Syndrome DRESS et atteinte hépatique Cas clinique DRESS syndrome and liver involvement

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Cas clinique
Thérapeutique
Syndrome DRESS et atteinte
hépatique
DRESS syndrome and liver involvement
S. Cosconéa1, 2, N. Franck3, P. Sogni1, 2
(1 Service d’hépatologie, hôpital Cochin, AP-HP, Paris ; 2 institut Cochin, CNRS UMR 8104,
Inserm U-1016, université Paris-Descartes, Sorbonne Paris Cité ; 3 service de dermatologie,
hôpital Cochin-pavillon Tarnier, AP-HP, Paris)
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Observation
Un homme de 56 ans ayant pris de l’Augmentin® (amoxicilline, acide clavulanique) en
automédication pendant 4 jours pour une furonculose banale présentait 7 jours après
un ictère cutanéomuqueux avec urines foncées et selles décolorées. Après 3 semaines,
il remarquait également l’apparition d’une éruption cutanée des membres supérieurs
et inférieurs, à type de macules érythémateuses et prurigineuses ; il consultait alors
son médecin traitant.
Le bilan mettait en évidence une hépatite cytolytique et cholestatique avec ALAT à 45 × N,
ASAT à 30 × N, GGT à 12 × N et phosphatases alcalines à 1,8 × N. La bilirubine totale etait
à 118 µmol/l à prédominance conjuguée, le taux de prothrombine (TP) à 63 %, avec un
facteur V à 90 %. La protéine C réactive était à 30 mg/l. Les sérologies virales des hépatites A, B, C et E étaient négatives ; la sérologie et la PCR du cytomégalovirus (CMV) et de
l’herpes simplex virus (HSV) étaient négatifs également ; la sérologie Epstein-Barr virus
(EBV) était en faveur d’une infection ancienne. L’échographie montrait un foie de taille
et morphologie normales, sans anomalies des voies biliaires ou des axes vasculaires.
Le patient, séropositif pour le VIH, était traité depuis plusieurs années par efavirenz,
didanosine et emtricitabine, avec une charge virale indétectable et un taux de CD4
supérieur à 400 cellules/µl. Parmi ses antécédents marquants, on notait un œdème
du visage survenu à l’âge de 15 ans après une prise d’Augmentin®. Il avait depuis reçu
de l’amoxicilline à plusieurs reprises sans aucune intolérance.
Un mois après l’arrêt de l’amoxicilline, l’ictère s’aggravait et l’éruption cutanée devenait diffuse, avec l’apparition d’un érythème du visage. Le patient était hospitalisé
pour explorations complémentaires. L’examen ne mettait pas en évidence de lésion
muqueuse buccale ou génitale, d’atteinte articulaire ou ophtalmologique ni d’hépatosplénomégalie ou d'adénopathies superficielles. Le patient, initialement subfébrile
(38 °C), restait apyrétique pendant l’hospitalisation.
Sur le plan biologique, l’ALAT était à 30 × N, l’ASAT à 29 × N, la bilirubine totale
à 297 µmol/l, la bilirubine conjuguée à 202 µmol/l, sans insuffisance hépatocellulaire (TP à 50 % et facteur V à 99 %), la GGT à 2 × N ; il présentait une lymphopénie (780 cellules/mm3) sans éosinophilie (250 cellules/mm3) et une neutrophilie à
12 000 cellules/mm3. La fonction rénale etait normale, sans protéinurie. L’électrocardiogramme, la créatine phosphokinase (CPK), le NT-proBNP étaient normaux
également. Les infections virales (hépatites A, B, C, E, infections par CMV, EBV, HSV,
parvovirus B19, HHV6 et HHV8) ont été écartées par la négativité des PCR respectives.
Le bilan auto-immun était négatif, hormis pour les anticorps antinucléaires, faiblement
positifs (1/80). L’électrophorèse des protéines sériques montrait une augmentation
modérée polyclonale des gamma-globulines à 18 g/l. La vitamine D-25 OH était à
7 µg/l (N = 20-60 µg/l). La ferritine était à 3 000 µg/l (N = 30-200), les LDH à 3 × N, les
triglycerides à 3,5 × N, le cholestérol, normal, et la CRP à 100 mg/l. Le FibroScan ®
montrait une valeur normale d’élasticité hépatique à 5 kPA.
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Légendes
Figures 1 et 2. Rash érythémateux maculopapuleux dans le cadre d’un syndrome
DRESS.
Cas clinique
Thérapeutique
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Hospitalisation
Médicament suspecté
Rash cutané*
Fièvre > 38 °C*
Adénopathies à au moins 2 sites*
Atteinte d’au moins un organe interne*
Anomalies hématologiques
– Lymphocytes inférieurs ou supérieurs aux valeurs normales*
– Hyperéosinophilie (en pourcentage ou en valeur absolue)*
– Plaquettes inférieures aux valeurs normales*
* au moins 3 de ces critères sont requis.
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Cas clinique
Thérapeutique
Le diagnostic d’hypersensibilité médicamenteuse (Drug Reaction with Eosinophilia and
Systemic Symptoms [DRESS]) secondaire à la prise d’Augmentin® avec atteinte hépatique sans insuffisance hépatocellulaire a été posé. La ferritine très élevée, associée aux
triglycérides et LDH élevés, était en faveur d’un syndrome d’activation macrophagique
(SAM) concomitant.
Du fait de l’atteinte hépatique et de la suspicion de SAM associé, malgré l’arrêt de
l’Augmentin® 1 mois auparavant, un traitement par prednisone à 1 mg/kg/j per os a
été instauré. Une amélioration rapide des symptômes cutanés a été notée, avec une
diminution de moitié du taux des transaminases au bout de15 jours, puis une normalisation de la CRP et de la ferritine au bout de 8 semaines. La corticothérapie a été
poursuivie pendant 7 mois avec une décroissance très progressive. À l’arrêt du traitement, les ASAT étaient à 2 × N, les ALAT à 1,2 × N et la bilirubine totale était normale.
Discussion
Le syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse, ou syndrome DRESS, est une réaction médicamenteuse idiosyncratique grave, potentiellement létale par l’atteinte d’un
ou de plusieurs organes ; il survient de manière retardée, entre 1 et 8 semaines après
l’introduction d’un médicament. À l’éruption cutanée plus ou moins sévère peuvent être
associées la fièvre, des anomalies hématologiques (éosinophilie, atypies lymphocytaires),
des adénopathies périphériques, de même qu’une atteinte d’organe, unique ou multiple
(hépatite, néphrite interstitielle, myocardite, pneumopathie interstitielle, etc.). Malgré
l’arrêt du médicament responsable, les symptômes peuvent persister ou s’aggraver.
Les médicaments le plus souvent responsables sont les antiépileptiques, certains antibiotiques (minocycline, sulfonamides, rifampicine), les antiviraux (abacavir, névirapine),
les anti-inflammatoires non stéroïdiens, l’allopurinol, la sulfasalazine, la dapsone, les
antithyroïdiens de synthèse, le ranélate de strontium (1, 2).
Le tableau est variable pour chaque patient. L’atteinte cutanée serait constante.
Elle associe classiquement une éruption maculopapuleuse érythémateuse diffuse
(figures 1 et 2, p. 37) et un œdème du visage et des extrémités. Elle peut être moins
prononcée et peu visible chez les patients à la peau foncée. L’hyperéosinophilie transitoire n’est présente que dans 60 à 90 % des cas. Les adénopathies ne sont présentes
que dans environ 50 % des cas. La fièvre est habituelle (1).
En revanche, le syndrome DRESS implique systématiquement l’atteinte d’un organe
interne. Dans 90 à 100 % des cas, il s’agit d’une atteinte hépatique, se manifestant par
une augmentation des transaminases, modérée à sévère (> 5 à 10 × N), associée dans
1/3 des cas à une hépatomégalie, avec, dans de rares cas, une hépatite fulminante. Un
syndrome d’activation macrophagique peut lui être associé, probablement déclenché par
l’orage cytokinique inhérent au syndrome DRESS (1). Des critères d’inclusion (tableau,
p. 37) et un score diagnostique ont été proposés, qui reprennent ces principaux items (3).
Les corticoïdes à administration systémique constituent le traitement de choix dans les
formes les plus graves, chez les patients ayant une atteinte d’organe sévère. Le bénéfice
sur l’hyperéosinophilie et sa toxicité tissulaire serait en relation avec l’inhibition de
l’interleukine 5 (cytokine médiatrice de la réaction allergique). Les corticoïdes réduisent
ainsi les symptômes systémiques secondaires à la réaction d’hypersensibilité retardée
du syndrome DRESS. La mortalité varie, en fonction des séries, de 1 à 10 % (1, 2). Elle
est associée à la sévérité de l’atteinte hépatique et/ou myocardique mais ne semble
pas être influencée par l’administration des corticoïdes (2). Le rôle pronostique péjoratif
de l’hypovitaminose D a également été suggéré (1).
En pratique, l’arrêt du médicament incriminé est obligatoire dès qu’une réaction
d’hypersensibilité cutanée est suspectée. Le dépistage systématique d’une éventuelle
atteinte hépatique ou cardiaque est indispensable afin, si nécessaire, de commencer
une corticothérapie systémique, qui doit être diminuée très progressivement.
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Références bibliographiques
1. Ben m’rad M, Leclerc-Mercier S, Blanche P
et al. Drug-induced hypersensitivity syndrome:
clinical and biologic disease patterns in 24 patients.
Medicine (Baltimore) 2009;88:131-40.
2. Cacoub P, Musette P, Descamps V et al. The
DRESS syndrome: a literature review. Am J Med
2011;124:588-97.
3. Kardaun SH, Sidoroff A, Valeyrie-Allanore L et al.
Variability in the clinical pattern of cutaneous sideeffects of drugs with systemic symptoms: does
a DRESS syndrome really exist? Br J Dermatol
2007;156:609-11.
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