T Formes héréditaires des cancers du sein et de l’ovaire DOSSIER THÉMATIQUE

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Coordination :
V. Diéras, B. Sigal-Zafrani
DOSSIER THÉMATIQUE
Formes héréditaires
des cancers du sein et de l’ovaire
Hereditary breast cancers and ovarian cancers
C. Noguès*, D. Stoppa-Lyonnet**
T
enir compte de l’histoire familiale des cancers
pour estimer le risque pour une femme de
développer un cancer du sein n’est pas
toujours aisé. Certaines histoires familiales sont dues
à l’existence d’une anomalie génétique constitutionnelle prédisposant au cancer du sein (dite majeure).
Néanmoins, agrégation familiale et prédisposition
génétique héritée ne sont pas synonymes. Lorsqu’il
s’agit de pathologies aussi fréquentes que le cancer
du sein et, dans une moindre mesure, celui de l’ovaire
(près de 50 000 et 4 400 nouveaux cas par an en
France, respectivement), une accumulation de cas
peut être fortuite, ou liée à des facteurs environnementaux ou génétiques mineurs (susceptibilité).
On considère qu’environ 5 % des cancers du sein
et de l’ovaire se développent chez des personnes
ayant une prédisposition génétique de transmission autosomique dominante (d’origine aussi bien
maternelle que paternelle).
L’orientation sur une consultation d’oncogénétique
se fait devant une histoire individuelle ou familiale
inhabituelle afin d’évaluer, d’une part, la probabilité
de l’existence d’une prédisposition héréditaire que les
tests génétiques peuvent permettre d’objectiver et,
d’autre part, les risques de cancer, et de leur adapter
la prise en charge.
Syndrome sein-ovaire
(BRCA1/2)
Il y a une dizaine d’années, l’identification des gènes
BRCA1 ou BRCA2, respectivement situés sur les chromosomes 17(q21) et 13(q12-13) et codant pour des
protéines impliquées dans la réparation des lésions de
l’ADN, a constitué une avancée majeure. La recherche
de mutation constitutionnelle (MC) de BRCA1/2 est
maintenant de pratique médicale courante (dans le
cadre d’un dispositif légal bien codifié).
Les risques principaux de cancers associés à une MC
de BRCA1/2 concernent la survenue d’un cancer
du sein et/ou des ovaires (1-3). Les estimations
du risque cumulé (pénétrance) de développer un
cancer du sein pour les femmes ayant une MC de
BRCA1 et BRCA2 sont de l’ordre de 40 à 85 % à
l’âge de 70 ans pour BRCA1 et BRCA2 contre 8 %
dans la population générale. Le risque cumulé de
cancer de l’ovaire est de 20 à 60 % pour BRCA1 et
de 6 à 27 % pour BRCA2 contre 1 % dans la population générale. Le risque ovarien lié à BRCA1 est
nettement plus élevé avant 50 ans que celui associé
à BRCA2. Le risque de développer un cancer du sein
précocement, avant l’âge de 45 ans, est de 25 % en
cas d’implication du gène BRCA1, et de 7 % pour
le gène BRCA2.
Orientation
vers une consultation
d’oncogénétique
Dans l’immense majorité des cas, l’indication d’une
consultation d’oncogénétique repose sur l’identification des formes familiales de cancers du sein et
des ovaires.
On retient également des éléments d’orientation
à une prédisposition : l’âge jeune au diagnostic,
l’atteinte bilatérale, l’association à un cancer de
l’ovaire (ou à une carcinose péritonéale primitive) ou
la présence d’un cancer très rare comme un cancer
de la trompe ou un cancer du sein chez un homme.
Le cancer du sein de type médullaire est rencontré
10 fois plus souvent dans un contexte BRCA1 que
dans un contexte sporadique. Les tumeurs de grade
SBR III, négatives pour les récepteurs hormonaux, et
l’absence d’amplification de HER2 sont également
fréquentes dans ce cadre.
* Service d’épidémiologie clinique,
oncogénétique, Inserm U735, centre
René-Huguenin, Saint-Cloud.
** Service de génétique, université
Paris-Descartes, département de
biologie des tumeurs, Institut Curie,
Paris.
La Lettre du Cancérologue • Vol. XVII - n° 8 - octobre 2008 | 369
Résumé
Mots-clés
Cinq pour cent des cancers du sein sont associés à une prédisposition génétique, transmise selon un mode autosomique
dominant (d’origine maternelle ou paternelle). Les mutations des gènes BRCA1 et BRCA2 sont associées à un risque
élevé de cancers du sein ou de l’ovaire. La consultation d’oncogénétique cherche à comprendre l’origine personnelle et
familiale du cancer du sein et à guider la prise en charge de la patiente et de sa famille.
Oncogénétique
BRCA1
BRCA2
Cancer du sein
Cancer de l’ovaire
Highlights
Five percent of breast cancers
are associated with a genetic
predisposition, transmitted as
an autosomal dominant trait
of either maternal or paternal
origin. Mutations of the BRCA1
or BRCA2 genes are associated
with a high risk of breast and
ovarian cancer and depend in
part on these predispositions.
The oncogenetic consultation
aims at understanding the
origin of a personal and family
history of breast cancer by
using the resources of formal
and molecular genetics and it
seeks to guide the management of the patient and her
relatives.
Keywords
Cancer genetics clinics
BRCA1
BRCA2
Breast cancer
Ovary cancer
La reconstitution de l’histoire familiale est donc
primordiale, impliquant la connaissance précise
des diagnostics des tumeurs des apparentés dans
les branches tant paternelle que maternelle.
Des critères de sélection de recherche de MC ont été
proposés en France par l’expertise collective InsermFNLCC en 1998 (1), puis revus en 2004 (2). Une
analyse moléculaire de BRCA1/2 est proposée si la
probabilité de prédisposition héréditaire est de 25 %,
ce qui correspond à un taux de détection d’une mutation allant de 10 à 15 %. L’établissement d’un score
initialement utilisé comme base d’orientation d’une
personne vers une consultation d’oncogénétique, et
qui peut également servir de base d’indication d’une
recherche de mutation, est proposé (tableau).
Tableau. Indications de consultation de génétique (2).
Mutation de BRCA1/2 identifiée dans la famille
5
Cancer du sein chez une femme avant 30 ans
4
Cancer du sein chez une femme entre 30 et 39 ans
3
Cancer du sein chez une femme entre 40 et 49 ans
2
Cancer du sein chez une femme entre 50 et 70 ans
1
Cancer du sein chez un homme
4
Cancer de l’ovaire
3
Additionnez chaque cas de la même branche parentale : 5 : excellente
indication ; 4 ou 3 : indication possible ; 2 ou 1 : utilité médicale faible.
Organisation
de l’oncogénétique en France
Les consultations d’oncogénétique se sont développées dès le début des années 1990 pour répondre
aux attentes des familles. L’identification des gènes
de prédisposition au cancer du sein (BRCA1 en 1994
et BRCA2 en 1995) a permis l’introduction de tests
biologiques chez les personnes à haut risque.
Ces consultations se sont structurées avec les laboratoires et tous les intervenants concernés autour
du Groupe génétique et cancer (GGC) de la Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer
(FNCLCC), créé en 1991 (www.fnclcc.fr.).
Les étapes de réalisation du test génétique sont
longues : élaboration de l’arbre généalogique,
collecte des informations médicales des personnes
atteintes, indication et réalisation des tests génétiques, résultats dans un délai de plusieurs mois pour
une première analyse dans la famille et recommandations des mesures de dépistage et de prévention.
Nouveaux gènes-facteurs
modificateurs génétiques
Les MC de BRCA1 et BRCA2 n’expliquent pas la
totalité des prédispositions familiales aux cancers
du sein et de l’ovaire. Il doit donc exister d’autres
gènes majeurs responsables des cas familiaux,
mais, en dépit de nombreuses recherches, ils n’ont
pas encore été identifiés, sans doute en raison de
­l’hétérogénéité des familles étudiées, chaque gène
ne pouvant expliquer qu’une très faible proportion de
familles. Aucun nouveau gène BRCAX n’a été retenu.
De nouvelles analyses de ségrégation sont plutôt en
faveur d’un modèle récessif ou polygénique, rendant
l’identification des gènes responsables plus difficile.
L’étude GENESIS reposant sur la contribution de
sœurs ayant été atteintes de cancer du sein et dont
l’analyse de gènes BRCA1/2 est négative chez l’une
d’elles a été mise en œuvre en France avec l’objectif
d’identifier de nouveaux gènes de prédisposition.
La détection d’effets modificateurs génétiques des
MC de BRCA1/2 sur les risques de cancer fait l’objet
de nombreuses études. Peu de résultats sont actuellement signifiants. Notons cependant que l’existence
d’un variant du gène RAD51 (135G ➙ C) sous forme
homozygote est corrélée à une augmentation du
risque de cancer du sein en cas de MC de BRCA2.
Des études de validation sont en cours.
■
Références bibliographiques
1. Expertise collective FNCLCC-INSERM. Risques héréditaires de cancers du sein et de l’ovaire. Quelle prise en
charge ? Expertise collective INSERM, Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer. Paris : Éditions
Inserm, 1998.
Pour en savoir plus...
2. Eisinger F, Bressac B, Castaigne D et al. Identification et prise
en charge des prédispositions héréditaires aux cancers du sein et
de l’ovaire (mise à jour 2004). Bull Cancer 2004;91:219-37.
3. Chen S, Parmigiani G. Meta-analysis of BRCA1 and BRCA2
penetrance. J Clin Oncol 2007;25:1329-33.
370 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XVII - n° 8 - octobre 2008 • Dent R, Warner E. Screening for hereditary breast cancer.
Semin Oncol 2007;34:392-400.
• Kauff ND, Barakat RR. Risk-reducing salpingo-oophorectomy in patients with germline mutations in BRCA1 or
BRCA2. J Clin Oncol 2007;25:2921-7.
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