N Éditorial La carte et le territoire The map and the territory U ne tumeur est un écosystème, un “pseudo-organe”, avec les cellules tumorales, mais aussi des cellules variées provenant de l’hôte, le tout interagissant ensemble. Nous continuons ainsi notre progression dans l’année 2015 par l’exploration de l’environnement tumoral, à travers un grand dossier épique sur les interactions du microenvironnement tumoral avec la tumeur et une fiche pratique nous permettant de cartographier les infiltrats immuns. Les lymphocytes CD8 en rangs serrés semblent prêts à livrer des batailles dignes du Seigneur des anneaux pour empêcher l’invasion du territoire. D’autres cellules, bien plus perfides, détournées par la tumeur, piègent les soldats (Treg) ou complotent pour alimenter et stimuler la tumeur (néovaisseaux, cellules adipocytaires, fibroblastes…) comme dans un bon épisode de Game of Thrones. Ce numéro, après notre dossier sur l’épigénétique, nous fait prendre conscience de la complexité des interactions entre “gènes et environnement”. Une forte réaction immune est d’ailleurs principalement observée au contact des tumeurs à forte charge mutationnelle comme les carcinomes épidermoïdes des fumeurs, les mélanomes, les tumeurs du côlon avec instabilité microsatellitaire, etc. La renaissance de l’immunothérapie, observée depuis le début des années 2010, vient d’une meilleure compréhension du microenvironnement tumoral. Le congrès américain en oncologie clinique (dont les mots-clés étaient “illumination” et “innovation”) a confirmé cette année l’essor impressionnant de l’immunothérapie visant les checkpoints immunitaires (CTLA4, PD-1/PD-L1 et d’autres). Des indications qui couvrent un grand nombre de types tumoraux, des tumeurs solides aux lymphomes, des taux de réponse de 20-30 % (dans les carcinomes pulmonaires) jusqu’à 90 % (pour la maladie de Hodgkin). D’immenses espoirs pour les patients, qu’il nous faudra quand même tempérer, car tous n’en bénéficieront pas. L’identification des patients potentiellement sensibles à ces stratégies anti-checkpoint immunitaire reste à améliorer avec la recherche de marqueurs compagnons (immunohistochimie, signature transcriptomique immune, cartographie des mutations, imagerie métabolique, etc.). Nous en reparlerons très certainement bientôt dans Correspondances en Onco-Théranostic. L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts. Enfin, il va falloir, dans les années qui viennent, gérer au mieux un nouvel effet secondaire de ces nouveaux traitements biologiques : la toxicité économique. Il est de notre responsabilité à tous d’identifier les populations potentiellement sensibles, de prescrire de façon rationnelle et de réfléchir au financement de ces innovations thérapeutiques. En attendant, je vous souhaite une bonne lecture ! Frédérique Penault-Llorca Centre Jean-Perrin, Clermont-Ferrand 48 Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. IV - n° 2 - avril-mai-juin 2015 qui 3OL002