Progrès en Urologie (2007), 17 139-143 Les facteurs pronostiques dans le cancer du rein Jean Jacques PATARD L’intérêt porté par les urologues aux facteurs pronostiques dans le cancer du rein provient du fait qu’ils permettent l’information du patient et la stratification des malades en groupe de pronostic homogène dans le cadre d’essais cliniques et du suivi thérapeutique. LES LEÇONS DE L’ÈRE DE L’IMMUNOTHÉRAPIE L’utilisation des interleukines était associée à un faible taux de réponse (≤ 15%) mais à une toxicité significative. Il était donc nécessaire d’identifier les patients qui pouvaient bénéficier du traitement. Deux modèles pronostics ont été déterminés par le groupe français d’immunothérapie d’une part et le MSKC d’autre part. Le modèle du groupe français d’immunothérapie retenait quatre facteurs de mauvais pronostic : le taux de neutrophile > 7,5 103 /mL, l’intervalle d’apparition des métastases inférieur à 1 an, la présence de métastase hépatique et l’existence de plus d’un site métastatique. Ces critères permettaient de déterminer trois groupes pronostics (bon, intermédiaire et mauvais) (Figure 1). Negrier et al. ont montré qu’il n’y a pas de bénéfice de l’immunothérapie pour les patients de mauvais pronostic [1, 2] et de pronostic intermédiaire [3] (Figure 2). Le Modèle du MSKC a retenu des facteurs de pronostics différents : le taux de lactate deshydrogénase (LDH), d’hémoglobine, la calcémie corrigée, l’indice de Karnofsky et la réalisation préalable d’une néphrectomie élargie [4]. Ces critères ont également permis de déterminer trois groupes pronostics (Figure 3). La validité de ce modèle a été confirmée par une validation externe [5] et de manière prospective au cours de nombreux essais de phase III. Figure 1 : Courbe de survie en fonction les groupes de risque selon le modèle du groupe français d’immunothérapie. Figure 2 : Courbe de survie en fonction la thérapeutique employée dans le groupe de risque intermédiaire selon le modèle du groupe français d’immunothérapie. En revanche, après 20 ans d’immunothérapie, aucun marqueur de biologie moléculaire n’a pu être utilisé en pratique clinique. Les analyses d’ADN micro arrays menées par Pantuck et al. en comparant la signature génétique de cellules de tumeurs répondant ou pas à l’immunothérapie [6] ont permis de passer en revue de nombreux marqueurs : protéine G, ubiquitine, chémokine, Heat Shock Proteins, PTEN… Les recherches les plus abouties ont concerné les protéines CA IX, les tumeurs constituées de cellules exprimant cette molécule semblant corréler à une meilleure réponse à l’immunothérapie [7] (Figure 4). L’histologie a été également utilisée pour prédire la réponse à l’immunothérapie. Upton et al ont proposé une stratification en trois groupes pronostics en fonction du type de CCR (cellules claire ou autre) de la présence ou non de structure histologique papillaire, alvéolaire et granulaire. Seuls les CCR à cellules claires sans structure papillaire ni granulaire et avec plus de 50% 139 Figure 3 : Courbe de survie en fonction des groupes pronostiques selon le modèle du MSKC Figure 4 : Courbe de survie en fonction de l’expression du marqueur biologique CA IX Figure 5 : Courbe de survie en fonction de la classification histologique des tumeurs. prédiction de la réponse et le monitoring des approches néoadjuvantes. Cependant aucun outil n’est encore validé à ce jour. des structures alvéolaires étaient catégorisées comme étant de bon pronostic [8] (Figure 5). La question qui se pose aujourd’hui est de savoir dans quelle mesure ce qui était vrai avec l’immunothérapie est aussi vrai avec les anti-angiogéniques. Il existe très peu de données disponibles pour prédire la réponse au traitement antiangiogénique. Motzer et al. ont rapporté un modèle de prédiction de la réponse au Sunitinib [9]. Dans ce modèle les facteurs pronostics statistiquement indépendants ont été le taux d’hémoglobine, le statut ECOG, la présence de métastases hépatiques et le nombre de sites métastatiques. De nombreux candidats moléculaires sériques et tumoraux sont actuellement étudiés par l’analyse de profil d’expression génique. Le travail de Rini et al a ainsi montré que la perte de fonction du gène VHL est associée à une meilleure réponse au traitement antiangiogénique (10) (Figure 7). QUELS OUTILS POUR PRÉDIRE LA RÉPONSE DANS LA MALADIE LOCALISÉE ? L’imagerie médicale semble pouvoir fournir des outils prédictifs de la réponse au anti-angiogénique. L’écho doppler, l’écho doppler de contraste, certaine technique d’IRM (DCE IRM) et de tomodensitométrie d’émission de positron (FMISO PET), en permettant de mesurer le flux sanguin, le volume ou la perméabilité vasculaire, pourraient avoir un intérêt pour la Le développement des stratégies adjuvantes chez les patients de haut risque nécessite de déterminer les patients pouvant bénéficier de ces traitements adjuvants. Dans cette objectifs, les trois variables pronostiques majeurs que constituent le stade 140 Figure 6 : Candidat moléculaires de prédiction de la réponse à l’immunothérapie. Figure 7 : Courbe de survie en fonction du profil d’expression du gène VHL. Figure 8 : Courbes de survie en fonction des 3 variables pronostiques majeures Stade TNM, Grade de Fuhrman et ECOG 141 Figure 9 : Nomogramme de Kattan dans le cancer du rein Figure 10 : Courbe de survie en fonction du résultats du score SSIGN. Figure 11 : Score UISS de classification pronostique des cancer du rein. En conclusion, nous nous dirigeons vers de nouvelles stratégies d’évaluations pronostiques dans le cancer du rein. Nous disposons de nouveaux agents pharmacologiques dirigés contre des cibles moléculaires connues. Il sera donc nécessaire d’explorer ces cibles et d’intégrer ces explorations aux modèles pronostiques bien établis dont nous disposons déjà. Ces systèmes intégrés devraient posséder une meilleure valeur prédictive. Ils devront être validés prospectivement au cours d’essais dédiés et de manière externe dans de large étude de phase III. Nous disposerons ainsi d’algorithmes prédictifs personnalisés pour le traitement et le suivi. TNM, le grade de Fuhrman et le statut ECOG ont une précision pronostique limitée lorsqu’ils sont pris individuellement (Figure 8). En revanche la combinaison de ces variables au sein de système pronostic permet de gagner en précision de prédiction. Kattan et al ont ainsi proposé un nomogramme [11] dont la validation externe a été rapportée [12, 13] (Figure 9). Le groupe SSIGN a également mis au point un nomogramme [14] (figure 10), validé en externe [15] et qui sera utilisé dans l’essai clinique Sorce. Le troisième nomogramme actuellement validé est celui de l’UISS [16] (Figure 11). Il a été validé en externe dans une très large étude multicentrique [17] et sera employé dans les essais ECOG2805 et START. RÉFÉRENCES Un nouveau nomogramme est actuellement en développement. Il prend en compte le stade TNM 2002, la taille tumorale, le grade de Fuhrman et la présence de symptômes locaux ou systémiques. Le type histologique n’apporte par d’information supplémentaire et n’est donc pas pris en compte. La précision diagnostic de ce nomogramme atteint 86%. Sa validation externe dans une cohorte indépendante est en cours. L’avenir de ces outils pronostics réside certainement dans la combinaison de variable clinique, pathologique, moléculaire et d’imagerie à l’intérieur de modèles intégrés [18]. 1. NEGRIER S, ESCUDIER B, LASSET C, DOUILLARD JY, SAVARY J, CHEVREAU C, RAVAUD A, MERCATELLO A, PENY J, MOUSSEAU M, PHILIP T, TURSZ T. Recombinant human interleukin-2, recombinant human interferon alfa-2a, or both in metastatic renal-cell carcinoma. Groupe Francais d'Immunotherapie. N Engl J Med. 1998;338:1272-8. 2. NEGRIER S, ESCUDIER B, GOMEZ F, DOUILLARD JY, RAVAUD A, CHEVREAU C, BUCLON M, PEROL D, LASSET C. Prognostic factors of survival and rapid progression in 782 patients with metastatic renal carcinomas treated by cytokines: a report from the Groupe Francais d'Immunotherapie. Ann Oncol. 2002;13:1460-8 142 3. NEGRIER S, GOMEZ F, DOUILLARD JY, RAVAUD A, CHEVREAU C, BUCLON M, PEROL D, LASSET C, ESCUDIER B; Groupe Francais d'Immunotherapie. 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