, 10] . L’atteinte hépatique est fréquente, avec une
cytolyse ou, plus rarement, une cholestase.
La recherche d’anticorps hétérophiles par le MNI-test (réaction
d’agglutination sur lame d’hématies animales par les immunoglobulines M[IgM] hétérophiles du sérum du malade) permet
un diagnostic positif rapide mais de sensibilité et de spécificité imparfaites, surtout chez l’enfant. Le diagnostic positif de
primo-infection EBV doit être complété par la sérologie spécifique
EBV (parfois réalisée d’emblée) : présence d’IgM anti-virus capside
antigen (anti-VCA, antigène de capside, le plus sensible, le seul
spécifique de la primo-infection et le plus précoce), parfois d’IgG
anti-VCA (à un taux faible) et anti-early antigen (anti-EA, antigène précoce) et absence d’anti-Epstein-Barr nuclear antigen (EBNA,
antigène nucléaire) [11] . La présence d’anticorps anti-EBNA est le
témoin d’une infection ancienne.
Le diagnostic direct par biologie moléculaire par polymerase
chain reaction (PCR) permet de quantifier la charge virale EBV.
Son utilisation dans le diagnostic de la primo-infection est très
intéressante, mais cette technique n’est pas utilisée dans tous les
laboratoires [12] .
2
Évolution et traitement
La guérison de la MNI est le plus souvent spontanée en trois
ou quatre semaines. Cependant, certaines complications rares
(10 % des cas) mais graves peuvent conduire au décès : cardiaques,
neurologiques (méningite, méningoencéphalite, syndrome de
Guillain-Barré), rupture de rate, hépatite fulminante [13] . Des anémies hémolytiques auto-immunes peuvent se voir.
Une forme exceptionnelle de MNI fulminante, avec syndrome
d’activation macrophagique et cytolyse, a été décrite chez les
garçons atteints du syndrome lymphoprolifératif lié au X (syndrome de Purtilo). Le traitement est la greffe de moelle ; il existe
un risque de développer un lymphome B en cas de survie. Un traitement par étoposide peut être proposé. La mortalité est estimée
à 80 % [14, 15] .
La mononucléose chronique est une pathologie rare définie par
la récurrence de la fièvre, l’asthénie, des troubles neuropsychiques,
une hépatite, associée à un titre anormalement élevé d’anticorps
anti-VCA, plus d’un an après une MNI aiguë [5, 16] .
Le syndrome de fatigue chronique défini par la persistance de
fatigue plus de six mois après la survenue des symptômes serait
lié à des facteurs psychologiques, mais cette entité reste débattue
pour certains [17] .
À la phase de latence, l’EBV peut être impliqué dans
des lymphoproliférations de type B : lymphome de Burkitt,
lymphome d’Hodgkin, lymphome malin non hodgkinien, lymphome cérébral primitif, lymphome des séreuses, lymphome B
angio-immunoblastique. Il peut être aussi impliqué dans des
lymphoproliférations de type T : lymphome nasal T, lymphome T
angio-immunoblastique. Il peut aussi être impliqué dans des
épithélioproliférations : carcinome nasopharyngien, carcinome
gastrique, thymus, amygdale, poumon, sein, peau, etc. [14, 18] .
Des réactivations EBV ou des primo-infections EBV peuvent être
responsables de lymphoproliférations B ou T en postgreffe et sont
parfois de diagnostic difficile [19] .
Enfin, le virus EBV est impliqué dans la genèse de la leucoplasie
chevelue de la langue et de la pneumonie lymphoïde interstitielle du patient séropositif pour le virus de l’immunodéficience
humaine (VIH) [5, 20] .
Il n’existe pas de traitement spécifique de l’infection à EBV. Les
corticoïdes sont proposés dans les formes compliquées respiratoires ou neurologiques. L’aciclovir, le valaciclovir, le ganciclovir
et le foscavir ont été proposés parfois en association avec les corticoïdes [21–23] . Ces traitements inhibent la réplication de l’EBV, mais
n’ont pas d’effet sur les symptômes qui sont avant tout secondaires à la réponse immunitaire au virus. Ils ne sont donc pas
recommandés.
Dans le cadre des lymphoproliférations postgreffe, des traitements par chimiothérapie, parfois associés à des anticorps
monoclonaux (anti-CD20), la chirurgie et la radiothérapie se sont
développés ces dernières années.
Infection à cytomégalovirus
Épidémiologie et physiopathologie
Le cytomégalovirus (CMV) est un virus à ADN, de la famille
des Herpesviridae. Le réservoir du CMV est strictement humain,
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et il existe de nombreux porteurs asymptomatiques. Plusieurs
modes de transmission sont décrits : respiratoire, génital, salivaire,
transmission maternofœtale, allaitement, dérivés du sang, transplantation d’organe ou de moelle [24] . La prévalence de l’infection
à CMV est d’autant plus élevée que le niveau socioéconomique
est bas [25] .
Après la primo-infection, le virus persiste dans les lymphocytes T, les polynucléaires neutrophiles, les glandes salivaires, les
cellules endothéliales, les cellules-souches de la moelle osseuse [26] .
Des épisodes de réactivation peuvent se produire lors d’un déficit
immunitaire cellulaire important et s’accompagner de maladie à
CMV. Des réinfections exogènes à partir de souches différentes de
CMV ont également été décrites [27] .
Clinique
La primo-infection de l’adulte immunocompétent est le plus
souvent asymptomatique. L’incubation est de six à huit semaines.
Les signes cliniques les plus fréquents sont une fièvre prolongée,
des sueurs, un malaise général, un syndrome pseudogrippal [28] . À
l’examen, il peut exister une hépatosplénomégalie, un exanthème
et des adénopathies cervicales.
La primo-infection CMV chez la femme enceinte est responsable de la transmission du virus au fœtus dans 30 à 40 % des cas
et peut causer des malformations neurologiques et une mort in
utero (surtout en cas de transmission précoce au cours de la grossesse). En cas d’atteinte congénitale par le CMV, le nouveau-né
est symptomatique dans 10 à 15 % des cas (maladie des inclusions cytomégaliques, hypotrophie). Dans 10 à 20 % des cas, le
nouveau-né est asymptomatique à la naissance, mais développe
ensuite des troubles oculaires ou neurologiques : surdité, retard
psychomoteur, épilepsie [29] .
La manifestation la plus fréquente de l’infection à CMV chez
le patient transplanté est la pneumopathie interstitielle, mais une
fièvre isolée, une méningoencéphalite, une myocardite peuvent
se voir. L’infection à CMV pourrait également favoriser le rejet de
la greffe [30] .
Chez le patient séropositif pour le VIH, la maladie à CMV survient lorsque le taux de lymphocytes CD4 est inférieur à 50/mm3 .
La rétinite est la localisation la plus fréquente, suivie d’atteintes
digestives et plus rarement d’une atteinte neurologique, voire pulmonaire [31] .
Biologie
Le syndrome mononucléosique apparaît le dixième jour, souvent absent chez l’immunodéprimé. Il peut exister une anémie,
une neutropénie, une thrombopénie et une hépatite associées [26] .
Chez le patient immunocompétent, le diagnostic positif de
primo-infection est sérologique par des techniques de type
enzyme-linked immunosorbent assay (Elisa). La détection des IgG
permet de rechercher une séroconversion (apparition d’anticorps)
ou une multiplication par quatre des IgG sur deux sérums
consécutifs ; la présence d’IgM spécifiques est un bon marqueur
d’infection récente.
Chez le patient immunodéprimé, la sérologie n’est pas toujours contributive, et on préfère la détection directe de la virémie
grâce à la détection quantitative du virus par PCR [32] . Cette dernière technique est très sensible, mais il n’existe pas encore de
standardisation entre les laboratoires. En cas de doute sur une
réactivation, on peut avoir recours à un test d’avidité des Ig [33] .
On peut également rechercher le virus sur le sang, par une biopsie ou dans le lavage bronchoalvéolaire, par mise en évidence de
l’effet cytopathogène caractéristique (ballonnisation, inclusions
nucléaires) ou par des anticorps monoclonaux.
La présence de CMV dans un liquide biologique doit toujours
être interprétée en fonction de la clinique.
Évolution et traitement
L’infection à CMV chez l’adulte sain évolue de façon spontanément favorable en deux à huit semaines [25] . Cependant, de rares
complications ont été décrites au cours de la primo-infection chez
l’immunocompétent : myocardite, péricardite, hépatite, polyradiculonévrite, colite, pneumopathie interstitielle, vascularite,
encéphalite, rupture de rate [34] .
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Chez l’immunodéprimé, l’infection peut mettre en jeu le pronostic fonctionnel ou vital.
Aucun traitement n’est justifié en cas de primo-infection simple
du patient non immunodéprimé. En cas de forme compliquée
chez l’immunocompétent et chez le patient immunodéprimé, le
traitement repose sur deux molécules antivirales : ganciclovir et
foscarnet [35] . La durée du traitement dépend de la localisation et
de l’immunodépression sous-jacente.
Toxoplasmose acquise
Épidémiologie
Le parasite responsable de la toxoplasmose est un protozoaire
appelé Toxoplasma gondii. La transmission se fait à partir de
l’ingestion d’aliments ou d’eau contaminés, viande mal cuite
(porc et agneau surtout), légumes souillés par des déjections de
chat et mal lavés. La transmission peut également être maternofœtale ou par transplantation d’organe. La prévalence de
la toxoplasmose diminue avec l’amélioration des conditions
d’hygiène et varie entre 22 et 75 % selon les pays [36] .
Clinique
Chez l’immunocompétent, la toxoplasmose est le plus souvent
asymptomatique. Dans 10 % des cas, elle associe fièvre, asthénie et
adénopathies périphériques cervicales ou occipitales. Il peut exister un exanthème maculopapuleux et une hépatosplénomégalie.
Des formes rares mais graves (pneumonie, myocardite, péricardite, myosite, troubles neurologiques) ont été décrites [37] .
La toxoplasmose chez l’immunodéprimé (patients séropositifs
pour le VIH ou transplantés) est souvent très grave. Il s’agit le
plus souvent de la réactivation d’une infection ancienne. Les
localisations sont neurologiques (abcès cérébral), oculaires (choriorétinite), pulmonaires ou disséminées [38] .
Les formes congénitales sont d’autant plus graves et moins
fréquentes que la contamination est précoce. Entre 70 et 90 %
des enfants contaminés in utero sont asymptomatiques, mais
la plupart d’entre eux développeront des séquelles s’ils ne sont
pas correctement pris en charge et traités. Les manifestations
néonatales de la toxoplasmose sont neurologiques (hydrocéphalie, microcéphalie, calcifications intracrâniennes, épilepsie, retard
psychomoteur et mental) et oculaires (choriorétinite) [38] .
Biologie [39]
Le syndrome mononucléosique, souvent discret, est présent
dans 30 % des cas. Il peut s’accompagner d’une hyperéosinophilie
transitoire.
Le diagnostic positif de la toxoplasmose du patient immunocompétent repose sur la sérologie, par la détection des IgM
et des IgG. La technique de référence pour les IgG reste le
dye-test qui n’est cependant quasiment plus utilisé en routine.
Les techniques les plus utilisées sont des méthodes immunoenzymatiques (Elisa). D’autres techniques sont disponibles :
immunofluorescence indirecte (IFI), agglutination sensibilisée.
Le résultat est exprimé en unités internationales par millilitre
(UI/ml). Pour les IgM, l’IFI (test de Remington) est de moins
en moins utilisée et est remplacée par des méthodes basées sur
le principe de l’immunocapture : immunocapture-agglutination
(immunosorbent agglutination assay [ISAgA]) ou méthodes immunoenzymatiques. En raison de l’absence de standardisation entre
les différents réactifs disponibles (pour les IgG et les IgM), le résultat écrit doit préciser le réactif utilisé et les critères d’interprétation
et le biologiste doit rédiger une conclusion argumentée.
La toxoplasmose évolutive peut être affirmée par l’étude de deux
sérums espacés de 15 jours mettant en évidence une séroconversion (premier sérum négatif, second sérum positif), ou la présence
d’IgM avec une élévation significative du titre des IgG (multiplication par quatre) entre le premier et le second sérum titrés en
parallèle, par les mêmes méthodes et dans le même laboratoire.
La recherche d’IgA peut être intéressante dans les séroconversions
sans IgM.
Les techniques permettant la mise en évidence du parasite
(inoculation à l’animal, PCR) sont réservées au diagnostic de la
toxoplasmose congénitale et de l’immunodéprimé.
3
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Évolution et traitement
La toxoplasmose de l’immunocompétent guérit le plus souvent spontanément en quelques semaines. Seules les formes
graves justifient un traitement identique à celui prescrit chez
l’immunodéprimé.
La toxoplasmose du sujet immunodéprimé est une maladie
grave, constamment mortelle sans traitement sauf les formes oculaires isolées qui peuvent conduire à la cécité. Le traitement de
première intention est pyriméthamine–sulfadiazine remplacé par
pyriméthamine–clindamycine en cas d’effets indésirables.
En cas de séroconversion en cours de grossesse, la femme reçoit
un traitement par spiramycine ou par pyriméthamine–sulfamides
si le diagnostic anténatal est positif. Si le diagnostic de toxoplasmose congénitale est établi, l’enfant doit être traité par
pyriméthamine–sulfamides pendant au moins un an, avec un
suivi clinique jusqu’à l’âge adulte.
Autres étiologies infectieuses
De nombreuses maladies virales surtout mais aussi bactériennes
et parasitaires peuvent être responsables d’un syndrome mononucléosique [45, 46] .
Parmi les viroses, on distingue : les autres herpèsvirus (human
herpes virus 6 [HHV-6] surtout, varicelle-zona virus [VZV], herpes
simplex virus [HSV], HHV-8), les virus de la rubéole, la rougeole, des oreillons, des hépatites (hépatites A, B et C), le
parvovirus B19, l’adénovirus, les arboviroses, en particulier la
dengue [47] .
Les étiologies bactériennes sont plus rares : syphilis secondaire,
brucellose, salmonellose, listériose, rickettsiose.
Parmi les parasitoses, le paludisme s’accompagne rarement d’un
syndrome mononucléosique.
Primo-infection par le virus
de l’immunodéficience humaine
Le syndrome mononucléosique serait lié à une dysfonction
immunitaire.
Les allergies médicamenteuses peuvent être responsables d’un
syndrome mononucléosique, notamment dans le cadre d’un syndrome d’hypersensibilité ou drug rash with eosinophila and systemic
symptom (DRESS). Ce syndrome apparaît deux à six semaines
après l’initiation du médicament et associe de la fièvre, une
éruption cutanée, un œdème de la face, des adénopathies. Sur
le plan biologique, on note une hyperleucocytose, une hyperéosinophilie, une hépatite. Les médicaments le plus souvent
retrouvés à l’interrogatoire sont les bêtalactamines, les sulfamides,
les cyclines, l’allopurinol [48] .
Les maladies auto-immunes (lupus érythémateux disséminé,
polyarthrite rhumatoïde) et certaines pathologies malignes
(lymphomes) peuvent également s’accompagner d’un syndrome mononucléosique discret, lié ou non à la présence
d’EBV.
La maladie du greffon contre l’hôte (graft versus host [GVH])
peut être à l’origine du syndrome mononucléosique.
Épidémiologie
Le nombre de nouveaux patients infectés par le VIH est estimé
à 6100 cas en France en 2011 [40] . La transmission se fait par voie
sexuelle le plus souvent et, plus rarement, par voie sanguine.
Clinique
L’incubation est de deux à six semaines. Souvent asymptomatique, la primo-infection peut néanmoins se traduire dans
50 % des cas par un tableau pseudogrippal associant fièvre,
asthénie, myalgies. Les autres signes cliniques fréquents sont
une angine, des ulcérations buccales ou génitales, une éruption
cutanée transitoire du tronc et des adénopathies superficielles.
L’association syndrome pseudogrippal, éruption cutanée et ulcérations muqueuses est très évocatrice de la primo-infection VIH.
Des manifestations digestives et neurologiques (méningoencéphalite, polyradiculonévrite) ont également été décrites [41] .
Biologie
On note souvent une thrombopénie, une neutropénie, une
lymphopénie et une cytolyse initiales. Le syndrome mononucléosique apparaît la deuxième semaine d’évolution.
Le diagnostic positif repose sur les tests Elisa « duo » dépistant
dans le même temps les anticorps et les antigènes anti-p24 (Agp24). En l’absence de test duo, si la sérologie est négative, la
recherche d’une antigénémie p24 reste d’actualité, si la mesure de
l’acide ribonucléique (ARN) VIH n’est pas rapidement réalisable.
L’ARN VIH est détectable dix jours après la contamination, l’Ag
p24 deux semaines après et les anticorps anti-VIH (par Elisa) entre
22 et 26 jours après. Une primo-infection à VIH est définie par un
Elisa négatif ou faiblement positif avec western blot incomplet ou
négatif et Ag p24 et/ou ARN VIH positif [42] .
Évolution et traitement
Les signes cliniques disparaissent spontanément en quelques
semaines.
Cependant, depuis 2013, les indications de traitement en
primo-infection ont été élargies aux patients asymptomatiques
quels que soient les niveaux de CD4 et la charge virale. Le délai
d’initiation du traitement doit être court. Auparavant, un traitement antirétroviral précoce au stade de primo-infection était
recommandé uniquement en cas de symptômes neurologiques
et/ou en cas d’infection opportuniste et chez les patients ayant des
CD4 inférieur à 350 par millimètre cube au moment du diagnostic.
Un traitement précoce pourrait avoir un intérêt individuel chez
tous les patients en préservant l’immunité car la chute des CD4
est alors ralentie. Le traitement précoce permettrait de limiter la
taille des réservoirs de virus, limitant l’inflammation, caractéristique de cette période de l’infection. Cette stratégie de traitement
précoce permet également un contrôle plus rapide de l’infection
avec une décroissance de la charge virale rapide. Traiter précocement aurait donc aussi un intérêt collectif en diminuant le risque
de transmission [43, 44] .
4
Étiologies non infectieuses
Conclusion
La définition du syndrome mononucléosique est biologique,
mais la démarche diagnostique doit s’aider des données de
l’interrogatoire, de l’examen clinique et des sérologies. Les quatre
causes les plus fréquentes sont l’EBV, le CMV, la toxoplasmose et
la primo-infection VIH, mais d’autres infections, l’allergie médicamenteuse et les pathologies immunitaires peuvent aussi être
responsables de syndrome mononucléosique.
“ Points essentiels
Devant un syndrome mononucléosique, il faut rechercher
des éléments cliniques orientant le diagnostic :
• interrogatoire avec recherche de contage, des facteurs
de risque d’exposition pour le virus de l’immunodéficience
humaine (VIH), une transfusion, un voyage, une prise
médicamenteuse, l’ancienneté des symptômes ;
• examen clinique (éruption cutanée, angine, hépatosplénomégalie, adénopathies) ;
Puis il faut réaliser les sérologies spécifiques : Epstein-Barr
virus (EBV), cytomégalovirus (CMV), VIH, toxoplasmose.
La mononucléose infectieuse, l’infection à cytomégalovirus, la toxoplasmose et la primo-infection à VIH sont
responsables de la majorité des syndromes mononucléosiques.
Chez le patient immunodéprimé, le syndrome mononucléosique est moins marqué et doit faire rechercher en
priorité une infection à CMV, à EBV ou une toxoplasmose.
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Références
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Service de pathologie infectieuse et tropicale, Hôpital Saint-Antoine, 184, rue du Faubourg-Saint-Antoine, 75012 Paris, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Valin N. Conduite à tenir devant un syndrome mononucléosique. EMC - Maladies infectieuses 2014;11(2):15 [Article 8-003-T-10].
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