Cas clinique Récurrences au virus de l’herpès simplex au cours du DRESS Herpes simplex virus recurrence in DRESS DRESS • Virus de l’herpès simplex V. Descamps (Service de dermatologie, hôpital Bichat-Claude-Bernard, Paris) DRESS • Herpes simplex virus L es réactivations à herpesvirus expliquent la physiopathologie du DRESS (Drug Reaction with Eosinophilia and Systemic Symptoms) [1]. Il a été démontré que l’infection virale, et surtout la réponse immunitaire induite par ses réactivations, sont responsables des manifestations cliniques et biologiques du DRESS (2). Jusqu’à présent, les virus de l’herpès simplex (HHV)-6, HHV-7, cytomégalovirus (CMV) et virus Epstein-Barr (EBV) ont été mis en avant car associés à la majorité des formes sévères de DRESS. Nous rapportons ici 3 observations avec réactivation du virus de l’herpès simplex, très fréquente au cours ou au décours du DRESS. Observations Deux patientes âgées de 70 et 69 ans étaient hospitalisées pour un DRESS typique à l’allopurinol avec érythrodermie fébrile, œdème du visage et polyadénopathie. La première patiente présentait une aggravation de son insuffisance rénale et une réactivation au CMV. Une récurrence à herpes simplex était observée au niveau périnarinaire (figure 1). La seconde présentait une atteinte pulmonaire avec une réactivation à HHV-6 et développait dans les suites de son DRESS une récurrence sous-mammaire (figure 2). La troisième patiente a présenté, au cours d’un DRESS à la vancomycine en traitement d’une ostéite chronique, des érosions génitales évocatrices de récurrence herpétique. Secondairement était observé un tableau d’érythème polymorphe avec des aspects de cocardes typiques faisant discuter un érythème polymorphe post-herpétique dans le contexte d’un DRESS (figure 3). Légendes Figure 1. Récurrence herpétique sousnarinaire et labiale supérieure au cours d’un DRESS à l’allopurinol. Figure 2. Récurrence herpétique sousmammaire au cours d’un DRESS à l’allopurinol. Figure 3. Lésions cutanées à type d’érythème polymorphe au cours d’un DRESS après récurrence génitale. Figure 4. Réactivations virales et DRESS. Discussion Les récurrences herpétiques à herpes simplex doivent être recherchées au cours du DRESS. Elles peuvent certes n’être que la conséquence de la fièvre ou de l’altération de l’état général liées à la sévérité du DRESS. Mais connaissant la physiopathologie du DRESS et les liens possibles de coopération entre les différents herpesvirus, ces réactivations à herpes simplex ne sont guère étonnantes. Il est intéressant d’observer chez la troisième patiente des manifestations d’érythème polymorphe au cours du DRESS, qui témoignent aussi d’une réponse immunitaire contre des antigènes viraux. Ces érythèmes polymorphes pourraient expliquer certains phénomènes de décollement cutané et muqueux observés dans les suites évolutives de DRESS. Conclusion Les réactivations à herpesvirus sont fréquentes au cours du DRESS et expliquent la physiopathologie de ce syndrome (figure 4). Les collègues japonais ont d’ailleurs inclus les réactivations à HHV-6 dans leurs critères diagnostiques (3). Il ne faut pas oublier d’ajouter les herpes simplex à la liste des autres herpesvirus (1). II 174 ID6-2011_V2.indd 174 Références bibliographiques 1. Descamps V, Ben Saïd B, Sassolas B et al. Prise en charge du DRESS (Drug Reaction with Eosinophilia and Systemic Symptoms). Ann Dermatol Venereol 2010;137:703-8. 2. Picard D, Janela B, Descamps V et al. Drug reaction with eosinophilia and systemic symptoms (DRESS): a multiorgan antiviral T cell response. Sci Transl Med 2010;2:46ra62. 3. Shiohara T, Iijima M, Ikezawa Z, Hashimoto K. The diagnosis of a DRESS syndrome has been sufficiently established on the basis of typical clinical features and viral reactivations. Br J Dermatol 2007;156:1083-4. Images en Dermatologie • Vol. IV • n° 6 • novembre-décembre 2011 30/11/11 17:10 Cas clinique 1 2 3 Rash Fièvre Médicament Corticostéroïdes HHV-6 HHV-7 Réponse immunitaire HHV-6 EBV CMV HSV EBV Immunosuppression Lymphocytes atypiques Éosinophilie Hépatite Hypogammaglobulinémie 4 Images en Dermatologie • Vol. IV • n° 6 • novembre-décembre 2011 ID6-2011_V2.indd 175 175 30/11/11 17:10 Cas clinique Le coup d’œil Pigmentation et hypertrichose ciliaire induite par le latanoprost Pigmentation and hypertrichosis induced by latanoprost V. Descamps (Service de dermatologie, hôpital Bichat-Claude-Bernard, Paris) Latanoprost • Prostaglandine • Pigmentation • Cil Latanoprost • Prostaglandin • Pigmentation • Eyelash L e latanoprost est un analogue de la prostaglandine F2α utilisé sous la forme de collyre oculaire dans le traitement du glaucome à angle ouvert. Ce traitement, très utilisé, est bien toléré. Il peut être responsable d’effets indésirables locaux dominés par une pigmentation de l’iris, une pigmentation péri-oculaire et l’apparition d’un érythème et de télangiectasies. Il a de plus été observé une augmentation de l’épaisseur et de la longueur des cils. Observation La présentation clinique est caractéristique et reconnaissable au premier coup d’œil, comme chez ce patient au regard sombre (figure 1). Cette hyperpigmentation serait liée à une stimulation de la transcription du gène de la tyrosinase au niveau des mélanocytes. Une augmentation de la longueur des cils est également classique (figure 2), tout comme la pigmentation de l’iris (figure 3). Discussion Trois cas de mélanome survenant au cours d’un traitement par latanoprost ont été rapportés (choroïdien, Dubreuilh, lobe de l’oreille). Une méta-analyse récente réalisée à partir d’une étude de bases de données et d’une revue de la littérature n’a pas mis en évidence de lien entre ce traitement et le risque de développer un mélanome. Le latanoprost a par ailleurs été proposé dans le traitement des pelades avec alopécie des cils. Les études contrôlées n’ont pas confirmé son efficacité dans cette indication. Récemment, dans une étude pilote qui a inclus 16 hommes âgés de 23 à 35 ans ayant une alopécie androgénétique débutante, l’utilisation du latanoprost à une concentration de 0,1 % (contre 0,005 % dans le traitement du glaucome) a montré une efficacité à 24 semaines sur la densité et la pigmentation des cheveux. II Pour en savoir plus... 1. Alm A, Grierson I, Shields MB. Side effects associated with prostaglandin analog therapy. Surv Ophthalmol 2008;53(Suppl.1):S93-105. 2. Estève E, Beau-Salinas F, Estève L et al. [Melanoma during latanoprost therapy: three cases]. Ann Dermatol Venereol 2009;136:60-1. 3. Tressler CS, Wiseman RL, Dombi TM et al. Lack of evidence for a link between latanoprost use and malignant melanoma: an analysis of safety databases and a review of the literature. Br J Ophthalmol 2011 Apr 21 (sous presse). 4. Roseborough I, Lee H, Chwalek J, Stamper RL, Price VH. Lack of efficacy of topical latanoprost and bimatoprost ophthalmic solutions in promoting eyelash growth in patients with alopecia areata. J Am Acad Dermatol 2009;60:705-6. 5. Blume-Peytavi U, Lönnfors S, Hillmann K, Bartels NG. A randomized double-blind placebo-controlled pilot study to assess the efficacy of a 24-week topical treatment by latanoprost 0.1% on hair growth and pigmentation in healthy volunteers with androgenetic alopecia. J Am Acad Dermatol 2011 Aug 27 (sous presse). 176 ID6-2011_V2.indd 176 Légendes Figure 1. Hyperpigmentation des cils, de l’iris et péri-oculaire après application de latanoprost. Figure 2. Hypertrichose ciliaire induite par le latanoprost. Figure 3. Hyperpigmentation de l’iris. Images en Dermatologie • Vol. IV • n° 6 • novembre-décembre 2011 30/11/11 17:10