Échos des congrès Cœur et diabète : quoi de neuf ? © Pixel et Création Dorinne Desposito* Le congrès CoDia, organisé par les Prs Michel Komadja et Bernard Charbonnel, qui s’est déroulé les 13 et 14 février derniers à Paris, a encore connu un grand succès ! Ce forum est l’occasion de réunir cardiologues et diabétologues afin d’échanger sur les complications cardiovasculaires du patient diabétique, les nouvelles avancées dans le domaine et leurs implications cliniques au quotidien. Cette 9e édition est d’autant plus importante que l’année 2013 a été riche en matière de recherche clinique sur le diabète et les complications cardiovasculaires (nouvelles recommandations, grandes études de morbi-mortalité et nouveaux antidiabétiques). De prestigieux orateurs ont ainsi pu faire le point sur les différentes analyses, décrire les principaux facteurs de risque associés et aborder les nouvelles classes thérapeutiques. Tabac, métabolisme et maladies cardiovasculaires (D’après la communication de D. Thomas) * INSERM UMRS 1138, centre de recherche des Cordeliers, Paris. 94 Il est bien connu désormais que le tabac est un important facteur de risque vasculaire et cardiovasculaire. Chez le diabétique, il multiplie de 3,5 à 4 fois la mortalité et constitue un surrisque important de maladie cardiovasculaire. De plus, la pose d’un stent chez le fumeur diabétique implique un risque important de resténose coronarienne. Le tabac joue aussi un rôle important dans le métabolisme et l’évolution de l’équilibre glycémique. En effet, il stimule le système sympathique, ce qui peut favoriser le développement d’une obésité abdominale et un syndrome métabolique. En fait, les fumeurs ont une mauvaise répartition des graisses, si bien que leur tour de taille et leur rapport taille/hanches sont plus élevés. Le tabac joue également un rôle sur l’insulinorésistance et l’intolérance au glucose, fortement augmentées chez le fumeur actif mais aussi chez le fumeur passif. De plus, il existe un effet direct de la nicotine, du monoxyde de carbone ou d’autres composants chimiques du tabac sur les cellules β sécrétrices d’insuline du pancréas. Il faut noter aussi que le tabac influence la répartition des lipides : diminution du taux de HDL-cholestérol et augmentation du taux de LDL-cholestérol. Une importante méta-analyse publiée début 2014 et regroupant 51 études apporte de solides arguments en faveur d’un rôle majeur du tabac dans le développement du diabète de type 2 (1). Ainsi, le risque de développer un diabète est augmenté de 30 à 40 % chez le fumeur actif par rapport au non-fumeur. On observe enfin une relation dose-réponse positive entre le nombre de cigarettes fumées et le risque de développer un diabète. L’arrêt du tabac avant l’âge de 30 ans permet d’éliminer à 100 % le risque de maladie cardiovasculaire. Mais, chez les diabétiques, le phénomène inflammatoire est pérennisé et le bénéfice est plus tardif : dans les 5 à 10 ans après le sevrage. Dans le sevrage tabagique, la principale crainte du patient diabétique est la prise de poids à la suite du sevrage et, donc, le déséquilibre du contrôle glycémique. Cependant, le sevrage tabagique, malgré la prise de poids, a un bénéfice significatif sur le risque cardiovasculaire. L’avantage reste donc en faveur du sevrage chez les patients fumeurs et diabétiques. Compte tenu des difficultés à arrêter de fumer, le médecin se doit d’être proactif dans le sevrage du diabétique (personnel paramédical, intervention personnalisée, outils de sevrage et suivi régulier). Le concept de “glucose equivalent of smoking”, qui explique que le risque de décès d’un fumeur est équivalent au risque d’une personne ayant une élévation de la glycémie à jeun d’environ 0,68 g/l, peut aussi motiver l’arrêt du tabac chez le diabétique (2). Au final, le tabagisme intervient de façon majeure dans les complications cardiovasculaires du diabétique et a Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVIII - n° 4-5 - avril-mai 2014 Cœur et diabète : quoi de neuf ? un rôle certain, dose-dépendant, dans l’incidence du diabète de type 2. Les bénéfices de l’arrêt du tabac sont déterminants dans le devenir cardiovasculaire du diabétique et seront d’autant plus importants que cet arrêt aura été précoce. La prise en charge médicalisée active du sevrage tabagique doit être systématiquement incluse dans la prise en charge des patients diabétiques. Qu’apporte la génétique au clinicien ? (D’après les communications de P. Froguel, P. Amouyel et P. Charron) La génétique – plus précisément la génomique – vise à rechercher des associations entre les variants génétiques et le risque de maladie, pour apporter de nouvelles hypothèses de recherche, mesurer le risque et le prévenir, mettre en place une recherche translationnelle et pratiquer une médecine de précision personnalisée. L’avenir de la génétique est dans l’étude des associations entre variants fréquents ou rares et environnement, pour identifier le risque de développer une maladie et appréhender la complexité de cette maladie ou la susceptibilité de réponse au traitement. L’étude de E.A. Ashley et al., parue en 2010, en constitue un très bon exemple (3). En effet, elle a poussé l’interprétation du génome humain au maximum. Stephen, un individu atteint de nombreuses anomalies familiales dont les bilans biologique, métabolique et cardiaque sont bons, a séquencé l’ensemble de son génome et a identifié tous les risques possibles (maladies et modification de la sensibilité aux traitements). Il a ensuite établi les interactions entre gènes et environnement, dans le but de comprendre comment la santé de l’individu peut être conservée le plus longtemps possible en repérant ce qui doit être corrigé dans son mode de vie. La cardiologie recense une cinquantaine de gènes de susceptibilité ; la génétique va informer sur l’origine des maladies et identifier des cibles thérapeutiques. Un bilan cardiaque familial et un test génétique permettent de surveiller le patient à risque ou de prédire et traiter la maladie de façon adaptée. La pharmacogénétique est importante aussi en cardiologie pour expliquer les différences de réponse entre les individus et anticiper les moins bons répondeurs de manière à adapter le traitement à l’aide de produits de remplacement. En ce qui concerne le diabète de type 2, 2 % des cas sont monogéniques, contre 95 % de formes polygéniques. Le diagnostic génétique des diabètes monogéniques est désormais facile, rapide et peu onéreux. Un questionnaire clinique simple permet de rechercher la pro- babilité de détecter une anomalie génétique à l’origine du diabète. La génomique va ensuite permettre de connaître les causes du diabète et, de ce fait, d’instaurer un traitement adapté et efficace. La connaissance des diabètes monogéniques a également permis de construire des cellules β artificielles pour une médecine régénératrice et pour la thérapie génique. Le diabète de type 2 d’origine polygénique est dû à la combinaison gènes-environnement. La génomique va alors rechercher le rôle de ces gènes dans la toxicité pancréatique, dans la réponse aux différents traitements, dans les complications du diabète et dans le risque de diabète. Les nouvelles méthodologies génétiques permettent aussi une caractérisation génétique des diabètes familiaux et l’amélioration de leur prise en charge. Dans les maladies monogéniques, le test génétique est devenu un outil de routine qui peut aider le clinicien dans le diagnostic, le pronostic, la prédiction ou le traitement de la maladie. Dans les maladies multifactorielles, le test génétique reste un outil de recherche. Grâce à l’évolution des technologies, l’analyse du génome est aujourd’hui rapide et de moins en moins onéreuse. Le séquençage de haut ou de moyen débit permet depuis peu de cibler des gènes de susceptibilité de diabète ou de cardiomyopathie. L’ischémie myocardique du diabétique (D’après les communications de P. Henry et C. Spaulding) Les recommandations du dépistage de l’ischémie myocardique silencieuse chez le diabétique ont connu de nombreux changements. Malgré des recommandations européennes peu favorables au dépistage, la recherche d’ischémie myocardique est souvent pratiquée en France. Cependant, le dépistage ne modifie pas le pronostic du patient : il identifie les lésions coronaires stables et ne sait pas prédire les lésions instables, à plus haut risque. L’utilisation d’une échelle spécifique au dépistage est utile mais peu définie. Depuis peu, la Société francophone du diabète (SFD) recommande de réaliser un doppler carotidien et des membres inférieurs afin de rechercher la présence de plaques athéromateuses pouvant être prédictives d’une maladie coronarienne associée. Le score de calcification, peu onéreux, constitue également un moyen rapide de détecter les diabétiques à haut risque. Chez le diabétique, un diagnostic complémentaire d’insuffisance rénale, qui aggrave le pronostic, sera intéressant pour optimiser la prise en charge. L’ischémie myocardique silencieuse sera donc recherchée chez les diabétiques à risque, c’est-à-dire ceux pré- Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVIII - n° 4-5 - avril-mai 2014 95 Échos des congrès sentant une dysfonction rénale, un score de calcification élevé, une autre atteinte athéromateuse et/ou un diabète ancien. Une fois la maladie coronarienne dépistée, la priorité sera d’optimiser le traitement médical, sachant que ces patients présentent un risque majoré d’événement ultérieur. La revascularisation n’est pas forcément l’objectif systématique. En effet, selon l’étude FREEDOM, la revascularisation chirurgicale par pontage coronarien chez le diabétique est plus favorable que la revascularisation par angioplastie coronaire, et ce malgré l’augmentation du risque d’accident vasculaire cérébral à 5 ans. Cela s’explique par l’augmentation importante du risque de resténose intrastent et du risque de thrombose chez le patient diabétique. Le dépistage systématique de l’ischémie myocardique du diabétique ne fait donc pas l’unanimité et reste encore discuté. Cependant, lorsqu’elle est dépistée, la prise en charge de la coronaropathie doit être discutée et l’avis du patient, pris en compte. Hypertension artérielle résistante : les stratégies interventionnelles (D’après la communication de X. Girerd) L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts. L’hypertension artérielle (HTA) résistante, dont la définition dépend des données épidémiologiques, est difficile à évaluer. Le plus souvent, le traitement est inadapté. Il faut savoir que 10 % des hypertendus ont une HTA résistante et que seuls 5 % d’entre eux ont un traitement adapté à leur HTA. En France, afin de lutter contre l’HTA résistante, des recommandations pragmatiques ont été mises en place par la SFHTA (Société française d’HTA). La dénervation rénale par radiofréquence ou par ultrasons est une technique simple et sans risque pour traiter l’HTA résistante. Elle consiste à interrompre l’activité électrique des nerfs du système nerveux sympathique à destinée rénale, par application locale d’un courant électrique de faible intensité contre la paroi des artères rénales. Elle pourrait concerner près de 30 % des patients hypertendus. Cette technique permet une diminution importante de la pression artérielle, qui reste pérenne dans le temps. Cependant, cette diminution varie d’un patient à un autre. Des études évaluant la dénervation rénale, son efficacité et ses causes d’échec sont actuellement menées en France ; il est important de faire progresser cette technique prometteuse en trouvant des marqueurs de réussite du chauffage endovasculaire, et/ou en étendant les zones de chauffage afin d’augmenter les chances de réussite de la procédure. Aucune étude n’a encore été réalisée chez le diabétique hypertendu. ■ Références 1. National Center for Chronic Disease Prevention and Health 2. Wen CP, Cheng TY, Tsai SP et al.Exploring the relationships 3. Ashley EA, Butte AJ, Wheeler MT et al. Clinical assessment Promotion (US) Office on Smoking and Health. The Health Consequences of Smoking—50 Years of Progress: A Report of the Surgeon General. Atlanta (GA): Centers for Disease Control and Prevention (US); 2014. between diabetes and smoking: with the development of glucose equivalent concept for diabetes management. Diabetes Res Clin Pract 2006;73(1):70-6. incorporating a personal genome. Lancet 2010;375(9725):152535. …ET TOUJOURS SUR EDIMARK.TV Le regard de l’avocat 14:28 Accédez à la rubrique “Le regard de l’avocat”, afin de tout comprendre de l’actualité du droit médical. Me Gilles Devers (avocat à Lyon) nous livre en vidéo son analyse sur “l’affaire Vincent Lambert”. Scannez ce flashcode pour voir la vidéo “L’affaire Vincent Lam mbert” sur le vif ! 96 www.edimark.tv Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVIII - n° 4-5 - avril-mai 2014