congrès RÉUNION 11e cours supérieur francophone sur le cancer du sein, Nice, 14-17 janvier 2009 http://www.cours-rpc-nice-saintpaul.fr C. Massabeau, B. de Lafontan* L es cours de Nice-Saint-Paul ont été, cette année encore, riches en enseignements. Les objectifs de cette nouvelle édition étaient de réactualiser les questions traitées en 2007 mais également d’aborder de nouvelles questions cliniques : la prise en charge des cancers de bon pronostic avec l’apport des marqueurs prédictifs et pronostiques, la prise en charge des patientes non ménopausées et des patientes âgées de plus de 70 ans et les principes et modalités de la surveillance. D’autres thèmes transversaux (soins de support et chirurgie) ont soulevé certaines problématiques développées ci-après. Les facteurs de risque de cancer du sein ont déjà largement été discutés au congrès de la SFSPM : ➤➤ Les facteurs exogènes d’hyperestrogénie : la prise de THS est de nouveau invoquée en cas de prise prolongée ; la durée du THS est donc à limiter à 5 ans, si possible avec une tentative d’arrêt après 1 an de traitement, sans hésiter cependant à traiter les femmes symptomatiques. ➤➤ Le risque familial, génétique dominé par les mutations BRCA1 et 2 : la prise en charge de ces patientes appelle à la multidisciplinarité et à des réflexions éthiques et psychologiques. Dans le cas de formes familiales (3 à 10 % des cas), l’ovariectomie prophylactique (qui diminue le risque de cancer du sein d’environ 50 %) plus ou moins associée à une mastectomie bilatérale prophylactique doit faire l’objet de discussions entre les patientes et l’équipe médicale (chirurgien, oncologue médical, généticien…). La prévention médicale telle qu’elle est réalisée aux États-Unis par le tamoxifène et le raloxifène n’est à ce jour pas recommandée en France du fait d’un rapport bénéfice-risque controversé. ➤➤ Le rôle du mode de vie est reconnu en insistant sur les conseils d’hygiène alimentaire, lutter contre la prise de poids et inciter à la pratique d’une activité physique régulière (3 fois par semaine, idéalement 5 heures par semaine). Un autre facteur de risque moins connu est la taille à l’âge adulte ainsi que la taille et le poids à la naissance. ➤➤ Le risque de cancer du sein lié aux radiations survient au-delà de 1 Gy, il n’y a donc pas d’excès de risque induit par des examens radiologiques. En revanche, un antécédent d’irradiation pour maladie de Hodgkin constitue un facteur de risque majeur, avec un pic de survenue 10 à 15 ans après l’irradiation. De même, on constate un risque accru de cancer du sein controlatéral dans les quadrants du sein irradié à plus de 1 Gy de manière incidente lors d’une radiothérapie du sein. ➤➤ À l’inverse, la prise d’aspirine ou AINS diminuerait de 15 % le risque de cancer du sein. Le dépistage Le dépistage mammaire en France mis en place en 1989 permet de découvrir des tumeurs beaucoup plus petites et de dépister 70 % de la population de la tranche d’âge 50-74 ans. La France est le pays d’Europe qui réalise le plus d’examens de dépistage dans son programme. Il a permis de dépister des cancers de meilleur pronostic et d’homogénéiser la qualité des pratiques (deuxième lecture systématique). Le diagnostic Au niveau imagerie, des progrès sont, là aussi, perceptibles avec des outils qui pourraient améliorer la sensibilité diagnostique comme la tomosynthèse (plusieurs clichés à différents angles d’inclinaison), l’angiomammographie (mammographie numérique avec injection de produit de contraste) et l’IRM fonctionnelle. L’IRM est utile pour * Institut Claudius-Regaud, 20, rue du Pont-Saint-Pierre, 31052 Toulouse. La Lettre du Sénologue • n° 43 - janvier-février-mars 2009 | 37 congrès RÉUNION l’évaluation des seins denses, pour apprécier la multifocalité (cas des carcinomes lobulaires infiltrants) et la réponse tumorale : elle prédit la réponse pathologique de façon plus fiable chez les patientes HER2+ et la réduction de taille tumorale après 1 cycle serait un facteur pronostic. La tomographie à émission de positons (TEP) au FDG (méthode d’imagerie moléculaire) peut être utilisée dans le bilan d’extension et le suivi thérapeutique. Elle n’a pas sa place dans le diagnostic pour l’instant, mais sa valeur pronostique semble se clarifier avec la corrélation entre le standardized uptake value (SUV) et les facteurs pronostiques clinicopathologiques. Les facteurs prédictifs et pronostiques et la chimiothérapie La meilleure connaissance des facteurs prédictifs et pronostiques permet une prise en charge individuelle grâce aux marqueurs biologiques et/ou moléculaires. Ainsi, on s’achemine vers une désescalade thérapeutique avec la meilleure identification des sous-groupes de patientes à haut risque de récidive qui bénéficieront d’une thérapeutique adjuvante. Les facteurs pronostiques reconnus sont cliniques (notamment la taille et l’envahissement ganglionnaire), pathologiques (grade, présence d’embols, expression des RH, de HER2) et moléculaires (p53, KI-67). Le choix du traitement adjuvant est modulé par le profil biologique de la tumeur. Le seuil généralement retenu pour définir le pronostic d’une tumeur mammaire et l’intérêt d’une chimiothérapie adjuvante est fixé à une amélioration de 5 % de survie sans récidive (SSR) à 10 ans (évaluable dans Adjuvant! Online). La chimiothérapie adjuvante diminue ce risque de récidive jusqu’à 50 % en fonction des sous-groupes. La classification anatomopathologique de Perou et Sorlie distingue quatre groupes en fonction de l’expression des récepteurs hormonaux, de HER2, et des cytokératines : luminal A et B, basal like, HER2. Ces groupes se distinguent par leur pronostic, la sensibilité différente au traitement et conditionnent donc la prise en charge des patientes. Le pronostic des tumeurs HER2+ s’est grandement modifié depuis l’avènement d’Herceptin®. Ces dernières ont une sensibilité particulière aux anthracyclines et la toxicité supposée de l’association anthracycline-Herceptin® est aujourd’hui remise en cause. Un compromis tout à fait satisfaisant est le schéma du PACS 01 : 3 FEC 100 puis 3 taxotèreHerceptin® avec poursuite de la thérapie ciblée toutes les 3 semaines pendant 1 an en attendant les résultats 38 | La Lettre du Sénologue • n° 43 - janvier-février-mars 2009 de l’essai PHARE qui compare 6 mois versus 12 mois d’Herceptin®. Les tumeurs triple négatives posent quant à elles un problème non résolu tant leur pronostic est péjoratif. Ces tumeurs sont connues pour leur chimiosensibilité comme en témoigne leur bonne réponse au traitement néoadjuvant : toute tumeur triple négative doit recevoir une chimiothérapie adjuvante y compris les tumeurs < 1 cm, N- et grade 2 ou 3. Cependant, les récidives sont souvent précoces. La question est donc posée d’intensifier la surveillance des patientes HER2+ et triples négatives (à la fois clinique et paraclinique) dans les premiers temps après le premier traitement en ayant présent à l’esprit qu’avec Herceptin®, nous disposons d’un traitement efficace pour les premières. Les signatures moléculaires existantes en 2009 sont au moins au nombre de quatre et sont disponibles en cliniques. Deux études prospectives (TAILOR X et MINDACT) sont en cours pour évaluer leur utilité. Les prédicteurs multigéniques émergent ainsi (Mammaprint [70 gènes], signature de Rotterdam, Oncotype DX [21 gènes] et le grade génomique) et apportent une valeur ajoutée uniquement pour les tumeurs RH+ et les grades intermédiaires. Ces nouveaux outils ont été désignés uniquement pour diminuer les indications de chimiothérapie adjuvante pour les tumeurs à bas risque (comme dans l’essai MINDACT évaluant l’oncotype DX). Ils sont utiles pour les grades intermédiaires, tumeurs RH+, HER2- afin de discriminer les tumeurs prolifératives ou non. Ils ne sont pas à utiliser pour l’indication d’hormonothérapie adjuvante. À noter également la valeur pronostique de UPA/PA1 qui est un prédicteur lié à l’invasion (et non à la prolifération). La valeur pronostique du microstaging mérite d’être mieux définie avec l’impact des micrométastases et des cellules tumorales circulantes. Enfin, la réponse complète après chimiothérapie néoadjuvante est un bon facteur de pronostic puisqu’elle entraîne neuf fois plus de rémission à 10 ans. L’hormonothérapie Elle est classiquement délivrée pour toutes les tumeurs exprimant les récepteurs hormonaux de plus de 10 % de cellules marquées en immunohistochimie (RE et/ou RP). Le tamoxifène reste le traitement de référence chez la femme pré ménopausée alors que les inhibiteurs de l’aromatase (IA) prennent une place prépondérante chez les patientes ménopausées. Pour ces dernières, le choix d’une hormonothérapie séquentielle associant tamoxifène et IA représente une alternative tout à fait congrès RÉUNION satisfaisante avec l’option possible de débuter par 2 ans d’IA relayés par 3 ans de tamoxifène. Les modèles néoadjuvants permettent de tester la sensibilité au traitement : valeur prédictive et pronostique de la réponse clinique et pathologique. L’hormonothérapie adjuvante est recommandée si le gain en survie globale dépasse 2 % à 10 ans. Elle n’est donc pas recommandée pour les tumeurs T1a et T1b, N- de grade 1, RH+, HER2-, sans embols ni pour les tumeurs T1a, N-, de grade 2, RH+, HER2-, sans embols ainsi que pour les carcinomes intracanalaires pour l’instant. Dans l’essai IBIS 2, l’effet recherché par l’adjonction d’une hormonothérapie dans le traitement du CIC est la diminution de récidive mais aussi du risque de cancer controlatéral. Cuzick et al. (1) mettent en exergue le lien entre toxicité et efficacité lié à l’hormonothérapie dans l’étude ATAC : entre bouffées de chaleur et efficacité du tamoxifène d’une part et arthralgies et efficacité de l’antiaromatase d’autre part. Cinq études montrent une association entre génotype CYP2D6 et la réponse au tamoxifène et un lien avec la survie sans rechute. Ce test simple, réalisé par prise de sang pour déterminer le génotype CYP2D6 dont il existe 27 variants pourrait prédire la réponse au tamoxifène. Certains antidépresseurs diminuent les bouffées de chaleur. L’explication est trouvée dans leur action de neutralisation de l’effet du tamoxifène (en diminuant l’activité du cytochrome, inhibiteurs du CYP2D6). Au-delà du fait qu’il faut vérifier que les patientes ne prennent pas de Deroxat®, de Prozac® et, à moindre degré, d’Effexor®, cela remet en cause les grandes études de comparaison du tamoxifène et des antiaromatases. Si dans le bras tamoxifène, certaines patientes prenaient des antidépresseurs, qui ont été identifiés comme neutralisant le traitement adjuvant, alors le résultat est en défaveur du tamoxifène du fait de ces interactions et non de sa moindre efficacité. La radiothérapie Pour la radiothérapie, les débats sont toujours vifs concernant l’irradiation de la CMI. Elle n’est pas réalisée dans les pays anglo-saxons alors qu’en France, l’envahissement ganglionnaire et la topographie interne de la tumeur sont des indications classiques (comité d’experts, 1991). Elle induirait un surrisque cardiaque, or les patientes sont exposées par ailleurs à des produits cardiotoxiques (anthracyclines et Herceptin®) imposant de préserver au mieux une bonne fonction cardiaque. Un essai européen est en cours pour tenter de répondre à la délicate question des indications de l’irradiation de la CMI. Il est probable qu’on s’achemine vers une désescalade de ces indications. L’essai SUPREMO vise, quant à lui, à déterminer l’intérêt des irradiations de paroi chez les patientes N1. Chez la personne âgée, une radiothérapie hypofractionnée est tout à fait licite et bien tolérée. La femme âgée Chez la femme âgée, un bilan gériatrique apparaît comme nécessaire avant d’envisager un traitement cytotoxique qui concerne les patiente N+, RH-. Le traitement de référence (antracycline) en cas de risque cardiaque peut être remplacé par l’association sans anthracycline TC (2). Il convient d’individualiser les traitements chez les patients de plus de 70 ans, d’ajuster les posologies à la fonction rénale et d’utiliser des facteurs de croissance de type GCSF en prophylaxie primaire, sans oublier que l’espérance de vie est de 15 ans à 70 ans et de 9 ans à 80 ans. La chirurgie Les soins de support Le ganglion sentinelle de la chaîne mammaire interne (CMI) peut être identifié en privilégiant le site d’injection péritumoral. Il semble pouvoir être enlevé facilement et sans risque, en particulier au niveau de la plèvre, grâce à une “sonde à tête mobile”. L’intérêt d’un ganglion sentinelle de la CMI négatif est de ne pas irradier la chaîne ganglionnaire mammaire interne pour les lésions internes ou N+, et ainsi d’éviter les effets indésirables, en particulier cardiaques quand il s’agit d’un sein gauche. L’étude des ganglions sentinelles mammaires internes en fonction de la localisation tumorale montre curieusement autant de drainage mammaire interne pour les tumeurs du QIE que pour celles du QII. Les soins de support par facteurs de croissance hématopoïétiques diminuent les besoins transfusionnels et améliorent la qualité de vie. Toutefois, certains essais concluent à un effet délétère de leur utilisation sur la survie. Si ces résultats sont critiquables car les chiffres cibles d’hémoglobine étaient trop élevés (14 g ou plus), la logique de prudence incite à ne pas prescrire d’EPO en situation adjuvante ou néoadjuvante. L’indication doit être posée en réunion de concertation disciplinaire (RCP) en cas d’anémie chimio-induite symptomatique avec un taux d’hémoglobine inférieur à 10 g en visant une cible de 10 à 12 g. La Lettre du Sénologue • n° 43 - janvier-février-mars 2009 | 39 congrès RÉUNION Adjuvant! Online Adjuvantonline est un logiciel qui aide au choix du traitement adjuvant en fonction du risque estimé et du bénéfice attendu sur la survie globale et la survie sans récidive (SSR). Fondé sur des données épidémiologiques, il regroupe 6 caractéristiques et a été validé sur plus de 4 000 patientes avec un écart entre survie prédite et observée de 2 %. Toutefois, sa valeur prédictive peut être améliorée lorsque la valeur de SSR se situe entre 7 et 13 % en intégrant d’autres paramètres d’intérêt comme le KI-67 qui est étroitement lié au statut RH et au grade, mais également la présence d’embols vasculaires. Comment l’utiliser ? Taper “Adjuvant! Online” dans Google ou dans un autre moteur de recherche. Choisir Welcome to Adjuvant! Online. Cocher “Online Access” dans la Services Internet 1 abonnement papier = plus de 20 revues accessibles (10 ans d’archive) Copyright gracieux omptes-rendus de congrès internationaux C en temps réel envoyés sur votre e-mail (sur simple demande) Vidéos en ligne… colonne de gauche. Don’t have a password? Register Here. Remplir les cases pour s’enregistrer. Choisir “breast cancer” dans la colonne de gauche. Cocher “adjuvant (standard version 8.0)”. Sur la première page cocher “continue”. Dans le tableau qui apparaît, remplir : âge, comorbidité, récepteur estrogénique, grade tumoral, taille tumorale, ganglions positifs. Choisir de faire le calcul pour la récidive. Dans : Adjuvant therapy effectiveness. Hormone : tam 2-3 ans puis AA 2-3 ans. Chimiothérapie : anthracycline > 4 cycles > 2 agents. Apparaissent en % les vivants sans cancer à dix ans et les récidives. On voit apparaître le bénéfice avec le traitement hormonal, celui avec l’association chimiothérapie et hormonothérapie. Le bénéfice de l’ajout d’une chimiothérapie apparaît en faisant la différence entre les deux premiers. Éditeur de presse Edimark Santé, spécialisée c’est aussi : EDIMARK SAS EDIMARK SAS (DaTeBe Éditions) Les Lettres... 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