Cas clinique Rétine Deux cas d’hémorragies prérétiniennes Preretinal hemorrhage: 2 cases report M.H. Errera, P.O. Barale, A. Danan-Husson, J.A. Sahel, J.F. Girmens (Service IV & CIC, CHNO des Quinze-Vingts, Paris) Hémorragie prérétinienne • Rétinopathie de Valsalva. Preretinal hemorrhage • Valsalva retinopathy. U ne hémorragie prérétinienne peut compliquer plusieurs pathologies : rétinopathie diabétique proliférante, macro-anévrismes artériels rétiniens ou plus rarement, rétinopathie de Valsalva, hémopathies, macroanévrismes rétiniens veineux, occlusions de branche veineuse, ou encore être d’origine post-traumatique. Les hémorragies prérétiniennes sont souvent localisées dans l’espace situé entre la hyaloïde postérieure et la membrane limitante interne (MLI). Elles se situent plus rarement entre la MLI et la couche des fibres nerveuses rétiniennes (1) : cette localisation a été notamment décrite dans la rétinopathie de Valsalva et dans le syndrome de Terson (2, 3). Nous rapportons deux cas d’hémorragie prémaculaire massive sans étiologie retrouvée, dont la localisation sous la MLI a été mise en évidence par tomographie en cohérence optique (OCT). Une excellente récupération visuelle a été obtenue dans les deux cas, après simple surveillance pour l’un et après membranotomie laser pour l’autre. ▶ Une première patiente, âgée de 43 ans, consulte en urgence pour baisse d’acuité visuelle brutale de l’œil droit, réduite à “voit bouger la main” (figures 1, 2 et 3). Dans ses antécédents, on note une pathologie variqueuse avec une séance de scléro­ thérapie des membres inférieurs la veille et une hématurie microscopique ancienne, sans protéinurie, d’étiologie indéterminée. L’examen clinique général ne retrouve pas d’hypertension artérielle ni de facteur de risque cardiovasculaire. Chez cette patiente, une simple surveillance a été effectuée (après nouveau bilan néphrologique et recherche d’un syndrome de tortuosités artériolaires rétiniennes). Une évolution rapidement favorable a été notée : formation d’un niveau liquidien hématique en une semaine, dégageant l’axe visuel, puis résorption spontanée de l’hé­ morragie (figures 4 et 5) permettant la récupération d’une acuité visuelle de 10/10 P2 après un mois. ▶ Une seconde patiente, âgée de 41 ans, consulte en urgence pour une baisse d’acuité visuelle de l’œil gauche rapidement progressive, limitée au décompte des doigts à un mètre (figures 6 et 7). À l’interrogatoire, on ne relève aucun antécédent médical, ni aucune notion d’effort de poussée récent, de prise d’anticoagulants oraux, d’anti­inflammatoires non stéroï­ diens ni de pathologie de l’hémostase préexistante. Après un mois d’observation, l’hémorragie prérétinienne n’ayant pas régressé, un orifice de drainage dans la hyaloïde postérieure et la membrane limitante interne a été réalisé au laser YAG. Les impacts de laser ont été pratiqués à distance de la macula dans la partie inférieure de la poche hémorragique (pour favoriser le drainage). L’évolution après traitement a été favorable, avec une remontée de l’acuité visuelle de l’œil gauche à 5/10 en une semaine (figures 8 et 9). 16 Images en Ophtalmologie • Vol. I • n° 1 • octobre-novembre-décembre 2007 Légendes Patient 1 Figure 1. FO initial : hémorragie prérétinienne prémaculaire massive. Figure 2. OCT initial : la hyaloïde postérieure et/ou la MLI (1) recouvrant l’hémorragie, avec visibilité d’un niveau horizontal (2), confirment la localisation prérétinienne. Figure 3. Angiographie à la fluorescéine : pas d’anomalie des vaisseaux rétiniens, notamment absence de tortuosités. Figure 4. FO après trois semaines. Figure 5. OCT à un mois : deux membranes distinctes situées au-dessus du plan de l’hémorragie prérétinienne. La première membrane réflective, plus distinctement visible (1), correspond à la MLI. La seconde, plus fine, recouvrant la précédente (2), correspond à la hyaloïde postérieure. Patient 2 Figure 6. FO initial : hémorragie prérétinienne située au pôle postérieur, centrée sur la région maculaire et deux hémorragies profondes sous-rétiniennes péripapillaires, le long des vaisseaux temporaux supérieurs et inférieurs. Figure 7. OCT initial : membrane unique (la membrane limitante interne et la hyaloïde fusionnées) recouvrant l’hémorragie prérétinienne (1), alors que l’apparente séparation de la couche nucléaire interne de l’EP crée l’illusion d’une hémorragie sous rétinienne (2). Figure 8. FO après laser YAG : disparition de l’hémorragie prérétinienne au niveau de la région maculaire. Présence d’une hémorragie intravitréenne inférieure. Figure 9. OCT après laser : deux membranes distinctes. Une hyperréflective (1) correspond à la MLI qui recouvrait l’hémorragie prérétinienne, ayant laissé place à un espace optiquement vide (*) après drainage laser, et une membrane fine surplombant la première (2), de faible réflectivité, correspond à la hyaloïde postérieure. Cas clinique Rétine Patient 1 2 1 5 3 4 Patient 2 8 6 9 7 Images en Ophtalmologie • Vol. I • n° 1 • octobre-novembre-décembre 2007 17 Cas clinique Rétine Discussion Ces observations illustrent la difficulté diagnostique et thérapeutique devant une hémorragie prémaculaire massive. En effet, la localisation prérétinienne de l’hémor­ ragie écarte tout risque de toxicité hématique, ce qui permet d’adopter une attitude attentiste. L’OCT peut constituer une aide pour la conduite à tenir, en mettant en évidence le siège de l’hémorragie : pré- ou sous-rétinien. Dans la rétinopathie de Valsalva, l’hé­ morragie se situe entre deux membranes de réflectivités optiques différentes : la MLI (la plus hyperréflective) et la couche des fibres nerveuses (4). Dans nos observations, celles-ci sont distinctes sur un seul plan de coupe OCT, trois semaines à un mois après le début de l’hémorragie. Ces données sont confirmées histologiquement et cliniquement (traitement d’une hémorragie prémaculaire par membranotomie laser puis vitrectomie) [5]. Du point de vue thérapeutique, trois attitudes sont à envisager devant une hémorragie prérétinienne maculaire : surveillance seule, ouverture de la hyaloïde postérieure au laser YAG ou Argon, ou vitrectomie et drainage. La décision repose sur l’évolution de l’acuité visuelle et la régression spontanée de l’hémorragie. Après membranotomie laser, la surveillance doit être prolongée afin de déceler l’ap­ parition éventuelle d’une membrane épirétinienne secondaire. Points forts • L’attitude attentiste doit être envisagée devant une hémorragie prérétinienne, car l’évolution est favorable dans une grande majorité de cas. La récupération de la meilleure acuité visuelle est liée à la résorption spontanée de l’hémorragie, même en cas d’atteinte de l’aire maculaire, car celle-ci est prérétinienne et non sous-réti­ nienne : cette localisation peut être confirmée par l’OCT. • Lorsque l’hémorragie n’a pas régressé après trois semaines de surveillance simple, la réalisation d’un drainage au laser YAG peut être discutée. • En cas d’association à une hématurie, un bilan général doit être demandé à la recherche du syndrome de tortuosités artériolaires rétiniennes. II Références bibliographiques 1. M eyer CH, Mennel S, Rodrigues EB, Schmidt JC. Persistent premacular cavity after membranotomy in Valsalva retinopathy evident by optical coherence tomography. Retina 2006;26(1):116-8. 2. Meyer CH, Mennel S, Rodrigues EB, Schmidt JC. Is the location of Valsalva hemorrhages submembranous or subhyaloidal? Am J Ophthalmol 2006;141(1):231; author reply 231-2. 3. McCarron MO, Alberts MJ, McCarron P. A systematic review of Terson’s syndrome: frequency and prognosis after subarachnoid haemorrhage. J Neurol Neurosurg Psychiatry 2004;75(3):491-3. 4. Shukla D, Naresh KB, Kim R. Optical coherence tomography findings in Valsalva retinopathy. Am J Ophthalmol 2005;140(1):134-6. 5. De Maeyer K, Van Ginderdeuren R, Postelmans L, Stalmans P, Van Calster J. Sub-inner limiting membrane haemorrhage: causes and treatment with vitrectomy. Br J Ophthalmol 2007;91(7): 869-72. 18 Images en Ophtalmologie • Vol. I • n° 1 • octobre-novembre-décembre 2007