L Chirurgie bariatrique et complications cardiovasculaires

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MISE AU POINT
Chirurgie bariatrique
et complications
cardiovasculaires
Bariatric surgery and cardiovascular outcome in morbid
obesity
L. Lucas-Martini*, J. Aron-Wisnewsky*, A. Basdevant*
L
a chirurgie de l’obésité, dite “chirurgie bariatrique”, connaît un développement rapide en
France. En 2011, 30 000 interventions ont été
réalisées, et l’on estime que depuis l’avènement
de cette procédure il y a près de 15 ans, plus de
200 000 personnes ont subi cette intervention.
La place occupée par la chirurgie bariatrique s’explique par la progression épidémiologique de la
maladie, notamment de ses formes graves, par
l’efficacité de cette chirurgie et par les progrès des
techniques chirurgicales. La chirurgie s’adresse aux
personnes atteintes d’obésité sévère, voire massive,
dont la prévalence se situe aux alentours de 4 % de
la population française adulte.
Le cardiologue est concerné à plus d’un titre par cette
chirurgie. Il peut être sollicité dans le cadre du bilan
préopératoire et en postopératoire pour adapter les
traitements ; il peut être conduit à envisager cette
option thérapeutique devant un patient “cardiologique” dont l’obésité a un impact sur la fonction
cardiaque. En effet, l’amélioration de cette dernière
passe par une perte de poids importante ; enfin, il
doit connaître les bénéfices et les inconvénients
cardiovasculaires de cette chirurgie.
Tableau. Risques relatifsa de complications cardiovasculaires et diabète de type 2 associés au surpoids et à l’obésité.
Surpoids
* Service de nutrition, pôle cardiométabolisme, hôpital de la PitiéSalpêtrière ; ICAN, Institut de
cardiologie métabolisme et nutrition ;
université Pierre-et-Marie-Curie,
Paris.
Obésité
Homme
Femme
Homme
Femme
Diabète de type 2
(9 études)
IMC*
TT*
2,4 (2,1-2,7)
2,2 (1-3,1)
3,9 (3,1-4,9)
3,4 (2,4-4,7)
6,7 (5,5-8,1)
5,1 (3,8-6,9)
12,4 (9,0-17,0)
11,1 (8,2-14,9)
Hypertension artérielle
(4 études)
IMC
TT
1,2 (1,1-1,5)
ND*
1,6 (1,2-2,1)
1,3 (1,2-1,5)
1,8 (1,5-2,2)
ND
2,4 (1,5-3,6)
1,9 (1,7-2,0)
Cardiopathie ischémique
(11 études)
IMC
TT
1,2 (1,1-1,4)
1,4 (1,1-1,7)
1,80 (1,6-1,9)
1,82 (1,4-2,3)
1,8 (1,4-2,2)
1,7 (1,2-2,5)
1,7 (1,0-2,9)
3,5 (2,6-4,7)
Insuffisance cardiaque
(4 études)
IMC
1,3 (0,9-1,7)
1,27 (0,6-2,3)
1,7 (1,2-2,5)
1,7 (1,0-2,9)
Embolie pulmonaire
(1 étude)
IMC
1,9 (1,3-2,6)
1,9 (1,3-2,6)
3,5 (2,6-4,7)
3,5 (2,6-4,7)
Accident vasculaire cérébral
(7 études)
IMC
1,2 (1,1-1,3)
1,1 (1,0-1,3)
1,5 (1,3-1,7)
1,4 (1,2-1,7)
a Risque relatif avec intervalle de confiance à 95 %.
* IMC : indice de masse corporelle ; TT : tour de taille ; ND : non déterminé.
Les seuils utilisés pour IMC et TT étaient : surpoids ≥ 25 kg/­m2 ; ≥ 80/94 cm H/F ; obésité ≥ 30 kg/m2 ; ≥ 88/102 cm H/F.
32 | La Lettre du Cardiologue • n° 466-467 - juin-septembre 2013
Points forts
»» La chirurgie de l’obésité est une option thérapeutique majeure dans la prise en charge de l’obésité
morbide.
»» Elle diminue la morbimortalité cardiovasculaire et globale.
»» Rôle majeur de la chirurgie bariatrique dans la prévention et la rémission de certaines complications
cardiovasculaires.
»» Il existe 2 types de chirurgie bariatrique : les chirurgies dites “restrictives” et les courts-circuits intestinaux associant restriction et malabsorption.
»» Le traitement chirurgical implique un suivi médical à vie visant à dépister les complications chirurgicales,
nutritionnelles et carentielles.
Du point de vue du nutritionniste ou du chirurgien de
l’obésité, les enjeux cardiovasculaires sont une des
principales justifications de la chirurgie bariatrique.
Le retentissement cardiovasculaire de l’obésité rend
compte, pour une large part, de l’augmentation du
risque de morbidité et de mortalité associé à l’excès de
poids : HTA, hypertrophie ventriculaire gauche (HVG),
insuffisance cardiaque, coronaropathie, troubles du
rythme, pathologie thromboembolique (1) et autres
risques exposés dans le tableau (2). Les facteurs impliqués sont multiples : degré d’excès de poids, gain de
poids au cours de la vie, répartition du tissu adipeux,
facteurs de risque cardiovasculaire associés et sédentarité. Les mécanismes en cause sont complexes et
intriqués avec l’intervention de facteurs hémodynamiques, métaboliques (insulinorésistance associée à
l’adiposité abdominale) et inflammatoires, auxquels
s’ajoutent l’effet local de la graisse cardiaque sur les
artères coronaires, la fonction myocardique. Chez les
patients obèses massifs, le retentissement respiratoire
(syndrome d’apnées du sommeil [SAS], hypoventilation alvéolaire, hypertension artérielle pulmonaire
[HTAP]) aggrave la situation cardiovasculaire.
Si une perte de poids modérée de 5 à 10 %, grâce
à des conseils sur l’alimentation et à une activité
physique, permet de diminuer les facteurs de risque
et la morbidité cardiovasculaire (intolérance au
glucose, HTA) [1, 3], ces méthodes ont une efficacité
souvent limitée dans le temps. La chirurgie bariatrique représente à ce jour la stratégie de réduction
pondérale la plus efficace à long terme. Elle prévient
et améliore les complications de l’obésité ainsi que
la qualité de vie (4, 5).
L’objet de cette revue est de décrire les effets de
cette chirurgie sur la mortalité, les facteurs de risque
cardiovasculaire et l’atteinte cardiologique chez le
patient obèse.
Chirurgie bariatrique :
indications, techniques
et résultats
La chirurgie bariatrique est un traitement de seconde
intention, proposé à la suite de l’échec de prises en
charge médicales spécialisées, bien conduites et
multidisciplinaires. Avant l’intervention, un bilan est
réalisé par une équipe médicochirurgicale visant à
dépister et à traiter les complications de l’obésité,
à optimiser la prise en charge nutritionnelle et à
préciser la situation psychologique et sociale du
patient (1). Il s’agit à la fois de préparer l’anesthésie,
l’acte chirurgical dans les meilleures conditions
somatiques et d’identifier les facteurs de succès ou
d’échec de la chirurgie.
Les indications chirurgicales sont un indice de masse
corporelle (IMC) ≥ à 40 kg/­m2 ou ≥ 35 kg/m2, avec au
moins une comorbidité susceptible d’être améliorée
par la perte de poids (diabète, HTA, SAS, insuffisance
cardiaque, arthrose, etc.) [4].
Les contre-indications sont des troubles majeurs
du comportement alimentaire, des troubles
psychiques sévères, des addictions (alcool, toxique),
un âge < 18 ans ou > 60 ans, un risque anesthésique
excessif, une maladie mettant en jeu le pronostic
vital à court et à moyen terme et la non-compliance
au suivi médical. Certaines de ces contre-indications
ne sont que relatives, l’âge en particulier (1).
Il existe actuellement 2 principaux types de procédure :
##les chirurgies dites “restrictives” qui diminuent
la capacité gastrique (anneau gastrique ajustable
[AGA], Sleeve Gastrectomy [SG] ou gastrectomie en
manchon et Gastric Vertical Banding [GVB]) ;
##les chirurgies dites “malabsorptives” qui sont des
courts-circuits digestifs associant à une restriction
une malabsorption plus ou moins importante (By
Pass Gastric [BPG] ou court-circuit gastrique de type
Roux-en-Y, mini-BPG, diversion biliopancréatique
[DBP]).
Ces techniques chirurgicales sont réalisées par
cœlioscopie dans la quasi-totalité des cas, ou par
laparotomie en cas d’échec ou de complications peropératoires. Cette revue ne traitera que des chirurgies les plus pratiquées, à savoir le GVB, la SG, l’AGA
et le BPG (figure, p. 34). Les autres montages sont
à risque de complications majeures (malabsorption
avec un risque de dénutrition, diarrhée entravant la
qualité de vie, carences vitaminiques, néphropathie
oxalique pouvant conduire à l’insuffisance rénale
terminale), et sont très peu pratiqués en France.
La décision chirurgicale fait l’objet d’une décision
pluridisciplinaire lors d’une réunion de concertation
Mots-clés
Obésité
Chirurgie bariatrique
Facteurs de risque
cardiovasculaire
Morbimortalité
Highlights
»» Bariatric surgery is a major
therapeutic option in the treatment of morbid obesity.
»» The cardiologist may be
requested as part of preoperative assessment. He also may
be led to consider this treatment option for “cardiologic”
patient, which obesity has an
impact on cardiac function.
Finally, he may address his
patient for weight loss before
cardiac surgery.
»» Bariatric surgery reduces
weight loss and maintenance
over its time. It also improves or
resolves some obesity related
disease and reduced cardiovascular and overall mortality.
It is indicated after the failure
of a conventional treatment in
severe obesity.
»» There are two types of
bariatric surgery: restrictive
surgeries (laparoscopic adjustable gastric banding, vertical
banded gastroplasty or laparoscopic sleeve gastrectomy)
and mix surgery combining
both restriction and malabsorption (Roux en Y gastric by pass,
laparoscopic mini gastric by
pass, biliopancreatic diversion).
»» Surgical treatment requires
medical monitoring for life, to
screen surgical complications
and potential nutritional deficiency.
Keywords
Obesity
Bariatric surgery
Cardiovascular risk
Morbi-mortality
La Lettre du Cardiologue • n° 466-467 - juin-septembre 2013 | 33 MISE AU POINT
Chirurgie bariatrique et complications cardiovasculaires
A
B
c
d
C
e
a
f
b
h
g
i
Figure. Schéma des différentes techniques chirurgicales.
A. AGA : a : poche gastrique, b : anneau gastrique ajustable, c : boîtier sous-cutané.
B. Sleeve gastrectomy : d : estomac réséqué.
C. BPG : e : petite poche gastrique, f : estomac exclu, g : duodénum, i : anse biliaire, h : anse alimentaire gastro-jéjunale.
médicochirurgicale pluridisciplinaire (RCP) associant chirurgiens, nutritionnistes, psychologues et
diététiciennes. Elle est prise en accord avec les choix
du patient.
Selon l’étude de référence suédoise (Swedish Obesity
Study : SOS) [6, 7], le nadir de perte de poids est
maximal entre la première et la deuxième année
suivant la chirurgie, et son importance varie selon
les techniques. L’AGA est l’intervention la plus simple
mais également la moins efficace sur le poids ; elle
permet en moyenne une perte de poids d’environ
20 % à 1 an. La GVB, en revanche, permet une perte
de poids de 25 % en moyenne sur 1 an ; enfin, le BPG
permet de perdre 32 % du poids initial à 1 an. Il est
important de rappeler que la chirurgie ne constitue
qu’une partie du traitement de l’obésité et qu’il faut
y associer les conseils diététiques et une activité
physique régulière qui permettront de stabiliser le
poids sur le long terme et de préserver la masse
maigre. Nous reviendrons sur les bénéfices cardiovasculaires de la chirurgie bariatrique.
Les chirurgies bariatriques exposent à des complications chirurgicales et médicales. Le taux de mortalité
périopératoire est estimé à environ 1 à 5 ‰ alors
qu’il est, à titre d’exemple, de 2 % pour un pontage
coronarien. Ce taux est d’autant plus bas que la
chirurgie est réalisée dans un centre de référence
(dont le seuil d’activité recommandé en France est
de 30 interventions par chirurgien et par an) [4]. Les
principales causes médicales de décès postopératoire
précoce sont l’embolie pulmonaire et l’insuffisance
cardiaque.
34 | La Lettre du Cardiologue • n° 466-467 - juin-septembre 2013
Les complications des anneaux gastriques tiennent
principalement au retentissement du dispositif en
silastic sur la filière digestive (bascule de l’anneau,
dilatation œsophagienne, érosion gastrique, etc.),
et la perte d’efficacité à plus ou moins long terme,
de sorte que la moitié des anneaux nécessitent
d’être démontés. Le BPG expose à des complications chirurgicales qui peuvent être plus ou moins
précoces et redoutables (fistules, hernie interne)
et à des complications nutritionnelles carentielles
à moyen et à long terme. La SG peut majorer un
reflux gastro-œsophagien et se compliquer d’une
fistule gastrique.
Les complications médicales sont dominées, en
dehors de l’embolie pulmonaire postopératoire,
par la dénutrition, les carences vitaminiques et
en oligoéléments (la carence en vitamine B1 peut
exposer à de redoutables complications neurologiques, syndrome de Gayet-Wernicke avec le risque
de syndrome de Korsakoff, atteintes neuropathiques
ou cérébelleuses) et la lithiase urinaire. Le BPG peut
se compliquer de malaises postprandiaux précoces,
le “dumping syndrome” (< 20 minutes) ou tardif (1 à
3 heures après le repas, avec d’authentiques hypoglycémies < 0,6 g/l). À ces complications somatiques
s’ajoute un possible retentissement psychologique
lié aux modifications de l’image de soi et des relations avec les autres (risque de dépression). Il est
important que le patient soit clairement informé des
avantages et des inconvénients de cette chirurgie,
des risques encourus et de la nécessité d’un suivi
durable (1).
MISE AU POINT
Diminution de la mortalité
cardiovasculaire après chirurgie
de l’obésité
Amélioration des facteurs
de risque cardiovasculaire
et apnées du sommeil
T.D. Adams et al., en 2007 (3), ont montré une
diminution du taux de mortalité chez les obèses
opérés d’un BPG. Cette large étude rétrospective castémoins a inclus 7 925 patients obèses opérés d’un
BPG et 7 925 patients obèses non opérés appariés
selon l’âge, le sexe et l’IMC entre 1984 et 2002 et
suivis en moyenne 7,1 ans. Le taux de mortalité des
patients obèses opérés a diminué de 40 % toutes
causes confondues, par rapport au groupe témoin.
De plus, la réduction du nombre de décès par coronaropathie ou diabète chez les patients obèses opérés
était respectivement diminuée de 56 % et 92 % par
rapport au groupe témoin.
L’étude SOS (7), certes non randomisée mais
prospective, a inclus 2 010 patients obèses ayant
bénéficié d’une chirurgie bariatrique, comparés
à 2 037 patients obèses, bénéficiant d’une prise
en charge habituelle (régime diététique et activité physique) et appariés selon le sexe, l’âge et
les facteurs de risque cardiovasculaire, servant de
groupe témoin. La durée de suivi a été en moyenne
de 14,7 années. À noter que les critères d’inclusion
étaient moins drastiques que ceux des recommandations françaises (IMC > 34 chez les hommes
et > 38 chez les femmes). Les différentes techniques chirurgicales étaient le BPG pour 13,2 %
des patients, l’AGA pour 18,7 % et le GVB pour
68,1 %. Cette étude montre que la chirurgie bariatrique est associée à une réduction du nombre de
décès cardiovasculaires de 53 % : 28 décès de cause
cardiovasculaire dans le groupe chirurgical contre
49 décès dans le groupe témoin (hazard-ratio [HR]
ajusté = 0,47 ; p = 0,002). On note également
une réduction du nombre d’événements cardiovasculaires mortels et non mortels (infarctus du
myocarde et AVC) dans le groupe chirurgical de
33 % : 199 événements dans le groupe chirurgical par rapport aux 234 événements du groupe
témoin (HR ajusté = 0,67 ; p < 0,001). Cette étude
se poursuit et les résultats se confirment au fil du
temps. De manière intéressante, dans cette étude,
les patients avec une insulinorésistance préopératoire bénéficient d’une plus importante réduction
des événements cardiovasculaires, alors que cette
amélioration n’est corrélée ni à la perte de poids, ni
à l’IMC préopératoire. L’estimation du nombre de
vies sauvées après 7,1 ans de suivi est de 136 pour
10 000 BPG (6).
La chirurgie bariatrique permet une amélioration,
voire la rémission de certaines comorbidités cardiovasculaires par rapport aux patients obèses non
opérés, ainsi que la prévention de l’apparition de
complications cardiovasculaires (5, 6, 8).
Selon les études, environ 1/3 des personnes obèses
sont diabétiques en préopératoire (5). Le diabète
s’améliore, voire disparaît dans 76 % des cas après
la chirurgie. Néanmoins, la définition de la rémission
du diabète reste controversée selon les différentes
études. En effet, l’American Diabetes Association (ADA) et H. Buchwald (9), en 2009, donnent
une définition stricte de la rémission complète
du diabète : normalisation de la glycémie à jeun
(< 1 g/l) en l’absence de traitement pendant 1 an
avec une HbA1C < 6 %. D’autres auteurs proposent
une définition plus large de la rémission du diabète :
glycémie à jeun < 1,26 g/l et HbA1C < 6,2 % (10).
Quelques facteurs prédictifs de rémission du diabète
en réponse à la chirugie bariatrique ont été identifiés.
Ainsi, la rémission est plus importante s’il s’agit d’un
diabète évoluant depuis moins de 10 ans, bien équilibré (HbA1C proche de 7 %), non insulinoréquérent,
en l’absence de complications et chez un patient
d’âge jeune. Enfin, le taux de rémission dépend du
type de chirurgie réalisée (DBP > GBP > SG > AGA),
de la perte de poids et de la réduction de la taille
adipocytaire mesurée grâce aux biopsies de tissu
adipeux (5, 10). En effet, la dérivation bilio-pancréatique est la chirurgie la plus efficace sur le poids et
sur le diabète ; cependant, ce n’est pas la chirurgie la
plus fréquente, en raison des complications majeures
qu’elle entraîne. Selon ces définitions et le type de
chirurgie pratiquée, le taux de rémission varie de
40,6 % avec le BPG selon la définition de l’ADA
contre 57,5 % selon la définition plus ancienne de
Schauer (11). Le BPG, qui comprend une dérivation
intestinale, a une efficacité métabolique supérieure
à la restriction gastrique isolée. Même si une étude
récente montre que la SG et le BPG ont une efficacité identique sur l’HbA1C à 1 an de la chirurgie,
le BPG apporte un meilleur taux de rémission du
diabète (11). En effet, chez les patients atteints de
diabète de type 2, le BPG restaure la sécrétion postprandiale d’insuline, indépendamment de la perte
de poids, et permet de réduire de moitié le taux de
mortalité dû à un infarctus du myocarde chez tous
les patients opérés (6, 12, 13).
La Lettre du Cardiologue • n° 466-467 - juin-septembre 2013 | 35 MISE AU POINT
Chirurgie bariatrique et complications cardiovasculaires
Près de 1 patient obèse sur 2 est hypertendu avant la
chirurgie (5) et 51 % des patients opérés améliorent,
voire corrigent leur hypertension en postopératoire.
La pression moyenne systolique diminue de 139
à 124 mmHg et la pression diastolique, de 87 à
77 mmHG (5, 8).
La dyslipidémie touche 46 % des patients
obèses (5). Après la chirurgie, 59 % des patients
ont une diminution, voire un arrêt de leur traitement par une statine. Cependant, sur le moyen et
le long terme postopératoire (entre 2 et 10 ans),
l’incidence de l’HTA et la dyslipidémie réaugmentent (6).
Le syndrome métabolique diminue significativement
au cours des 3 premiers mois après la chirurgie ainsi
que d’autres marqueurs du risque cardiométabolique
tels que la protéine C réactive (CRP), la fonction
endothéliale et l’uricémie (5, 7, 8). Le risque relatif
d’accident coronarien à 10 ans selon le score de
Framingham diminue de 40 % (5, 7).
La chirurgie bariatrique permet une diminution
considérable de l’épaisseur du ventricule gauche
(VG), indépendamment des autres comorbidités,
et ce, même si les paramètres de l’obésité, tels que
l’IMC et la composition corporelle (masses maigre
et grasse), ont atteint une phase de plateau (5, 6,
14, 15). L’association avec un bêtabloquant permet
une régression plus importante de l’épaisseur du
VG (16, 17).
La perte de poids après la chirurgie bariatrique
permet également une diminution de la taille de
l’oreillette gauche (OG) [18], indépendamment des
comorbidités associées à l’obésité, et prévient la
progression de son augmentation, et donc le risque
de fibrillation auriculaire (FA) [17].
Sur le versant pulmonaire, la majorité des études
constate une amélioration, au mieux une disparition du SAS dans l’année suivant la chirurgie (5,
19). Cela participe probablement aussi à la diminution du risque de FA. De plus, la perte de poids
améliore aussi la fonction diastolique ventriculaire
droite, ralentissant la progression de la dysfonction globale du ventricule droit (VD) [9, 16, 17,
19]. Après une SG, la fonction cardiaque s’est
améliorée avec une fraction d’éjection allant de
20 à 45 % et de 25 à 39 % à 2 ans de la chirurgie.
La chirurgie de l’obésité diminue donc la morbimortalité chez les patients présentant une atteinte
cardiaque avérée, mais elle a aussi un rôle majeur
dans la prévention de l’apparition et la rémission
de certaines complications cardiovasculaires (avec
une efficacité variable selon les facteurs de risque
cardiovasculaire) [20].
36 | La Lettre du Cardiologue • n° 466-467 - juin-septembre 2013
Collaboration entre
cardiologues, médecins
et chirurgiens dans la prise
en charge chirurgicale
de l’obésité
La prise en charge globale du patient obèse
requiert la participation de nombreux spécialistes,
et notamment celle du cardiologue. Il est nécessaire de dépister, prévenir et traiter les complications cardiovasculaires avant l’acte chirurgical. Le
médecin nutritionniste est donc conduit à adresser
le patient candidat à une chirurgie bariatrique à
un cardiologue afin d’identifier les conséquences
cardiovasculaires de l’obésité et d’adapter au mieux
les traitements dans la perspective de réduire les
risques périopératoires. En postopératoire, les traitements de comorbidités et des facteurs de risque,
notamment cardiovasculaire, seront adaptés en
fonction de l’amélioration progressive de la situation. Il est dans bon nombre de cas possible d’envisager une réduction du traitement antihypertenseur
et hypolipidémiant.
Les réadmissions aux urgences ne sont pas rares
pour des symptômes divers allant des douleurs aux
malaises mal définis. Il faut indiquer au cardiologue
qu’un des signes majeurs de complication chirurgicale du BPG et de la SG est la tachycardie, qui peut
être le seul signe visible d’une fistule digestive ou
d’une hernie interne. Lorsqu’un patient opéré de
chirurgie bariatrique présente en postopératoire des
malaises mal définis, une gêne respiratoire et/­ou
une tachycardie, une fois que l’embolie pulmonaire est éliminée, le diagnostic à évoquer est une
complication chirurgicale justifiant une exploration
cœlioscopique sans retard.
Conclusion
La chirurgie bariatrique est un traitement efficace
de l’obésité sévère qui permet non seulement une
perte de poids mais surtout une diminution du
nombre de décès cardiovasculaires et une diminution de l’incidence d’événements cardiovasculaires
chez les sujets obèses. La chirurgie doit s’intégrer
dans une prise en charge globale et dans le continuum d’une prise en charge médicale. Avant l’intervention, l’expertise du cardiologue est importante
pour situer l’impact cardiovasculaire de l’obésité,
traiter les complications existantes et préparer à
l’anesthésie dans les meilleures conditions. Après
MISE AU POINT
l’intervention, le patient devra bénéficier d’un
suivi pluridisciplinaire (chirurgien et nutritionniste
mais aussi cardiologue et pneumologue). Ce suivi
nécessite donc une collaboration étroite entre les
différents intervenants et les spécialités médicales.
Au cours du suivi, le traitement de fond des comorbidités de l’obésité initialement présentes devra
être réadapté.
Le cardiologue doit savoir que devant un patient
obèse massif présentant des altérations cardiovasculaires, la chirurgie de l’obésité est une option, non
dénuée de risque, mais potentiellement efficace sur
les comorbidités cardiovasculaires : une collaboration entre cardiologue, nutritionniste et chirurgien
de l’obésité permet une évaluation des avantages
et des risques d’une intervention.
■
L. Lucas-Martini déclare ne pas
avoir de liens d’intérêts.
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Juillet-Août-Septembre 2013
Prochain numéro à paraître en septembre 2013…
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Éducation thérapeutique :
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La Lettre du Cardiologue • n° 466-467 - juin-septembre 2013 | 37 
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