Médecine & enfance En classe, il se déconnecte… NEUROLOGIE S. Auvin, service de neurologie pédiatrique et des maladies métaboliques, hôpital Robert-Debré, Paris CAS CLINIQUE Florian est en CP. Son institutrice a signalé à ses parents qu’elle le surprenait très régulièrement dans la journée à ne pas répondre. Il est dans la lune pendant quelques secondes. Elle est d’autant plus étonnée que Florian est très bon élève, il savait lire dès le début du mois de décembre et jusque-là a toujours été très attentif. Les parents vous disent qu’eux-mêmes ont constaté ce fait depuis que l’institutrice leur en a parlé. De la sortie de l’école au coucher, il « se déconnecte » une dizaine de fois. Il reste comme bloqué, sans présenter aucun symptôme, puis reprend l’activité en cours. Florian n’a pas d’antécédent notable. Son examen neurologique est normal. Quel diagnostic évoquez-vous ? Une épilepsie absence de l’enfant doit être évoquée. Les éléments cliniques en faveur sont l’âge de début vers six-sept ans et la survenue chez un enfant sans antécédent et sans retard du développement psychomoteur. Un seul type de crise est observé : des absences. La clinique seule ne permet toutefois pas de retenir définitivement le diagnostic. L’arrêt d’activité avec suspension de la conscience pendant quelques secondes est un élément orientant vers le diagnostic. Quelle manœuvre pouvez-vous faire en consultation pour étayer celui-ci ? Rubrique dirigée par S. Auvin Une épreuve d’hyperpnée. Il s’agit de faire respirer amplement l’enfant pendant trois minutes. Si la coopération est difficile, on peut se servir d’un petit moulin ou d’une feuille de papier sur laquelle on demande à l’enfant de souffler. L’hyperpnée déclenche quasi systématiquement une absence. Cette épreuve n’est pas dangereuse chez le jeune enfant. Il n’y a pas de risque de déclencher une crise généralisée de type tonico-closeptembre 2010 page 341 nique, qui n’est pas observée dans l’épilepsie absence de l’enfant. Envisagez-vous des examens paracliniques ? si oui lequel ou lesquels ? Un électroencéphalogramme doit être réalisé. C’est lui, et lui seul, qui permet de retenir le diagnostic : il faut qu’une absence clinique soit corrélée sur le plan électroencéphalographique à une décharge de pointes-ondes à 3 cycles/seconde. A moins d’un doute diagnostique, il n’y a pas lieu de demander d’autres investigations à ce stade. Que dites-vous aux parents ? Il faut annoncer le diagnostic : il s’agit d’une épilepsie absence de l’enfant. Un traitement doit être débuté, car cette épilepsie ne guérit pas spontanément, et la répétition des absences vient gêner la cognition et le suivi d’une scolarité normale. L’objectif minimal du traitement est de deux ans sans crise. Il faut être prudent sur le pronostic. S’il est vrai que 80 % des patients sont contrôlés par la première monothérapie antiépileptique, 20 % nécessitent des modifications médicamenteuses et sont pharmacodépendants ou pharmacorésistants. Dans ces derniers cas, l’avis d’un neuropédiatre est nécessaire. Un traitement est démarré, lequel et comment le surveillez-vous ? En première intention, il est habituel de choisir le valproate ou l’éthosuximide (voir discussion dans la mise au point). Lors de la prescription, il faut informer sur les effets secondaires les plus fréquents et demander aux parents de vous recontacter en cas de mauvaise tolérance. A un mois de traitement, il faut revoir l’enfant pour s’assurer de l’efficacité et de la tolérance. Il faut réaliser un électroencéphalogramme (voir mise au point). Seule la persistance des absences doit faire discuter une modifica- Médecine & enfance tion du traitement. L’objectif du traitement est la disparition des absences ; il ne faut pas chercher à obtenir un EEG normal. Il n’y a pas lieu de faire de bilan biologique systématique dans le cadre du suivi du traitement. Un bilan biologique comprenant un bilan hépatique et une amoniémie est réalisé uniquement en cas de symptômes cliniques. La dépakinémie n’est utilisée que pour vérifier si le traitement est donné par la famille. Il n’y a aucune corrélation entre l’efficacité ou la tolérance et le taux sérique de la dépakine. L’ÉPILEPSIE ABSENCE DE L’ENFANT DÉFINITION L’épilepsie absence de l’enfant est un syndrome épileptique qui appartient au groupe des épilepsies généralisées idiopathiques. Il est caractérisé par la survenue d’un seul type de crises épileptiques : les absences. Il s’agit d’enfants âgés de quatre à dix ans, sans antécédents, qui débutent des absences pluriquotidiennes ; le pic de fréquence est à six-sept ans. Si la symptomatologie est évocatrice, un EEG doit toujours être réalisé. L’EEG montrera une décharge de pointes-ondes généralisée à 3 Hz. L’existence d’un autre type de crise épileptique que des absences doit faire discuter un autre diagnostic. PRÉSENTATION CLINIQUE Les absences correspondent cliniquement à une rupture de contact brutale dont la durée habituelle est de 10 secondes ; il y a un arrêt soudain de l’activité et une reprise tout aussi soudaine de celle-ci à la fin de l’absence. Le nombre d’absences quotidien varie de 20 à 100. Il existe parfois des automatismes au cours de l’absence : mâchonnements, pourléchage de lèvres, manipulation d’objet… Cette épilepsie survient chez des enfants sans antécédents et avec un examen neurologique normal. Ces éléments seront vérifiés durant la consultation. L’épreuve d’hyperpnée sera en- suite réalisée afin d’essayer de mieux appréhender le degré de certitude diagnostique. DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS Les absences sont parfois confondues avec des événements non épileptiques comme un trouble de l’attention. L’enfant qui « est dans la lune » répond dès qu’on l’appelle ou dès qu’on le touche, ce qui n’est pas le cas au cours des absences. Chez certains enfants ayant des difficultés d’apprentissage ou une déficience intellectuelle, la distinction entre absence et trouble de l’attention n’est pas toujours aisée. Les absences peuvent également être confondues avec d’autres types de crise épileptique. En effet, certaines crises partielles avec peu de phénomènes cliniques observables se manifestent très souvent par une rupture de contact. La fréquence de ces crises est souvent différente, avec quelques crises par an initialement. C’est dans ces circonstances que l’interrogatoire prend une importance toute particulière. Il n’est pas rare qu’en demandant des précisions aux parents on retrouve des éléments en faveur de crises partielles, comme des sensations de boule épigastrique ascendante, une déviation de la tête et/ou des yeux, des contractions toniques d’un membre ou d’un hémicorps… A côté des phénomènes cliniques pris pour des absences sans en être, il y a aussi les absences observées dans d’autres épilepsies que l’épilepsie absence de l’enfant, ainsi celles survenant dans les syndromes épileptiques généralisés idiopathiques de l’adolescent et de l’adulte (épilepsie absence de l’adolescent, épilepsie myoclonique juvénile). Dans le cas des épilepsies absences de l’adolescent, la fréquence des absences est moindre et, comme son nom l’indique, le début de cette épilepsie est plus tardif ; de plus, les absences ne sont pas le seul type de crise : il existe également des crises tonico-cloniques généralisées. D’autres épilepsies comportent des absences mais le contexte clinique (antécédents neurologiques, nombreux types de crise, aspects EEG) septembre 2010 page 342 fait qu’elles ne posent pas de problème de diagnostic différentiel. Dans ces derniers cas, on observe des absences atypiques. Ces absences sont assez différentes sur le plan clinique : elles durent plus longtemps et on observe une fluctuation de conscience avec un enfant présent par moments mais dont le contact ou l’activité motrice sont modifiés. Sur le plan électroencéphalographique, la décharge de pointes-ondes est irrégulière et se produit pendant toute la durée des manifestations cliniques. DONNÉES ÉLECTROENCÉPHALOGRAPHIQUES Lors des crises, on observe de façon concomitante à la perte de conscience une décharge de pointes-ondes généralisées de 3 cycles par seconde. La décharge est rythmique, avec une discrète baisse de la fréquence des pointesondes entre le début et la fin de la décharge. Le début et la fin de la décharge peuvent avoir une prédominance dans les territoires antérieurs, ce qui ne remet pas en cause le diagnostic d’absence. Ce dernier élément, mal connu, est parfois trompeur. En effet, l’épilepsie absence de l’enfant étant une épilepsie généralisée, on s’attend en théorie à avoir un début de la décharge à l’EEG sur l’ensemble des dérivations EEG, mais le début frontal de ces absences est bien décrit et il ne faut donc pas se laisser piéger en interprétant ce type de tracé comme une décharge à début frontal et secondairement généralisée. Entre les crises, l’EEG est normal, avec un rythme de base normal. On peut observer quelques pointes-ondes généralisées sans traduction clinique. Ces éléments ne doivent pas être considérés comme des crises. PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE Le traitement de première intention peut être le valproate ou l’éthosuximide (Zarontin®). L’objectif du traitement est de faire disparaître les absences. Ce point est évalué par l’interrogatoire de l’entourage, l’épreuve d’hyperpnée et Médecine & enfance un tracé EEG avec hyperpnée. Il ne faut en aucun cas chercher la normalisation du tracé. En particulier, il ne faut pas augmenter le traitement pour faire disparaître des pointes-ondes intercritiques. Un essai randomisé américain a récemment cherché à comparer éthosuximide, lamotrigine et valproate utilisés en traitement de première intention. Il s’agissait d’un essai randomisé sur 450 enfants. Les traitements les plus efficaces étaient le valproate et l’éthosuximide. Entre ces deux molécules, les critères secondaires de jugement montraient que l’éthosuximide donnait moins de troubles attentionnels que le valproate [1]. En France, le valproate est historiquement utilisé en première intention. Il faut savoir que certains traitements peuvent aggraver cette épilepsie. Cela a été particulièrement bien documenté avec la carbamazépine. Le pronostic est globalement bon, avec un taux de réponse à la première monothérapie d’environ 80 % [2]. Il faut être prudent dans l’annonce du pronostic. Si pour la majorité des patients le contrôle des crises est aisé, pour un patient sur cinq il faudra plusieurs essais de traitement, voire une combinaison de deux traitements. De façon plus rare, il existe des patients pharmacorésistants. Ces patients nécessitent une prise en charge spécialisée. Il n’est pas toujours possible d’arriver à contrôler les crises. Chez les patients contrôlés par le traitement, on peut tenter son arrêt après deux ans sans crise. L’arrêt sera très progressif et devra se faire sous surveillance. Au moindre doute, un EEG L’épilepsie absence de l’enfant est un des syndromes épileptiques fréquents de l’enfance. Le diagnostic est évoqué aisément. Une consultation associée à un EEG permet de confirmer la suspicion diagnostique. Un EEG doit toujours être réalisé avant la mise en place du traitement. Un traitement approprié doit être mis en place. Si pour la majorité des patients il s’agit d’une épilepsie bénigne, il faut être très prudent dans l’annonce du pronostic, car pour un nombre non négligeable de patients l’évolution n’est pas aussi bénigne. Un suivi régulier des patients doit être réalisé pour vérifier l’efficacité et la tolérance du traitement. 첸 Références P.C., CHILDHOOD ABSENCE EPILEPSY STUDY GROUP : « Ethosuximide, valproic acid, and lamotrigine in childhood absence epilepsy », N. Engl. J. Med., 2010 ; 362 : 790-9. [2] HIRSCH E., PANAYIOTOPOULOS C.P. : « Childhood absence epilepsy and related syndromes », in ROGER J., BUREAU M., DRAVET C., GENTON P., TASSINARI C.A., WOLF P. : Epileptic syndromes in infancy, childhood and adolescence, 4th Ed., John Libbey Eurotext, Montrouge, 2005 ; p. 315-35. [1] GLAUSER T.A., CNAAN A., SHINNAR S., HIRTZ D.G., DLUGOS D., MASUR D., CLARK P.O., CAPPARELLI E.V., ADAMSON PRONOSTIC devra être réalisé. Les récidives après arrêt de traitement ne sont pas habituelles mais elles sont possibles. CONCLUSION DIPLÔME UNIVERSITAIRE ANNÉE 2010-2011 Psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent et maladies somatiques Objectifs de l’enseignement • Aborder la compréhension du développement psychologique et des troubles psychopathologiques de l’enfant et de l’adolescent. • Cerner les difficultés psychologiques et les éventuels troubles psychiatriques rencontrés chez les enfants atteints de maladies somatiques. Les resituer dans un cadre psychopathologique plus large. • Etudier les prises en charge thérapeutiques proposées aux enfants et à leurs familles. • Analyser la relation soignants-enfant-famille. Lieu : Fondation Vallée, 7 rue Benserade, 94250 Gentilly Préinscriptions : par courrier à partir du 15 septembre 2010 secrétariat du Pr Jousselme, Fondation Vallée, 7 rue Benserade, 94250 Gentilly (tél. : 01 41 24 81 76) e-mail : [email protected]. Joindre un CV Inscriptions : du 15 octobre au 15 novembre 2010 (de 13 h 30 à 16 h 30) faculté de médecine Paris-Sud, 63 rue Gabriel-Péri, 94270 Le Kremlin-Bicêtre (tél. : 01 49 59 67 67) Droits d’inscription : 700 euros (600 euros pour les internes en exercice et les médecins hospitaliers, 900 euros dans le cadre de la formation permanente) Responsables de l’enseignement : Pr C. Jousselme, Pr M. Tardieu, Dr S. Bydlowski, Dr J. Chambry, Dr C. Raoul-Duval, Mme E. Levy Enseignants : pédopsychiatres, pédiatres et psychologues du CHU de Bicêtre et d’autres facultés septembre 2010 page 343