L E S I N F O R M A T I O N S D U C R A T Y a-t-il un risque à concevoir une grossesse après un traitement anticancéreux ? ● Drs E. Elefant, M.P. Cournot, F. Assari, C. Vauzelle, Mme Ralaimihoatra, Mme De Melo L e CRAT a participé à la journée de l’AFARED (Association francophone pour l’étude des anomalies de la reproduction et du développement) qui a eu lieu à Paris, le 10 décembre 2004, et dont le thème était “Chimiothérapie anticancéreuse et grossesse”. Les communications sont disponibles sur demande auprès du Dr Eléfant (0144735397 ou [email protected]). Un des exposés, que nous reprenons ici, présentait une revue de la littérature sur la descendance après traitement anticancéreux dans l’enfance ou l’adolescence. Grâce à l’amélioration des taux de survie et des progrès faits pour diminuer les effets stérilisants des traitements anticancéreux, les enfants et les adultes atteints de cancer sont de plus en plus nombreux à envisager une grossesse après leur traitement, et à l’obtenir. Cependant, tous les antimitotiques, ainsi que les radiations ionisantes, sont mutagènes chez l’animal et le plus souvent dans l’espèce humaine. Ils sont susceptibles, par ce biais, d’endommager le matériel génétique des cellules germinales, au niveau génique et/ou chromosomique. Les conséquences cliniques d’une conception à partir d’une telle cellule sont difficiles à appréhender, nous avons donc mené une vaste revue de la littérature sur la descendance après traitement anticancéreux. • L’effet mutagène dépend du stade de différenciation de la cellule : plus les cellules se divisent, plus elles sont sensibles à un effet létal et mutagène, mais les capacités de réparation sont importantes. Au total, sur la base des études réalisées chez l’animal, une atteinte des spermatogonies différenciées et des spermatocytes de 1er ordre a peu de conséquences, alors que le risque est plus important si les spermatides et a fortiori les spermatozoïdes ont été directement exposés. Lorsqu’une spermatogonie souche est atteinte, il existe un risque résiduel faible mais définitif qui se retrouvera dans toutes les cellules filles. Aucune donnée n’est disponible sur les ovocytes. • Les études de chromosomes de spermatozoïdes chez l’homme ne permettent pas de conclure. Le matériel chromosomique des spermatozoïdes d’environ 80 patients a été étudié après chimiothérapie et/ou radiothérapie (cas isolés ou petites séries). Il semble que les anomalies chromosomiques, de nombre ou de structure, soient plus fréquentes si le délai depuis le traitement est court, en particulier inférieur à trois mois et, peut-être, si les patients ont reçu une radiothérapie abdominale. Cependant, pour certains de ces patients, des anomalies importantes sont retrouvées même 20 ans après le traitement. Centre de Renseignements sur les Agents Tératogènes : hôpital ArmandTrousseau, 26, av du Dr Arnold-Netter, 75571 Paris Cedex 12. Tél/fax : 01 43 41 26 22. Internet : Http://lecrat.monsite.wanadoo.fr Le CRAT est une association à but non lucratif (loi 1901) dont les subventions sont exclusivement publiques. La Lettre du Gynécologue - n° 303 - juin 2005 Par ailleurs, deux cohortes comparatives retrouvent dans les spermatozoïdes une diminution (significative dans un cas, non significative dans l’autre) des fragmentations de l’ADN pendant 1 à 2 ans après le traitement, leur nombre ré-augmentant jusqu’à celui des témoins après ce délai. • La descendance des enfants traités pour cancer est étudiée dans plusieurs grandes cohortes rétrospectives (quelques centaines à quelques milliers de grossesses dans chaque étude). Leurs résultats sont concordants. Seules les femmes ayant reçu une radiothérapie abdominale massive, essentiellement pour tumeur rénale dans l’enfance, ont une fréquence accrue de fausses couches, et d’accouchements prématurés, de petits poids de naissance et de décès périnataux. Tous ces “accidents” ne seraient pas liés à l’effet mutagène des traitements mais à leurs séquelles locales et locorégionales au niveau de l’utérus (endomètre, myomètre), de la vascularisation, etc. L’absence d’augmentation significative de la fréquence des malformations dans la descendance de ces femmes vient à l’appui de cette origine non mutagène des complications de grossesse. Pour tous les hommes traités et pour tous les autres types de traitements chez la femme (chimiothérapie et/ou radiothérapie non abdominale), on ne retrouve pas d’augmentation des fausses couches, ni des grossesses pathologiques, ni des malformations, et cela, quels que soient les types de cancer, les molécules utilisées, leur posologie et les doses-gonades de radiothérapie. • Les résultats des études sur la descendance des adultes traités pour cancer sont identiques, bien que les effectifs soient moins importants, et ne mettent en évidence ni d’augmentation des malformations ni d’augmentation des fausses couches. En ce qui concerne les femmes traitées pour tumeur trophoblastique (plus de 3000 grossesses publiées), les fausses couches sont plus fréquentes, surtout si le délai est court, mais cela est à mettre sur le compte de la pathologie (récidive), des séquelles locales du traitement chirurgical et non des anticancéreux. • Le caryotype de la descendance, sur sang périphérique ou amniocentèse, est normal dans les quelques études qui s’y sont intéressées. • La fréquence des cancers dans la descendance des parents traités par anticancéreux avant la conception est augmentée, mais elle correspond aux tumeurs à transmission génétique connue comme le rétinoblastome et à la notion d’agrégation familiale de certains cancers sans qu’une cause génétique précise n’ait pu être identifiée à l’heure actuelle. La fréquence des cancers de l’enfant dans la population générale est suffisamment faible pour que des effectifs plus grands et des suivis plus longs chez les enfants soient nécessaires pour améliorer la possibilité de dépister un effet cancérigène dans la descendance des parents traités. 11 L E S I N F O R M A T I O N S En conclusion, il n’y a pas, au vu de la littérature, de raison de déconseiller une grossesse à des patients qui ont été traités pour un cancer. Quel délai conseiller entre le traitement et la conception ? Aucune donnée fiable ne permet à l’heure actuelle de se prononcer précisément sur cette question. Chez l’homme, on préférera éliminer les spermatides et les spermatozoïdes directement exposés, donc attendre au moins un cycle de spermatogenèse complet (donc au moins trois mois) avant une fécondation. Chez la femme, la sensibilité chromosomique maximale de l’ovocyte s’observe certainement lors de la reprise de la méiose et mieux vaut attendre le cycle menstruel suivant pour que le follicule dominant n’ait pas été exposé. Si l’on veut, par prudence, éliminer les D U C R A T follicules exposés en phase de croissance, il faudra alors attendre au moins trois mois. Bien entendu, chez la femme, l’évolution de la maladie est un des facteurs les plus importants à prendre en compte avant d’envisager une grossesse. Quelle surveillance proposer pour ces grossesses ? Certainement une échographie morphologique non spécifique de bonne qualité. Les femmes qui ont reçu une radiothérapie abdominale se verront proposer une surveillance obstétricale renforcée. Aucun élément de la littérature sur la descendance des parents traités pour cancer ne légitime la réalisation systématique d’une amniocentèse. Celle-ci sera discutée au cas par cas, en fonction du contexte, des antécédents, de la nature plus ou moins mutagène des traitements reçus, voire du délai entre le traitement et la conception. ■ Ta r i f s P e t i t e s A n n o n c e s MODULES 1/16 de page COLLECTIVITÉS PARTICULIERS 289,65 F 144,83 F 579,30 F 289,65 F 1082,39 F 541,20 F 43 mm L x 58 mm H 1/8 de page 90 mm L x 58 mm H 43 mm L x 125 mm H 1/4 de page 90 mm L x 125 mm H *Abonnés particuliers: profitez d’une deuxième insertion gratuite. *Collectivités: dégressif à partir de deux insertions, nous consulter. *Quadri offerte. ÉTUDIANTS ABONNEZ-VOUS : VOS ANNONCES SERONT GRATUITES 12 Pour réserver cet emplacement, contactez dès maintenant Franck Glatigny Tél. : 01 41 45 80 57 - Fax : 01 41 45 80 45 E-mail : [email protected] La Lettre du Gynécologue - n° 303 - juin 2005